UNIVERSITE DU BURUNDI
FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET
DES
SCIENCES DE L'EDUCATION
DEPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE
EFFICIENCE DE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL CHEZ
DES
ÉCOLIERS BURUNDAIS ENTENDANT ET NON
ENTENDANT : ETUDE
COMPARATIVE.
Par
Réginas NDAYIRAGIJE
Sous la direction Mémoire
présenté et défendu en vue
Du Professeur Béatrice MVUKIYE de l'obtention du grade de
Licencié en
Psychologie
Option : Psychologie clinique et sociale
Bujumbura, Août 2011.
DEDICACE
A notre regrettée mère qui a quitté la vie
si tôt ;
A notre très cher papa pour nous avoir fait aimer la
lecture et les études;
A nos frères et soeurs;
REMERCIEMENTS
Si nous arrivons au terme de ce travail de recherche, c'est
grace aux efforts déterminants conjugués par beaucoup d'individus
agissant isolément ou en synergie. Cela étant dit, à tout
seigneur tout honneur ! Que le professeur Béatrice MVUKIYE qui a bien
accepté de diriger ce travail accepte aussi nos très
sincères remerciements. Elle a été plus qu'une enseignante
; nous garderons toujours d'elle l'image d'une éducatrice
méticuleuse et pleine de grandes valeurs humaines.
Nos remerciements vont ensuite à l'endroit de notre
cher papa qui, par son sens d'abnégation, a satisfait aux exigences de
notre scolarisation. Pour nous avoir toujours rappelé que la
réussite est la première dette que l'enfant doit à ses
parents, qu'il trouve dans ce travail une raison de fierté et une
récompense pour les efforts qu'il a consentis. Nous devons aussi une
dette de reconnaissance à la descendance Busongoye qui a toujours
été à nos côtés chaque fois que nous avons eu
besoin de son concours.
Nous serions aussi ingrat et injuste si nous omettions de
remercier tous les enseignants qui ont contribué à notre
formation. La grande majorité d'entre eux ont été, tout
à la fois, des modèles et des guides. A chacun pour la trace
qu'il a laissée dans notre vie, nous disons infiniment merci !
Aux écoliers qui ont accepté de participer
à notre recherche, à leurs enseignants, aux directeurs des
écoles choisies à titre expérimental ou
pré-expérimental, nous sommes également très
reconnaissant.
Tous nos anciens camarades de classe ont
laissé des traces indélébiles dans notre vie. Nous gardons
de chacun et de tous des souvenirs inaltérables de complicité et
de profonde amitié.
Enfin, à tous nos amis qui nous ont encouragé de
plusieurs manières, nous citons, sans être exhaustif, Diane
Gahimbare, Jean Bosco Ndikumana, Ndayikeje Guy Vivien, Augustin Niyongabo,
Christian Ngendahimana, Nadia Kaneza, Seconde Nyanzobe,... nous disons mille
fois merci !
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
TABLE DES MATIERES iii
0. INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
3
CHAPITRE I. ELUCIDATION DES CONCEPTS CLES 4
I.1. La mémoire 4
I.2. La mémoire de travail 6
I.3. L'handicap 7
I.4. La surdité 8
I.5. La surdité totale 8
CHAPITRE II. THEORIES PSYCHOLOGIQUES DE LA MEMOIRE
9
II.1. Introduction 9
II.2. Différentes formes de la mémoire 9
II.2.1. La mémoire sensorielle 10
II.2.2. La mémoire à court terme 10
II.2.3. La mémoire à long terme 11
II.3. Les bases anatomiques de la mémoire 12
II.4. Mémoire versus oubli 13
II.5. Les pathologies de la mémoire 17
II.5.1. Les hypermnésies 18
II.5.2. Les amnésies 19
II. 5.3. Les distorsions de la notion du temps 19
CHAPITRE III. THÉORIES PSYCHOLOGIQUES DE LA
SURDITÉ 21
III.1. Formes de surdités 21
III.1.1. La classification clinique des surdités 21
III.1.1.1. La déficience auditive de transmission 22
III.1.1.2. La déficience auditive de perception 22
iv
III.1.1.3. La déficience auditive
rétro~cochléaire 23
III.1.2. La classification selon la date de l'acquisition de la
surdité 23
III.1. 2.1. Déficiences auditives précoces 23
III. 1. 2. 2. Déficiences auditives acquises postnatales
et pré-linguistiques 24
III.1.2.3. Déficiences auditives linguistiques 24
III.1.2.4. Déficiences auditives post-linguistiques 24
III.1.3. La classification audiométrique des
surdités 25
III. 2. Causes de la surdité 25
III.3. Conséquences de la surdité 26
DEUXIEME PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
29
CHAPITRE IV. PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE ET
VARIABLES 30
IV.1. Problématique 30
IV.2. Hypothèses de recherche 33
IV.2.1. Hypothèse générale 33
IV.2.2. Hypothèses opérationnelles et variables
34
IV.2.2.1. La variable « Concrétude » 34
IV.2.2.2. La variable « Type d'opération
mnémonique » 34
IV.2.3. Une variable neutralisée 35
CHAP V. ASPECTS METHODOLOGIQUES DE RECHERCHE EMPIRIQUE
36
V. 1. Méthode de recherche : L'expérimentation
36
V.2. Technique de recueil des données : Le test 37
V.3. Instruments de collecte des données : Deux tests de
mémorisation 38
V.3.1. Présentation générale 38
V.3.2. Présentation détaillée des tests
39
V.3.2.1. Le test 1: Rappel libre 39
V.3.2.2. Le test 2: Reconnaissance de mots 43
V.4. Modalités d'administration des tests 44
V.5. Population de recherche 45
V.6. Visites préliminaires de reconnaissance du terrain
de recherche 45
V.7. Echantillonnage 46
V.8. Administration des épreuves expérimentales
47
V. 8.1. La pré-expérimentation 47
V.8.2. L'expérimentation proprement dite 48
V.8.2.1. Déroulement 48
V.8.2.2. Difficultés rencontrées 48
V.9. Procédés d'analyse des données
49
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES ET DISCUSSION
DES
RESULTATS 50
CHAPITRE VI. ANALYSE
DESCRIPTIVE DES DONNÉES ET DISCUSSION
DES RÉSULTATS 51
VI.1. Présentation des données recueillies 51
VI.2. Analyse descriptive des données et discussion du
jeu des variables retenues 53
VI.2.1. Analyse de l'éventuel effet de la variable «
Concrétude » 55
VI.2.2. Mise à l'épreuve de l'effet de la variable
« Type d'opération mnémonique » 59
VI.3. Vers une analyse inférentielle des données
61
CHAPITRE VII. ANALYSE INFÉRENTIELLE APPLIQUÉE AUX
PREMIERS
RÉSULTATS 62
CONCLUSION 66
BIBLIOGRAPHIE 69
ANNEXE 72
1
0. INTRODUCTION
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
elle--même puisant son inspiration dans le Siècle des
Lumières, a consacré le droit à la différence et la
tolérance qui en découle comme conséquence logique. Cette
révolution culturelle a eu des répercussions notables sur les
centres d'intérêts de chercheurs oeuvrant dans diverses
disciplines scientifiques. La psychologie n'est pas restée en marge de
la vague. Elle a notamment cherché à cerner la personne humaine
dans ce qu'il a de particulier et même d'anormal, et ce, en comparaison
à la majorité de ses semblables. Ainsi, le handicap est, par
exemple, devenu un sujet intéressant en psychologie. A ce propos,
l'heure n'est plus aujourd'hui à l'apitoiement mais plutôt
à la compréhension de ces personnes
«différentes» (qualificatif emprunté à Ndayisaba
et De Gramont, 1999). Jadis considéré comme une honte pour la
famille de celui qui en souffrait et une peste à fuir pour le voisinage,
l'handicap est, de nos jours, vu et vécu comme une différence
à comprendre et sur laquelle il est possible d'agir avec un espoir de
plus en plus accru d'aboutir à des résultats probants. Il est
maintenant inconcevable de réduire les personnes atteintes d'handicaps
à d'éternels assistés ou de coller systématiquement
à l'handicap les cachets d'irréversibilité et d'inaptitude
absolue. Pour permettre aux personnes handicapées de s'épanouir
dans la société, de cueillir des roses de la vie, il faut d'abord
bien les connaître, et cela est notamment possible grâce à
des recherches scientifiques.
Le souci de notre recherche qui s'inscrit dans cette
visée est de voir s'il y a une différence significative au plan
de l'efficience de la mémoire de travail entre des écoliers non
entendant d'une part et ceux entendant d'autre part. Nous devons
reconnaître que nous ne sommes pas premier à nous
intéresser à une étude comparative sur le plan du
fonctionnement cognitif de personnes entendant et non entendant. Oléron
(1969) nous y a entre autres précédé à travers une
étude menée sur des sourds-muets et qui consistait à
soumettre à ces derniers des épreuves types dont la
réussite nécessite la mise en jeu de telle ou telle fonction
cognitive (voir Virole, 2000, p.48). Les résultats étaient
ensuite comparés à la moyenne obtenue par les enfants entendant
du même âge.
2
Plus d'un pourraient s'interroger sur la motivation qui nous
pousse à nous intéresser à une étude comparative
entre écoliers entendant et non entendant. Ladite motivation repose sur
notre conviction que l'action éducative dont les enfants non entendant
ont besoin ne peut prendre racines que d'abord dans de plus en plus de
connaissances scientifiques mises au point à leur sujet. Aussi,
avons-nous voulu inscrire une de nos premières expériences de
recherche scientifique dans une réflexion qui conduirait à
l'élaboration de stratégies éducatives qui seraient plus
en harmonie avec le style de fonctionnement intellectuel, et plus
particulièrement mnésique, de ces enfants «
différents ». La possible portée pédagogique des
résultats de notre recherche a donc motivé notre choix.
L'étude dont la présente dissertation rend
compte s'articule autour de trois principales parties. Premièrement, le
cadre conceptuel de référence. Il est fait de trois chapitres
à savoir l'élucidation des concepts clés de la recherche,
les théories psychologiques de la mémoire et les théories
psychologiques de la surdité. Deuxièmement, la partie
méthodologique de la recherche qui circonscrit le problème
à l'étude, dégage les hypothèses tant
générale qu'opérationnelles, énonce et justifie les
choix méthodologiques opérés pour pouvoir mettre en
évidence l'effet des variables retenues. Troisièmement, l'analyse
des données de la recherche et la discussion des résultats
auxquels nous avons abouti. Quatrièmement et enfin, notre dissertation
se termine par une conclusion générale qui dégage les
principaux résultats auxquels la recherche a abouti tout en
retraçant le cheminement suivi.
PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL DE LA
RECHERCHE
CHAPITRE I. ELUCIDATION DES CONCEPTS CLES
La démarche habituelle dans toute recherche
scientifique consistant à commencer par l'élucidation des
concepts clés répond à un but précis à
savoir celui de choisir les bonnes clés d'entrée dans
l'investigation sur le sujet choisi. En effet, l'identification des
significations utiles des mots clés évite par la suite au
chercheur de naviguer à vue, de se perdre dans des tâtonnements
à n'en point finir à l'instar d'un touriste sans boussole dans
une jungle qui lui est complètement inconnue.
Les concepts que nous avons jugés clés à
notre étude et qui nécessitaient d'être clarifiés
sont respectivement la mémoire, la mémoire de travail,
l'handicap, la surdité et la surdité totale.
I.1. La mémoire
La mémoire peut être définie comme
étant la capacité de l'être vivant à garder les
traces des événements passés. Le mot dérive du
latin « memoria » tiré du verbe «
memorare » signifiant rappeler. Sillamy (1980, p.729) s'inscrit
dans la mouvance de cette conception latine quand il affirme que la
mémoire renvoie à la capacité de conservation des
informations du passé avec capacité de les rappeler ou de les
utiliser. Et il ajoute : « Elle est d'une importance indiscutable car
d'elle dépendent l'accoutumance, l'habitude et l'éducation »
(ibid.).
Il serait erroné, cependant, de partir de cette
signification étymologique pour conclure sans réserve qu'il
s'agit là d'une fonction simple. La fonction a des mystères qui
échappent à l'irréflexion du vulgaire et sous une
apparente simplicité se cachent les apories d'importants
problèmes (Filloux, 1967, p.5). Sa complexité repose sur deux
éléments. Premièrement, elle est loin d'être une
photographie fidèle de ce qui a été vu, senti,
touché, entendu, bref vécu. Il résulte de la
mémoire une structuration de l'information et des règles qui
régissent la manipulation et la transformation de cette information
(Bartz, 1979, p.1). Ce constat est aussi partagé par Michaux (1974,
p.16) quand il définit la mémoire comme une fonction
générale du système nerveux dont la base est la
propriété qu'ont des éléments de conserver une
modification reçue et de former des associations. Michaux (ibid.)
poursuit que la mémoire implique les activités comme la
fixation
5
de certains états, leur reproduction et leur
localisation dans le temps mais, cette dernière étant facultative
parce qu'elle se trouve être un attribut de la mémoire
achevée. De là, nous comprenons que le travail de la
mémoire n'est pas mécanique mais réorganisateur.
Deuxièmement, elle implique plusieurs autres activités
tributaires du processus de développement. C'est du moins l'avis
défendu par Lieury (1975, p.251) quand il dit que la mémoire est
l'ensemble des processus biologiques et psychologiques qui permettent, selon le
degré de développement phylogénétique
(espèce animal) ou ontogénétique (le niveau de
développement de l'enfant), plusieurs catégories de comportements
- la recognition sensori-- motrice, action et imitation différée,
souvenir image ou conduite de récit - dont la fonction commune est la
conservation des informations (perceptions ou actions).
De toutes ces définitions retrouvées, nous avons
retenu, en définitive, que la fonction de la mémoire ou la
faculté mnésique se résume en deux verbes d'action
clés à savoir : capter (retenir) et
restituer (sa finalité ultime). Nous
notons que cette finalité de la mémoire requiert une certaine
réorganisation par le sujet. Cela veut dire que la mémoire
imprime à ses objets quelques modifications. Ce postulat est d'autant
plus vrai que ces modifications s'appliquent non seulement sur le cas
précis de la mémoire individuelle mais aussi sur celle collective
(voir Halbwachs, 1975, p.289). Cependant, bien que cette mise au point mette en
exergue une certaine unanimité entre auteurs, nous constatons l'absence
d'une convergence de vues quant aux formes de la mémoire. Par exemple,
une théorie de Delay (1950) appréhendant la mémoire en
termes d'hiérarchies distingue trois formes de mémoire : la
mémoire sensori--motrice (celle des sensations et mouvements), la
mémoire sociale se matérialisant par le développement des
catégories logiques, et la mémoire autistique apparaissant
dès l'age de trois ans et exploitant le matériel emprunté
aux sensations vécues dans la prime enfance. D'autres classifications se
fondent soit sur les processus psychiques mis en oeuvre dans la
mémorisation (mémoire spontanée, mémoire
volontaire), soit sur les organes de sens impliqués dans
l'activité mnésique (mémoire visuelle, auditive,
gustative, tactile,...), soit sur le moment de l'évocation
(mémoire immédiate, mémoire à court terme ou
mémoire de travail, mémoire à long terme).
expérimentale requise par notre sujet d'investigation
scientifique. Aussi, faut-il souligner que la forme de mémoire qui nous
intéresse plus particulièrement est celle de la mémoire
à court terme connue aussi sous le nom de mémoire de travail car
se prêtant mieux à la méthode expérimentale que nous
avons mise à contribution pour mener notre étude. Or, la
méthode expérimentale requiert des mesures, ce qui n'est possible
qu'avec la mémoire de travail. Cette expression de mémoire de
travail également rangée parmi les termes clés de notre
étude mérite, à son tour, d'être
clarifiée.
I.2. La mémoire de travail
La mémoire de travail ou la mémoire à
court terme (Matlin, 2001, p.166) est aussi appelée «
mémoire primaire » (Fontaine, 1999, p.134) ou « mémoire
immédiate » (Colin, 1979, p.47). C'est à elle que nous
faisons recours de façon permanente. Le nombre d'items susceptible
d'être mémorisé (empan mnésique) varie entre 5 et 7
éléments (Michaux, 1974, p.47). Tel est aussi l'avis de Miller
(1956) à travers sa formule de 7#177;2 (Matlin, 2001, p.168). Bien que
ces chiffres sur la capacité de la mémoire à court terme
soient avancés comme tels, il est à noter qu'elle ne
possède pas une capacité fixe et rigide car dépendante
aussi bien des caractéristiques de la tâche que des
différences individuelles (Matlin, 2001, p.172).
Dans le cadre de notre recherche, nous avons
considéré la mémoire de travail comme cette
capacité de reproduire les stimulations auxquelles l'individu humain a
été soumis après que ces dernières aient disparu de
son champ perceptuel depuis un temps relativement court compte tenu de la
quantité et de la longueur des items faisant objet de notre
expérimentation.
En plus, dans cette abondante terminologie (mémoire de
travail, mémoire à court terme, mémoire primaire,
mémoire immédiate), nous avons opté pour l'usage du
concept de mémoire de travail car faisant référence au
complexe travail de la mémoire qui ne se réduit pas au simple
stockage. En plus de ce concept de mémoire de travail, un autre concept
clé qu'il s'avère indispensable de clarifier est celui
d'handicap.
I.3. L'handicap
Il n'est pas très aisé de définir le
concept du handicap dans la mesure où il en existe plusieurs formes de
handicaps : handicaps mentaux, handicaps sensoriels, handicaps moteurs,
handicaps survenant à la suite de maladies chroniques, etc. Cependant,
il reste possible de chercher leur(s) dénominateur(s) commun(s). Dans
tous les cas, nous estimons que la notion de handicap renvoie à un
dysfonctionnement d'un organe ou d'une fonction limitant ainsi sa jouissance
effective.
Plusieurs sources s'accordent pour reconnaître que ce
vocable est d'origine anglaise mais les versions diffèrent quant
à sa genèse (voir par exemple Tremblay, 1987 ; Geaudreau et
Canavaro, 1990). Au départ, il désignait une pratique sportive
consistant à tenir d'une main une tasse de café pendant qu'on
joue au tennis avec un challenger de talents modestes (Ndayisaba et De
Grandmont, 1999, p.60). Cela permettait ainsi de redistribuer les cartes car
l'adversaire le plus fort était mis dans une situation d'inconfort. Il
est donc évident que le handicap décrivait une situation
d'infériorité nécessitant une compensation, une mesure
correctrice. Autrement dit, la notion d'handicap insinue l'idée
d'infériorité en termes d'aptitudes. Telle est aussi à peu
près la conception de Lafon (1973) à la seule différence
qu'elle s'applique aux enfants. Sa conception fait référence
à la notion de retard par rapport aux autres enfants de méme age
réel. L'handicap, vu sous cet angle, ne se percevrait donc que par
comparaison et deviendrait relatif. En face de cette considération
normative, il se dresse aussi des approches du handicap qui se basent sur ses
répercussions sur le plan social. L'handicap est en fait un
désavantage social résultant d'une déficience ou d'une
incapacité qui limite ou interdit forcément l'accomplissement
d'un rôle attendu de la personne qui en est atteinte, par son milieu
(voir Naniwe, 1995). De cette définition, il apparaît clairement
que l'handicap porte une connotation sociale. Nous sommes même
tenté de nous demander si l'handicap (méme s'il présente
dans la plupart des cas des manifestations physiques incontestables) n'est pas
beaucoup plus une création de la société plutôt
qu'une donnée absolue. Notre interrogation se fonde sur le constat que
les implications sociales de l'handicap pèsent parfois plus lourd sur la
personne atteinte d'handicap que son handicap lui-même. La notion
d'handicap est relative aux normes d'usage, au niveau de développement
et aux capacités de tolérance du groupe auquel appartient la
personne handicapée (Doron et Parot, 1991, p.324).
Après cette clarification du concept d'handicap en
général, nous pouvons cette fois-ci envisager la
définition de la surdité en tant qu'une de ses formes.
I.4. La surdité
Le mot surdité dérive du latin « surdus
». Il désigne l'état d'une personne qui perçoit
vaguement les stimuli auditifs ou qui en est carrément insensible. Pour
Robert (1971, p.35), est sourd celui qui perçoit insuffisamment les sons
ou ne les perçoit pas du tout. La surdité est aussi
définie comme étant une diminution de la sensibilité de
l'oreille (Gribenski, 1957, p.75). La notion de diminution nous fait penser
à une comparaison par rapport à une période
antérieure. Partant de cette observation, nous déduisons que la
surdité n'a rien d'absolu car la diminution dont il est fait mention
n'est pas une norme. C'est pour cette raison que Trannoy (1971) propose une
définition beaucoup plus objective fondée sur des indices
chiffrés et chiffrables. Le sourd est celui dont le déficit
auditif est inférieur à 65 décibels (voir Trannoy, 1971,
p.13). Nous notons que la forme la plus sévère des autres formes
de surdité est celle connue sous le nom de surdité totale.
I.5. La surdité totale
La notion de surdité totale se rapporte à la
privation totale de la faculté d'entendre. Elle est attestée par
un déficit auditif supérieur à 65 décibels
(Trannoy, 1971, p.13). Cependant, cette conception ne fait pas unanimité
au sein des spécialistes de la surdité. La qualification de la
surdité totale varie d'un pays à l'autre et elle tend à
différer selon qu'on a en vue l'éducation du sujet, le choix d'un
emploi ou l'octroi d'une indemnité (Wall, 1955, p.255). Nous comprenons
donc par là que c'est la finalité en ligne de mire qui
conditionne l'approche définitionnelle.
Dans le cas précis de notre étude, nous avons
considéré comme écolier non entendant tout écolier
dont l'insensibilité aux stimuli auditifs est avérée, en
faisant abstraction des différentes formes de surdité. Ce choix
repose sur le fait que nous avons voulu réaliser notre recherche dans un
cadre scolaire. Or, lorsqu'elle est légère, une surdité
peut passer inaperçue au sein de la famille, mais peut entraver
sérieusement la scolarisation d'un sujet (Ndayisaba et De Grandmont,
1999, p.143). Etant donné que la mémorisation est une condition
de la sauvegarde des apprentissages scolaires, nous pouvons présumer que
tout ce qui est préjudiciable à la mémoire a de fortes
probabilités de l'être à la scolarisation.
9
CHAPITRE II. THEORIES PSYCHOLOGIQUES DE LA MEMOIRE
II.1. Introduction
Le concept de la mémoire est un concept que nous
pouvons qualifier de fourre-tout, de passe-partout. En effet, il est
utilisé dans plusieurs disciplines scientifiques ou domaines de la vie
courante mais, généralement, avec des sens qui ne se recoupent
que très partiellement. Il est utilisé notamment en sciences
humaines et plus particulièrement en histoire, en neuroscience ou en
psychologie, en informatique, etc. Dans le cadre de notre recherche, nous nous
intéressons à la mémoire comme « pôle crucial
de nos activités cognitives » (Matlin, 2001, p.101). Pour mieux
comprendre la portée de notre sujet d'étude, il s'est
imposé à nous de passer d'abord en revue certaines
théories psychologiques relatives à la mémoire.
Ainsi, nous débattons dans le
présent chapitre de certains aspects de la mémoire comme ses
différentes formes, ses bases anatomiques, la notion de l'oubli, ainsi
que ses possibles pathologies.
II.2. Différentes formes de la
mémoire
La mémoire est, comme nous l'avons mis en
évidence dans le premier chapitre, une fonction qui permet de capter,
coder, conserver et restituer les stimulations et/ou les informations
perçues par nos différents organes de sens. Cependant,
derrière cette définition d'une simplicité suscitant peu
de commentaires, se cache tout un débat nourri autour du fonctionnement
de la mémoire. Il se dégage d'un bilan fait des grands courants
de la psychologie sur la mémoire (Lieury, 1975, p.174) que
l'associationnisme a conduit à voir la mémoire comme un ensemble
de copies dont le code est l'association ; tandis que les théories
d'inspiration cybernétique la considèrent comme un lieu
d'enregistrement d'informations qui nécessitent des programmes pour
être enregistrées ou récupérées. Les
conséquences découlant de ces conceptions sont que, dans le
premier cas, la mémoire est considérée comme fonctionnant
de façon autonome avec ses lois propres, et dans le second cas, la
mémoire est considérée comme fonction reliée
à une logique (les programmes) mais existant indépendamment de
celle-ci.
Des théories plus récentes (Matlin, 1998)
appréhendent le fonctionnement de la mémoire en termes de
modalités différentes : la mémoire sensorielle, la
mémoire à court terme connue aussi sous le nom de mémoire
de travail et la mémoire à long terme. C'est cette approche que
nous avons choisie d'adopter dans le cadre de notre recherche et ce, pour la
simple raison que, par le fait qu'elle fait explicitement
référence à la notion du temps pendant lequel l'individu
peut rester en possession du matériel mémorisé, elle rend
possible la méthode expérimentale susceptible de nous permettre
de comparer les écoliers entendant et ceux non entendant. Ainsi, notre
étude qui se veut comparative devient possible grâce aux tests de
rappel libre et de reconnaissance après que nos sujets aient pris
connaissance du matériel à mémoriser, un certain temps
avant la tâche de remémoration.
II.2.1. La mémoire sensorielle
D'après une définition de Matlin (2001, p.103),
la mémoire sensorielle se distingue par sa brièveté. Elle
correspond généralement au temps de la perception des stimuli par
les organes récepteurs. Il s'agit d'un système qui possède
une grande capacité de stockage des informations qui sont
enregistrées par les récepteurs sensoriels de manière
suffisamment précise. Matlin (ibid.) en isole deux formes à
savoir la mémoire iconique se rapportant à la mémoire
sensorielle visuelle, et la mémoire échoïque, qui est
synonyme de la mémoire sensorielle auditive. Sa persistance est variable
et est comprise généralement entre 300 et 500 millisecondes pour
la mémoire iconique, et elle est approximativement la même pour la
mémoire échoïque.
II.2.2. La mémoire à court
terme
La mémoire à court terme joue un rôle de
premier plan dans la cognition et le processus d'apprentissage de nouvelles
informations. Elle est caractérisée par son caractère
éphémère et sa capacité limitée et porte sur
un nombre réduit d'informations (l'empan) particulièrement
sensibles à toute activité d'interférence (Houdé et
al., 1998, p.257).
Faisant le bilan des recherches réalisées sur le
fonctionnement de la mémoire à court terme
(Postman, 1975 ;
Crowder, 1982b ; Baddeley et Gathercole, 1993), Matlin (2001,
pp.172-182)
retient que la mémoire à court terme opère
par un processus de codage acoustique
(principalement), visuel et sémantique. Elle se compose
de trois structures à savoir le registre phonologique, la mémoire
de travail visuo-spatiale et le système exécutif central. La
première composante se charge de maintenir une information restreinte
sous forme acoustique pendant quelques secondes, la seconde de stocker
l'information visuelle et spatiale mais aussi l'information verbale sous forme
d'images visuelles, et la troisième s'occuperait non seulement de
l'intégration, la gestion et la régulation de l'information en
provenance du registre phonologique et de la mémoire de travail
visuo-spatiale mais aussi elle jouerait un rôle décisif dans
l'attention, la planification et la coordination du comportement.
II.2.3. La mémoire à long terme
La mémoire à long terme, connue aussi sous le
nom de mémoire tertiaire (Fontaine, 1999, p.142), est apte à
conserver des données reçues pendant un moment plus long en
comparaison à la mémoire à court terme ou à la
mémoire sensorielle. Elle est en fait la dépositaire de nos
expériences, de nos souvenirs et de nos apprentissages, bref de notre
histoire. De là, la question qui se pose est celle de savoir comment
justement les informations en mémoire à long terme sont
organisées.
En effet, les informations en mémoire à long
terme sont régies et structurées par des systèmes qui
travaillent de manière à la fois distincte et synergique.
Certaines sources (Matlin, 2001 ; Fontaine, 1999) font état de
l'existence de deux systèmes mnésiques autonomes à savoir
la mémoire épisodique et sémantique. En fait, la
mémoire épisodique est la mémoire des épisodes de
notre vie, des souvenirs d'événements ou d'expériences (Da
Silva Neves, 1999, p.36) tandis que la mémoire sémantique
contient les connaissances du sujet sur le monde qui l'entoure, les mots et les
symboles et est mobilisée de façon inconsciente (Fontaine, 1999,
p. 144). Mais Fontaine (ibid.) constate que les relations structurales entre
ces deux systèmes font objet de débats théoriques car la
mémoire sémantique semble malgré tout «
perméable » à la conscience. D'où la théorie
de Winograd (1975) reprise par Fontaine (1999, p.144) s'inspirant de
l'intelligence artificielle faisant la distinction entre la mémoire
déclarative se rapportant aux connaissances verbalisables et la
mémoire procédurale concernant un savoir-faire perceptivo-moteur
et cognitif, d'habituation ou de conditionnement. En clair, la
différence fondamentale entre la
mémoire déclarative et la mémoire
procédurale repose en ceci que la première est la mémoire
du « savoir » alors que la seconde est la mémoire du «
savoir-faire » (Da Silva Neves, 1999, p.37).
II.3. Les bases anatomiques de la
mémoire
Après cette ébauche de catégorisation des
différentes formes de mémoire impliquant aussi parfois la
différence au niveau de la nature du matériel intéressant
l'une ou l'autre forme de mémoire (cas par exemples de la mémoire
procédurale et de la mémoire sémantique), il nous
paraît judicieux de nous poser une question sur le fond anatomique qui
sous-tend cette différenciation.
En effet, l'idée de la spécialisation des zones
du cerveau voudrait que l'une ou l'autre région du cerveau soit en
partie ou exclusivement responsable du contrôle de telle ou telle autre
fonction sensorielle, motrice et/ou psychique. Cependant pour Lieury (1975, p.
214), l'étude des mécanismes cérébraux de la
mémoire montre qu'il est vain de chercher un centre ou une zone unique
qui serait le siège de la mémoire. Il poursuit en disant que la
mémoire est étroitement liée aux autres fonctions de
même que ses mécanismes sont divers. En effet,
précise-t-il, même si l'unité de base, l'atome du
système nerveux est le neurone, il n'en demeure pas moins que le
système nerveux n'est pas une collection de neurones mais une
organisation d'une grande complexité, composée de centre nerveux
communiquant entre eux par de nombreuses voies (voir Lieury, 1975, p.230).
Concernant la localisation anatomique de la mémoire,
des études montrent l'importance cruciale des lobes frontaux dans la
programmation des stimulations, la régulation en fonction des signaux
verbaux et aussi dans la mise en oeuvre des schèmes complexes du
comportement. C'est l'activité des lobes frontaux qui est la base
biologique des schèmes opératoires de l'organisation temporelle
et peut-être aussi de la mémoire temporaire de travail. De plus,
ajoute-t-il, la mémoire à court terme serait sous le
contrôle du cortex préfrontal, la mémoire sémantique
sous celui du néocortex. Le corps strié et le cervelet se
chargeraient du contrôle de la mémoire procédurale alors
que l'hippocampe coordonnerait le fonctionnement de la mémoire
déclarative. C'est aussi le même hippocampe qui serait
chargé de la coordination des informations stockées dans les
différentes zones cérébrales. Son intervention serait
capitale pour faire passer les souvenirs de la mémoire à
court terme vers la mémoire à long terme. Le
système limbique- dont l'hippocampe et l'amygdale sont des centres
primordiaux- joue le rôle de cerveau fondamental parce qu'il
intéresse toutes les activités du comportement, le système
hippocampe-amydale joue le rôle d'intégrateur cognitif en
permettant, par ses relations avec le néo-cortex, la détection de
la nouveauté et aussi le rôle d'intégrateur
cognitif-affectif en donnant aux informations une valeur affective,
c'est-à-dire bonne ou mauvaise du point de vue de l'organisme(voir
Lieury, 1975, pp.226-230).
Nous réalisons, grâce à cette revue
critique de la littérature, que la mémoire et son fonctionnement
reposent sur un support anatomique. Connaître les bases anatomiques de la
mémoire nous permet de comprendre les contours de son fonctionnement.
Cependant, nous avons estimé que le débat sur la mémoire
et ses capacités, dans le cadre de notre étude, serait incomplet
si nous ne prenions pas un temps pour discuter d'un autre
phénomène qui lui est forcément indissociable, à
savoir l'oubli. La question que nous nous sommes posé est de savoir
pourquoi certains éléments sont frappés par l'oubli
méme en cas d'intégrité de tout le dispositif anatomique
impliqué dans le fonctionnement mnésique. Cela nous a
amené à envisager ci-dessous une nouvelle section relative au
phénomène de l'oubli et aux mécanismes qui le
sous-tendent.
II.4. Mémoire versus oubli
L'oubli est en quelque sorte l'antithèse de la
mémoire. Autant la maladie constitue une source de renseignements sur le
fonctionnement de l'organisme vivant, autant l'oubli peut nous éclairer
tant sur les modalités de fonctionnement de la mémoire que sur
ses caractéristiques. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner
dans le premier chapitre dédié à l'élucidation des
concepts clés de notre étude, la matérialisation de la
mémoire s'opère par la reproduction plus ou moins fidèle
du matériel présenté alors que ce dernier s'est
éclipsé du champ perceptuel de l'individu.
De fait, la performance du sujet dépend de ses
capacités perceptives comme de ses capacités mnésiques
(Colin, 1979, p.45). Il résulte de cette intrication réciproque
qu'il est malaisé de séparer parfaitement ce qui revient à
l'une comme à l'autre entre ces deux groupes de fonctions ; celles-ci ne
sont que théoriquement indépendantes. C'est cette
complexité qui est à la base de la
difficulté à cerner les facteurs qui sont
à l'origine de la solidité ou de la fragilité de certains
souvenirs. S'agissant justement de ces facteurs, Michaux (1974, pp.38-40) en a
isolé trois à savoir le caractère utilitaire du
matériel à mémoriser, son aspect sémantique ainsi
que la motivation d'achèvement
Considérons en premier lieu le caractère
utilitaire du matériel à mémoriser en tant que facteur
à l'origine de la solidité des souvenirs. Michaux (1974, p.38)
prévient, cependant, que l'influence favorisante de
l'intérêt sur l'acquisition des souvenirs n'est pas
illimitée et inconditionnelle. Elle serait même dommageable
à la mémoire au-delà d'un certain seuil car une motivation
trop intense mettrait l'individu sous une haute tension et déclencherait
des troubles émotifs qui inhiberaient l'activité mnésique.
Autrement dit, une attention trop accrue et trop passionnée porterait
préjudice à l'enregistrement des souvenirs.
Considérons en deuxième lieu, à propos
des facteurs qui sont à l'origine de la solidité ou de la
fragilité des souvenirs, l'aspect sémantique du matériel
à mémoriser. La mémoire aurait toute la peine du monde
à retenir un matériel peu ou pas structuré (les mots ou
les chiffres isolés).
Par ailleurs, la mémorisation serait tributaire du
contexte affectif, conscient ou inconscient, auquel se rapporte le
matériel à mémoriser. En effet, le matériel
présentant une charge affective agréable serait plus
mémorisable que le matériel à connotation affective
négative et ce dernier le serait plus qu'un matériel neutre.
Néanmoins, pour Michaux (1974, p.39) cela est loin
d'être un absolu. La notion de délai est aussi très
déterminante. Et cela est d'autant plus vrai que les expériences
agréables et désagréables sont également
remémorées à court terme. Cependant, l'auteur
considère que si l'évocation est plus tardive, les
expériences agréables seraient plus remémorées que
les expériences désagréables. En conclusion, sur ce
facteur de la mémoire (versus l'oubli), il faut éviter des
positions radicales car il existe des nuances qu'il importe d'émettre
chaque fois.
conservation des acquis mnésiques. L'expérience
ayant permis de dégager cette conclusion se serait basée sur une
vingtaine de tâches dont la moitié était restée en
suspens et l'autre moitié achevée. Les résultats furent
surprenants. La fixation s'était portée curieusement sur les
travaux non achevés. L'explication fournie est que l'exécution
d'une tâche déclenche une tension qui ne cesse que lorsqu'elle est
achevée. Ce serait justement cette tension qui favorise la fixation
mnésique, tandis que la détente consécutive la
défavorise. Mais, il existe aussi des cas où l'inverse se produit
(Michaux, 1974, p.39).
Dans chacun de ces trois cas, la perte de souvenirs repose sur
les trois mécanismes que sont : la détérioration,
l'absence ou l'insuffisance des schèmes, les inhibitions pavloviennes
(c'est-à-dire quand un stimulus conditionnel n'est plus
accompagné d'un renforcement positif la réponse
conditionnée ne se produit plus) et les interférences (cas
d'analogie de réponses ou d'excitants conditionnels) (Michaux, 1974,
p.40).
Le premier mécanisme est imputable à un
processus psychophysiologique, mettant en cause une manière d'extinction
du souvenir lorsque le rappel des stimuli originels ne l'entretient pas. Ce
phénomène peut être comparé au
phénomène de l'épuisement de l'immunité obtenue
à la suite d'une vaccination lorsque celle-ci n'a pas été
renouvelée. Il peut aussi être dû à un processus
anatomique résultant d'une désagrégation progressive des
systèmes de traces mnésiques.
Le deuxième mécanisme, en rapport avec l'absence
de schèmes, est une inspiration de la conception piagétienne. En
effet, pour cette icône de la psychologie, le souvenir a pour substrat un
schème. Ce dernier est la figure abrégée
représentant les traits essentiels, d'un objet, d'une personne
(schèmes visuels) ou d'un mouvement (schème moteur). L'oubli peut
résulter d'une absence de schème, cette absence s'opposant
à la mémoire : c'est le cas de l'enfant. Dans d'autres cas, il
ressort à l'incoordination des schèmes, c'est-à-dire
à leur différenciation et fonctionnement insuffisant (Michaux,
ibid.).
Enfin, le troisième mécanisme qui est celui
relatif à la conception dite néo-associationniste fait
état d'une inhibition pavlovienne et des possibles interférences.
Sans pour autant conclure sans réserve à une assimilation, cette
conception rapproche le mécanisme de l'oubli des processus de
conditionnement pavlovien. Par ailleurs, elle empreinte à la physiologie
inspirée des expériences
de Pavlov la notion d'inhibition. Autrement dit, l'oubli
intervient quand la remémoration ne s'accompagne pas de la gratification
(renforcement positif). Pour Michaux (1974, p.41), on retrouve dans la
provocation de l'oubli un processus analogue d'extinction, d'inhibition,
lorsque le stimulus conditionnel est depuis longtemps mis en oeuvre sans
adjonction conséquente du stimulus absolu, inconditionnel. On remarque
que l'inhibition est susceptible de prendre fin lorsque le stimulus
conditionnel longtemps abandonné est de nouveau
réinstauré. Il prévoit néanmoins la
possibilité de l'intervention des interférences (à
comprendre ici comme étant des erreurs de circuits). L'erreur de circuit
peut être rétroactive quand elle aboutit à
l'évocation d'un souvenir fixé antérieurement ou proactive
dans la mesure où elle se rabat aux souvenirs postérieurs
à celui recherché.
Après ce débat sur le phénomène de
la mémoire (versus l'oubli), nous sommes en droit de nous interroger si
ce phénomène ne pourrait pas être expliqué
différemment selon les diverses formes de mémoire. Cette
interrogation est fondée dans la mesure où méme notre
étude ne s'intéresse pas sur la mémoire en
général mais se focalise sur une de ces composantes, en
l'occurrence la mémoire de travail.
En effet, concernant la mémoire sensorielle, le nombre
de mots rappelés décroît rapidement lorsque le délai
de rappel est augmenté. Quant aux informations en mémoire
à court terme, trois mécanismes expliquent le
phénomène de l'oubli à savoir celui de la taille
limitée du tampon de mémoire, celui du déclin naturel de
la trace mnésique à la suite de l'absence de l'entretien par
autorépétition et celui de l'interférence. S'agissant de
la sauvegarde ou non des informations conservées en mémoire
à long terme, l'oubli ne correspond pas à l'effacement complet
d'une trace mnésique, mais plutôt à sa
détérioration en raison d'interférences provoquées
par l'encodage postérieur ou antérieur d'autres informations et/
ou d'une usure naturelle de la force de la trace jusqu'à des seuils tels
que son activation n'est pas suffisante pour permettre la
récupération (voir Da Silva Neves, pp.26-41).
Nous réalisons, enfin de compte à propos de
l'oubli, que celui-ci est un phénomène qui
s'explique par
beaucoup de facteurs dont certains sont soit liés aux
caractéristiques propres aux
objets à mémoriser, soit
à l'individu concerné par l'activité de
mémorisation. Par ailleurs,
l'expérience de la vie courante nous apprend que, qu'on
le veuille ou non, l'oubli est incontournable; l'être humain est
quotidiennement soumis à un si grand nombre de stimulations
(informations) qu'il est pratiquement impossible de se remémorer de
toutes. C'est la raison pour laquelle l'oubli est, à l'exception de
certains cas extrêmes, considéré comme un
phénomène normal. Toutefois, il reste incontestable que certaines
situations d'excès ou de déficit de la mémoire renvoient
à des cas de pathologies de la mémoire.
II.5. Les pathologies de la mémoire
Notre intérêt de débattre sur les
pathologies de la mémoire dans le cadre d'une étude portant sur
la comparaison de l'efficience de la mémoire de travail entre des
écoliers non entendant et écoliers entendant repose sur le fait
que certains écarts peuvent être expliqués par l'une ou
l'autre des pathologies de la mémoire plutôt que par le simple
fait d'être entendant ou non. Autrement dit, notre souci est ici de
comprendre les pathologies de la mémoire afin de nous éviter de
sombrer éventuellement dans des inférences erronées par
rapport au sujet traité.
Qui plus est, les cas de pathologies constituent des
opportunités d'observations spontanées auxquelles le psychologue
fait très souvent recours suite à l'impossibilité de
procéder à des expériences provoquées pour des
raisons d'éthique. Cela étant dit, faire abstraction de cette
réalité dans notre revue critique de la littérature serait
synonyme de nous priver délibérément d'une fructueuse
source d'informations.
Les troubles de la mémoire dont il est question sont
respectivement les hypermnésies, les amnésies et les distorsions
de la notion du temps vécu. D'un point de vue étymologique, il
apparaît que ce sont aussi bien des pathologies par défaut que par
excès et dont l'étiologie peut se situer soit au niveau
organique, soit à celui affectif (voir Pélicier, 1981, p.362).
II.5.1. Les hypermnésies
Les hypermnésies, comme le laisse transparaître
la morphologie du mot, renvoient à des situations de capacités
excessives de la mémoire. Ces pathologies traduisent une
suractivité fonctionnelle de la mémoire d'évocation, car
elles ne portent pas sur l'acquisition des souvenirs mais sur leur fixation. On
en distingue de deux ordres à savoir les hypermnésies diffuses et
les hypermnésies partielles. Les hypermnésies diffuses sont
très fréquentes dans l'excitation maniaque où elles
s'associent à l'euphorie ; le sujet se montrant bizarrement très
dégourdi, expansif. On les observe aussi à la phase du
début de la paralysie générale, dans l'ivresse alcoolique
et après l'absorption de substances psychodysleptiques. Elles se
distinguent des hypermnésies partielles par le fait qu'elles sont libres
de toute prédilection particulière (Michaux, 1974, p.57).
Quant aux hypermnésies partielles, elles sont
systématisées sur des souvenirs liés à des
préoccupations affectives intenses. Ces hypermnésies affectives
sont l'opposé des amnésies sous-- tendues par une genèse
affective due au refoulement. Il en existe trois tableaux cliniques :
l'hypermnésie délirante courante chez les délirants
passionnels (les érotomanes vont par exemple exploiter un fait non
porteur de grande signification en soi mais simplement parce qu'il permet
d'alimenter leur illusion délirante d'être aimé et cela
s'observe également chez les paranoïaques qui ne manquent aucune
occasion pour grossir les moindres détails dans le sens d'une
persécution sans merci), les hypermnésies partielles
rencontrées chez les obsédés dont l'exaltation
mnésique serait orientée dans le sens d'une obsession, d'une
phobie et prend les allures d'une véritable torture, et enfin, le
syndrome d'hypermnésie émotionnelle paroxystique tardif
fréquent chez les sujets ayant fait l'expérience d'un
passé particulièrement terrifiant comme celui de
déportés, de rescapés de génocide ou de
catastrophes naturelles de grande envergure (Michaux,1974, p. 58).
Nous tirons également de notre source d'information
(Michaux, ibid.) que les hypermnésies partielles sont en quelque sorte
l'opposé et le symétrique des amnésies de genèse
affective. En effet, précise l'auteur, si ces dernières
dépendent du refoulement de souvenirs désagréables, les
hypermnésies affectives ressortissent à la dilection
passionnée des faits plus ou moins anciens soigneusement
conservés et parfois déformés.
Il convient par ailleurs de noter que la complexité des
hypermnésies est telle qu'il est possible de
distinguer
l'hypermnésie authentique (pure remémoration) des fausses
hypermnésies oniriques
qui sont l'expression des hallucinations
trouvant leur origine dans le passé (Michaux, 1974, p.59).
II.5.2. Les amnésies
Les amnésies traduisent une suspension plus ou moins
longue de la mémoire, impliquant ses principales fonctions qui sont
notamment la fixation, la conservation, l'évocation et la
reconnaissance. Aussi, distingue-t-on les amnésies de fixation, les
amnésies de remémoration et les ecmnésies
(Pélicier, 1981, p.313).
Les amnésies de fixation sont antérogrades. Dans
ce cas, l'évocation des souvenirs anciens reste intacte. C'est dire
alors que « le nuage mnésique s'étend en avant aussi
longtemps que dure le trouble de l'acquisition mnésique »
(Pélicier, ibid.). On ne peut donc pas parler d'amnésie de
fixation si les perceptions sont abolies par un trouble sensoriel ou suspendues
par le coma. Les amnésies de remémoration, par leur essence
même rétrogrades, sont détectables par évocation. Et
elles sont de cinq ordres : les amnésies d'évocation rendant
impossible l'accès aux souvenirs pourtant bien conservés, les
amnésies résiduelles de fixation (amnésies lacunaires ou
crépusculaires), les amnésies de conservation, les
amnésies de reconnaissance et les amnésies sélectives
d'origine affective (voir Pélicier, ibid.).
Il est clair que les troubles ci-dessus repris sont pour
l'essentiel quantitatifs, mais notons avec Pélicier (1981, p.314) qu'il
existe d'autres troubles qualitatifs surtout ceux touchant le rapport que le
sujet entretient avec la notion de temps.
II. 5.3. Les distorsions de la notion du
temps
Concernant les distorsions de la notion du temps,
Pélicier (1981, p.314) isole deux grands ensembles en l'occurrence les
troubles de la synthèse mnésique immédiate et les troubles
de la remémoration du passé. Les troubles de la
remémoration se présentent sous quatre aspects à savoir la
fabulation, la falsification rétrospective délirante,
l'ecmnésie et les visions panoramiques du passé.
Premièrement, la fabulation se traduit chez l'adulte
par une dissolution de la mémoire sociale et est
considérée comme normale chez l'enfant non encore
socialisé. La fabulation se révèle être un cocktail
imprécis de souvenirs et de constatations présentes. En plus,
elle se distingue du mensonge par le fait que le menteur est mystificateur,
conscient, au moment où le fabulateur est « à la fois
élaborateur et la dupe » (Pélicier, 1981, p.314).
Deuxièmement, quant à falsification rétrospective
délirante, elle se démarque par le fait que le délirant
imprime ses propres déformations, de bonne foi, à des
événements antérieurs à son délire, les
harmonisant avec les thèmes délirant ultérieurs.
Troisièmement, l'ecmnésie, de son côté, est surtout
rencontrée dans des cas de démences séniles, mais peut
exceptionnellement être causée par une tumeur du quatrième
ventricule. Le malade se cramponne à une époque précise de
sa vie comme si toutes les autres acquisitions postérieures avaient
été entièrement élaguées.
Quatrièmement et enfin, le délirant qui souffre de visions
panoramiques a comme impression que son passé se débobine en un
seul coup.
CHAPITRE III. THÉORIES PSYCHOLOGIQUES DE LA
SURDITÉ
La surdité, comme nous avons eu à le souligner
dans le chapitre premier consacré à l'élucidation des
concepts clés de notre étude, décrit une situation de
handicap se matérialisant par un déficit auditif. Elle se
présente sous de multiples formes tout comme son étiologie est
aussi variable (Sillamy, 1980, p.1150).
Avec le présent chapitre, nous reprenons et discutons
certaines théories susceptibles de nous permettre de mieux comprendre ce
phénomène de la surdité et surtout son éventuelle
incidence sur le plan de fonctionnement cognitif en général et
sur la mémoire de travail en particulier de l'individu qui en est
atteint. Nous nous intéressons notamment aux différentes formes
de surdités, aux différents modèles de classification
clinique des surdités, aux causes de la surdité et à ses
conséquences.
III.1. Formes de surdités
Il existe plusieurs modèles de classification des
surdités. La classification que nous avons choisie de considérer
dans le cadre de notre dissertation est celle que propose Virole (2000) ; car
elle nous paraît plus complète que les autres par le fait qu'elle
tient compte de plusieurs axes. Elle fait valoir trois groupes de
surdités selon trois axes de critères pris en compte : une
classification dite clinique, une classification fondée sur la date de
l'acquisition, et une classification dite audiométrique.
III.1.1. La classification clinique des
surdités
La classification des surdités dite clinique se fonde
sur la partie anatomique de l'oreille dysfonctionnelle et/ ou
traumatisée. Cela étant dit, elle établit trois formes de
déficiences auditives à savoir la déficience auditive de
transmission, la déficience auditive de perception et la
déficience auditive retro-cochléaire. Examinons, ci-dessous, la
manifestation de chacune d'elles.
III.1.1.1. La déficience auditive de
transmission
Selon nos deux auteurs de référence (voir
supra), la déficience auditive de transmission se traduit par une
déficience auditive de l'oreille moyenne, du tympan et de la
chaîne ossiculaire. Elle est soit acquise (cas de l'otite séreuse
qui est la cause la plus fréquente de l'hypoacousie de transmission chez
l'enfant) ou soit génétique (cas de l'aplasie mineure de la
chaîne ossiculaire). Dans ces deux situations, elle est
généralement (99% de cas) consécutive aux traumatismes de
l'oreille externe ou de l'oreille moyenne en méme temps qu'elle
occasionne peu de déformations acoustiques. La déficience
auditive de transmission laisse intacte la cochlée et la perte auditive
dépasse très rarement les 60 décibels HTL (Hearing Tone
Level). Il s'agit d'une déficience réversible par traitement
médicamenteux. Cette forme de déficience auditive présente
peu de conséquences sur le plan psychique quoi qu'elle occasionne un
problème d'accès à l'information retentissant sur le
développement du langage et la scolarisation normale. Cela doit
cependant faire objet de nuance car les cas d'aplasies totales et partielles de
l'oreille externe et / ou du conduit auditif sont porteurs de
difficultés psychologiques particulières comme les troubles de
l'image du corps.
III.1.1.2. La déficience auditive de
perception
Nous apprenons toujours de Virole (2000, pp.84-85) que la
déficience auditive de perception est celle secondaire à des
atteintes de l'oreille interne (surtout au niveau des cellules sensorielles de
l'organe de corti de la cochlée). Elle est irréversible car
résultant du traumatisme total ou partiel de l'épithélium
neurosensoriel. C'est cette forme de déficience auditive qui fournit la
gamme de surdités sévères avec des incidences profondes
sur le développement du langage. L'individu qui en souffre
présente de très sérieuses difficultés de
discernement de deux sons de fréquences voisines.
Il existe cependant, nuance-t-il (ibid.), des cas de
déficiences auditives mixtes associant aussi bien la surdité de
perception que celle de transmission. Ces déficiences mixtes sont soit
transitoires (otite séreuse ou séro-muqueuse), soit
définitives (malformations complexes, syndrome de Mondini).
III.1.1.3. La déficience auditive
rétro-cochléaire
La déficience auditive rétro-cochléaire
serait très peu fréquente. Elle ne peut être isolée
que par l'audiométrie par clicks et la mesure de seuils
différentiels temporels. Les atteintes rétrocochléaires ne
peuvent pas être mises en évidence par l'audiométrie
simple. On commence par les soupçonner sur l'anamnèse et devant
certaines discordances entre le niveau de compréhension ou d'expression
du langage oral (Virole, 2000, p.85).
III.1.2. La classification selon la date de l'acquisition
de la surdité
La perspective de classification fondée sur la date de
l'acquisition de la surdité est d'un grand intérêt pour
notre étude, surtout que la variable relative à l'époque
d'apparition a été prise en compte dans la définition
opérationnelle du mot surdité retenue pour notre recherche.
L'approche de classification des déficits auditifs basée sur la
date de l'acquisition distingue les déficiences auditives
précoces des déficiences auditives acquises postnatales et
pré-linguistiques.
III.1. 2.1. Déficiences auditives
précoces
Les déficiences auditives dites précoces
remontent généralement à la période
prénatale. Elles sont soit génétiques (le plus souvent
géniques, parfois chromosomiques), soit causées par des
pathologies embryonnaires ou foetales (rubéole congénitale,
foetopathie à cytomégalovirus) ou résultent
carrément des pathologies périnatales ou postnatales (pathologie
néonatale anoxique, infectieuse, grande prématurité)
(Virole, 2000, p.86).
Les surdités génétiques (ibid.) sont les
plus fréquentes ; elles représentent au moins 40% de tous les cas
de surdités précoces et peuvent être associées
à d'autres séquelles neurologiques ou sensorielles. La
majorité des cas de surdité précoce induisent des troubles
électifs de l'audition sans pour autant occasionner d'autres
répercussions organiques majeures.
III. 1. 2. 2. Déficiences auditives acquises
postnatales et pré-linguistiques
Les déficiences auditives acquises postnatales et
pré-linguistiques se manifestent durant la première année
de la vie et surtout avant l'acquisition du langage. Il existe toutefois des
cas particuliers de fragilités cochléaires où l'enfant,
pourtant né avec une audition fonctionnellement irréprochable,
décompense par suite d'affections ORL mineures. Au regard de la
bénignité de ces affections (qui n'auraient pas dü- dans des
conditions normales- avoir des complications aussi graves), il est permis de
penser qu'elles ne sont pas la cause réelle de cette surdité mais
que l'enfant en était potentiellement affecté (Virole, 2000,
p.87).
III.1.2.3. Déficiences auditives
linguistiques
Les déficiences auditives linguistiques sont des
déficiences qui apparaissent en même temps que l'acquisition du
langage. Elles produisent sur ce dernier des effets moins notables que les
surdités pré-linguales. Cela est d'autant plus vrai que certains
acquis articulatoires ou phonétiques vont subsister après que la
surdité se soit installée. Le constat est tel que les deux ou
trois premières années de pleine audition et communication
vaco-acoustique tombent sous la coupe de l'amnésie infantile (Virole,
2000, p.87).
III.1.2.4. Déficiences auditives
post-linguistiques
Les déficiences auditives post-linguistiques sont,
d'après Virole (2000, p.87) celles acquises après l'installation
complète du langage. Dans cette variété de surdité,
on recense notamment les presbyacousies du troisième age et les
surdités acquises de façon brutale. Elles s'accompagnent des
effets audiophonologiques singuliers comme la perte de contrôle
audiophonatoire de la voix qui, privée d'autorégulation
acoustique, se traduit par la perte de qualités harmoniques.
Sur le plan psychologique, cette catégorie de
surdité s'accompagne d'un vécu particulièrement douloureux
s'accompagnant d'une dépression grave et des phénomènes de
désorganisation perceptive pouvant aller même jusqu' à des
troubles psychopathologiques graves (Virole, 2000, p.88).
III.1.3. La classification audiométrique des
surdités
La classification audiométrique des surdités
correspond à la troisième typologie selon Virole (2000). Elle se
fonde, d'après eux, sur la notion de seuil liminaire d'une audition
normale, la normalité étant entendue ici au sens d'une
valeur statistique du seuil d'audition chez un grand nombre d'adultes jeunes
à oreilles normales (Virole, 2000, p.88). L'audiométrie
étant l'étude métrologique de l'audition ; cette approche
métrologique a, de l'avis de nos deux auteurs de
référence, produit un effet sensible sur le vocabulaire
usité dans le monde de la psychologie. Ils observent qu'il est devenu de
bonne presse de parler de déficient auditif en lieu et place des termes
arbitraires et péjoratifs de « sourd », « demi-sourd
» et « malentendant ». Et l'ampleur d'une déficience
auditive est appréciée à l'aune d'une échelle de
gravité établie par le Bureau International d'Audiophonologie
(cfr Virole, 2000, p.90).
Sous cette perspective, ajoute-t-il, on distingue l'audition
normale (seuil auditif inférieur à 20 décibels sur la
moyenne des fréquences nécessaires à la perception de la
parole), la déficience auditive légère (seuil compris
entre 20 et 40 décibels), la déficience auditive moyenne (seuil
variant entre 40 et 70 décibels), la déficience auditive
sévère (seuil variant entre 70 et 90 décibels) et la
déficience auditive profonde (seuil d'audition supérieure
à 90 décibels). Enfin, retenons-nous de lui, pour les
écoliers à déficience auditive, les perceptions auditives
sont produites par des bruits de forte intensité mais sont entendues
avec des atténuations.
Pour compléter notre tableau de compréhension du
phénomène de la surdité, et suite à ce survol des
formes de surdité et des indices de leur manifestation, nous avons alors
orienté la revue critique de la littérature sur la
découverte de ses causes.
III. 2. Causes de la surdité
Tout comme les formes de la surdité, ses causes sont
aussi très variées. Egalement, sur ce sujet, formes et causes ne
sont pas totalement indépendantes. Trannoy (1971, p.13) isole par
exemple deux formes de surdité respectivement liées à deux
causes différentes : la surdité de nature
héréditaire et la surdité acquise.
Pour lui (ibid.), la surdité prénatale est, dans
les proportions de 30 à 40%, héréditaire, tandis qu'elle
est acquise dans le reste des cas. Pendant la grossesse, les causes les plus
fréquentes sont les infections pendant la grossesse comme une
intoxication médicamenteuse, des irradiations, et
l'incompatibilité rhésus.
S'agissant des causes néo-natales, il relève
notamment les causes suivantes : la prématurité, l'anoxie,
l'ictère, le traumatisme obstétrical. Quant aux surdités
de transmission post-natale, il en identifie notamment les traumatismes,
obstruction de conduits, angiome, infections (otites), tandis que les
surdités de perception sont causées par des lésions du
labyrinthe, détruisant des fonctions cochléaires et
vestibulaires, certains virus et médicaments.
III.3. Conséquences de la
surdité
Une autre question à laquelle nous ne pouvons pas nous
soustraire, dans le cadre de notre recherche de compréhension du
phénomène de la surdité, est celle relative aux
conséquences qui en découlent d'autant plus que ce sont elles qui
affolent, déstabilisent, posent problème.
En effet, la surdité, comme tout handicap d'ailleurs,
présente des conséquences notoires tant pour celui qui en est
atteint que pour son entourage. Le choix de nous appesantir sur cet aspect en
rapport avec les conséquences de la surdité nous est, de toute
évidence, imposé par la nature de notre sujet d'étude qui
s'inscrit dans une logique comparative. La comparaison envisagée entre
les écoliers entendant et non entendant est autrement dit une
façon d'envisager les probables conséquences de la surdité
sur le fonctionnement mnésique. Cela étant dit, il apparaît
que pour juger de la situation du sourd, c'est toute l'évolution, la
formation de l'intelligence et de la personnalité qu'il faudrait
embrasser. Une déficience physique n'est jamais strictement locale
(Oléron, 1969, p.5). Il est donc légitime et logique de
présumer que les répercussions de la surdité affectent
toute la vie personnelle et sociale du sujet. Cette idée est
également corroborée par Colin (1978, p. IX) quand il dit que la
privation de l'ouï atteint le développement d'un ensemble de
capacités et d'aptitudes en rapport avec l'acquisition de la langue et
ne favorise pas un développement harmonieux de la personnalité.
De là, nous sommes en droit de déduire que la première
conséquence de la surdité, surtout quand elle intervient pendant
la phase pré-
linguistique, est la mutité. Ces deux
déficiences, comme le souligne Oléron (1969, p.7) ne sont pas
réunies par hasard, c'est- à -dire simplement juxtaposés.
La langue, résultat du processus de socialisation, ne s'acquiert qu'en
entendant les autres la pratiquer.
Sur le plan du développement physique, il semble qu'il
n'y a pas de grande différence entre l'enfant sourd et l'enfant normal.
Néanmoins, la marche interviendrait avec un grand retard en comparaison
à la moyenne d'enfants. L'explication à ce
phénomène serait que, dans le cas de perte auditive, le sens de
l'équilibre (on sait que l'oreille interne en est le siège)
serait atteint (Oléron, 1969, p.29). Comme explication
complémentaire, il est aussi dit que le retard de l'acquisition de la
marche est imputable au fait que l'enfant sourd ne peut pas entendre les
encouragements et les exhortations qui l'aideraient à se risquer dans
cette nouvelle activité (Oléron, 1969). Nous estimons de notre
côté que cette idée reste contestable dans la mesure
où le langage d'encouragement n'est pas qu'exclusivement verbal. De
petites gratifications ou un simple regard encourageant sont autant des signes
de complicité de nature à impulser l'enfant à plus
d'efforts. Virole (2000, p.282) ne dit pas le contraire quand il objecte que si
le travail éducatif perd en intensité ou en qualité, les
enfants sourds peuvent être très rapidement pris dans une spirale
régressive due au fait que la pauvreté des interactions avec le
monde physique empêche le développement des activités
motrices rendant alors les interactions encore plus difficiles.
Nous déduisons de cette appréciation de Virole
qu'il ne serait pas pertinent de considérer les effets de la
surdité comme étant irréversibles et absolus. Ils
dépendent beaucoup plus des aspects relationnels caractéristiques
de l'environnement de vie de la personne sourde.
Sur le plan psychologique, il n'y a pas de profil
psychologique propre aux personnes sourdes. « Ce sont des individus, des
personnalités atteints de déficience auditive, chez lesquels la
surdité a pu majorer, restreindre, dévier un trait de
personnalité né de l'interaction de l'individu et de son milieu
» (Lavallée, 1989, p.94). A propos justement des relations du sourd
avec son environnement, Gakobwa (1998, p.17) dit qu'il s'en suit une
raréfaction de sécurisation par rapport à l'enfant
entendant ; ce dernier est averti par expérience des bruits familiaux
qu'on s'occupe de lui ou tout au moins qu'il n'est pas seul. Alors que l'enfant
entendant, poursuit-elle
(ibid.), apprend les interdits, les renforcements positifs ou
négatifs (routines, valeurs, normes) par les échanges avec
l'entourage via la parole, l'enfant sourd peut atteindre l'age scolaire sans
qu'il ait acquis certains apprentissages indispensables à sa
socialisation. Le problème est d'autant plus complexe que le langage
gestuel, supposé être un palliatif, ne permet pas de
véritable insertion dans le monde des entendants.
De surcroît, en milieux éducatifs, l'enfant sourd
se heurte nécessairement à des refus. Cela est tout à fait
normal et courant car il serait irréaliste de prétendre à
la satisfaction de toutes les revendications en même temps et au
même moment. Cela est frustrant pour toute personne mais la situation
risque de s'exacerber pour l'enfant non entendant surtout qu'il est difficile
de lui fournir une explication ou lui faire une promesse pour plus tard. Il y a
donc une forte probabilité que l'enfant développe une impression
d'hostilité alors que cela relève d'une simple banalité
pour l'enfant entendant dont les propos affectueux des parents ou autres
éducateurs, pour justifier le refus, finissent par le convaincre qu'il
est aimé. De cette anomalie des contacts sociaux, peuvent donc s'en
suivre des modifications de la vie affective du sourd qui risque de se sentir
incompris et pourrait éprouver des sentiments négatifs à
l'endroit de l'entendant (Oléron, 1969, p.34).
Par ailleurs, de par les réactions parfois hostiles et
méprisantes de l'entourage à l'endroit de la personne atteinte de
surdité, cette dernière risque de se sentir comme continuellement
attaquée et son amour propre pourrait en pâtir. Cela justifie peut
être pourquoi la surdité provoque des réactions très
fortes émotionnellement pour l'handicapé lui-même qui finit
parfois par se considérer comme un être sans valeur, objet de
ridicule et une risée publique. Ce vécu psychologique parfois
fait de frustration causée par les attaques ouvertes ou sordides de la
communauté induit parfois des conséquences sur le plan
comportemental. C'est vraisemblablement suite à ce constat que certains
théoriciens ont adopté un langage globalisant qualifiant le sourd
d'être instable, coléreux, impulsif, égocentrique,
frustré, méfiant, dépendant et suggestionnable, sans
esprit critique et immature (voir Colin, 1978, p.96). Ces propos paraissent
pour nous discutables. Cela est moins convaincant de réduire la
personnalité de l'individu à son statut d'handicapé ou
non. Nous disons simplement qu'il existe des différences sur le plan
comportemental entre les personnes « non entendant », tout comme il
en existe d'ailleurs entre les personnes « entendant ».
DEUXIEME PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
CHAPITRE IV. PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE ET
VARIABLES
IV.1. Problématique
Depuis des lustres, l'handicap n'a cessé d'intriguer
les sociétés ; il a toujours suscité des sentiments
mitigés allant de la pitié à l'hostilité. Il
constitue souvent un véritable choc dans l'esprit de la famille de la
personne handicapée, un sérieux coup dur à son
équilibre au niveau micro et une vraie question de société
sur le plan macro.
Les réactions vis-à-vis du handicap et du
handicapé ont toujours été différentes selon les
sociétés ou, pour mieux dire, selon ce que les
sociétés considèrent pour elles comme idéal. Par
exemple, dans l'Antiquité grecque à Spartes, avec une forte
civilisation guerrière, les enfants qui naissaient avec un handicap
ostentatoire étaient systématiquement éliminés car
considérés comme inaptes au combat, à la défense
des intérêts de la cité. En Ouganda, sous le règne
du dictateur Idi Amin Dada (1971-1978), il se raconte que des centaines
d'handicapés et autres catégories de marginalisés vivant
de la mendicité ont été jetés, vivants, dans le lac
Albert. Ces cas d'intolérance poussée à l'extrême ne
sont que des illustrations choisies par hasard car ces phénomènes
d'homicide dirigés contre les handicapés ont, dans le
passé, existé dans diverses sociétés (voir
Ndayisaba et De Grandmont, 1999, p.60).
Au Burundi, l'handicap revêtait dans le passé, et
méme encore aujourd'hui, une connotation négative. Pour s'en
convaincre, il suffit d'analyser la morphologie du mot qui, en kirundi (la
langue du Burundi), désigne la personne handicapée. Ce mot est
« Ikimuga ". Sa structure morphologique est la suivante : i-- ki--muga.
L'élément « i--" est, dans cette structure, l'augment ou la
voyelle initiale comme on en trouve à tous les substantifs.
L'élément «-- ki--" est un préfixe nominal, tandis
que «-- muga" correspond au thème, sémantiquement
véhiculant l'idée méme
d'handicap/handicapé. Normalement, lorsqu'un
thème soulève l'idée d'une personne, on
luiapplique comme préfixe nominal l'élément (le
morphème) « -- mu--" (de la classe 1 dans une
classification de seize préfixes nominaux) (voir
Ntahokaja, 1994, p.61). Si tel avait été le cas, la
personne
handicapée serait, en kirundi, désignée pour ce concept
par le vocable « umumuga " (u--
mu-- muga). Mais il n'en a pas été ainsi; la
langue a préféré pour ce concept le vocable « ikimuga
", substituant ainsi le préfixe nominal «-- mu--" par « --ki--
" (de la classe six de la classification des préfixes nominaux) avec,
derrière, cette idée à double sens : d'une part « une
chose ", donc pas une personne, d'autre part, une « personne antipathique
". Autrement dit, quand ce préfixe nominal est utilisé pour
désigner une personne, cela traduit généralement une
dépréciation de sa valeur.
Certes, au Burundi, la tradition a toujours
toléré la naissance d'un enfant handicapé. Mais il n'en
demeure pas moins que cet enfant n'était pas l'objet de fierté
familiale. La parfaite illustration en est le fait que l'enfant
handicapé n'était pas montré aux visiteurs. Il vivait
caché à l'arrière--cour, un peu à l'écart de
la société. Enfin, un proverbe consacré comme «
Ikimuga gisumba imva » (Mieux vaut un handicapé qu'une tombe)
prouve en revanche à suffisance que l'handicapé a une valeur
infinitésimale.
Avec le temps, les mentalités ont pu évoluer.
L'handicap, quoi que nul ne le souhaite ni pour lui ni pour les siens, est
devenu un mal que l'on apprivoise et sur lequel il est possible d'agir afin de
rendre la personne handicapée plus ou moins autonome. Aujourd'hui, le
mot « handicap " ne rime plus forcément avec dépendance
totale et irréversible. La personne handicapée peut aspirer
à toutes les opportunités qu'offre la vie. Par exemples, les
meilleures télévisions du monde disposent de créneaux dans
les horaires pour des informations destinées aux personnes « non
entendant ", et certaines grandes universités exigent que leurs
enseignants soient à mesure de communiquer dans le langage des signes,
de même que des centres d'éducation spécialisée
adaptés aux différentes formes d'handicaps se sont
développés par--ci par--là. Cette révolution des
mentalités procède d'une conviction que cette catégorie
d'êtres humains est dotée des mémes potentialités
que le reste de ses semblables. Cela étant dit, les personnes
handicapées ont légitimement droit à tous les droits dont
celui à la culture.
Le fait que le thème de la surdité (une forme
d'handicap) ait été au centre de recherches conduites par des
étudiants de notre Faculté de Psychologie et des Sciences de
l'Education à l'Université du Burundi (voir Gakobwa, 1998 ;
Hakizimana, 1995 ; Muhitira, 1984 ; Nijimbere, 1991 ; Niyonsaba, 2008 ; etc.)
nous paraît être aussi un indicateur de l'intérêt sans
cesse croissant que
suscite ce phénomène dans le contexte burundais.
Cependant, s'il est évident que la surdité a pu exercer un
attrait pour des recherches psychologiques et éducationnelles, force est
pour nous de constater que l'aspect qui y est principalement récurrent
est celui relatif à ces implications psychosociales ou aux
représentations que s'en fait la communauté. L'aspect de ses
incidences sur le plan du fonctionnement cognitif n'a pas encore
été abordé dans le cadre de la culture burundaise.
L'originalité de notre étude par rapport
à celles-là qui l'ont précédée réside
dans le fait qu'elle cherche à comprendre particulièrement le
fonctionnement cognitif chez des personnes sourdes. Sous cet angle, le choix de
la fonction mnésique repose sur la conviction que la mémoire est
une composante essentielle du fonctionnement intellectuel de l'être
vivant. Elle est la fonction psychologique qui nous est la plus
familière tant elle est liée à toutes nos activités
quotidiennes. C'est en raison de son importance que depuis l'Antiquité,
les plus grands philosophes se sont intéressés à cette
capacité étonnante que possèdent les animaux, celle de
pouvoir conserver des souvenirs passés et de se les rappeler, de les
utiliser dans les activités présentes (Fontaine, 1999, p.126).
Le constat qui s'impose est que les études comparatives
sur la mémoire de travail chez les sujets entendant et les sujets non
entendant ne sont pas nombreuses. Les quelques cas relevés dans les
contextes autres que le contexte burundais nous ont éclairé en
matière de connaissance de ce champ de recherche, en foi de quoi nous
avons voulu explorer ce terrain relativement vierge. En effet, notre revue
critique de la littérature, dans sa section consacrée aux
conséquences de la surdité, nous a permis de réaliser que
les effets de la surdité sur le plan psychosocial sont incontestables.
Or, l'individu fonctionnant comme un tout indissociable, il s'avère
également pertinent de présumer que le phénomène
peut avoir des répercussions sur le plan intellectuel, notamment sur la
mémoire. Cette supposition n'est pas en contradiction avec les propos
suivants de Lang (1976, p. 37), toujours sur la surdité : « Il
existe en dehors de la fréquence d'un retard de la marche et des
troubles légers de l'équilibre, une mauvaise mémoire
verbale et abstraite, des difficultés conceptuelles essentiellement
liées au retard intellectuel qui, les unes que les autres vont
entraîner des difficultés d'apprentissage ». De
surcroît, les sourds précoces sont généralement
privés du langage alors que ce dernier est à la fois un outil et
un support de la
pensée permettant l'assimilation des notions abstraites
(Ndayisaba et De Grandmont, 1999, p.131). Par ailleurs, le test d'intelligence
par l'échelle d'intelligence de Borelli et Oléron fait
état d'une supériorité d'au moins une année
d'avance des enfants entendant sur les enfants sourdsmuets méme quand
ces derniers ont bénéficié d'un enseignement
spécialisé (cfr Perron, 1979 repris par Ndayisaba et De
Grandmont, 1999 ).
En général, la plupart des recherches
comparatives déjà menées portant sur la mémoire
font état d'une supériorité des personnes entendant sur
celles non entendant. Par exemple, Colin (1979, p.48) remarque qu'une
étude de Pintner et Paterson (1917) portant sur un échantillon de
500 sujets âgés entre 7 et 26 ans a permis de dégager une
supériorité des personnes entendant en comparaison aux personnes
non entendant. Par ailleurs, Colin (ibid.), reprenant les résultats de
la recherche menée par Babauzit (1949) sur un échantillon de 242
sujets âgés de 8 à 20 ans, a également mis au grand
jour une supériorité notoire des sourds tardifs sur les autres
sourds. Néanmoins, outre le fait que ces recherches sont relativement
anciennes, il reste également évident qu'elles ont eu pour
population d'étude des personnes issues d'aires culturelles et
géographiques éloignées des nôtres. Cela
étant dit, dans le cas de notre recherche que nous voulions mener au
Burundi, la question qui nous tenait à coeur était celle de
savoir s'il y a des différences de fonctionnement cognitif entre des
écoliers entendant et ceux non entendant, et particulièrement en
ce qui est de la performance de la mémoire de travail. Nous avons fait
de cette question notre question problématique générale.
Face à elle, nous avons par la suite émis des réponses
provisoires (hypothèses) que nous avons alors soumises à la
vérification.
IV.2. Hypothèses de recherche IV.2.1.
Hypothèse générale
C'est dans le cadre des cultures occidentales que quelques
études comparatives entre des personnes entendant et des personnes non
entendant ont permis de conclure à une supériorité des
premières sur les dernières. Corollairement à ces
résultats et dans le cadre d'une culture différente, nous avons
émis l'hypothèse selon laquelle les écoliers
entendant du Burundi seraient aussi plus performants que les écoliers
non entendant sur le plan de l'efficience de la mémoire de
travail.
34 IV.2.2. Hypothèses opérationnelles et
variables IV.2.2.1. La variable « Concrétude1
»
Les performances de la mémoire ne dépendent pas
exclusivement des capacités intrinsèques du sujet dont les
capacités mnésiques sont sous évaluation. Elles sont aussi
influencées par les caractéristiques propres aux objets à
mémoriser. C'est notamment le cas pour la variable «
concrétude ». Celle-ci revét deux modalités à
savoir la nature concrète ou abstraite de l'information
véhiculée par l'item à mémoriser.
Dans un contexte non burundais, il a été mis en
évidence que « la mémoire abstraite et verbale est moins
développée chez les sourds en comparaison avec celle des sujets
entendant » (voir Lang, 1976, p.37). Tenant compte de ces
résultats, nous avons émis l'hypothèse selon laquelle
l'efficience de la mémoire de travail chez les écoliers
entendant du Burundi serait plus élevée que celle des
écoliers non entendant du même milieu quand le matériel
à mémoriser se rapporte aux phénomènes abstraits.
En revanche, l'écart se réduirait entre ces deux
catégories d'écoliers au cas où le matériel
à mémoriser se rapporterait aux phénomènes
concrets.
IV.2.2.2. La variable « Type d'opération
mnémonique »
Il pourrait y avoir une différence de l'efficience de
la mémoire selon que le «Type d'opération
mnémonique» proposé à titre expérimental est
un test de rappel libre ou un test de reconnaissance. Cette combinaison
des tests visant à exploiter des informations en provenance de deux
sources différentes (l'information en provenance du registre
d'information sensorielle pour le test de rappel libre et celle en provenance
de la mémoire à long terme pour le test de reconnaissance) est
justifiée par le fait que le concept de mémoire de travail (MT)
figure l'idée d'un « espace de travail » de capacité
réduite dans lequel les informations en provenance du registre de
l'information sensorielle (RIS) et de la mémoire à long terme
(MLT) sont « chargées » provisoirement, et où la
sélection et la mise en oeuvre des opérations appliquées
à ces
Variable psycholinguistique ayant deux modalités : Mots
concrets et Mots abstraits (cfr Rondal et Seron, 1999, p.419).
informations sont réalisées (Da Silva Neves,
1999, p.35). Sur ce, nous avons émis comme hypothèse que
l'écart au niveau des scores entre les écoliers entendant
et les écoliers non entendant burundais serait plus grand quand il
s'agit d'un test de rappel libre que quand il s'agit d'un test de
reconnaissance. En d'autres termes, nous présumons l'existence
de l'effet du «Type d'opération mnémonique» sur la
différence de la performance de la mémoire de travail entre les
écoliers entendant et non entendant du Burundi.
IV.2.3. Une variable neutralisée
Il est admis que le rendement de l'activité
mnémonique est influencé par la nature de l'information à
mémoriser ; certaines informations étant plus difficiles à
mémoriser que d'autres. Sans pour autant méconnaître cette
réalité relevant du bon sens, nous avons choisi de neutraliser la
variable facilité ou difficulté de l'information à
mémoriser. Nous avons fait la neutralisation de cette variable de
trois façons. D'abord en choisissant des items tous relativement courts
; les items constituant notre instrument de collecte des données, pour
le cas du test de rappel libre, ne dépassent pas quatre syllabes au
maximum. Ensuite, en évitant de faire figurer dans nos items, pour
l'épreuve de rappel libre, ceux portant des signes diacritiques (des
accents). Et troisièmement enfin, en choisissant des items familiers
à notre population d'enquête; les items ont été
choisis dans des manuels scolaires utilisés dans les classes de
sixième année de l'enseignement primaire burundais.
Après avoir formulé notre question
problématique générale et nos hypothèses de
recherche et dégager les variables avec lesquelles nous allions jouer,
nous avons mis au point l'approche méthodologique conséquente.
CHAP V. ASPECTS METHODOLOGIQUES DE RECHERCHE
EMPIRIQUE
V. 1. Méthode de recherche :
L'expérimentation
Après l'étape de la formulation des
hypothèses de recherche, il s'en suivait l'interrogation sur comment
procéder pour les soumettre à une vérification
scientifique en vue de leur infirmation ou leur confirmation. La
nécessité de tester nos hypothèses de recherche
était justifiée par leur nature même qui est «
spéculative, conjecturée et provisoire » (expression
empruntée à Sockeel et Anceaux, 2002, p.41). Et nous
définissons également dans cette section les modalités de
notre recherche empirique.
La méthode à suivre pour la recherche empirique
est forcément tributaire de la question à l'étude qui
détermine la nature des données qui sont attendues.
Pour le cas qui nous concernait, il s'agissait à cette
étape d'investigation de voir quelle méthode pouvait
répondre le mieux à notre souci de comparaison de l'efficience de
la mémoire de travail entre des écoliers entendant et des
écoliers non entendant.
En effet, la dimension à l'étude - la
mémoire de travail--, à l'instar d'autres fonctions
intellectuelles, ne se préte pas à l'observation directe et
spontanée. La méthode expérimentale qui a le pouvoir de
susciter chez les sujets des réactions qu'ils n'auraient
peut--être jamais eu l'occasion d'avoir autrement, en les mettant dans
des situations qui n'auraient peut-être jamais existé si
l'expérimentateur n'en avait jamais eu besoin (Ghiglione et Richard,
1999, p.303), constituait la réponse idéale à la
situation. La nature des données que nous souhaitions récolter
nous a imposé de créer une situation expérimentale nous
permettant de dégager la comparaison que nous ambitionnions. Or, «
expérimenter, c'est intervenir activement pour réaliser les
conditions nécessaires à la vérification des
hypothèses relatives aux causes ou aux propriétés des
phénomènes étudiés » (Sockeel et Anceaux,
2002, p.31). Le schéma expérimental que nous avons adopté
est celui décrit par Fontaine (1999, p.127) comportant trois phases
d'opérations mentales à savoir l'acquisition,
l'élaboration et la récupération.
Cependant, même en ayant arrêté la
méthode de recherche à mettre en oeuvre et le schéma
expérimental de référence, il subsistait une autre
question non moins fondamentale, celle notamment de l'instrument
conséquent de collecte des données.
V.2. Technique de recueil des données : Le
test
D'entrée de jeu, nous avons estimé que la
question problématique générale de départ, la
méthode de recherche, la technique et les instruments de recueil des
données sont complémentaires car répondant respectivement
aux questions de quoi, comment et avec quoi. C'est
donc la question de recherche et la méthode qui en découle qui
guident le chercheur vers le choix d'une technique ou d'un instrument de
recherche. Il apparaissait donc clair que nous ne pouvions pas prétendre
à une comparaison de l'efficience de la mémoire de travail entre
des écoliers entendant et ceux non entendant sans administrer un ou des
test(s).
Le choix du test comme technique de recueil des données
ayant ainsi été fait, il restait à savoir quel ou quels
tests précis il fallait utiliser puisqu'il en existe une multitude. Pour
pouvoir répondre à cette question, nous nous sommes
inspirés de Sockeel et Anceaux (2002, p.53) qui disent qu' « il est
parfois possible de puiser dans l'assortiment des instruments
déjà existants les techniques nécessaires à
l'observation ou à la vérification des hypothèses ».
Cela étant, les types de tests que nous pouvions utiliser sont ceux
couramment usités quand on veut mettre en évidence l'empan
mnésique, la mesure de la mémoire. Ce sont entre autres les tests
de rappel libre et de reconnaissance. Ces deux catégories de tests sont
des tests dits directs ou explicites (voir Fontaine, 1999, p.129). Elles ont
constitué notre instrument de collecte des données.
Le test de rappel libre consiste à demander au sujet de
retrouver le maximum d'informations présentées durant la phase de
l'acquisition, sans lui fournir aucune aide. S'agissant du test de
reconnaissance, après avoir demandé au sujet, dans la phase de
l'acquisition, de stocker le maximum de mots, il allait être
appelé à les reconnaître dans des listes de mots qui
contenaient ceux de la phase de l'acquisition auxquels nous avions
rajouté un certain nombre d'autres (cfr. Fontaine, ibid.).
V.3. Instruments de collecte des données : Deux
tests de mémorisation V.3.1. Présentation
générale
Les instruments de collecte des données que nous avons
mis au point sont au nombre de deux. Le premier est un test de rappel libre et
le second est un test de reconnaissance. Leur caractéristique principale
et commune est d'être des tests de mémorisation.
Le test de rappel libre est composé de treize
séries de neuf mots ou items chacune. Les trois premières sont
des pseudo-tests et servent d'épreuve d'essai. Parmi ces trois
pseudo-tests, les deux premières séries correspondent au test
d'essai proprement dit tandis que la troisième est un test d'essai
transitoire. Le test d'essai transitoire est constitué d'un
mélange d'items se rapportant les uns aux phénomènes
concrets, les autres à des phénomènes abstraits. La
première série d'essai contient des mots dont les
référents sont abstraits tandis que la seconde est faite de mots
traduisant des référents concrets. Cette distinction entre le
test d'essai transitoire et le test d'essai proprement dit repose sur le fait
que le test d'essai proprement dit est passible de corrections et de retours en
arrière, ce qui n'est pas le cas pour le test d'essai transitoire qui
s'enchaîne sans transition ni interruption avec le test proprement
dit.
Dans le but de pouvoir vérifier notre première
hypothèse opérationnelle, la moitié des séries du
test proprement dit, soit cinq séries sur dix, porte sur des
informations abstraites tandis que la seconde moitié (cinq séries
également) se rapporte à des informations concrètes. Ces
deux types d'informations correspondent aux deux modalités de la
variable « Concrétude » retenue.
S'agissant du second test qui est un test de reconnaissance,
nous lui avons doté d'une structure de six séries de dix--huit
mots ou items chacune. De ces six séries, les trois premières ont
servi de test d'essai. De ce dernier, les deux premières séries
constituent des épreuves d'essai proprement dites tandis que la
troisième est une épreuve d'essai transitoire. Enfin, les trois
autres séries restantes constituent l'épreuve de
mémorisation (reconnaissance) proprement dite. Le choix du chiffre neuf
comme nombre d'items constituant chaque série de mots à rappeler,
tant pour les exercices d'essai que pour les exercices expérimentaux,
s'inspire de théories avancées en
psychologie cognitive situant la limite maximale de l'empan de la
mémoire à neuf items (voir Matlin, 2001, p.68 et Michaux, 1974,
p.47).
Les dix-huit items constitutifs de chaque série sont
des mots choisis par hasard, mais neuf d'entre eux font partie d'une mini-liste
dont la présentation aux sujets précède d'une seconde
celle de la grande liste (les 18 items). La tâche consiste à
reconnaître dans la grande liste les items de la mini-liste
présentée antérieurement et à les reproduire par
écrit sur des lots de papiers distribués à cet effet. Dans
tous les cas, le choix des items s'est exclusivement basé sur des mots
connus des écoliers et qui ont été repérés
au hasard dans le livre de lecture du français de la classe de
sixième année et dans les fichiers du maître de la
même classe des cours de français et calcul.
V.3.2. Présentation détaillée des
tests V.3.2.1. Le test 1: Rappel libre
a. Trois pseudo-épreuves
Exercice d'essai proprement dit 1.1
Dieu
|
Folie
|
Lieu
|
Temps
|
Nom
|
Son
|
Vie
|
Baisse
|
Lent
|
Exercice d'essai proprement dit 1.2
Lit
|
Chaise
|
Bouteille
|
Chaussure
|
Oreille
|
Couteau
|
Fleur
|
Arbre
|
Voiture
|
Exercice d'essai de transition 1
Amour
|
Futur
|
Salon
|
Miroir
|
Corde
|
Scie
|
Jardin
|
Banane
|
Victoire
|
b. Epreuves expérimentales de rappel
libre
b1. Séries de mots désignant des idées
abstraites
Exercice expérimental 1.1
Vent
|
Paix
|
Air
|
Genre
|
Riche
|
Salut
|
Peur
|
Mal
|
Sage
|
Exercice expérimental 1.2
Couleur
|
Salaire
|
Foudre
|
Fureur
|
Faute
|
Travail
|
Action
|
Nouvelle
|
Valeur
|
Exercice expérimental 1.3
Lourdeur
|
Air
|
Ton
|
Odeur
|
Achat
|
Vie
|
Regard
|
Masse
|
Milieu
|
Exercice expérimental 1.4
Aisance
|
Volume
|
Sagesse
|
Absence
|
Disparition
|
Intelligent
|
Puissance
|
Vengeance
|
Justice
|
Exercice expérimental 1.5
Pardon
|
Fin
|
Fraction
|
Nation
|
Signe
|
Espoir
|
Espace
|
Prix
|
Soin
|
b2. Séries de mots désignant des
idées concrètes Exercice expérimental 1.6
Chemise
|
Viande
|
Table
|
Route
|
Femme
|
Bille
|
Mangue
|
Sifflet
|
Nez
|
Exercice expérimental 1.8
Baguette
|
Poisson
|
Plante
|
Chasseur
|
Avion
|
Tableau
|
Classe
|
Drapeau
|
Latte
|
Exercice expérimental 1.8
Cahier
|
Champ
|
Ballon
|
Fruit
|
Pierre
|
Assiette
|
Crayon
|
Terrain
|
Clous
|
Exercice expérimental 1.9
Enfant
|
Sac
|
Torche
|
Costume
|
Carte
|
Tomate
|
Rire
|
Salive
|
Eau
|
Exercice expérimental 1.10
Lion
|
Manger
|
Souris
|
Classe
|
Cour
|
Serpent
|
Riz
|
Danser
|
Culotte
|
V.3.2.2. Le test 2: Reconnaissance de mots2
i. Exercice d'essai proprement dit 2.1 :
Français, Visiteurs,
Maman, Relation, Livre, Manger, Activité,
Chèvre, Pont, Nuit,
Voiture, Acheter, Garçon, Cuisine,
Exercice, Bébé, Largeur,
Ciment
ii. Exercice d'essai proprement dit 2.2 :
Souris, Odeur, Silence,
Cahier, Repos, Crayon, Corde, Regard, Eglise,
Allumer, Bâton, Punir, Carte,
Repas, Livre, Ville, Point,
Directeur
iii. Exercice de transition 2 :
Photo, Stylo, Argent,
Craie, Terrain, Lac,
Forêt, Calcul, Problème, Ballon,
Maîtresse, Voleur, Pouvoir, Retard,
Volonté, Rédaction, État,
Capital
iv. Exercice expérimental 2.1 :
Doux, Ailleurs, Ici,
Glacé, Bouillant, Caresser, Centre,
Dur, Nuit, Recette, Cuisine, Banque,
Coeur, Sauter, Culture,
Retour, Bouger, Rire
v. Exercice expérimental 2.2 :
Maïs, Non, Faux,
Feu, Paysan, Voyage, Révision, Nager,
Vivre, Pronom, Texte, Fraction, Trajet,
Mobile, Vente, Serpent, Vision,
Lecture
2 Les mots en gras sont ceux que les sujets avaient la
tâche de reconnaître.
vi. Exercice expérimental 2.3 :
Jus, Bâton, Vélo, Rideau, Film,
Bureau, Discours, Partage, Passif,
Adjectif, Complément,
Sept, Distance, Marmite, Village,
Adverbe, Sang, Police
V.4. Modalités d'administration des
tests
Les items des deux tests de mémorisation
utilisés sont tous des lexèmes de la langue française. La
tâche des sujets consiste à écrire le maximum d'items
restés en mémoire immédiatement après la perception
visuelle des séries, une à une. Le choix du français comme
langue de conception des items alors que le test s'applique à des
écoliers du Burundi normalement kirundiphones nous a été
dicté par un souci de standardisation sur deux niveaux.
Premièrement dans le système scolaire burundais, la langue
d'enseignement au troisième degré, tant pour les écoliers
entendant que pour ceux non entendant, est le français.
Deuxièmement, la différence fondamentale entre les
écoliers entendant et non entendant repose sur la pratique
langagière ; le kirundi est la langue première des
écoliers entendant tandis que la langue première des
écoliers non entendant est le langage des signes. Cependant, pour toutes
les deux catégories d'écoliers concernées par notre
recherche, la langue seconde est le français, le français langue
orale et écrite pour les premiers et le français langue
écrite pour les seconds. Nous comprenons donc ici que les soumettre tous
à un test conçu dans cette même langue seconde est une
façon de les mettre sur le même piédestal en matière
de standardisation de la situation expérimentale.
S'agissant de la restitution des items à
l'écrit, nous estimons que pour pouvoir mesurer l'efficience de la
mémoire de travail, deux éventualités sont possibles : la
restitution écrite et la restitution verbale. Or, la restitution verbale
n'est possible que pour les seuls écoliers entendant. Le choix de
l'écrit s'explique donc par le méme souci de la standardisation
de la situation. La même préoccupation a prévalu au choix
du mode de présentation des items à mémoriser : au lieu de
faire une présentation orale, nous avons opté pour une
présentation visuelle du matériel à mémoriser,
à savoir sa projection sous forme de diapositive.
En peu de mots, c'est l'exigence de la standardisation qui a
été la boussole de ces choix procéduraux notamment
à propos de la langue de conception des items à mémoriser,
la nature de la tâche et le mode de présentation des items.
V.5. Population de recherche
Les trois critères réunis (la forme de
présentation des items, le type de réponse attendue, et la langue
dans laquelle étaient libellés les items à
mémoriser) nous ont poussé à prendre pour sujets
d'étude les écoliers de la classe de 6ème
année du cycle d'études primaires, la population parente
étant l'ensemble des écoliers burundais entendant et non
entendant.
V.6. Visites préliminaires de reconnaissance du
terrain de recherche
Les visites préliminaires de reconnaissance du terrain
de recherche ont été effectuées dans huit écoles
primaires accueillant les écoliers tant entendant que non entendant.
Elles nous ont permis d'affiner nos procédés
méthodologiques, de mettre au point notre instrument de recherche et de
décider sur les écoles qui allaient être concernées
par la récolte des données. Il s'agit de visites qui se sont
étendues sur une semaine et que nous avons effectuées au Centre
d'Education Spécialisée pour les Déficients Auditifs-Notre
Dame de la Persévérance (CESDA-NDP), aux écoles primaires
Mushasha I, Mushasha II, christ Roi et Marie Notre Reine en province de Gitega
d'une part, au centre Ephphatha et aux écoles primaires de Gasenyi et de
Gikungu en mairie de Bujumbura d'autre part.
Grâce à ces visites, nous avons fait connaissance
avec des autorités scolaires à différents niveaux pour
requérir leur autorisation à mener notre recherche, nous avons
discuté avec les enseignants titulaires des classes qui nous
intéressaient sur les objectifs de la recherche, nous leur avons
exprimé nos attentes par rapport à leur appui, et nous avons
consulté les manuels disponibles en vue de choisir les items qui
allaient constituer notre test de mémorisation. C'est aussi suite
à ces visites préliminaires que nous avons décidé
de prendre pour sujets d'étude tous les écoliers de la classe de
sixième année du centre d'éducation
spécialisée pour les déficients auditifs - Notre Dame de
la Persévérance et les écoles primaires de Mushasha. Nous
avons choisi de travailler sur le CESDA--NDP car le Burundi compte deux centres
scolaires pour enfants non entendant.
L'autre centre, Ephphatha, ayant servi à la
préexpérimentation, il s'imposait à nous de prendre pour
notre expérimentation le centre qui reste, le CESDA--NDP. Et les classes
de sixième année dans les deux centres sont
caractérisées par des effectifs réduits, ce qui ne nous
permettait pas de compléter notre sous-échantillon
d'écoliers non entendant.
V.7. Echantillonnage
Pour déterminer sur quelles écoles et les
classes sur lesquelles notre expérimentation allait porter, nous avons
procédé à un échantillonnage par grappe. En effet,
« il est parfois utile de constituer des échantillons qui ne sont
pas composés d'individus mais d'unités composées
d'individus qu'on appelle les grappes» (voir Niyongabo, 2006, p.53).
Comme il y avait quatre écoles primaires (Mushasha I,
Mushasha II, Christ Roi et Marie Notre Reine) à proximité du
centre CESDA--NDP dans lequel nous avons choisi de mener la recherche pour la
catégorie des sujets non entendant, c'est dans celles--ci que nous avons
choisi de tirer l'échantillon de sujets entendant de la comparaison.
Nous avons mis dans un petit panier quatre morceaux de papiers sur lesquels
nous avons inscrit les noms des quatre écoles. Nous avons réduit
en boules ces morceaux de papiers pour en cacher le contenu, nous les avons
mélangés et avons procédé à un tirage au
sort une fois. Le morceau de papier qui a été tiré est
celui qui portait l'inscription Christ Roi. Nous avons alors
considéré l'école primaire Christ Roi comme notre
unité échantillonnée.
Etant donné que cette école compte trois classes
de sixième année, nous avons utilisé la même
procédure pour décider sur la classe qui allait être
concernée par notre investigation. Ainsi, la classe de sixième
année C a été retenue. Au sein cette classe, nous n'avons
pas eu besoin de cibler un échantillon ; tous les quarante-deux
écoliers qui la composent ont tous été retenus.
Avec l'analyse des résultats, nous avons
intégré les deux écoliers non entendant de l'école
primaire Christ Roi dans le sous-échantillon des écoliers non
entendant du CESDA--NDP. En effet, les écoliers non entendant les plus
performants sont transférés aux écoles primaires
environnantes pour pouvoir passer le concours national qui donne accès
à l'enseignement secondaire.
V.8. Administration des épreuves
expérimentales V. 8.1. La pré-expérimentation
Il est d'usage dans la recherche de commencer par tester les
instruments de recueil des données. Ainsi, nous avons testé notre
instrument de recherche auprès de 16 écoliers entendant de la
classe de sixième année A de l'école primaire de Gikungu
(Bujumbura) et de 13 écoliers non entendant, également de
sixième année, du centre Ephphatha pour enfants sourds-muets
(Bujumbura).
A la suite de l'analyse des données de cette
pré-expérimentation, nous avons été amené
à revoir certains aspects de notre consigne. En effet, nous avons
constaté que certains écoliers écrivaient illisible pour
nous mettre dans l'embarras surtout quand ils ne se rappelaient plus d'un mot
donné. Nous avons alors reformulé la consigne en insistant sur le
critère lisibilité des réponses.
Par ailleurs, nous avons constaté que les
écoliers de Gikungu n'étaient pas très
éveillés lors de la pré-expérimentation et nous
avons estimé que cela pourrait être lié au fait que
l'administration du test avait eu lieu juste après un autre test,
d'entraînement au concours national de passage à l'école
secondaire. Nous avons alors décidé d'administrer le test
à l'expérimentation proprement dite après nous être
renseigné sur les activités à l'agenda du jour pour
contourner d'éventuelles interférences.
En plus, alors qu'il était initialement prévu de
distribuer des feuilles de travail type format A4 pour la restitution des
réponses, la pré-expérimentation nous a fait changer
d'option ; ces papiers n'étaient pas pratiques pour nos sujets
habitués à travailler avec des feuilles de type « cahiers
scolaires ». La forme quadrillée est parue meilleure.
Enfin, au cours de la pré-expérimentation, nous
avons aussi constaté que, même en ayant bien exposé la
consigne en ce qui est du test de reconnaissance, son assimilation demeurait
problématique et nous avons dû improviser un autre exemple pour
illustrer plus concrètement ce qui était demandé à
nos sujets. Ainsi, nous avons invité deux écoliers à se
mettre devant le reste de la classe. Puis, nous avons demandé aux
écoliers restés sur leurs bancs de retenir les visages des deux
écoliers invités à se mettre devant eux. Après leur
présentation au reste des écoliers,
nous leur avons demandé de regagner leurs places
respectives. Quelques secondes après, nous avons invité un groupe
de six écoliers dont les deux précédemment invités
à se mettre devant. Nous avons demandé aux écoliers
restés dans les bancs de reconnaître les deux qui leur avaient
été déjà présentés. A titre de
conclusion, nous leur avons dit que l'exercice était similaire à
la démonstration que nous venions d'improviser. Comme cette illustration
nous avait permis une meilleure compréhension de la tâche du test
de reconnaissance, nous avons décidé de continuer à nous
en servir lors de l'expérimentation proprement dite.
V.8.2. L'expérimentation proprement dite V.8.2.1.
Déroulement
L'expérimentation proprement dite a
bénéficié de leçons apprises de la phase
pré-expérimentale. Nous sommes arrivé sur le lieu
d'expérimentation la veille de l'administration des épreuves.
Cette stratégie nous a permis de négocier à temps des
modalités pratiques de notre expérimentation, solliciter l'appui
des enseignants qui tiennent les classes de sixièmes années
concernées par notre étude et tester notre dispositif
expérimental à savoir l'ordinateur et le
rétroprojecteur.
A notre arrivée à chaque école, nous
devions présenter l'attestation de recherche délivrée par
notre université et l'accord du Directeur du Bureau diocésain de
l'éducation. Ce dernier document était surtout de rigueur au
CESDA--NDP. En revanche, les responsables de ces écoles nous
présentaient aux titulaires des classes choisies et qui nous appuyaient
alors dans l'administration des épreuves.
V.8.2.2. Difficultés rencontrées
Une première difficulté rencontrée dans
le cadre de notre recherche tient des infrastructures inadaptées
à notre recherche. En effet, alors que notre expérimentation
requérait un dispositif expérimental qui nécessite une
alimentation en l'électricité, l'école primaire Christ Roi
en est dépourvue. Il nous a fallu négocier à la fois avec
les directions de l'école primaire Christ Roi et du lycée de
Gitega qui, lui, en est pourvu, pour pouvoir déplacer nos sujets et les
tester dans ce dernier établissement.
Une seconde difficulté rencontrée et non des
moindres, est celle relative à notre manque de maîtrise de codes
de communication des sourds-muets. Comme solution, nous nous sommes fait
relayer par l'enseignante titulaire de la classe de sixième année
du CESDA--NDP pour notre présentation personnelle en tant que chercheur
et pour l'exposé de la consigne. Nous nous exécutions
verbalement, et, à chaque énoncé, l'enseignante nous
servait d'interprète.
V.9. Procédés d'analyse des
données
Nous avions prévu de corriger les feuilles de travail
des sujets en attribuant un point par bonne réponse fournie,
c'est-à-dire par item remémoré. A la fin de cette
opération, ce sont les notes totales obtenues par les
élèves qui constituent les données de la recherche et
qu'il faut alors analyser. L'encodage de ces dernières dans une feuille
de données « Excel » devait par la suite conduire à une
analyse statistique, descriptive dans un premier temps et inférentielle
dans un second temps.
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES ET
DISCUSSION DES
RESULTATS
CHAPITRE VI. ANALYSE DESCRIPTIVE DES DONNÉES
ET
DISCUSSION DES RÉSULTATS
VI.1. Présentation des données
recueillies
Après l'administration du test de mémorisation,
nous avons corrigé les copies des sujets en vue d'attribuer des notes
individuelles conformément à la consigne (voir Annexe).
Après l'annotation des copies d'évaluation, les notes obtenues
ont été encodées dans un tableau « Excel ». Ces
notes encodées nécessitaient cependant d'être
analysées pour pouvoir leur faire acquérir une certaine
intelligibilité, un certain sens. Ainsi, nous avons
procédé à une analyse descriptive des données
complétée par une autre, cette fois-ci inférentielle, pour
nous permettre de nous prononcer sur le caractère significatif ou non
des différences constatées. Ainsi, cette double analyse nous a
finalement permis de décider du sort à réserver à
nos hypothèses de départ, c'est-à -dire leur confirmation
ou leur infirmation.
Tableau1 : synthèse des notes obtenues par les
sujets au test de mémorisation
|
Notes obtenues au test de rappel libre
|
Notes obtenues
au test de reconnaissance
|
|
Ecolier
|
Statut
(entendant/ non
entendant)3
|
Information abstraite (sur 45 points)
|
Information concrète (sur 45 points)
|
Total «Concrétude» (sur 90 points)
|
Reconnaissance (sur 27 points)
|
Score
total
(sur 117 points)
|
1
|
2
|
10
|
8
|
18
|
18
|
36
|
2
|
2
|
26
|
35
|
61
|
25
|
86
|
3
|
1
|
28
|
28
|
56
|
19
|
75
|
4
|
2
|
33
|
38
|
71
|
22
|
93
|
5
|
1
|
39
|
29
|
68
|
20
|
88
|
6
|
2
|
14
|
10
|
24
|
13
|
37
|
7
|
1
|
31
|
34
|
65
|
16
|
81
|
8
|
1
|
34
|
25
|
59
|
17
|
76
|
9
|
1
|
34
|
28
|
62
|
17
|
79
|
3 Légende: 1 désigne écolier
entendant, 2 désigne écolier non entendant.
10
|
1
|
17
|
21
|
38
|
21
|
59
|
11
|
1
|
31
|
32
|
63
|
25
|
88
|
12
|
2
|
33
|
36
|
69
|
26
|
95
|
13
|
1
|
21
|
28
|
49
|
22
|
71
|
14
|
1
|
26
|
27
|
53
|
17
|
70
|
15
|
1
|
25
|
24
|
49
|
25
|
74
|
16
|
1
|
39
|
44
|
83
|
22
|
105
|
17
|
1
|
28
|
24
|
52
|
23
|
75
|
18
|
1
|
22
|
26
|
48
|
20
|
68
|
19
|
1
|
32
|
36
|
68
|
24
|
92
|
20
|
1
|
32
|
30
|
62
|
23
|
85
|
21
|
2
|
8
|
15
|
23
|
26
|
49
|
22
|
2
|
16
|
18
|
34
|
15
|
49
|
23
|
1
|
26
|
18
|
44
|
21
|
65
|
24
|
1
|
33
|
35
|
68
|
23
|
91
|
25
|
1
|
26
|
24
|
50
|
23
|
73
|
26
|
1
|
21
|
17
|
38
|
23
|
61
|
27
|
1
|
24
|
27
|
51
|
18
|
69
|
28
|
1
|
32
|
27
|
59
|
22
|
81
|
29
|
1
|
31
|
34
|
65
|
26
|
91
|
30
|
1
|
24
|
24
|
48
|
20
|
68
|
31
|
1
|
34
|
23
|
57
|
17
|
74
|
32
|
2
|
30
|
40
|
70
|
18
|
88
|
33
|
1
|
25
|
24
|
49
|
20
|
69
|
34
|
2
|
16
|
19
|
35
|
15
|
50
|
35
|
2
|
6
|
8
|
14
|
21
|
35
|
36
|
1
|
35
|
27
|
62
|
20
|
82
|
37
|
1
|
36
|
38
|
74
|
27
|
101
|
38
|
2
|
21
|
30
|
51
|
21
|
72
|
39
|
1
|
34
|
35
|
69
|
24
|
93
|
40
|
1
|
29
|
21
|
50
|
17
|
67
|
41
|
1
|
32
|
30
|
62
|
23
|
85
|
42
|
2
|
38
|
38
|
76
|
26
|
102
|
43
|
1
|
16
|
24
|
40
|
23
|
63
|
44
|
2
|
7
|
5
|
12
|
18
|
30
|
45
|
1
|
33
|
32
|
65
|
23
|
88
|
46
|
1
|
23
|
24
|
47
|
24
|
71
|
47
|
2
|
16
|
23
|
39
|
23
|
62
|
48
|
1
|
20
|
18
|
38
|
18
|
56
|
49
|
2
|
27
|
35
|
62
|
24
|
86
|
50
|
1
|
22
|
23
|
45
|
16
|
61
|
51
|
2
|
10
|
11
|
21
|
17
|
38
|
52
|
1
|
24
|
23
|
47
|
18
|
65
|
53
|
1
|
23
|
24
|
47
|
21
|
68
|
54
|
2
|
24
|
40
|
64
|
25
|
89
|
55
|
1
|
31
|
24
|
55
|
17
|
72
|
56
|
1
|
25
|
25
|
50
|
20
|
70
|
57
|
1
|
30
|
30
|
60
|
20
|
80
|
58
|
2
|
17
|
17
|
34
|
19
|
53
|
VI.2. Analyse descriptive des données et
discussion du jeu des variables
retenues
Après avoir fait les calculs informatisés sur
les notes obtenues, nous avons constaté que la moyenne
générale des notes obtenues par les écoliers entendant
était de 76.3 points sur 117, soit l'équivalent d'une moyenne de
5.87 items sur neuf alors qu'elle était de 63.88 points sur 117, soit
une moyenne de 4.9 items sur neuf. Deux conclusions se dégagent de ces
résultats. Premièrement, une différence s'observe entre la
performance mnémonique des écoliers entendant et celle des
écoliers non entendant, et ce, en faveur des premiers.
Deuxièmement, la norme déjà établie dans la culture
occidentale par certains psychologues cognitivistes (voir par exemples Miller,
1956 ; Michaux, 1974 ; Matlin, 2001,...) situant le seuil minimal normal de
l'empan mnésique à 5 items et le seuil maximal à 9 items
s'applique, dans notre étude, aux écoliers entendant et non aux
écoliers non entendant pour qui il manque quelques poussières de
points pour se situer à la barre minimale (4.9 items au lieu du minimum
de 5). Le fait que les écoliers non entendant n'arrivent pas à
atteindre le seuil de la compétence mnémonique
considérée comme minimal nous pousse à cette conclusion :
la mémoire de travail des écoliers non entendant du Burundi n'est
pas déficiente mais elle est peu efficiente.
La graphique 1 nous permet de comparer l'efficience de la
mémoire de travail entre les écoliers entendant et ceux non
entendant. Elle compare les totaux des notes obtenues par les écoliers
entendant et ceux non entendant (voir tableau synthétique des notes
obtenues, dernière colonne) ramenés à une moyenne de 9
items.
Graphique 1: Comparaison de la performance de la
mémoire de travail entre les écoliers entendant et non entendant
(en ordonné le total des notes obtenues sur 117 points ramené
à la moyenne de 9 points et en abscisse la catégorie
d'écoliers)
Comparaison de la performance de la mémoire de travail
entre les écoliers entendant et ceux non entendant
6 5.8 5.6 5.4 5.2
5 4.8 4.6 4.4
|
|
|
Entendant Non entendant
L'allure de ce graphique nous amène à confirmer
notre hypothèse générale qui postulait une possible
supériorité des écoliers entendant sur ceux non entendant
si nous nous situons sur le plan de l'efficience de la mémoire de
travail. Cependant, cela n'est qu'une tendance générale qu'il
importe de prendre avec précaution d'autant plus que sur les dix
meilleures notes qui sont respectivement de 105, 102, 101, 95, 93, 93,92,
91,91, et 89, quatre reviennent à des écoliers non entendant.
Pourtant, ils représentent un peu moins du tiers des sujets
testés (exactement 18 sujets non entendant contre 40 sujets entendant,
soit 31.03% de l'échantillon).
En outre, alors que la meilleure note chez les écoliers
entendant est de 105 points sur 117, elle est de 102 chez les non entendants,
soit 89.74% contre 87.14 %. Les notes les plus basses sont 56 sur 117 chez les
écoliers entendant, soit 47.86 % contre 30 points sur 117 chez les
écoliers non entendant soit l'équivalent de 25.64 %.
L'écart entre les meilleures notes est de 2.60% alors qu'il est de
22.22% pour les basses notes. Comme illustré aussi par les graphiques
nos 2 et 3, ce contraste veut dire que les scores sont massés
autour des moyennes pour les écoliers entendant alors qu'ils sont
distribués pour ceux non entendant.
Graphiques 2 &3: Comparaison de la
distribution des scores autour des moyennes(en abscisse le nombre
d'écoliers et en ordonné la note totale obtenue sur un total de
117 points)
La structure de ces deux graphiques 2 et 3 nous pousse
à affirmer que, bien que les écoliers non entendant obtiennent
une faible moyenne en comparaison avec les écoliers entendant de
même niveau scolaire, il ne serait pas sensé de conclure que le
fait d'être entendant s'accompagne toujours de déficiences de la
mémoire de travail. Par contre, nous déduisons par là que
quand le fait d'être non entendant s'accompagne de déficience de
la mémoire de travail, cette dernière est alors profonde.
Nous avons également postulé avec nos
hypothèses opérationnelles que certains facteurs notamment la
« Concrétude » et le « Type d'opération
mnémonique » pourraient être explicatifs de la
différence entre les écoliers entendant et les écoliers
non entendant. L'analyse de l'effet de ces variables ou facteurs fait l'objet
de la section qui suit.
VI.2.1. Analyse de l'éventuel effet de la variable
« Concrétude »
entendant) revêt deux modalités à
savoir la nature concrète ou abstraite de l'information
véhiculée par l'item à mémoriser. Si nous
essayons de comparer les notes obtenues par les sujets en isolant cette
variable, nous remarquons que les écoliers entendant obtiennent, pour
les items faisant référence à une information abstraite,
une moyenne de 27.83 sur 45, soit 61.84% tandis que les écoliers non
entendant obtiennent une note moyenne de 19.56 sur 45 soit 43.53%.
L'écart entre les deux moyennes est de 8.27 points, l'équivalent
d'un écart de 18.38%.
Avant de dégager une quelconque conclusion
découlant de cette analyse de données, nous avons d`abord fait
référence à Sockeel et Anceaux (2002, p.101) pour qui
« une bonne façon d'évaluer l'effet d'une variable
indépendante sur une variable dépendante consiste à la
représenter graphiquement. .Si l'échelle est continue on utilise
une courbe, si elle ne l'est pas, un histogramme ». Ainsi, dans notre cas,
l'échelle d'évaluation n'étant pas continue, nous avons
construit l'histogramme correspondant (voir graphique 4 ci--dessous).
Graphique 4 : Comparaison des moyennes des notes
obtenues par les sujets entendant et ceux non entendant lorsque les items font
référence à une information abstraite (en abscisse la
catégorie d'écoliers et en ordonné la moyenne de la note
obtenue par chaque catégorie d'écoliers
sur 45 points)
comparaison des moyennes des notes des écoliers
entendant et des
écoliers non entendant
Moyenne des résultats
30 25 20 15 10 5 0
|
|
|
|
Non entendant Entendant
|
A travers la structure de ce graphique, nous constatons que la
moyenne des notes obtenues par les
écoliers entendant est plus grande
que celle des notes obtenues par les écoliers non entendant
quand les
items à mémoriser renvoient à des réalités
abstraites. Cela revient à confirmer
provisoirement une partie de notre première
hypothèse opérationnelle qui postulait que l'efficience de la
mémoire de travail chez les écoliers entendant du Burundi serait
plus élevée que celle des écoliers non entendant du
même milieu quand le matériel à mémoriser se
rapporte aux phénomènes abstraits.
Par contre, les écoliers entendant, quand il est
question de mémoriser des items renvoyant à une information
concrète, obtiennent la note moyenne de 26.78 points sur 45, soit 59.51%
contre 23.66 soit 52.58%. L'écart entre les deux moyennes est
d'exactement 3.12 points, soit 6.93%. La graphique 5 compare les
écoliers entendant et non entendant quand l'information faisant objet de
mémorisation est concrète.
Graphique 5: Comparaison des moyennes des notes
obtenues par les sujets entendant et ceux non entendant lorsque les items font
référence à une information concrète (en abscisse
la catégorie d'écoliers et en ordonné la moyenne de la
note obtenue par chaque catégorie d'écoliers sur un total de 45
points)
27
26
25
24
23
22
Entendant Non entendant
Moyenne de la note obtenue
Dans tous ces deux cas de figure (graphiques 4 et 5), il
apparaît que la performance mnémonique des écoliers
entendant est supérieure à celles des écoliers non
entendant c'est-- à- dire à la fois lorsque l'information
à rappeler est de nature abstraite et lorsqu'elle est de nature
concrète.
de --2.33%. Par contre, les écoliers non entendant
obtiennent un pourcentage de 45.53% lorsque les items sont abstraits alors
qu'ils obtiennent 52.58% lorsque les items sont concrets, soit une
différence de +7.02%. Il est clair que les écoliers entendant
affichent une performance moindre quand les items sont liés à un
référent concret que quand ils font appel à un
référent abstrait. Cependant, l'ampleur de l'écart entre
ces deux situations ne nous permet pas de conclure que les écoliers
entendant ont des problèmes de mémorisation des items dont les
référents sont concrets car la perte de points peut être
expliquée par la fatigue du moment que la présentation des items
abstraits a précédé celle des items concrets. Par contre,
le gain de points de l'ordre de 7 % est une preuve irréfutable que les
écoliers entendant ont une réelle facilité à
mémoriser les items dont les référents sont concrets.
Notre première hypothèse particulière
postulait que l'écart entre ces deux catégories d'écoliers
serait grand quand le matériel à mémoriser se rapporte aux
objets abstraits mais tendrait à se réduire lorsque le
matériel à mémoriser se rapporte aux objets ou
phénomènes concrets. Cela nous a amené à vouloir
vérifier cette seconde partie de notre hypothèse
opérationnelle en comparant les écarts entre ces deux
catégories d'écoliers au niveau de leur efficience
mnémonique eu égard aux deux modalités de la variable
« Concrétude » (voir graphique 6 ci-- dessous).
Graphique 6 : Comparaison des écarts entre les
écoliers entendant et ceux non entendant selon que le matériel
à mémoriser fait appel à des phénomènes
concrets ou abstraits (en abscisse le type d'item et en ordonné la
moyenne de l'écart entre les ecoliers entendant et non entendant selon
le type d'item)
Ecart entre les deux categories d'écoliers selon la nature
des items à mémoriser
Concret Abstrait
3.12
8.27
Le présent graphique 6 met en lumière le fait
que l'écart entre les écoliers entendant et ceux non entendant
est plus grand quand le référent est, dans les items, une
réalité abstraite que quand il évoque une
réalité concrète.
Ici également, il s'est avéré
indispensable de tester si la différence entre les deux situations est
statistiquement significative, pour pouvoir nous y prononcer avec assurance. Ce
travail fait objet de la section consacrée à l'analyse
inférentielle des résultats (voir plus loin). Mais avant d'y
arriver, parlons d'abord de l'effet potentiel de notre deuxième variable
retenue à savoir le « Type d'opération
mnémonique».
VI.2.2. Mise à l'épreuve de l'effet de la
variable « Type d'opération mnémonique »
Nous avions estimé qu'en plus de la nature des items
à mémoriser (voir hypothèses de recherche), le « Type
d'opération mnémonique » demandée pouvait
également avoir un effet sur l'efficience de la mémoire de
travail. Nous avons sérié la variable « Type
d'opération mnémonique » en deux modalités à
savoir l'opération de rappel libre et l'opération de
reconnaissance.
Au regard des données recueillies par rapport aux deux
modalités de la variable « Type d'opération
mnémonique », les écoliers entendant obtiennent une note
moyenne de 55.4 points sur 90 pour le test de rappel libre contre 52.66 sur un
total de quatre vingt-- dix points soit respectivement 61.55% et 58.51%. Si
nous ramenons ces scores sur neuf, soit le score maximal en termes d'items pour
chaque exercice expérimental, nous avons respectivement 5.54 items et
5.26 items, ce qui fait un écart de 0.32 items. Quant au test de
reconnaissance, les écoliers entendant y ont obtenu en moyenne 20.88
points sur 27, soit 77.33%, tandis que ceux non entendant ont obtenu une
moyenne de 20.66 points sur 27, soit 76.52%. En ramenant ces notes moyennes sur
9 items, les deux catégories d'écoliers obtiennent respectivement
6.96 et 6.88 items. Cela fait une différence de 0.08 items.
En comparant ces écarts moyens (Voir graphique 7), nous
constatons que l'écart entre la performance mnémonique chez les
écoliers entendant et les écoliers non entendant est minime pour
le test reconnaissance que pour le test de rappel libre. Cela est une
confirmation de notre hypothèse opérationnelle qui postulait que
l'écart au niveau des scores entre les écoliers entendant et les
écoliers non entendant serait plus grand quand il s'agit d'un test de
rappel libre que quand il s'agit d'un test de reconnaissance.
Graphique 7 : Illustration de l'écart moyen
des scores entre les écoliers entendant et ceux non
entendant selon le type d'opération
mnémonique (en ordonné le type
d'opération
mnémonique et en abscisse l'écart total
entre les écoliers entendant et non
entendant ramené à la moyenne de 9
points)
Etendu de l'écart selon le type d'opération
mnémonique
Test de reconnaissance
Test de rappel libre
|
|
0 0.2 0.4
VI.3. Vers une analyse inférentielle des
données
Si l'analyse descriptive des données qui est ci-- haut
reprise nous a permis de confirmer toutes nos hypothèses, tant
l'hypothèse générale que les hypothèses
opérationnelles, nous admettons qu'il s'agit là d'une
confirmation à portée provisoire.
En effet, cette analyse descriptive fait état
d'écarts entre les écoliers entendant et les écoliers
non
entendant en fonction des variables « Concrétude » et
« Type d'opération mnémonique », mais
elle reste muette sur le caractère significatif de ces
écarts. C'est justement cela qui nous a amènéà
envisager une section consacrée à l'analyse inférentielle
afin de pouvoir conclure définitivement, si les différences
constatées sont statistiquement significatives ou non.
CHAPITRE VII. ANALYSE INFÉRENTIELLE
APPLIQUÉE AUX PREMIERS RÉSULTATS
Pour mener à bon port l'analyse inférentielle
qui s'est averée indispensable au vu des résultats de l'analyse
descriptive, nous avons dü procéder à un choix d'un test
statistique parmi toute une diversité : le test d'égalité
des moyennes. C'est un test qui nous a été suggéré
par Sockeel et Anceaux (2002, p.106) quand ils considèrent qu' « on
vérifie l'effet d'un facteur élémentaire sur la variable
dépendante par la comparaison des moyennnes des performances
constatées pour chaque degré de ce facteur ». Le traitement
de données opéré a abouti aux résultats qui sont
repris par le tableau 2 qui suit.
Tableau 2 : Résultat de l'analyse
inférentielle des données
|
Test de Levene
sur l'égalité des
variances
|
|
F
|
Significa- tion.
|
t
|
Degré de
liberté
|
Signification (bilatérale)
|
Diffé- rence
de
moyen- nes
|
Diffé-
rence écart-type
|
Intervalle de
confiance 90%
de la différence
|
Infé-
rieure
|
Supé-
rieure
|
Abstrait
|
Hypothèse
de variances égales
|
13.678
|
.000
|
4.087
|
56
|
.000
|
8.269
|
2.023
|
4.216
|
12.323
|
Hypothèse
de variances inégales
|
|
|
3.323
|
21.894
|
.003
|
8.269
|
2.488
|
3.108
|
13.431
|
Concret
|
Hypothèse
de variances égales
|
50.354
|
.000
|
1.341
|
56
|
.185
|
3.108
|
2.319
|
-1.536
|
7.753
|
Hypothèse
de variances inégales
|
|
|
1.002
|
19.422
|
.329
|
3.108
|
3.103
|
-3.377
|
9.594
|
Rappel libre
|
Hypothèse
de variances égales
|
43.132
|
.000
|
2.752
|
56
|
.008
|
11.378
|
4.135
|
3.095
|
19.661
|
Hypothèse
de variances inégales
|
|
|
2.090
|
19.844
|
.050
|
11.378
|
5.444
|
.016
|
22.739
|
Recon- naissan- ce
|
Hypothèse
de variances égales
|
5.307
|
.025
|
.217
|
56
|
.829
|
.208
|
.960
|
-1.714
|
2.131
|
Hypothèse
de variances
|
|
|
.190
|
24.772
|
.851
|
.208
|
1.097
|
-2.052
|
2.469
|
|
inégales
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
|
Hypothèse
de variances égales
|
43.261
|
.000
|
2.508
|
56
|
.015
|
11.586
|
4.619
|
2.333
|
20.839
|
Hypothèse
de variances inégales
|
|
|
1.907
|
19.866
|
.071
|
11.586
|
6.076
|
-1.094
|
24.267
|
Ce test d'égalité des moyennes a les
spécifications suivantes :
1. H0 : M1 = M2, c'est- á- dire que M1-M2=0
2. H1 : M1? M2, c'est-á-dire que M1-M2?0
De ces deux formules, nous lisons que l'hypothèse nulle
(H0) suppose l'égalité entre la moyenne 1 (M1) et la moyenne 2
(M2). Lorsque c'est le cas, cela veut dire que la différence entre la
moyenne 1 et la moyenne 2 est nulle. Si non, l'hypothèse alternative
postule que les moyennes 1 et 2 (M1 et M2) sont inégales ; autrement
dit, leur différence est une valeur différente de zéro
(valeur négative ou positive) au niveau de confiance de 90%.
Selon les résultats du tableau 2 dans sa colonne des
significations bilatérales, nous lisons que la valeur de la
signification bilatérale pour le rappel libre est de 0.08, une valeur
qui se situe dans l'intervalle comprise entre -.1 et +.1, donc dans la zone de
rejet de l'hypothèse nulle. Cela étant, nous rejetons
l'hypothèse nulle qui postulait l'égalité des moyennes 1
et 2 et confirmons l'hypothèse alternative. En d'autres mots, au niveau
de confiance de 90% et au seuil de signification de 10%, la différence
entre les écoliers entendant et ceux non entendant est statistiquement
significative. Nous confirmons donc notre hypothèse
générale de départ qui postulait que les
écoliers entendant du Burundi seraient plus performants que les
écoliers non entendant sur le plan de l'efficience de la mémoire
de travail.
Par ailleurs, l'analyse descriptive des données nous
avait indiqué que des facteurs comme la « Concrétude »
des items á mémoriser et le Type de l'opération
mnémonique demandée aux sujets avaient un impact sur
l'écart de l'efficience de la mémoire de travail entre les
écoliers entendant et les écoliers non entendant du Burundi.
En effet, à propos du jeu de la variable «
Concrétude », nous constatons que la valeur de la signification
bilatérale, pour les items abstraits et l'hypothèse nulle, est de
.000. Or cette valeur est comprise entre +0.1 et -01 (10% de niveau de
signification) et ne se situe donc pas par conséquent dans la zone
d'acceptation de l'hypothèse nulle (cfr loi de la distribution normale
de Gauss et Laplace). Cela signifie que la différence entre les
écoliers entendant et les écoliers non entendant est
statistiquement significative pour le cas précis des items renvoyant aux
objets abstraits.
Par contre, la valeur de la signification bilatérale,
pour les items concrets, est de .185. Cette valeur ne se situe pas entre +0.1
et -0.10 et, en nous référant à la loi de la distribution
normale de Gauss et Laplace, elle se trouve dans la zone d'acceptation de
l'hypothèse nulle. Nous déduisons donc que la différence
entre la moyenne 1 et la moyenne 2 est nulle. En conséquence, nous
concluons que la différence entre les écoliers entendant et les
écoliers non entendant n'est pas statistiquement significative lorsque
les items à mémoriser font référence aux objets et
phénomènes concrets. Autrement dit, les deux groupes
d'écoliers (entendant et non entendant) sont « homogènes
» ou « équi-performants » quand les
référents des items à mémoriser sont des objets ou
phénomènes concrets. Cela revient à confirmer notre
première hypothèse opérationnelle de départ selon
laquelle l'efficience de la mémoire de travail chez les écoliers
entendant du Burundi serait plus élevée que celle des
écoliers non entendant du même milieu quand le matériel
à mémoriser se rapporte aux phénomènes abstraits.
En revanche, l'écart se réduirait entre ces deux
catégories d'écoliers au cas où le matériel
à mémoriser se rapporterait aux phénomènes
concrets.
Avec les résultats de l'analyse descriptive, nous
avions réalisé que l'écart entre les écoliers
entendant et non entendant se réduit quand les items à
mémoriser sont concrets en comparaison à leur écart quand
les items sont abstraits. L'analyse inférentielle est venue la
compléter ; elle prouve finalement qu'il ne s'agit pas d'une simple
réduction de l'écart mais que la différence entre les
écoliers entendant et les écoliers non entendant n'est pas
statistiquement significative au seuil de signification de 10%.
Enfin, à propos du jeu de la variable « Type
d'opération mnémonique » sur l'efficience de la
mémoire de travail, nous réalisons, à la lecture des
valeurs du tableau 2, que la signification bilatérale pour la
modalité test de rappel libre de la variable « Type
d'opération mnémonique » est de .050. Cette valeur est
comprise entre 0.10 et -0.10. Donc, cela veut dire qu'elle se situe dans la
zone de rejet de l'hypothèse nulle si nous nous référons
à la loi de la distribution normale de Gauss et Laplace. Autrement dit,
la différence est significative. Nous rejetons par conséquent
l'hypothèse nulle qui postule l'égalité des moyennes 1 et
2 et concluons qu'au seuil de signification de 10%, la différence entre
les écoliers entendant et les écoliers non entendant est
statistiquement significative quand l'opération mnémonique en jeu
est le rappel libre.
S'agissant de la modalité test reconnaissance de la
variable « Type d'opération mnémonique », la valeur de
la signification bilatérale est de .829 . Cette valeur se situe dans la
zone d'acceptation de l'hypothèse nulle selon la loi de distribution
normale de Gauss et Laplace car elle n'est pas comprise entre .10 et -.10 .
Cela signifie que l'hypothèse nulle qui suppose l'égalité
des moyennes 1 et 2 est retenue. En d'autres termes, la différence entre
les écoliers entendant et les écoliers non entendant, au seuil de
signification de 10%, n'est pas statistiquement significative quand
l'opération mnémonique requise est la reconnaissance.
En conclusion, la différence des scores entre les
écoliers entendant et ceux non entendant est statistiquement
significative en ce qui est du test de rappel libre mais elle ne l'est pas pour
le cas du test de reconnaissance. Cela confirme notre seconde hypothèse
opérationnelle qui avançait que l'écart au niveau des
scores entre les écoliers entendant et les écoliers non entendant
burundais serait plus grand quand il s'agit d'un test de rappel libre que quand
il s'agit d'un test de reconnaissance.
66
CONCLUSION
Comme le met en lumière notre formulation du sujet
d'étude, notre recherche s'était assignée comme objectif
de procéder à une comparaison de l'efficience de la
mémoire de travail entre des écoliers burundais entendant et non
entendant. Pour y parvenir, nous avons débuté nos investigations
par un questionnement large axé sur le thème central que ledit
objectif soulève. Ce questionnement large nous a servi de fil conducteur
pour un passage à une autre étape, celle de la revue critique de
la littérature en rapport avec le même thème.
Finalement, en confrontant les résultats de la revue
critique de la littérature à nos pré-requis en
matière de psychologie et aux besoins de notre recherche, nous avons
arrêté les définitions opérationnelles des concepts
que nous considérions comme névralgiques dans le cadre de notre
étude. Egalement, un cadre théorique de référence a
été constitué dans lequel nous n'avons retenu que les
aspects qui touchent directement aux volets psychologiques de la mémoire
et de la surdité. C'est sur base dudit cadre théorique que nous
avons explicité la problématique que soulève
l'étude et formulé des hypothèses qui devaient alors
être soumises à un travail de vérification. En effet, il
s'est agit ici d'adopter la méthode dite « scientifique
générale qui consiste à formuler des
énoncés, appelés hypothèses ou encore des
systèmes d'énoncés, appelés également
théories, puis à les mettre à l'épreuve des faits
un par un » (Sockeel et Anceaux, 2002, p.16).
Ladite vérification d'hypothèses nous a
engagé dans une récolte de données, mais nous avons
dû préalablement déterminer la méthode de recherche
à suivre à cet effet, à savoir la méthode
expérimentale. L'instrument de collecte des données que nous
avons utilisé dans ce cadre, est constitué de deux tests de
mémorisation à savoir un test de rappel libre et un test de
reconnaissance.
Le test de rappel libre a deux composantes bâties sur
deux modalités de la variable «Concrétude»
(la
modalité Item concret et la modalité Item abstrait). Quant au
test de reconnaissance, sa
pertinence reposait sur la
nécessité d'une confrontation de ses résultats avec ceux
du test de
rappel en vue de vérifier l'effet d'une autre variable,
la variable «Type d'opération mnémonique».
Le test a été administré à
cinquante-huit sujets entendant et non entendant dans les proportions
respectives de quarante et dix-huit. Après la collecte des
données et leur encodage, nous avons procédé à leur
analyse descriptive. Cette dernière a provisoirement confirmé nos
hypothèses de recherche émises. En effet, (i)
les écoliers entendant du Burundi s'affichent plus
performants que les écoliers non entendant sur le plan de l'efficience
de la mémoire de travail. Par ailleurs, (ii)
l'efficience de la mémoire de travail chez les
écoliers entendant est plus élevée que celle des
écoliers non entendant quand le matériel à
mémoriser se rapporte à des phénomènes abstraits.
En revanche, l'écart se réduit entre ces deux catégories
d'écoliers lorsque le matériel à mémoriser se
rapporte à des phénomènes concrets.
Enfin, (iii) l'écart au niveau des
scores entre les écoliers entendant et les écoliers non entendant
est plus grand quand il s'agit d'un test de rappel libre que quand il s'agit
d'un test de reconnaissance.
Cependant, l'analyse descriptive à elle seule ne permet
pas par nature de déterminer si les différences constatées
sont statistiquement significatives ou non. Alors, pour tendre vers une
confirmation définitive de nos hypothèses de recherche, nous
avons fait par la suite recours à un test de la statistique
inférentielle : le test de comparaison des moyennes.
Effectivement, la mise en jeu de ce dernier nous a permis de
confirmer d'une part que, sur le plan de l'efficience de la mémoire de
travail, les écoliers entendant sont plus performants que les
écoliers non entendant au seuil de signification de 10%. Cependant,
cette différence dépend tant de l'opération
mnémonique demandée que de la concrétude des items
à mémoriser.
Il s'est en effet avéré que la différence
entre la performance mnémonique des écoliers entendant et celle
des écoliers non entendant est statistiquement significative au seuil de
signification de 10% lorsque les items à mémoriser renvoient
à des objets abstraits mais qu'elle ne l'est pas lorsque les items
à mémoriser font référence à des objets
concrets. Par ailleurs, le type d'opération mnémonique s'est
révélé être une variable explicative de la
différence observée entre nos deux catégories
d'écoliers. La différence entre elles, toujours au seuil de
signification de
10%, est significative quand l'épreuve requiert le rappel
libre mais elle ne l'est pas quand la tâche concerne la
reconnaissance.
En définitive, notre objectif était de
comprendre le fonctionnement cognitif, et surtout mnémonique, des sujets
non entendant du Burundi par le biais d'une comparaison avec d'autres sujets du
même milieu, mais eux entendant. Nous jugeons que notre objectif a
été largement atteint car nous avons pu découvrir,
à la lumière de la comparaison avec des écoliers
entendant, les zones d'effort et les zones de confort des écoliers non
entendant en ce qui est de la mémorisation en mémoire de travail.
Nous reconnaissons toutefois que la mémoire de travail n'est qu'une
composante de la dimension cognitive humaine parmi bien d'autres. Ainsi, nous
clôturons cette dissertation en tendant le témoin à toute
autre initiative de recherche qui viendrait comparer sujets entendant et non
entendant sur d'autres fonctions cognitives.
69
BIBLIOGRAPHIE
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ANNEXE
PRISE DE CONTACT AVEC LES SUJETS ET CONSIGNE A. Prise de
contact et consigne en Kirundi
A0. Prise de contact et motivation
Ndabaramukije. Nitwa REGINAS NDAYIRAGIJE. Ndiko ngerageza
kuraba ko hari ubudasa bwoba buri hagati y'abanyeshuri bumva n'abatumva mu
bijanye no gufata ku mutwe. Kugira bishoboke ndaza kubaha ikibazo co gufata ku
mutwe. Munyuma, nzogikosora ndabahe amanuta mukwiye, ni ukuvuga bivanye
n'igitigiri c'inyishu nziza muzoba mwashoboye kwibuka mukandika. Ndabasavye ko
mwokorana ishaka mukamenya kuko ni ihiganwa hagati ya mwebwe n'abandi
banyeshure bumva/batumva.
A.1. Consigne générale
Tuza gutangurira ku myimenyerezo ibiri. Muri iyo myimenyerezo
ibiri, murafise uburenganzira bwo kumbaza ibibazo ku vyo mudatahura neza. Mu
nyuma duca dutandukira ikibazo nyamukuru. Mu gihe c'ikibazo nyamukuru, nta
burenganzira bwo kumbaza ibibazo muzoba mugifise, musabwe gusa guca mwandika
inyishu , ni ukuvuga amajambo muzoba mwafashe ku mutwe.
A.2. Consigne pour l'épreuve de rappel
libre
Muri aka kabazo ka mbere, ndabasavye mubanze mwuzuze ku
rupapuro rwa mbere amazina n'amatazirano yanyu, igitsina canyu (ko uri umuhungu
canke umukobwa), imyaka yanyu n'ishuri mwigamwo. Munyuma ndaza gusaba izi
mashini zanje ko zibereka amajambo icenda mu kiringo c'amasegonda cumi n'atanu
gusa. Ico gihe c'amasegonda cumi n'atanu giheze, nca nyegeza ayo majambo.
Mpejeje kuyanyegeza, ubwo nyene muce munyandikira ku rupauro nzoba mpejeje
kubereka amajambo yose mwibuka muri ayo icenda muba muhejeje kubona. Ivyo
bisigura ko uwuza kwibuka amajambo yose azoba atoye ikibazo. Uko mwandika
amajambo menshi mu yo mwabonye ni kwo muronka amanuta menshi. Umwimenyerezo
umwe umwe umara amasegonda mirongo ine n'atanu gusa. Mutegerezwa kugerageza
mukandika ibisomeka kugira ntimuhave mutakaza amanuta.
A.3. Consigne pour l'épreuve de
reconnaissance
Muri aka kabazo kagira kabiri, ndaza kubereka urukwirikirane
rw'amajambo icenda mu kiringo c'amasegonda cumi n'atanu gusa. Mpejeje
kuyabereka nca ndayazimanganya, hanyuma nce ndabereka uwundi murwi w'amajambo
cumi n'umunani. Muri ayo majambo cumi n'umunani harimwo amwe icenda ya mbere
mwari muhejeje kubona. Mugihe muzoba muriko mwandika inyishu, ayo majambo cumi
n'umunani aguma ari imbere yanyu atanyegeje. Igikorwa canyu ni ugutora muri ayo
majambo cumi n'umunani amwe icenda ya mbere na mbere nari nazimanganije muce
muyandika ku rupapuro. Umwanya ndabaha kugira mwandike inyishu n'amasegonda
mirongo ine n'atanu gusa. Inyishu nziza yose muza gutanga muzoyironkako inuta
rimwe. No ngaha nyene, imbere yo gutangura akabazo nyamukuru, ndabaha
imyimenyerezo ibiri. Mu kiringo c'imyimenyerezo, murashobora kubaza utubazo
twose mwiyumvira dufatiye ku gikorwa musabwe gukora, nanje ndaheza ndabishure.
Mu gihe tuzoba twatanguye akabazo nyamukuru, nta burenganzira bwo gusiguza
muzoba mugifise. Muza kwandika gusa inyishu, ni ukuvuga amajambo icenda mutoye
muri ayo cumi n'umunani mwibuka ko mwari muhejeje kubona muri rwa rukurikirane
rwa mbere rw'amajambo icenda
B. Traduction en français de la consigne B0. Prise
de contact et motivation
Bonjour. Je m'appelle RÉGINAS NDAYIRAGIJE. Je suis en
train de chercher à découvrir si des écoliers entendant et
ceux non entendant ont ou pas les mêmes capacités de
mémorisation. Pour pouvoir faire cette comparaison, je vais vous
proposer des exercices de mémorisation. Je corrigerai vos
réponses et vous donnerai les points mérités,
c'est-à-dire en fonction des bonnes réponses que vous aurez
réussies à rappeler. Je vous invite donc à bien travailler
pour réussir le test car il s'agit d'une compétition entre vous
et d'autres écoliers entendant/non entendant.
B.1. Consigne générale
Avec le test proprement dit, vous n'aurez plus le droit de me
poser des questions, vous allez seulement écrire les réponses,
c'est-à-dire les mots mémorisés.
B.2. Version en français de la consigne pour
l'épreuve de rappel libre
Dans cette première épreuve, je vous demande
d'abord d'écrire à la première page votre nom et votre
prénom, votre sexe, votre age et votre école. Ensuite, je vais
projeter sur l'écran disposé devant vous une liste de neuf mots.
Quinze secondes après la projection de cette liste de neuf mots, je vais
faire disparaître la liste. A la suite de cette disparition, votre
tâche sera d'écrire immédiatement sur la page que je vous
aurai indiquée le maximum de mots possible parmi les mots
précédemment lus. A chaque bonne réponse correspond un
point. Gela signifie que celui qui aura reproduit beaucoup de mots aura plus de
points. Ghaque exercice dure quarante-cinq secondes seulement. Je vous
recommande de faire votre mieux pour écrire le plus lisiblement possible
afin de ne pas perdre gratuitement des points.
B.3. Version en français de la consigne pour
l'épreuve de reconnaissance
Dans cette seconde épreuve, je vais d'abord vous
présenter une liste de neuf mots pendant quinze secondes puis la faire
disparaître. Après cette disparition, je vais projeter devant vous
une autre liste de dix- huit mots mais parmi lesquels figurent les neuf qui
venaient de vous être montrés et neuf autres. Les dix-huit mots
resteront affichés devant vous quand vous serez en train d'écrire
les bonnes réponses. Votre tâche sera de reconnaître parmi
les dix-huit mots les neuf premiers de la dernière liste et de les
écrire sur votre bloc- papiers à la page indiquée. Le
temps qui vous est accordé pour écrire les réponses est de
quarante-cinq secondes seulement. A chaque bonne réponse, correspond un
point.
Nous allons d'abord faire deux exercices d'entraînement
pendant lesquels vous allez poser toutes les questions que vous pourrez avoir
et je vais y répondre. Ensuite va venir le moment de l'épreuve
proprement dite. Quand celle-ci aura commencé, vous ne pourrez plus me
poser de questions, vous allez seulement écrire les neuf mots que vous
reconnaîtrez avoir fait partie de la récente liste de neuf
mots.