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De la TICAD III à  la TICAD IV: enjeux et mutations de la politique africaine de coopération du Japon

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par Patrick Roger Mbida
Université de yaoundé II  - Master professionnel 2011
  

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CHAPITRE III : LE JAPON DANS LE PAYSAGE GEOPOLITIQUE AFRICAIN : UNE PUISSANCE D'APPOINT STRATEGIQUE ?

Initialement, la politique africaine du Japon a répondu à plusieurs préoccupations et s'est orientée dans deux directions : d'une part, la « diplomatie des ressources », qui est une constante pour un pays qui en est totalement dépourvu, d'autre part, la « diplomatie de l'aide ». Depuis une vingtaine d'années, le Japon tentant d'apparaître sur la scène internationale comme une puissance globale, il développe l'ambition de jouer un rôle d'acteur majeur. C'est ce qui l'a amené à courtiser l'Afrique afin qu'elle lui apporte son soutien dans le combat qu'il mène en vu de l'élargissement de son aura internationale.

Considérer le Japon dans le paysage géopolitique africain comme une puissance d'appoint stratégique reviendra en premier lieu de rendre compte du cadre historique et mental qui structure les relations nippo africaines (section I) pour aborder en second lieu les ambitions africaines du Japon (section II)

SECTION I : LES CADRES HISTORIQUE ET COGNITIF STRUCTURANTS LES RELATIONS NIPPO-AFRICAINES.

Réfléchir sur les cadres historique et cognitif comme des facteurs structurants des relations nippo-africaines nous amène à s'intéresser sur l'historicité des relations nippo africaines (paragraphe 1) et du Japon dans l'univers cognitif des Africains (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES RELATIONS JAPON -AFRIQUE : ENTRE ANCIENNETE ET EPISODIE.

Ces relations peuvent être abordées à l'aune de deux bornes indicatives : pendant la période précoloniale (a) et de la période coloniale à la guerre froide (b)

a) Pendant la période précoloniale

D'après les sources disponibles, il semblerait que les premiers contacts entre Asiatiques et Africains remontent au Xe siècle avant notre ère, lorsque a débuté le commerce sino-égyptien. Mais ce sont les expéditions maritimes arabes et européennes qui vont servir d'accélérateur à ces échanges intercontinentaux. À l'occasion de ces déplacements d'hommes et de marchandises, les marchands, surtout arabes et portugais, acheminèrent un nombre significatif d'esclaves noirs dans l'Empire du Milieu entre le IVe et le XIVe siècle. Les navigateurs lusitaniens établirent même un centre de distribution d'esclaves à Canton vers l'an 300. À la faveur de ces expéditions maritimes, l'islam commença à se répandre en Chine au VIIe siècle, sous la dynastie Suy. Aujourd'hui encore, les Ouigours constituent une minorité musulmane importante en Chine continentale. Un millénaire plus tard, dans la première moitié du XVIIe  siècle, nombreux furent les esclaves présents au Japon qui s'établirent à Nagasaki112(*).

Mis à part ces premiers contacts indirects et relativement limités, la véritable première rencontre entre Japonais et Africains se fit plus récemment, à la fin de la période Ashikaga (1335-1573). À cette époque-là, la soif d'épices, de soie, de sucre, d'esclaves et d'âmes à convertir avait conduit les Portugais en Extrême-Orient. C'est dans cette région du monde qu'ils côtoyèrent les aventuriers nippons qui y sévissaient, et c'est vers 1510 que les Japonais et les esclaves noirs se rencontrèrent pour la première fois à Goa. Pendant la période Azuchi-Momonyama (1573-1673), les Japonais s'accoutumèrent à voir les Portugais accompagnés de gardes du corps et de serviteurs noirs. Ces derniers suscitaient d'ailleurs à la fois curiosité et admiration de la part des Asiatiques. Toutefois, vers la fin du XVIe siècle, les Japonais manifestèrent leur hostilité envers l'esclavage et, dans les premières décennies de l'ère Edo ou Tokugawa (1603-1867), l'archipel se ferma progressivement aux influences étrangères. Néanmoins, des liens continuèrent à se tisser avec les esclaves noirs présents dans le pays.113(*)

Il fallut attendre la fin du XVIe  siècle pour que les premiers Japonais foulent l'Afrique pour la première fois. Ce fut à l'occasion du voyage en Europe entrepris en 1586 par de jeunes nobles de Kyushu, invités à Rome par de jésuites italiens.

Dans un premier temps, ils firent une escale au Mozambique pendant six mois, puis s'attardèrent au Cap avant de remonter vers leur destination finale. Mais c'est surtout cette colonie qui tissa véritablement des liens durables entre le Japon et le continent noir. Jan Van Riebeek, qui est considéré comme l'un des fondateurs de l'Afrique du Sud, était initialement basé à Nagasaki pour le compte de la Compagnie des Indes néerlandaises durant les années 1647-1648, avant de s'établir au cap de Bonne-Espérance en 1652. En 1860, une mission japonaise de retour des États-Unis fit escale en Angola et sur l'île de Saint-Vincent. En décembre de la même année, trois officiels japonais et leur suite, envoyés en ambassade en Angleterre, effectuèrent une halte de plusieurs jours à Suez. C'est d'ailleurs à cette occasion que les Japonais découvrirent le chemin de fer. À la faveur de l'ère Meiji, en 1868, le Japon s'ouvrit non seulement à l'Europe et à l'Amérique, mais également à l'Afrique. Celle-ci allait passer du statut d'escale obligée à celui de destination à part entière et, malgré l'ouverture du canal de Suez en 1869, nombreux furent les Japonais qui visitèrent des ports comme Mombassa au Kenya, au Cap et à Luanda. C'est à partir de ces points d'appui que, quelques décennies plus tard, les Japonais commencèrent à prospecter le continent, déjà à la recherche de matières premières et de marchés d'exportation114(*).

Force est de constater que, pendant la période précoloniale, les relations entre le Japon et l'Afrique, bien qu'anciennes, furent plutôt faibles et décousues. Le Japon, qui ne prit pas part au dépeçage de l'Afrique, s'y infiltra quand même de façon discrète à la faveur de l'irruption et de l'installation des Européens tant pendant la période coloniale que dans les années qui suivirent.

* 112 M. Aicardi de Saint-Paul (2010), « Japon-Afrique : genèse d'une relation pérenne » in Géostratégiques n°26 1er trimestre, p.186

* 113 Idem

* 114 Ibid, p187

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