INTRODUCTION GENERALE
L'homme est un « animal politique1(*) », dit Aristote.
Ce qui équivaut à dire qu'il est sociable ; et c'est cette
sociabilité qui lui permet de pouvoir s'intégrer dans une
société, ce pour pouvoir travailler à son organisation. A
ce titre, cela est possible grâce à une capacité de
rationalité dont il est doté et qui, du même coup, lui
permet de pouvoir se différencier de l'animal qui, lui, est soumis
à ses instincts. Cette capacité de rationalité permet
à l'homme d'accéder à ce que Rousseau
appelle « la perfectibilité2(*) », qui s'explique
par le fait qu'il a, dans sa manière de penser le social, une
possibilité de remettre en question son animalité,
d'améliorer de jour en jour sa condition de vie dans l'espace où
il évolue et de pouvoir prendre en considération ses
droits ; en d'autres termes, cette capacité de
perfectibilité lui donne le pouvoir de s'élever au-dessus de sa
condition originelle. C'est, en effet, ce désir d'amélioration
des conditions de vie dans la société qui pousse certains
philosophes contractualistes comme Thomas Hobbes dans
« Léviathan », John Locke dans
« Traité sur le gouvernement civil »
et Jean Jacques Rousseau dans son « Du contrat
social » , qui se sont révélés comme
de véritables « vir bonus, dicendi peritus 3(*)», à initier, dans
leur rhétorique, un ensemble de réflexions
philosophico-politiques sur la nécessité d'un contrat social,
c'est-à-dire la nécessité d'établir un
modèle de structuration sociale susceptible d'assurer une combinaison
harmonieuse entre les valeurs de l'état de nature avec celles
imposées par la société. Mais cette question de contrat
social n'est pas capable de résoudre définitivement la
problématique de la complexité de la relation des hommes dans la
société. L'adoption du contrat est l'objet de grandes
controverses.
Ainsi, si pour certains il s'agit d'un instrument de pouvoir
améliorer rationnellement la relation des hommes en
société, pour d'autres, la question du contrat social est une
mesure, dans une certaine mesure, de réduction de la liberté de
l'homme dans la société, d'autant qu'il ne pourra pas agir en
fonction de ses désirs, de sa volonté, mais en fonction des
desiderata des autres membres de la société à laquelle il
appartient. Car c'est à l'état de nature, d'après la
« philosophie rousseauiste », que l'homme jouit pleinement
et parfaitement de toute sa liberté. C'est l'exercice par chacun de
celle-ci qui conduit purement et simplement à l'égalité.
Contrairement à Rousseau, Hobbes pense qu'à l'état de
nature l'homme est traversé par un instinct de domination et de
conservation. Cela signifie que la société n'implique pas la
corruption de l'homme. De ce point de vue, il faut mettre en place une
entité morale neutre appelée à arbitrer la relation des
hommes entre eux et à garantir la cohérence de la
société, à prendre des décisions. Cette
entité n'est autre que l'Etat. En revanche, ces décisions prises
par ce dernier doivent refléter les aspirations de la conscience
collective. Ce processus de la prise de décisions par l'Etat
relève, d'une part, d'une manière d'endosser ses
responsabilités en établissant un environnement propice à
la prise en compte du bien-être collectif ; d'autre part, cela est
lié aussi à une dimension d'institutionnalisation d'un certain
nombre de principes lui permettant non seulement de pouvoir assurer la
cristallisation de certains objectifs d'intérêt commun, mais
surtout d'instituer une ère de bien-être, et un climat de
protection en vue de contribuer à la construction d'un édifice de
confort pour la vraie manifestation de la dignité de la personne humaine
dans la société. D'où l'idée de l'instauration d'un
véritable climat propice à la prise en considération des
Droits de l'Homme.
L'idée des Droits de l'Homme, bien que
problématique tant sur le plan politique que philosophique, est devenue
un pôle d'attraction de la pensée intellectuelle moderne et une
référence presque incontournable pour toute société
qui se veut démocratique et libérale. En effet, le souci de
contribuer à la propagation et à l'évangélisation
de cette idée est une réponse logico-rationnelle à la
situation de violence dont les individus sont l'objet, malgré la
présence de l'Etat détenant, aux dires de Max
Webber « le monopole de la contrainte physique
légitime4(*) », dans la société de la
part des groupes, des organismes politiques. Dans cette même logique,
Georges Morel avance en disant qu'il faut : « supprimer
dans toute la réalité publique les discriminations et les
dominations, travailler à rendre tous les hommes libres, égaux et
fraternels5(*) ».
Cependant, de l'avis de Jean-Marie Domenach, l'idée des Droits de
l'Homme est l'expression de la non acceptation de
« l'individualisme égoïste, destructeur de la vie
civique6(*) », dans la mesure où celle-ci
est caractérisée par le sens du bien commun, et la prise en
compte des besoins et des aspirations de la collectivité. D'ailleurs,
cela est à l'origine même de la création de l'Etat qui doit
incorporer, dans ses buts et revendications, les Droits de l'Homme,
invoqués pour assurer la défense de l'humanité dont
l'homme est porteur contre les agressions de l'Etat ou tout autre groupe.
Devenue une grande préoccupation pour la pensée
politique moderne, la question de protection et de prise en compte de
manière effective de la personne humaine semble ne pas relever de la
responsabilité d'une catégorie de gens déterminée,
d'une société donnée ou d'un pays spécifique, mais
de la responsabilité morale de toutes les sociétés
humaines, de tous les pays qu'ils soient développés ou sous
-développés. Cette prise en compte de la dignité de la
personne humaine en prônant la question des Droits de l'Homme, comprise
comme possibilité certaine d'accessibilité à une meilleure
condition de vie, se révèle surtout comme une garantie contre les
risques que peuvent engendrer les inégalités sociales. En effet,
cette idée de la prise en compte de la valeur du citoyen dans la
société se manifeste dans de nombreux textes internationaux.
C'est le cas de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789 en France. Cette Déclaration est porteuse d'une revendication
sociale susceptible de vouloir réorganiser rationnellement la
société française à cette époque. Sans doute
constitue-t-elle, par l'émission de ses rayons de lumière, l'un
des symboles annonçant la fin de l'asservissement de l'homme. Elle a
été renforcée, par la suite, par la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme de 1948 qui a marqué non seulement une
nouvelle étape dans l'histoire des Droits de l'Homme en leur
conférant une dimension universelle, mais encore elle a donné le
« coup d'envoi » de la juridicisation des Droits de
l'Homme. En outre, elle favorise la prise en charge par la communauté
internationale de ces derniers à travers la mise en place d'un certain
nombre d'institutions qui doivent présider à la
préservation des principes émis par cette déclaration.
Parmi ces institutions se trouvent, entre autres, le Conseil des Droits de
l'Homme, le Haut commissariat aux Droits de l'Homme et la Cour Pénale
Internationale.
Il faut souligner, toutefois, que les Droits de l'Homme sont
devenus un terrain de disputes et de contradictions, et aussi menacés de
discrédits. Car leur concrétisation requiert non seulement
l'établissement d'un Etat de Droit, mais aussi une prise en compte de
certaines différenciations culturelles. Par contre, l'Etat de Droit,
pour son plein établissement et surtout son respect, exige la force. Ce
qui ne fait qu'allumer la flamme, qui ne fait que surgir le problème,
d'autant que tout recours à une force entraine des violations. De ce
fait, la notion des Droits de l'Homme est une notion d'une fragilité
extrême dans son application d'un pays à un autre
dépendamment de la politique, ou de la stratégie qu'on met en
place.
En effet, la Convention Européenne des Droits de
l'Homme en 1950, dans le cadre du Conseil de l'Europe, établie par la
Cour Européenne des Droits de l'Homme, reconnait à tout individu,
quand ses droits sont piétinés par un Etat ayant ratifié
la convention, le droit de porter plainte par devant cette cour contre cet
Etat. Ainsi, Haïti, éprouvée ce même désir de
protection de la dignité de ses filles et fils, et ayant ratifié
un certain nombre de traités et de conventions dans le domaine des
Droits de l'Homme, ne saurait pouvoir échapper au respect de ces
derniers, voire les fouler au pied. A ce titre, elle doit faire en sorte que
ses sujets soient protégés contre un ensemble de pratiques dans
la société haïtienne.
Toutefois, en observant avec une attention soutenue
l'évolution de la situation des Droits de l'Homme en Haïti, compte
tenu de l'intention manifeste de la part des organismes des droits humains tant
sur le plan national qu'international présents dans ce pays pour assurer
le respect de ces droits, on voit qu'il y a une sorte d'incohérence
conjuguée d'une cassure déconcertante entre les discours
construits autour du concept des Droits de l'Homme et la réalité
de la situation des conditions de vie de la grande majorité de la
population haïtienne. En clair, la question des Droits de l'Homme en
Haïti s'inscrit dans une dynamique de violations fréquentes. L'Etat
est incapable non seulement de respecter la dignité morale de
l'être haïtien, c'est-à-dire la rationalité et la
liberté de ce dernier, mais surtout l'Etat haïtien n'est pas en
mesure de construire des stratégies devant lui permettre de freiner
cette dynamique de violence dans laquelle évoluent les Droits de
l'Homme.
Cette situation de violation des droits des citoyens
haïtiens est due à un problème d'application réelle
des Droits de l'Homme en Haïti. Attiré par un souci de recherche
d'une explication cohérente et rationnelle de ce problème, on a
jeté le dévolu sur ce sujet : « Les
Droits de l'Homme et les difficultés de leur application en
Haïti ». Et cette situation nous pousse aussi à
poser certaines questions : sur quoi se fondent les difficultés
d'application des Droits de l'Homme en Haïti ? Pourquoi l'Etat,
signataire d'un ensemble d'instruments internationaux relatifs aux Droits de
l'Homme, n'arrive pas à garantir ou protéger les prescrits
incorporés dans les textes ? La question des Droits de l'Homme
peut-elle se réaliser sans une prise en compte du fonctionnement de la
société ? Y-a-t-il un problème de structures ou de
volonté politique ?
En vue de répondre à de telles interrogations,
nous avons formulé l'hypothèse qui
suit : « Les difficultés d'application des
droits de l'homme en Haïti se fondent sur des facteurs politiques,
économiques, sociaux et culturels ».
En traitant ce sujet, nous poursuivons les objectifs
suivants :
- Dépister les problèmes qui font obstacle
à une concrétisation réelle de l'application des Droits de
l'Homme en Haïti ;
- Montrer que les cas de violation grave des Droits de l'Homme
en Haïti sont fonction de la vulnérabilité de l'organisation
de la société, des structures étatiques et de notre
situation de sous-développement caractérisé par une
misère absolue à laquelle fait face la grande partie de la
population haïtienne, par voie de conséquence, handicap majeur
à l'instauration d'un environnement propice aux Droits de l'Homme,
à la démocratie et à l'Etat de droit ;
- Proposer des mesures palliatives en vue de colmater les
brèches qui sont de nature à fragiliser une mise en application
réelle des Droits de l'Homme en Haïti.
A la recherche d'une confirmation non seulement de
l'hypothèse, mais aussi d'atteindre les objectifs de notre
mémoire, nous avons privilégié, dans le cadre de notre
travail, tout un ensemble de méthodes en vue de pouvoir mieux cerner la
portée du sujet. Car la méthode, elle est saisie par Grawitz
comme « est un moyen de parvenir à un aspect de la
vérité, de répondre plus particulièrement à
la question comment7(*) ». Vu que l'une ou l'autre
méthode n'est pas suffisante par elle-même, c'est-à-dire
l'une complète l'autre, nous avons envisagé : l'approche
historique, celle qui nous a permis de saisir le contexte d'émergence
dans lequel les Droits de l'Homme sont apparus. En outre, on a adoptée
la méthode analytique, laquelle nous offre la possibilité de
confronter les Droits de l'Homme par rapport à la réalité
sociopolitique en Haïti. La méthode comparative a été
également mise en valeur pour dresser une comparaison tant sur le plan
international que national au niveau de l'application des Droits de l'Homme.
Enfin, a été utilisée, dans notre travail, la
méthode dialectique. En effet, selon Madeleine Grawitz la dialectique
est « la plus complète, la plus riche, la plus
achevée des méthodes conduisant à l'explication en
sociologie. Elle part des contradictions qui nous entourent8(*) ». Cette méthode
nous permet de saisir dialectiquement la dynamique dans laquelle s'inscrit
l'évolution des Droits de l'Homme en Haïti par rapport à la
réalité sociopolitique.
Ce travail, à la recherche d'une compréhension
rationnelle et logique des difficultés d'application des Droits de
l'Homme en Haïti, et en vue de proposer des mesures susceptibles de
favoriser l'application de ces derniers, nous l'avons élaboré en
deux grandes parties, quatre chapitres, huit sections et seize sous-sections.
La première partie, se subdivisant en deux chapitres, s'attache, d'une
part à faire un tour d'horizon de l'histoire des Droits de l'Homme dans
le temps et dans l'espace, et à saisir les Droits de l'Homme dans leur
dimension épistémologique ; d'autre part, à faire
aussi une mise au point relative aux mécanismes qui concourent à
la protection des Droits de l'Homme. Pourtant, la deuxième partie,
comportant elle aussi deux chapitres, s'inscrit dans une dynamique rationnelle
d'explication et de compréhension des difficultés liées
à l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Elle vise
également à faire état de la situation de violation des
Droits de l'Homme en Haïti, et à proposer des mesures à
adopter pour favoriser une application efficace et cohérente de ces
derniers.
PREMIERE PARTIE
LES FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS
DE L'HOMME
Les Droits de l'Homme, concept d'une singularité
nuancée de part son extensibilité sémantique, constituent
l'achèvement d'un système de valeurs, de principes
généreux et l'aboutissement d'une évolution inscrite dans
le frontispice de l'histoire de la philosophie où ils puisent leur
véritable point d'ancrage. Cela équivaut à dire que la
question des Droits de l'Homme est l'émanation d'un processus politique
et historique et d'une prise de conscience de l'homme en sa dignité.
Dans l'objectif de pouvoir opérationnaliser et préserver cette
philosophie articulée autour de la prise de conscience de la
dignité de l'homme, on a procédé à la mise en
évidence de tout un ensemble de mécanismes.
CHAPITRE I
LA CONTEXTUALISATION HISTORIQUE ET THEORIQUE DES DROITS
DE L'HOMME
La culture occidentale est celle, par sa grandeur, qui a
exercé une fascination sur l'histoire de la pensée des
philosophes de l'antiquité dont l'écho continue, jusqu'à
présent, à retentir dans le tympan des hommes de nos jours.
Comprendre le contexte d'émergence des Droits de l'Homme exige que l'on
prenne en compte tout un ensemble d'idées qu'il convient de
sérier avec sérieux, lesquelles constituent un premier
élément de leur explication. Ces idées sont inscrites dans
une catégorie historique, c'est dire que les Droits de l'Homme ne
relèvent pas d'une catégorie intemporelle. Et donc, ils sont le
produit de l'histoire.
SECTION 1: LA CREATION DE LA NOTION DES DROITS DE
L'HOMME
Le contexte historique de l'apparition des Droits de l'Homme
est lié à un ensemble de conditions, c'est-à-dire une
série d'idées philosophiques dont les racines remontent à
un passé lointain. Il est vrai que ces idées remontent
très loin dans le temps, mais cela n'empêche certainement pas
à certains chercheurs, en particulier ceux oeuvrant dans le domaine des
Droits de l'Homme, de repérer et de préciser des dates
essentielles marquant l'histoire de ces derniers.
A- Les conditions de l'émergence des droits de
l'homme
Les Droits de l'Homme, dit Danièle Lochack, ne sont pas
« une catégorie intemporelle9(*) ». Ce qui revient
à dire qu'ils doivent être envisagés comme s'inscrivant
dans une catégorie historique, donc ils ont une histoire qui occupe une
place importante dans l'histoire culturelle des sociétés
occidentales. Le concept des Droits Humains connait ses grandes manifestations
dans une lente maturation de la pensée politique et philosophique dans
l'Europe du XVIIe et du XVIIIe siècle. Dès lors, c'est l'un des
concepts qui ne cesse de bouleverser, en grande partie, toute la pensée
occidentale, malgré certains paradoxes et mésententes qu'il
provoque. On dirait que c'est un concept qui sème la terreur dans
l'esprit même les plus intelligents. Un fait est certain, c'est que les
Droits de l'Homme ne sont pas créés par l'effet de la main
capricieuse du hasard, dans la mesure où ils sont une réponse
à une nécessité de prendre en considération
l'humanité dont chaque être humain, sans discrimination aucune,
est porteur.
En effet, dans toutes les cultures du monde, il y a toujours
une tendance à vouloir développer des conceptions d'un ordre
supérieur, basées soit sur la nature, soit sur la religion. En
essayant d'interroger la réalité sociopolitique, de nouvelles
formes de légitimation de pouvoir sont nées. De ce fait, les
dirigeants ne peuvent plus gouverner arbitrairement, ils doivent non seulement
répondre de leurs actions politiques, mais encore inscrire leurs actions
dans une perspective de la rationalisation dans la gestion de la Res
Publica « de la chose publique10(*) »,
c'est-à-dire de tout le monde.
D'emblée, aborder la problématique des Droits de
l'Homme revient non seulement à mettre l'emphase sur une série de
dates, mais surtout on doit considérer qu'ils ont été le
résultat d'une philosophie orientée vers la prise en compte,
aussi difficile que cela puisse être, la situation des gens dans la
cité. Pour ce faire, il y a, entre autres, trois sources qui
méritent d'être considérées : biblique,
littéraire et philosophique.
1- Les sources bibliques
Dans cette entreprise, gigantesque bien sûr, qui
consiste à trouver ou à construire une explication susceptible de
pouvoir mieux approcher l'origine des idées des Droits de l'Homme, on a
pu faire ressortir cet élément : celui de la bible. Les
premières idées bibliques de reconnaissance de l'importance de
l'autre, des droits essentiels de l'homme, c'est-à-dire les droits
fondamentaux inhérents à la nature de la personne humaine,
apparaissent, particulièrement dans le texte de « Dix
commandements 11(*) ». L'un des principes phares que l'on
y trouve, c'est « tu ne tueras point 12(*)». Cela traduit bien une
illustration éloquente du respect de la vie de l'autre, et donc le
caractère sacré de la vie. En outre, on retrouve aussi cet aspect
dans les textes de St Paul à travers l'épître aux
corinthiens où il parle de l'homme vierge à qui il faut accorder
protection, c'est-à-dire que l'on doit indubitablement respecter sa
dignité.
2- Les sources philosophiques
La philosophie antique, marquée particulièrement
par trois grands piliers : Socrate, Platon, Aristote, constitue un des
moments forts dans le processus de compréhension des idées-
forces de l'origine des Droits de l'Homme. En effet, les droits naturels ou
droits intrinsèques à l'homme sont explicitement posés
chez Platon. Il pose, dans sa démarche philosophique, la question de la
valeur intérieure de l'homme qu'il faut protéger.
Il n'y a pas que Platon à vouloir défendre la
dignité de l'homme, il faut mentionner également Marc-Aurel qui,
d'ailleurs, a repris la démarche de Platon, et l'apport de
l'école de pensée des stoïciens. De cette même
logique, il ne serait pas superfétatoire de faire mention d'Emmanuel
Kant, celui dont la philosophie est, sans conteste, une contribution non
négligeable à la propulsion de l'idée du respect des
Droits de l'Homme. Pour lui, « l'humanité est par
elle-même une dignité : l'Homme ne peut être traite par
l'homme comme un simple moyen, mais il doit toujours être traité
comme étant une fin13(*) ». Cette approche indique, sans
ambigüité, son degré de sensibilité pour le respect
de la dignité de la personne humaine. D'ailleurs, il est
généralement considéré comme un penseur
incontournable des Droits de l'Homme. Ce sont, en quelque sorte, des
éléments assez importants dans le processus d'élucidation
philosophique en matière de la mise en valeur de ces droits. Cela allait
même constituer la base de presque toutes les interventions dans ce
domaine au plan international pour justifier la valeur de la prise en
considération de la dignité de l'homme dans la cité. Et
aussi, cela a provoqué une étonnante accélération,
sur la scène internationale, de l'évolution des Droits de
l'Homme.
3- Les sources littéraires
La dimension littéraire que l'on retrouve dans
l'explication des idées relatives aux origines des Droits de l'Homme est
mentionnée dans la pièce de théâtre Antigone de
Sophocle14(*). Cette
pièce, fruit de la littérature de la Grèce antique, est
une tragédie qui a célébré la loi
démocratique contre les anciennes organisations religieuses et
aristocratiques. D'ailleurs, ce texte est considéré par Philippe
Granarolo comme « précurseur des Droits de
l'Homme 15(*)». C'est dans cette même veine que Adel
Hakim avance : « Malgré une fuite
effrénée des âmes vers la folie et l'anéantissement,
la pièce de Sophocle est un chant d'amour et d'espoir, une symphonie des
sentiments, un météore précieux et brillant
incrusté dans le noir du ciel qui semble vouloir l'ombre même de
la mort, en attisant notre gout pour lutte et pour la vie16(*) ». A cet
égard, il est tentant de considérer ce passage comme un cri de
coeur en la croyance de la valeur de la vie comme quelque chose de
sacré. Car la philosophie même des Droits de l'Homme s'inscrit
dans cette dynamique de la croyance en la dignité humaine.
Par ailleurs, la dimension littéraire en ce qui
concerne les sources explicatives dans la manifestation des droits de l'homme
se montre dans le surréalisme, mouvement littéraire du
20e siècle, vu que son objectif, fixé par André
Breton, dans son premier « Manifeste du
surréalisme »(1924), est « la
réalisation de l'égalité entre homme et
femme17(*) » à travers deux
slogans : « changer la vie et
changer le monde ». Cet objectif, en effet, fait
apercevoir une dimension marxiste, celle qui vise le bonheur, et
l'horizontalité entre les hommes dans la vie sociale. Tout individu a
des potentialités, les mêmes chances de réussite, il ne
faut pas qu'il y ait un groupe d'hommes particulier prétendant
être mieux placés pour dominer un autre groupe jugé en
position inferieure. De ce fait, il va de soi que la philosophie vers laquelle
tend ce mouvement littéraire, à savoir « Le
surréalisme » se rejoint à celle prônée
par les apôtres des Droits de l'Homme, surtout les apôtres
marxistes. D'ailleurs, lors de la révolution bolchevique18(*), les surréalistes se
retrouvaient, pour manifester leur adhésion à la philosophie de
celle-ci, aux cotés des communistes, camp de la résistance.
B- L'histoire des Droits de l'Homme
La question des Droits de l'Homme ne se réduit donc pas
seulement à la prise en compte des sources, qu'elles soient bibliques,
philosophiques, littéraires ou autres, mais il y a aussi de grands
textes, adoptés dans des moments particuliers, constituant des socles
incontournables dont on doit tenir compte en matière de l'histoire des
Droits de l'Homme. En fait, ces moments ne sont que l'expression d'une prise de
conscience de l'importance des Droits de l'Homme. A part leur histoire, il
importe de mentionner que les Droits de l'Homme se répartissent en
catégorie, c'est-à-dire qu'on les met dans une classification
permettant de mieux les saisir par ordre d'importance.
1- Les grands moments et les grandes dates
internationaux des Droits de l'Homme
D'entrée de jeu, on a recourt
généralement à un ensemble d'expressions, inscrites dans
un contexte historique bien déterminé, ayant de grandes valeurs
sur le plan sémantique quand on aborde la question des Droits de
l'Homme : « Ne ris pas d'un aveugle, ne taquine pas un
nain, l'étranger a droit à l'huile de ta jarre,
etc. ». On fait remonter ces expressions très loin dans
le temps dans un texte datant des siècles. Ces expressions, à
bien interpréter, traduisent non seulement l'obligation morale de
partager avec les autres ce que l'on a, mais aussi l'idée de respect des
autres avec leurs qualités, ou leurs défauts.
Il y a trois générations de textes, selon M.
Dumais19(*), qui, sur le
plan international favorisent historiquement l'extension des droits de l'homme.
La première génération remonte aux premières
déclarations telles que la Magna carta en 1215 (en Angleterre), la
procédure en Habeas corpus en 1679, le Bill of rights en 1689, la
Constitution du Généralat Pascal de Paoli en Corse20(*) en 1755, la Déclaration
de l'Indépendance Américaine en 1776, la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen en France en 1789. Cette dernière
demeure le symbole de la revendication parvenue au faîte des droits de
la personne humaine. Cette Déclaration postule comme principe
cardinal : le droit à la vie et les divers droits civils et
politiques. La deuxième génération de texte s'inscrit
surtout au XXe siècle, depuis la révolution russe de 1917 qui
consacre un ensemble de droits sociaux : travail,
rémunération, protection sociale. La troisième se rattache
à l'article 28 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme de 1948, relatif à l'ordre social et international ; elle
vise les droits dits collectifs : indépendance, paix,
développement.
Dans cette perspective, il y a, pour paraphraser Monique
Dumais, deux idées cardinales dans la conception des Droits de l'Homme
qui ne sont pas contradictoires, mais qui laissent transparaitre une certaine
nuance. D'abord, la première idée postule le principe
d'immutabilité et la permanence de la nature humaine,
indépendamment de son origine, de sa condition sociale ou de son milieu.
Cette conception, résultée du droit naturel, est fort
ancienne : elle remonte aux débuts du christianisme et jusqu'aux
oeuvres de l'antiquité. Jacques Maritain affirmait que l'idée du
droit naturel est un héritage de la pensée chrétienne et
de la pensée classique. Cette idée ne remonte pas à la
philosophie du XVIIIème siècle qui l'a plus ou moins
déformée, mais à Grotius, et plus loin dans
l'antiquité grecque avec Cicéron. Il s'agit là des droits
classiques ou traditionnels qui se trouvent rattachés à l'essence
de tout être humain. Ensuite, il y a une autre représentation de
ces droits qui vise la réalisation concrète des facultés
incluses dans les droits naturels. L'expression « droits
sociaux » permet de rendre compte que l'être humain se
réalise dans les multiples rapports sociaux dans lesquels il est
engagé et que l'Etat a des devoirs dans le processus de la
concrétisation de ces droits. Ce qui requiert la création d'un
environnement propice à l'Etat de droit. Dans les démocraties
libérales et socialistes, on déploie des efforts
considérables pour garantir le respect des droits civils et politiques
des populations.
2- La classification des Droits de l'Homme
Il peut paraitre étonnant et superfétatoire de
vouloir établir une catégorisation, c'est-à-dire une
classification, ou du moins une hiérarchisation des Droits de l'Homme
dans la mesure où il est, sur le plan philosophique, difficilement
concevable d'accorder une importance fondamentale à une liberté
par rapport à une autre. Toutefois, il est une exigence logico
méthodologique de procéder à une catégorisation des
Droits de l'Homme. La catégorisation de ces derniers traduit
l'idée de l'hétérogénéité des Droits
de l'Homme qui consiste à fragiliser leur capacité comme notion
ou catégorie juridique, tout est fonction de la situation
socioculturelle dans laquelle ils vont s'appliquer. Car chaque pays est
habilité à choisir les droits humains qui sont prioritaires en
fonction de la nature de son développement.
En réalité, cet exercice de
catégorisation des Droits de l'Homme met en évidence deux
positions théoriques différentes, développées par
le professeur Patrice Meyer-Bisch21(*) : la théorie de
l'ultra-libérale et la théorie sociale-étatiste. Pour la
première théorie, seuls les droits civils et politiques sont des
Droits de l'Homme à part entière. Par contre, pour la seconde,
les droits économiques, sociaux et culturels passent avant les autres,
puisqu'ils les conditionnent. Pour la communauté internationale, les
droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux sont
indivisibles et interdépendants. Toutefois, cette dichotomie
théorique semble ne pas pouvoir résoudre ce problème.
C'est pourquoi, toujours dans la logique de mieux saisir les droits de l'homme,
on recourt à la théorie des générations des Droits
de l'Homme. La mise en évidence de cette théorie se justifie par
le fait que ces derniers n'occupent pas le même rang, ou n'impliquent pas
le même degré de responsabilité. Les Droits de l'Homme se
repartissent en trois générations.
La première génération des Droits
de l'Homme
La première génération des Droits de
l'Homme se retrouve inscrite dans la déclaration française de
1789 ou celle du Bill of Right américain. Cette première
catégorie se retrouve confinée dans les droits civils et
politiques : le principe d'égalité, la liberté
individuelle (l'absence des mesures arbitraires de la part de l'Etat, la
liberté d'aller et venir, les garanties dans la répression
pénale), la protection du domicile, de la correspondance, de la vie
privée, la liberté de l'information, la liberté d'opinion,
la liberté d'association, la liberté de réunion, etc. Pour
assurer le respect des libertés, on met le plus en évidence une
abstention de l'Etat.
La deuxième génération des Droits de
l'Homme
La deuxième génération des Droits de
l'Homme concerne les droits économiques, sociaux, et culturels qui, eux,
contrairement à la première génération,
réclament l'intervention de l'Etat de manière à assurer
leur garantie. Ils comprennent la liberté syndicale, le droit au
travail, le droit à la sécurité sociale, le droit à
la formation professionnelle, le droit à un niveau de vie suffisant, le
droit à la santé, le droit à l'éducation.
La troisième génération des
Droits de l'Homme
La troisième génération des Droits de
l'Homme, on l'appelle aussi droit de solidarité, est issue d'une prise
de conscience concernant un certain nombre de problèmes dont la
résolution requiert la mobilisation de la solidarité de tout le
monde. De fait, cette génération traduit une nouvelle
façon de voir la vie en communauté dont la réalisation
réclame la conjugaison des efforts de tous les participants de la vie en
société : individus, Etats, autres entités publiques
ou privées. Cette génération englobe un ensemble de droits
qui sont : droit à un environnement décent, droit à
l'eau potable, droit à la paix, droit au développement, etc.
Autrement dit, la troisième génération des Droits de
l'Homme permet d'assurer ce que l'on appelle aujourd'hui la qualité de
vie.
Ces trois générations des Droits de l'Homme se
retrouvent dans une relation de complémentarité, dès
l'instant que les droits civils et politiques ont une influence sur les droits
sociaux et culturels. Et la concrétisation des droits de la
troisième génération est fonction en grande partie des
deux premières générations.
Il est intéressant de souligner, au passage, que la
théorie des générations des droits de l'homme est une
théorie imposée par le modèle occidental, qui n'est pas
forcément susceptible de pouvoir être appliquée dans toutes
les sociétés. Les pays sous-développés peuvent se
retrouver dans l'impossibilité de mettre en application ce modèle
occidental. D'ailleurs, il revient au pays de définir les
critères des Droits de l'Homme qui sont prioritaires en fonction de la
nature de son développement. Selon cette théorie, la
classification des Droits de l'Homme en génération ne convient
pas pour tous les pays. L'application de ces catégories de Droits de
l'Homme en Haïti se révèle éminemment
problématique dans la mesure où elles sont l'émanation de
la culture occidentale, et de plus, Haïti est un pays
sous-développé. Et qui dit sous-développement dit obstacle
au respect des Droits de l'Homme. Aussi cela n'est-il pas cause de nombreux cas
de violations de ces derniers que l'on a enregistrés et que l'on
continue à enregistrer encore dans le pays.
Par ailleurs, il faut considérer aussi la nature du
régime politique du pays suivant qu'il est socialiste ou capitaliste
dans la détermination des priorités à accorder à
telle ou telle génération des Droits de l'Homme. A cet effet, la
priorité d'une génération par rapport à une autre
peut connaitre de variations d'un Etat à un autre. Ainsi, s'agissant
d'un Etat capitaliste, il s'attache surtout au respect des droits civils et
politiques, tandis que pour les sociétés à régime
socialiste les droits économiques, sociaux et culturels doivent
être priorisés, ce qui nous permet d'évoquer les fondements
idéologiques et théoriques des Droits de l'Homme.
SECTION 2. LES FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET THEORIQUES
DES DROITS DE L'HOMME
Pour appréhender les Droits de l'Homme, il n'y a pas
une méthode universellement admise, vu qu'il est très difficile
de les circonscrire dans une catégorie théorique
déterminée. En effet, les définitions qu'on leur attribue
font toujours l'objet de bon nombre de mésententes paradigmatiques. Et
cela est aussi dû au fait qu'ils comportent une forte dimension de
transversalité et de complexité. Ainsi, selon une
définition qu'offre PNUD, les Droits de
l'Homme : « sont des droits dont disposent toutes les
personnes, en vertu de leur condition humaine, pour vivre libres et dans la
dignité. Ces droits confèrent à chacun des créances
morales sur le comportement des autres individus, ainsi que sur la structure
des dispositifs sociaux. Ils sont universels, inaliénables et
indivisibles22(*) ». Cette définition est loin de
pouvoir calmer les esprits. Car il y a d'autres théories qui essayent,
bien avant cela, de les définir. Ces théories résultent
de la philosophie du droit. Celle-ci se porte, d'abord sur l'opposition de
deux courants théoriques : les théories du droit naturel et
celles du positivisme, qui se résument en ce qu'on appelle les doctrines
des Droits de l'Homme. Et ensuite, elle concerne les conceptions fondamentales
modernes des Droits de l'Homme.
A- Les doctrines des Droits de l'Homme
Les doctrines des Droits de l'Homme mettent en évidence
ce que l'on appelle généralement la philosophie du droit. Et
c'est cette dernière qui, à son tour, fait appel à deux
grandes tendances ou deux théories : théories du droit
naturel et théories du positivisme, qu'il faut, de toute
évidence, mettre en exergue. Cela répond, d'ailleurs, à
souci de compartimentation épistémologique.
1- Les théories du droit naturel
Les théories du droit naturel ne sont pas
tombées du ciel comme de la manne. Elles correspondent à une
longue étape de la pensée juridico-philosophique de
l'antiquité. Plus concrètement, la question du droit naturel tire
son titre de noblesse, à bien des égards, dans l'Antigone de
Sophocle en avançant que, pour justifier sa désobéissance
à l'égard de l'édit de Créon pour avoir
donné à son frère une
sépulture : « Je ne pensais pas qu'il eût
assez de force, ton édit, pour donner à un être mortel le
pouvoir de violer les divines lois non écrites que personne ne peut
ébranler. Elles ne sont pas d'aujourd'hui, ni d'hier, mais elles sont
éternelles, et personne ne sait quel est leur auteur passé
profond23(*).»
Cicéron (Republica). Par ailleurs, la réflexion de Socrate,
personnage emblématique de la philosophie grecque, a irrigué
cette philosophie du droit naturel en réagissant contre le
matérialisme positiviste des sophistes. D'ailleurs, cette
réaction allait lui coûter la vie. D'autres disciples de Socrate
ont pu emboîter le pas en interprétant sa pensée dans de
sens différents. Ces disciples de Socrate sont : Platon, Aristote.
Entre ces deux piliers de la philosophie antique, il y a une cloison
étanche. En effet, Aristote considère que la nature, oeuvre d'un
Dieu créateur, obéit à un ordre rationnel. En ce sens, il
doit exister une harmonie entre la loi et la nature. Ainsi la loi doit-elle
découler, non d'un sentiment intérieur, mais d'une observation
intelligente de l'ordre naturel, supposé rationnel. Cette approche sera
reprise par saint Thomas d'Aquin dont la conception est
que : « La loi naturelle est le reflet de la loi
divine 24(*)». De là se dégage l'idée de
droit naturel positif.
Cependant, il y a d'autres philosophes dont Platon, qui
semblent ne pas vouloir s'adhérer à cette approche. Pour lui, la
loi vient de la nature de l'homme. Elle lui est édictée par la
droite raison, c'est-à-dire parce qu'il y a de divin en chaque individu.
Supérieure à l'homme, elle ne lui est pas
étrangère. Se mêlant à d'autres dont le
stoïcisme, la philosophie platonicienne aura non seulement une très
grande diffusion dans le monde antique, mais aussi, influencera Cicéron
lorsqu'il a précisé que « une loi vraie, c'est la
droite raison, conforme à la nature, répandue dans tous les
êtres. » D'où le droit naturel subjectif.
En effet, le droit naturel subjectif postule l'idée,
dans un sens restreint, d'un ensemble de règles qui se trouvent
inscrites dans la nature humaine, c'est-à-dire qu'elles font
entièrement partie du patrimoine génétique de
l'humanité tout entière et sont inscrites aussi sur la carte
chromosomique de tout être humain ; et donc, de toute
évidence, méritent d'être prises en considération
ces règles. Autrement dit, il s'agit des droits qui existent
indépendamment de toute intervention des acteurs juridiques, des droits
qui découlent directement de l'ordre du cosmos ou de la nature humaine.
Les droits naturels sont des droits qui dérivent de la nature de l'homme
sans prendre en considération sa race, sa position sociale, sa
nationalité et son ethnie. Cela semble, d'ailleurs, se résumer
dans les trois préceptes d'Ulpien, jurisconsulte de la Rome
impériale, à savoir : Honeste viviere (vivre dans la
dignité) ; neminem laedere (ne faire de tort à personne,
c'est le principe de la personnalité) ; suum cuique tribuere
(à chacun le sien, respecter les droits individuels25(*)).
A part cela, d'autres formulations du concept de droit
naturel, sur le plan d'idées, viennent de l'école de Salamanque,
et ont ensuite été reprises et reformulées par les
philosophes contractualistes : Thomas Hobbes, John Locke, Jean Jacques
Rousseau, etc. D'où la position théorique qui prédomine
dans le domaine des Droits de l'Homme. Toute la question des Droits de l'Homme
gravite autour d'elle, à savoir une compréhension subjectiviste
de la théorie du droit naturel.
Outre cela, le droit naturel étant supposé
exister partout même s'il n'est pas effectivement appliqué et
sanctionné, il n'est donc pas nécessairement un droit opposable;
étant fondé sur la nature humaine et non sur la
réalité sociale dans laquelle vit chaque individu, le droit
naturel est réputé universellement valable même dans les
lieux et aux époques où il n'existait aucun moyen concret de le
faire respecter. Cette universalité s'inscrit dans une dynamique de
reconnaissance de manière réelle et non discriminatoire de la
dignité inhérente à tout être humain. D'ailleurs,
cette universalité des Droits de l'Homme constitue la véritable
boussole des Nations Unies.
Cette conception théorique du droit est,
historiquement, l'émanation de la pensée de la civilisation
occidentale moderne. Il y a plusieurs auteurs qui sont à la base de la
mise en évidence de cette conception du droit. Parmi lesquels se trouve
le philosophe néerlandais Hugo Grotius (1583-1645). Il est souvent
considéré comme l'un des fondateurs du droit naturel moderne. Il
est aussi le premier philosophe à avoir étudié cette
question en rapport avec le droit international et le droit du commerce,
à une époque où le commerce maritime se développait
considérablement. Il y a un philosophe, très influencé
par Grotius, qui s'est penché sur cette question : Samuel Von
Pufendorf.
Toutefois, malgré toute l'importance de la conception
du droit naturel subjectif, elle a été fortement
critiquée. Généralement, les critiques qui lui sont
administrées sont au nombre de trois. D'abord, pour les doctrinaires
comme Kelsen et Carré de Malberg, ils estiment que cette conception
correspond à une vision métaphasique du droit. Et cette vision
est incompatible, voire une entrave à une approche scientifique de ce
dernier. Ensuite, on lui a adressé également une critique
ontologique qui s'inscrit dans une logique de rejet de la question
d'universalité des droits de l'homme. Ceux-ci ne sont pas universels,
dans la mesure où il faut prendre en compte le contexte social, culturel
et historique de l'homme du pays dans lequel ils sont appelés à
être appliqués. De l'avis de Marx particulièrement, la
notion de nature humaine est jugée très problématique.
Enfin, la dernière critique, elle est de nature
épistémologique. La question qui la résume est la
suivante : à supposer même que les droits naturels existent,
comment peut-on les connaître ? C'est une critique formulée par
Pascal contre Hobbes: la raison ne peut servir à nous indiquer des lois
naturelles universelles. Cette objection se rapproche du non-cognitivisme
éthique, qui s'oppose à une sorte de réalisme moral. Elle
est reprise par Jeremy Bentham, qui insiste sur l'équivocité,
c'est-à-dire l'ambiguïté entourant la notion de droits
naturels dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789. Il essaie alors de construire une vision utilitariste des Droits de
l'Homme.
2- Les théories positivistes
Les doctrines positivistes est le contraire des
théories du droit naturel. Elles postulent
que : « Il n'y a de droit que posé26(*) ». Cela
équivaut à dire que le contenu dans les sources
matérielles du droit n'est donc pas du droit. Ce contenu deviendra du
droit qu'après avoir été posé par une
autorité compétente. En fait, les théories positivistes se
divisent en positivisme juridique et en positivisme sociologique. Le
positivisme juridique, bien que ce soit en France que l'on retrouve cette
pensée dominante, n'est pas le fruit de la main capricieuse de la
modernité. Il y eut de tout temps des positivismes dans la mesure
où les dirigeants athéniens, par exemple, dans le but de pouvoir
mieux organiser la cité, exigèrent l'obéissance au nom des
ordres qu'ils promulguaient ; nul n'a besoin alors de justification
théorique pour s'y soumettre. Mais, celle-ci apparut seulement lorsqu'il
existait des tendances contradictoires. Et c'est à cela que l'on a pu
assister dans la cité grecque. Les sophistes enseignaient la
primauté de la loi humaine.
En outre, il existait à Rome certaines tendances
positivistes, mais elles furent moins théorisées. L'apparition de
l'Etat moderne, s'opposant, comme son nom l'indique nettement, non seulement
aux formes politiques de l'Antiquité, mais aussi aux monarchies
traditionnelles de l'Europe médiévale, au 17e
siècle qui battaient leur plein, a permis de poser le problème de
l'organisation du pouvoir en provoquant une importante mutation sociale, en
témoigne même la naissance de l'Etat moderne, car il est
fondé sur une démarche réaliste visant à consolider
l'ordre et la souveraineté, et favoriser une transformation positive de
la société. L'Etat moderne a été pensé par
les philosophes politiques. Il exprime, en effet, l'aspiration à un
pouvoir rationnel, organisé dans un cadre géographique
limité par l'existence d'autres Etats. Toutefois, il fallait attendre le
XXe siècle, sous l'influence de Kelsen, dans sa théorie pure du
droit, pour que l'on puisse assister au plein épanouissement de la
doctrine du positivisme juridique, concept central dans la compréhension
de la question de l'Etat moderne. Le positivisme de Kelsen est
diamétralement opposé aux théories du droit naturel dans
la mesure où il affirme qu'il n'existe que le droit positif,
c'est-à-dire le droit posé par les acteurs juridiques.
En effet, le positivisme juridique met l'emphase sur la
définition de la Science du droit, puisqu'il est saisi comme une
conception éminemment scientifique du droit. Cette conception
considère le droit comme un ordre clos, coupé non seulement de
toute métaphysique, mais de toute référence aux valeurs
morales. De fait, c'est l'Etat qui est la seule source du droit, cela signifie
qu'il est le créateur du droit.
Il y a aussi le positivisme sociologique qui conçoit le
droit comme un fait de société qui peut être
observé. Il n'émane pas de la volonté plus ou moins
arbitraire des gouvernants, mais est imposé par la conscience collective
du groupe.
Le positivisme juridique et le positivisme sociologique
partagent l'idée de la légitimité des normes juridiques
régulièrement formées, quel que soit leur contenu. Par
contre, contrairement au positivisme juridique, le positivisme sociologique
admet qu'une norme soit légitime lorsque son contenu reflète les
aspirations de la conscience collective. En un mot, le positivisme juridique et
sociologique s'affirment contre le droit naturel, car celui-ci ne correspond
pas à une conception scientifique du droit.
B- Les conceptions fondamentales modernes des Droits de
l'Homme
Aborder la question des Droits de l'Homme, aussi
intéressante et fructueuse qu'elle puisse être, crée une
certaine frayeur dans l'esprit. Mais ne pas l'aborder relève d'une
certaine naïveté intellectuelle. En effet, elle relève d'une
catégorie de droit s'ancrant dans une complexité. Cette
complexité se situe au niveau de la sémantique des Droits de
l'Homme et à celui des idéologies qui les traversent. Il y a
toute une concurrence idéologique, c'est-à-dire plusieurs
paradigmes s'affrontent en matière de ces droits. Les uns sont
dotés d'une puissance explicative plus que d'autres. Ainsi, on rencontre
les trois grandes conceptions des Droits de l'Homme qui vont être
développées ci-dessous : la conception libérale, la
conception marxiste et la conception communautariste des Droits de l'Homme.
Lesquelles conceptions constituent une sorte de nappe phréatique
destinée à nourrir épistémologiquement les sources
théoriques de ces droits.
1- La conception libérale des Droits de
l'Homme
L'expression « Droits de l'Homme» est une
grande caractéristique de la modernité politique, puisqu'on est
obligé de la considérer comme le but à atteindre, le
centre de gravite de tout souci d'organisation rationnelle de la vie
collective. Force est de reconnaitre que tout discours politique moderne doit
être couronné par les couleurs chatoyantes des droits de l'homme.
Cette expression remonte au XVIIIe siècle, période à
partir de laquelle elle a su étendre ses tentacules dans toutes les
fibres de la pensée des intellectuels comme Montesquieu, Voltaire,
Rousseau, etc. De là vient l'idée de la conception
libérale, l'une des conceptions les plus dominantes en matière
des Droits de l'Homme. Pour s'en tenir à l'essentiel, cette conception
trouve son point d'ancrage dans la philosophie des lumières et dans la
pensée chrétienne. Elle est fondée sur l'abstention de
l'Etat et la reconnaissance pour chaque individu d'une sphère
d'indépendance dans laquelle l'Etat ne doit pas s'immiscer. Ce qui
traduit l'idée de liberté de l'individu. La notion de
liberté, l'une des caractéristiques essentielles de la
philosophie des lumières, se retrouve ainsi définie sous la plume
de Voltaire comme « la faculté de raisonner juste et de
connaitre les Droits de l'Homme 27(*)». Plus loin avec Rousseau, ce philosophe
français, l'homme se définit par sa liberté. D'ailleurs,
c'est la proclamation sur laquelle s'ouvre le premier chapitre de son contrat
social : « L'homme est né libre, et partout il est
dans les fers28(*) ». Il s'agit là d'une
définition anthropologique de la liberté, qui doit figurer en
entame de toute méditation relative aux Droits de l'Homme. C'est donc la
reconnaissance de la liberté à tout individu que ces penseurs
s'attaquent au système ancien pour instaurer un climat où la
dignité de l'homme, le progrès de la société seront
pris en considération.
Après une longue période de gestation, la
conception libérale voit son épanouissement en 1789 dans la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en France. Par la suite,
elle se transformera progressivement, et cette transformation se
concrétisera en 1946, dans le préambule de la Constitution du 27
octobre.
2- La conception marxiste des Droits de l'Homme
La conception marxiste des Droits de l'Homme se retrouve aux
antipodes de la conception libérale de Droits de l'Homme. Elle est une
conception difficile à cerner. Sa difficulté nait, en effet, du
fait qu'elle est d'une grande complexité susceptible d'impressionner
toute approche simpliste.
La conception marxiste des Droits de l'Homme utilise presque
le même terme que la conception libérale des Droits de
l'Homme : la liberté. Mais la notion de liberté dans ces
deux conceptions n'a pas la même acception. La conception marxiste part
du principe que la liberté n'est pas à l'homme. Elle est une
conquête dont la réalisation est fonction des transformations de
la société, d'une révolution sociale. L'homme se doit de
lutter pour assurer la garantie de sa liberté, puisque selon Marx, il
est sous la domination d'un ensemble de réseaux de déterminismes
façonnant ses idées et sa compréhension des choses. Car il
est produit de sa condition sociale de l'existence. C'est en remettant en
question celle-ci qu'il va accéder à la liberté
réelle. De ce fait, la conception marxiste des Droits de l'Homme est
lecture critique de la conception libérale des Droits de l'Homme dans la
mesure où celle-ci ne favorise pas l'épanouissement des Droits de
l'Homme, mais constitue une véritable limitation et une
hypothèque pour la cristallisation réelle de ces des droits. Le
libéralisme s'inscrit dans une perspective consistant à propulser
l'individualisme égoïste, qui est une menace pour le
développement du sens du bien commun, et peut provoquer une
déchirure des liens sociaux. Donc, il est susceptible de détruire
tout sentiment d'appartenance à une communauté humaine. Il
fragmente la société. Aussi est-il perçu comme un danger
éminent pour la vraie matérialisation des Droits de l'Homme. Car
ils ne peuvent pas se réaliser dans une société
fragmentée, déchirée et inégalitaire.
3- La conception communautariste des Droits de
l'Homme
Le communautarisme est un concept sociologique qui a
été créé aux Etats-Unis dans les années
1980. En effet, la création de ce concept rentre dans le cadre d'une
nouvelle conception philosophique de l'homme par rapport à un ensemble
de valeurs susceptibles d'harmoniser ses relations avec la communauté.
Le communautarisme sert à designer une philosophie dite
"communautarienne" affirmant que l'individu n'existe pas indépendamment
de ses appartenances : culturelles, ethniques, religieuses ou sociales. Il
s'agit d'une conception qui accorde la préséance au groupe,
à la communauté. Transposée dans le domaine des Droits de
l'Homme, cette conception met l'accent sur la nécessité de saisir
ces derniers non pas de manière individuelle, mais de manière
collective. De ce point de vue, Le Vicomte de Bonald avance pour dire
que : « L'homme n'existe que pour la
société, la société le forme pour elle-même
29(*)». C'est
cette conception des Droits de l'Homme qui prévaut en Afrique, surtout
avec la création de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples. Cependant, cette conception est très critiquée. Dans la
perspective du professeur Y. Madiot, elle présente deux
caractéristiques fondamentales : « Une condamnation
de l'individualisme, une glorification de l'Etat et l'affirmation des
devoirs et des obligations de l'individu30(*) ». Ces caractéristiques
même sont considérées comme une menace pour la
liberté individuelle. Dans ce cas, l'individu se trouve obligé
d'hypothéquer une partie de sa liberté au profit des
intérêts de l'Etat. Et aussi, les droits d'un individu risquent de
devenir différents en fonction de son appartenance à telle ou
telle communauté, fondée sur une religion, une ethnie, etc.
4- Les facteurs d'encadrement des Droits de
l'Homme
Selon Yves Madiot : « Les Droits de l'Homme
n'existent pas de façon autonome comme un idéal fixé une
fois pour toutes et qui indiqueraient la voie du progrès de la
société 31(*)». Cela sous-entend qu'ils ne sauraient
être pensés en dehors d'un ensemble de facteurs favorisant leur
matérialisation. Ainsi, d'après ce même auteur, parmi les
facteurs encadrant les Droits de l'Homme se trouvent : facteur
politico-juridique, facteur culturel, facteur socio-économique.
Les facteurs politico-juridiques d'encadrement des Droits
de l'Homme
Les facteurs politico-juridiques des Droits de l'Homme sont
nombreux. On retiendra la notion de démocratie et celle d'Etat de Droit
comme les conditions d'existence réelles des Droits de l'Homme.
Démocratie et Droits de l'Homme
Selon D. Lochak «Les Droits de l'Homme ne
peuvent exister que dans une démocratie32(*) ». Cela sous-entend qu'il existe une
relation de consubstantialité entre Droits de l'Homme et
Démocratie. La démocratie est la véritable garantie de la
question des Droits de l'Homme. Et constitue, à bien des égards,
une évidence. A telle enseigne que cela se trouve mentionné dans
le préambule de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
(CEDH) : « Le maintien des libertés
fondamentales repose essentiellement sur un régime politique
démocratique 33(*)». De plus, dans le cadre de la Conférence
sur la Sécurité et la Coopération en Europe(CSCE), les
Etats réunis en 1990 à Copenhague reconnaissaient
que « La démocratie pluraliste et l'Etat de droit
sont essentiels pour garantir le respect de tous les Droits de l'Homme et de
toutes les libertés fondamentales 34(*)». Ces réflexions se trouvent
renforcées par la définition qu'A. Lincon a pu attribuer à
la démocratie : « Le gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple ». Toutefois, l'existence d'un
régime démocratique ne traduit pas automatiquement que les droits
de cette majorité sont respectés même si, lorsque ses
droits sont foulés au pied, c'est-à-dire que l'on perd les rails
de la démocratie, elle peut forcer les gouvernants à céder
le pouvoir. D'où la notion d'alternance politique. Elle est l'une des
caractéristiques essentielles de la démocratie libérale se
caractérisant aussi par l'acceptation de la diversité d'opinions,
la tolérance et l'esprit d'ouverture.
Droits de l'Homme et Etat de Droit
L'Etat de Droit, concept de la modernité, est une
réponse à ceux qui pensent qu'avoir le pouvoir, c'est faire ce
qu'on veut sans la prise en compte de la loi et des droits fondamentaux des
citoyens. Il propose une nouvelle vision de la gestion du pouvoir dans la
mesure où il implique l'idée d'une limitation du pouvoir. Cela
rejoint cette fameuse théorie de Montesquieu, celle de la
séparation des pouvoirs. Selon lui, « il faut que,
par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir35(*) ». En fait,
l'Etat de Droit s'inscrit dans un processus de constitutionnalisation en
prônant le respect de la hiérarchie des normes, une notion
chère à Kelsen à travers sa théorie pure du
droit.
L'Etat de Droit est, en effet, une grande thématique
des Droits de l'Homme. En d'autres termes, l'Etat de Droit ne renvoie pas
seulement au respect de la hiérarchie, mais aussi au respect des droits
fondamentaux. L'Etat de Droit et les Droits de l'Homme constituent une sorte de
binôme inséparable, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent dans
une relation symbiotique ; les deux notions s'impliquent mutuellement au
point d'apparaitre interdépendants. Cette interdépendance est
aussi mise en évidence dans les discours internationaux. C'est ainsi par
exemple, lors de la Conférence sur la Sécurité et la
Coopération en Europe (CSCE), le trinôme Droits de
l'Homme-Démocratie-Etat de Droit a été
considéré comme la clé de voûte de la nouvelle
Europe. Mesurant l'importance de ce trinôme et se sentant concerner
naturellement par la nécessité de préserver cela, les
Etats, ayant participé à cette Conférence, ont
lancé un message dont l'écho demeure jusqu'à aujourd'hui
pour renforcer les institutions qui maintiennent l'Etat de Droit, et ce pour
créer les conditions permettant à chacun de jouir des droits
universels et des libertés fondamentales.
Le facteur d'ordre culturel d'encadrement des Droits de
l'Homme
L'épanouissement des Droits de l'Homme est
étroitement lié à la culture du pays où ils se
retrouvent. Cela suppose que la population en question doit avoir un certain
niveau d'éducation. Or, dans les pays sous-développés, ce
facteur d'éducation n'est pas assuré. Le niveau
d'éducation de la nation permet au peuple d'avoir une meilleure
compréhension des droits de l'homme. C'est en ce sens que l'art 26 al.2
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme précise
que : « L'éducation doit viser à
l'épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux36(*) ». Par contre,
il se pose un sérieux problème au niveau d'une
compréhension réelle des Droits de l'Homme dans un pays comme
Haïti, d'autant que le peuple fait face à un manque de prise de
conscience de l'existence, voire un manque de connaissance de ces derniers.
Les facteurs social et économique d'encadrement
des Droits de l'Homme
La conception marxiste est en grande partie dominée
par les rapports de production dans les sociétés. Les Droits de
l'Homme seraient le produit des rapports de production formant la base de ces
droits.
Il convient de souligner, avec évidence, que les
facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme varient d'un pays à un
autre, même si l'on peut admettre qu'il ait un certain niveau de
standardisation. On ne peut pas les importer, et donc toute idée
d'importation de ces facteurs est une bataille perdue à l'avance. A ce
titre, pour ce qui a trait à la réalité haïtienne, il
faut faire en sorte que les Droits de l'Homme puissent correspondre à la
dimension de la réalité socioculturelle haïtienne. Car ces
droits ne sauraient se penser en dehors d'une prise en compte de la situation
des conditions matérielles d'existence des gens du pays dans lequel ils
sont appelés à être appliqués à travers des
mécanismes ou structures de protection des Droits de l'Homme.
CHAPITRE 2
LES MECANISMES DE PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME
L'idée de la reconnaissance de manière absolue
des Droits de l'Homme serait tout à fait utopique si on n'avait pas
pensé à mettre en place tout un ensemble de mécanismes en
vue d'assurer la protection de ces derniers. Ces mécanismes de
protection se retrouvent tant sur le plan international que national. Dans ce
chapitre, nous aborderons donc dans un premier temps, les assises juridiques de
protection internationale des Droits de l'Homme et, dans un second temps,
seront mis en évidence les instruments juridiques de protection
nationale des Droits de l'Homme.
SECTION 1 : LES ASSISES JURIDIQUES DES SYSTEMES
DE PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME
Il y a tout un ensemble de systèmes de protection
internationale des Droits de l'Homme qui sont placés pour assurer la
surveillance des prescrits relatifs à ces droits. Pour ce faire, ils
sont dotés de certaines assises juridiques dont l'importance
mérite d'être considérée. Ces assises juridiques
présentent une grande valeur qui se manifeste à travers les
textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme. Et
ces textes nous amènent à considérer les mécanismes
de protection internationale des Droits de l'Homme.
A- La valeur juridique des textes internationaux
adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme
Sur le plan international, il y a tout un ensemble de textes
qui fondent le corpus juridiques des Droits de l'Homme. Ils se classent en deux
catégories : les textes à portée universelle, et les
textes à portée régionale.
1- Les textes à portée
universelle
Les textes à portée universelle : le
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (DUDH), le Pacte
relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) et le Pacte
International relatif aux Droits civils et Politiques.
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948
Il est évident que l'année 1945 est date
indélébile dans l'histoire de l'humanité. Et elle est
aussi la date marquant le moment far en matière de
l'internationalisation et de l'universalisation des Droits de l'Homme, car elle
dénote à la fois, en s'inscrivant dans une double dialectique, un
moment de négation des Droits de l'Homme, vu qu'il s'agit d'une
année à partir de laquelle a su connaitre bon nombre
d'atrocités, et un moment où la conscience mondiale allait
être interpelée sur un ensemble de questions se rapportant au
devenir de l'humanité par rapport à sa dignité. Cette
année a vu naître l'ONU : institution internationale de haut
prestige tenant compte de sa mission de pacification du monde. Trois ans plus
tard, après la création de cette institution, l'idée d'une
déclaration universelle allait poser ses tentacules dans toutes les
fibres des débats internationaux. Cette idée s'est imposée
comme une réponse qu'il faut articuler rationnellement pour
résoudre une série de conflits à l'échelle de la
planète, surtout dans le domaine des libertés, de la
démocratie et des Droits de l'Homme. De là est amenée
l'idée d'une Déclaration Universelle des Droits de l'Homme le 10
décembre 1948. Cette déclaration, considérée comme
le premier acte de reconnaissance universelle des droits et des libertés
inhérents à la dignité de la personne humaine, constitue
le véritable socle juridique international de l'édifice des
Droits de l'Homme. Autrement dit, cette Déclaration forme un
système juridiquement contraignant pour assurer la promotion, la
protection et la garantie de ces derniers.
La valeur juridique de la Déclaration Universelle peut
se reposer sur un fondement autre que conventionnel. Ce qu'il convient de
noter, c'est que certaines règles de la déclaration universelle
font partie du « jus cogens », c'est-à-dire des
normes impératives en droit international public. Ainsi, M. Zotiades,
dans la classification qu'il établit des règles du jus cogens
figure les règles relatives aux Droits de l'Homme. Celles-ci sont
intégrées dans l'ordre international au point que tout
traité ou convention contraire aux règles de jus cogens peut
être frappé de nullité. Elle s'inscrit dans le prolongement
de la Déclaration française de 1789, puisque l'on y retrouve les
grands principes mis en exergue dans cette dernière. Ainsi, l'article
premier complète l'article 2 de la Déclaration Universelle en
prohibant toute forme de discrimination.
Pacte International relatif aux Droits Economiques,
Sociaux et Culturels et Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques
La déclaration est une proclamation de la foi en
l'homme, en la dignité de la personne humaine. Elle n'a pas pour autant
la force contraignante, c'est-à-dire la force juridique, sinon une
valeur morale qui n'est pas susceptible de permettre la prise de sanction
contre un Etat qui l'aurait violée. Il était donc
nécessaire de reprendre, sous une forme juridiquement obligatoire, les
droits énoncés dans la déclaration. De là,
l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté
à l'unanimité deux pactes, soit le 16 décembre 1966 :
le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels et
le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. Ces deux pactes
sont considérés comme deux pactes jumeaux. Le premier traite du
droit au travail, à la sécurité, à un niveau de vie
suffisante, à la santé et à l'éducation, et le
deuxième concerne particulièrement le droit à la
sureté, la protection contre les arrestations arbitraires, les
libertés de pensée, de conscience, de religion, d'association.
2- Les textes à portée
régionale
Les textes à portée régionale regroupent,
entre autres, les textes européens (La Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen de 1789, la Convention de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et la Charte
sociale européenne), les textes interaméricains (la Convention
Américaine des Droits de l'Homme et la Déclaration
Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme) et les textes africains. On
a, entre autres, la Charte Africaine de 1981.
La Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen du 26 aout 1789
La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du
26 août 1789 dont la signification philosophico-politique résulte
du XVIIIe siècle particulièrement en Europe n'est, en
réalité, pas le premier texte que l'on pourrait considérer
comme texte qui fonde juridiquement les Droits de l'Homme, puisque cette
idée de juridisation de ces derniers se retrouvait dans bon nombre de
déclarations dont la déclaration en Angleterre en 1215.
Toutefois, les textes de déclarations anciennes sont perçus comme
des procédures juridiques susceptibles de préserver les droits et
les libertés. En ce sens, la déclaration de 1789, une
déclaration dont la majesté éveille même les esprits
les plus somnolents, est interprétée de diverses façons.
Ainsi, pour l'éminent juriste allemand Jellinek, cette
déclaration serait essentiellement germanique. Car c'est la seule
civilisation qui a su préserver et amorcer les principes relatifs
à la liberté individuelle, ce qui allait être repris par la
France. La déclaration française de 1789 n'est qu'une copie des
textes précédents, et ne présente absolument aucune
originalité ni sur le fond, ni sous la forme. Pour Boutmy, juriste
français, par contre, les principes émis par cette
déclaration sont à l'origine de l'instauration d'un monde nouveau
et d'une cité nouvelle où les dirigeants doivent cesser de hisser
sur l'étendard de la logique irrationnelle des choses pour sacrifier
l'humanité dans sa dignité. La genèse de ces derniers se
serait réalisée au sein d'un peuple prédestiné par
l'histoire. D'ailleurs, la France, à cette époque du XVIIIe
siècle, était non seulement un objet de fascination par sa grande
culture, mais surtout la première puissance politique occidentale.
A part ces considérations, bien entendu importantes, un
fait est certain, c'est que la déclaration de 1789, point d'ancrage
idéologique de la révolution française, constitue la
germination d'une nouvelle vision des choses, c'est -à-dire la question
de la dignité de la personne est devenue une priorité pour la
philosophie du XVIIIe siècle en favorisant la relance d'un processus de
juridicisation des droits et des libertés fondamentales. Ce texte de
dix-sept (17) articles est la consécration de l'idée
d'universalité des Droits de l'Homme d'autant que les droits
proclamés sont ceux de l'homme et du citoyen, et non ceux des seuls
citoyens français de 1789. Ils valent pour tout être humain. C'est
ce qui fait, par rapport aux autres, la particularité de cette
déclaration : elle promet la liberté à tous les
hommes. La déclaration de 1789, en effet, dans son article premier,
énonce que « les hommes naissent et demeurent libres
et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être
fondées que sur l'utilité commune37(*) ». Dans cet article, deux droits
fondamentaux sont pris en considération : liberté et
égalité. Cet article, cependant, précise les limites et
les garanties de cette liberté dans la mesure où aux termes de
l'article 4, il est dit : «La liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice
des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux
autres membres de la société la jouissance de ces mêmes
droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la
loi38(*) ».
Cela équivaut à dire que la liberté ne traduit l'absence
de contraintes établies par la loi. Car la liberté est le droit
de faire tout ce que les lois permettent, disait Montesquieu.
La Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et
des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
L'année 1949 marque la naissance du Conseil de
l'Europe. Celui-ci est à l'origine du mouvement de la protection des
Droits de l'Homme dans la sphère européenne. Selon les statuts de
ce conseil (3 aout 1949), plus particulièrement dans l'article 3 :
« Tout Etat membre du Conseil de l'Europe reconnait le principe
de la prédominance du droit et le principe en vertu duquel toute
personne doit jouir des Droits de l'Homme et des libertés
fondamentales ». Le conseil a pour but, dans le cadre de la
promotion des Droits de l'Homme, de réaliser une union plus
étroite entre ses membres. Il est aussi précisé dans
l'art. 1 du statut du conseil que « la sauvegarde et le
développement des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales
» constituent l'un des puissants moyens pour pouvoir réaliser
cette idée. A ce titre, l'Assemblée Consultative du Conseil s'est
engagée dans cette voie, en tant haut lieu du débat
européen relatif aux droits de l'homme. D'où est venue
l'idée géniale de créer la Convention de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des libertés fondamentales(CESDH), qui est son
texte fondamental. Le Conseil de l'Europe joue un rôle de gendarme en ce
qui concerne le respect des droits de l'homme. Outre de préserver ces
derniers, il a mission sacro-sainte consistant à promouvoir
l'éducation, l'autorité de la loi et la démocratie.
En effet, cette Convention, signée le 4 novembre 1950
et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, et source juridique
européenne en matière des Droits de l'Homme, est la suite logique
de la déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948. D'ailleurs,
elle ne fait que la reprendre, sinon la renforcer. Le préambule de la
Convention est une preuve éloquente de l'importance accordée aux
droits et aux libertés fondamentaux. De plus, il est clairement
énoncé dans l'article 1 de la Convention : «
obligation de respecter les droits de l'homme. Les hautes parties
contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur
juridiction les droits et libertés définis au titre I de la
présente convention39(*) ». Toutefois, la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme présente une
certaine particularité par rapport à ses novations.
La Charte Sociale Européenne de 1961
La Charte sociale européenne a été
signée à Turin le 18 octobre 1961 et est entrée en vigueur
le 25 février 1965. Elle a été adoptée dans le but
de compléter la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui a
déjà consacré principalement des droits civils, politiques
et sociaux. Parmi ceux-ci se trouve, pour l'essentiel, le droit au travail, le
droit syndical, etc. La Charte Sociale Européenne a mis en valeur, elle
aussi, les principaux droits économiques et sociaux : droit au
travail, liberté syndicale et droit de grève, protection du
travail des enfants et des femmes, droit à la formation professionnelle,
droit à la sécurité sociale. Elle n'a pas pour effet de
conférer directement des droits aux ressortissants des Etats parties,
mais elle contient un intéressant mécanisme d'engagement de la
part des Etats.
La Convention Américaine aux Droits de
l'Homme
La Convention Américaine relative aux Droits de
l'Homme, dont les origines remontent à la Conférence
interaméricaine de 1945 tenue à Mexico, portant sur les
problèmes relatifs à la guerre et la paix, a été
adoptée le 21 novembre 1969 à San José de Costa-Rica. Elle
a été entrée en vigueur le 18 juillet 1978. En effet,
cette Convention a posé, dans son premier paragraphe, les bases de la
consolidation sur le continent américain, dans le cadre des institutions
démocratiques, un régime de liberté individuelle et de
justice sociale, fondé sur le respect des droits fondamentaux de
l'homme. Elle met à la charge des Etats l'obligation de respecter les
droits et libertés qu'elle consacre, et elle leur impose le devoir
d'adopter dans leur législation interne les dispositions
nécessaires pour assurer la jouissance effective de ces droits.
On peut tout aussi bien considérer comme texte
interaméricain important en matière des Droits de l'Homme, la
Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme. Cette
Déclaration a été adoptée à la
Neuvième Conférence Internationale Américaine, Bogota,
Colombie en 1948. En effet, elle a le mérite d'être le premier
texte instrument international de son genre qui a été
adoptée plusieurs mois avant la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme des Nations Unies du 10 décembre 1948.
En un mot, tous ces instruments se concrétisent
à travers des structures et des mécanismes définis dans le
cadre des systèmes de protection des Droits de l'Homme.
B- Les mécanismes de protection internationale
des Droits de l'Homme
Sur le plan international, à part les textes assurant
la juridicité des Droits de l'Homme, il y a tout un ensemble de
systèmes de protection mis en place répondant à un besoin
de matérialisation des voeux exprimés dans les textes
internationaux. Parmi ces systèmes se trouvent quatre qui sont
considérés comme plus importants: le système onusien de
protection des Droits de l'Homme, le système interaméricain de
protection des Droits de l'Homme, le système européen de
protection des Droits de l'Homme et le système africain de protection
des Droits de l'Homme.
1- Le système onusien de protection des Droits
de l'Homme
Le système onusien de protection des Droits de l'Homme
est fondé sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme le
10 décembre 1948. Il est le seul système à avoir un
caractère universel dans la mesure où ses décisions en
matière des violations des Droits de l'Homme ont une valeur universelle,
c'est-à-dire s'imposent à tous les pays, bien entendu, ceux qui
font partie de l'ONU. En effet, assurer la promotion et la protection des
Droits de l'Homme et des libertés fondamentales est, comme il est
prévu dans la Charte des Nations Unies, une de ses principales missions.
Et ceci depuis l'adoption de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, les Nations Unies mettent en oeuvre de nombreuses normes en
matière de protection des Droits de l'Homme, ainsi que des
mécanismes pour la promotion et la protection de ces derniers. On sait
que la question des Droits de l'Homme est très préoccupante pour
l'ONU, à cotés, bien sûr, d'autres questions : la
démocratie réelle, la paix durable, la sécurité
internationale, le développement durable. Etant une des questions
préoccupantes pour l'ONU, celle-ci y intervient suivant trois
axes : la prévention, la protection et la promotion des Droits de
l'Homme.
Il est mis en exergue, par l'ONU, un ensemble d'organes pour
assurer l'efficacité de travail de garantie, de promotion et protection
des Droits de l'Homme. Ces mécanismes sont : le Conseil des Droits
de l'Homme, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme et la Cour Pénale
Internationale.
Le Conseil des Droits de l'Homme
L'Organisation des Nations Unies (ONU) comprend six (6)
organes : Le Conseil de sécurité, le Conseil
économique et social, la Cour pénale internationale, le Conseil
de tutelle, le Secrétariat et l'Assemblée générale.
Cette dernière est l'organe principal qui intervient dans la question
des droits de l'homme par l'entremise du Conseil économique et social.
Ce dernier adresse des recommandations à l'Assemblée
générale au sujet des questions relatives aux Droits de l'Homme.
Dans le cadre de ses travaux, le Conseil économique et social a
créé la Commission des Droits de l'Homme qui allait être
remplacée en 2006 par le Conseil des Droits de l'Homme. Celui-ci est le
principal organe des Nations Unies qui est responsable de la question des
Droits de l'Homme. Le Conseil a une principale mission consistant à
analyser l'évolution de la situation des droits de l'Homme dans les
Etats membres de l'ONU. Il assure ce rôle en mettant en place un
mécanisme assez intéressant : Examen périodique
universel (EPU). Il s'agit d'un nouveau mécanisme créé par
la Résolution 60/251 de l'Assemblée
générale. La résolution dispose que le Conseil aura pour
vocation de :
« procéder à un examen
périodique universel, sur la foi d'informations objectives et fiables,
du respect par chaque État de ses obligations et engagements en
matière de droits de l'homme de façon à garantir
l'universalité de son action et l'égalité de traitement de
tous les États ; se voulant une entreprise de coopération
fondée sur un dialogue auquel le pays concerné est pleinement
associé et qui tient compte des besoins de ce dernier en termes de
renforcement de ses capacités, cet examen viendra compléter
l'oeuvre des organes conventionnels sans faire double
emploi ».
En d'autres termes, par la mise en place de l'Examen
périodique universel, chaque pays membre des Nations Unies doit
préparer un rapport sur la situation des Droits de l'Homme. La
préparation de ce rapport est présentée par le
gouvernement du pays. Mais le gouvernement du pays en question peut refuser de
collaborer en vue de la réalisation d'un examen périodique
relatif aux Droits de l'Homme. C'est pourquoi on tient compte d'autres rapports
comme ceux de la société civile et des organisations nationales
de défense de ces droits. Il y a, de surcroit, la procédure de
1503 qui permet à tout individu victime des violations des Droits de
l'Homme de présenter des plaintes et des pétitions devant le
conseil des Droits de l'Homme après avoir, bien entendu,
épuisé toutes les voies de recours internes.
Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme
(HCDH), créé en 1993, est une structure mise en place par l'ONU
dont le but est d'examiner, de promouvoir et de renseigner sur le respect du
droit international des Droits de l'Homme et du droit international humanitaire
dans le monde, selon l'adoption de la Déclaration et du Programme
d'Action de Vienne. Cette structure est l'élément moteur de
toutes les activités des Nations Unies dans le domaine des Droits de
l'Homme. En effet, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'Homme, pour pouvoir exécuter ses tâches, produit des rapports et
mène des enquêtes à la demande de l'Assemblée
Générale de l'ONU. Il établit également une
coopération avec les gouvernements et les organisations internationales,
régionales et non gouvernementales pour assurer une meilleure protection
des Droits de l'Homme. Pour l'organisation des réunions par les
organismes des Nations Unies s'occupant des questions relatives à ces
derniers, il se sert du secrétariat.
Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme est une structure
technique, composée non d'Etat, mais de techniciens de
nationalités différentes qui sont des hauts fonctionnaires
internationaux spécialisés dans la question des Droits de
l'Homme. Il a à sa tête une personnalité qui planifie
surtout les réunions dont le litre est « Haut Commissaire
aux Droits de l'Homme ».
La Cour Pénale Internationale
La Cour Pénale Internationale est un tribunal
international qui a été créée à Rome le 17
juillet 1998 et devenue effective en 2002. Ce tribunal est l'une des structures
importantes du système des Nations Unies de protection des Droits de
l'Homme qui intervient aussi dans les questions relatives aux Droits de
l'Homme. Cela se remarque d'ailleurs dans le préambule même de
cette Cour : « Conscients que tous les peuples sont unis par
des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun, et
soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être
brisée à tout moment. Ayant à l'esprit qu'au cours de ce
siècle des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont
été victimes d'atrocités qui défient l'imagination
et heurte profondément la conscience humaine. Reconnaissant que des
crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité
et le bien-être du monde...Résolus à garantir durablement
le respect de la mise en oeuvre de la justice international...e40(*) ». Ce
préambule est une illustration des efforts déployés par le
système des Nations Unies de protection des Droits de l'Homme. Ces
efforts d'assurer la protection des Droits de l'Homme se trouvent aussi dans
l'article premier du Statut de la Cour : « Il est
créé une Cour pénale internationale en tant qu'institution
permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des
personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée
internationale, au sens du présent Statut. Elle est
complémentaire des juridictions criminelles nationales...41(*)». Comme il est
mentionné dans cet article, cette juridiction internationale juge les
individus commettant des crimes qui réprouvent la conscience
internationale, d'où sa compétence. Celle-ci est clairement
énoncée dans l'art. 5.1 du présent
Statut : « La compétence de la cour est
limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la
communauté internationale : le crime de génocide, les crimes
contre l'humanité, les crimes de guerre, le crime d'agression 42(*)». La notion de crime
contre l'humanité, très récurrente d'ailleurs dans les
discours en faveur des Droits de l'Homme, est définie comme crime qui
défie l'imagination humaine. Pour le dire autrement, il s'agit d'un
crime qui révolte la conscience humaine. L'article 7 du Statut de la
cour précise que :
« Le crime contre l'humanité est le crime
commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou
systématique lancée contre une population civile et en
reconnaissant de cette attaque : Meurtre, Extermination, Réduction
en esclavage, Déportation ou transfert forcé de population,
Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamentales du droit international, Torture,
Viol, Esclavage sexuel, Prostitution forcée...43(*) ».
Cette disposition est une contribution internationale
susceptible d'amener les Etats à prendre conscience de l'importance dont
est revêtue la question des Droits de l'Homme.
2- Le système interaméricain de
protection des Droits de l'Homme
Les pays des continents américains en 1948 ont
éprouvé la grande nécessité de créer une
institution régionale répondant au nom de l'Organisation des
Etats Américains (OEA). Cette dernière contient des structures
destinées à protéger et promouvoir la question des Droits
de l'Homme. Elle est régie par la Convention Américaine relative
aux Droits de l'Homme. Ce document a été adopté à
San José, Costa Rica, le 22 novembre 1969, à la Conférence
spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme. Cet
instrument international régional se situe dans le prolongement des
principes défendus par la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme de 1948. Il est fait obligation de respecter ces droits. A telle
enseigne que dans l'article premier de la dite convention il est
énoncé ce qui suit :
« Les Etats parties s'engagent à
respecter les droits et libertés reconnus dans la présente
convention et à en garantir le libre et plein exercice à toute
personne relevant de leur compétence, sans aucune distinction
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les
opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la situation
économique, la naissance ou toute autre condition
sociale ».
En effet, cette convention est un signe de respect de la
dignité humaine, et aussi un instrument qui participe à
l'épanouissement, pour ainsi dire, à l'émancipation des
droits et des libertés fondamentaux. La charte de cette organisation
régionale porte sur plusieurs domaines : démocratie, droits
économiques, droit à l'éducation et à
l'égalité, etc. La Charte établit également deux
structures principales désignées particulièrement pour la
protection et la promotion des Droits de l'Homme : la Commission
Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), la structure la plus
importante du système interaméricain de protection des Droits de
l'Homme, et la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme.
L'organisation protège les droits par la création de normes
substantives et maintient ces normes par un processus de pétition.
La Commission Interaméricaine des Droits de
l'Homme
La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme
n'est pas composée d'Etats, mais de personnalités, qui sont au
nombre de sept (7). Ces personnalités sont désignées
suivant deux critères spécifiques, aux termes de l'article 34 de
la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme où
il est énoncé : « La Commission
Interaméricaine des Droits de l'Homme comprend sept membres, lesquels
doivent être des personnes jouissant d'une haute moralité et
possédant une compétence reconnue en matière de droits de
l'homme ». Ce qui signifie que n'importe qui ne peut pas être
membre de cette Commission.
Les membres de cette Commission ne représentent pas,
selon l'article 36.1 de la convention relative aux Droits de l'Homme, leur pays
d'origine, mais en font partie à titre personnel. La mission de cette
Commission se retrouve dans l'article 41 de la Convention. Cette Commission a
une double tâche à accomplir. D'abord, observer la situation des
Droits de l'Homme dans le continent américain, ensuite assurer la
défense des droits de l'homme à travers ce dernier. Pour pouvoir
remplir ces rôles, la Commission Interaméricaine des Droits de
l'Homme effectue des visites de terrain. Ces dernières peuvent se faire
de deux manières : le gouvernement du pays peut l'inviter à
venir évaluer la situation des droits de l'homme, ou la Commission peut
elle-même décider de venir sans l'invitation du gouvernement.
Toutefois, dans le second cas, celui-ci doit être au courant de la visite
de la Commission. Il y a également une grande possibilité
qu'offre cette dernière, en recevant des pétitions ou
requêtes, à tous ceux qui sont victimes des violations des droits
de l'homme (art. 44) de la Convention. Pour le dire autrement, tout individu
victime de violations des Droits de l'Homme peut porter plainte par devant
cette Commission dont le siège est à Washington. Il y a des
conditions dont il faut tenir compte pour présenter une pétition.
Ces conditions sont listées dans l'art 45.1 de la Convention :
« La Commission ne retient ou communication
présentées conformément aux articles 44 ou 45 que les
conditions suivantes, à savoir :
a. que toutes les voies de recours internes aient
été dument utilisées et épuisées conforment
aux principes du Droit international généralement
reconnus ;
b. que la pétition ou communication soit introduite
dans les six mois à compter de la date à laquelle l'individu
présumé lésé dans ses droits a pris connaissance
définitive ;
c. que l'objet de la pétition ou communication ne
soit pas en cours d'examen devant une autre instance internationale, et
d. que dans le cas prévu à l'article 44, la
pétition indique le nom, la nationalité, la profession, le
domicile, et porte la signature de la personne ou des personnes, ou du
représentant légal de l'entité dont émane la
pétition... ».
Cela est évident que la Commission
Interaméricaine de la Protection des Droits de l'Homme ne dispose pas de
moyens de coercition susceptibles de réprimer un Etat qui serait
coupable de violations graves des Droits de l'Homme. La sanction, d'habitude,
que l'on administre à cet Etat, elle est d'ordre moral, ce qui ne
l'empêche pas de continuer à violer les Droits de l'Homme. C'est
ce qui constitue, en quelque sorte, un blocage à l'efficacité de
ce système.
La Cour Interaméricaine des Droits
l'HOMME
La Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme est une
institution judiciaire autonome basée à San José, Costa
Rica. Cette cour, une des grandes structures du système de protection
des droits de l'homme de l'Organisation des Etats Américains (OEA), en
collaboration avec la commission des Droits de l'Homme, défend, promeut
et assure la protection des droits fondamentaux ainsi que des libertés
individuelles dans le continent américain.
La Cour a été établie en 1979 dans le but
de faire appliquer et interpréter les dispositions de la Convention
américaine relative aux Droits de l'Homme. Elle a deux fonctions
principales : arbitrage et conseiller. Dans le premier cas, elle entend et
règle des cas spécifiques de violations des Droits Humains qui
lui sont soumis. Dans le second cas, elle émet des avis sur des
questions d'interprétation juridique qui ont été
portées à son attention par d'autres organes de l'OEA ou les
États membres.
La Cour, saisie d'une affaire relative à un cas de
violation des droits de l'homme par un Etat, et après avoir entendu les
plaignants, si elle arrive à établir sa culpabilité, peut
rendre son jugement de condamnation de cet Etat pour réparer les
dommages faits aux victimes. La réparation fixée par la cour peut
être à la fois en espèce et en nature. La forme la plus
directe de réparation est obtenue par des paiements en espèces
accordés aux victimes ou à leurs proches. Toutefois,
l'État peut également être contraint à accorder des
prestations en nature, afin d'offrir une reconnaissance publique de sa
responsabilité vis-à-vis de ce cas de violation de ces droits,
à prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues
se reproduisent à l'avenir, et d'autres formes de compensation non
monétaires. C'est le cas, par exemple, du Pérou qui a
été accusé en novembre 2001 dans l'affaire du massacre de
Barrios Altos. Il s'agit d'une affaire concernant un massacre de 15 personnes
par l'escadron de la mort à l'Etat-parrainé par le groupe Colina
en novembre 1991 à Lima (Pérou). La Cour, dans son jugement, a
ordonné le paiement de $ 175 000 pour les quatre survivants et pour les
proches des victimes assassinées et un paiement de $ 250 000 dollars
pour la famille de l'une des victimes. Par la suite, l'État du
Pérou a été aussi contraint :
1) à accorder aux familles des victimes des soins de
santé gratuits et diverses formes de soutien éducatif, y compris
des bourses et des fournitures d'uniformes scolaires, du matériel et des
livres;
2) à abroger deux lois d'amnistie
controversés;
3) à reconnaitre le crime d'exécution
extrajudiciaire dans son droit interne;
4) à ratifier la Convention internationale sur la non
applicabilité de la prescription pour les crimes de guerre et crimes
contre l'Humanité;
5) à publier le jugement de la Cour dans les
médias nationaux;
6) à faire des excuses publiques pour l'incident et
à s'engager pour que des événements similaires ne se
reproduisent pas à l'avenir;
7) à ériger un monument à la
mémoire des victimes du massacre.
3- Le système européen de protection des
Droits de l'Homme
On se souvient que l'Europe, après la deuxième
guerre mondiale en 1945, a été dévastée totalement.
Il fallait faire feu de tout bois, c'est-à-dire tout mettre en place
pour renouveler la paix et la coopération internationale. A
l'orée des grands conflits qu'on a enregistrés pendant cette
période tumultueuse, les dirigeants de toutes les régions ont pu
créer trois organisations : le Conseil de l'Europe, l'Union
Européenne (anciennement Communauté Européenne du charbon
et de l'acier), et ensuite l'Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe (anciennement Conférence sur la
Sécurité et la Coopération en Europe). Ces organisations
ont survécu à la guerre froide et à la fin du communisme,
et continuent jusqu'à ce jour à servir d'assemblées pour
le dialogue et l'échange sur le continent européen.
Il est vrai que ces organisations ont été
créées dans une perspective de paix et de stabilité de
l'Europe, mais elles ont été établies chacune en fonction
des objectifs différents. Ainsi, le Conseil de l'Europe promeut
l'autorité de la loi, les Droits de l'Homme, et la démocratie.
L'Union Européenne, quand à elle, a été
conçue comme institution de promotion du commerce et de la
stabilité économique pour ses membres. Enfin, on a l'Organisation
pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) qui a
été fondée pour maintenir la paix et la
sécurité militaire en Europe.
En effet, la sensibilité manifestée à
l'égard du respect des Droits de l'Homme qui se cristallise dans les
créations de ces organisations est à la base de la
légitimation du système européen de protection des Droits
de l'Homme. Ce système de protection est régional. Mais le
Conseil de l'Europe (CE) est le plus impliqué dans la question de la
promotion des Droits de l'Homme, vu que les bases sur lesquelles il repose sont
la démocratie pluraliste, les Droits de l'Homme et l'autorité de
la loi. Ce Conseil, créé en mai 1949 par le Traité de
Londres, est composé de 47 Etats membres.
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des libertés fondamentales, plus connue
généralement sous le nom de Convention Européenne des
Droits de l'Homme (CEDH) est considérée comme le texte
fondamental du système européen de protection des Droits de
l'Homme. Elle a été adoptée en 1950 et entrée en
vigueur en 1953 après la ratification de plusieurs Etats. La principale
structure chargée d'examiner les questions relatives aux Droits de
l'Homme, c'est la Cour Européenne des Droits de l'Homme dont le
siège est à Strasbourg en France. Elle reçoit les plaintes
relatives aux violations des Droits de l'Homme et est aussi compétente
pour connaitre des plaintes depuis la fusion de la Commission et de la Cour
Européenne en une seule structure. Mais sa compétence de cette
dernière n'est valable que pour les Etats européens l'ayant
ratifié.
Par ailleurs, il convient de signaler, au passage, que les
pays de l'Asie n'ont vraiment pas un système de Droits de l'Homme
codifié, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas un système de
protection des Droits de l'Homme à proprement parler, compte tenu de
leur grande diversité culturelle, mais ils s'inspirent du système
européen de protection des Droits de l'Homme. Car la promotion pour la
diversité culturelle est une des priorités du Conseil de
l'Europe. Certains pays d'Asie centrale font partie de l'Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe(OSCE). Cette
Organisation s'occupe des domaines de l'alerte précoce, de la
prévention des conflits, de la prévention des crises, etc. En
fait, ses taches sont axées principalement sur la diplomatie
préventive, la démocratisation et la promotion des Droits de
l'Homme.
4- Le système africain de protection des Droits
de l'Homme
L'Afrique, à l'instar de ses devancières (Europe
et Amérique), s'est dotée d'un système de protection des
Droits de l'Homme, dont la caractéristique essentielle est qu'il allie
tradition et modernité. Cette alliance apparait notamment dans les
variétés des droits garantis, à cotés des droits
individuels. De ce point de vue, la Charte africaine, qui a été
adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya) lors de la 18ème
conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA),
constitue un élément essentiel qui fonde le système
africain de protection des Droits de l'Homme. Elle est entrée en vigueur
le 21 octobre 1986, après sa ratification par 25 Etats, et
ratifiée par la suite par 53 Etats membres de l'ex-OUA. Tout en tenant
compte des vertus des traditions historiques africaines et des valeurs de
civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs
réflexions sur la conception des Droits de l'Homme et des Peuples, la
Charte Africaine s'appuie sur la Charte des Nations Unies ainsi que sur la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Elle a consacré
les droits collectifs autrefois appelés droits des peuples, et des
mécanismes très particuliers de règlements des conflits
résultant de leurs éventuelles violations par les
autorités étatiques. Plus concrètement, sans tomber dans
une analyse détaillée de la Charte, c'est sa deuxième
partie qui a prévu la création des mesures de sauvegarde,
c'est-a-dire les mécanismes de règlements de conflits. Parmi les
mécanismes se trouve la Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples dont la mission principale est de promouvoir les Droits de l'Homme
et des peuples et assurer leur protection en Afrique : art. 30 de la
Charte. Est entrée aussi dans le cadre de sa mission,
l'interprétation de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples. Il convient de souligner, au passage, que cet organe n'est pas
doté d'un pouvoir juridictionnel, mais elle peut recevoir des
communications émanant des Etas partie à la Charte, ainsi des
personnes individuelles ou de groupes de personnes.
Malgré l'adoption de la Charte Africaine en 1981 et la
création de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples, la question de protection des Droits de l'Homme en Afrique accusait
encore certaines lacunes résultant des difficultés d'ordre et
matériel qui compromettent le bon fonctionnement de la Commission. En
effet, il fallait attendre le 25 janvier 2004, date marquant une étape
déterminante dans l'histoire des Droits de l'Homme en Afrique, pour
assister à l'entrée en vigueur du protocole relatif à la
Charte des Droits de l'Homme et des Peuples portant la création d'une
Cour Africaine des Droits de l'Homme. Cette juridiction continentale est non
seulement considérée comme une étape historique cruciale
dans la lutte contre l'impunité en Afrique, mais également comme
un véritable renforcement du système africain de protection des
Droits de l'Homme et des Peuples. D'ailleurs, l'Association pour la
Prévention de la Torture (APT) estime que l'adoption du protocole
relatif à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
portant création de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples constitue une avancée importante vers la consolidation de la
démocratie et de l'Etat de Droit. La Cour doit se montrer
indépendante pour assurer sa mission. La création et la mise en
place effective de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
constituent un pas décisif vers une meilleure protection des
libertés et des droits fondamentaux de la personne humaine, et
s'inscrit, en outre, dans la droite logique d'institutionnalisation des Droits
de l'Homme.
Il convient, dans l'ensemble, de préciser que notre
pays est Etat partie aux instruments juridiques adoptés dans le cadre du
système onusien et du système américain de protection des
Droits de l'Homme, ainsi a-t-il adopté des textes nationaux qui
constituent les instruments juridiques de protection nationale des Droits de
l'Homme.
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE
PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME
La simple mention des instruments juridiques de protection
nationale des Droits de l'Homme peut se révéler vaine si on ne
met pas en évidence leur fondement à travers un certain nombre de
textes. A ces textes, s'ajoutent les instruments juridictionnels susceptibles
d'assurer la protection et la garantie des Droits de l'Homme.
A- Le fondement juridique de protection nationale des
Droits de l'Homme
Le fondement juridique de protection des Droits de l'Homme en
Haïti se retrouve d'abord, dans les constitutions hattiennes, en
particulier celle qui est en vigueur, qui se révèle comme
véritable garante des droits et des libertés fondamentales du
citoyen haïtien. Ensuite, ce fondement juridique se manifeste aussi dans
les Traités et Conventions signés et ratifiés par la
République d'Haïti en matière du respect et de la protection
des droits et de la dignité des haïtiens.
1- La Constitution haïtienne de 1987 et celles
d'avant 1987
Le processus de constitutionnalisation des droits et des
libertés fondamentales est fort ancien dans les constitutions
haïtiennes. La garantie des libertés s'impose, même sans le
contrôle de la loi. D'ailleurs, cette idée se révèle
comme l'un des principes directeurs du droit constitutionnel
républicain. C'est en ce sens que Esmein avance :
« C'est une des idées les plus mieux
établies et les plus fécondes des temps modernes que l'individu a
des droits antérieurs et supérieurs à ceux de l'Etat, qui
s'imposent par conséquent au respect de l'Etat(...) ce principe(...)
forme(...) un objet essentiel du droit constitutionnel. En effet, il
détermine, plus étroitement que toute autre loi, l'exercice de la
souveraineté, car il interdit au souverain de faire des lois qui
entament les droits individuels, et lui commande d'en promulguer qui assurent
efficacement la jouissance des ces droits 44(*) ».
Toute constitution, en vérité, symbole
d'organisation du pouvoir, se doit d'être articulée autour des
principes concourant à la garantie des droits et des libertés
fondamentales des individus. En ce sens, la Constitution de 1987, dans le but
de promouvoir le respect des droits de l'Homme, dès son
préambule, se réfère à la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Ainsi, il est énoncé
dans le paragraphe 1 de son préambule : « Le peuple
haïtien proclame la présente constitution pour garantir ses droits
inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la
liberté et à la poursuite du bonheur, conformément
à son acte d'indépendance de 1804 et à la
déclaration universelle des droits de l'homme de 194845(*) ». Ces valeurs
proclamées dans la constitution de 1987 reflètent aussi celles
retrouvées dans la Convention américaine.
Il faut dire, toutefois, qu'il n'y a pas que la constitution
de 1987 faisant référence au respect des droits et des
libertés fondamentales dans la mesure où la quasi-totalité
des constitutions d'avant 1987 ont mis l'emphase sur le respect de ces
derniers, et surtout ont condamné l'esclavage, entendu comme
véritable négation de la dignité humaine, en
témoignent les deux premières constitutions, après notre
indépendance le 1er Janvier 1804, date fatidique dans
l'histoire du peuple haïtien tout entier. Ainsi, dans l'article premier de
la Constitution de 1806 on y lit : « il ne peut exister
d'esclaves sur le territoire de la république ; l'esclave y est
à jamais aboli46(*) ». Plus concrètement, dans
l'article 3 de cette même Constitution, il est précisé
que : « Les droits de l'homme en société
sont : la liberté, l'égalité, la sureté, la
propriété ». On peut tout aussi bien considérer
d'autres moments historiques revendiquant les Droits de l'Homme, par exemple la
révolution de 1843. Cette révolution a surgit après le
long règne de Jean P. Boyer, celui qui a giflé la dignité
nationale en acceptant de payer notre indépendance à la France.
Elle a préconisé une autre vision d'organisation du pouvoir qui
doit prendre en considération la dignité et l'humanité
dont le peuple haïtien est porteur. Elle voulait, en fait, saper la base
du régime despotique présidentiel et la domination de la caste
militaire en vue d'instaurer un pouvoir civil, libéral,
représentatif et décentralisateur. C'est cette nouvelle vision
humaniste du pouvoir qui donne lieu à la Constitution de 1843. Laquelle
Constitution a pu permettre au peuple haïtien d'incorporer ses
revendications dans un corps de principes d'ordre légal. Dès son
préambule, on y lit : « Le peuple haïtien
proclame, en présence de l'Etre suprême, la présente
constitution, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles
et politiques, et son indépendance nationale47(*) ». En outre, le
principe de la séparation des pouvoirs, important pour
l'établissement de l'Etat de droit, de la démocratie, et
important aussi pour la garantie et la protection des Droits de l'Homme,
était figuré dans la colonne de cette constitution issue de la
révolution de 1843. A cet effet, dans l'article 43, il est
écrit : « L'exercice de cette
souveraineté est délégué à trois pouvoirs
électifs et temporaires. Ces trois pouvoirs sont : le pouvoir
législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire48(*) ». Toutefois,
l'adoption de cette Constitution n'a pu mettre fin aux différentes
revendications, aux différentes souffrances des haïtiens dans la
mesure où d'autres constitutions allaient être adoptées.
C'est le cas de la Constitution de 1946. Cette dernière a vu le jour
durant la chute du gouvernement d'Elie Lescot ayant permis aux forces sociales
et politiques de revendiquer la liberté pour tous et le partage du
pouvoir. La Charte, votée le 22 novembre 1946, prend toutes les
dispositions pour contrer les velléités despotiques du
Président. On y remarque des innovations importantes comme
l'introduction de l'Habeas corpus, l'interdiction de l'extradition en
matière politique (art. 31), le respect du droit syndical des
travailleurs, l'obligation du congé annuel payé. Pour la
première fois, la Police et l'Armée sont
découplées. Il y a aussi la Constitution de 1957 qui
élargit le contenu démocratique et reconnaît de nouveaux
droits comme la protection sociale des démunis ou les Droits de la
Femme. Elle consacre un chapitre au régime économique, à
l'obligation de l'Etat de protéger la santé publique et de
procurer une assistance médicale aux malades.
2- Les traités internationaux relatifs aux
Droits de l'Homme
Il y a tout un ensemble de traités internationaux qui
sont ratifiés par la République d'Haïti dans le domaine de
la protection de Droits de l'Homme. C'est le cas, par exemple, de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Cette
déclaration, ratifiée par Haïti, fait corps à la
législation du pays. D'ailleurs, les constituants y font
référence dans le préambule de la constitution de 1987:
« Le Peuple Haïtien proclame la présente
Constitution : pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles
à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur
conformément à son Acte d'Indépendance de 1804 et à
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1948 ».
Il y a d'autres traités qu'Haïti a ratifiés
dans le but de protéger les droits de l'homme. On a entre autres :
- Le Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques " de 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976.
- Le Pacte International relatif aux Droits Economiques,
Sociaux et Culturels (PIDESC), ratifié le 31 janvier 2012.
- Convention internationale sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination raciale de 1965 des Nations Unies. Entrée
en vigueur le 4 janvier 1969.
- Convention internationale sur l'élimination et la
répression du crime d'apartheid de 1973 des Nations Unies. Entrée
en vigueur le 18 juillet 1976.
- Convention de l'OIT concernant la discrimination en
matière d'emploi et de profession de 1958 des Nations Unies.
Entrée en vigueur le 15 juin 19610.
- Convention pour la prévention de la répression
du crime de génocide de 1948 des Nations Unies. Entrée en vigueur
le 12 janvier 1951.
- Convention supplémentaire relative à
l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et
pratiques analogues à l'esclavage de 1956 des Nations Unies.
Entrée en vigueur le 30 avril 1957.
- Convention pour la répression de la traite des
êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949
des Nations Unies. Entrée en vigueur le 25 juillet 1951.
- Convention de l'OIT concernant le travail forcé de
1930 de la Société des Nations. Entrée en vigueur le
1er mai 1932.
- Convention de l'OIT concernant l'abolition du travail
forcé de 1957 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 17 janvier
1959.
- Convention relative au statut des réfugiés de
1951 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 22 avril 1954.
- Protocole relatif au statut des réfugiés de
1967 des Nations Unies. Entrée en vigueur le 4 octobre 1967.
- Convention de l'OIT concernant la liberté syndicale
et la protection du droit syndical de 1948 des Nations Unies. Entrée en
vigueur le 4 juillet 1950.
- Convention de l'OIT concernant l'application des principes
du droit d'organisation et de négociation collective de 1949 des Nations
Unies. Entrée en vigueur le 18 juillet 1951.
- Convention sur les droits politiques de la femme de 1953 des
Nations Unies. Entrée en vigueur le 7 juillet 1954.
- Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes de 1976 des Nations Unies.
Entrée en vigueur le 3 septembre 1981.
- Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 de
l'UNICEF. Cette convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
Outre ces traités, il convient de signaler
qu'Haïti est membre de l'Organisation des Etats Américains (OEA).
Par conséquent, elle a ratifié huit des principales Conventions
de cette Organisation en matière des Droits de l'Homme, qui constituent
des instruments régionaux. Il s'agit de :
- Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme
de 1969. Entrée en vigueur le 18 juillet 1978.
- Convention sur l'asile de 1928. Entrée en vigueur le
21 ami 1929.
- Convention sur l'asile politique de 1933. Entrée en
vigueur le 28 mars 1935.
- Convention sur l'asile diplomatique de 1954. Entrée
en vigueur le 29 décembre 1954.
- Convention sur l'asile territorial de 1954. Entrée en
vigueur le 29 décembre 1954.
- Convention sur le statut des étrangers de 1928.
Entrée en vigueur le 29 août 1929.
- Convention interaméricaine sur la concession des
droits politiques à la femme de 1948. Entrée en vigueur le 17
mars 1949.
- Convention interaméricaine pour la prévention
et la répression de la tortue, signée le 13 juin 1986.
- Convention interaméricaine sur la prévention,
la sanction et l'élimination de la violence contre la femme de 1994.
Entrée en vigueur le 3 mars 1995.
- Convention interaméricaine pour la prévention,
la sanction et l'élimination de la violence contre la femme (la
Convention de « Belém do Pará »), ratifiée le 2
juin 1997.
B- Les instruments institutionnels de protection
nationale des Droits de l'Homme
Les institutions qui contribuent à la protection des
Droits de l'Homme ne sont pas du même ordre. Il y a des institutions
étatiques de protection des Droits de l'Homme, et les institutions non
étatiques ou non gouvernementales de protection des Droits de l'Homme.
Cela se justifie par le fait que la bataille pour le respect des Droits de
l'Homme n'est pas seulement une affaire de l'Etat, mais aussi celle des tous
les acteurs, de tous les citoyens de la société. D'où la
dimension d'opposabilité des Droits de l'Homme, comprise comme un des
principes de cohérence éthique de ces derniers.
1- Les institutions étatiques de protection des
Droits de l'Homme
A part les systèmes internationaux de protection des
Droits de l'Homme, il y a aussi des mécanismes nationaux de protection
de ces derniers. L'adoption des mécanismes de protection des Droits de
l'Homme en Haïti résulte d'un effort entamé depuis en 1986
pour l'instauration d'un Etat de droit. L'instauration de ce dernier passe par
la création d'un ensemble d'institutions. Parmi ces institutions
étatiques, plusieurs ont apporté des contributions importantes
à la protection des droits de l'homme telles que:
L'office de la Protection du Citoyen (OPC)
Il s'agit d'une institution créée par la
Constitution de 1987 en son article 207 : « il est
créé un office dénommé office de la protection du
citoyen dont le but est de protéger tout individu contre toutes les
formes d'abus de l'Administration Publique ». A ce titre, il est
clair que sa création s'inscrit dans la logique consistant à
assurer la garantie des droits octroyés par la charte fondamentale. Cet
office jouit de l'autonomie administrative. Il est dirigé, selon
l'article 207-1 : « par un citoyen qui porte le titre de
protecteur du citoyen. Il est choisi par consensus entre le président de
la république, le président du sénat et le
président de la chambre des députés. Il est investi d'un
mandat de sept(7) ans, non renouvelable 49(*)». L'intervention de cet office en faveur de
tout plaignant se fait sans aucun frais, et cela est valable pour quelle que
soit la juridiction, art. 207-2.
Il est vrai que cette institution a été
prévue par la Constitution de 1987, mais ce n'est qu'en 1995 qu'un
décret présidentiel a été pris pour instituer
l'Office selon la procédure tracée par la constitution. Ses
bureaux ont été véritablement ouverts le 4 Novembre 1997
avec la nomination du Docteur Louis E. Roys comme protecteur du citoyen.
L'Office de la protection du citoyen a deux missions
principales. Comme il est énoncé dans l'art 207 de la
constitution, sa mission première est de protéger les citoyens
contre les abus de l'administration en facilitant leurs rapports avec celle-ci,
et sa seconde mission concerne le respect des Droits de l'Homme. La
compétence de l'Office, selon l'art 14 du décret du 12
Décembre 1995 créant l'OPC, s'étend à tous les
ministères et à toutes les institutions sous tutelle d'un
ministère, à toutes les institutions autonomes50(*). Le protecteur du citoyen,
dans le cadre de ses attributions, reçoit non seulement des plaintes en
ce qui concerne le fonctionnement des administrations de l'Etat, des
collectivités territoriales et tout autre organisme chargé du
service public, mais aussi il prend part à toutes les activités
ayant rapport à la protection des droits de l'homme. Outre cela, aux
termes de l'article de 22 du dit décret, le protecteur détient un
pouvoir de recommandations et de propositions de réforme pour rendre
plus effectifs les travaux de l'Office.
Il faut dire qu'à coté de l'Office de la
Protection du Citoyen comme organisme indépendant de l'Etat
appelé à garantir, améliorer, protéger les Droits
de l'Homme, il y a d'autres institutions étatiques qui prennent en
considération la question de la protection des Droits de l'Homme. Parmi
lesquelles se retrouvent, entres autres : le Ministère à la
condition Féminine et aux Droits de la Femmes, le Ministère de
l'Environnement, la Secrétairerie d'Etat à l'Intégration
des Personnes Handicapées, L'Office National d'Identification, la police
nationale, l'Administration Pénitencière, etc.
Le Ministère à la Condition
Féminine et aux Droits de la FEMME
Ce ministère a été créé par
décret le 8 novembre 1994, qui est l'organe central chargé de
concevoir, de définir et de faire appliquer les politiques de l'Etat
dans le domaine de la Condition Féminine et des Droits de la Femme. Il a
pour attributions principales d'oeuvrer à l'émergence d'une
société égalitaire pour ses composantes des deux sexes,
d'orienter la définition et l'exécution des politiques publiques
équitables à l'échelle nationale.
Le Ministère de l'Environnement
Ce ministère a été créé en
novembre 1994. En effet, sa création tend vers la promotion du
développement durable et constitue aussi un encouragement certain pour
la protection de l'environnement. Et on sait très bien que la protection
de celui-ci rentre dans la politique du respect des Droits de l'Homme.
D'ailleurs, la troisième génération des Droits de l'Homme
est orientée vers l'établissement d'un environnement sein qui
inspire un minimum de respect de la dignité humaine.
La Secrétairerie d'Etat à
l'Intégration des Personnes Handicapées
Etre handicapé n'implique pas l'effacement de la
personnalité, la dignité. Les personnes handicapées
doivent être absolument considérées comme des personnes
à part entière. C'est dans cette optique que l'Etat haïtien
a procédé à la création de la secrétairerie
d'Etat à l'Intégration des personnes handicapées. Cette
Secrétairerie d'Etat a été créée par
Arrêté présidentiel en mai 2007. Elle a pour principale
mission d'intervenir en matière de prévention des
invalidités et de travailler à l'intégration de cette
catégorie de gens.
L'Office National d'Identification
Cet organe, créé par décret en 2005, a
pour attribution de procéder à l'identification des haïtiens
dès leur naissance et de tenir le Registre National d'Identification,
dans la mesure où l'indication des citoyens est une marque de
reconnaissance de leurs droits en fonction de leur dignité.
L'Office National de la Migration
L'office national de la migration, créé par
décret en mars 1995, placé sous tutelle du Ministère des
Affaires Sociales et Travail (MAST), a pour attribution principale d'encadrer
les individus refoulés de l'étranger et rapatriés en
Haïti pour des raisons économiques.
La Commission Nationale de Lutte contre la
Drogue
La Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD),
l'Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) et l'Unité
de Lutte Contre la Corruption (ULCC), sont des entités étatiques
qui ont été créées, respectivement, en 2001, en
2004 et en 2005 pour faire face à des crimes entravant la libre
jouissance de certains Droits de l'Homme, comme la corruption, le blanchiment
d'argent et le trafic illicite des stupéfiants. Cette Commission
revêt une grande importance, car en matière de trafic illicite de
stupéfiants, il se trouve qu'on peut commettre des crimes financiers, et
que ces derniers ne font pas bon ménage avec les Droits de l'Homme. Pour
contrer ce phénomène, cette entité étatique
mérite d'être absolument renforcée.
2- Les institutions non étatiques de protection
des Droits de l'Homme
La défense des Droits de l'Homme n'implique pas
seulement la responsabilité de l'Etat, mais également celle de
tous les acteurs, de tous les citoyens de la société. En effet,
depuis un certain temps, on constate beaucoup d'organisations relevant de la
société qui se sont engagées dans la lutte pour la
défense des Droits de l'Homme. Ces organisations ont une grande
importance. Car elles servent, pour ainsi dire, un contre-pouvoir, en ce qui
concerne le respect de ces droits. Dans la majeure partie des cas, leurs
actions se situent au niveau de la dénonciation des actes portant
atteinte au respect des Droits de l'Homme. C'est le cas de l'Organisation du
réseau national de défense des droits humains (RNDDH). C'est une
Organisation haïtienne des Droits de l'Homme non gouvernementale à
but non-lucratif qui a été créée à New York
en 1982 sous l'appellation de Nationale Coalition for Haitian Refugee (NCHR).
Cette organisation a joué un rôle matriciel dans l'instauration de
la démocratie haïtienne. Elle travaille de concert avec d'autres
organisations telles : Plate-forme des Organisations haïtiennes des
Droits Humains (POHDH), Centre de recherches sociales et de formation
économique pour le développement (CRESFED). Ce dernier intervient
surtout dans le domaine de la formation, en particulier auprès du monde
étudiant, secteur avec lequel il est le plus en contact. Il est
également lié à un certain nombre d'organisations
populaires.
En clair, le Réseau National de Défense des
Droits de l'Homme (RNDDH) est une organisation qui a contribué au
respect des Droits de l'Homme en Haïti. Ainsi, récemment, elle
s'est positionnée dans l'affaire de l'ancien dictateur haïtien,
Jean C. Duvalier, et dans l'arrestation du député en fonction,
Arnel Bélizaire, député de la 49eme législature.
Elle qualifie cette arrestation comme un acte arbitraire et inconstitutionnel,
et par voie de conséquence, il s'agit des actes relevant de la violation
grave des Droits de l'Homme. Et elle qualifie aussi l'ordonnance du juge
d'instruction dans l'affaire de J. Claude Duvalier, d'ordonnance de la honte.
Elle réalise aussi ses travaux au niveau de la publication des rapports
sur les cas de violation des Droits de l'Homme. Et certaines fois, elle fait
des propositions pour changer la situation.
En outre, il y a d'autres organisations locales qui
mènent aussi la lutte pour le respect des Droits de l'Homme, par exemple
le Comité des avocats pour le respect des libertés individuelles
(CARLI). Il s'agit d'une organisation non gouvernementale dont la sacro-sainte
mission est la lutte pour le respect des droits de l'homme en Haïti. Il a
critiqué énergiquement, dans une note rendue publique le 27
octobre 2011, l'arrestation du député en fonction Arnel
Belizaire. Cette organisation a considéré cette arrestation comme
un acte arbitraire et inconstitutionnel.
Toutefois, le dévouement des ces organisations
nationales pour la défense des Droits de l'Homme, leur positionnement et
les dénonciations des cas de violation de ces derniers sont beaucoup
plus politiques, puisqu'il ne suffit pas de les dénoncer à corps
et à cri, il faut, au moins, qu'elles soient en mesure de pouvoir
accompagner juridiquement les personnes victimes. Ainsi, on ne retrouve pas
vraiment des arrêts rendus soit par les tribunaux de première
instance, soit par les cours d'appel ou la cour de cassation en faveur d'une
personne dont les droits ont été violés à la faveur
d'un support juridique de la part de ces organismes. De ce fait, ils doivent
pouvoir accompagner juridiquement les victimes.
Dans l'ensemble, cette première partie de notre travail
nous a permis de pouvoir situer le contexte historique de l'émergence
des Droits de l'Homme, dans la mesure où ils ne sont pas le fruit d'un
heureux hasard, mais de la réunion d'un ensemble de conditions
historiques liées à la vie de l'homme en société.
Elle nous a permis, en outre, d'asseoir les bases théoriques de ce
travail de recherche. Car la question des Droits de l'Homme ne peut pas se
réaliser en faisant l'économie des débats
théoriques et idéologiques qui ont pu contribuer à leur
apparition. Ce sont ces débats théoriques et idéologiques
qui ont conduit à l'élaboration des textes internationaux et la
mise en branle des systèmes de protection internationale des Droits de
l'Homme dont la valeur a pu retentir et retentit encore dans toutes les fibres
de la communauté internationale.
Toutefois, tenant compte de la situation critique de
l'évolution des Droits de l'Homme, n'y a-t-il donc pas lieu de parler de
l'inefficacité des mécanismes de protection et des
difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti ?
SECONDE PARTIE
L'INEFFICACITE DES MECANISMES DE PROTECTION ET LES
DIFFICULTES D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI
Malgré la mise en place de toute une panoplie de
mécanismes de protection des Droits de l'Homme tant sur le plan
international que national, les Droits de l'Homme ne se portent pas trop bien
en Haïti. Nombreuses sont les difficultés qui font obstacle
à l'application de ces droits. Et ces difficultés ont une
incidence sur l'efficacité des instruments appelés à les
préserver de manière effective. Ainsi, cette partie, se divisant
en deux chapitres, s'attachera à mettre en évidence les
difficultés dues à l'application des Droits de l'Homme en
Haïti. Et un regard sera porté sur la situation d'évolution
des Droits de l'Homme en Haïti.
CHAPITRE 3
LES DIFFICULTES RELATIVES A L'APPLICATION DES DROITS
DE L'HOMME EN HAITI
L'adoption de textes et la mise en place des structures de
protection des Droits de l'Homme n'impliquent totalement pas la
préservation, voire l'application des Droits de l'Homme. A cet effet, il
faut créer des conditions concrètes sans lesquelles l'application
de ces derniers peut paraitre très problématique. Aussi, dans ce
chapitre, se propose-t-on de mettre le cap sur les difficultés
auxquelles se heurte l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Ces
difficultés se situent à différents niveaux. Il y en a qui
sont d'ordre interne, et d'autres d'ordre externe.
SECTION 1 : LES DIFFICULTES INTERNES
D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME
Tout Etat qui a signé et ratifié la
Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 ou tout autre
traité international en matière des Droits de l'Homme se doit de
respecter leurs principes. Pour ce faire, il est absolument nécessaire
de créer des conditions afin de pouvoir garantir le respect et la
jouissance de ces droits pour le bien-être des citoyens. En d'autres
termes, l'application de ces droits est fonction d'une série de
conditions. Celles-ci sont d'ordre social, économique, culturel et
juridique. Or, la question de la protection des Droits de l'Homme en Haïti
se déroule, plutôt, dans une ambiance teintée
particulièrement de sous-développement,
d'inégalités sociales et d'absence d'Etat de Droit. De là,
on est amené à être d'accord sur le fait que cette ambiance
est incompatible à la réalisation ou à la satisfaction de
l'idéal des Droits de l'Homme. Cette incompatibilité de ces
derniers par rapport à la vulnérabilité du pays provoque,
tout naturellement, des difficultés d'application. Ainsi, cette section
s'attachera d'une part, à faire ressortir les difficultés d'ordre
sociopolitique et, d'autre part elle mettra l'emphase sur les
difficultés d'ordre structurel.
A- Les contraintes d'ordre sociopolitique
Les difficultés sociopolitiques ayant une incidence
majeure sur l'application des droits de l'homme sont articulées autour
du fait que, d'abord on a comme référence absolue le
modèle théorique occidental dont la fragilité est
perçue comme une véritable contrainte en matière
d'application des Droits de l'Homme dans la réalité
haïtienne. Ensuite, il y a une contrainte par rapport au fait que
l'application des Droits de l'Homme dans une société ne saurait
faire l'économie de l'Etat de droit. Et enfin, on doit considérer
aussi la démocratie qui est une condition nécessaire pour la
préservation des Droits de l'Homme.
1- Fragilité du modèle
occidental
La situation de l'application des Droits de l'Homme en
Haïti s'expose à un ensemble de difficultés. L'une des
difficultés contre lesquelles se heurte la mise en application de ces
droits en Haïti, c'est l'intégration de la conception
occidentaliste des Droits de l'Homme dans la réalité
socioculturelle du pays. L'Europe, dans son processus de colonisation, a
imposé sa vision des choses aux colonisés. Ainsi, sa culture
exerce une grande influence sur ceux-ci. En matière des droits de
l'homme, elle postule l'idée d'universalité de ces droits. Cette
universalité réside dans ce que la nature de l'homme est la
même partout. A ce propos, le professeur Patrice Meyer-Bisch, dans son
oeuvre « Présentation systémiques des droits
humains », avance qu'il y a trois(3) conditions logiques qui
impliquent les principes de cohérence éthique des droits de
l'homme. La première est l'universalité, dans la mesure où
ces derniers postulent la prise en compte de la dignité de la personne
humaine indépendamment de sa race, sa classe, sa nationalité,
etc. Néanmoins, cette conception ne met pas en exergue certaines
particularités qui varient d'une société à une
autre. Et cette vision universaliste des droits de l'homme correspond à
ce que Amartya Sen qualifie de « l'impérialisme
culturel 51(*)». La deuxième, c'est
l'indivisibilité des droits de l'homme. Elle sous-entend que ceux-ci
sont indivisibles, et la violation de l'un implique automatiquement celle de
l'autre. Et la troisième, c'est l'opposabilité qui, elle, traduit
la reconnaissance de la responsabilité de tous les individus et de tous
les acteurs sociaux dans le respect de ces droits.
En effet, cette vision occidentaliste des Droits de l'Homme
qui nous est imposée doit être mise à l'écart eu
égard au contexte de sous-développement de notre pays. Haïti
est un pays ayant sa propre culture, sa réalité sociale. Ce qui
veut dire que comprendre la question des Droits de l'Homme en Haïti
implique de prendre en compte ses particularités socioculturelles. Or,
cette conception occidentalisante vis-à-vis de ces droits ne fait aucun
cas des singularités culturelles de chaque pays. Il y a aussi un autre
problème qui mérite d'être signalé, celui du taux de
l'analphabétisme en Haïti. Il est l'un des handicaps majeurs
susceptibles d'empêcher toute intégration de cette conception dans
la réalité socioculturelle haïtienne qui lui est
étrangère. Car le niveau d'éducation, la sagacité
intellectuelle des citoyens a une grande importance tant dans la conscience de
l'existence de ces droits que dans la manière de les revendiquer. Il se
trouve que bon nombre de pays de l'Europe, par exemple l'Allemagne, la France,
etc. n'ont pas non seulement la même culture que nous, mais encore ils ne
sont pas confrontés à ce genre de problème
d'éducation. Contrairement à Haïti, ils sont des pays
développés. En se bornant à l'essentiel, il faut remettre
en question l'impérialisme occidentaliste des Droits de l'Homme par
rapport à la réalité sociopolitique haïtienne. Ces
droits sont encadrés par un ensemble de facteurs dont les facteurs
anthropologiques prenant en compte leur dimension culturelle. Bref, Haïti
ne remplit pas les conditions pour accueillir dans ses bras la conception
occidentaliste des Droits de l'Homme. Il faut opérer une rupture avec
cette vision du monde pour pouvoir élaborer une théorie qui nous
est propre, capable de saisir les différentes dimensions de notre
réalité socioculturelle.
2- Etat de Droit
L'Etat de Droit est une invention des hommes, c'est un fait
culturel prenant la forme d'une convention. Cette invention des hommes est
née, dans la perspective de Jacques Chevalier52(*), dans le champ juridique pour
répondre au besoin de systématisation et à
l'impératif de fondation du droit public. Il continue pour dire que la
notion d'Etat de Droit est une production doctrinale, car elle émane de
ces interprétations autorisées, agents actifs de
systématisation, chargées de reconstruire la
réalité juridique sous la forme d'un ensemble cohérent,
intelligible et rationnel.
L'Etat de Droit est une théorie à laquelle les
Etats démocratiques et libéraux font référence pour
asseoir le pouvoir politique. Toutefois, il s'agit d'une théorie que
l'on ne saurait enfermer dans une seule perspective théorique. Ainsi,
l'appréhension de cette théorie met en confrontation plusieurs
conceptions. Cette théorie est saisie par Jacques Chevalier à
partir de trois dimensions : « d'abord, elle est
posée comme l'Etat qui agit au moyen du droit, en la forme juridique,
ensuite, comme l'Etat qui est assujetti au droit, et enfin, comme l'Etat dont
le droit comporte certains attributs intrinsèques53(*) ».
La théorie de l'Etat de Droit, d'après Bernard
Chantebout, repose sur trois éléments fondamentaux :
encadrement juridique du pouvoir, l'indépendance de l'autorité
juridictionnelle, une philosophie humaniste et libérale.
Encadrement juridique du pouvoir
Il ne peut y avoir un Etat de Droit que si le pouvoir
politique s'exerce par les voies du droit. Pour cela, il faut qu'il y ait un
réseau normatif et une hiérarchie des normes. Ces derniers
servent de cadre référentiel pour contrer toute forme de pratique
politique arbitraire.
Indépendance de l'autorité
juridictionnelle
L'indépendance de l'autorité juridictionnelle
est une garantie considérable contre l'arbitraire du pouvoir et permet
aussi la réalisation de sa limitation. Cela fait ressortir bien
évidemment la théorie de la séparation des pouvoirs de
Montesquieu : pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.
Ces trois pouvoirs constituent ce qu'on appelle le triangle de Bermudes :
le triangle de la mort, le triangle de la disparition. Il faut absolument les
respecter. Or en Haïti, il n'y a pas vraiment un respect de cette fameuse
théorie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas cette indépendance
du pouvoir judiciaire. Le pouvoir exécutif et le pouvoir judicaire se
confondent parfois. Cet irrespect occasionne bon nombre de cas de violation des
Droits de l'Homme.
Une philosophie humaniste et libérale
Cette philosophie implique que l'Etat de Droit n'existe pas
parce qu'il y a un réseau de normes hiérarchisées, et une
indépendance des autorités juridictionnelles, mais il existe
lorsque le réseau de celui-là accorde la préséance
à la dignité et au mieux-être de la personne humaine.
L'Etat n'est pas une fin en soi, mais un instrument de rationalisation des
rapports entre les membres de la société en vue de favoriser
l'épanouissement de celle-ci et de la liberté, et surtout un
instrument au service du bien commun, et que tout Etat démocratique et
pluraliste doit être fondé sur un corps de principes fondamentaux
qui confirment et affirment les libertés et les droits des citoyens.
Il est vrai que la constitution haïtienne de 1987,
instrument d'organisation de la société et de répartition
des pouvoirs, consacre ces principes pour pouvoir établir la base d'un
véritable Etat de Droit. Mais ce dernier n'est pas respecté dans
son intégralité, puisqu'il y a des actes qui ont
été perpétrés en dehors de l'Etat de Droit. Michel
Forst, spécialiste en Droits de l'Homme, semble avoir raison quand il
avance :
« Le président Martelly a fait de
l'Etat de droit l'une des priorités pour son mandat, mais la mise en
oeuvre de l'Etat de droit devrait être une action de nature
profondément politique permettant de dépasser les
décisions purement techniques pour lesquelles les diagnostics ont
été posés depuis longtemps. Gouverner, c'est aussi envoyer
des signaux politiques. La population a besoin de voir que l'Etat de droit est
en marche en Haïti 54(*) ».
Cela signifie tout naturellement que le respect des principes
des Droits de l'Homme n'est pas totalement pris en compte dans le pays. Car
l'Etat de droit est un axiome incontournable en matière de respect de
ces droits. Donc l'instauration d'un Etat de Droit est un rempart susceptible
de préserver l'idéal des Droits de l'Homme dans un pays comme
Haïti.
Malgré les faiblesses qu'accuse le fonctionnement de
l'Etat de Droit en Haïti, il faut souligner que bon nombre de
progrès importants ont été faits. Par exemple, la mise en
place du Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire est une importante
contribution en vue de renforcer ce dernier (CSPJ).
3- Démocratie
Le concept de démocratie est central dans les discours
politiques de nos jours. Mais, il s'agit, se parant d'une phraséologie
idéologique, d'un concept dont les idées remontent à
l'antiquité gréco-romaine, plus particulièrement à
la tradition philosophico-politique de la civilisation de la Grèce
antique. Car ce sont les grecs d'Athènes qui ont eu à
expérimenter les premières formes de la démocratie. A
cette époque, certes, cette démocratie a été
fortement restreinte, d'autant que toutes les catégories sociales
athéniennes n'ont pas su pouvoir charrier toutes les charges de leurs
revendications, même si à certains égards, on savait
recevoir nombreuses manifestations populaires à l'Agora55(*).
La notion de démocratie est très
récurrente, voire omniprésente dans les discours politiques
modernes au point d'être considérée comme un
élément incontournable dans tout projet de société.
Et cela rend délicate toute tentative de la circonscrire dans un sens
précis, étant donné qu'elle est de nature à subir,
au fil de l'évolution du temps, des transformations ou du moins des
appréciations sémantiques différentes. En effet, c'est au
18e siècle, plus précisément avec la
philosophie des Lumières qu'un nouveau système de valeurs allait
surgir. C'est-à-dire, on avait assisté à une
théorisation beaucoup nette et nuancée de la démocratie.
Cette philosophie qui a favorise théoriquement celle-ci se fonde, en
grande partie, sur la liberté, l'égalité et la
tolérance. Ce sont trois valeurs cardinales autour desquelles gravite la
philosophie des Lumières.
La notion de démocratie est investie de plusieurs sens.
Cela est dû aux différentes perspectives définitionnelles
à partir desquelles on va l'appréhender. La première
appréhension de la démocratie s'inscrit dans la vision de Philipe
Ardant. Pour lui, « elle est une construction
théorique cohérente englobant aussi bien des aspects sociaux et
économiques que politique dans la vie nationale. Elle est une
méthode de gestion de pouvoir, un régime politique fondé
sur le principe postulant que la souveraineté appartient à
l'ensemble des citoyens56(*) ». Ensuite, elle est aussi saisie par
Georges Lavau, politologue français, comme :
« Un régime qui, dans l'organisation
politique, se conforme au principe selon lequel le pouvoir souverain
n'appartient qu'au peuple (chaque individu composant ce peuple détenant
une parcelle égale de souveraineté). Par des votes librement
exprimés et non attachés de fraude, la majorité des
votants, directement ou par ses représentants élus, est la source
de toutes les décisions publiques liant l'ensemble de la
communauté57(*) ».
Ces deux approches s'inscrivent dans la même
logique : la prééminence populaire dans l'instauration d'un
pouvoir politique. Ces approches ne font que se rejoindre à la
définition d'A. Lincon de la démocratie, bien qu'elle soit d'une
grande ambigüité sémantique : « le
gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
En effet, il y a deux grandes conceptions de la
démocratie : la conception classique et la conception marxiste.
La conception classique de la
démocratie
La conception classique de la démocratie, c'est la
conception occidentale traditionnelle, imposée comme modèle de
pensée capable de mieux comprendre la démocratie. Ce mode
d'organisation gouvernementale se repose sur le fait que celle-ci est
socialement et économiquement neutre, et donc peut coexister avec un
ordre économique capitaliste aussi qu'avec un ordre économique
collectif. Elle est saisie par Kelsen comme « une certaine
méthode de création de l'ordre social et non pas une organisation
sociale déterminée58(*) ». En outre, l'exercice de la
démocratie suivant ce modèle théorique, c'est qu'elle
suppose la prise en compte d'un ensemble d'éléments
constituant des conditions indispensables (la liberté politique, c'est
d'ailleurs l'un de ses points d'ancrage, le libéralisme politique, le
principe majoritaire) et des conditions favorables (l'éducation et la
formation). Ces dernières facilitent son bon fonctionnement. Dans la
même intention, d'après Pierre Pactet, « Un
choix ne peut être éclairé que s'il est le fait d'un
citoyen conscient, apte à confronter les programmes et les
raisonnements, ayant par conséquent un acquis culturel et informé
de manière suffisamment objective par les moyens habituels de
communication59(*) ». Or, en Haïti, il n'y a pas ce
que le professeur L.F Manigat appelle « une ambiance
démocratique ». Car les gens n'ont pas véritablement un
niveau d'éducation. Ce manque représente un blocage pour une
compréhension rationnelle de la démocratie, et cela entraine
aussi une inertie de la conscience citoyenne. Cette situation résulte du
taux exagéré d'analphabétisme en Haïti. Les pays
développés comme la France, les Etats Unis, etc. ne sont pas
confrontés à ce genre de problème. De ce fait, ils sont
beaucoup plus aptes à adopter cette conception de la démocratie
contrairement à Haïti.
La conception marxiste de la
démocratie
Le marxisme est une méthode de pensée de grande
précision et de grande complexité. Mais il s'agit d'une
complexité qui est porteuse d'une simplicité, car elle vise
purement et simplement à l'émancipation de l'homme dans la
société dont la conscience humaine est estropiée et
calcinée par les flammes du capitalisme. En effet, le marxisme est une
doctrine matérialiste, parce qu'il ne croit pas en une nature humaine
transcendante et abstraite, d'où découleraient les Droits de
l'Homme. C'est pourquoi, il rejette d'un revers de main la question des droits
naturels. En outre, le marxisme est un matérialisme historique : il
croit que les hommes et les sociétés sont le produit d'un
mouvement dialectique animant l'histoire (Gilles Lebreton)60(*).
Cette conception s'oppose diamétralement à la
conception occidentale de la démocratie. Pour les marxistes, la
démocratie n'est pas socialement neutre, mais suppose un ordre
économique collectif. Le capitalisme permet une démocratie
formelle, mais non réelle. Car, de l'avis de
Lénine, « la démocratie bourgeoise capitale
n'est qu'une démocratie pour une minorité infime, une
démocratie pour les riches61(*) ». Fort de cela, l'essentiel n'est pas
de respecter les libertés puisqu'elles sont des privilèges d'une
minorité, mais de créer, même par la contrainte, les
conditions sociales de la libération par la révolution. Donc,
cette conception marxiste de la démocratie se veut être à
la fois destructrice et constructive. Destructrice parce qu'elle oppose
à la conception occidentale qui est incapable d'aboutir à une
vraie démocratie, mais une démocratie illusoire. Constructive
dans la mesure où elle tend vers une démocratie réelle,
celle, bien entendu, qui conduira à la réalisation de
l'émancipation humaine. Pour ce faire, il faut construire une
société sans classe pour conquérir la démocratie
réelle.
Il y a aussi une troisième conception de la
démocratie, mais qui n'est qu'un essai de synthèse des deux
premières : la démocratie économique et sociale.
Cette démocratie s'oriente vers une philosophie qui s'inscrit dans la
redistribution de la richesse et des revenus.
Mais parmi ces deux conceptions de la démocratie,
laquelle se révèle plus commode pour la réalité
haïtienne ? Il s'agit d'une question dont la réponse peut se
révéler problématique. Toutefois, la conception
occidentale semble ne pas correspondre à la réalité
haïtienne. Et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la culture occidentale
est différente de la nôtre. Il s'agit d'une conception
importée. Car cette démocratie prônée en Haïti
ne permet pas la transformation positive des structures économiques et
sociales. On oserait même dire que la démocratie libérale
est la consécration d'une mise à mort de conscience humaine. Elle
engendre beaucoup plus d'inégalités sociales dans la mesure
où sous le contrôle du capitalisme pour l'homme n'est pas
être doté d'une dignité absolue, mais un simple moyen afin
de maximiser les profits. C'est pourquoi certains auteurs privilégient
la conception marxiste. Celle qui peut permettre à l'individu de pouvoir
revendiquer consciemment les conditions sociales pour la réalisation
réelle de sa liberté, de sa dignité ; celle qui ne
favorise pas seulement l'émancipation politique, mais également
l'émancipation humaine ; et celle qui forme la conscience critique
des citoyens pour qu'ils puissent devenir des hommes responsables dans la
cité.
B- Les contraintes d'ordre structurel
Les contraintes structurelles susceptibles de faire
échec à l'application des Droits de l'Homme peuvent varier d'un
pays à l'autre. Ainsi, en Haïti elles peuvent s'identifier, d'abord
à partir de la situation de crise dont souffre le pays. Ensuite, le
fonctionnement du système judicaire haïtien est une variable
permettant de comprendre ce problème d'application des Droits de
l'Homme. Et enfin, l'état de sous-développement du pays peut
s'interpréter comme facteur de contrainte à une vraie application
des Droits de l'Homme en Haïti.
1- La situation de crise du pays
Pour bien comprendre la situation de crise à laquelle
est confrontée la société haïtienne, il faut
s'attarder à essayer de définir la notion de crise. Le terme
crise, étymologiquement, désigne la manifestation grave d'une
maladie. Ce terme appartient au langage médical. A cet effet, il traduit
un changement rapide et grave intervenant dans l'état de santé
d'un malade ou d'une personne apparemment en bonne santé. Par exemple,
crise cardiaque. Toutefois, il faut dire que ce terme ne révèle
pas seulement du langage médical, mais aussi d'autres
domaines comme psychologie, politique, etc. La notion de crise,
transposée dans le domaine des sciences sociales, change de contenu
sémantique. Ainsi, elle est définie comme un
événement social ou personnel se caractérisant par un
paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes. Ces
dernières peuvent produire des explosions de violence ou de
révolte. La crise est une rupture d'équilibre. Selon Jeanine
Bremond et Alain Genedan, « il y a crise quand les groupes,
les individus, les institutions mettent en question les normes, les
règles et les valeurs, et que des groupes s'organisent pour bouleverser
l'ordre ancien 62(*)». Cela sous-entend que cette attitude de
vouloir chambarder le système est la traduction des souffrances morales
des gens qui veulent avoir un changement par rapport à leur situation
sociale d'existence. C'est dans ce sens que nous interprétons la
réalité de crise que vit le pays de nos jours.
En effet, la situation de crise à laquelle est
confrontée Haïti peut s'expliquer de différentes
manières. D'une part, elle peut s'expliquer par la fragmentation de la
société et, d'autre part, par un mauvais fonctionnement des
institutions.
La société haïtienne est une
société qui se structure en classe, dans la mesure où il y
a une catégorie de gens dont les conditions matérielles
d'existence ne ressemblent en rien à celles des autres : les
dominés, la masse populaire. Une telle catégorisation suppose que
cette société est calcinée par les flammes des
inégalités, comprises comme facteur de déséquilibre
social. Cela sous-entend que la dynamique dans laquelle s'installe la
société haïtienne engendre déjà des nuisances
à son harmonisation. Ce qui provoque, tout naturellement, la
fragmentation de la société.
Avant d'arriver plus loin, une précision
définitionnelle de la notion de fragmentation sociale s'impose. Selon
Taylor : « La caractéristique d'une
société fragmentée est l'inaptitude de plus en plus grande
des gens à former un projet commun et à le mettre à
exécution. La fragmentation survient lorsque les gens en viennent
à se concevoir eux-mêmes de façon de plus en plus atomiste,
autrement dit, de moins en moins liés à leurs concitoyens par des
projets et des allégeances communes63(*) ». Et il enchaine pour dire, dans la
même lignée, que :
« Une société fragmentée
est celle dont les membres éprouvent de plus en plus de mal à
s'identifier à leur collectivité politique en tant
communauté. Cette faible identification reflète peut-être
une perspective atomiste qui mène les gens à considérer la
société de point de vue purement instrumental. Mais elle accentue
aussi cette perspective atomiste parce que l'absence de perspectives
partagées renvoie les gens à eux-mêmes64(*) ».
Partant de ces considérations, combien saisissantes et
ahurissantes, on peut se mettre d'accord sur le fait que la
société haïtienne est traversée par de fortes
tendances individualistes. En ce sens, c'est la théorie du sauvetage
individuel qui s'impose comme loi de fonctionnement. Il y a une espèce
de syntaxe de raisonnement collectif par rapport à cela. Qui plus est,
c'est que nombreux sont les gens qui trouvent un certain confort dans cette
tendance individualiste, perçue comme un signe de désarticulation
des tissus sociaux, donc de membres de la société, car ils ne
croient pas qu'ils doivent apporter leur pierre afin que puisse s'exalter
l'odeur de l'instauration de la philosophie du contrat social dans tous les
compartiments de la société.
Par ailleurs, il convient de préciser qu'il y a aussi
une crise institutionnelle dans le pays. Cette crise se cristallise par un
besoin qui consiste à transformer les institutions du pays. Car la bonne
organisation d'un pays réside non seulement dans l'élaboration
des règles et des principes, mais encore dans l'efficacité de ses
institutions. Si elles sont créées pour desservir les citoyens,
ces derniers doivent avoir confiance en elles. Or, les instances de l'Etat
haïtien, dans leur fonctionnement, ne sont pas en mesure de satisfaire les
besoins de la population, si non elles amplifient davantage son lot de
frustrations. Tout ceci témoigne de la défaillance de l'Etat dans
la prise en charge de ses responsabilités. Cette défaillance
occasionne une méfiance généralisée à
l'égard des institutions étatiques. L'une des institutions
étatiques qui est toujours l'objet des allégations de corruption,
c'est l'institution de la justice.
En se bornant à l'essentiel, la fragmentation de la
société haïtienne et sa crise institutionnelle ne favorisent
pas un climat de tranquillité pour l'application des Droits de l'Homme.
Car, on ne cesse de le réitérer, l'application de ces derniers
est fonction d'un ensemble de conditions sociales. Toute politique tendant vers
l'application de ces droits doit chercher d'abord à prendre en compte le
niveau de développement du pays en question.
2- Le système judiciaire
haïtien
L'organisation de la société suppose
l'articulation d'un ensemble de principes entre eux. L'un des principes fars
qui préside à l'organisation rationnelle de la
société, c'est celui du respect de l'autre. Pour ce faire, il
faut qu'il y ait la justice, dans la mesure où quand on pense au rapport
des citoyens dans la société, cette dernière doit
être absolument prise en considération. A ce titre, Alain avance
cette idée :
« La justice se présente d'abord comme la
règle qui préside aux rapports mutuels des citoyens à
l'intérieur de la cite. Elle prend alors un aspect objectif, en
permettant de qualifier les lois, sentences et châtiments de justes ou
injustes. Elle préside, sous forme de justice distributive, à la
répartition des charges et des dignités à
l'intérieur de la société, ou, sous forme de justice
commutative, aux échanges économiques notamment, selon le
principe d'égalité65(*) ».
Outre cela, la logique même de la philosophie du contrat
social se fonde sur le fait que les individus ne devraient adhérer
à un projet de société que s'ils sont assurés
d'être traités de manière très équitable.
C'est, au juste, cette relation d'équité qui place les individus
dans une situation de confiance par rapport à leur dignité. Cela
veut dire que si au départ ils ont le sentiment que leurs droits et leur
dignité vont être violés, ils n'accepteront pas de
s'engager dans ce projet.
Cette considération nous conduit à saisir
l'importance de la notion de justice, comme véritable instrument
rationnel qui alimente la relation des hommes dans la société.
Toutefois, pour s'assurer qu'il y ait une société de justice, il
faut avoir un ensemble d'institutions destinées à la distribuer.
D'où la nécessité d'établir un système
judiciaire. Haïti ne s'y échappe pas. En fait, le système de
justice haïtien est un dérivé d'un système romano-
germanique, plus précisément, il se structure suivant le
modèle de la France. Il est prévu dans la Constitution de 1987
trois pouvoirs : exécutif, législatif et judicaire. Le
système judiciaire haïtien constitue un ordre juridictionnel qui se
présentant sous une forme pyramidale : Cour de Cassation, c'est la
cour suprême, elle se trouve au sommet de la pyramide, les cours d'appel,
les tribunaux de première instance, les tribunaux de paix et les
tribunaux spéciaux sont au bas de l'échelle. A cela il convient
d'ajouter la mise sur pied du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
(CSPJ) qui est un organe susceptible de renforcer du système judiciaire
haïtien. Ce Conseil est entré en vigueur le 3 juillet 2012 par la
prestation de serment de ses membres.
En fait, le système judiciaire d'un pays est partie
prenante dans la logique de la cristallisation de la philosophie des Droits de
l'Homme. C'est l'endroit idéal à partir duquel il faut partir
pour apprécier l'application réelle et effective de ces derniers.
C'est le centre névralgique même du respect des Droits de l'Homme.
De ce point de vue, l'application de ces derniers repose sûrement sur la
manière dont le système judiciaire du pays est organisé.
Or, le système judiciaire haïtien est caractérisé par
une défaillance absolue. Autrement dit, il est en crise. Cette crise,
elle nait du sentiment généralisé de méfiance dans
la justice haïtienne de la part des justiciables. Comme on vient de le
voir, cette crise se caractérise par un besoin de transformation et de
reforme de ce système de justice qui accuse une défaillance
déconcertante pour n'être pas en mesure de distribuer efficacement
et équitablement la justice. De plus, la défaillance de ce
système judiciaire s'explique par une situation de non
indépendance et de non autonomie des juges qui, dans la plupart du
temps, agissent sous le contrôle du pouvoir exécutif et
législatif. Cette pression ne saurait ne pas contrevenir à une
distribution saine de la justice. Ce type de pression peut provenir en premier
lieu de certains membres du gouvernement ou encore d'autorités locales
représentées par les délégués,
vice-délégués, ou autres. Ils agissent ainsi pour
protéger non seulement leurs intérêts politiques mesquins,
mais également les intérêts de leurs partisans. Il y a des
pressions qui peuvent être exercées par la majorité de la
population quand un juge est saisi d'une affaire. Ce qui est, sans nul doute,
une conséquence logique et directe de la méfiance des
justiciables dans la justice haïtienne, et par rapport à la
tendance des juges à concevoir la justice comme un produit exposé
à la vente aux enchères.
En conséquence, cette situation d'extrême
inquiétude, on doit la changer, c'est dire qu'il faut repenser ce
système judiciaire, surtout la justice pénale haïtienne, car
elle est incompatible au respect et à l'application des Droits de
l'Homme. Pour ce faire, les magistrats doivent être conscients de leur
responsabilité, malgré les pressions politiques. Les magistrats,
à part les pressions politiques, doivent cesser cette affaire d'exiger
une somme d'argent en ce qui concerne la descente sur les lieux. C'est une
sorte de commercialisation de la justice. Sans cette volonté, ils
n'auront pas leur place dans le concert des grands où les plus belles
oeuvres seront les plus belles chansons à entonner.
3- L'état de sous-développement du
pays
Il y a une étroite relation entre le
développement durable et les Droits de l'Homme. A coté du
développement durable, ces derniers constituent l'un des grands
thèmes des objectifs du millénaire pour le développement.
Cela veut dire que le niveau de développement d'un pays a une
répercussion directe sur la mise en application des Droits de l'Homme.
C'est le développement d'un pays qui crée les premières
conditions de matérialisation de ces derniers, puisque le respect de la
dignité humaine implique nécessairement que les besoins
matériels élémentaires de l'être humain doivent
être satisfaits. En un mot, si le pays est sous-développé,
l'application de ces droits s'avère très fragile. En effet,
Haïti est, de nos jours, l'une des illustrations les plus conventionnelles
et plus vivantes de ce que l'on appelle le sous-développement.
D'ailleurs, selon le dernier classement publié le 2 novembre 2011 sur le
développement humain par le Programme des Nations Unies pour le
Développement, « Haïti est classé 154eme sur
un total de 187 pays sélectionnés comme l'un des pays les plus
sous-développés66(*) ». C'est aussi le seul pays moins
avancé (PMA) du continent américain. Bien avant de s'attarder sur
les différentes caractéristiques du sous-développement, il
ne serait pas superfétatoire d'essayer de définir le concept de
sous-développement.
Le concept de sous-développement est traversé
par une sorte de tension sémantique dans la mesure où les
définitions qui lui sont attribuées sont toujours l'objet de
grands débats. Donc, c'est une notion dont la définition se
révèle difficile. Cette difficulté réside dans le
fait que les auteurs qui la définissent sont d'horizons
idéologiques divers.
René GENDARME a su recenser plus d'une vingtaine de
définitions en ce qui a trait à la notion de
sous-développement dont les unes différentes des autres. Cette
notion a été, en effet, employée pour la première
par Harry Truman, président des Etats-Unis en 1945 :
« Il nous faut lancer un nouveau programme qui
soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de
notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la
croissance des régions sous-développées. Plus de la
moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la
misère. Ils n'ont pas assez à manger. Ils sont victimes de
maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour
eux que pour les régions les prospères67(*) ».
Cette citation de Truman témoin d'un grand sentiment de
solidarité envers les pays pauvres pour pouvoir les aider à
contrer la misère qui battait son plein dans ces pays, surtout
après avoir subi les atrocités de la seconde guerre mondiale en
1945. Le concept de sous-développement est également perçu
par Jean FREYSSINET comme « un processus évolutif
caractérisé essentiellement par ce désajustement
fondamental et totalement nouveau entre la croissance démographie et la
situation relative des ressources et caractérisé secondairement
par des épiphénomènes non permanents68(*) ». A l'inverse, dans
la vision de Georges Anglade, géographe haïtien, le
sous-développement « est la déformation de la
vie socio-économique d'un pays par la relation de dépendance
qu'il entretient avec d'autres pays du point de vue du commerce, des finances
et de la politique69(*) ». Et Yves Lacoste, géographe
français, de surenchérir en faisant ressortir, de manière
explicite, tout un ensemble de caractéristiques à partir
desquelles on peut arriver à identifier un pays
sous-développé70(*):
1) Fort taux d'analphabétisme, graves
déficiences des populations, maladies de masse, forte mortalité
infantile.
2) Industrialisation restreinte et incomplète.
3) Forte proportion de croissance urbaine.
4) Forte proportion de l'agriculture à basse
productivité.
5) Hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire.
6) Faiblesse du produit national par habitant.
7) Agriculture de subsistance.
8) Economie extravertie.
9) Situation de subordination économique.
10) Très violentes inégalités
sociales.
11) Ampleur du chômage et de sous-emploi, travail des
enfants
12) Dislocation des structures économiques et
sociales.
13) Ampleur de la croissance démographique.
14) Prise de conscience et situation en pleine
évolution.
15) Secteur informel démesuré.
En effet, ces critères établis par Lacoste, on
les retrouve dans la quasi-totalité des pays tiers-mondistes,
c'est-à-dire des pays sous-développés dont Haïti est
l'une des illustrations les plus incontestables. Haïti semble, à
elle seule, réunir toutes ces caractéristiques :
subordination économique, pauvreté extrême,
inégalités violentes, taux élevé
d'analphabétisme sont, entre autres, des indices qui témoignent
du degré de sous-développement du pays. Le taux
d'analphabétisme en Haïti, selon Leslie Péan,
s'élève à « 57% environ71(*) », c'est-a-dire
57% de la population ne sait ni lire ni écrire en ce 21e
siècle, lequel taux d'analphabétisme est le plus
élevé de la Caraïbes. Mais, l'un des problèmes les
plus frappants, c'est que l'Etat haïtien, depuis sa création, est
incapable non seulement de transformer positivement la société,
mais encore d'assurer un minimum de bien-être pour ses fils et filles. La
grande partie de la population haïtienne vit dans une situation de
détresse monstrueuse et de pauvreté absolue. De l'avis de
François Perroux, la pauvreté absolue « est
déterminée par le niveau au-dessous duquel les besoins primaires
ne sont pas satisfaits72(*) ». Dans le même sens, Robert Mc
Namara a fait remarquer aussi que « la pauvreté
absolue est une condition d'existence sordide tellement avilie par la maladie,
l'analphabétisme et la malnutrition que ses victimes se voient
privées de ce qui est essentiel à la dignité
humaine73(*) ». Il est clair que les Droits de
l'Homme sont consubstantiellement liés à la situation
socio-économique du pays dans lequel ils sont appelés à
être appliqués ; en d'autres termes, le niveau de
développement d'un pays a une incidence sur l'efficacité de la
mise en application des Droits de l'Homme. Or, Haïti est confrontée
à une grave crise de développement, c'est-à-dire qu'il
s'agit d'un pays où il y a une situation de misère noire ;
les conditions matérielles d'existence de la grande majorité des
haïtiens offense le principe du respect de la dignité humaine comme
on vient de le signaler. A cet effet, Gedeon Jean avance que :
« On ne pourra jamais parvenir à une
société démocratique et respectueuse des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, la bonne gouvernance, l'Etat de droit, la
reconstruction effective d'Haïti si l'on accepte la dictature de
l'extrême pauvreté comme étant la norme. Donc, il est
crucial que la situation d'extrême pauvreté qui prédomine
en Haïti soit déverrouillée. Car, l'avenir d'une
société démocratique ne saurait se construire dans une
société qui se résigne à accepter qu'il y ait deux
catégories d'hommes : les pauvres plus de 80% et les
autres74(*) ».
Cette dernière phrase montre de façon non
équivoque l'épaisseur de l'inégalité sociale, l'une
des caractéristiques fondamentales des pays
sous-développés, qui traverse le pays. Cet état de fait ne
fait que fragiliser tout processus qui tend vers l'émancipation de la
dignité des haïtiens et la préservation des valeurs des
Droits de l'Homme. En substance, cette de pauvreté absolue, qui saccage
quotidiennement la vie des haïtiens, qui érode la cohérence
sociale, qui écrase la conscience et l'humanité de la masse
populaire, peut aller jusqu'à entrainer un génocide social.
Toutefois, de manière objective, à cotés
des difficultés internes d'application des Droits de l'Homme
évoquées, n'y a-t-il pas utile de considérer aussi
certaines difficultés externes relatives à la non application des
Droits de l'Homme en Haïti ?
SECTION 2 : LES DIFFICULTES EXTERNES
D'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME
Les difficultés de l'application des Droits de l'Homme
en Haïti ne se retrouvent pas seulement sur le plan interne, mais
également sur le plan externe. Sur le plan externe ces
difficultés se manifestent au niveau des mécanismes de protection
des Droits de l'Homme. En outre, il y a une espèce d'hypocrisie de la
part de la communauté internationale qu'il sied de considérer
dans le processus de l'élucidation des difficultés d'application
des Droits de l'Homme en Haïti.
A- Au niveau des mécanismes de protection des
Droits de l'Homme
Les mécanismes de protection des Droits de l'Homme se
révèlent très importants, puisque l'idée même
de l'internationalisation de ces derniers témoigne d'un souci
éloquent de la reconnaissance de la dignité de la personne
humaine. Toutefois, cette reconnaissance de ces droits par la mise en
évidence des mécanismes parait être complexe. Cette
complexité ne représente pas vraiment un problème, mais le
plus grand des problèmes, c'est le fait que la grande majorité
des citoyens ignore la procédure à mettre en oeuvre pour qu'ils
puissent saisir les cours internationales au cas on aurait été
victime des cas de violations graves des Droits de l'Homme. Ces
mécanismes internationaux de protection des Droits de l'Homme sont
inefficaces aussi par le fait d'une absence de mesures coercitives à
être appliquées contre les Etats ou les auteurs mêmes ayant
posé des actes contraires au respect de ces droits. La limitation de la
portée des décisions des instances internationales en
matière des Droits de l'Homme est à prendre en compte
également.
1- La méconnaissance de la procédure de
saisine des instances internationales
Il y a des personnes dont les droits sont violés qui ne
savent pas à quel saint se vouer, surtout quand ils ne peuvent pas
trouver des réponses satisfaisantes de la part des autorités de
leur pays. Ces personnes peuvent obtenir de l'aide auprès de la
Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, par exemple, en
déposant des pétitions. D'ailleurs, c'est l'une des missions
principales de cette Commission : donner suite aux pétitions des
personnes, des groupes de personnes ou des organisations qui allèguent
des cas de violations des Droits de l'Homme commis par les pays membres de
l'OEA. Toutefois, pour que ces pétitions puissent être
reçues, il faut se conformer à une procédure. En effet,
celle-ci est définie comme « l'ensemble des
formalités qui doivent être suivies pour soumettre une
prétention à un juge75(*) ». Cela sous-entend que l'on doit
respecter un ensemble de conditions, lesquelles assurent la recevabilité
du dossier :
« 1-Il doit s'agir d'une allégation de
violation par un Etat des droits consacrés dans la convention
américaine, dans déclaration américaine, etc.
2-Le requérant doit avoir épuisée
tous les recours judiciaires disponibles dans l'Etat où la violation a
été perpétrée, et la pétition doit
être présentée à la commission dans les six mois
suivants la date de la notification de la décision finale relative
à l'affaire par le tribunal national. Ainsi
l'expression « épuiser tous les recours internes »
signifie qu'avant le recours à la commission, l'affaire doit avoir
été introduite devant les tribunaux ou devant les
autorités compétentes du pays concerné, sans
résultat positif.
3-La pétition ne doit pas être pendante dans
le cadre d'une autre procédure internationale, dont celle du
comité des Droits de l'Homme de l'organisation des nations
unies76(*) ».
Cette procédure, bien qu'elle paraisse relativement
simple, est méconnue par bon nombre de citoyens haïtiens. Car
nombreux sont les haïtiens dont les droits sont quotidiennement
violés qui ne connaissent pas cette procédure. En effet, la
possibilité qui leur est offerte pour porter plainte quand leurs droits
sont violés et pour les faire valoir n'implique la résolution du
problème. Il reste intact. Donc, cette situation de
méconnaissance laisse une porte ouverte à la violation des
droits fondamentaux du citoyen haïtien. En ce sens, on doit prendre des
mesures pour informer la population haïtienne de cette procédure,
et la sensibiliser sur son importance qui, certaines fois, est méconnue
même par les professionnels du droit en Haïti.
2- L'absence des mesures coercitives
A coté de la méconnaissance de la
procédure pour saisir ou porter plainte, dans le cadre d'une violation
des Droits de l'Homme, devant la Commission Interaméricaine des Droits
de l'Homme, ou par devant d'autres instances internationales s'occupant de ces
derniers, il y a une absence de mesures coercitives à appliquer contre
les Etats auxquels on reproche des cas de violations de ces droits. Car quand
un pays est accusé de violations des Droits de l'Homme, après
jugement, s'il est coupable, on ne se contente que de lui administrer des
remontrances morales, sans pour autant prendre de mesures drastiques
jusqu'à le condamner pour dédommager la victime. Cependant,
l'exception faite au système interaméricain de protection des
Droits de l'Homme, puisqu'il peut exiger d'un Etat commettant de violations des
Droits de l'Homme un dédommagement par l'entremise de la Cour
Interaméricaine de Droits de l'Homme. C'est le cas du jugement rendu par
cette Cour dans l'affaire du massacre de Barrios Altos où 15 personnes
étaient assassinées par l'escadron de la mort en novembre 1991.
L'Etat de Pérou était condamné à dédommager
la famille des victimes.
Il est tout aussi bien intéressant de considérer
l'arrêt rendu le 6 mai 2008 par cette Cour en faveur de l'ancien premier
ministre haïtien, Yvon Neptune. Dans cet arrêt, la Cour
Interaméricaine des Droits de l'Homme a condamné l'Etat
haïtien à réparer celui-ci pour les dommages subis lors de
son incarcération au Pénitencier National en juin 2004. Parmi ces
dommages on peut souligner : le non respect de son intégrité
physique, mentale et morale.
3- La limitation de la portée des décisions
des instances de protection internationale des Droits de l'Homme
Il y a quatre(4) grands systèmes, jusqu'à date,
de protection internationale des Droits de l'Homme : le système
onusien, le système interaméricain, le système
européen et le système africain. Chacun de ces systèmes,
ayant chacune ses propres structures juridictionnelles leur permettant
d'assurer la surveillance de l'évolution de Droits de l'Homme, n'a pas
le même degré de compétence.
En effet, il n'y a qu'un système de protection des
Droits de l'Homme à vocation universelle, c'est celui des Nations Unies,
tandis que les autres n'ont qu'une compétence régionale. Chacun
de ces système de protection des Droits de l'Homme, par l'entremise de
certaines structures mises en place pour garantir l'efficacité de ces
droits, donne la possibilité à tous ceux dont les droits sont
bafoués et violés de porter plainte à l'encontre de l'Etat
du pays qui a commis la violation. Néanmoins, il faut respecter la
procédure tracée à cet effet. L'un des principes qui
gouverne cette procédure est celui de l'épuisement des voies
internes. Si après l'analyse d'un cas de violation des Droits de l'Homme
soumis à l'appréciation d'une instance internationale, il est
révélé qu'un individu a été victime d'un cas
de violation de ces droits, afin de le rétablir dans ses droits, l'Etat
en question peut se voir condamner à dédommager la victime. La
décision rendue n'a d'effet que pour les pays ayant signé ou
ratifié la convention relative à cela. C'est dire que pour un
pays qui n'est pas partie à la Convention Européenne des Droits
de l'Homme, on ne pourra pas appliquer contre lui une décision qui a
été adoptée par la Cour Européenne des Droits de
l'Homme. C'est, en quelque sorte, une limitation à la portée des
décisions de cette cour, parce qu'elle n'a qu'une portée
régionale. En ce sens, elle ne peut être appliquée contre
un Etat ne se retrouvant pas dans le continent européen. Par contre,
pour un même cas de violation d'un droit prescrit par la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, on peut adopter une
décision qui s'impose à tous les Etats. En outre, pour être
plus précis, on ne peut pas appliquer une décision prise par la
Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en Haïti pour un cas
de violation des Droits de l'Homme.
En un mot, on ne peut pas adopter les décisions prises
par les cours des systèmes régionaux de protection des Droits de
l'Homme dans n'importe quel pays au cas où il y aurait un cas de
violation de ces derniers. Par exemple, une décision prise par la Cour
Européenne des Droits de l'Homme dans le cadre d'une violation de ces
droits n'a effet que pour les Etats dans le continent européen qui ont
ratifié ou signé la Convention Européenne des Droits de
l'Homme, car il s'agit d'un organe régional.
B- L'hypocrisie de la communauté internationale
La communauté internationale77(*) se montre très
soucieuse en ce qui concerne le respect des Droits de l'Homme dans le monde,
particulièrement dans les pays sous-développés,
précisément en Haïti tant par la mise des mécanismes
de protection que par les discours véhiculés chaque jour à
longueur de journée. Et cette sensibilité apparait aussi dans les
rapports produits par certains organismes internationaux pour faire état
de la situation de l'évolution des Droits de l'Homme en Haïti. Si
cette situation se révèle calamiteuse et scandaleuse, elle est la
première à monter au créneau pour condamner et fustiger le
comportement des dirigeants du pays. Toutefois, il y a une sorte de dissonance
entre la pratique et le discours. Car dans la majeure partie des cas, la
communauté se mêle des affaires internes du pays, sous
prétexte qu'elle est très sensible à la stabilité
et à la bonne marche du pays. Et parfois, cette immixtion dans les
affaires internes du pays constitue une atteinte non seulement à la
souveraineté du pays, mais encore aux Droits de l'Homme. Cette attitude
affichée par la communauté internationale n'est qu'une
espèce d'hypocrisie. Plus concrètement, celle-ci apparait, entre
autres, sur le plan politique, sur le plan économique, et sur le plan
environnemental.
1- Sur le plan politique
La communauté internationale s'érige, comme on
vient de le mentionner plus haut, un véritable gardien des Droits de
l'Homme. En ce sens, elle se bat pour le respect des Droits de l'Homme
tant par l'élaboration d'un ensemble de textes que par la mise en place
de toute une batterie d'institutions. Il est des cas où, sous
prétexte qu'elle a une grande sensibilité pour le respect de ces
droits, elle s'immisce dans les affaires internes d'un pays. C'est le cas par
exemple d'Haïti. La relation entre la communauté internationale et
les petits pays est gouvernée par la force. C'est-à-dire seuls
les pays économiquement et politiquement plus forts qui puissent avoir
le dessus. Cette relation de force se manifeste à travers l'influence de
la communauté internationale dans la prise de décisions
politiques en Haïti. Ainsi, au niveau de l'organisation des
élections en Haïti, on ne saurait mésestimer le poids de la
communauté internationale. En grande partie, cela se fait en se
vêtant d'un manteau démocratique, et les habits des Droits de
l'Homme. Il a fallu l'intervention de la communauté internationale pour
que le candidat Michel Joseph Martely puisse accéder au second tour des
élections de Nombre 2010. Sur cette base, le comportement de la
communauté internationale est non seulement un accroc à la
souveraineté d'Haïti, mais aussi il est révélateur
d'un acte de violation des Droits de l'Homme. Car elle mésestime la
capacité des citoyens haïtiens à choisir leur dirigeant.
2- Sur le plan économique
Il est évident que le pays dépend
économiquement de l'aide extérieure, puisque les produits venant
d'Haïti ne sont vraiment pas pris en compte. Par rapport à cette
dépendance, la communauté internationale, par esprit de
solidarité, accompagne économiquement le pays, mais bien
sûr en lui faisant des impositions qui, dans certains cas, peuvent
se révéler préjudiciables pour bon nombre des
haïtiens. Il y a la question de la privation, qui rentre dans le cadre de
la politique néolibérale, prônée par les pays
capitalistes.
Par ailleurs, il convient de mentionner que jusqu'à
présent, le budget national est financé à plus de 60%
environs par la communauté internationale. Cette situation de
subordination économique conduit, certaines fois, les dirigeants
haïtiens à faire des choix économiques qui peuvent ne pas
refléter forcément le voeu de la population haïtienne. On
est obligé de se soumettre aux desiderata de l'international. Car, comme
on dit généralement : qui finance commande. En clair, cette
subordination nous oblige, malheureusement, certaines fois, à adopter
des plans de développements à son goût. De là, on
est d'accord sur le fait que tant que le pays est sous-développé,
et donc économiquement dépendant de l'extérieur, tant que
l'application, le respect et la promotion des Droits de l'Homme se
révèlent difficiles et fragiles. Et dans l'immensité des
cas, les dirigeants peuvent choisir de violer certains pour adopter tel ou tel
de développement économique, surtout quand les dirigeants sont
contraints à faire des ajustements structurels au niveau des
institutions étatiques au point de pouvoir leur demande de
révoquer certaines personnes. Pour plaire à leurs patrons, ils
n'ont qu'à s'y soumettre. Donc, dans le cas d'Haïti, étant
un pays qui s'installe dans la boue d'une extrême pauvreté et qui
est sous la tutelle de la communauté internationale, elle se trouve
obligée de satisfaire les désirs de celle-ci au détriment
de ceux des haïtiens.
3- Sur le plan environnemental
La dégradation de l'environnement en Haïti est une
évidence. Elle toute atteint toutes les régions du pays. Cette
dégradation trouve, en grande partie, son explication dans
l'augmentation de la population et dans l'utilisation irrationnelle de l'espace
national. Cette érosion environnement ne reste pas conséquence
sur la vie de la population haïtienne. A cela s'ajoute la situation
sanitaire dans laquelle évolue celle-ci. Cette population évolue
dans un environnement insalubre. D'ailleurs, ce qui est contraire à
l'idéal de la troisième génération des droits de
l'homme. Elle postule l'idée que la personne humaine doit vivre dans un
environnement sain.
En effet, se sentant grandement préoccupée par
cet état de fait, la communauté internationale s'érige en
un véritable gardien de l'environnement. C'est dire que la protection
environnementale est l'une des grandes thématiques de son champ
d'intervention en Haïti. Mais cette même communauté
internationale qui causer de graves dommages à l'environnement de ce
pays. C'est le cas de la pollution de l'environnement d'une zone de Mirebalais,
ville du département du centre d'Haïti, par un bataillon de la
MINUSTHA. Laquelle pollution a engendré en octobre 2010 une
épidémie dont le nom est CHOLERA. Toutefois, il faut dire qu'il y
a diverses positions sur l'origine de cette épidémie en ce sens
qu'il y a une espèce de réticence à admettre que cette
épidémie n'est pas d'origine haïtienne. L'hypothèse
de l'origine lointaine de la souche a été confirmée par
des analyses génétiques, puis il semblerait que l'infection se
soit vite propagée par la rivière « Meille »
infectée par les matières fécales du camp des soldats
népalais. Le CHOLERA a ensuite suivi les cours d'eau via la
rivière Artibonite dont la Meille est un affluent. L'enquête du
"Emerging Infectious Diseases" confirme les premières conclusions de
l'épidémiologiste français Renaud Piarroux qui avait
assuré en son temps que l'épidémie avait été
importée. Selon lui, la souche ne pouvait provenir ni de
l'environnement, ni des camps de sinistrés du séisme du 12
janvier 2010. Dans la même veine, Julien Mercier a déclaré
que « l'épidémie de cholera a
été ramenée en Haïti par les casques bleus
népalais78(*) ». Cette maladie a semé de
deuils au sein des familles haïtiennes, car depuis son apparition, elle a
tué plus de 5. 506 personnes en Haïti. La communauté
internationale est réticente à reconnaitre que
l'épidémie de cholera est l'oeuvre de la MINUSTHA. Une telle
situation n'est que la manifestation d'une grave incohérence de la part
de la communauté internationale qui, par le discours, montre un profond
respect pour l'environnement du pays.
Qui pis est, c'est que les dirigeants du pays ne veulent
prendre aucune position officielle. Cette complicité, disons mieux, ce
silence de la part des plus hautes autorités étatiques du pays ne
peut-il pas être interprétée comme une psychose de peur
compte tenu de l'état de sous-développement, plus
précisément, de la subordination économique du pays ?
La communauté internationale joue sur cette faiblesse pour leur
empêcher de prendre leur responsabilité historique devant la
nation haïtienne. De ce fait, il est tentant de dire que les dirigeants du
pays, au lieu d'être guidés par la sensibilité patriotique,
ils préfèrent faire le grand plaisir à la MINUSTHA. On
oserait penser qu'ils auraient préféré laisser
périr tous les haïtiens au lieu de fixer la responsabilité
de la MINUSTHA dans le cadre de la propagation de cette épidémie
en Haïti. Les dirigeants haïtiens se complaisent à savourer
les belles paroles de la communauté internationale au lieu de fixer
ouvertement sa responsabilité face à cette épidémie
a endeuillé les familles haïtiennes. La liste des victimes de
l'épidémie du CHOLERA ne cesse pas de s'alourdir de jour en
jour.
Cette attitude irresponsable de la part des autorités
haïtiennes engendre, bien évidemment, une
détérioration de la situation dans le domaine des Droits de
l'Homme ans ce pays.
CHAPITRE 4
LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN
HAÏTI
La situation des Droits de l'Homme en Haïti offre un
tableau très sombre et très critique. Selon Mme Kyung-wha Kang,
la Haut Commissaire Adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, cette
situation est ponctuée particulièrement par des conditions de vie
insupportables des sinistrés du séisme du 12 janvier 2010,
violations des droits économiques et sociaux, violences faites aux
femmes, traite des enfants, impunité. Et ceci ne date pas d'hier. Mais
cette situation critique des conditions d'évolution des Droits de
l'Homme s'est détériorée, en grande partie, durant ces
dernières années, c'est-à-dire par l'effet du
séisme dévastateur du 12 janvier 2010.
En dépit de la mise en place de toute une batterie de
mécanismes pour pouvoir assurer l'efficacité et la protection de
la question des Droits de l'Homme, il se trouve que ces mécanismes sont
confrontés à une série de difficultés qui, à
leur tour, ont une grande incidence sur l'application réelle de ces
droits. Ainsi, ce chapitre se propose, dans un premier temps, de faire
ressortir les limites des mécanismes de protection des Droits de l'Homme
et dans un second temps, seront mises en relief les mesures de correction de
cette anormalité de la situation des Droits de l'Homme.
SECTION 1 : LES FORMES DE VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME EN HAÏTI
On a une grande difficulté à pouvoir
circonscrire les formes de violations des Droits de l'Homme en Haïti, car
ils font l'objet de violations permanentes et récurrentes. Mais, on peut
se référer à des périodes historiques
particulières de violation de ces droits dont celle de la dictature
du régime des Duvalier. D'ailleurs, l'anéantisation de ce
régime constitue une grande avancée non seulement en
matière de la démocratie, mais aussi en matière de respect
de la dignité humaine. Car la quasi-totalité de la population
haïtienne subissait une atrocité sans précédent de
la part de ce régime, voire une souffrance inimaginable. On pourrait
mentionner d'autres périodes ponctuées de fortes violations des
Droits de l'Homme dans le pays : les périodes de coup d'Etat
militaire, qui ont causé tant de morts. Nonobstant cette bamboche de
violations des droits caractérisant ces périodes, les Droits de
l'Homme continuent encore, sous d'autres formes, à être l'objet
d'un véritable théâtre de violations non seulement
perpétrées par des groupes politiques, mais surtout
résultant de l'incapacité de l'Etat d'humaniser les conditions
de vie de la population haïtienne. Cette incapacité s'explique,
d'une part, par les violations des droits socioculturels et, d'autre part,
les violations des Droits de l'Homme dans l'administration judiciaire.
A- Les violations des droits
socioculturels
La prise en charge des droits socioculturels, deuxième
génération des Droits de l'Homme, relève résolument
de la responsabilité de l'Etat. Il doit faire montre de dynamisme et
d'autorité tant dans la manière d'adopter des mécanismes
de garantie de ces droits que dans sa capacité de mettre ou de faire
appliquer ces mécanismes. A ce titre, s'il se révèle
incapable de répondre aux attentes de la population, cela nous conduit
purement et simplement à des cas de violation des Droits de l'Homme.
C'est le cas d'Haïti où l'Etat est non seulement incapable de
satisfaire les besoins les plus préliminaires de la population
haïtienne, mais encore d'appliquer les droits consacrés par la
Constitution de 1987 et par les traités qu'Haïti a ratifiés.
Parmi ces droits se retrouvent principalement : droit à
l'éducation, droit au travail, droit à la santé, droit
à la justice, droit au logement.
1- Droit à l'éducation
La notion d'éducation est celle qui fait l'objet de
nombreuses appréciations définitionnelles. L'éducation
est, dans une première appréhension, définie comme une
mise en oeuvre des moyens propres à assurer la formation et le
développement d'un être humain. Cette même notion, Emile
Durkheim l'a définie comme : « L'action
exercée par des générations adultes sur celles qui ne sont
pas encore mures pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de
développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques,
intellectuelles, et moraux que réclament de lui et la
société politique dans son ensemble et le milieu spécial
auquel il est particulièrement destiné 79(*)». A ce
titre, l'éducation est comprise comme un instrument pouvant favoriser
l'épanouissement et d'émergence de l'homme. Cet instrument
indispensable permet à celui-ci de prendre en compte son
humanité, c'est-à-dire un puissant instrument de
libération humaine. L'éducation est consacrée comme un
droit fondamental dont l'Etat doit obligatoirement assurer sa pleine garantie.
Elle est aussi une des conditions essentielles du développement de la
société. Ainsi, comme dit Alexandre
Pétion : « L'éducation
élève l'homme à la dignité de son être
80(*)». En
outre, Jean Delors semble abonder dans le même sens en avançant
que : « face aux multiples défis de l'avenir,
l'éducation apparait comme un atout indispensable pour permettre
à l'humanité de progresser vers un idéal de paix, de
liberté, et de justice sociale ». Fort de ces
considérations, le droit à l'éducation est incontournable
pour toute société organisée. D'ailleurs, toute
société moderne fait de l'éducation une des principales
priorités pour arriver à l'éradication de
l'analphabétisme, perçu comme un cancer susceptible d'entraver
tout processus de développement d'un pays. Cela est à l'origine
de l'élaboration de nombreuses conventions internationales en
matière de droits à l'éducation des enfants. C'est le cas,
d'abord, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en 1948
qui, dans son article 26, énonce : « Toute
personne a droit à l'éducation. L'éducation doit
être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement
élémentaire et fondamental. L'enseignement
élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et
professionnel doit être généralisé ;
l'accès aux études supérieures doit être ouvert en
pleine égalité à tous en fonction de leur
mérite81(*) ». Ensuite, il y a la
Déclaration des Droits de l'Enfant proclamée le 20 novembre 1959
qui déclare en son principe 7 :
« L'enfant a droit à une éducation
qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux
élémentaires. Il doit bénéficier d'une
éducation qui contribue à sa culture générale et
lui permettre, dans des conditions d'égalités de chances, de
développer ses facultés, son jugement, son jugement personnel et
son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un
membre utile à la société. L'intérêt
supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la
responsabilité de son éducation et de son orientation ;
cette responsabilité incombe en priorité à ses parents.
L'enfant doit avoir toutes possibilités de se libérer à
des jeux et à des activités récréatives, qui
doivent être orientés vers les fins visées par
l'éducation ; la société et les pouvoirs publics
doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit82(*) ».
Outre cela, la Convention Internationale Relative aux Droits
de l'Enfant adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU le 20 novembre 1989 est à prendre compte dans la mesure où
elle met beaucoup plus d'emphase sur cette question. D'ailleurs, c'est la
convention la plus ratifiée de toute l'histoire en matière des
droits de l'enfant. Dans son préambule il est énoncé ce
qui suit : « ayant dans l'esprit que la
nécessité d'accorder une protection spéciale à
l'enfant...»
Dans la même veine, France GUBLIN pense
que : « pour que les Droits de l'Homme aient un sens
demain, il y a non seulement nécessité mais urgente
nécessité de reconnaitre les droits de l'enfant
aujourd'hui83(*)
». Cela va sans dire que la prise en considération des droits
de l'enfant n'est une faveur imméritée accordée à
ce dernier, mais une prérogative incontournable dont tout Etat se doit
de tenir compte, c'est-à-dire ses droits doivent être
figurés dans la constitution du pays. Selon Monférier Dorval, la
constitution se définit comme : « L'ensemble
des règles juridiques relatives à l'organisation des pouvoirs
publics : pour exécutif, pouvoir législatif, pouvoir
judiciaire. Elle contient également des règles concernant les
droits fondamentaux de la personne humaine84(*) ». C'est en ces sens qu'Haïti, voulant
mettre en évidence sa vision de l'organisation de la
société et voulant respecter les droits fondamentaux de la
personne humaine, a eu l'intelligence de non seulement proclamer la
Constitution de 1987, premier acte de reconnaissance de ces droits, mais
surtout d'y insérer des principes pour pouvoir garantir le plein
respect de ces derniers, en particulier le droit à l'éducation.
Ainsi, la Constitution de 1987, dans son art. 32, énonce
que : « L'Etat garantit le droit à
l'éducation. Il veille à la formation physique, intellectuelle,
morale, professionnelle, sociale et civique de la population ».
Et l'éducation est une charge de l'Etat et des collectivités
territoriales. Ils doivent mettre l'école gratuitement à la
portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignants des
secteurs publics et privés (32-1). La première charge de l'Etat
et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule
capable de permettre au pays de développer du pays. L'Etat encourage et
facilite l'initiative privée en ce domaine (32-2). L'enseignement
primaire est obligatoire sous peine de sanctions à déterminer
par la loi. Les fournitures classiques et le matériel didactique seront
mis gratuitement par l'Etat à la disposition des élèves au
niveau de l'enseignement primaire (32-3).
Il est vrai que la constitution se montre très
soucieuse en ce qui trait au respect des droits fondamentaux de la personne
humaine qu'il faut préserver, mais c'est le contraire qui se produit
dans le pays. Il y a une espèce de non prise en considération des
droits de l'enfant, c'est -à-dire l'Etat est incapable d'assurer le
droit à l'éducation des enfants. La plupart des enfants, en
âge de scolarisation, se retrouvent dans les rues. Donc, cette situation
est illustration indicatrice non seulement de l'état des violations des
Droits de l'Homme en Haïti, mais aussi une incapacité de la part de
l'Etat haïtien de permettre à des milliers d'enfants de prendre
conscience de leur humanité de manière à participer au
développement de la société. Car toute
société qui se veut grande et organisée accorde la
priorité prioritaire à l'éducation. Il faut,
néanmoins, saluer le courage du président Michel J. Martely qui
fait de cette dernière une priorité inconditionnelle pour son
gouvernement.
2- Droit au travail
Le travail est un élément fondamental dans la
vie de tout être humain. « Le travail, c'est la
liberté », dit-on. Le travail est aussi un moyen pour
participer aux valeurs de l'existence, c'est un ensemble de conditions qui
devraient permettre à chacun d'être créateur à sa
façon. En un mot, il est un élément essentiel concourant
à la prise de l'autonomie de l'homme dans la société. Il
est de nature à favoriser son émancipation. C'est pourquoi
d'ailleurs, il y a des textes internationaux qui ont un regard sur l'importance
que représente le travail. Ainsi, le Pacte International relatif aux
Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), texte qu'Haïti a
ratifié, énonce, dans son article 6,
que : « Les Etats parties au présent pacte
reconnaissant le droit au travail qui comprend le droit qu'a toute personne
d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement
choisi ou accepté et prendront des mesures appropriées pour
sauvegarder ce droit ». Cependant, dans la société
haïtienne, il y a une situation de chômage
généralisée. Car la grande proportion de la population se
retrouve dans le chômage. Cette situation est due à
l'incapacité de l'Etat haïtien à créer l'emploi dans
le pays pour réduire le taux de chômage. L'Etat est aussi
incapable de créer un climat qui serait de nature à favoriser
l'investissement. On est d'accord sur le fait que celui-ci est une source
incontestable de génération d'emploi. Et cette situation de
chômage occasionne également l'abandon des paysans à la
terre pour prendre leur refuge dans les villes qui sont, la plupart du temps,
utilisées à des fins criminelles, d'où le
phénomène de l'exode rural. De ce fait, il n'en reste pas moins
vrai que le chômage a une grande répercussion sur les Droits de
l'Homme en général, en particulier sur les personnes les plus
vulnérables.
3- Droit à la justice
La notion de droit à la justice est figurée dans
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Le droit
à la justice est entendu comme un droit reconnu au justiciable de
pouvoir se présenter devant les juridictions nationales
compétentes quand il s'estime léser dans ses droits par rapport
à la perpétration d'un acte arbitraire. Aussi est-il
précisé dans l'article 8 de la Déclaration
Universelle : « Toute personne a droit à un
recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre
les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la
constitution ou par la loi85(*) ». En outre, le droit à la justice
implique de prendre en considération l'équité dans la
distribution de la justice. D'ailleurs, c'est le voeu clairement
exprimée dans l'article 10 de la DUDH. Et on y
lit : « Toute personne a droit, en pleine
égalité, à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre lui ».
Le droit à la justice est aussi mentionné dans
l'esprit et la lettre de la Constitution de 1987, d'autant que tous les
haïtiens ont droit à une justice équitable. Quand une
personne commet un cas de violation d'une règle de droit, elle doit
être punie conformément à la loi. Dans le cas contraire, on
est tombé dans une situation d'impunité qui, elle, est
incompatible au processus d'établissement d'un Etat de droit et au
respect des Droits de l'Homme. Pour qu'on puisse respecter le droit à
justice dans un pays, il faut lutter contre l'impunité, laquelle lutte
est susceptible de contribuer au renforcement de la justice et de
réhabilitation sociale des victimes ou de leurs ayant droits. Car toute
personne victime d'un acte arbitraire a droit à la réparation.
Pour ce faire, il faut que l'Etat soit capable de respecter et de faire
respecter les règles de droit.
La Convention Américaine Relative aux Droits de
l'Homme, ratifiée par Haïti, prend en compte le droit à la
justice, mais d'une manière très générale les
garanties judiciaires. En effet, selon l'article 8 de cette
Convention :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par
un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial,
établi antérieurement par la loi, qui décidera du
bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en
matière pénale, ou déterminera ses droits et obligations
en matière civile ainsi que dans les domaines du travail, de la
fiscalité, ou dans tout autre domaine. 2. Toute personne accusée
d'un délit est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie.
Pendant l'instance, elle a droit, en pleine égalité, au moins aux
garanties judiciaires suivantes :
a. Droit de l'accusé d'être assisté
gratuitement d'un traducteur ou d'un interprète s'il ne comprend pas ou
ne parle pas la langue employée à l'audience ou au
tribunal ;
b. notification préalable et détaillée
à l'accusé des charges portées contre lui ;
c. octroi à l'accusé du temps et des moyens
nécessaires pour réparer sa défense ;
d. droit de l'accusé de se défendre
lui-même ou d'être assisté d'un défenseur de son
choix et de communiquer avec celui-ci librement et sans témoin ;
e. droit d'être assisté d'un défenseur
procuré par l'Etat rémunéré ou non selon la
législation interne, si l'accusé ne se défend pas
lui-même ou ne nomme pas un défenseur dans le délai
prévu par la loi ; ce droit ne peut faire l'objet d'aucune
renonciation....86(*) ».
Cependant, le respect du droit à la justice est
violé presque quotidiennement en Haïti. L'une des manifestations
les plus éloquentes de la violation de ce droit est la situation
d'impunité caractérisée qui traverse la
société, en particulier le système judiciaire
haïtien. Cela veut dire que les auteurs des violations de ce droit restent
impunis. Il y a une sorte de culture d'impunité dont l'odeur se
répand dans tous les compartiments de la société. Cela
peut se résumer en cette
phrase : « L'enquête se poursuit »,
mais n'aboutit jamais. On a comme l'impression que l'impunité est
devenue la partie intégrante de l'appareil judiciaire en Haïti. Car
il place les auteurs de violations dans leur confort. Cette situation
d'impunité généralisée et
caractérisée gangrenant l'appareil judiciaire peut s'expliquer
par le fait d'une non indépendance de la justice : elle est, dans
la pratique, sous la tutelle des pouvoirs politiques. Il y a aussi le
phénomène de la corruption qui traverse le système
judiciaire en Haïti. Or, la justice et la politique ne font pas bon
ménage, surtout dans un pays comme Haïti où la politique est
comprise comme véritable arme de désorganisation de la
société. Lorsqu'il y a des groupes politiques commettant des
actes contraires à la loi, ils se servent de la justice pour assurer
leur protection. De ce fait, il faut que la justice puisse s'affranchir de la
politique.
4- Droit à la santé
De part sa précarité, la situation sanitaire du
pays est très préoccupante. En effet, la grande partie de la
population n'a pas accès à la santé. Elle est
réservée à une minorité de cette population. Qui
pis est, elle est non seulement très couteuse, mais surtout les centres
de santé ou les hôpitaux se situent à des dizaines de
kilomètres de distance de la population. Cette distance occasionne, dans
la majeure partie des cas, des morts. A titre d'exemple, les femmes enceintes.
Ce qui est fragilise encore plus la situation sanitaire du pays, c'est qu'il y
a un nombre très réduit de médecins et
d'infirmières pour desservir la population haïtienne. Selon l'OMS,
il faut : « 8 médecins pour 10.000 habitants,
pourtant Haïti n'a qu'un médecin pour 10.000 habitants87(*) ». Il revient
à l'Etat d'assurer sa responsabilité, en ce sens qu'il doit
créer des hôpitaux pour garantir la protection de la santé
de tous les citoyens. Cette responsabilité est clairement
exprimée dans l'article 23 de la Charte
fondamentale : « L'Etat est astreint à
l'obligation d'assurer à tous les citoyens dans les toutes collectives
territoriales des moyens appropriés pour garantir la protection, le
maintien et le rétablissement de leur sante par la création
d'hôpitaux, centres de santé et de dispensaires88(*) ». Malheureusement,
cette disposition constitutionnelle n'est pas respectée, car depuis
l'adoption de la Constitution en vigueur, on voit que la condition de vie de la
population sur le plan sanitaire reste très précaire.
5- Droit au logement
Le droit à être correctement logé fait
partie intégrante des Droits de l'Homme. En ce sens, tout pays accordant
une grande priorité au respect strict de ces derniers est conscient de
cette impérieuse obligation morale de permettre à ses citoyens de
vivre dans la dignité, en leur accordant la possibilité de vivre
dans un environnement décent. Cependant, en Haïti c'est tout le
contraire qui se fait. En effet, la situation de logement en Haïti est
très critique. Car nombreux sont des haïtiens, en ce plein
21eme siècle, qui vivent comme des bêtes dans de
maisons de fortune. Cette situation infrahumaine ne fait qu'aggraver par
l'effet du séisme du 12 janvier 2010. Jusqu'à présent,
l'Etat haïtien se révèle incapable de résoudre ce
problème, malgré l'existence d'une institution étatique,
à savoir EPPLS : Entreprise Publique de Promotion de Logements
Sociaux. Cette entreprise publique a été créée par
le décret du 26 novembre 1982, dont la mission est d'assurer des
logements sociaux décents pour les personnes les plus démunies,
surtouts dans les quartiers les plus défavorisés et populaires en
Haïti. Par exemple, le cas de Cité Soleil, la saline pour ne citer
que ceux la. Fort de ces considérations, cette situation est la
traduction la plus emphatique d'un mépris certain de l'importance du
droit au logement en Haïti.
B- Les violations dans l'administration
judiciaire
Le fonctionnement de l'administration judiciaire
haïtienne est ponctué par un ensemble de faits qui traduisent une
dynamique de violation des Droits de l'Homme dans laquelle elle s'installe
depuis bien des temps, et ceci dans les formes les plus
élémentaires. Cela se manifeste d'abord, au niveau de la
situation des prisons haïtiennes. Ensuite, du coté de la
partialité de la justice. Et enfin, au niveau de la question de la
détention préventive prolongée.
1- L'état des prisons
haïtiennes
Dans tous les pays du monde, la prison est
considérée comme un lieu de privation de la liberté de
l'individu ayant commis une infraction. Elle n'est pas un lieu purement et
simplement où la dignité et le respect de la personne humaine ne
sont pas pris en compte. Mais Haïti en fait l'exception, vu que
l'état de ses prisons est la traduction d'un véritable
mépris des droits de l'homme. Les prisons haïtiennes ne respectent
aucune norme internationale en matière de détention. Les
prisonniers font leurs besoins physiologiques dans l'enceinte même des
cellules. Il n'y a aucune intimité. Cet état de fait est souvent
assimilé à celui des animaux. Dans cette même logique, le
RNDDH (réseau national de défense des droits humains) a produit
un rapport relatif à l'état des prisons en Haïti qui ne
traduit que la négation du respect de la dignité des personnes
détendues. On y lit : « l'usage des fouets par
les policiers, l'absence d'assistance sociale et médicale dans les
prisons, l'oubli des prisonnier par le système judiciaire, l'absence de
suivi après des jugements rendus89(*) ». A travers ce rapport, le RNDDH a
révélé bon nombre de cas de personnes en prison dont les
droits sont foulés au pied. Cette situation ne date pas d'hier. Dans
cette même veine, la Commission Interaméricaine des Droits de
l'Homme, dans un rapport produit en 2005, n'a pas manqué de dresser un
tableau sombre sur l'état des détenus dans les prisons
haïtiennes. Il y est précisé, entre autres, que :
« ...environ 85 à 90% des détenus ne sont pas
passés en jugement. Ces déficiences ont également
miné la capacité du système de justice haïtien
à assurer et garantir efficacement les droits et libertés
fondamentales auxquels peuvent prétendre les haïtiens, instaurant
ainsi un régime d'impunité pour les violations
perpétrées aussi bien par des fonctionnaires de l'Etatique par
des acteurs non étatiques ». Certes, il s'agit d'un
rapport qui a été réalisé en 2005, mais il est
toujours d'actualité, car c'est la même pratique choquante qui
prévaut par rapport à la situation de détention des
détenus.
2- La partialité de la justice
haïtienne
Haïti est Etat partie au Pacte International Relatif aux
Droits Civils et Politiques. Elle a adhéré à cet
instrument le 6 mai 1991. Ce Pacte reprend et précise les dispositions
de la DUDH relatives à l'administration de la justice, notamment le
droit à la vie, le droit à ne pas être soumis à la
torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains et
dégradants, le droit à la liberté et à la
sécurité de la personne et les droits des personnes
privées de liberté. L'article 14 de ce pacte
consacre « le droit à un jugement
équitable90(*) ». Normalement, ce pacte fait partie
de la législation haïtienne. Or, la corruption envahit le
système de justice haïtien. Il y a une espèce de
commercialisation de la justice par les autorités judiciaires. Cette
situation crée un climat certain de partialité qui bat son plein
au sein des tribunaux. Ce qui est une violation de l'article 14 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Car la justice
haïtienne souffre d'un déficit de confiance. D'ailleurs, les
justiciables ne croient presque plus dans la justice judiciaire, c'est
pourquoi, certaines fois, ils ont tendance à se faire justice quand il y
a un litige. D'où le règne de la justice privée qui se
pratique dans presque toutes les couches de la société. En un
mot, la partialité de la justice haïtienne favorise, sans l'ombre
de doute, l'impunité. Or, celle-ci est diamétralement
opposée au respect des Droits de l'Homme. Tant qu'il y a une situation
d'impunité, tant que les droits fondamentaux de la personne humaine
seront piétinés. Il faut, en ce sens, corriger cette situation
paradoxale et insupportable, pour qu'au moins les justiciables puissent avoir
confiance dans la justice de leur pays.
Il n'y a évidemment pas des chiffres que l'on peut
avancer pour corroborer ce qui vient d'être avancé, mais ce qui
est certain, c'est que la grande majorité des justiciables haïtiens
se plaignent de la manière dont on distribue la justice de ce pays. Il y
a une souffrance généralisée et caractérisée
de ceux-là par rapport à cette situation. A cause de celle-ci, on
est souvent scandalisé tant sur le plan national qu'international. C'est
le cas par exemple, l'affaire de l'ancien dictateur haïtien, en
l'occurrence Jean Claude Duvalier. Le juge Carves Jean, chargé
d'instruire les accusations portées à l'encontre de ce dernier, a
rendu une ordonnance, qualifiée d'ordonnance de la honte par bon nombre
d'organisations locales de défense des Droits de l'Homme, RNDDH par
exemple. Cette ordonnance a été critique fortement aussi par M.
Forst, expert indépendant des Droits de l'Homme, lors de sa visite en
Haïti en février 2012.
3- La question de la détention
préventive prolongée
La détention préventive peut être
définie de diverses manières. L'une des définitions
auxquelles on fait généralement référence, c'est
qu'elle est une mesure de détention qui vise à emprisonner une
personne accusée d'une infraction punie d'une peine d'un emprisonnement
en attente d'une décision judiciaire. La détention
préventive est perçue aussi comme une atteinte à la
liberté individuelle. Malgré cette dernière acception,
cela n'empêche aucunement l'application de cette mesure dans tous les
systèmes judiciaires du monde. En effet, la détention
préventive n'est pas la règle, elle est l'exception, c'est
pourquoi elle n'est envisageable que dans des cas très rares.
La détention préventive est une mesure normale
et compréhensible dans la mesure où la justice a besoin du temps
pour trancher dans le cadre d'une affaire qui est soumise à
l'appréciation d'un juge. Mais elle est devenue anormale quand la
détention préventive est prolongée. Lorsque la
détention préventive outrepasse le délai prévu,
elle devient automatiquement illégale et constitue donc une atteinte
à la liberté individuelle. D'ailleurs, l'article 26 de la
Constitution de 1987 est clair là-dessus quand il stipule :
« Nul ne peut être maintenu en détention s'il n'a
pas comparu dans les (48) heures qui suivent son arrestation, par devant un
juge appelé à statuer sur la légalité de son
arrestation, et si ce juge n'a confirmé la détention par
décision motivée91(*)». En dépit de cette disposition
constitutionnelle, la réalité est tout autrement. Tout le monde
s'accorde à reconnaitre que la question de la détention
préventive prolongée est, parmi les problèmes dont
souffrent la justice haïtienne, la plus aigue. Le taux des personnes en
détention préventive prolongée a atteint un seuil
très élevé. A preuve tous les ministres de la justice,
conscients de l'ampleur de ce problème qui scandalise la justice
haïtienne, pendant ces dernières années, qui se sont
succédé ont fait de la détention préventive
prolongée une priorité prioritaire.
En effet, sur une population carcérale forte de 5.163
détenus, 3437, soit 66,6 %, sont en détention préventive.
Parmi eux, 116 mineurs, dont 24 filles, selon un article publié,
après le 12 janvier, soit le 04 octobre 2010, par la MINUSTHA dont le
titre est « le système judiciaire haïtien face
à ses défis ». D'après ce même article, le
Pénitencier national, principal centre carcéral de la capitale,
abrite le plus grand nombre de personnes en détention préventive,
soit 1.348 pour une population totale de 1.469. De même, à la
prison pour femmes, à Pétion-Ville, sur les 284 pensionnaires,
247 sont en détention préventive. Aux Cayes, dans le Sud du pays,
ils sont 326 dans cette situation sur un effectif de 433. Point n'est besoin de
demander combien est répugnante cette situation de détention
préventive prolongée. A cela on ne saurait ne pas ajouter les
conditions d'incarcération de ces personnes qui ne sont pas conformes au
respect des droits et de la dignité de ces détenus. D'ailleurs,
au pénitencier national, la superficie moyenne par détenu est de
0,29 mètres carrés. La superficie moyenne au niveau national est
de l'ordre de 0,58 mètres carrés par détenu contre 4
mètres carrés exigés au niveau international. Qui pis est,
cette situation est presque la même dans tous les centres
d'incarcération du pays.
Ce tableau ci-dessous est une illustration assez
évidente de la problématique de la détention
préventive prolongée qui, à elle seule, témoigne de
la situation exécrable et accablante des personnes en détention.
Selon les estimations faites en 2011 par le Réseau national de
défense des droits humains de la population carcérale, cinq mille
cent deux personnes en attente de jugement, soit 70.33%.
TABLEAU
REPARTITION DE LA POPULATION CARCERALE EN HAÏTI (OCTOBRE
2011)
Prisons
|
Hommes en détention
|
Femmes en détention
|
Garçons en détention
|
Filles en détention
|
Hommes condamnés
|
Femmes condamnées
|
Garçons condamnés
|
Filles condamnées
|
Total
|
Port-au-Prince
|
2395
|
0
|
0
|
0
|
202
|
0
|
0
|
0
|
2597
|
Carrefour
|
88
|
0
|
0
|
0
|
73
|
0
|
0
|
0
|
161
|
Pétion-Ville
|
0
|
193
|
0
|
18
|
0
|
33
|
0
|
0
|
244
|
Delmas
|
0
|
0
|
117
|
0
|
0
|
0
|
22
|
0
|
139
|
Arcahaie
|
1
|
0
|
0
|
0
|
94
|
0
|
0
|
0
|
95
|
Cap-Haitien
|
320
|
13
|
10
|
0
|
321
|
5
|
1
|
0
|
670
|
Grande Rivière
|
45
|
2
|
1
|
1
|
15
|
2
|
0
|
0
|
66
|
Fort-Liberté
|
105
|
1
|
4
|
0
|
134
|
2
|
3
|
0
|
249
|
Port-de-paix
|
124
|
2
|
5
|
0
|
177
|
4
|
1
|
0
|
313
|
St-Marc
|
95
|
1
|
5
|
0
|
276
|
11
|
2
|
0
|
390
|
Mirebalais
|
112
|
1
|
4
|
0
|
229
|
3
|
0
|
0
|
349
|
Hinche
|
81
|
3
|
3
|
0
|
80
|
7
|
2
|
0
|
176
|
Jérémie
|
168
|
4
|
9
|
0
|
70
|
2
|
2
|
0
|
255
|
Cayes
|
326
|
17
|
6
|
0
|
118
|
4
|
7
|
0
|
479
|
Anse- à veau
|
147
|
5
|
4
|
1
|
86
|
0
|
0
|
1
|
243
|
Jacmel
|
173
|
7
|
8
|
0
|
155
|
7
|
1
|
0
|
351
|
Total
|
4180
|
249
|
176
|
20
|
2030
|
80
|
41
|
0
|
6777
|
|
4625
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2151
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Source : Rapport RNDDH, 28 octobre 2011.
Malgré les problèmes auxquels confrontent les
détenus dans les prisons et malgré l'accent mis sur ce
problème tant par les autorités de la justice que par les
organisations nationale de défense des droits humains, il reste et
demeure évident que le problème de l'état des prisons
haïtiennes et celui de la détention préventive
prolongée n'inspirent aucune confiance en matière de respect des
droits et de la dignité de ces détenus, car même s'ils ont
commis une infraction , cela ne traduit aucunement l'absence de ses
droits ; ils restent et demeurent des personnes à part
entière, ayant des droits et de la dignité dont il faut
absolument prendre en compte.
SECTION 2 : LA FAIBLESSE DES MESURES DE
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI
Il va de soi qu'il y a beaucoup de mesures mises en
évidence pour assurer la protection des Droits de l'Homme, mais elles
accusent bon nombre de lacunes. Celles-ci se montrent par l'influence des
pouvoirs politiques sur l'administration judiciaire. Ne pouvant, en effet,
continuer à subir le poids de nombreuses lacunes dont souffrent
atrocement les mesures de protection des Droits de l'Homme en Haïti, on a
proposé des mesures de correction susceptibles de favoriser les
conditions de l'application des Droits de l'Homme en Haïti.
A- L'influence des pouvoirs politiques sur
l'administration judiciaire
Il existe trois pouvoirs de l'Etat : le pouvoir
exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. A
l'exception du dernier, les deux constituent ce qu'on appelle
« les pouvoirs politiques ». Ces pouvoirs sont
d'une grande valeur dans la gestion du pays. D'ailleurs, la modernité
politique se repose sur l'articulation harmonieuse dont la mission
répond à une nécessité d'organisation
rationnellement la société. Ainsi, la Constitution en vigueur
d'Haïti reconnait l'existence de ces trois pouvoirs en leur attribuant des
rôles spécifiques, en ce sens qu'ils ne doivent pas
s'empiéter l'un sur l'autre. La pratique de l'existence de ces pouvoirs
en Haïti montre qu'il n'y a pas une démarcation entre eux. Car le
pouvoir judiciaire est pris en otage par le pouvoir exécutif et par
celui du législatif. Cette prise en otage entraine terriblement une
situation de dépendance des juges dans leur rôle de distribution
équitable de la justice. Il y a aussi un refus de l'Etat haïtien
à ne pas mettre en oeuvre une politique centrée sur l'application
des textes internationaux, faisant partie intégrante, d'ailleurs, de
notre législation, dans le domaine des Droits de l'Homme. Cette
situation nous conduit directement à une méfiance
généralisée des justiciables dans la justice
haïtienne.
1- La dépendance des Juges
En France, la protection juridictionnelle des Droits de
l'Homme est assurée par le juge judiciaire, le juge administratif et le
juge constitutionnel. En effet, le juge judiciaire est traditionnellement
considéré comme le gardien des libertés essentielles et de
la propriété privée. L'une des conditions essentielles qui
puissent favoriser l'efficacité de la protection des Droits de l'Homme
par le juge judiciaire est son indépendance. Car toute
possibilité de manipuler le juge judicaire se révèle comme
une menace pour le respect des libertés individuelles. Or, en
Haïti, le juge judiciaire, dans son rôle capital qui consiste
à dire le droit et à distribuer la justice, n'est pas
indépendant. La politique prend le dessus sur la justice. C'est qui
crée une situation de crise qui se traduit par un besoin de changement.
La situation de la subordination des juges judiciaires est le signe
révélateur de la partialité dont souffre atrocement la
justice haïtienne. Ce qui est une violation de l'article 6 de la
Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés
fondamentales du 4 nombre 1950. Le droit à une justice équitable
n'est pas fonction de la nationalité de la personne, ni de race et ni de
sa classe sociale. C'est tout simplement une dette morale à laquelle
toute société doit se soumettre. On n'est pas sans savoir que la
justice haïtienne est très mal vue tant sur le plan international
que national. Il suffit qu'une personne soit politiquement
protégée pour qu'elle soit au-dessus de la loi. Une telle
situation est révélatrice d'un non- respect de ce principe,
à savoir : la loi est une pour tous. Malheureusement, ce principe
n'est pas applicable en Haïti, même s'il faut souligner que la mise
en oeuvre du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est un
apport considérable pour la concrétisation de la lutte pour
l'indépendance du pouvoir judicaire.
2- La non existence d'une politique d'application des
textes internationaux adoptés dans le domaine des Droits de l'Homme par
Haïti
L'une des plus importantes réalisations de la
communauté internationale dans le domaine des Droits de l'Homme est,
indubitablement, la constitution d'un corps de normes relatives au respect des
Droits de l'Homme. Ces normes sont des traités et des conventions dont
les objectifs principaux est d'assurer la protection des droits fondamentaux de
la personne humaine, et ceci sans prendre en compte sa race, sa
nationalité, sa culture. Ils sont nombreux les Etats ayant adopté
les traités et conventions en matière de protection des Droits de
l'Homme. Ainsi, les Etats qui les ont signés doivent les respecter. Et
ces textes intègrent immédiatement le droit national. C'est le
cas pour Haïti qui a signé et ratifié un certain de nombre
de traités en matière des droits de l'homme. En signant et
ratifiant les traités, il est fait obligation à Haïti de
respecter les droits de l'homme, de les garantir et de les promouvoir en
créant les conditions réelles de leur adoption. Vu que de telles
initiatives ont une importance colossale, elles peuvent contribuer à la
modernisation et à une grande amélioration du droit interne. Il
s'ensuit que l'Etat haïtien doit faire preuve de conscience et de respect
des traités qu'il a signés et ratifiés. D'ailleurs, selon
la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme qu'Haïti a
ratifiée aussi, les Etats parties à un traité sont tenus
de le respecter.
Néanmoins, il est nécessaire de signaler, au
passage, qu'Haïti n'a pas véritablement besoin de signer et
ratifier tout un ensemble de traités, puisque la Constitution de 1987 a
posé les bases pour qu'il y ait un véritable respect des Droits
de l'Homme. Il suffit d'avoir une volonté politique et citoyenne pour
appliquer la constitution. On peut toujours, sans cette volonté,
ratifier toutes les conventions ou les traités du monde en
matière des Droits de l'Homme, et qu'on n'arrive pas à les
respecter ou établir un climat favorisant leur épanouissement. Ce
qui importe, ce n'est pas le nombre de traites ou conventions ratifiés,
mais c'est la preuve d'une croyance inébranlable de la dignité de
la personne.
3- La méfiance des justiciables dans la justice
haïtienne
La situation de la dépendance des juges judiciaires
engendre une méfiance généralisée chez les
justiciables haïtiens. Ils ne croient pas dans la justice de leur pays.
Cela est dû très probablement à l'assujettissement des
juges par les pouvoirs politiques (pouvoir exécutif et pouvoir
législatif). Dans la majeure partie des cas, ils préfèrent
se faire justice. C'est ce qu'on appelle la justice privée. Cette
situation est l'émanation d'une méfiance
caractérisée qui s'installe dans l'esprit des citoyens. Alors
quand dans un pays comme le notre, on fait face à cette situation, cela
est de nature à créer des frustrations chez les citoyens. L'Etat
haïtien doit créer un climat qui favoriserait la confiance de ces
derniers dans la justice de leur pays tout en adoptant des mesures de
correction à cette situation.
B- Les mesures de correction pour favoriser les
conditions de l'application des Droits de l'Homme en Haïti
La situation des Droits de l'Homme en Haïti est
fracturée par une sorte d'anormalité. Cette dernière nait
du fait qu'il y a une incohérence entre les discours et la structuration
de la réalité sociopolitique haïtienne. Et on sait
pertinemment que les Droits de l'Homme ne sauraient se penser sans faire
ressortir la situation sociopolitique, et économique de la
société dans laquelle ces derniers sont appelés à
être appliqués. Ainsi, pour mettre la pendule à l'heure
normale, c'est-à-dire pour apporter une correction à cette
situation d'anormalité, il convient de mettre l'emphase sur une
réorientation et une redéfinition de la question des Droits de
l'Homme en conformité avec la réalité sociopolitique et
culturelle haïtienne. Outre cela, la création des Tribunaux de Paix
dans les régions reculées du pays serait la bienvenue. Le respect
des Droits de l'Homme ou leur application est forcément fonction de
l'efficacité de la justice haïtienne. Or notre système
judiciaire ne se porte pas très bien. D'où l'idée de
penser à une reforme judiciaire en profondeur. A cela doit s'ajouter
aussi la nécessité de la mise en branle, par les dirigeants du
pays, d'une volonté politique.
1- Une réorientation et une redéfinition
de la question des droits de l'homme sur le plan culturel, sociopolitique et
économique
Sur le plan culturel
L'histoire de la culture est aussi celle des
sociétés. Mais c'est en Allemagne, plus précisément
au 18eme siècle, que l'on en a pu relever les premiers
vagissements. Ceci a été réalisé dans le cadre de
l'étude de l'histoire universelle. Cette étude avait pour
objectif de reconstitution une histoire générale de
l'humanité et des sociétés à partir de leurs
origines. Ces historiens ont eu un intérêt beaucoup plus
poussé pour l'histoire des moeurs, des arts, des sciences, des races, et
ils ont pu développer, en particulier, une compréhension de la
diversité des sociétés et des civilisations. Selon Guy
Rocher92(*), le terme, en
fait, fut employé pour décrire une évolution dans le
progrès. Parmi ces historiens, se retrouve l'émérite
Johann Christophe Adelung, ayant publié Essai sur l'histoire de la
culture de l'espèce humaine.
Cette notion fait partie du langage courant des sciences
humaines. Elle est susceptible de recevoir plusieurs acceptions. Elle
désigne, dans un premier sens, au 17eme siècle, le
travail de la terre, c'est-à-dire synonyme de l'agriculture. Ce n'est
qu'au 18e siècle qu'on allait connaitre un glissement
sémantique pour signifier la formation de l'esprit.
La notion de culture, transposée en anthropologie au
19e siècle, a subi une autre transformation, en ce sens elle
a été considérée comme synonyme de la civilisation,
dans ce cas saisie comme une totalité renvoyant à des notions
telles que : progrès, éducation, évolution, etc.
Cette considération sémantique de la notion de culture nous
conduit à faire ressortir la définition que Tylor lui a
attribuée, qui, d'ailleurs, semble être plus
précise : « la culture ou la civilisation,
entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe
qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les
coutumes, et toutes les aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que
membre d'une société93(*) ». En effet, cette définition
anthropologique a pu alimenter aussi la sociologie. Dans la même veine,
pour abonder dans le sens que Tylor, G. Rocher, sociologue canadien, y
voit« un ensemble lié de manières de penser, de
sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et
partagées par une pluralité de personnes, servent d'une
manière objective et symbolique, à constituer ces personnes en
une collectivité particulière et distincte94(*) ». Il enchaine
pour dire que :
« Cet ensemble lié constitue ce qu'on
appelle système. Les différents éléments qui
composent une culture donnée ne sont pas simplement juxtaposés
l'un à l'autre. Des liens les unissent, des rapports de cohérence
les rattachent les uns aux autres ; lorsque des changements s'effectuent
dans un secteur d'une culture, ils entrainent des changements dans d'autres
secteurs de cette culture. Ces liens et ces rapports n'ont également
rien de nécessaire, c'est-à-dire qu'ils ne résultent pas
d'un raisonnement logique et rationnel qui les imposerait de
nécessité. Ce sont plutôt des liens et des rapports
ressentis subjectivement par les membres d'une société. La
cohérence d'une culture est donc par-dessus toute une
réalité subjectale, c'est-à-dire vécue
subjectivement par les membres d'une société95(*) ».
Si la culture implique le niveau de formation des gens dans
une société, laquelle est susceptible de leur permette d'avoir
une conscience centrée sur la remise en question des
réalités sociales, on ne peut la dissocier des Droits de l'Homme.
Donc, il y a nécessité d'articuler ces derniers en fonction de la
réalité culturelle haïtienne.
Sur le plan sociopolitique
La politique, dit l'autre, c'est « l'art d'assurer
la gestion de la cité ». Gérer cette dernière
traduit un sentiment non seulement d'appartenance à une
communauté humaine, mais également un souci de prise en charge de
la dignité de ses membres. Cette communauté humaine repose sur
une dynamique continuelle de construction. Pour ce faire, la solidarité
de chacun de ses membres s'impose comme première nécessité
à laquelle il convient de se référer pour assurer sa
subsistance et sa cohérence. En effet, quand il n'y a pas cette prise de
conscience, on est automatiquement confronté à une crise
résultant de la cassure du lien social qui doit guider et cimenter tous
les membres de cette communauté humaine. Il faut, au demeurant, une
politique sociale fondée sur la reconnaissance de la valeur de chacun
des membres de la société. Donc, c'est l'une des voies royales
pour arriver à établir une société où le
respect de la dignité de l'autre et celui des Droits de l'Homme
couronnent toutes les actions des membres du corps social.
Sur le plan économique
Le système économique haïtien est
articulé autour d'une sorte de dualisme. Ce dualisme s'explique par le
fait qu'il y a une économie rurale qui, basée
particulièrement sur une agriculture de subsistance, constitue son
épine dorsale, et une économie urbaine avec un secteur commercial
dominé, en grande partie, par l'importation des produits de
l'extérieur. Ce dualisme, en fait, crée une sorte de
désarticulation dans l'économie haïtienne. Il s'agit d'un
système économique non structuré, c'est dire que l'Etat ne
fait aucun effort en vue d'agir sur cette dichotomie.
Généralement, l'état de développement d'un pays se
mesure à l'aune de son organisation économique. Cette mauvaise
organisation de l'économie haïtienne est une illustration
saisissante de la faiblesse de l'Etat. Aussi cette situation donne-t-elle
naissance à une pauvreté extrême qui est la négation
de la dignité humaine. Car, bon nombre d'haïtiens n'arrivent pas
à trouver de quoi à se nourrir. Cette économie ne peut
favoriser aucune émergence, ne peut non plus assurer le
développement des citoyens haïtiens par rapport à leurs
conditions matérielles d'existence. Cette situation est une violation
flagrante des Droits de l'Homme. De ce fait, il faut absolument humaniser le
système économique haïtien de telle sorte que ces derniers
puissent arriver à être appliqués de manière
réelle et concrète. Il faut placer les haïtiens dans un
système économique où leur vie sera prise en compte.
2- La création des tribunaux de paix dans
toutes les régions du pays dans une perspective d'une justice de
proximité
Il est tout à fait évident qu'une justice est
bonne par la possibilité offerte aux justiciables d'y accéder
sans coup férir. Or, la configuration du système judiciaire
haïtien occasionne un climat d'inaccessibilité de la justice par
la grande majorité de la population haïtienne, puisqu'il y a un
grand éloignement entre l'endroit où les justiciables habitent et
le lieu où se retrouvent les tribunaux. Donc, il se pose un
problème de proximité spatiale des juridictions dans la
distribution de la justice. La plupart des tribunaux se trouvent
concentrés dans les zones urbaines, alors qu'un justiciable en milieu
paysan est obligé de parcourir de nombreux kilomètres pour
trouver un tribunal. En outre, il se pose de très sérieux
problèmes en ce qui concerne l'état des tribunaux :
dépourvus de matériels de service, situation
d'insalubrité, etc. La grande partie des tribunaux haïtiens ne
répondent à aucun critère de modernité. La
situation même de la distribution de la justice dans ce pays
témoigne déjà d'un souci d'une non prise en charge de la
question de la justice dans ce pays. Malgré cette situation qui
n'inspire pas confiance, nombreux sont ceux qui se complaisent à faire
payer très cher les justiciables qui, très souvent, font face
à une situation d'insécurité économique grave.
Il se pose aussi un grand problème au niveau de la
procédure, d'autant que la justice haïtienne est fortement
procédurale. Mais cette procédure est lente et complexe. La
complexité de cette procédure tient au fait qu'il y a une
question de forme qu'il faut toujours respecter. D'où le principe de la
primauté de la forme sur le fond. En toute bonne logique, un paysan, se
sentant léser dans ses droits, peut bien vouloir saisir un tribunal pour
faire valoir ses droits, par le seul fait qu'il ne maitrise pas les tenants et
les aboutissants de la procédure, son affaire peut ne pas être
reçue. Dans ce cas, la justice est réservée aux
initiés, mais non aux profanes (paysans). Outre cela, la justice est
très couteuse. Alors les paysans, dans la majeure partie des cas,
n'étant pas en mesure de payer un avocat, se voient bafouer leurs droits
sans pouvoir réagir.
La création des tribunaux, vu leur importance dans la
structure judiciaire haïtienne, dans toutes les régions du pays,
répond à une nécessité qui consiste à
démocratiser la justice. Les justiciables haïtiens n'ont pas besoin
de se triturer la méninge pour trouver un tribunal pour faire entendre
leur voix, mais ils doivent être en mesure de pouvoir trouver un tribunal
dans la région où ils habitent. Il sied de signaler, au passage,
que la création des tribunaux dans toutes les régions du pays
doit refléter un certain respect des normes de construction. L'Etat ne
doit pas s'amuser à créer, à placer des tribunaux dans des
maisons de fortunes.
3- La réforme du système
judiciaire
Le système judiciaire haïtien est un
système désuet qui ne correspond à aucun autre
système judiciaire du monde. Cette désuétude fait
transparaitre la nécessité de le changer, car le changement ou le
bon fonctionnement d'un pays repose sur l'organisation rationnelle des
institutions républicaines. Parmi elles se retrouve l'institution
judiciaire, qui est un maillon important de la chaine. Elle doit être en
bonne santé. C'est à ce titre que Victor Hugo eut à
dire : « la justice élève une
nation ». A l'en croire, une société sans justice
est condamnée à la destruction la plus complète, la plus
absolue. Fort de ces considérations, il est obligatoire de changer la
justice haïtienne. Cette transformation doit avoir son point d'ancrage
dans la distribution efficace de la justice. Cette reforme doit viser à
éliminer la question de l'impunité structurelle dont jouissent
les politiquement plus puissants. Car cette situation est un témoignage
d'une violation et d'un piétinement déconcertant du principe de
l'égalité devant la loi. Cela ne fait qu'endurcir la
méfiance des justiciables haïtiens dans les institutions
judiciaires. A cela doit s'ajouter, bien évidemment, le manque de
crédibilité et d'indépendance des magistrats. Il faut
absolument repenser l'administration judiciaire qui ne témoigne d'aucun
souci pour le respect de la dignité de la personne humaine. D'ailleurs,
selon Michel Forst96(*),
la réforme judiciaire est une nécessité pour Haïti.
Car sans cette réforme, il est tout à fait impossible non
seulement d'accéder à la modernisation du droit, de la justice
haïtienne et à la démocratisation de l'Etat, mais aussi
d'apaiser la souffrance morale dont l'institution judiciaire du pays.
Toutefois, il convient d'attirer l'attention sur la mise sur
pied du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) comme un grand
progrès, car il constitue un élément vital du commencement
de la réforme tant attendue.
4- La volonté politique des dirigeants au plan
national
Le pouvoir politique s'exerce par l'entremise d'un homme ou
d'une assemblée d'hommes dont la mission est d'assurer la
cohésion sociale, le développement et la priorité de
l'Etat. Pour ce faire, ce dernier doit faire montre d'autorité, et
être capable d'endosser pleinement sa responsabilité. D'où
la nécessité pour les dirigeants du pays d'être
armés d'une volonté politique, c'est-à-dire une
volonté qui doit tendre vers le patriotisme quant à
l'élaboration des principes qui président à l'harmonie de
tous membres de la société. On peut, en fait, posséder les
meilleurs instruments juridiques de protection des Droits de l'Homme, sans une
volonté politique réelle, on peut ne pas les mettre en
application. En d'autres termes, les dirigeants haïtiens doivent
être guidés par cette philosophie, à savoir il est de leur
grande responsabilité de permettre à la société
haïtienne de connaitre une certaine émergence. Car c'est l'une des
conditions pouvant lui permettre de favoriser l'épanouissement de
l'être.
Ce parcours, dans cette dernière partie de notre
travail, se revêt une grande importance dans la mesure où elle a
pu nous donner la possibilité d'analyser les différentes
difficultés auxquelles est confrontée l'application des Droits de
l'Homme en Haïti, en dépit de la mise en place de tout un ensemble
d'instruments devant garantir leur application. Ces difficultés ne
restent pas sans conséquence sur la situation d'évolution des
Droits de l'Homme dans le pays. De fait, cette partie de ce travail de
mémoire nous a donné aussi l'occasion de faire un
décryptage plus ou moins clair de la situation d'ambiance de violation
permanente des Droits de l'Homme, c'est-à-dire saisir dialectiquement la
dynamique de violation intense de ces droits relativement à la nature de
différentes difficultés que rencontre l'application des Droits de
l'Homme. Et elle nous a permis, du même coup, de proposer certaines
mesures, au-delà des textes et des structures appelées à
garantir l'effectivité des Droits de l'Homme, de correction par rapport
à la triste situation d'évolution de ces droits dans le pays.
CONCLUSION GENERALE
Dans l'ensemble, ce travail de recherche peut paraitre
très ambitieux de part la nature de la thématique
abordée : les difficultés d'applicabilité des Droits
de l'Homme en Haïti. Les difficultés peuvent ne pas pouvoir
s'analyser de la même manière, dépendamment du courant
théorique dans lequel on se situe. Mais, un fait est certain, c'est que
l'application des Droits de l'Homme en Haïti ne se porte pas trop bien.
Elle reste aujourd'hui encore un défi de taille. C'est d'ailleurs notre
principal intérêt en voulant démontrer qu'il se pose un
redoutable problème d'applicabilité de ces droits dans la
réalité sociale haïtienne. Cet état de fait nait du
fait qu'il y a une relation de consubstantialité entre les Droits de
l'Homme et la réalité sociopolitique du pays. Cela sous-entend
que les Droits de l'Homme ne sauraient se penser en faisant l'économie
d'un ensemble de conditions socioculturelles. Cela dit, les mécanismes
de protection des Droits de l'Homme tant sur le plan national qu'international
mis en place par les institution internationales et les organisations non
gouvernementales et surtout par les différents systèmes de
protection internationale de ces droits n'impliquent pas la résolution
du problème. Car les conditions de développement du pays ne
doivent pas être négligées quand on aborde la question des
Droits de l'Homme. Les contraintes d'application auxquelles sont en butte ces
droits en Haïti s'expliquent par cette absence : la non prise en
considération des dimensions sociales, politiques et culturelles des
Droits de l'Homme. Ces éléments sont indispensables, puisque ce
sont les conditions dont dépend l'efficacité de l'application de
ces droits en Haïti. Pour que les citoyens haïtiens puissent jouir
intégralement de leurs droits, il faut qu'ils soient en mesure non
seulement d'avoir la conscience de l'existence de ces droits, mais aussi de
pouvoir les revendiquer. Pour ce faire, l'Etat doit, par la mise en oeuvre des
structures y relatives, créer des conditions afin de pouvoir favoriser
véritablement l'efficacité réelle des Droits de l'Homme.
Par ailleurs, la nature de l'Etat est aussi une condition
essentielle pour la cristallisation de l'idéal des Droits de l'Homme.
Par contre, il se trouve que l'on a un Etat dont la faiblesse répugne la
conscience des citoyens haïtiens, c'est-à-dire un Etat qui est non
seulement incapable de créer les conditions d'application des Droits de
l'Homme, mais également incapable de diminuer la souffrance des
haïtiens face à la situation de misère absolue dans laquelle
ils s'installent depuis notre indépendance en 1804. Cette misère
atroce est tellement présente dans la vie des gens que Colomé
Anne-Marie a fait remarquer que : « une portion de la
population entassée dans les bidonvilles et dans les faubourgs (faux
bourgs) haïtiens vit littéralement dans un état de
deshumanisation caractérisé notamment par l'absence de vie
privée97(*) ». La défaillance de l'Etat
haïtien ne date d'hier. Dans le même esprit, Laennec Hurbon avance
que : « L'une des caractéristiques principales
de l'Etat haïtien est son impuissance à répondre à un
certain nombre de revendications qui lui sont toutes adressées
directement depuis 1986 : eau potable, électricité pour
tous, scolarisation universelle, (environ 15% seulement des écoles
publiques primaires et secondaires sont prises en charge par l'Etat), voies de
communication, sécurité des citoyens et de la
propriété, protection de l'environnement98(*) ». Le pays est
ancré dans un système politique traditionnel marqué
profondément par les séquelles du colonialisme. Il se
caractérise particulièrement par l'autoritarisme, la corruption,
l'enrichissement illicite, la marginalisation de la masse, la monopolisation de
la vie politique, et l'injustice sociale. Ces caractéristiques
correspondent à ce qu'André Corten
appelle « le mal politique 99(*)», c'est-à-dire
l'acceptabilité de la deshumanisation de la masse. De surcroît, il
s'agit d'un système politique qui s'est révélé
incapable de prendre en compte la question du développement national,
car il est revêtu d'une grande importance pour favoriser le respect des
Droits de l'Homme, et ceci est historiquement prouvé. Le Chef de l'Etat
se veut l'incarnation de l'autorité. Il a tendance à
personnaliser l'Etat, à l'instar de Louis XIV qui disait
que : « l'Etat, c'est moi100(*) ». Il a une
influence sur presque tous les pouvoirs de l'Etat. Ce qui est, d'ailleurs une
hypothèque, voire une entrave à la réalisation des Droits
de l'Homme.
En effet, une telle situation est de nature à causer
aux citoyens haïtiens de très grandes frustrations. Ils sont
totalement écartés de la gestion de la chose publique (Res
publica). Un pays où il y a une réticence systématique
à la discussion rationnelle. Les citoyens ont certaines fois une peur
bleue à exprimer leurs opinions. Participer dans la politique
haïtienne est un vrai sacrifice ou un vrai moyen d'hypothéquer non
pas votre liberté, mais un moyen quasiment sûr de vous voir tuer,
de voir votre femme violée et vos enfants torturés. Les
détenteurs du pouvoir politique se comportent comme des maitres à
l'égard des citoyens, assimilés, dans l'immensité des cas,
à des esclaves. Certes, l'esclavage est aboli dans la constitution
haïtienne, mais on a comme l'impression que l'on se retrouve, face
à nos dirigeants, dans des situations où nous sommes pris comme
des purs esclaves. Parfois, ils les réduisent comme des instruments pour
atteindre leurs buts. Qui pis est, c'est qu'ils pensent qu'ils ont droit de vie
et de mort sur elle, en particulier sur ceux qui s'y opposent. Cette situation
est scandaleusement inacceptable et ne fait qu'aggraver la fragilité et
l'inapplication des Droits de l'Homme en Haïti.
A la lumière de ces considérations, il importe
de mettre l'accent sur un système politique pour assurer le respect des
Droits de l'Homme. Car le respect de ces derniers est fonction aussi de la
rationalité du régime politique du pays. En outre, les Droits de
l'Homme, la démocratie, l'instauration d'un Etat de Droit et le niveau
de développement social du pays ne sauraient se réaliser en
dehors d'une prise en compte du système politique, c'est-à-dire
la manière on organise la société sur le plan politique.
Le mauvais fonctionnement de la justice haïtienne constitue
également un obstacle majeur à la réalisation des Droits
de l'Homme et à l'instauration d'un véritable Etat de Droit.
Donc, il faut réformer la justice haïtienne, et créer
également d'autres tribunaux dans les régions du pays. Cela
répond à la nécessite de la démocratisation de la
justice haïtienne, car la justice est une dette sociale. Tout individu
doit absolument y avoir accès sans encombre.
Comme cela a été démontré
précédemment, la démocratie sur laquelle il convient de
mettre l'emphase dans le cadre de la construction des stratégies
à mettre en oeuvre en faveur de l'application des Droits de l'Homme en
Haïti, est celle qui doit tendre vers le réveil de la conscience
haïtienne, et ce à seule fin de créer des conditions
essentielles d'émergence de sa dignité. Ce réveil de la
conscience citoyenne va provoquer un sentiment d'appartenance à une
communauté. Car c'est une exigence morale et une responsabilité
civique, pour paraphraser Hanna Arrent, philosophe américaine du
20e siècle, pour le citoyen de la cité. Il faut
construire notre propre stratégie pour instaurer une démocratie
à l'haïtienne. Dès lors qu'il s'agit d'une démocratie
prônée en Amérique, ou celle prônée en Europe,
elle peut se heurter à de grands obstacles, car la réalité
socioculturelle haïtienne est tout autrement. Néanmoins, pour
pouvoir implanter cette démocratie, il importe d'accorder la
primauté à l'éducation des citoyens, puisque
l'effectivité d'une vraie démocratie ressort à des
conditions sociales et psychologiques nécessaires qui doivent beaucoup
à la sagacité et à la finesse intellectuelle des citoyens.
Et cela ne reste sans incidence sur les Droits de l'Homme dont
l'efficacité se cristallise en prenant en considération tout un
ensemble de conditions socioculturelles des gens.
Dès lors qu'un pays est sous-développé,
c'est-à-dire qu'il est dans l'incapacité de résoudre un
certain nombre de problèmes, l'application réelle des Droits de
l'Homme se révèle problématique et fragile, car ces
derniers ne sont pas quelque chose d'abstrait, mais liés à un
ensemble de conditions sociopolitiques spécifiques. Donc, il faut
réduire la situation de pauvreté et de misère absolue dans
laquelle est plongée la grande partie de la population haïtienne
depuis bien des temps. Il est absolument nécessaire de placer
l'intérêt de la collectivité au premier plan. Et ce pour
arriver à la création d'une société
équilibrée, une société de justice sociale. C'est
l'une des premières conditions de commencement de la réalisation
de la dignité de la personne humaine.
Il faut lutter pour le respect des Droits de l'Homme. Cette
lutte est perpétuelle. Lutter pour la prise en compte réelle des
Droits de l'Homme n'implique pas de se circonscrire dans une vision
angélique, voire utopique de ces droits immanents à la nature
humaine, mais ils font partie essentielle d'un projet politique, social
réaliste s'inscrivant dans la dynamique même de la vie de l'homme
en société. Pour répéter cette maxime
latine : « sol lucet, omnibus », qui signifie
que le soleil luit pour tout le monde. Autrement dit, tout le monde a le droit
de jouir de certains avantages naturels. Travaillons dans cette logique pour la
démocratisation des conditions d'une vie meilleure pour tous les membres
de la société dans une perspective de l'établissement
d'un véritable Etat de Droit en Haïti.
BIBLIOGRAPHIE
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en Haïti. Diabolisation et mal politique, Karthala, Paris, 2001,
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Yves Lacoste, Géographie du
sous-développement, Puf, Paris, 1989, 180 p.
II- Mémoires consultés
1) Antony A. MEME, Les Droits de l'Homme en
Haïti : réalités et contraintes, Juin 2000.
2) Guiteau Ronald Joseph, Les respect des droits de
l'homme : un facteur essentiel au triomphe de la démocratie
moderne, Novembre 1998.
3) Jean Rosier Descardes, Dynamique Vodou et droits de
l'homme en Haïti, université de paris III, 1999, 50 p.
4) Saloua ADLI, La perfectibilité chez
Rousseau, Université Pierre Mendès-France, Grenoble,
2006-2007, 150 p.
III- Ouvrage particulier
Dominique Rincé, Analyse
littéraire(Textes), Nathan, 2000, Paris, 447 p.
IV- Documents officiels
1) Constitution de 1987
2) Deux siècles de Constitutions haïtiennes.
V- Autres documents et publications
1) Amartya Sen, les Droits de l'Homme et l'illusion
occidentalisante, le lundi 08 décembre 2008. S. d.
2) Rapport de la Commission Interaméricaine des Droits
de l'Homme, USA, s.e, 2005.
3) Rapport du RNDDH sur l'impact de la détention
préventive sur la société haïtienne, octobre 2011.
4) Le nouvelliste, Samedi 21 et dimanche 22 avril 2012. No
38732.
5) Le Nouvelliste, jeudi 26 avril 2012. No 38735.
6) Le Nouvelliste, mercredi 18 juillet 2012. No 38791.
7) MICIVIH, OEA/ ONU, Haïti : La Constitution de
1987 et les Droits de l'Homme, Copyright, 1998, Port-au-Prince, 222 p.
8) Documents de base concernant les Droits de l'Homme dans le
système interaméricain, Washington, D.C, 2003, 276 p.
VI- Sites internet consultés
1- www.persee.fr
2- www. RNDDH.org
3- www.memoireonline.com
4- www. droits fondamentaux.org
5- www.nouveliste.com
6- www. cidh.org
TABLE DES MATIERES
PAGES
DEDICACE.....................................................................................................I
REMERCIEMENTS
........................................................................................II
LISTE DES
ABREVIATIONS............................................................................III
SOMMAIRE..................................................................................................IV
EPIGRAPHE...................................................................................................VI
AVANT-PROPOS..........................................................................................VII
INTRODUCTION
GENERALE..............................................................................1
PREMIERE PARTIE
LES FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS
DE
L'HOMME....................................................................7
CHAPITRE 1
LA CONTEXTUALISATION HISTORIQUE ET THEORIQUE DES DROITS
DE
L'HOMME...................................................................8
SECTION 1 : LA CREATION DE LA NOTION DES DROITS DE
L'HOMME.................8
A- Les conditions de l'émergence des Droits de
l'Homme..........................................8
1- Les sources
bibliques.............................................................................9
2- Les sources
philosophiques...................................................................10
3- Les sources
littéraires............................................................................10
B- L'historique des Droits de
l'Homme...............................................................11
1- Les grandes dates et les grands moments internationaux des
Droits de l'Homme.....12
2- La classification des Droits de
l'Homme.....................................................13
SECTION 2 : LES FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET
THEORIQUES DES DROITS
DE
L'HOMME................................................................................................16
A- Les doctrines des Droits de
l'Homme..............................................................16
1- Les théories du droit
naturel...................................................................16
2- Les théories
positivistes.........................................................................19
B- Les conceptions fondamentales modernes des Droits de
l'Homme...........................21
1- La conception libérale des Droits de
l'Homme.............................................21
2- La conception marxiste des Droits de
l'Homme............................................22
3- La conception communautariste des Droits de
l'Homme.................................23
4- Les facteurs d'encadrement des Droits de
l'Homme.......................................23
CHAPITRE 2
LES MECANISMES DE PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME.....27
SECTION 1 : LES ASSISES JURIDIQUES DES
SYSTEMES DE PROTECTION INTERNATIONALE ET NATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME............................27
A- La valeur juridique des textes internationaux
adoptés dans le domaine des Droits
de
l'Homme............................................................................................27
1- Les textes à portée
universelle.................................................................27
2- Les textes à portée
régionale...................................................................29
B- Les mécanismes de protection internationale des
Droits de l'Homme......................33
1- Le système onusien de protection des Droits de
l'Homme ...............................33
2- Le système interaméricain de protection des
Droits de l'Homme........................36
3- Le système européen de protection des Droits
de l'Homme..............................40
4- Le système africain de protection des Droits de
l'Homme...............................42
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE
PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME....................................................................................43
A- Le fondement juridique de protection nationale des Droits
de l'Homme....................43
1- La Constitution de 1987 et celles d'avant
1987............................................44
2- Les traités relatifs aux Droits de
l'Homme..................................................46
B- Les instruments juridictionnels de protection nationale des
Droits de l'Homme............49
1- Les institutions étatiques de protection des Droits
de l'Homme..........................48
2- Les institutions non étatiques de protection des
Droits de l'Homme...................53
SECONDE PARTIE
L'INEFFICACITE DES MECANISMES DE PROTECTION ET LES
DIFFICULTES DE L'APPLICATION DES DROITS DE L'HOMME
EN
HAITI.....................................................................................54
CHAPITRE 3
LES DIFFICULTES DUES A L'APPLICATION DES DROITS DE
L'HOMME EN
HAITI...................................................................55
SECTION 1 : LES DIFFICULTES INTERNES
D'APPLICATION DES DROITS DE
L'HOMME...................................................................................................55
A- Les contraintes d'ordre
sociopolitique........................,,.................................57
1- Fragilité du modèle
occidental................................................................56
2- Etat de
droit......................................................................................57
3-
Démocratie.......................................................................................59
B- Les contraintes d'ordre
structurel.................................................................63
1- La situation de crise du
pays...................................................................63
2- Le système judiciaire
haïtien..................................................................65
3- L'état de sous-développement du
pays......................................................68
SECTION 2 : LES DIFFICULTES EXTERNES
D'APPLICATION DES DROITS DE
L'HOMME....................................................................................................71
A- Au niveau des mécanismes de protection
internationale des Droits de l'Homme...........71
1- La méconnaissance de la procédure de saisine
des instances internationales..........72
2- L'absence des mesures de
coercition.........................................................73
3- La limitation des décisions des instances de
protection internationale des Droits
de
l'Homme..........................................................................................74
B- L'hypocrisie de la communauté internationale
.................................................75
1- Sur le plan
politique............................................................................75
2- Sur le plan
économique........................................................................76
3- Sur le plan
environnemental..................................................................77
CHAPITRE 4
LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN
HAITI......................79
SECTION 1 : LES FORMES DES VIOLATIONS DES
DROITS DE L'HOMME EN
HAÏTI..........................................................................................................79
A- Les violations des droits
socioculturels..........................................................80
1- Droit à
l'éducation..............................................................................80
2- Droit au
travail..................................................................................83
3- Droit à la
justice.................................................................................84
4- Droit à la
santé..................................................................................86
5- Droit au
logement...............................................................................86
B- Les violations dans l'administration
judiciaire...................................................87
1- L'état des prisons
haïtiennes....................................................................87
2- La partialité de la justice
haïtienne............................................................88
3- La question de la détention préventive
prolongée.........................................89
SECTION 2 : LA FAIBLESSE DES MESURES DE
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
....................................................................................................92
A- L'influence des pouvoirs politiques sur l'administration
judiciaire..........................92
1- La dépendance des
juges.......................................................................93
2- La non existence d'une politique d'application des textes
internationaux adoptés
dans le domaine des Droits de l'Homme par
Haïti.........................................93
3- La méfiance des justiciables dans la justice
haïtienne......................................94
B- Les mesures de correction pour favoriser les conditions
l'application des Droits
de l'Homme en
Haïti.................................................................................95
1- Une réorientation et une redéfinition de la
question des Droits de l'Homme sur le
plan culturel, sociopolitique et
économique.................................................95
2- La création des tribunaux de paix dans toutes les
régions du pays dans la
perspective d'une justice de
proximité......................................................98
3- La reforme judiciaire
...........................................................................99
4- La volonté politique des dirigeants du
pays................................................100
CONCLUSION
GENERALE..............................................................................101
BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................105
TABLE DES
MATIERES.................................................................................109
INDEX.........................................................................................................113
INDEX
Charte Sociale Européenne, 32
Commission Interaméricaine aux Droits de l'Homme, 37,
38, 39
Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD), 51
Conception classique de la démocratie, 61
Conception marxiste de la démocratie, 62, 63
Conseil des Droits de l'Homme, 34
Convention Américaine aux Droits de l'Homme, 32
Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales, 31
Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme, 39, 40
Cour Pénale Internationale, 35, 36
Démocratie et Droits de l'Homme, 24
Droits de l'Homme et Etat de Droit, 25
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH),
28
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 29,
30
Deuxième génération des Droits de
l'Homme, 14
Encadrement juridique du pouvoir, 58
Facteurs politico-juridiques d'encadrement des Droits de
l'Homme, 24
Facteur d'ordre culturel d'encadrement des Droits de l'Homme,
25, 26
Facteurs social et économique d'encadrement des Droits
de l'Homme, 26
Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, 35
Indépendance de l'autorité juridictionnelle,
58
Ministère à la Condition Féminine et aux
Droits de la Femme, 50
Ministère de l'Environnement, 50
Office National d'Indentification (ONI), 51
Office National de la Migration, 51
Office de Protection du Citoyen (OPC), 49, 50
Pacte International relation aux Droits Economiques, Sociaux
et Culturel (PIDESC), 29
Philosophie humaniste et libérale, 58, 59
Première génération des Droits de
l'Homme, 14
Répartition de la population carcérale en
Haïti (tableau), 91
Secrétairerie d'Etat à l'Intégration des
Personnes Handicapées, 50
Sur le plan culturel, 95, 96, 97
Sur le plan politique, 97
Sur le plan économique, 97, 98
Troisième génération des Droits de
l'Homme, 14
* 1- Cité par Jacques
Mourgeon, Les droits de l'homme, Puf, Paris, 1978, p.11.
* 2 - Saloua ADLI dans son
mémoire de master 2 : La perfectibilité chez
Rousseau, Université Pierre Mendès France, 2006-2007,
p.1.
* 3 - Cette expression latine
signifie: homme de bien qui sait parler.
* 4 - Cité par Bernard
CHANTEBOUT in Droit constitutionnel, Armand Colin, Paris, 2006,
p.8.
* 5 - Georges Morel, Les
droits de l'homme en question, in Commission consultative des droits de
l'homme, 1989. Les droits de l'homme en question, La documentation
française, Paris, 1989, p.36.
* 6 - Jen Marie-Domenach,
Interrogations in droits de l'homme en question, La
documentation française, Paris, 1989, p. 21.
* 7 - Madeleine Grawitz,
Méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris, 1993, p.383.
* 8 - Ibid.
* 9 - Danièle Lochack,
Droits de l'homme, La Découverte, Paris, 2002, p. 3.
* 10 -Dictionnaire le petit
Larousse 2011, Larousse, Paris, 2010, p.880.
* 11 - Jean-François
Renucci, Droit européen des droits de l'homme, E.J.A, Paris,
2001, p. 6.
* 12 - Pierre-Bloch
Domenach, Les Droits de l'homme en question, La documentation
française, Paris, 1989, p. 202.
* 13 - Emmanuel Kant,
Fondements de la Métaphysique des moeurs, V. Delbos, Paris,
1959, p. 162.
* 14 - Il s'agit d'une
tragédie composée par Sophocle, démocrate grec,
très probablement entre 343 et 341 av-J-C.
* 15 - Philippe Granarolo
dans son article : Antigone, Promoteur des droits de l'homme ou
Précurseur des idéologies de la terreur, 2008.
* 16 - Adel Hakim est un
acteur et metteur en scène français né en 1953 au
Caire.
* 17 - Cité par
Dominique Rincé, in Analyse littéraire et expression,
Nathan, Paris, 2000, p. 50.
* 18 - Révolution
sociale produite en Russie en octobre 1917. Cette date est
considérée comme incontournable dans l'histoire des droits de
l'homme.
* 19 - Monique Dumais, Les
droits des femmes, Paulines, Québec, 1992, p. 12.
* 20 - c'est le premier
état démocratique du siècle des lumières, selon
Voltaire et Rousseau. Cela allait être ensuite repris par Lafayette et
Thomas Jefferson pour les Etats-Unis (loge des neufs soeurs).
* 21 - Patrice Meyer-Bisch,
Présentation systémique des droits de l'homme, s.e, s.
l, s. d, p. 10.
* 22 - Cité par P.
Meyer, Op.cit., p.13.
* 23 - Cité par Jean
Carbonnier in Droit civil. Introduction, Puf, Paris, 1955, p.85.
* 24 - Ibid.
* 25 -Ibid.
* 26 - Georges Burdeau,
Droit constitutionnel, E.J.A, Paris, 1997, p.49.
* 27 - Jacques Mourgeon, Les
droits de l'homme, Puf, Paris, 1978, p. 16.
* 28 - Jacques Mourgeon,
Op.cit., p. 3.
* 29 - Cité par
Claude-Albert Colliard, in Libertés publiques, Dalloz, Paris,
1975, p. 29.
* 30 - Yves Madiot, Droits
de l'homme et Libertés publiques, Masson, Paris, 1976, p. 33.
* 31 - Op.cit., p.31.
* 32 - Daniel Lochak,
Les droits de l'homme, La découverte, Paris, 2002, p. 3.
* 33 - Op.cit., p.77.
* 34 -Ibid.
* 35 - Cité par
Laurence Hansen-Love in Philosophie Terminale, Hatier, Paris, 2001, p.
215.
* 36 - Henry Oberdorff et
J. Robert, Libertés fondamentales et les droits de l'homme,
Montchrestien, Paris, 1997, p. 222.
* 37 - Henri Oberdorff et
Jacques Robert, Op.cit. p. 7.
* 38 - Ibid.
* 39 - Henry Oberdorff et
Jacques Robert. Op.cit, p. 27.
* 40 - H. Oberdorff, J. Robert,
Op.cit. p. 343-344.
* 41 - Ibid.
* 42 - Ibid.
* 43 - Op.cit. p. 345
* 44 - Pierre-Henry
Prélot, Droits des libertés fondamentales, Hachette
livre, 2007, Paris, p. 55.
* 45 - Constitution de 1987
in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Fardin,
Port-au-Prince, 2010, p. 293.
* 46 - Constitution de 1806 in
Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 23.
* 47 - Constitution de 1843 in
Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 49.
* 48 - Op.cit. p. 51.
* 49 - Constitution de 1987
in Deux siècles de constitutions haïtiennes, Op.cit. p. 313.
* 50 - Ibid.
* 51 - Amartya Sen dans un
article : Les Droits de l'Homme et l'illusion occidentalisante,
s. e, s. l, 2008.
* 52 - J. Chevalier,
L'Etat de droit, Montchrestien, 2003, Paris, p. 13.
* 53 - Ibid.
* 54 - Michel Forst dans un
article : L'Etat de droit n'est pas encore en marche en Haïti,
Le nouvelliste, 08 février 2012. Il est un spécialiste en
droits de l'homme.
* 55 - Dans
l'antiquité grecque, ce terme désigne une grande place, avec
boutiques, tribunaux, où siégeait l'assemblée du peuple.
Petit Robert, 1977, p. 37.
* 56 - Cité par W.
Philips Shively, in Introduction à la science politique,
Cheneliere inc, Canada, p.68.
* 57 - Cité par W.
Philips, Ibid.
* 58 -Cité par B.
Jeanneau, Op.cit., p.14.
* 59 - Pierre Pactet,
Institutions politiques. Droit constitutionnel, Amand Colin, Paris,
1969, 1992, p.87-88.
* 60 - G. Lebreton,
Libertés publiques et droits de l'homme, Armand Colin, Paris,
1995, p. 87.
* 61 -Cité par Benoit
Jeanneau, in Droit constitutionnel et institutions politiques, Dalloz,
Paris, 1972, p. 14-15.
* 62 - Cité par
Leslie F. Manigat, in Eventail d'Histoire vivante d'Haïti. Des
préludes à Révolution de Saint Domingue jusqu'à nos
jours, Coll. du CHUDAC, Port-au-Prince, 2002, p. 24
* 63 - Guy HAARSCHER et
Boris Libois, Mutations de la démocratie représentative,
Université de Bruxelles, 1997, Belgique, p 7.
* 64 - Guy HAARSCHER et
Boris Libois, Op.cit. p. 8.
* 65 - Alain, cité
par A. Roussel et G. Durozoi, in Philosophie, notions et textes,
Fernand Nathan, Paris, 1979, p.349.
* 66 - Rapport de
Pnud sous le thème : Durabilité et
équité : un meilleur avenir pour tous, Copenhague, 2
novembre 2011.
* 67 - Cité par Jean
FREYSSINET » le concept du sous-développement», p.
247, in mémoire Antony A. MEME, Les Droits de l'Homme en
Haïti : réalités et contraintes, 2000, p.
76.
* 68 - Cité par
Antony A., Ibid.
* 69 - Cité Antony
A., Ibid.
* 70 - Yves LACOSTE,
Géographie du sous-développement, Puf, 1989, Paris, p
105.
* 71 - Leslie Péan,
Identité et transformation sociale. C'est une Conférence
qu'il a prononcée à la Faculté des Sciences Humaines, 21
juin 2012, Le Nouvelliste, no 38791/ 18 juillet 2012, p. 25.
* 72 - Cité par
Leslie François Manigat, in La crise haïtienne
contemporaine, Editions des Antilles, Port-au-Prince, 1995, p. 59.
* 73 - Ibid.
* 74 - Gédéon
Jean dans un article : Politique gouvernementale et le procès
du « génocide d'extrême pauvreté » en
Haïti, Le nouvelliste, jeudi 26 avril 2012. No 38735, p. 22.
* 75 - Lexique des termes
juridiques, DALLOZ, Paris, 1999, p. 417.
* 76 - Commission
Internationale des Droits de l'Homme, USA, s. e, 2006, p.7.
* 77- La communauté
internationale peut être perçue comme un ensemble de pays qui,
conscients d'un sentiment de solidarité, se mettent ensemble pour venir
à la rescousse des pays sous-développés, par exemple
Haïti.
* 78 - Julien Mercier dans son
article: on connait l'origine de l'épidémie de cholera en
Haïti. Cet article a été paru le 2/7/2011.
* 79 - Emile Durkheim, in
Alain Beitone et al, Sciences sociales, 2eme éd. DALLOZ 2000,
P. 188, in mémoire de Jean François Seguy : Le droit de
l'enfant à l'éducation à travers les conventions
internationales relatives aux droits de l'homme, 2007, Faculté de
droit(UEH), p. 3.
* 80 - Cité par
mémoire Jean François Séguy, Ibid.
* 81 - Henry Oberdoff et J.
Robert, Op.cit. p. 222.
* 82 -Op.cit. p. 23-24.
* 83 - Cité par Jean
François Séguy, Op.cit. p. 23.
* 84 - Op.cit. p. 28.
* 85 - Ibid., p. 220.
* 86 - Documents de bases
concernant les Droits de l'Homme dans le système interaméricain,
Washington, D.C, 2003, p. 33- 34.
* 87 -Cité par le
premier ministre haïtien, Laurent S. Lamothe, lors de la
déclaration de sa politique générale au parlement, mai
2012.
* 88 - Constitution de 1987
in Deux siècles de Constitutions haïtiennes, Op.cit, p. 295.
* 89 - Le nouvelliste dans un
article dont le titre est : les oubliés du système
judiciaire, p. 1. No 38732/ 21 au 22 avril 2012.
* 90 - Rapport de la Commission
Interaméricaine des droits de l'homme. Haïti : Justice en
déroute ou l'Etat de droit ? Défis pour Haïti et la
communauté internationale, 2005, p.25.
* 91 - Constitution de 1987, p.
14.
* 92 - G. Rocher,
Introduction générale à la sociologie, HURTUBISE
HMH, Montréal, 1969, p. 82.
* 93 - Guy Rocher, Op.cit p.
84.
* 94 - Op.cit. p. 88.
* 95 - Op.cit. p. 91.
* 96 - Il est un expert
Independent des nations-unies des Droits de l'Homme. Cette déclaration,
il l'a faite dans le cadre d'une visite en Haïti pour évaluer la
situation des droits de l'homme dans le pays en février 2012.
* 97 - Cité par
André Corten, in Misère, religion et politique en Haïti.
Diabolisation et mal politique, Karthala, Paris, 2001, p. 19.
* 98 - Laennec Hurbon, in
Michel Hector et Laennec Hurbon(dir), Genèse de l'Etat
haïtien(1804- 1859), Presses nationales, Port-au-Prince, 2009,
p.11-12.
* 99 - André Corten,
Op.cit. p. 18.
* 100 - Cité par
Dominique Turpin, Droit constitutionnel, Puf, Paris, 1992, p. 13.
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