B- Revue de la littérature
Le phénomène d'attractivité territoriale
fait l'objet d'une abondante littérature théorique et empirique.
Mais en réalité, il n'existe aucun cadre théorique
unifié permettant de comprendre l'ensemble des facteurs explicatifs de
l'attractivité des territoires vis-à-vis des entreprises. En
effet, la conduite des recherches sur la problématique de
l'attractivité des territoires amène les théoriciens
à soulever certains questionnements tels que : « pourquoi certaines
entreprises s'implantent-elles sur un territoire plutôt que sur un autre
? » ; « qu'est ce qui distingue un territoire d'un autre et le rend
plus attractif ? » ; « Pourquoi certains territoires
antérieurement convoités par les entreprises sont aujourd'hui en
situation de perte de leur attractivité ? » En effet, L'une des
difficultés à laquelle se trouve confrontée l'entreprise
est celle de sa localisation dans l'espace. Marshall (1890) dans ses analyses
énonce quelques approches ouvrant les voies au positionnement de
l'entreprise dans l'espace. L'auteur attribut la localisation des
activités économiques dans le temps et l'espace à trois
principaux éléments : le premier est lié aux conditions
internes de production de l'entreprise, le second tient à l'organisation
même des systèmes territoriaux de production, et le
troisième est lié aux aspects externes à l'entreprise.
Jusqu'aux années 1980, l'économie spatiale
privilégiait deux explications de la localisation
des firmes dans l'espace (Kuiper et Paelinck, 1983) : une
explication objective et une autre subjective. L'explication objective est
fondée sur les coûts (coûts de transport, coûts du
travail
Mémoire de MASTER II : GOUVERNANCE LOCALE ET
ATTRACTIVITE TERRITORIALE DES ENTREPRISES : CAS DE LA VILLE DE
DOUALA
Par PEGUI Yannick Félix, Maître ès
sciences économiques 6
et/ou du capital (terrain)), les dotations factorielles
(disponibilité du travail et de terrains), les atouts naturels du
territoire, les dotations infrastructurelles particulières, les facteurs
historiques tels qu'une concentration antérieure d'activités
productives et les incitations fiscales et financières (Meunier et
Mignolet, 2004). A ces facteurs objectifs, la théorie de
l`économie spatiale ajoute la prise en compte de critères
subjectifs liés aux comportements et à la perception de l'espace
par les investisseurs (Grewal, 1988). Depuis la fin des années 1980, on
a assisté à la multiplication des applications et à
l'utilisation de nombreux instruments d'analyse de l'attractivité
territoriale.
Ainsi, les analyses de la nouvelle économie
géographique soulignent que l'intégration internationale et le
développement des infrastructures de transport tendent à
renforcer l'importance des grandes métropoles et à intensifier
les processus de polarisation et d'attraction des activités
économiques (Krugman, 1991). Pour l'auteur, au-delà des «
avantages de première nature », les choix de localisation des
entreprises peuvent être analysés à travers le prisme de la
présence des externalités pécuniaires et les
économies d'agglomération. Par ailleurs, certaines études
empiriques portant sur l'analyse des choix de localisation des entreprises
montrent que la présence des grands marchés de consommation et la
faiblesse des coûts de production dans un territoire sont autant de
facteurs qui expliquent l'attractivité du territoire vis-à-vis
des entreprises (Mayer, Mucchielli, 1999).
Dans le même temps, on observe par ailleurs un
glissement significatif des problématiques guidant les politiques
d'attractivité. En effet, les débats théoriques tendent
à mettre davantage l'accent sur la qualité de l'organisation du
système productif local (Courlet, Pecqueur et Soulage, 1993) et la
dynamique de la régulation locale (Pépin, Grosse, Guesnier
,2002). En effet, la qualité d'organisation d'un territoire
détermine son niveau d'attractivité. Dans les analyses des
facteurs de localisation des entreprises, les théoriciens de
l'économie industrielle et territoriale prennent en compte la dimension
productive de l'ensemble des relations (marchandes et non marchandes) entre les
différents acteurs d'un territoire. Depuis, de nombreux travaux ont
essayé d'étudier les territoires en combinant logiques de
marché (avec leurs aspects économiques) et logiques territoriales
et leurs aspects extra économiques (social, culturel, politique, ...).
Influencés par les travaux de Marshall (1890) sur les "Districts
Industriels", de nombreux concepts ont ainsi fait leur apparition. Le
"District Industriel Italien" avec, Becattini (1992), Garofoli (1981)
; le "Milieu Innovateur" avec Aydalot (1985) ; la "Gouvernance
Territoriale" avec Guesnier (2006) et le "Système Productif
Localisé" avec Courlet (2001).
Mémoire de MASTER II : GOUVERNANCE LOCALE ET
ATTRACTIVITE TERRITORIALE DES ENTREPRISES : CAS DE LA VILLE DE
DOUALA
C- Par PEGUI Yannick Félix, Maître
ès sciences économiques 7
Problématique
Abordant la question de la qualité de l'organisation
du territoire et ses conséquences sur le développement des
activités économiques, Bazin (1998, op.cit) mettait
déjà en exergue le rôle de la gouvernance locale dans la
formulation des politiques locales d'attraction des entreprises. Dans une
contribution ultérieure, Guesnier (2006, op.cit) analysant l'influence
de la gouvernance territoriale sur la dynamique des territoires à partir
d'une étude sur 22 régions métropolitaines et 348 zones
d'emploi en France, montre en quoi la gouvernance locale alliant marketing
externe et coopération interne entre acteurs peut renforcer
l'attractivité, indispensable pour le développement durable des
territoires.
La gouvernance locale connait aujourd'hui un succès
certain sur plusieurs territoires (cas des districts industriels italiens, les
milieux innovateurs et les systèmes productifs localisés en
France...). Par ailleurs, la trajectoire de la ville de Douala ne semble-t-elle
pas dépendre d'une organisation territoriale animée par une
gouvernance mixte privée-publique partenariale ? Surtout qu'aujourd'hui,
en matière de choix des sites de localisation des entreprises, la
qualité de l'organisation territoriale est de plus en plus prise en
considération par les investisseurs. Si les facteurs
géographiques économiques et financiers ne sont pas les seuls
déterminants qui influencent les décisions d'implantation des
entreprises sur un territoire, y a-t-il pas un ensemble d'autres facteurs
territoriaux (d'ordres institutionnels, de relations sociales, de
réseaux,...) qui impactent directement le niveau d'attractivité
des entreprises dans la ville de Douala ?
Toutefois, la modélisation du phénomène
de gouvernance locale comme l'un des déterminants de
l'attractivité territoriale des entreprises reste encore un champ pas
suffisamment exploré dans la littérature économique.
Pourtant, de telles modélisations devraient permettre de chercher une
explication respectivement à la forte ou faible attractivité de
certains territoires vis-à-vis des entreprises. Ce qui nous amène
dans ce mémoire à poser la question de recherche suivante:
Dans quelle mesure la gouvernance locale influence-t-elle
l'attractivité des entreprises dans la ville Douala?
D- Objectifs de l'étude
L'objectif de cette recherche est de montrer le lien existant
entre la dynamique de la gouvernance locale et le niveau d'attractivité
des entreprises dans la ville de Douala. Il s'agit par ailleurs de montrer
qu'au delà des facteurs d'ordres économiques, financiers et
socioculturels, la gouvernance locale en instituant un cadre de
coopération et de coordination entre les acteurs
Mémoire de MASTER II : GOUVERNANCE LOCALE ET
ATTRACTIVITE TERRITORIALE DES ENTREPRISES : CAS DE LA VILLE DE
DOUALA
Par PEGUI Yannick Félix, Maître ès
sciences économiques 8
locaux, permet de créer un environnement propice au
développement des entreprises. De manière spécifique :
y' Il est question de montrer dans ce mémoire qu'un
cadre territorial favorable sur le plan institutionnel et économique est
une condition nécessaire à l'attractivité des entreprises
;
y' Aussi, ce mémoire essaye de montrer que la dynamique
de la gouvernance dans la ville de Douala explique le niveau
d'attractivité des entreprises dans cette ville.
E- Hypothèses de recherche :
Le but principal de ce travail est d'enrichir et de prolonger
les réflexions jadis proposées notamment par Essombe Edimo (2005,
2007a, 2007b.), à travers une analyse de la relation entre la
dynamique de la gouvernance locale et le niveau d'attractivité des
entreprises à Douala. Pour atteindre les objectifs suscités, nous
formulons les deux hypothèses suivantes :
+ Première hypothèse : un
cadre territorial favorable sur le plan institutionnel et économique
favorise l'attractivité des entreprises.
+ Deuxième hypothèse :
l'évolution des créations d'entreprises à Douala est
liée positivement à la dynamique de la gouvernance locale dans
cette ville.
F- Cadre méthodologique de
l'étude
La méthodologie utilisée dans ce travail fait
recours à une approche à plusieurs étapes :
> Les recherches documentaires afin d'éclairer notre
argumentaire théorique : Elles ont porté sur l'examen d'articles
et d'ouvrages sur l'économie territoriale, le développement
local, l'économie des réseaux, l'économie de
proximité, l'économie industrielle, l'économie urbaine et
la gouvernance.
> Une analyse statistique des données primaires
collectées par nous même et des données secondaires (il
s'agit des données du recensement général des
entreprises5). En effet, l'analyse statistique des données
secondaires nous a permis de capter l'évolution des créations
d'entreprises à Douala et de déduire le caractère
attractif de la ville sur la période d'étude (1996-2009). Par
contre, la perception que nous avons de l'impact des facteurs de la gouvernance
locale sur
5 Publié en 2009 par l'institut national de la
statistique (INS) du Cameroun.
Mémoire de MASTER II : GOUVERNANCE LOCALE ET
ATTRACTIVITE TERRITORIALE DES ENTREPRISES : CAS DE LA VILLE DE
DOUALA
Par PEGUI Yannick Félix, Maître ès
sciences économiques 9
l'attractivité des entreprises à Douala est
captée a partir des interviews6 menées auprès
de quelques responsables territoriaux (politiques, économiques et
administratifs) de la ville de Douala.
> Une estimation économétrique de la fonction
d'attractivité à partir des moindres carrés ordinaires
(MCO), à l'aide du logiciel STATA 12, pour notamment évaluer
l'influence des facteurs de la gouvernance locale sur l'évolution du
taux de création d'entreprises à Douala. Le modèle
économétrique estimé, qui établit la relation entre
l'indicateur d'attractivité (évolution annuelle du taux de
création d'entreprises à Douala de 1996 à 2009) et les
variables explicatives d'ordre institutionnelles et économiques (la
croissance économique locale, la qualité du cadre
réglementaire, la taille du marché, le taux
d'alphabétisation...), s'apparente à celui de Sallez (1995),
(Pépin, Grosse et Guesnier, 2002).
|