Introduction
Depuis qu'elles existent les banques tentent de lutter contre
le risque de contrepartie. Dans leur rôle d'intermédiation entre
les agents en excédent de liquidité et les agents en besoin de
liquidité, les banquiers ont presque toujours été
préoccupés par les risques d'asymétrie de l'information
des demandeurs de crédit. Le véritable enjeu étant de
prévoir, pour une durée déterminée, la
probabilité de remboursement d'un prêt. Ainsi au fil du temps, et
conscients des risques encourus, les banquiers ont développé un
certain nombre de techniques dont le but consistait à minimiser
l'incertitude liée au niveau de défaillance de chaque demandeur
de crédit. C'est dans ce contexte que le scoring ou
précisément crédit-scoring est né aux USA au
début du XXe siècle, comme instrument d'aide à la
décision de crédit par la gestion et l'analyse systémique
de l'information.
En effet, au coeur du risque de défaillance de
crédit se situe la question épineuse et toujours contemporaine de
l'information, de plus en plus massive, d'origines de plus en plus nombreuses,
et de son interprétation. Ces incertitudes sont plus profondes dans le
contexte des pays africains, où l'information aussi qualitative que
quantitative sur les emprunteurs fait souvent défaut. Le
« tout numérique » constaté dans les pays
développés avec notamment au plan bancaire l'utilisation
généralisée de la carte à puce, permet aux
établissements de crédit du Nord d'accéder à une
qualité et à une quantité d'informations absolument
inédites. De plus la circulation et l'analyse de ces données
reste exacerbée par le world wide web ou la toile mondiale
communément appelée internet. Ceci alors qu'au contraire en
Afrique, l'accroissement de la fracture numérique, de même que
l'inaccessibilité du plus grand nombre au système bancaire ne
permettent de rendre suffisamment compte ni des flux physiques et financiers,
ni des informations y relatives entre acteurs économiques de
façon à servir de base aux banquiers. Ce d'autant plus qu'une
très grande part de l'économie africaine évolue dans
l'informel. Les risques d'aléa moral résultant de ces
incertitudes sont à l'origine d'un certain rationnement du
crédit.
L'une des conséquences de ce rationnement du
crédit, toujours d'actualité en Afrique, a d'ailleurs
été de favoriser l'émergence d'un nouveau type de
structures d'intermédiations financières. Celles-ci sont plus
souples et moins exigeantes que les banques classiques, en plus d'être
organisées sur la base d'une « solidarité
mutualiste » : les Institutions de Microfinance (IMF), encore
appelées Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) du
fait de leur proximité avec les populations défavorisées.
Leur objet principal est donc de permettre aux couches de citoyens (ou
d'entreprises) n'ayant pas accès aux services et produits du
système bancaire classique d'avoir tout de même accès aux
services financiers de base que sont l'épargne et le crédit.
Au Sénégal, les SFD connaissent un important
développement depuis la fin des années 80, suite à la
crise du système bancaire classique intervenue quelques années
plus tôt. Aujourd'hui, on compte près de 800 structures
financières décentralisées reconnues (mutuelles de base,
groupements d'épargne et de crédit et structures signataires de
convention). Ces structures offrent des services et produits financiers
à des populations actives à divers niveaux et secteurs de
l'économie nationale, contribuant ainsi à la croissance
économique et à la lutte contre la pauvreté. Mais
malgré leur développement, les IMF sénégalaises
n'échappent pour autant pas à l'une des contraintes majeures
auxquelles continuent d'être confrontées les banques dites
classiques : le risque de contrepartie, encore appelé le
risque de crédit. Pour le cas spécifique de la
microfinance en effet, le dilemme vient du fait que les SFD souffrent de leur
propre objet, qui consiste à faciliter l'accès des produits
financiers aux plus pauvres (ou aux plus modestes des PME). Or cette cible est
justement celle qui présente le moins de garanties quant au
remboursement d'un crédit. La mauvaise qualité du portefeuille de
crédit est de ce fait l'un des premiers écueils au
développement des IMF sénégalaises.
Ainsi, l'intérêt d'étudier les facteurs
qui déterminent le remboursement ou non d'un crédit à
court terme, chez les PME, est de pouvoir développer un système
de SCORING, ou d'évaluation du risque avant l'accord du crédit.
En réponse aux problématiques réglementaires et
opérationnelles de gestion du risque, les entreprises de banque dont
les IMF, ont l'obligation de mettre en place une politique de cotation sur
l'ensemble de leur portefeuille client afin d'obtenir une évaluation en
tant réel. Cette évaluation est stratégique car elle
permet à l'institution financière d'immobiliser les ressources en
fond propre au plus juste pour disposer par ailleurs d'un maximum de
liquidité.
Le principe du scoring est basé sur une espèce
de caractérisation binaire entre mauvais payeur et bon payeur, principe
qui d'ailleurs n'est pas nouveau en soi puisque utilisé (plus ou moins
consciemment) par les banquiers depuis toujours. L'innovation du scoring tient
plutôt à l'utilisation d'une méthode ordonnée et
logique, fondée sur l'octroi d'une note fournie par un ordinateur mais
dont le calcul résulte d'un modèle mathématique ou
algorithme. Le scoring est donc issu d'une réflexion rigoureuse et
empirique, par opposition à la « méthode
d'expert » qui se base sur des appréciations subjectives,
parfois émotionnelles et pas toujours reproductibles. Aussi et surtout,
les modèles de scoring ne sont en fait ni plus ni moins que la
régression d'un comportement type effectuée au moyen de
données historisées. En ce sens établir un modèle
de score nécessite une base de données.
Notre étude, en s'appuyant sur une méthodologie
à la fois quantitative (modélisation statistique) et qualitative
(prise en compte de déterminants sociaux comme le nombre d'enfants, le
niveau d'étude du chef d'entreprise sollicitant le crédit, etc.),
se propose de fournir un modèle de prédiction des risques de
crédit chez les clients PME à court-terme d'une IMF
sénégalaise. Ce modèle sera développé
à partir de l'intelligence artificielle (réseaux de neurones) et
de la modélisation mathématique (régression logistique). A
terme, le système d'estimation attendu permettra aux gestionnaires et
aux analystes crédit de prévoir, avec un très bon seuil de
confiance, le niveau de risque lié à chaque nouveau demandeur de
crédit.
Pour ce faire, trois phases seront proposées dans le
présent mémoire. La première servira à poser les
fondements des théories de scoring et de data mining, en cernant le
sujet grâce à un cadre de référence. Ce sera
l'occasion d'une brève revue de littérature sur la
régression logistique et sur les réseaux de neurone, et d'une
précision sur la problématique qui soutend l'étude. Dans
une deuxième phase, la méthodologie de scoring par le data mining
utilisée sera exposée, ainsi que les résultats qui auront
été obtenus par nos deux modèles (logistique et neuronal).
Après avoir procédé à l'analyse desdits
résultats à l'aide des tests statistiques nécessaires,
nous comparerons la robustesse des modélisations obtenues, avant de
recommander une grille de score. La troisième phase nous permettra de
poursuivre par des recommandations liées à une probable
implémentation du modèle choisi, et à quelques autres
recommandations liées aux aspects organisationnels propres à
l'UMECUDEFS.
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