ÉPÎTRE DÉDICATOIRE1(*)
Ce modeste effort intellectuel est dédié
à toi ma mère bien aimée Esther Beyene Ondoua
.Puisse ce travail être le témoignage officiel de ma
profonde et mon incommensurable gratitude pour tous les sacrifices que tu as
eus à faire à mon endroit, toi qui a toujours cru aux vertus de
l'éducation et qui me répétais sans cesse
« les racines de l'éducation sont certes amères
mais ses fruits sont doux comme du miel. » Sois en
éternellement remerciée.
REMERCIEMENTS
Au seuil de ce propos, nous voudrions payer tribut à
certaines personnes qui, tout au long de notre parcours jusqu'à
l'enfantement de ce travail, nous ont assisté, guidé et fourni
une aide quelconque.
Tout d'abord, nous voulons exprimer notre profonde gratitude
au Pr Jean-Emmanuel PONDI et au Dr Gabriel EBA
EBE, respectivement superviseur et directeur de ce présent
mémoire. Nous leur remercions pour tous les conseils reçus et
l'esprit de rigueur dont ils ont fait montre et qui nous a guidés tout
au long de ce travail.
Nous remercions également le Dr Jean Joseph
ATANGANA, Ministre Conseiller près de l'ambassade du Cameroun
à Paris qui a été notre premier guide dans la conception
de ce travail et avec qui les échanges fructueux nous ont permis de
murir davantage notre analyse sur le sujet.
Nos remerciements vont aussi aux Messieurs BENGONO
de l'ambassade du Japon à Yaoundé ;
ESSISSIMA, Pr Narcisse ABE,
SOULEYMANOU du Ministère de l'Economie, de la
Programmation et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT) ;
Serge ONDOUA et Mme ONGOLA ONDOUA du
Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP)
pour leur grande disponibilité à échanger avec nous et
dont les informations pertinentes récoltées ont permis de
réaliser ce travail.
A notre famille, particulièrement notre père
Claude Marie ALIMA, dont les paroles encourageantes nous ont
donné la force et la volonté suffisante pour aller plus loin et
toujours faire mieux. A notre oncle et son épouse, M. et Mme
ONDOUA et nos grands frères Valery Hilaire
OTTOU et Etienne Romuald ONDOUA pour leur assistance
significative et la confiance qu'ils ont eu en ce que nous faisions.
A tous nos camarades de promotion Diplomatie 2008,
particulièrement à Claude JABEA BEKOMBO
pour sa disponibilité à lire ce travail à
plusieurs reprises et qui nous a permis de corriger de manière
substantielle ses erreurs de forme.
A Marie - Christelle BENGONO, pour tout le
soutient affectif et la grande tendresse qu'elle n'a sans cesse
manifesté à notre égard et dont l'assistance
psychologique permanente même dans les moments les plus difficiles, nous
a permis de garder le cap.
Et à tous ces amis (es), et bienfaiteurs que nous ne
pouvons citer de façon exhaustive, afin qu'ils trouvent ici le
témoignage de notre estime et de notre profonde reconnaissance.
LISTE DES ACRONYMES
AABF : African Asia Business Forum
AAF: Asia Africa Forum
AATIC: Asia-Africa Conference on Trade and
Investment
AELE: Association Européenne de
Libre-Echange
AICAD: Institut africain pour le
développement de la capacité
AMISOM : Mission de l'Union Africaine
en Somalie
APD : Aide Publique au
Développement
ARI : Initiative pour le Riz Africain
BAD : Banque Africaine de
Développement
CMA : Coalition mondiale pour
l'Afrique
COMIFAC : Commission des Forêts de
l'Afrique Centrale
EPA: Economic Planning Agency
FAAI: Forum Asie Afrique
IDE : investissements directs
étrangers
IFO : International Financial
Operations
JBIC : Japan Bank for International
Cooperation
JICA : Agence japonaise de
coopération internationale
JOCV : Jeunes Volontaires japonais
JSDF : Forces japonaises
d'autodéfense
MITI : ministère de
l'Économie, du Commerce et de l'Industrie
MOFA : ministère japonais des
affaires étrangères
MOF : ministère japonais des
Finances
NEPAD: Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique
NERICA: New Rice for Africa
OCDE : Organisation de
Coopération et le Développement Economique
ODA: Overseas Economic Operations
OIBT : Organisation Internationale des
Bois Tropicaux
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
OMP : Opération de Maintien de la Paix
ONUMOZ : Mission des Nations Unies au
Mozambique
ONUSOM : Mission des Nations Unies en
Somalie
PAY: Plan d'Action de Yokohama
PLD : Parti Libéral
Démocrate
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RECAMP: Renforcement des Capacités
Africaines de Maintien de la Paix
RPC : République Populaire de
Chine
SSI : institutions somaliennes de
sécurité
TICAD: Tokyo International Conference on
African Development
UNAVEM : Mission des Nations Unies pour
la Vérification des Accords de paix en Angola
USAID : Agence Américaine
pour le Développement international
LISTE DES ANNEXES
· Allocution introductive de junichiro KOIZUMI, premier
ministre du japon à l'occasion de la TICAD III tenue à Tokyo le
29 septembre 2003.
· Allocution d'ouverture de la 4eme TICAD du
premier ministre du japon monsieur yasuo FUKUDA le 28 mai 2008 à
Yokohama.
· La déclaration commémorative du
10ème anniversaire de la TICAD.
· La déclaration de Yokohama du 30mai 2008
SOMMAIRE
PROLEGOMENES
1
PREMIERE PARTIE : LE JAPON DANS LA
CONFIGURATION MONDIALE CONTEMPORAINE. 21
CHAPITRE I : LE JAPON DANS :
L'ARCHICTECTURE INTERNATIONALE : UNE PUISSANCE MOYENNE ?
23
SECTION I : LA NOTION DE PUISSANCE
MOYENNE : A LA RECHERCHE D'UN SENS
23
SECTION II : L'ENRACINEMENT DU CONCEPT DE
PUISSANCE MOYENNE DANS LA POLITIQUE ETRANGERE DU JAPON 30
CHAPITRE II :
LE JAPON EN ASIE : UNE PUISSANCE
REGIONALE PARADOXALE ?
....................................................................................................................................................36
SECTION I : LES FACTEURS GEOSTRATEGIQUES ET
HISTORIQUES STRUCTURANTS DE LA POLITIQUE ASIATIQUE DU JAPON 36
SECTION II : APERCU DE LA POLITIQUE DE
COOPERATION ASIATIQUE DU JAPON. 40
CHAPITRE
III :
LE JAPON DANS LE PAYSAGE GEOPOLITIQUE
AFRICAIN : UNE PUISSANCE D'APPOINT STRATEGIQUE ?
49
SECTION I : LES CADRES HISTORIQUE ET COGNITIF
STRUCTURANTS LES RELATIONS NIPPO-AFRICAINES. 49
SECTION II : LES AMBITIONS AFRICAINES DU
JAPON 56
DEUXIEME PARTIE : LE JAPON, LA TICAD
IV ET L'AFRIQUE 64
CHAPITRE IV : LA TICAD IV COMME UNE
NOUVELLE DOCTRINE DANS LA POLITIQUE AFRICAINE DE COOPERATION DU JAPON
66
SECTION I : DE « LA BIO
COOPERATION » SOUS LA TICAD III... 66
SECTION II : ... A LA « BUSINESS
COOPERATION » SOUS LA TICAD IV 71
SECTION III : LA REMANENCE DE LA
« BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD IV 82
CHAPITRE V : LES ENJEUX LIES A
L'ACCELERATION DE LA COOPERATION NIPPO-AFRICAINE PAR LE BIAIS DE LA TICAD
IV 88
SECTION I : LES ENJEUX TRADITIONNELS : LA
CAPITALISATION DES SOUTIENTS AFRICAINS EN VUE DE L'OBTENTION DU SIEGE DE MEMBRE
PERMANENT AU CONSEIL DE SECURITE DES NATIONS UNIES 88
SECTION II : LES « NOUVEAUX
ENJEUX » : CONTRER L'OFFENSIVE DES « PEER
COMPETITORS » ASIATIQUES PRESENTS SUR LE CHAMP AFRICAIN.
92
CHAPITRE VI : LE JAPON ET LE
CAMEROUN : VERS UN PARTENARIAT RENOVE SOUS LA TICAD IV?
97
SECTION I : LE RECHAUFFEMENT DES RELATIONS
DIPLOMATICO-CULTURELLES 97
SECTION II : LES AXES DE COOPERATION
NIPPO-CAMEROUNAIS TANGIBLES 101
CONCLUSION GENERALE
106
REFERENCES
107
ANNEXES.....................................................................................................................112
PROLEGOMENES
I- PRESENTATION DU SUJET
L'année 1989 constitue une période
charnière dans l'élaboration de la politique africaine du Japon.
En effet, elle marque la fin de la «diplomatie duale »
qui a depuis les années 1960 structuré les rapports entre
l'Empire du Soleil - Levant et le continent africain. Diplomatie ayant fait
l'objet de critiques acerbes venant des pays d'Afrique noire du fait non
seulement de son caractère inéquitable, mais beaucoup plus de son
orientation résolument pro apartheid.2(*) C'est pour rompre avec cette politique qui
écornait significativement l'image de marque du Japon au sein de la
majorité des pays africains que le ministère japonais des
affaires étrangères (MOFA), déclarait que cette
année constituait « l'inauguration de sa nouvelle
politique extérieure vis-à-vis de l'Afrique ».Afin
d'assumer pleinement cette annonce, il se réengagea dans un projet
d'aide au développement de l'Afrique, parallèlement à
l'examen d'aspects politiques tels que les problèmes de l'Afrique
australe et à la promotion d'une compréhension mutuelle à
travers des échanges personnels et culturels3(*).
Cependant, dans un contexte international où les
questions africaines étaient devenues marginales dans le système
politico-économique mondial avec la libéralisation
économique et politique de l'après-guerre froide, c'est dans ces
circonstances que le gouvernement japonais par la voix son Premier ministre
de l'époque Toshiki Kaïfu qui, devant la tribune de la
46ème session de Assemblée
Générale des Nations Unies en décembre 1991
déclinait l'intention de son pays, d'organiser une conférence sur
le développement de l'Afrique dans la finalité de forger un
consensus au niveau des partenaires internationaux sur la
nécessité d'agir et de mobiliser des ressources pour ce
continent. Cette déclaration arrivait à point nommé au
moment où l'Assemblée Générale des Nations Unies
avait adopté le Nouvel Ordre du jour des Nations Unies pour le
développement de l'Afrique dans les années 1990. L'année
1993 fut ainsi choisie par le Japon pour organiser une plate forme mondiale
devant inciter l'Afrique et l'Asie à collaborer en vue d'assurer le
développement de l'Afrique. Cette plate forme fut baptisée la
Tokyo International Conference on African Development : TICAD.
Articulé principalement autour du double concept de
« l'appropriation » par l'Afrique de son propre
programme de développement et de l'édification d'un
véritable « partenariat » avec la communauté
internationale dans la mise en oeuvre dudit programme, le
Processus de la TICAD a également joué le rôle de pont
entre l'Asie et l'Afrique tout en servant de mécanisme à
travers lequel les aspects pertinents de l'expérience acquise par
l'Asie en matière de développement peuvent être
appliqués à l'Afrique ; dans le même temps, et à
chaque fois que cela a été convenu d'accord parties, le processus
a pu tirer le meilleur profit de la coopération
triangulaire/trilatérale entre le Japon et des pays africains4(*).
L'initiative TICAD est décrite par le gouvernement
japonais comme le noyau même de la politique africaine du Japon. En
effet, le Livre bleu de la diplomatie 2003, qui est le rapport annuel
officiel du MOFA consacre plus de 85 % de sa partie sur la
politique africaine à la TICAD et indique que, «ces
dernières années, le Japon a renforcé les efforts pour
les problématiques auxquelles est confronté l'Afrique.
Ainsi, le noyau même de ces efforts est le processus TICAD».
Ainsi, d'après la formulation officielle, le gouvernement japonais se
propose d'organiser un forum international, où les pays africains, les
bailleurs de fonds et les organisations internationales discutent des
grandes problématiques de l'Afrique, d'où la co-organisation
par les agences internationales, telles que le Programme des Nations unies pour
le développement (PNUD), les Nations unies (le Bureau du conseiller
spécial pour l'Afrique), la Coalition mondiale pour l'Afrique (CMA) ou
la Banque mondiale5(*).
Néanmoins, derrière le visage
multilatéral de ce grand forum qui est présenté, il n'en
demeure pas moins qu'en réalité, l'on peut s'accorder avec
Obayashi que cette conférence est non seulement organisée par le
Japon, mais également pour le Japon, du moins si on s'en tient seulement
à l'investissement significatif de ce dernier pour la réussite de
cette grande messe. C'est ainsi par exemple, tous les frais liés
à son organisation, des préparatifs au suivi, et même une
grande partie de ceux liés à la participation des pays africains,
sont pris en charge par le gouvernement japonais. De même, l'agenda, le
contenu, ainsi que les documents et déclarations issus de la
conférence sont scrupuleusement étudiés, point par
point, par le gouvernement japonais avant d'être proposés à
d'autres organisateurs et participants6(*).
Conférence quinquennale, cette
« grand-messe » incarne aussi une conception du
développement de l'Afrique qui prend en compte le principe du
partenariat mondial fondé sur l'égalité entre tous les
partenaires. Elle s'est déjà tenue en quatre sessions connues
sous les vocables de TICAD I, TICAD II, TICAD III, et TICAD IV.
La TICAD I
La première TICAD s'est tenue en octobre 1993.
Près de 1000 participants issus de 48 pays africains, de 13 pays
donateurs, de 10 organisations et plus de 45 pays et organismes venus en
qualité d'observateur ont assisté à la
conférence7(*). La
conférence s'est penchée sur des thèmes tels que la
réforme politique et économique, le développement du
secteur privé, l'intégration et la coopération
régionale, l'expérience de l'Asie au service du
développement de l'Afrique, ainsi que la coopération
internationale. Le Premier ministre japonais, Moriteru Hosokawa a
annoncé l'intention du Japon d'offrir son soutien à la
démocratisation en Afrique et à l'ajustement structurel, à
la coopération en matière de formation en priorité, ainsi
qu'à l'exercice d'une aide efficace8(*). Les participants ont adopté la
« déclaration de Tokyo sur le développement de
l'Afrique », prônant une coopération dynamique qui
servirait de base aux nouvelles orientations de l'ONU pour le
développement du continent dans les années 1990. Les trois points
essentiels de la déclaration de Tokyo ont concerné la
critique de la dépendance excessive de l'Afrique par rapport à
l'Aide Publique au Développement (APD), un encouragement à
l'appropriation par les pays africains de leur démocratisation et de
leur bonne gouvernance, ainsi qu'une proposition d'organiser dans le cadre de
la coopération Sud -Sud, un séminaire Asie-Afrique9(*). C'est ainsi que le premier
forum Asie-Afrique (FAAI) s'est tenu en Indonésie en 1994 et a
identifié les secteurs spécifiques où l'expérience
asiatique serait utile. Le second a eu lieu en Thaïlande en 1997 dont
l'objet a été d'évaluer les progrès
effectués depuis le FAAI et de préparer les bases de la TICAD II.
La TICAD II
La deuxième TICAD a été organisée
du 19 au 21 octobre 1998. Ainsi, ont participé 80 nations y compris 51
pays d'Afrique, 10 pays10(*) d'Asie et 16 pays donateurs ainsi que 40
organisations internationales, 13 chefs d'Etat et de gouvernement y ont
assisté ainsi que des représentants du secteur privé et
des ONG. Un progrès depuis la TICAD I a été
observé, celui du cadre des réformes économiques et
politiques destinées à promouvoir les principes
démocratiques ainsi que des activités commerciales
orientées vers le marché. La conférence a dû
également se pencher sur les problèmes de paupérisation
croissante ainsi que sur les problèmes de gouvernance qui continuent
d'entraver le développement de l'Afrique. Les
délibérations de la TICAD II étayées par de vastes
consultations lors des réunions préparatoires ont culminé
avec le « plan d'action de Tokyo »,
évoqué supra. Le Premier ministre japonais Keizo Obushi
a saisi cette occasion pour annoncer que son gouvernement envisage d'accorder
une somme d'environ 90 milliards de yens (près de 450 milliards de FCFA)
au cours des cinq années suivantes, répartie entre les domaines
de l'éducation, de la santé, de la médecine et de l'eau.
L'agenda politique a occupé une place centrale dans la TICAD II que lors
de la première. En marge de celle-ci, le Japon a organisé 14
rencontres bilatérales entre le Premier ministre nippon et les chefs
d'Etat africains, et 15 autres entre le ministre japonais des affaires
étrangères et ses homologues africains11(*).
La TICAD III
La troisième TICAD a eu lieu du 29 septembre au
1er octobre 2003. Des délégués de 89 pays, dont
50 pays africains et 47 organismes internationaux, ainsi que des organisations
civiles, y ont participé. Elle a eu pour ordre du jour la question d'un
soutien unifié au NEPAD, lequel incarne l'appropriation par l'Afrique du
processus de développement, et a envisagé l'expansion du
partenariat mondial pour le développement de ce continent en
encourageant la coopération Asie-Afrique. Une attention
particulière a été accordée à la
sécurité des personnes et à la consolidation de la paix
pour les peuples africains. En dépit de l'annonce faite par le premier
ministre japonais Junichori Koïzumi, dans son allocution d'ouverture d'un
objectif d'aide japonaise à l'Afrique d'un montant total de 1 milliard
de dollars US (sous formes de dons) pour les cinq années à venir
dans les domaines de la santé , des soins médicaux et de la
fameuse « déclaration commémorative du
10ème anniversaire de la TICAD »12(*), la TICAD III ne
« comportera aucune nouveauté de fond, ni même l'annonce
d'une augmentation de l'APD en direction de l'Afrique ». En revanche,
l'agenda politique a occupé une place toujours aussi centrale. Le Japon
a organisé 23 entretiens bilatéraux entre le Premier ministre
japonais et les chefs d'Etat africains, qui avaient pour objectifs la
consolidation de la paix en Afrique, point crucial du discours du
président de la conférence de la TICAD III13(*)
La TICAD IV
La quatrième Conférence
internationale de Tokyo sur le développement de
l'Afrique (TICAD IV), s'est tenue quant à elle
à Yokohama du 28 au 30 mai 2008 pour marquer le quinzième
anniversaire de l'initiative nippone. Sous la présidence du premier
ministre japonais Yasuo Fukuda, elle a rassemblé 51 pays
africains, 74 organisations internationales et régionales,
le secteur privé, des organisations issues de la société
civile et des personnalités éminentes, qui ont contribué
aux débats14(*).
Organisée sous le thème « Vers une Afrique qui gagne
: un continent d'espoir et d'opportunités », la TICAD IV
s'est fixée les trois priorités suivantes :
· Encourager la croissance économique ;
· Assurer la « sécurité humaine
», y compris la réalisation des Objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD), la consolidation de la paix et la
démocratisation ; et
· Traiter des questions de l'environnement et du
changement climatique15(*).
Les résultats de la TICAD IV devaient nourrir les
travaux du Sommet du G-8 de Hokkaido Toyako qui s'est déroulé du
7 au 9 juillet 2008. Trois documents piliers ont été
adoptés, à l'issue de cette Conférence internationale,
à savoir, « La Déclaration de
Yokohama », « Le Plan d'action de
Yokohama », « Le mécanisme du suivi de la
Ticad ». Le premier confirme l'engagement politique du Japon et
d'autres partenaires en faveur du développement de l'Afrique. Le
deuxième définit les mesures à mettre en oeuvre au cours
des cinq prochaines années. Et le 3ème document, pour
en surveiller la mise en oeuvre et en évaluer les impacts.
Cependant, une lecture attentive de l'évaluation
critique qui est faite au processus de la Ticad I à III qui, non
seulement « manque d'originalité des discussions
contrairement à d'autres réunions internationales. En effet,
la plupart d'entre elles se limitent à la reprise des débats et
des thèmes déjà abordés dans d'autres instances
internationales, et sans valeur ajoutée. » Mais bien
plus, la Ticad I à III semble se résumer à un
simple « instrument de visibilité pour une meilleure
présence diplomatique en Afrique et dans le monde. »
N'étant pas dans sons orientation jusqu'ici destiné à
renforcer ou concrétiser son engagement au développement
africain16(*). S'agissant
de la Ticad III, reproche lui est fait d'avoir un manque d'intérêt
de la part des autorités japonaises. En effet, sur le site Internet du
MOFA, une page est consacrée à «TICAD III - descriptif et
évaluation». Elle se limite principalement à
énumérer les participants (le nombre de chefs d'Etat, les
personnalités) et à résumer l'accueil que la TICAD a
reçu de l'ensemble de ces participants ; la substance n'est
évoquée que de façon partielle. Ceci est significatif du
rôle que le gouvernement japonais accorde à ce processus, qui est
avant tout une vitrine diplomatique17(*).
Mais également, lorsqu'on observe toute la
frénésie qui a entouré la préparation de la Ticad
IV, aussi bien dans le cadre de la production scientifique18(*) que sur le plan des
déclarations des autorités officielles nippones19(*) De même, de toute
l'effervescence mobilisatrice qu'elle a connue20(*). La convergence de tous ces indicateurs laissent
entrevoir il nous semble, par le biais de la TICAD IV, qu'une certaine
configuration nouvelle de la politique africaine de coopération du Japon
tendrait ainsi à prendre forme21(*).
II- L'INTERET DU
SUJET
Le présent effort intellectuel en gestation
présente à nos yeux un double intérêt : un
intérêt heuristique (a) et un intérêt pratique
(b).
a) l'intérêt
heuristique
Une lecture attentive de la scène internationale fait
ressortir qu'elle est « habitée de stratégies
multiples d'Etats qui s'affaiblissent, résistent ou prospèrent en
jouant sur des registres variés, mêlant et bricolant des
partitions, passant tour à tour dans la force et la faiblesse des
compromis puissants ou boiteux »22(*). Longtemps dominée par les puissances
occidentales, la sphère de la coopération,
particulièrement avec l'Afrique subit aujourd'hui des mutations car elle
voit l'irruption en son sein des pays dits
« émergents »23(*). Tous ces pays viennent ainsi concurrencer
sérieusement les pays occidentaux en matière d'offre de
développement à l'Afrique. Face aux multiples critiques qui ont
été adressées au modèle occidental de
coopération qui est jugé inéquitable, infructueux,
vicié...24(*)Le
modèle asiatique en revanche, jugé juste et équitable,
le continent africain tend à devenir un vaste champ de
déploiement des puissances asiatiques qui trouvent un écho
favorable à leurs offres de développement. Le Japon
n'échappe donc pas à cette tendance. Que le Japon entende
élargir sa zone d'influence en prenant appui sur le continent africain,
confirme que l'étendue du changement de politique
étrangère dépend de l'intensité du changement de la
configuration de puissance à l'échelle internationale ; mais
aussi que l'orientation de ce changement de politique étrangère
dépend du processus interne. Ce revirement d'attitude met en
lumière les motivations et indicateurs essentiels qui déterminent
les tendances générales de la politique étrangère
nippone, en soulignant ce que le Pr Luc Sindjoun appelle «
l'articulation entre l'interne et l'international »25(*).
Aussi, dans le cadre de notre thématique, les
observateurs que nous sommes, au rythme même de l'évolution des
sociétés et de l'état du monde, nous sommes contraints de
revenir sur des questions inhérentes à la politique
étrangère, la coopération, l'interdépendance, la
diplomatie ou la puissance, auxquelles sont soumises notre
intelligibilité26(*). Ceci est d'autant plus pertinent que pour certains
auteurs à l'instar de Zaki Laidi27(*), la temporalité politique de l'Empire du
Soleil-Levant « redonne vie à des grilles de lecture
classiques du système international ». Le Japon qui
apparaît aujourd'hui, dans le paysage géopolitique africain comme
« une puissance d'appoint stratégique »
suivant la formule consacrée par Joseph Vincent Ntuda Ebode28(*), constitue à notre avis
une piste de recherche intéressante.
b) l'intérêt
pratique
Décrypter la doctrine africaine du Japon par le biais
de la TICAD permet d'espérer une prise de conscience stratégique,
un véritable sursaut qui inspirerait aux africains en
général et aux camerounais en particulier assez d'humilité
et beaucoup de détermination pour s'inscrire à l'école
japonaise. Tout au moins dans ce qu'elle compte de matières de
base : discipline, culte du travail, fierté nationale. Car,
« C'est par la métamorphose intellectuelle que l'esprit
japonais, contraint à la re-création, s'est trouvé
à son tour à l'origine d'une réaction en chaîne de
cette matière inépuisable : l'intelligence
humaine »29(*). Pour le continent noir, regarder du
côté du pacifique devient un impératif s'il est
résolu à accomplir le changement d'un pas ferme, sûr et
prompt. En plus, de son expérience fort utile, l'Extrême- Orient
avec le Japon et la Chine constitue aujourd'hui la zone la plus dynamique de la
planète du XXI ième siècle, le
plus important pôle de modernité et foyer de la
civilisation, réalisant ainsi la prédiction
d'Elenga-Ngaporo30(*). Le
continent se doit de capter au maximum les opportunités multiples qui
lui sont offertes par le Japon à travers la TICAD, en termes d'offre de
développement qui, depuis l'organisation de sa quatrième
édition, celle-ci semble avoir pris une nouvelle dimension et semble
connaître une certaine accélération par rapport aux
éditions précédentes.
III-DEBLAYAGE CONCEPTUEL
Pour Madeleine Grawitz « le chercheur prudent
indiquera la définition adoptée pour les concepts à
utiliser 31(*)». Et comme soutenait le précepteur
d'Alexandre Legrand, au nom d'Aristote ; « si les hommes
prenaient la peine de s'entendre au préalable sur les mots qu'ils
allaient utiliser, il y aurait moins de problèmes dans le monde
»32(*).
C'est donc dans le souci du respect de ces recommandations cardinales que dans
le cadre de notre travail, des concepts clés retiendront notre
attention à savoir : la coopération, la politique
étrangère, et le développement.
1) La Coopération
Le Lexique de politique définit la
coopération comme « une politique
d'entente, d'échange et de mise en commun des activités
culturelles, économiques, politiques et scientifiques entre Etats de
niveau de développement comparable...ou politique d'entente et d'aide
entre Etats de niveau de développement
inégaux »33(*). Une définition qui nous semble peu
adaptée au contexte actuel des relations internationales. La
présente analyse met bien en évidence plusieurs Etats de niveau
de développement inégaux. Mais, est-ce suffisant pour
réduire leur coopération à l'aide, à l'assistance,
ou à la charité ? Le second pan de la définition
suscitée présente la coopération comme « ...une
politique d'entente et d'aide entre Etats de niveau de développement
inégaux ». Or il est d'usage dans le jargon international que
l'on ne parle d'aide que lorsqu'elle circule des pays riches vers les pays
pauvres. C'est dire suivant l'esprit de cette définition, qu'entre pays
riches et pays pauvres, la coopération se réduit aux actes de
bonne volonté, de bienfaisance et de charité. Prendre cette
définition telle quelle, c'est assurément infirmer cette
pensée de George Washington selon laquelle « aucune nation ne
doit être crue au-delà de son intérêt ».
Comment comprendre cette conception alors qu' Henry Kissinger déclare
sans ambages que : « la coopération n'est pas une
faveur qu'un pays concède à un autre ... [Mais qu'elle] sert les
intérêts des deux parties »?34(*) Et que dire de cette maxime
qui a résumé la politique clintoniènne de
coopération : « Trade not aid », ou de
cette pensée du Général De Gaulle devenue populaire :
entre Etats, il n'y a pas d'ami, mais seulement des intérêts ?
De plus, on se rend compte que dans le
passé, le terme coopération a souvent été
utilisé comme euphémisme à la place de celui d'aide, pour
des raisons psychologiques ou politiques. De ce fait, les Nations Unies ont
recommandé dès 1959, de substituer le mot coopération
à celui d'aide en ce qui concerne l'assistance technique ;
l'étendue de la réciprocité et la portée
synallagmatique des dispositions de celle-ci variant évidemment, en
fonction du niveau de développement des Etats souverains en
présence35(*).
2) La politique étrangère
Deux principales tendances existent dans la conception
doctrinale des études portant sur la politique étrangère.
Il s'agit de la tendance étatiste et celle dite post-
étatiste. La première est portée par des
auteurs tels que Charillon, Stein, Rosenau, Zorgbibe...
En effet, selon Frédéric Charillon36(*), la politique
étrangère est l'instrument par lequel l'Etat tente de
façonner son environnement politique international. Janice
Stein37(*) la
définit comme un ensemble de comportements qui traduisent les
préoccupations de l'Etat. Plus précis, James Rosenau parle
à ce propos, d'une « ligne d'action que les responsables
officiels d'une société nationale suivent pour présenter
ou modifier une situation dans le système international afin qu'elle
soit compatible avec les objectifs définis par eux-mêmes ou leurs
prédécesseurs »38(*). Pour d'autres, à l'instar de Charles
Zorgbibe, la politique étrangère correspond soit
« aux principes qui orientent l'action des gouvernements dans
certaines circonstances telles que les doctrines Stimson ou
Monroe », soit « aux engagements pris et garantis par
les traités » soit encore « à l'ensemble
des actions et des décisions exécutées chaque jour par une
organisation bureaucratique »39(*). Au même titre qu'une politique
énergétique ou une politique sanitaire, la politique
étrangère peut être comprise comme une politique publique,
c'est-à-dire une politique mise en oeuvre par les services
étatiques avec des moyens précis dans le but d'atteindre des
objectifs bien définis. Mais il s'agit d'une politique publique
très particulière car, son rayon d'action dépasse par
définition le territoire national. Elle consiste souvent à
réagir ou à s'adapter à des événements
externes sur lesquels les décideurs n'ont aucune prise. Souvent
considérée comme la gardienne des intérêts à
long terme d'un Etat, ladite politique publique subit d'importantes
transformations permanentes.
C'est à ce niveau qu'intervient la seconde tendance,
qui soutient que la politique étrangère n'est plus seulement une
affaire de relations entre des gouvernements ou encore un instrument
administratif docile d'une machine d'Etat à la poursuite d'un
intérêt national clair. Ainsi, comme l'indique Dario
Battistella40(*); elle
« se limite de moins en moins à la seule partie de
l'activité étatique dirigée vers le dehors, étant
donné l'existence de politiques étrangères privées
des entreprises multinationales ou des organisations non gouvernementales, de
diplomaties infra-étatiques des collectivités locales, voire de
politiques extérieures potentiellement post-souveraines comme la PESC de
l'Union Européenne. »41(*) Elle a même aujourd'hui parmi ses
priorités grandissantes, deux dimensions. La dimension économique
et commerciale d'abord, dont on peut avoir l'impression qu'elle triomphe depuis
la fin de la Guerre Froide par le truchement entre autres de l'aide aux
exportations ou bien la gestion de la dette. La dimension
« règlement de conflit », qui vient ensuite mettre
en mouvement les diplomaties les plus importantes et rappeler par là
même aux décideurs que la force compte toujours, que la puissance
n'est pas seulement « souple », pour reprendre le
qualificatif de Joseph Nye.
En fin de compte, nous retenons avec Marie Claude
Smouts42(*) que la
politique étrangère se trouve au point d'intersection du
système inter- étatique et du monde proliférant et
hétéroclite des acteurs privés. Cette nouvelle dimension
la rend plus complexe et la banalise, d'autant que la mondialisation conduit
à l'internationalisation de la quasi-totalité des questions et
renforce les liens entre politique intérieure et extérieure.
3) Le développement
Le développement est un concept polysémique qui
désigne sommairement « un accroissement dans le revenu
total et le revenu moyen par tête diffusé largement parmi les
groupes professionnels et sociaux qui dure au moins deux
générations et devient cumulatif43(*)». Cette conception qui
est sans rappeler la vision d'Adam Smith, et qui déborde largement la
dimension économique, se retrouve confirmée sous la plume
d'Austruy pour qui, « Le développement est un mouvement qui
bouleverse fondamentalement une société pour permettre
l'apparition, la poursuite et l'orientation de la croissance économique
vers une signification humaine44(*) »
C'est la même vision soutenue par Valentin Nga Ndongo
pour qui, le développement peut se concevoir comme « un
processus dynamique de changement de l'environnement, naturel ou
sociétal, en vue de la transformation de l'humaine
condition »45(*).
Suivant la catégorisation du sociologue camerounais,
trois dimensions principales et entrelacées se rattachent au
développement, à savoir : les dimensions quantitative,
qualitative et compétitive46(*). La première est la plus visible et se traduit
par l'acquisition et l'accumulation d'une certaine quantité de biens ou
par la réalisation d'un certain nombre de performances
économiques ou sociales statistiquement mesurables (PIB, PNB...).
La deuxième quant à elle, intègre la
dimension culturelle, voire spirituelle du phénomène. En effet,
l'homme est ici au centre de tout : il est en quelque sorte l'alpha et
l'oméga du développement. Le processus de celui-ci doit viser
son plein accomplissement, à son éducation, à
l'éclosion de ses potentialités. De ce fait, l'aspect qualitatif
n'est pas réalisable si les hommes qui en ont la responsabilité
et qui en sont les acteurs et les bénéficiaires ne sont pas
animés d'un esprit, d'une mentalité, d'une idéologie, bref
d'une culture du développement.
La dernière dimension, s'illustre de plus en plus dans
le nouveau contexte mondialisé et qui est marqué par une
compétitivité sans précédent, où la survie
est fonction des capacités d'adaptation et d'amélioration
constante des performances individuelles et/ou collectives. Etre
développé, devient également synonyme d'est être
à l'abri d'une domination extérieure. Se développer, c'est
agir pour sa libération et son émancipation. Cette dimension est
d'autant plus pertinente que comme le fait remarquer opportunément le Pr
Maurice Kamto : « Il n'y a pas de dignité pour les Nations
Pauvres ; par suite il ne peut y avoir de respect pour
elles»47(*).
IV- REVUE DE LA
LITTERATURE
Sur le plan de la production intellectuelle, le constat a
été fait qu'il existe encore peu d'études qui
s'intéressent particulièrement au processus de la TICAD.
Quelques unes peuvent ainsi recensées. Il s'agit des travaux de Obayashi
; Ohara ; Aicardi de st Paul ; Kita. A coté de ses travaux
figurent d'autres pour lesquels la Ticad constitue un aspect de leur
réflexion ; parmi lesquels on peut citer ceux de Kamo ; Alima
Zoa ; Osagawa.
D'une analyse systématique de ces travaux se
dégagent deux lignes de faille. D'un coté les
« hérauts » de la Ticad ; de l'autre
coté, se situent les critiques du processus.
Dans la première catégorie, se situent des
auteurs tels que Kita ; Osagawa ; Kamo ; Alima zoa.
Shozo Kamo en 2004, dans un article intitulé "De
l'engagement économique à l'engagement politique africain du
Japon " tente de ressortir le glissement de la politique africaine du
Japon qui s'est opéré à partir de 2003 avec de la Ticad
III. En effet, si selon l'auteur, depuis les années 1980, le Japon
était résolument engagé dans le champ économique
(à travers une augmentation substantielle et en croissance continue de
son APD allouée au continent africain et la mise sur pied d'une plate
forme de coopération qu'étaient les Ticad I et II dont les
thèmes portent essentiellement sur la réduction de la
pauvreté en Afrique), force est de reconnaître qu'avec la
récession qui a frappé l'économie japonaise au milieu des
années 1990 avec comme incidence une diminution drastique de son APD,
le Japon s'est résolu à réorienter sa politique africaine
en investissant progressivement le champ politique. C'est dans cette logique
que va donc se situer l'organisation de la TICAD III par le Japon au cours de
laquelle l'agenda politique occupa une place centrale. En effet la question de
la consolidation de la paix fut selon Kamo le point crucial du discours du
président de la conférence de la Ticad III. Cette nouvelle
orientation de la politique africaine du Japon par le biais de la TICAD III, a
contribué selon l'auteur, à lui donner une dimension encore plus
réfléchie.
S'agissant de Minoru Osagawa , dans un article ayant pour
titre ; « la coopération japonaise à
l'égard de l'Afrique : vers un développement de la
coopération Asie-Afrique » paru en 2004, l'auteur soutient que
la promotion de la coopération Asie- Afrique constitue aujourd'hui une
des spécificités et une composante essentielle de la
coopération japonaise en Afrique. C'est dans cette logique que la TICAD
va s'imposer selon l'auteur comme le cadre par excellence à travers
lequel le Japon va concrétiser cette coopération Asie-Afrique.
Celle-ci peut donc se vérifier par une coopération technique
relevée à travers la mise sur pied d'un ensemble de projets
porteurs en vue de réduire la pauvreté et améliorer les
conditions socio économiques en Afrique à l'instar de l'Institut
africain pour le développement de la capacité (AICAD)
établi au Kenya. Celui-ci a constitué un des fleurons de la TICAD
II. Mais également, l'organisation des fora économiques durant
les Ticad aura permis au Japon avec ses partenaires asiatiques de promouvoir
des échanges et des investissements entre l'Asie et l'Afrique. Les plus
emblématiques de celles-ci sont sans doute l'Asia Africa Forum
(AAF) et Asia-Africa Conference on Trade and Investment (AATIC) de la
TICAD.
Alima Zoa Serge Christian en 2008, dans son mémoire
intitulé « Les clés de l'offensive politico
diplomatique du Japon en direction de l'Afrique et du Cameroun depuis
1991 », essaye de décrypter les fondements et de rendre compte
des manifestations de l'offensive nippone en Afrique. Il y voit ainsi dans la
Ticad « une technologie de consolidation de la Doctrine africaine
du Japon ». En effet, selon ce dernier, la Ticad peut
être considéré comme un modèle
d'« Affectio sociatis » en ceci qu'elle s'est
imposée au fil des années comme cette grande messe de la
coopération Japonaise avec le continent noir et par des actions
opérationnelles qu'elle a déjà mises à son actif.
Julien Kita dans un article paru en 2008 et intitulé
; « La 4ème TICAD : accélération
de la coopération Japon Afrique » essaye dans une approche
prospective, à décrypter les nouvelles tendances qu'apporte la
4ème Ticad dans la politique africaine du Japon. Il ressort
ici qu'au regard de la forte mobilisation jamais connue en pareille
édition et des engagements forts qui y ont été pris par le
gouvernement japonais au cours de celle-ci, tout laisse accroire que cette
4ème édition augure un renforcement des liens entre
le Japon et l'Afrique et une véritable reprise cette initiative par le
gouvernement japonais.
Pour ce qui est des critiques du processus, des auteurs
à l'instar d'Ohara et Obayashi pensent que son emprise effective est
beaucoup plus limitée, se bornant à n'être qu'un instrument
de visibilité diplomatique plutôt mineur en matière de
développement.
Pour Jenko Ohara en 2003, dans un article ayant pour
titre ; "Le rôle de la Ticad pour le développement de
l'Afrique » la TICAD n'est pas destinée à renforcer ou
à concrétiser son engagement du développement africain,
mais constitue, un instrument de visibilité pour une meilleure
présence diplomatique en Afrique et dans le monde. Sans doute,
l'évolution décroissante de la part de l'Afrique dans l'APD
japonaise, est un indicateur non négligeable de l'impact du processus de
la TICAD, qui peut permettre de vérifier cette hypothèse. En
plus, d'après ce dernier, cette initiative manque de réalisations
concrètes.
C'est quasiment la même thèse défendue par
Minoru Obayashi qui en 2004, dans un article ; « Ticad, un
processus favorable pour le développement de
l'Afrique ? » pense que son influence reste faible, elle n'a
contribué ni à l'augmentation du budget de coopération
vers l'Afrique, ni à l'adaptation du système de
coopération japonaise aux réalités africaines. Mais bien
au contraire, la Ticad I à III semble se résumer à un
simple « instrument de visibilité pour une meilleure
présence diplomatique en Afrique et dans le monde. »
N'étant donc pas dans son orientation jusqu'ici destiné à
renforcer ou concrétiser son engagement au développement
africain. Elle « manque d'originalité des
discussions contrairement à d'autres réunions
internationales. La plupart d'entre elles se limitent à la reprise des
débats et des thèmes déjà abordés dans
d'autres instances internationales, et sans valeur
ajoutée ».
Si l'on peut reconnaître une pertinence
indéniable à ces différents travaux dans
l'élucidation du processus de la TICAD en ce qu'ils ressortent de
manière claire le processus en ses différentes étapes, ses
grandes lignes conductrices, des projets qui y ont été
menés... Bref, la place centrale que celle-ci occupe dans le dispositif
de la politique africaine de coopération du Japon.
Néanmoins, aucune de ces réflexions, n'examine
en aucun cas le volet de la réception locale de l'offre de
développement apportée par la Ticad. Leurs analyses sont
structurées fondamentalement par une vision du
« haut ». Or, la présente réflexion se veut
être au carrefour du regard entre le « haut » et le
« bas », qui non seulement va décrypter la
pensée japonaise dans son offre de développement
vis-à-vis de l'Afrique, mais également d'analyser la
réception locale qui en est faite.
V-PROBLEMATIQUE
L'organisation de la TICAD IV à Yokohama du 28 au 30
Mai 2008, au regard de sa forte capacité mobilisatrice jamais connue
antérieurement pour pareille circonstance et au regard des
résolutions qui ont été prises nous amène à
se poser un certain nombre de questions concernant l'orientation de la
politique africaine de coopération du japon. Parmi celles ci on peut se
poser les suivantes :
· la TICADIV augure t-elle une nouvelle orientation de
la politique africaine de coopération du Japon, comparativement
à la TICAD III? si oui, dans quelle mesure et pour quelle
finalité ?
VI-HYPOTHESES DE
RECHERCHE
En guise de réponses provisoires et révisables
que l'on peut apporter aux questions sus évoquées, nous pouvons
dire que la TICAD IV, comparativement à la TICAD III semble augurer une
nouvelle ère dans l'offre au développement du Japon à
l'égard de l'Afrique. Ceci, dans la mesure où une lecture
attentive des résolutions qui ont été prises à
l'issue de cette quatrième conférence semble opérer une
certaine rupture dans la philosophie même qui a sous-tendu jusqu'alors
la politique africaine de coopération du Japon à travers la
Ticad. En effet, depuis la TICAD IV, le Japon semble être passé
d'une coopération sociale à un business
cooperation. En d'autres termes, avec la TICAD IV, l'Afrique cesse de
devenir un simple assisté, mais doit aussi devenir un véritable
partenaire d'affaire du Japon.
Cette nouvelle orientation de sa politique de
coopération vis-à-vis de l'Afrique, en termes d'offre de
développement semble s'inscrire dans cette volonté du Japon
à vouloir non seulement capitaliser l'appui de l'Afrique dans son combat
à obtenir un siège de membre permanent au Conseil de
Sécurité des Nations Unies (CS/NU), mais aussi de contrer la
poussée hégémonique de son rival millénaire qu'est
la Chine, mais aussi de l'Inde qui sont en train d'investir de manière
irrésistible le continent africain à travers des investissements
titanesques qu'elles ont entrepris ces dernières années ici.
Cette nouvelle orientation de l'offre de développement du Japon en
Afrique semble donc, au regard de ce qui précède, rester
fidèle à la philosophie de base qui est au fondement de sa
politique étrangère qui est généralement
qualifiée de « réactive » et
« proactive »48(*). Mais aussi, cette mutation de la politique
japonaise de coopération au développement vis-à-vis de
l'Afrique semble s'inscrire en même temps dans cette intention du Japon
de vouloir s'affirmer en tant que partenaire fiable de premier rang de
l'Afrique avec qui, il compte capitaliser son soutient massif en vue
d'élargir son aura international.
VII -CADRE THEORIQUE
D'ANALYSE
Notre étude s'investit dans le champ de l'analyse de la
politique étrangère, plus connue sous l'expression anglo-saxonne
de Foreign Policy Analysis (FPA). James Rosenau est sans doute avec
Charles Kegley et Charles Hermann, l'un de ceux qui ont le plus
contribué à lui donner corps dans le champ scientifique. Ces
derniers comme Alexander George et Gordon Craig, décryptent la
politique étrangère en tant que diplomatie ou art de gouverner
(Statecraft)49(*). Pour appréhender globalement la
stratégie nippone de conquête de l'espace international et
africain en particulier, il nous a semblé judicieux de convoquer comme
paradigmes, le réalisme et l'analyse stratégique dont nous
évoquerons les postulats, la pertinence des thèses pour
justifier notre choix théorique.
S'agissant du réalisme, la littérature courante
fait monter ses racines à l'antiquité. Il prend une emphase avec
Hobbes au XVIIIème siècle qui s'intéresse
à la dimension conflictuelle des phénomènes internationaux
et de l'anarchie, caractéristiques de la société
internationale. Selon l'école réaliste, dont les hérauts
ont pour nom Nicholas Machiavel, Hans Morgenthau et Raymond Aron, les
phénomènes internationaux se fondent sur la réalité
telle qu'elle existe et non sur un quelconque idéal. Ces auteurs ont
toujours préféré la lucidité et
développé une vision cynique ou pessimiste des rapports humains.
Les Etats sont à la recherche permanente de leurs intérêts
qu'ils réalisent en termes de puissance50(*). Ils sont considérés comme les seuls
acteurs rationnels et leurs décisions de politique
étrangère correspondent au rapport coûts /
bénéfices le plus satisfaisant.
S'appuyant sur une tradition bodinienne et hobbesienne, Henry
Kissinger observe la scène internationale comme un théâtre
de quête de puissance, d'équilibre et de poursuite
d'intérêts. « C'est cette puissance comparée
à celle des autres, qui permet ou non d'affirmer ses prérogatives
dans un monde marqué par l'omniprésence du rapport de
force »51(*). En évoquant cette perspective, nous
devons garder à l'esprit que l'interprétation réaliste des
relations internationales participe en réalité d'un processus
commun : celui qui est né avec la paix de Westphalie de 1648 et qui
a établi un ordre politique plus tard qualifié d'ordre
étatique international. On peut donc convenir à la lumière
de ses relations internationales que, le Japon entend à vouloir
s'affirmer de plus en plus comme un acteur dont la voix compte parmi les
puissances. Son poids économique, sa contribution de premier plan aux
projets de développement par le biais de la TICAD, ainsi qu'aux missions
de paix onusiennes doivent participer à matérialiser cette
volonté d'affirmation. Dans ce sens, « la mesure de
la puissance est fondée sur la prise en considération des
ressources de divers ordres qui permettent à un Etat d'avoir des
chances sérieuses de faire triompher sa volonté ou alors qui lui
confèrent une position de suprématie sur l'échiquier
géopolitique »52(*).
Quant à la seconde, elle a été
développée principalement par Michel Crozier et Erhard
Friedberg53(*). C'est un
modèle d'analyse organisationnelle qui s'articule autour de la
compréhension des relations entre acteurs interdépendants. La
conceptualisation de l'action collective se fait à travers l'analyse des
systèmes d'action concrète (SAC). Un système d'action
concret étant appréhendé ici comme un ensemble de jeux
structurés entre des acteurs interdépendants, dont les
intérêts peuvent être divergents voire contradictoires. Un
système quant à lui sera entendu comme « un ensemble
interdépendant », l'interdépendance des parties
constituant la définition de base d'un système. Tout acteur
s'intégrant dans une action collective entretient des relations
privilégiées avec certains interlocuteurs que l'on appelle
relais. À l'intérieur d'un système d'action concret les
acteurs participent à des jeux dirigés par certains objectifs
plus spécifiques. Dans le cadre du SAC, les jeux sont plus ou moins
intégrés et articulés les uns aux autres. Cependant, Tous
les acteurs ne participent pas forcément aux différents jeux.
Dans le SAC les processus d'interaction sont
régulés par des règles du jeu, grâce auxquelles les
acteurs «règlent et gèrent leurs dépendances
mutuelles». Les règles peuvent être définies à
partir de la structure formelle de l'organisation mais aussi par les pratiques
informelles des acteurs. Les règles sont une indication de l'existence
de relations de pouvoir entre plusieurs acteurs. Les règles constituent
pour Crozier et Friedberg autant des contraintes que des zones d'incertitudes
d'où les acteurs tirent une marge de manoeuvre. L'utilisation qui est
faite des règles fait partie de l'ensemble des stratégies que les
différents acteurs utilisent pour atteindre leurs fins. D'après
ces deux auteurs, toute structure d'action collective se constitue comme un
système de pouvoir. Le pouvoir sera entendu ici selon les termes de
Friedberg comme étant «la capacité d'un acteur à
structurer des processus d'échange plus ou moins durables en sa faveur,
en exploitant les contraintes et opportunités de la situation pour
imposer les termes de l'échanges favorables à ses
intérêts»
Appliqué à notre objet, à travers les
concept de « stratégie » et de
« pouvoir », l'étude entend analyser la pro
activité de l'Empire du Soleil Levant comme tactique qui consiste
à se servir de ses relations avec le continent noir par le biais de la
TICAD pour signaler au monde les orientations de sa politique
étrangère qui a pour ambition d'être globale. Mais aussi,
il s'agira d'appréhender la TICAD comme un processus porteur d'enjeux
et façonné par l'imbrication du jeux des acteurs
« rationnels » (japonais et africain) dans un environnement
international fortement inhibé par des rapports de force. Egalement,
dans un contexte dominé par la diversification de partenaires au
développement, ces concept nous permettront de mieux articuler
l'attitude des pays africains en général et du Cameroun en
particulier dans son orientation d'une meilleure captation des
opportunités qui lui sont offertes par le Japon à travers la
TICAD IV en vue d'en tirer le maximum de dividendes de cette
coopération nippone
VIII- QUESTION DE METHODE
Pour aboutir à la vérification de nos
hypothèses, nous aurons recours à la démarche comparative
Cette méthode, selon Mamadou Gazibo et Jenson54(*), consiste à rendre
compte des similarités et de différences observées entre
les phénomènes, et dont l'objectif général
d'après Przeworski55(*) est de comprendre le phénomène
observé.
Toutefois, pour mener à bien son travail,
l'impératif de parcimonie tel que préconisé par Jean
Blondel est indispensable au comparatiste. Ce dernier doit, selon l'auteur, se
concentrer sur un petit nombre de variables-clé, et qu'il doit chercher
constamment à découvrir des charnières, qui lui permettent
d'ouvrir et de fermer un certain nombre de grandes portes56(*). La démarche
comparative a donc pour ambition, de trouver des régularités et
des exceptions en confrontant plusieurs cas entre eux. Dans le cadre de son
opérationnalisation, cette démarche nous permettra dans un souci
de confrontation entre la TICAD III et la TICAD IV de ressortir les
changements radicaux en termes d'offre de développement qui peuvent
être observés et qui sont apportés par la TICAD IV dans la
politique de coopération du Japon vis-à-vis de l'Afrique.
Instruments de la recherche
Comme instrument de recherche, nous aurons recours à
une analyse documentaire de type vérificatoire et qualitative qui nous
permettra, à partir d'une revue de documents fournis par des organismes
institutionnels, officiellement reconnus comme fiables (allocutions des
autorités officielles, rapport, notes, presse, documents issus des sites
officiels...). Ceci, dans le but de pouvoir dégager des tendances et
les lignes directrices de la nouvelle politique de coopération du Japon
vis-à-vis du continent africain par l'entremise de la TICAD IV.
Egalement, nous aurons recours à la technique
d'interview qui, selon Madeleine Grawitz se décline comme étant
ce « procédé d'investigation scientifique,
utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des
informations, en relation avec le but fixé »57(*). Par le biais de cette
technique, nous allons ainsi nous entretenir avec des autorités
officielles et autres acteurs pertinents, nationales et japonaises. Entretiens
qui nous permettront de récolter des données indispensables
à pouvoir donner corps aux hypothèses sus posées.
IX/ ANNONCE DU PLAN
La présente réflexion en gestation va ainsi
s'articuler autour de deux grands mouvements qui constituent son ossature. En
première partie, il sera question d'analyser le Japon dans
configuration mondiale. La deuxième partie quant à elle,
aura pour objet d'analyser le japon, la TICAD IV et l'Afrique.
PREMIERE PARTIE : LE
JAPON DANS LA CONFIGURATION MONDIALE CONTEMPORAINE
La notion de configuration a été
particulièrement développée par le sociologue allemand
Norbert Elias58(*). C'est
un « outil conceptuel » qui évite de penser individu
et société comme deux entités distinctes et antagonistes.
Une configuration inclut les acteurs, leurs interactions et le cadre qui les
entoure. Elias prend l'exemple de la configuration que forment quatre hommes
assis autour d'une table pour jouer aux cartes : « Ce qu'il
faut entendre par configuration, c'est la figure globale toujours changeante
que forment les joueurs ; elle inclut non seulement leur intellect, mais
toute leur personne, les actions et les réactions réciproques
QS ». Donc les relations sociales doivent être
étudiées au travers les relations, c'est la
« trame » qui compte. On peut trouver une proximité
avec le concept de « champ » chez Bourdieu (d'ailleurs,
dans ses premiers textes, avant de forger le concept de configuration, Elias
parle de « champ social ».
Donc pour penser les relations entre individu et
société, il faut rompre avec la pensée sous forme de
substances isolées et passer à une réflexion sur les
rapports et les fonctions, donc à une pensée relationnelle.
Penser ainsi le japon dans la configuration mondiale, revient
à le saisir non de manière isolée, mais plutôt comme
un acteur mis en perspective dans un faisceau de relations diversifiées
avec les autres composantes de la scène internationale. Comment le japon
se perçoit- il dans ses relations avec les autres ? Quelles sont
les perceptions que les autres ont du Japon dans leur relation ?
Voilà autant d'interrogations auxquelles qu'il sera idoine d'apporter
des éléments de réponses ici.
Cette partie s'articulera ainsi autour de trois points focaux
à savoir le Japon dans l'architecture internationale (chapitre 1), le
japon dans la zone de co-prospérité Est-asiatique (chapitre 2),
le japon dans le paysage africain (chapitre 3).
CHAPITRE I : LE JAPON
DANS : L'ARCHICTECTURE INTERNATIONALE : UNE PUISSANCE
MOYENNE ?
Ce chapitre s'articulera autour de deux axes principaux :
en premier lieu, il sera question de théoriser la notion de puissance
moyenne (section I) avant de l'opérationnaliser sur le cas japonais
(section II).
SECTION I : LA NOTION
DE PUISSANCE MOYENNE : A LA RECHERCHE D'UN SENS
Qu'entend- on par puissance moyenne ? Ce concept,
malgré qu'il soit fort répandu au cours des dernières
années dans la théorie des relations internationales, reste tout
de même aux yeux de certains auteurs ambiguë59(*). L'idée même de
puissance moyenne selon Bertrand Badie, se profilait déjà lors
des négociations de paix à Versailles, les
« grandes puissances » se voyant reconnaitre le
droit de disposer de cinq délégués, les
« petites puissances » de trois, les « Etats
nouveaux » de deux, les « Etats en formation d'un
seul comme les neutres...60(*)
Afin de saisir de manière plus ou moins objective le
concept de puissance moyenne, il est idoine de retenir certains
éléments principiels nécessaires pour l'analyse. Le plus
fondamental d'entre eux c'est de concevoir la puissance moyenne comme un Etat.
L'adoption d'une telle vision impose une conception stato centrée du
système international dans lequel les puissances sont définies
comme des entités géographiquement limitées et
localisables dans l'espace et dans le temps. Le terme moyen signifiant
une position intermédiaire occupée dans un spectre
séparé par deux extrêmes, implique l'existence au moins de
deux autres types de puissances reconnus traditionnellement comme
« grande » et « petite ». La puissance
moyenne dans son acception basique va renvoyer à un Etat qui n'est ni
une grande, ni une petite puissance. C'est donc par conséquent un
concept relatif car, pour le déterminer, il faut au préalable
identifier les deux pôles extrêmes.
Un regard synoptique sur la littérature actuelle sur ce
point fait ressortir l'existence de trois approches bien que distinctes mais
complémentaires permettant de saisir la notion de puissance moyenne
(paragraphe I), ces dernières nous permettrons d'avoir une
précision conceptuelle plus ou moins claire sur cette notion (paragraphe
II).
PARAGRAPHE 1 : LES TROIS
PRINCIPALES APPROCHES DE LA NOTION DE PUISSANCE MOYENNE
Trois principales approches de puissance moyenne ont
été systématisés par Adam Chapnick qui a
suggéré que l'on pouvait appréhender ce concept suivant
trois modèles à savoir ; fonctionnel, behavioriste et
hiérarchique61(*).
a) Le modèle
fonctionnel
En 1942, le diplomate canadien Hume Wrong,
réfléchissant au sujet de l'engagement du Canada sur la
scène internationale, va articuler ce qui va constituer la
première philosophie de politique étrangère canadienne.
Cette philosophie reposera sur ce qu'il appellera le principe fonctionnel. En
effet, discutant sur le rôle du Canada dans le processus
décisionnel au sein du camp des alliées en pleine guerre, il
soutient ainsi que l'influence canadienne doit s'appuyer sur trois bases
fonctionnelles à savoir ; l'extension de son engagement, de son
intérêt national et de sa capacité à participer
à la situation en question. Plus tard, Granastein62(*) soutiendra que le principe
fonctionnel était la première énonciation du concept de
puissance moyenne.
En 1944, en s'appuyant sur le cas canadien, le premier
ministre d'alors Mackenzie King soutiendra que le Canada doit se
représenter au moins comme une des puissances moyennes, des
puissances intermédiaires qui devraient amener la communauté
internationale à reconnaitre que la puissance et la
responsabilité vont de pair. King pensait que les Etats qui avaient des
intérêts fonctionnels dans les affaires internationales
étaient d'une grande importance que ceux qui n'en avaient point. Par
conséquent, ces Etats particuliers, appelés puissance moyenne
étaient considérés différemment par les grandes
puissances. De la sorte, le statut de puissance moyenne attribué
à un Etat lui desservait par la même occasion une reconnaissance
formelle de la part des autres.63(*)
Le lien entre les capacités fonctionnelles et le statut
de puissance moyenne fut développé par Lionel Gelbert qui
soutiendra que ; « du moment où les grandes
puissances tendent à se différencier des autres du fait de leurs
grandes responsabilité qu'elles assument sur la scène
internationale, il serait convenable que les puissances moyennes puissent
également se différencier des petites puissances par le
même critère mobilisé par les puissances majeures. La prise
en compte d'une voix dans les décisions majeures doit correspondre
à la capacité d'imposition de celui qui l'émet.
»64(*)
En 1988, Bernard Wood fit cette observation selon laquelle
« de manière informelle, les puissances moyennes sont souvent
enclin à assumer certaines responsabilités spécifique afin
de gagner en influence dans certains domaines fonctionnels où leurs
intérêts semblent apparaitre fort élevés »
65(*)
Le mérite de l'approche fonctionnelle de la
puissance moyenne réside dans le fait qu'elle nous permet d'identifier
les Etats qui sont capables d'exercer une influence certaine sur le cours des
affaires internationales dans certains domaines particuliers, ce qui les
singularise par conséquent des autres. Vu sous le prisme de ce
modèle, les grandes puissances peuvent être
appréhendées comme ces Etats qui exercent une réelle
influence internationale sur toute problématique peu importe les
circonstances qui ont favorisé son émergence tandis que les
petites puissances désigneraient ces Etats incapable d'exercer une
quelconque influence.
Par conséquent, les puissances moyennes seront
entendues comme ces petites puissances qui vont temporairement s'élever
en statut. De ce fait, elles perdront automatiquement leur statut temporaire de
moyenne puissance aussitôt que leurs capacités à influer
sur le cours des affaires internationales dans certains domaines
spécifique déclineront.
La prise en compte de l'approche fonctionnelle pour cerner le
concept de puissance moyenne semble donc être avantageuse aux petits
Etats qui apparaissent relativement forts et influents dans certaines
situations particulières.
b) Le modèle
behaviouriste
Ce modèle occupe une place de choix dans la
littérature concernant le concept de puissance moyenne.
Face à l'ambiguïté du concept même de
puissance moyenne, Louis Bélanger et Gordon Mace durent conclure en ces
termes « nous sommes forcés de déduire que pourront
être reconnues comme puissances moyennes seuls les Etats qui auront
démontré une réelle capacité de modéliser
leur comportement conformément à ce statut »66(*)
Ce modèle a été
systématisé par Andrew Cooper, Richard A. Higgott et
Kim Richard Nossal. Ce trio identifie les puissances moyennes par
« leur forte tendance à privilégier les solutions
multilatérales aux problèmes internationaux, leur désir de
rechercher toujours un compromis face aux différends internationaux et
leur volonté de s'approprier du principe de citoyenneté
internationale exemplaire devant guider leur diplomatie »67(*)
Le multilatéralisme, la gestion des conflits et la
puissance morale, telles sont les notions clé qui résument la
littérature majeure concernant l'approche behaviouriste de puissance
moyenne.
Le modèle behaviouriste identifie également les
puissances moyennes à travers le désir qu'elles expriment
à changer véritablement de statut au sein de l'échiquier
international. C'est ainsi que Bernard Wood a caractérisé les
puissances moyennes comme des leaders régionaux, des hérauts du
multilatéralisme, et des puissances morales68(*). Quant à Cranford
Pratt, il soutient que la prégnance de la tendance multilatérale
affichée par les puissances moyennes constitue une véritable
stratégie mise sur pied par elles afin de promouvoir et préserver
leur intérêt national69(*).
c) Le modèle hiérarchique
Carsten Holbraad fait remonter ce modèle aux travaux
Thomas d'Acquin qui soutient que la notion de « puissance moyenne
ou de tout autre synonyme a toujours été un concept relationnel
dans la mesure qu'il est défini ou décrit en relation avec les
autres composantes du système, notamment les grandes
puissances 70(*)»
Dans cette perspective, le concept de puissance moyenne fut
introduit de manière formelle par les travaux de David Mitrany au
début des années 1930. En effet, Mitrany soutient que le
système international est fondamentalement composé par deux
principales catégories d'Etats : les grandes puissances et les
petites. Néanmoins, remarque -t-il, certains des petits Etats devenaient
de plus en plus puissants et contraignirent progressivement les grandes
puissances à reconnaitre la gradation de leur influence et de
n'être plus considérés comme de simples petites
puissances71(*).
Plus tard, David B. Dewitt et John J. Kirton expliqueront que
la vision hiérarchisée et stratifiée du système
international qu'avaient les premiers auteurs à l'instar de Mitrany dans
lequel la combinaison des capacités objectives, des positions
occupées et du statut reconnu aux divers acteurs internationaux produira
ainsi trois classes d'Etats qui sont ; les grandes puissances, les
moyenne, et les petites.72(*)
L'approche hiérarchique satisfait ainsi en grande
partie le désir d'une appréhension objective de la notion de
puissance moyenne. Elle tend à définir toutes les puissances
comme des Etats, opère un distinguo clair entre les grandes et les
petites puissances et repère les puissances moyennes qu'en relation
avec les deux premiers pôles dans une échelle où les
positions sont mouvantes.
En fin de compte, l'on peut dire que si l'approche
fonctionnelle tente de normaliser le statut des Etats à chaque fois que
leur puissance se trouve quelque peu surestimée, le raisonnement qui
structure l'explication behaviouriste, est quant à lui circulaire car il
pense le comportement de puissance moyenne comme le produit des actions
menées par des Etats considérés eux -même en tant
que tels. Quant à l'interprétation hiérarchique, elle
recherche fondamentalement à identifier les Etats selon leurs
positions respectives occupées au sein de l'échelle
internationale.
PARAGRAPHE 2 : VERS UNE
PRECISION NOTIONELLE DE PUISSANCE MOYENNE
Au regard de ce qui précède, on peut dire que
le concept de moyenne puissance s'est fort répandu au cours des
dernières années dans la théorie des relations
internationales. Une façon de définir ce concept est d'en
énumérer les composantes : une moyenne puissance possède
un certain niveau de capacité militaire et économique, et occupe
à l'échelle internationale une position
intermédiaire73(*)
En général, les moyennes puissances cherchent
à jouer un rôle modérateur, coopératif dans le
système mondial, en facilitant ou en déclenchant certaines lignes
d'actions souhaitées au niveau international, ou encore en supervisant
ou en orientant des régimes ou institutions . Comme on peut s'y
attendre, à l'inverse des super (ou grandes) puissances qui tendent
à étendre leur influence diplomatique au niveau mondial, les
moyennes puissances ne cherchent pas des interventions d'envergure mondiale,
mais se focalisent plutôt sur un nombre limité de domaines de
crise et sur les politiques portant sur une région géographique
précise.74(*)
En adhérant à l'idée d'un système
mondial et au rôle des moyennes puissances dans le maintien de l'ordre
mondial (qu'il soit ou non hégémonique), Robert T. Cox affirme
que «les éléments clés du rôle de la
moyenne puissance sont la possibilité de se distancer quelque peu d'une
implication directe dans les grands conflits, un niveau suffisant d'autonomie
par rapport aux grandes puissances, un engagement dans le sens de l'ordre et de
la sécurité dans les relations interétatiques et la
facilitation du changement dans le système mondial.»75(*)
Aussi, la notion de puissance moyenne décrit -elle une
manière de penser une diplomatie plutôt que de rendre compte
d'une position de classement. La sortie de la bipolarité et la
mondialisation ayant libéré diverses ressources longtemps
comprimées par le chape de plomb bipolaire, certains Etats ont
disposé des moyens de se penser moyenne puissance, de faire le choix
d'agir comme tel, de déployer une diplomatie qui se séparerait
des rigueurs et des rigidités des alignements d'antan. Ainsi, cette
catégorie est essentiellement subjective (c'est le principal apport du
modèle behaviouriste). Variées sont les postures d'Etats qui de
nos jours, permettent aux diplomaties de se distinguer dans ce rôle
inédit : présents dès la guerre froide, les
« Etas -tampons » comme l'était la Finlande ou les
« Etats-barrières » à l'instar de la Turquie,
gagnaient déjà une forme d'inédit et
d'exceptionnalité qui les forgeait comme puissances à part.
Aujourd'hui, les Etats rentiers, les Etats fournisseurs de matières
premières, les Etats fortement peuplés, ceux disposant de
ressources culturelles ou religieuses inédites rejoignent les Etats qui
occupent le haut du tableau des performances économiques, commerciales,
financières ou technologiques.76(*)
Dans un système international fondamentalement souple,
flexible et multipolaire, « la puissance moyenne se
définira donc comme celle qui entend déployer, face à
l'hégémon, une diplomatie d'autonomisation et de mobilisation ou
qui, du moins, affiche clairement sa volonté ou sa capacité de le
faire »77(*)
Dans ces conditions, la puissance moyenne peut se stabiliser
dans deux postures possibles. La première consiste à se saisir
soit d'un vide de puissance propre à une région, soit une
occasion stratégique de se rendre incontournable. On est proche alors de
ce que l'on appelle « la diplomatie de niche ». Au
gré des circonstances, l'Ouzbékistan, ou le Pakistan,
servis par la crise afghane, l'Iran ou la Syrie, alimentés par
l'instabilité propre au Moyen Orient, l'Ethiopie, confortée par
les incertitudes propres à la corne de l'Afrique, purent ou peuvent
encore jouer un jeu propre et produire une diplomatie leur offrant une latitude
plus ou moins marquée, par rapport aux grandes puissances.
La seconde posture consiste à mettre ses ressources
propres et ses capacités au service d'une diplomatie de rayonnement plus
large. Suffisamment forte pour prétendre à un rôle
international, mais trop faible pour pouvoir exercer une réelle
hégémonie, la puissance moyenne cherchera à optimiser sa
capacité en construisant une diplomatie de stabilisation, de
médiation et de pacification. Dans la hiérarchie des coûts,
la domination pure et simple est souvent inatteignable et dangereuse, car
chargée d'incertitudes et d'effets pervers. Faute d'imposer son pouvoir,
la puissance moyenne peut ainsi offrir ses vertus médiatrices,
composées de savoir- faire diplomatique, de réseaux de toute
nature, de prêts, de dons, d'aides conditionnelles, d'appui à la
reconstruction. La puissance vient ainsi à se transformer en influence.
A une diplomatie dispendieuse de la guerre est ainsi
préférée une diplomatie de paix dont le coût, sans
être nul, devient beaucoup plus modique.78(*)
Ainsi conçue, cette diplomatie de paix est
bénéfique pour celui qui la promeut. Elle est évidemment
valorisante, pourvoyeuse de prestige et d'influence ; elle offre les
conditions de visibilité et d'activisme diplomatique sans couter trop
cher, tant en moyens qu'en risques. Elle permet ainsi de se distinguer,
à peu de frais et à moindre risque, de la puissance
hégémonique.79(*)
En définitive, nous retenons que « les
moyennes puissances sont des Etats qui, sur la base de leurs capacités
et de leurs intérêts, se conduisent dans le système
international comme des éléments catalyseurs sur le plan
politique. Ils choisissent un domaine ou une région géographique
où ils peuvent aider à produire les résultats
désirés et se faire les champions d'interventions ou de
politiques internationales qui souvent sont le reflet de leurs propres valeurs
de société. De manière spécifique, ils
chercheront à être des conciliateurs, des médiateurs ou des
passerelles dans la politique mondiale ».80(*)
Dès lors, il est question de s'interroger sur
l'enracinement de ce concept dans la politique étrangère nippone.
SECTION II :
L'ENRACINEMENT DU CONCEPT DE PUISSANCE MOYENNE DANS LA POLITIQUE ETRANGERE DU
JAPON
La situation internationale a subi une profonde mutation ces
vingt dernières années avec la fin de la guerre froide. Dans ce
cadre, le japon doit redéfinir son rôle sur la scène
mondiale en modifiant les orientations de sa politique
étrangère81(*). Selon Green82(*), il n'est pas de grand projet international sans
signification politique au sens fort du terme. La question théorique de
« moyenne puissance » tient compte d'un certain
nombre de facteurs, de signes annonciateurs en rapport avec l'extension de
l'agenda diplomatique et la combinaison de plus en plus complexe des
instruments politiques. Considérer donc le Japon comme une puissance
moyenne revient en premier lieu d'envisager sa diplomatie centrée autour
de ses données thématiques majeures (paragraphe I) ; en
second lieu, rendre compte de la dialectique d'autonomisation et de
subordination qui structure fondamentalement sa politique
étrangère (paragraphe II).
PARAGRAPHE 1: LES DONNEES
THEMATIQUES DE L'ACTION INTERNATIONALE NIPPONE : LES PARAMETRES D'UN CHAMP
DIPLOMATIQUE83(*)
La politique étrangère du Japon, comme celle de
tous les pays se traduit par l'emploi des thèmes clés qui
reviennent dans la majorité des déclarations officielles ou
autres documents de base. Ces thèmes expriment les préoccupations
et problèmes majeurs. Certains acquièrent avec le temps un
caractère plutôt rhétorique, d'autres sont l'expression,
des orientations de base, d'objectifs permanents ou encore traduisent des
visées conjoncturelles ou relèvent de la tactique diplomatique.
Toujours est-il que toute politique étrangère s'inspire de tous
ces éléments que Pascal Dejoli Mbogning appelle
« le référentiel ». En ce qui
concerne l'Empire du Soleil-Levant, la paix et la prospérité sont
des slogans employés pour encourager le libre échange (a) et la
solidarité internationale (b).
a)
La rhétorique de la paix et de la prospérité comme support
du libre échange
Cinq ans après la défaite, la Guerre de
Corée ouvre au Japon la voie vers ce que Marlis Steinert observe comme
« une nouvelle ascension dans l'arène
internationale ». Dans le climat de la Guerre Froide, les
Etats-Unis d'Amérique ont besoin de renfort et signent rapidement un
traité de paix à San Francisco en 1951 avec les ex-ennemis.
L'Empire du Soleil-Levant pour accroître son influence diplomatique,
entre dans des organisations internationales comme le Fonds Monétaire
International, la Banque Mondiale, l'Organisation des Nations Unies (ONU),
l'Organisation de Coopération et le Développement Economique
(OCDE) entre autres. La plupart de ses thèmes diplomatiques sont
traités dans les « Diplomatic Blue Book »
aussi appelés « White Papers ». De la
sorte, il y a la publication du Gaimusho qui a
résumé la politique étrangère des années
1960. Sont évoqués les concepts de base : la liberté,
la sécurité et la prospérité. Le désir de
fonder la sécurité du pays, son existence sur la justice et la
volonté de paix, avait été exprimé d'une part dans
le préambule de la constitution japonaise, renforcé d'autre part
dans l'article 9 ; « le leitmotiv de sa politique de
défense ». Quel serait l'instrument japonais pour rendre
une telle paix possible ? Depuis le début des années 1990,
le Japon s'est engagé de plus en plus activement dans les efforts en
faveur de la construction de la paix et de la stabilité internationale.
Sa participation aux opérations onusiennes de maintient de la paix et au
soutient à la solidarité internationale a été
remarquable comme l'indique la cartographie ci-dessous.
Sources : « Le Japon
face au dynamisme de l'environnement
stratégique », journée
d'études Actes du 10 décembre 2007. Fondation pour
la Recherche Stratégique, p.34
Il semblerait que ce soit sa « diplomatie luttant
pour la paix » déployée à l'ONU, comprenant
thématiquement entre autres le règlement pacifique des conflits,
le désarmement, l'utilisation pacifique de l'énergie
nucléaire et le dialogue Nord-Sud.
A côté du thème fondamental de la paix,
c'est celui séculaire de la prospérité qui est mis en
évidence. La « diplomatie de la
prospérité » consiste en l'expansion du commerce par
l'abaissement des tarifs, la libéralisation des importations, la
coopération financière pour le développement scientifique.
C'est une diplomatie en faveur du libre échange et de la
coopération internationale basée sur la maintenance de liens
très étroits avec les Etats-Unis d'Amérique et ceci dans
tous les domaines. Bien qu'il ait atteint une certaine situation
de self-reliance, le Japon doit promouvoir une entente avec
l'ensemble des nations et multiplier des échanges culturels. La
« diplomatie multilatérale » est apparue pour la
première fois dans le livre diplomatique de l'année 1974. Elle
est la conséquence de ce que les observateurs économiques ont
appelé les « Nixon shokku » et de la crise
du pétrole. Cette « diplomatie
multilatérale » est marquée par les visites du Premier
ministre à l'étranger ainsi qu'une présence continue dans
les différents continents. Aussi, dans le cadre de l'ONU, elle
mise sur la coopération dans les grandes enceintes internationales comme
le FMI, le GATT ou l'OCDE.
b) La rhétorique de la paix et de la
prospérité comme support de la solidarité
internationale
Le gouvernement nippon s'emploie en se donnant officiellement
l'ambition d'une politique globale et popularisant l'idée d'une
nécessaire « internationalisation »
(Kokusaika) à obtenir de l'étranger un jugement plus
favorable, tout en portant à un degré supérieur
l'expression économique. Depuis la
dégénérescence des régimes communistes et la
fin de l'affrontement politico symbolique qu'il signifiait, on a pu parler de
l'accroissement de l'indépendance des Etats, de l'émergence d'un
monde unipolaire, de l'avènement d'un monde « post
international ». Face à ces modifications externes
considérables, le Japon est forcé de s'interroger une fois encore
sur les buts et moyens de sa politique étrangère et son
rôle dans la communauté internationale.
En Afrique du Sud le 9 janvier 2001 par exemple, le Premier
ministre Yoshiro Mori s'est prononcé pour une diplomatie nippone au
XXIème siècle en faveur de la paix, introduisant
à la même occasion pour la première fois, le concept de
« sécurité humaine ». Dans ce sens, a-t-il
souligné, le succès ou l'échec de la coopération
avec l'Afrique pour y assurer cette « sécurité
humaine », constitue un test important pour le fondement même
de la diplomatie japonaise. Lors de son discours de politique
générale le 26 septembre 2006 à la Diète, le
Premier ministre Shinzo Abe a encore abondé sur « les
ritournelles » traditionnelles de la diplomatie nippone.
Son gouvernement, a-t-il martelé, sur le plan des affaires
étrangères et de la sécurité aura, pour but
« de démontrer encore plus clairement l'alliance entre le
Japon et les Etats-Unis d'Amérique, au service de l'Asie et du reste du
monde, et de contribuer activement à une solidarité
internationale ». Dans son intervention84(*) durant le colloque de
l'Institut Japonais des Etudes Internationales, le 30 novembre 2006 à,
M. Taro Aso alors chef de la diplomatie japonaise, a parlé de
« diplomatie vertueuse » et de
l' « arc de la liberté et de la
prospérité » indiquant à l'occasion que ces
deux expressions constituent le nouvel axe de la politique extérieure
nippone. « Le rôle de la diplomatie est aussi,
(poursuit-il), de donner aux citoyens une certaine fierté
réaliste, décente et paisible. En ma qualité de ministre
des affaires étrangères, je cherche à mener une diplomatie
qui suscite le dynamisme et donne confiance aux Japonais ».
On peut donc se rendre compte que toute politique est
inspirée d'un référentiel. Ce dernier n'est qu'un
« ensemble de normes prescriptives qui donne un sens à un
programme politique en définissant des critères de choix et des
modes de désignation des objectifs85(*) » .Il est dès lors utile
d'apprécier l'état d'activité de la politique
étrangère de Tokyo à l'aune du modèle de puissance
moyenne car la récurrence de la paix et de la prospérité
dans la rhétorique diplomatique du japon conjuguée à des
actions internationales concrètes en vue de le matérialiser
constitue autant d'opportunités qui conduisent le japon à adopter
un comportement de « bonne citoyenneté
internationale ». Elle lui est donc pourvoyeuse de prestige et
d'influence dont le rayon d'action déborde largement son environnement
immédiat.
PARAGRAPHE 2 : LA
DIALECTIQUE SUBORDINATION /AUTONOMIE COMME FACTEUR STRUCTURANT DE LA POLITIQUE
ETRANGERE NIPPONE.
Dans cette perspective, toute l'action internationale du Japon
doit être comprise comme l'exercice délicat qui vise à
maintenir la relation de subordination avec les États-Unis tout en
s'autonomisant sur les points où ses objectifs nationaux particuliers ne
coïncident pas avec ceux de la puissance tutélaire.
Le plus fondamental de ces objectifs, celui-là
même qui justifie le lien de subordination est d'affirmer son statut de
puissance régionale, qui ne va pas de soi aux yeux des autres pays
d'Asie. C'est ce qui explique sa rigidité extrême dans les litiges
territoriaux qui l'opposent à ses voisins86(*) , et l'obstination du Parti
Libéral Démocrate (PLD) à ne jamais reconnaître
officiellement la culpabilité du Japon pour les agressions commises
pendant la période coloniale. Cette intransigeance a notamment
empêché Séoul et Tokyo de signer un traité de paix
avant 1965, bien que cela aille à l'encontre des intérêts
américains en affaiblissant la solidarité du camp anticommuniste
en Asie. Après 1989, Tokyo a invoqué la question des Kouriles
pour refuser son aide économique à la Russie, malgré les
insistances américaines. En 1996, son attitude provocatrice aux Senkaku
a donné lieu à des affrontements avec les Chinois qui
étaient la dernière chose que pouvait souhaiter Washington,
gendarme des mers asiatiques, au moment où Clinton amorçait un
rapprochement avec Pékin.
Le Japon cesse aussi de suivre la diplomatie américaine
quand celle- ci menace ses objectifs vitaux permanents. Alors que tous les
alliés asiatiques de Washington ont envoyé à un moment ou
un autre des forces combattre en Corée ou au Vietnam, il s'y est
toujours dérobé, conformément au principe fondamental qui
lui dicte d'éviter la guerre sur le continent. Les années 1972 et
1973 constituent un tournant, quand D'abord en reconnaissant la
République Populaire de Chine (RPC) et en rompant abruptement avec
Taiwan ; puis en s'autonomisant davantage des États-Unis au Moyen-Orient
pour assurer ses approvisionnements pétroliers.87(*)
Il ne s'agissait encore là que d'ajustements tactiques
dans le cadre stratégique de la subordination nécessaire. Mais,
plus la catastrophe de 1945 s'estompe et plus sa puissance économique
s'affirme, plus le Japon semble tenté de revenir à une
stratégie d'affranchissement. Sur fond de bras de fer commercial
permanent avec les États-Unis, la «diplomatie tous azimuts
» (zenhoi gaishô) des années 1972-1980 en direction de
Moscou et Pékin puis le recentrage asiatique amorcé avec la
formulation de la « doctrine Fukuda » en 1977 sont
sous-tendus par la volonté de relâcher la relation de
dépendance en s'appuyant sur de nouveaux partenaires. Après 1980,
cette pulsion s'exprime de plus en plus ouvertement au sein du PLD, où
une aile néonationaliste très active proclame sa volonté
de refaire du Japon un « État normal » (futsu no
kuni) en lui rendant la liberté de ses armements et en
renégociant le traité de sécurité sur la base de
l'égalité, voire en y mettant un terme 88(*)
Au terme de ce chapitre, on peut retenir qu'en se
conduisant en moyenne puissance sur l'échiquier international, la
démarche nippone permet d'avoir un regard neuf sur la dichotomisation
réactive/proactive de sa politique extérieure. Elle adhère
ainsi à l'idée d'un système mondial et au rôle des
moyennes puissances dans le maintien de l'ordre mondial, rôle bien
décrit par Robert T. Cox.89(*) Ce qui nous fait dire avec Marc Aicardi de
Saint-Paul90(*) que
« grâce à la fin de la Guerre Froide, le Japon a
accru son autonomie sur la scène internationale »
CHAPITRE II :
LE JAPON EN ASIE : UNE
PUISSANCE REGIONALE PARADOXALE ?
Au moment où la montée spectaculaire de la Chine
sur la scène internationale mobilise les esprits, on en vient à
oublier l'importance du Japon, à la fois globale et régionale :
deuxième puissance mondiale, il représente à lui seul plus
de la moitié de l'économie de l'Asie orientale91(*). À quoi tient cette
éclipse virtuelle du véritable géant asiatique ? Elle
s'explique d'abord par le poids historique de la Chine de l'empire du Milieu
à la République populaire de Chine, toujours présent dans
l'imaginaire collectif. Le produit national brut du Japon représente
plus du double de celui de la Chine, et les incertitudes qui pèsent
sur le développement futur de cette dernière sont manifestes.
La relative invisibilité internationale du Japon n'a
toutefois rien de nouveau. Depuis plus d'un siècle, celui-ci est un
acteur paradoxal du jeu asiatique, à la fois central et marginal,
tandis que la Chine, même très affaiblie, voire brisée
à la fin du XIXe siècle, reste indiscutablement une
référence fondamentale de l'histoire de la région pour
les asiatiques comme pour les observateurs extérieurs92(*).
Analyser le japon sur l'échiquier asiatique reviendra
à s'interroger sur l'environnement géostratégique et
historique qui influence la politique asiatique du japon (section I) et de
l'aperçu de ses domaines de coopérations établis dans
cette région (section II)
SECTION I : LES
FACTEURS GEOSTRATEGIQUES ET HISTORIQUES STRUCTURANTS DE LA POLITIQUE ASIATIQUE
DU JAPON
Deux principales idées seront développées
ici ; en premier lieu il sera question de s'intéresser aux les
contraintes géostratégiques (paragraphe I) et en second lieu, de
rendre compte des relations historiques douloureuses avec les Etats voisins
(paragraphe II) qui influencent considérablement la politique asiatique
du japon.
PARAGRAHE 1 : LES
CONTRAINTES GEOSTRATEGIQUES
La situation géostratégique du Japon est celle
d'un archipel ancré en marge d'un continent massif dominé par une
très grande puissance, et qui n'est pas maître des voies
maritimes. En ce sens, elle est différente de celle de la
Grande-Bretagne, qui pouvait jouer des divisions, entre les puissances
européennes, et dont la puissance reposait sur la maîtrise des
mers. La position du Japon se caractérise par sa fragilité et lui
impose un principe stratégique fondamental : ne pas être «
aspiré» dans les affaires d'un continent qu'il ne peut ni diviser
ni subjuguer. Cela signifie qu'il doit se garder d'affronter la Chine et de
s'engager militairement sur le continent93(*).
De sa situation géostratégique découlent
aussi pour l'archipel deux objectifs vitaux permanents. Le premier est de
s'assurer la liberté de circulation dans les « mers
orientales » (tôyô)94(*) vers les détroits malais. Historiquement, il
était conciliable avec le principe qui interdit d'affronter la Chine,
dans la mesure où celle-ci était fondamentalement un empire
agraire, dont le domaine d'intérêt n'englobait pas l'espace
maritime. Le second objectif est d'empêcher la Corée de tomber
sous le contrôle d'une grande puissance, et de l'affaiblir autant que
possible, car elle forme le pont par lequel un empire continental peut
aisément menacer l'archipel. Cet objectif est si essentiel que, tout au
long de l'histoire, les forces japonaises interviennent à intervalles
réguliers dans la péninsule ; mais elles se gardent de
s'aventurer dans les profondeurs du continent. Formose, verrou des «
mers orientales », sera le premier objectif colonial du Japon
(1874). La Corée sera le deuxième, et il se risquera à y
défier la Chine dans une guerre ouverte (1895). Cet abandon du principe
stratégique fondamental sera le premier pas vers la catastrophe de 1945,
qui incitera Tokyo à le remettre ensuite au centre de sa politique
étrangère.
Une première manière de déchiffrer
celle-ci est donc d'y voir la répétition sans fin d'une figure
imposée : accommoder le principe stratégique fondamental avec la
poursuite des deux objectifs vitaux permanents. Cet exercice est devenu plus
difficile depuis la fin de la guerre froide, qui a poussé Pékin
à adopter une nouvelle posture et à prétendre au
contrôle des mers95(*).
PARAGRAPHE 2 : UNE
HISTOIRE DOULEUREUSE AVEC LES ETATS VOISINS96(*)
Le détachement du Japon par rapport à l'Asie,
et tout d'abord la Chine, fut un processus long, compliqué, et qui
peine à trouver une véritable issue. La première et
réelle coupure historique entre l'Archipel et ses voisins fut sans
aucun doute la guerre sino-japonaise de 1894-1895. La raison de ce conflit
fut la « protection » de la Corée. Les japonais, mais
également la plupart des puissances occidentales, Grande-Bretagne et
France en tête, reprochaient à l'empire du Milieu de ne plus
assurer son rôle de suzerain et d'être incapable de contrôler
le chaos politique qui, effectivement, régnait sur la péninsule
coréenne. La défaite militaire de la Chine fut lourde de
conséquences, matérielles et symboliques. Le Japon obtint la
colonisation de Taïwan, l'accès à plusieurs ports chinois,
ainsi que de nouveaux droits maritimes et commerciaux. La perte de prestige,
voire de simple crédibilité, du système chinois fut
immense pour toute une partie de l'élite asiatique dont les Chinois
eux-mêmes et particulièrement pour les Japonais. Le fait qu'une
guerre déclenchée contre l'empire du Milieu par l'un de ses
anciens sujets soit devenue possible constituait déjà le signe
d'une détérioration certaine. La victoire de l'ancien sujet
poussait la relation nippo-chinoise vers un point de non-retour, une rupture
qui, aujourd'hui encore, est ressentie comme telle à Pékin et
à Tokyo.
Quelques années plus tard, en 1902, le Japon signa une
alliance militaire avec la Grande- Bretagne, le premier accord de ce genre sur
un pied d'égalité entre un pays asiatique et une puissance
impériale européenne. Le Japon bascula alors complètement
dans le camp occidental et se coupa de l'ensemble de l'Asie. Rappelons en
effet que c'est en s'appuyant sur cette alliance nippo-britannique que le
Japon entra en conflit avec la Russie (1904-1905) au sujet de la Corée
et battit l'armée du tsar. Grâce à cette victoire Tokyo
obtint le protectorat du royaume coréen. Puis, s'appuyant
également sur un accord avec une autre puissance occidentale les
États-Unis il procéda, en 1910, à la colonisation du
pays. C'est donc avec une rapidité incroyable, les quelques
années du tournant du siècle, que le Japon prit la posture d'une
puissance impériale dans sa propre région. Dans ce genre
d'évolution, la dynamique politico-militaire prend
généralement de vitesse le mouvement des sociétés.
La coupure avec l'Asie engendra, pour les Japonais, une interrogation
identitaire. Si ces derniers n'étaient plus asiatiques, ils
n'étaient pas pour autant devenus européens. Le Japon fit
l'amère expérience de son statut de marginal dans le camp
occidental lors des négociations qui suivirent la Première
Guerre mondiale. Rangé du côté des Alliés contre
l'Allemagne, il fit partie des vainqueurs à Versailles. Mais lorsque la
délégation japonaise demanda à la future
Société des Nations la reconnaissance de l'égalité
des races, elle se heurta à une opposition majoritaire des pays
européens.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Japon militariste
multiplia les confusions d'identité. Il entra dans l'Axe aux
côtés des Allemands et des Italiens mais ne put guère
s'identifier aux défenseurs de la « race aryenne ».
Il fit la guerre en Asie aux colonisateurs et non aux colonisés,
promettant l'indépendance à ces derniers, tout en produisant des
affiches de propagande où les « libérateurs » japonais
apparaissaient sous les traits physiques d'Occidentaux face à des
personnages aux yeux exagérément bridés et à la
peau jaune vif, des caricatures qui n'étaient pas sans rappeler les
représentations que les Européens faisaient alors des
Asiatiques, qu'ils soient Japonais, Chinois ou Indochinois.
L'acharnement de l'armée impériale nippone
contre les populations civiles toucha en large majorité les Chinois. La
culture japonaise resta, pendant et après la guerre, structurellement
marquée par l'héritage reçu de l'empire du Milieu. Tout,
au Japon, dans la vie quotidienne, dans l'art comme dans la culture
populaire, portait et porte encore les innombrables traces d'une influence
chinoise séculaire. Ni l'occidentalisation ni l'ultranationalisme des
années 1930 n'enlevèrent à la société
japonaise sa dimension sinisée des idéogrammes au confucianisme
qui, de fait, était et reste une partie intégrante de son
identité.
À partir de 1945 et après sept années
d'occupation américaine, le Japon reprit profondément ancrage
dans le camp occidental. Le développement, dans son voisinage
immédiat, de régimes communistes (Chine, Corée du Nord)
ou autoritaires (Taïwan, Corée du Sud), renforça son
isolement dans la région. Le Japon fit figure d'Occidental perdu en
Asie, même si la culture japonaise resta aussi chinoise que la culture
française est demeurée latine. Pendant des décennies, les
Japonais ne voyagèrent pas dans leur région. Ce n'est que dans
les années 1990, lorsque les frontières avec la Chine et la
Corée s'ouvrirent à nouveau, que des centaines de milliers, puis
des millions de touristes de l'Archipel partirent à la
découverte de ces pays si proches et si lointains, si
familièrement étrangers.
On le voit, la relation du Japon avec ses voisins est
chargée d'une histoire difficile. Il faut préciser que les
voisins en question sont ceux de l'Asie du Nord-Est. La situation du Japon par
rapport à l'Asie du Sud-Est est très différente, et ce
pour deux raisons principales. Premièrement, la trajectoire historique
du Japon a été, depuis au moins le VIII e siècle,
intrinsèquement liée à celle de la Chine et de la
Corée, et non à celle des nations d'Asie du Sud-Est,
géographiquement plus éloignées. Deuxièmement,
parce que ces dernières ont toutes été, à
l'exception de la Thaïlande, colonisées par des puissances
occidentales. Aussi, à partir de l'hiver 1941, le Japon entra-t-il en
guerre contre les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas - la
France de Vichy, quant à elle, collabora avec Tokyo en Indochine mais
non avec les populations locales.
Il est toutefois significatif de remarquer que les conflits
de mémoire qui resurgissent régulièrement entre le Japon
et ses voisins immédiats aient pratiquement disparu des relations entre
ce premier et l'Asie du Sud-Est, y compris Singapour où la population
chinoise est majoritaire et où l'ancien Premier ministre Lee Kuan-Yew
s'est longtemps fait le porte-parole des victimes de la guerre dans cette
partie de la région. Il a fallu attendre les années 1990 pour
voir s'amorcer, laborieusement, un dégel entre le Japon, d'une part, et
la Chine et la Corée du Sud d'autre part. En revanche, entre l'Asie du
Sud-est et Tokyo, les ponts se sont reconstruits dès les années
1970.
SECTION II :
APERÇU DE LA POLITIQUE DE COOPERATION ASIATIQUE DU JAPON.
Lié par le Traité de sécurité avec
les États-Unis, le Japon n'a pas développé une politique
étrangère spécifique pour l'Asie avant 1977 lorsque le
Premier Ministre de l'époque Takeo Fukuda présenta au sommet de
l'ASEAN à Kuala Lumpur ce qui sera dorénavant connu sous le nom
de «Doctrine Fukuda». Cette doctrine présente les
trois engagements du Japon envers l'Asie du sud-est:
· Le Japon rejette le rôle de puissance militaire
en Asie.
· Le Japon fera tout ce qui lui est possible pour
consolider cette relation mutuelle de confiance fondée sur une
compréhension «coeur-à-coeur» avec les pays de
l'ASEAN.
· Le Japon sera un partenaire normal de l'ASEAN tout en
essayant de développer une compréhension mutuelle entre les
nations de l'Indochine.97(*)
Cette doctrine est devenue la formule qui guide les relations
du Japon avec l'ASEAN et les autres pays asiatiques. Comme l'indique la
doctrine Fukuda, le Japon favorise trois aspects dans ses relations: la
coopération économique, les échanges culturels et la
stabilité politique. Ils deviendront les paramètres à
l'intérieur desquels Tokyo allait articuler et poursuivre ses
activités diplomatiques, économiques, culturelles et
stratégiques dans la région. Nous allons ainsi aborder ces trois
aspect en esquissant la politique économique (paragraphe 1),
stratégique (paragraphe 2) et culturelle (paragraphe 3) du japon en
Asie
PARAGRAPHE 1 : LA
POLITIQUE ECONOMIQUE DU JAPON POUR L'ASIE
L'Aide Publique au Développement (APD) est probablement
l'aspect le plus visible, et aussi l'un des plus importants, de la politique
étrangère japonaise. Associée aux investissements directs
étrangers (IDE) de l'entreprise privée, l'aide représente
un formidable moyen d'intervention économique et politique. A peu
près inexistante jusque dans les années soixante, l'APD a pris,
en chiffres absolus, des proportions considérables faisant du Japon le
principal contributeur dans le monde avec un montant de $9,3 milliards en 1997
ou 0,22% du PNB, une baisse toutefois considérable en comparaison au
montant de $14,4 milliards de 1995 (0,28% du PNB).98(*)
Jusqu'au début des années soixante-dix, l'APD
va principalement (98%) à l'Asie et elle est octroyée sous
condition d'acheter en retour des produits et des biens d'équipement
japonais. En 1993, la proportion asiatique n'est plus que de 57,3%. Toutefois
cette aide japonaise représente pour l'Asie plus de 50% de toute l'aide
au développement octroyée par le reste du monde ($9,6 milliards
en 1994). Des dix plus importants pays bénéficiaires de l'APD
japonaise, cinq sont en Asie. Le Japon était en 1996 le principal
pourvoyeur de fonds pour 47 pays (31 pays en 1991 et 56 pays en 1995) dont 9
sont en Asie: Cambodge (28,2% provient du Japon), Chine (51,6%),
Indonésie (90,9%), Laos (38,9.%), Myanmar (77,7%), Philippines
(55,4%), Thaï lande (82,7%), Vietnam (25,8%) et Mongolie (76,2%). Il
arrive en seconde position dans 34 autres pays.99(*)
Le Japon est donc un acteur central dans le
développement économique des pays asiatiques et les sommes
colossales investies (comme par exemple plus de $660 millions en Thaï
lande contre seulement $20 millions par les États-Unis pour
l'année 1995) montrent l'importance qu'il accorde aux relations
économiques avec les pays asiatiques en comparaison des pays
occidentaux. En outre, les pays asiatiques sont constamment parmi ceux qui
reçoivent leur aide en majorité du Japon. Leur nombre diminue
essentiellement parce qu'ils sont plusieurs à avoir atteint un niveau de
développement qui n'exige plus des sommes importantes, comme par exemple
la Corée et Singapour. L'APD véhicule aussi une image positive du
Japon en Asie - qu'il cultive d'ailleurs assidûment - mais il reste
cependant que les programmes d'aides sont imbriqués de façon
durable dans les intérêts économiques de l'archipel.
PARAGRAPHE 2 : LA
POLITIQUE STRATEGIQUE REGIONALE DU JAPON
Tandis que sur le plan économique les initiatives du
Japon en Asie reflètent un consensus au sein du gouvernement, de la
bureaucratie et des entreprises privées un consensus qui inspire les
instances politiques à exporter ce type de gestion économique en
Asie, les questions militaires et stratégiques sont pour leur part
beaucoup plus difficiles à gérer, surtout lorsqu'elles sont
posées dans le contexte du régionalisme asiatique.
La période impérialiste a marqué
profondément les relations du Japon avec plusieurs pays asiatiques. Mais
également, sur le plan interne, elle divise encore aujourd'hui les
opinions. En fait, les divergences idéologiques sont si importantes
qu'elles empêchent d'atteindre un consensus national sur le rôle
militaire du Japon dans cette région du monde.
Le nord-est asiatique100(*) est pour le gouvernement japonais l'espace
géopolitique pris en considération pour élaborer sa
politique de sécurité nationale. Dans cette perspective, la
région de l'ASEAN ne représente pas un enjeu géopolitique
important. La question de la sécurité nationale, sur le plan de
la défense et de la protection physique du territoire, ne dépasse
pas la géographie du nord-est asiatique. L'organisation militaire des
Forces Armées de Défense (FAD) reflète la
géographie de la région. Elles déploient peu de moyens
pour faire face aux menaces qui pourraient peser sur les intérêts
japonais, surtout lorsqu'ils sont éloignés du territoire national
(le Japon ne possède pas, par exemple, de porte-avions ou
d'équipements de transport pour atteindre des zones
éloignées)101(*)
La fin de la guerre froide n'a pas apporté plus de
stabilité politique dans la région. Au contraire, la Corée
du nord s'est retrouvée isolée sur le plan économique et
militaire; la Russie, malgré le vieillissement de sa puissance
militaire, demeure une source d'instabilité: sa politique
étrangère est difficile à suivre et à
interpréter. La Guerre du Golfe a aussi fait réaliser que la
qualité des forces militaires serait dans l'avenir beaucoup plus
importante que leur nombre, d'où la modernisation des armées
chinoises et sud-coréennes qui a fait augmenter les budgets
alloués aux forces militaires de ces pays. Finalement, les tensions
entre la RPC et Taiwan ajoutent aussi à l'insécurité dans
la région.
a) La péninsule coréenne
La Corée du nord représente sûrement la
source la plus importante d'inquiétudes. L'incursion en mars 1998 de
navires espions nord-coréens dans les eaux japonaises, puis le lancement
d'un missile Taepodong-I en août 1998 en direction du Japon ont
créé un certain émoi à Tokyo et au sein des FAD qui
n'avaient pas l'équipement pour faire face à de telles
situations. Le Japon dépend des États-Unis, et dans une certaine
mesure de la Corée du sud, pour la surveillance du territoire
nord-coréen, pour la recherche d'information et son analyse et pour
confirmer, dans ce cas, le lancement ou non d'un missile. Même si ce
lancement ne visait pas directement le Japon et qu'il cherchait beaucoup plus
à renforcer la position de la Corée du nord dans les
négociations quadrilatérales avec les États-Unis, le Japon
et la Chine, il a eu pour effet de tendre les relations avec la Corée
du nord et a favorisé à la signature d'un accord entre les
États-Unis et le Japon sur le développement d'un système
de défense anti-balistique102(*).
Le lancement possible d'un autre missile d'une nouvelle
génération (de 3500 à 6000 km de portée) au plus
tôt en août 1999 a aussi forcé les dirigeants japonais
à remanier leur système de défense pour éviter,
selon un officiel des FAD, le même genre de panique que celle que le
premier missile avait causé (plusieurs heures avaient été
nécessaires avant que les FAD puisse être en mesure de confirmer
le lancement)103(*)
De plus, l'expansion de forces militaires
nord-coréennes (entre autres la recherche dans l'armement
nucléaire) ne semble pas diminuer, malgré la famine et la crise
économique sévère que traverse ce pays: la Corée du
nord maintient toujours plus d'un million d'hommes en armes et laisse entendre
qu'elle possède des armes chimiques qui pourraient être
incorporées, comme les têtes nucléaires, aux missiles
Taepodong I et II.
En retour, les relations avec la Corée du sud se sont
grandement améliorées sous le leadership de Kim Dae-Jung. La
«Politique du soleil levant» de ce dernier a le soutien complet de
Tokyo. Par cette politique, Séoul s'efforce d'augmenter les
échanges économiques avec son voisin du nord, mais l'objectif
central demeure l'ouverture et la réforme du système politique
nord-coréen. Cette politique n'a pas été abandonnée
malgré plusieurs incidents durant l'année 1998 (lancement du
missile, découverte des corps d'agents nord-coréens, l'incident
du sous-marin nord-coréen), ce qui plaît aux Japonais. Les
relations triangulaires entre la Corée, le Japon et les États-
Unis se sont renforcées avec la tenue des premiers exercices militaires
(navals et aériens) entre les FAD et l'armée sud-coréenne
le 5 août 1999. Même s'ils ont été
présentés comme une mission de recherche et de sauvetage à
cause des limites constitutionnelles imposées aux activités des
FAD, il reste néanmoins que plusieurs navires militaires ont
été impliqués dans la mission en plus d'un important
support aérien. Des lignes de communication d'urgence (hot lines) ont
aussi été mises en place entre les FAD et le ministère
coréen de la Défense nationale104(*). Le Japon semble voir d'un oe il positif la baisse
des dépenses militaires en Corée du sud à la suite de la
crise financière mais craint que l'instabilité économique
se transforme éventuellement en instabilité politique (le
même constat a été fait pour plusieurs pays asiatiques
durement touchés par la crise)105(*).
b) La Chine et
Taiwan
La visite au Japon du Président de la RPC, Jiang Zemin,
à la fin de l'année 1998, une première dans les relations
entre les deux pays, a été considérée comme
«historique» et a débouché sur un «Partenariat
d'amitié et de coopération pour la paix et le
développement». La relation entre ces deux pays n'est rien de moins
qu'exceptionnelle et, sauf pour le bilatéralisme nippo-américain,
elle n'a pas d'équivalent dans la politique étrangère du
Japon. Imprégnée d'une histoire millénaire de rapports
commerciaux, diplomatiques, militaires et culturels, cette relation est, selon
les mots d'un spécialiste106(*), faite «d'amour et de haine»,
d'où les nombreuses tribulations entre les deux grandes puissances
asiatiques sur une diversité d'enjeux, des échanges commerciaux
au contenu des manuels d'histoire japonais en passant par les capacités
militaires de chacun107(*).
S'agissant des capacités militaires, les analystes
s'accordent à dire que les forces militaires chinoises ne font pas le
poids lorsqu'elles sont évaluées par rapport à leur
capacité d'action à l'extérieur de l'environnement
immédiat de la RPC. Sauf pour les missiles nucléaires à
longue portée, l'équipement militaire de la Chine ne met pas en
danger, à court terme du moins, le territoire japonais. Toutefois, la
Chine poursuit un programme à long terme de modernisation de ses forces
navales et aériennes qui l'éloigne de ses intérêts
continentaux traditionnels et la rapproche de ses nouveaux
intérêts stratégiques et maritimes en Asie orientale.
Si certains s'inquiètent d'un rapprochement
États-Unis-Chine, d'autres, au Japon (en particulier depuis les
événements de la Place Tien An Men), s'inquiètent d'une
possible confrontation avec la RPC. Toutefois les inquiétudes japonaises
semblent s'amenuiser comme l'indiquent les documents officiels du gouvernement
japonais relatifs à la sécurité régionale et c'est
beaucoup plus les tensions entre la Chine et Taiwan qui ne semblent rassurer
personne à Tokyo, en particulier depuis la crise du détroit de
Taiwan en 1996.
Le président Deng Xiaoping a jadis
présenté les cinq conditions qui inciteraient la Chine à
attaquer Taiwan: une entente Taiwan-Russie; des troubles civils majeurs; une
bombe atomique «made in Taiwan»; une déclaration
d'indépendance; et le rejet à long terme de la
réunification avec la Chine. Les deux dernières conditions
restent valables et même si la Chine ne peut envisager
présentement un débarquement sur les côtes de l'île,
elle peut reprendre à tout moment sa campagne d'intimidation contre
Taiwan. A la suite de la crise du missile nord-coréen, le projet
américain d'offrir une couverture défensive antiaérienne
à l'Asie de l'est a soulevé l'inquiétude de la Chine qui
s'oppose à un tel projet pour Taiwan, et aussi pour le Japon, puisque
les îles à l'extrémité méridionale du Japon
sont proches de Taiwan et que ce système de défense engloberait
inévitablement ce pays. Une aggravation des tensions entre les deux
Chine pourrait avoir un effet déstabilisateur important sur
l'économie asiatique108(*).
PARAGRAPHE 3 : LA
POLITIQUE CULTURELLE DU JAPON EN ASIE
Le volet culturel de la politique étrangère du
Japon pour l'Asie représente un aspect très important des efforts
japonais en vue d'établir des «liens d'amitié» avec ses
voisins et de paver la voie à une augmentation des échanges
économiques.
L'objectif premier demeure toutefois de faire
reconnaître le Japon comme membre à part entière d'une
communauté asiatique, diversifiée certes, mais formant un
héritage socioculturel, économique et historique commun. La
création d'une identité régionale et le renforcement des
liens avec les pays de la région constituent, aujourd'hui, les deux
objectifs primordiaux de sa politique «culturelle». Les voies
privilégiées sont l'ASEAN et les accords bilatéraux.
a) Historique de la
politique culturelle.
Ce sont les nombreuses manifestations anti-japonaises au
cours des années soixante-dix dans plusieurs pays qui ont forcé
le Japon à accorder plus d'attention au volet culturel de sa politique
étrangère pour l'Asie. En accord avec la Doctrine Fukuda, les
Japonais ont créé, à la fin des années
soixante-dix, le ASEAN Cultural Fund, lequel est devenu en somme le
modèle pour les échanges culturels avec l'Asie. Le Japon a aussi
mis sur pieds le ASEAN Youth Scholarship en 1980, le Regional
Studies Promotion Program et le 21st Century Friendship Program en 1984.
La Fondation du Japon a aussi ouvert plusieurs bureaux en Asie et établi
des programmes d'enseignement de la langue japonaise.
b) Culture et crise
économique
À l'initiative du Premier Ministre japonais de
l'époque, Ryutaro Hashimoto, une «Mission culturelle
multinationale ASEAN-Japon» a été créée
en novembre 1997. Cette nouvelle initiative n'est pas étrangère
à la crise économique qui a secoué la région. Cette
«Mission», qui englobait plusieurs aspects de la culture,
offrait une nouvelle vision du régionalisme asiatique par le biais d'une
«identité asiatique» dans laquelle la culture et
l'économie deviennent deux aspects inséparables de la croissance
économique.
A l'intérieur de cette mission, quatre domaines de la
culture ont été spécifiés et, contrairement aux
programmes antérieurs, ils définissent la culture dans son sens
le plus large, c'est-à-dire incluant les arts, la recherche, le
patrimoine, l'industrie culturelle et les médias. De plus, ces domaines
sont présentés dans le contexte précis de la crise
financière, de la régionalisation des échanges commerciaux
et du phénomène de la mondialisation économique et
financière.
Le dialogue culturel et intellectuel. Les
Japonais proposent dans ce programme des échanges culturels à
plusieurs niveaux (artistes, artisans, agriculteurs, étudiants,
tourisme) avec l'objectif de développer en Asie un «esprit de
communauté» sur une base «non élitiste». Ils
proposent aussi des échanges et des discussions entre les intellectuels
de la région sur des thèmes comme la mondialisation,
l'identité régionale et la crise économique. Des
programmes de traduction des ouvrages japonais et asiatiques sont aussi
présentés dans le cadre de centre d'études
régionales et historiques sur l'Asie (archéologie, anthropologie,
linguistique, etc.)
Le patrimoine asiatique. Préservation
et promotion de la culture, des arts et des métiers traditionnels
asiatiques; le développement de lois sur la protection de la
propriété intellectuelle ainsi que le développement d'une
politique culturelle régionale. Protection des sites historiques,
développement d'un réseau d'institutions culturelles
(musées, bibliothèques, archives).
Le développement d'une industrie de la
culture. Le développement et la formation des ressources
humaines dans les divers secteurs de la culture comme la muséologie,
l'éducation, etc.; le développement de programmes
éducatifs multi-culturels et d'une industrie culturelle asiatique.
L'industrie des
médias. Dans le secteur des médias, le Japon a
proposé la mise en place d'un réseau de médias
régionaux, d'un centre de publications régionales et
l'implantation d'une industrie du multimédias. Est aussi
suggérée la promotion par les gouvernements
d'événements culturels asiatiques, comme par exemple, des
festivals et des spectacles.109(*)
L'influence culturelle du Japon dans cette région du
monde est indéniable: les produits de consommation japonais abondent et
la culture locale n'est pas moins influencée par le «style de
vie» nippon que par celui des américains. Pour un résident
de Tokyo, se retrouver aujourd'hui à Séoul ou à Taipei ne
constitue pas en soi un très grand dépaysement tellement la vie
urbaine est similaire dans ces trois grandes villes. En d'autres mots, la
culture populaire japonaise est devenue la culture populaire asiatique par le
biais de la télévision, des «manga», bandes
dessinées japonaises, des modes vestimentaires ou des produits de
consommation.
Au terme de ce chapitre on peut retenir que Le Japon
entretient avec son environnement régional une relation pour le moins
ambiguë : son choix de la modernité de type occidental durant
l'ère Meiji s'est accompagné d'une mise à distance du
modèle chinois. Puis, la période impérialiste de la
première moitié du XXe siècle l'a conduit à mener
des guerres aux conséquences douloureuses, toujours perceptibles de nos
jours. À l'heure où l'Asie est en pleine recomposition
géopolitique autour de la puissance chinoise et où des
coopérations multilatérales s'établissent, le Japon
confirme une place d'acteur régional tout à fait primordial et
spécifique110(*).
Car, comme l'on peut le remarquer, depuis le début des années
quatre-vingt-dix, les activités officielles du Japon se sont beaucoup
intensifiées. L'objectif est clair : intégrer le Japon à
l'Asie. Depuis la fin de la guerre froide, il a été appelé
à jouer un rôle plus important dans le régionalisme
asiatique. Comme l'a indiqué le Premier Ministre Mahathir de Malaisie,
le Japon doit se substituer à la puissance américaine dans la
région, le seul moyen, selon lui, de «s'opposer à la
puissance gigantesque des États-Unis»111(*).
Toutefois le Japon ne se présente pas comme un
substitut à la puissance américaine, et encore moins, comme le
chef d'un nouveau bloc économique. Plutôt, il s'active à
renforcer les liens économiques, militaires et culturels dans une
région marquée par la diversité de ses régimes
politiques et leur niveau de développement économique. Ses
activités cherchent aussi à façonner une Asie qui sera en
synergie avec ses intérêts nationaux pour la région: la
stabilité politique, les échanges commerciaux et la croissance
économique.
CHAPITRE III : LE
JAPON DANS LE PAYSAGE GEOPOLITIQUE AFRICAIN : UNE PUISSANCE D'APPOINT
STRATEGIQUE ?
Initialement, la politique africaine du Japon a
répondu à plusieurs préoccupations et s'est
orientée dans deux directions : d'une part, la
« diplomatie des ressources », qui est une constante pour
un pays qui en est totalement dépourvu, d'autre part, la
« diplomatie de l'aide ». Depuis une vingtaine
d'années, le Japon tentant d'apparaître sur la scène
internationale comme une puissance globale, il développe l'ambition de
jouer un rôle d'acteur majeur. C'est ce qui l'a amené à
courtiser l'Afrique afin qu'elle lui apporte son soutien dans le combat qu'il
mène en vu de l'élargissement de son aura internationale.
Considérer le Japon dans le paysage géopolitique
africain comme une puissance d'appoint stratégique reviendra en premier
lieu de rendre compte du cadre historique et mental qui structure les relations
nippo africaines (section I) pour aborder en second lieu les ambitions
africaines du Japon (section II)
SECTION I : LES CADRES
HISTORIQUE ET COGNITIF STRUCTURANTS LES RELATIONS NIPPO-AFRICAINES.
Réfléchir sur les cadres historique et cognitif
comme des facteurs structurants des relations nippo-africaines nous
amène à s'intéresser sur l'historicité des
relations nippo africaines (paragraphe 1) et du Japon dans l'univers cognitif
des Africains (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LES
RELATIONS JAPON -AFRIQUE : ENTRE ANCIENNETE ET EPISODIE.
Ces relations peuvent être abordées à
l'aune de deux bornes indicatives : pendant la période
précoloniale (a) et de la période coloniale à la guerre
froide (b)
a) Pendant la période
précoloniale
D'après les sources disponibles, il semblerait que les
premiers contacts entre Asiatiques et Africains remontent au
Xe siècle avant notre ère, lorsque a débuté le
commerce sino-égyptien. Mais ce sont les expéditions maritimes
arabes et européennes qui vont servir d'accélérateur
à ces échanges intercontinentaux. À l'occasion de ces
déplacements d'hommes et de marchandises, les marchands, surtout arabes
et portugais, acheminèrent un nombre significatif d'esclaves noirs dans
l'Empire du Milieu entre le IVe et le XIVe siècle. Les navigateurs
lusitaniens établirent même un centre de distribution d'esclaves
à Canton vers l'an 300. À la faveur de ces
expéditions maritimes, l'islam commença à se
répandre en Chine au VIIe siècle, sous la dynastie Suy.
Aujourd'hui encore, les Ouigours constituent une minorité musulmane
importante en Chine continentale. Un millénaire plus tard, dans la
première moitié du XVIIe siècle, nombreux furent les
esclaves présents au Japon qui s'établirent à
Nagasaki112(*).
Mis à part ces premiers contacts indirects et
relativement limités, la véritable première rencontre
entre Japonais et Africains se fit plus récemment, à la fin de la
période Ashikaga (1335-1573). À cette époque-là, la
soif d'épices, de soie, de sucre, d'esclaves et d'âmes à
convertir avait conduit les Portugais en Extrême-Orient. C'est dans cette
région du monde qu'ils côtoyèrent les aventuriers nippons
qui y sévissaient, et c'est vers 1510 que les Japonais et les esclaves
noirs se rencontrèrent pour la première fois à Goa.
Pendant la période Azuchi-Momonyama (1573-1673), les Japonais
s'accoutumèrent à voir les Portugais accompagnés de gardes
du corps et de serviteurs noirs. Ces derniers suscitaient d'ailleurs à
la fois curiosité et admiration de la part des Asiatiques. Toutefois,
vers la fin du XVIe siècle, les Japonais manifestèrent leur
hostilité envers l'esclavage et, dans les premières
décennies de l'ère Edo ou Tokugawa (1603-1867), l'archipel se
ferma progressivement aux influences étrangères.
Néanmoins, des liens continuèrent à se tisser avec les
esclaves noirs présents dans le pays.113(*)
Il fallut attendre la fin du XVIe siècle pour que
les premiers Japonais foulent l'Afrique pour la première fois. Ce fut
à l'occasion du voyage en Europe entrepris en 1586 par de jeunes nobles
de Kyushu, invités à Rome par de jésuites italiens.
Dans un premier temps, ils firent une escale au Mozambique
pendant six mois, puis s'attardèrent au Cap avant de remonter vers leur
destination finale. Mais c'est surtout cette colonie qui tissa
véritablement des liens durables entre le Japon et le continent noir.
Jan Van Riebeek, qui est considéré comme l'un des fondateurs de
l'Afrique du Sud, était initialement basé à Nagasaki pour
le compte de la Compagnie des Indes néerlandaises durant les
années 1647-1648, avant de s'établir au cap de
Bonne-Espérance en 1652. En 1860, une mission japonaise de retour des
États-Unis fit escale en Angola et sur l'île de Saint-Vincent. En
décembre de la même année, trois officiels japonais et leur
suite, envoyés en ambassade en Angleterre, effectuèrent une halte
de plusieurs jours à Suez. C'est d'ailleurs à cette occasion que
les Japonais découvrirent le chemin de fer. À la faveur de
l'ère Meiji, en 1868, le Japon s'ouvrit non seulement à l'Europe
et à l'Amérique, mais également à l'Afrique.
Celle-ci allait passer du statut d'escale obligée à celui de
destination à part entière et, malgré l'ouverture du canal
de Suez en 1869, nombreux furent les Japonais qui visitèrent des ports
comme Mombassa au Kenya, au Cap et à Luanda. C'est à partir de
ces points d'appui que, quelques décennies plus tard, les Japonais
commencèrent à prospecter le continent, déjà
à la recherche de matières premières et de marchés
d'exportation114(*).
Force est de constater que, pendant la période
précoloniale, les relations entre le Japon et l'Afrique, bien
qu'anciennes, furent plutôt faibles et décousues. Le Japon, qui ne
prit pas part au dépeçage de l'Afrique, s'y infiltra quand
même de façon discrète à la faveur de l'irruption et
de l'installation des Européens tant pendant la période coloniale
que dans les années qui suivirent.
b) De la colonisation à la guerre
froide : entre neutralité et implication
Alors que la Chine affaiblie fut quasiment absente de la
scène africaine entre le congrès de Berlin de 1885 et la division
du monde en deux blocs après le second conflit mondial, le Japon
réussit à y maintenir un certain nombre de liens. S'il eut un
rôle politique assez effacé pendant toutes ces années, il
fut assez actif dans le domaine économique. Pourtant, il eut des
velléités pour se faire attribuer le mandat du Sud-Ouest
africain allemand par la Société des Nations après la
guerre de 1914-1918. Surtout soucieux de s'assurer une source de
matières premières à bon compte et de trouver de nouveaux
débouchés pour ses produits d'exportation, le Japon se fraya un
chemin en Afrique, dans le sillage des colonisateurs. C'est ainsi qu'il profita
des traités relatifs au bassin du Congo115(*).Mais c'est surtout avec
l'Afrique du Sud que les relations bilatérales furent le plus
fructueuses. Dès 1908, les Japonais faisaient escale au Cap, alors
qu'ils étaient en route vers l'Amérique du Sud. D'ailleurs, avant
que la colonie du Cap ne devienne l'Union sud-africaine, un consul honoraire,
Julius Jeppe, y représentait le Japon. Dès 1930, les Japonais
purent jouir d'un statut particulier, puisqu'ils furent désormais
considérés comme des « Blancs
d'honneur ». Ce statut dérogatoire à l'Union
Immigration Act de 1913 leur permit également d'échapper aux
discriminations imposées aux « Non-Blancs
», bien avant que le National Party ne légifère sur
l'apartheid en 1948. Enfin, une légation nippone fut ouverte à
Pretoria le 25 octobre 1937. Toutefois, la déclaration de guerre de
l'Afrique du Sud à l'Empire du soleil levant, le 8 décembre
1941, mit un terme provisoire aux excellentes relations bilatérales
entre le Japon et l'Union sud-africaine.116(*)
La période de l'après-guerre qui
s'étendit jusqu'à la fin des années 1950 vit la marge de
manoeuvre diplomatique du Japon être limitée, puisque l'archipel
passa d'une quasi-administration directe par les États-Unis à une
« liberté surveillée » jusqu'au
début des années 1960. Ce n'est qu'à partir de la vague
des indépendances des années 1960 que le Japon commença
timidement à intervenir sur le continent pour monter progressivement en
puissance.
L'analyse de cette période qui s'étend de la
colonisation à la chute du communisme et à son corollaire la fin
de l'Afrique du Sud blanche a conduit à envisager deux théories
antagonistes : la thèse de la « politique des mains
propres » versus celle de la « collusion avec les
colonisateurs ». La première est bien évidemment
soutenue par le MOFA, qui publiait dans son rapport annuel de 1961 sa vision
des relations avec l'Afrique colonisée : « (...)
L'Afrique n'était pour le Japon rien d'autre qu'un marché
d'exportation pour des produits de consommation, essentiellement des produits
textiles (...).117(*)» Cette version est battue en brèche
par des chercheurs qui se situent plutôt dans la mouvance progressiste et
anticolonialiste, comme Jun Morikawa118(*). Ainsi, le Japon se serait-il accommodé de la
colonisation pour exploiter les richesses africaines et y développer de
fructueux échanges commerciaux. La réalité se situe
probablement entre ces deux thèses, le Japon se contentant tout
simplement de l'ouverture de l'Afrique au monde pour essayer d'en tirer le
meilleur parti. Les flux commerciaux entre le Japon et l'Afrique après
guerre illustrent bien cette opinion. Entre 1945 et 1960, la progression fut
vertigineuse, puisqu'elle passa de 21 à 217 millions de yens.
Pendant cette période, l'Afrique de l'Ouest prit le pas sur l'Afrique de
l'Est, ce qui s'explique essentiellement par l'importance des navires battant
pavillon de complaisance libérien119(*).
Les liens développés entre le Japon et ses
partenaires africains avant les indépendances furent certes modestes.
Ils préfiguraient néanmoins ce que seraient les futures relations
entre l'archipel et les nouveaux États. Au plan politique, les
autorités nippones avaient tendance à considérer le
continent noir comme l'arrière-cour des Européens ; et
à ce titre, la diplomatie japonaise avait tendance à harmoniser
ses positions avec celles des anciens tuteurs. Au plan économique, les
entreprises japonaises, qui n'avaient aucune « dette
morale » vis-à-vis de l'Afrique, se sentaient libres de
commercer et d'investir où bon leur semblait120(*).
Du début des années 1960 jusqu'à
l'effondrement du bloc communisme, qui rendit obsolète la défense
de l'Afrique du Sud blanche par les Occidentaux, la diplomatie nippone se fit
très discrète en Afrique. D'une part, parce qu'elle ne voulait
pas gêner les Occidentaux, d'autre part, son
« pré-carré » était
traditionnellement l'Asie. En revanche, sur le plan économique, elle
adopta le principe des « pays phare », à l'inverse
de la République populaire de Chine qui avait adopté celui des
« pays frères». Cette politique duale conduisit le Japon
à établir des relations privilégiées avec l'Afrique
du Sud et la Rhodésie blanche. Plus longue et plus étroite, la
collaboration avec la République sud-africaine évolua cependant
en fonction de la condamnation de l'apartheid par la communauté
internationale. Jusqu'au milieu des années 1970, des relations
économiques, culturelles et sportives fructueuses se
développèrent sans aucun complexe entre les deux pays. Même
l'interdiction des investissements directs n'affecta pas les relations
bilatérales. Si le MOFA était plutôt favorable à une
application stricte des sanctions, le ministère de l'Économie, du
Commerce et de l'Industrie (MITI), et le ministère des Finances (MOF)
étaient d'un avis contraire. En tout état de cause, quelles que
fussent les protestations des partisans d'une ligne dure à
l'égard de l'Afrique du Sud, le Japon devint son premier partenaire
commercial en 1987121(*).
En même temps qu'il entretenait des relations
avantageuses avec l'Afrique du Sud blanche, le Japon cherchait à
améliorer celles qui existaient avec les autres pays africains. Ce fut
d'abord l'ère de l'apprentissage de l'Afrique, du début des
années 1960 au premier choc pétrolier de 1973. Puis la
« diplomatie des ressources » s'imposa et les
missions commerciales nippones se multiplièrent sur le continent noir.
Enfin, à Manille, la doctrine Fukuda révéla l'importance
de l'APD en tant qu'instrument privilégié du rayonnement
international du Japon122(*)
Le Japon sut mener, pendant toute cette période, une
habile politique que l'on peut qualifier de funambulesque, mais qui porta ses
fruits à la chute du mur de Berlin. Le Japon qui avait su adopter un
profil bas était quasiment présent partout sur le continent,
qu'il s'agisse de l'ancienne Afrique « blanche » ou de
l'Afrique à majorité noire.123(*)
PARAGRAPHE 2: LE JAPON DANS
L'UNIVERS COGNITIF DES AFRICAINS : « UN ERSATZ GEOSTRATEGIQUE ET
TECHNOLOGIQUE »124(*)
Considérant l'Afrique dans sa présentation
physique comme une partie émergée d'un titan macrocéphale,
dont la face regarde l'Orient et la nuque l'Occident, Hubert Mono
Ndjana125(*)
s'étonne de constater que l'Afrique tarde à ouvrir ses yeux qui
regardent pourtant l'Asie, pour compléter ses connaissances et
conquérir le monde. Cette situation, soutient le philosophe camerounais,
lui semble regrettable, car occuper une position aussi centrale sur la
planète avec l'Europe sur sa tête, les Amériques sur son
dos et l'immensité asiatique face à elle, donne
inévitablement à l'Afrique, le devoir de pivoter dans tous les
sens, en toute liberté. Selon Joseph Vincent Ntuda Ebode deux
explications peuvent justifier aisément l'entrée du Japon dans
l'univers mental des Africains.
Premièrement, ce qu'il considère comme
« une gestion victorieuse des contraintes »
notamment géostratégiques inhérentes à sa situation
insulaire et sa mise tutélaire par les Etats-Unis d'Amérique.
L'Empire du Soleil-Levant est passé d'une position mineure et
subordonnée à celle d'un partenaire majeur et incontournable pour
Washington. Un retournement de situation qui ne saurait laisser l'Afrique
indifférente, elle qui subit la subordination politique,
économique, culturelle et stratégique par rapport à
l'Europe. Deuxièmement, le type de développement hybride, alliant
harmonieusement modernité et tradition et qui de ce fait semble plus
proche du type qui prend corps en Afrique126(*).
A l'opposé des autres nations tombées sous
l'hégémonie occidentale, le Japon127(*) à son éveil
à la fin du XIXe siècle s'est coulé avec vivacité
et rapidité dans le moule des civilisations étrangères
plutôt qu'il n'a été modelé par ces civilisations.
C'est ainsi que « les Japonais ont maîtrisé les
innovations plutôt qu'ils n'en ont été les victimes.
L'influence étrangère a anéanti d'autres pays mais elle a
donné souffle au Japon », observe Ezra Vogel.128(*)
Le Japon est donc perçu «comme une source
d'inspiration à laquelle il est important de puiser ». Il est
en effet admis d'après Axelle Kabou129(*), que « le Japon et l'Afrique sont
probablement plus proches de leurs traditions médiévales que les
Occidentaux ne le sont des leurs » et qu'à la fin des
années 1950, la situation économique, id est
l'état de sous développement de nombreux pays d'Asie du Sud
était comparable sinon moins satisfaisante que celle de certains pays
d'Afrique subsaharienne. Mais les évolutions ultérieures ont
été si divergentes qu'aujourd'hui, alors que l'Asie orientale
joue quasiment le rôle de locomotive de l'économie mondiale, le
continent noir connaît plutôt une désastreuse
dégradation de ses conditions économiques.
Animé du désir de rattraper le retard
technologique sur l'Occident, l'Etat japonais s'est engagé dans une
campagne volontariste de propagation de l'idéologie technologique pour
imposer des changements à une société où le temps
et les unités de mesure étaient encore régis par les
phénomènes naturels tels que les saisons ou le soleil.
L'enseignement primaire est également devenu obligatoire dès 1871
avec un accent particulier sur le questionnement scientifique de la nature. Le
pays s'est doté d'une masse critique d'ingénieurs et de
techniciens capables de prendre la relève de l'assistance technique
étrangère. Au niveau de ce tissu industriel, l'Etat a
favorisé délibérément dans les différents
secteurs d'activités, l'émergence de grands groupes capables de
faire de la production de masse pour le marché domestique et
l'exportation, en déployant avec succès les technologies de la
deuxième révolution industrielle. « Pour
créer les conditions d'une compétition intense au niveau
domestique, le MITI a poussé les entreprises locales à acheter
les licences ou à copier des technologies étrangères. Il a
investi dans le développement des capacités pour absorber ces
technologies et les améliorer »130(*)
Pour Barthélemy Biao131(*) et Emil Hatcheu
Tchawe132(*) le
développement en Asie en général et au Japon en
particulier, n'a pu être possible sans de profondes mutations de
politiques économiques. Elles apparaissent marquées par
l'adhésion à des stratégies dites Out-ward
looking et Export-puch de l'ouverture des économies au
commerce international, un investissement approprié dans le
développement des ressources humaines, un approfondissement financier
par la libéralisation des taux d'intérêt, la réforme
foncière et le développement du secteur agricole. En fait
d'après Babissakana et Abissama Onana133(*) , « chaque pays qui veut
accroître durablement le niveau de vie de ses citoyens doit faire tout ce
qui est possible de faire pour accéder en permanence au grand
marché international des capitaux privés. C'est le cas de tous
les pays dits avancés et émergents ». Il semble
que ces différentes approches théoriques rencontrent peu de
« succès » lorsqu'elles sont confrontées aux
réalités africaines, où les spécialisations dans le
secteur primaire issues de la colonisation sont assez stables. Pourtant, la
richesse se crée. Il n'y a pas de fatalité africaine dans des
guerres absurdes, des gouvernements incompétents et corrompus, des
comportements irresponsables de vie facile et de jouissance
débridée. Depuis des siècles, l'Histoire nous enseigne
à travers toute l'humanité, que se libérer, briser les
chaînes, cela demande toujours une volonté, une décision et
parfois... une révolution. C'est pourquoi il convient
d'éviter de faire le fétichisme des facteurs ou des moyens
de la puissance. Encore faut-il pouvoir mobiliser lesdits facteurs de
manière efficace afin de passer du stade de la potentialité
à celui de l'effectivité. En cela, l'intelligence s'avère
une matière inépuisable dans la dynamique de la transformation
socio économique134(*).
SECTION II : LES
AMBITIONS AFRICAINES DU JAPON
Elles peuvent se décliner en trois composantes :
la sécurité (paragraphe 1), la diplomatie de l'aide (paragraphe
2), et le commerce et l'investissement (paragraphe 3)
PARAGRAPHE 1 : LA PAIX ET
LA SECURITE
La chute du mur de Berlin et la fin de la division du monde en
deux blocs antagonistes ont ouvert la boîte de Pandore des ambitions
planétaires de pays comme le Japon. Déjà, à la fin
des années 1970, le gouvernement Ohira (1978-1980) avait affirmé
le rôle du Japon dans le monde, en se penchant sur le concept de
« sécurité globale » qui reflétait une
mondialisation des préoccupations japonaises. Celle-ci ne devait pas
être envisagée stricto sensu, mais dans un sens plus large. Elle
partait du principe selon lequel l'économie japonaise dépendant
du reste du monde, tant pour ses approvisionnements en matières
premières que pour ses débouchés, le Japon devait prendre
une responsabilité plus grande dans sa stabilité et son
développement. Il s'agissait donc là d'une mondialisation des
préoccupations japonaises. Ainsi, la politique globale avait pour but
d'affermir les valeurs traditionnelles des Japonais sur le plan
intérieur, tout en ouvrant largement le pays au monde, afin qu'il y joue
un rôle à la mesure de sa puissance.135(*)
Mais ce sont les bouleversements géopolitiques
planétaires du début des années 1990 qui ont
aiguisé les appétits de puissance du Japon. D'ailleurs, il est
indéniable que le débat sur la place du Japon sur
l'échiquier mondial évolue en faveur d'une plus grande prise de
responsabilités de sa part, malgré les contre-feux allumés
par sa grande rivale : la Chine. Toutefois, des hésitations se sont
fait jour entre l'évocation permanente de sa politique onusienne et ses
actions pratiques sur la scène internationale, notamment à
l'occasion de la guerre du Golfe. Aujourd'hui, la contribution du Japon aux
efforts de paix et de prospérité dans le reste du monde ne
s'envisage plus ni comme un « partage du fardeau », ni
comme une alliance inconditionnelle avec les États-Unis, mais comme une
prise de responsabilité accrue dans les affaires de la planète.
Longtemps accusé de s'être abrité derrière sa
Constitution pour ne pas intervenir sur le terrain dans le cadre des
opérations de la paix et de privilégier la « politique
du chéquier », le Japon a dû faire évoluer son
implication lors des crises africaines. C'est ainsi qu'il a accru depuis les
années 1990 sa participation aux Opérations de maintien de
la paix (OMP) de l'ONU136(*).
Sa première intervention sur le continent africain
s'est déroulée au Sud-Ouest africain/Namibie d'avril 1989
à mars 1990, au sein du Groupe d'assistance à la transition
(UNTAG). Puis ce fut la contribution, uniquement financière d'ailleurs,
du Japon à la Mission des Nations Unies en Somalie (ONUSOM 2), au
début de l'année 1992. Mais la bonne foi des Japonais ne
peut être mise en doute dans leur refus d'engager des hommes en Somalie,
dans la mesure où deux conditions devaient être
réunies : qu'une demande des autorités locales (inexistantes
à l'époque) soit effectuée et que la situation ne soit pas
trop conflictuelle, car les militaires nippons n'auraient pas été
autorisés à faire usage de leurs armes, même dans le cas de
légitime défense. Si la participation du Japon à la
Mission des Nations Unies pour la Vérification des Accords de paix en
Angola (UNAVEM 2) fut quasi symbolique (trois personnes dans le cadre de
la surveillance des élections), il en fut autrement au Mozambique. Le
Japon s'était déjà mobilisé pour ce pays dans les
années 1980, alors qu'il était en proie à une guerre
civile qui avait occasionné des centaines de milliers de morts en
1984-1985. Quelques années plus tard, le Japon participait à la
Mission des Nations Unies au Mozambique (UNOMOZ) avec un contingent de
53 militaires sur les 354 observateurs internationaux. Dans ce cas
d'espèce, c'est le ministère des Affaires
étrangères qui emporta la décision, alors que le Premier
ministre Miyasawa était plutôt opposé à cet
engagement. Le drame rwandais donna indirectement l'occasion au Japon
d'affirmer sa présence militaire en Afrique. Il semble incontestable que
la nomination de l'universitaire Sadako Ogata à la tête du Haut
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en 1991 ne fut
pas étrangère à la décision du Japon d'envoyer un
contingent de 260 hommes des Self Defence Forces (SDF), pour la
première fois sous commandement japonais, à Goma. Les raisons que
nous avons évoquées précédemment dans l'exemple de
la Somalie s'appliquant au Rwanda, les militaires nippons furent basés
de l'autre côté de la frontière, au Zaïre voisin. Le
carcan constitutionnel japonais, et en particulier son article 9,
étant trop contraignant, une réflexion sur son abandon ou sa
modification a constitué un sujet d'opposition entre le Parti
libéral démocrate (droite), au pouvoir jusqu'à il y a
quelques mois, et l'opposition de gauche. Un premier pas a été
franchi dans la « normalisation » des institutions
japonaises le 9 janvier 2007, lorsqu'il s'est doté pour la
première fois depuis 1945 d'un ministère de la Défense. Il
n'en demeure pas moins que la participation militaire du Japon aux
interventions de l'ONU n'est pas systématique. Ainsi, en 2007, le Japon
a décliné l'offre qui lui a été faite de
transporter les troupes burundaises au Darfour137(*).
PARAGRAPHE 2 : LA
DIPLOMATIE DE L'AIDE
Parallèlement à son action diplomatique
classique, le Japon a mis en oeuvre des actions tendant à renforcer son
image de puissance globale au niveau international ; en cela, il a
emboîté le pas aux partenaires traditionnels de l'Afrique. La
philosophie de l'aide japonaise n'est pas une création ex nihilo, mais
elle s'inscrit dans le cadre d'une politique étrangère qui a
fortement évolué depuis une soixantaine d'années. La mise
en oeuvre de l'APD nippone peut s'expliquer par des motivations diverses, qui
tiennent compte à la fois du contexte international et de
préoccupations spécifiques. Au fil des années,
l'engagement du Japon à l'égard des pays en développement
a évolué. Si, avant 1989, sa motivation était plutôt
économique, après la disparition de l'Empire soviétique,
celle-ci s'est complétée d'un volet diplomatique, dans sa
quête de devenir un acteur majeur de la politique internationale. Lors de
ce changement de cap, l'approche de la politique d'aide du Japon est devenue
plus multilatérale, majoritairement par le biais des Nations unies et de
ses agences spécialisées, et l'aide s'est progressivement
« déliée ».138(*)
Pour mettre en oeuvre sa politique d'aide, il s'est
doté d'instruments spécifiques, qui ont été
chargés de mettre en oeuvre la politique d'aide, essentiellement en Asie
et aussi de plus en plus en Afrique. Nous constaterons que, depuis sa mise en
oeuvre, elle a connu différentes évolutions et que le Japon a
été le premier pays non colonisateur à lancer un cycle de
conférences bilatérales avec les pays africains, les TICAD, dont
d'autres pays comme la Chine, Taiwan, l'Inde et la Corée du Sud
s'inspireront quelques années plus tard.
Une vingtaine de ministères et d'agences
spécialisées participent à des degrés divers
à l'élaboration et l'exécution de la politique d'aide
nippone aux pays en développement. Chacun d'entre eux ayant des
objectifs et des priorités propres, ces intérêts parfois
divergents peuvent occasionnellement être source de tensions. Ils
compliquent l'élaboration d'une politique cohérente censée
être le fruit d'une collaboration permanente entre les principaux acteurs
que sont le MOFA, le MITI, le MOF et l'EPA (Economic Planning Agency)139(*).
L'Agence japonaise de coopération internationale (Japan
International Cooperation Agency, (JICA), inspirée de l'International
Development Cooperation Agency (IDCA) des États-Unis, qui est l'une des
plus importantes agences d'aide bilatérale au monde, constitue le bras
armé de la diplomatie de l'aide nippone. Créée en 1971,
JICA s'est vu assigner plusieurs tâches : la coopération
technique, la promotion des activités des Jeunes Volontaires japonais
(JOCV), organisation calquée sur le Peace Corps américain, mise
à la disposition d'entreprises privées nippones de fonds
nécessaires à la réalisation de projets pilotes, au
recrutement et à la formation de personnels d'encadrement technique.
Deux lois vinrent compléter les missions de JICA : la
première du 28 avril 1978, sur la Grant Capital Assistance
(dons), la seconde du 6 septembre 1987, sur le Disaster Relief
Team (aide en cas de désastre naturel). En octobre 2003, elle
devint administrativement indépendante ; enfin, le 1er octobre
2008, la « nouvelle JICA » est née de la fusion de
JICA avec la Banque japonaise de développement international (Japan Bank
for International Cooperation, JBIC), dont la mission était d'octroyer
des prêts bonifiés aux pays en développement. À
cette occasion, la « nouvelle JBIC » a vu ses missions
évoluer : promotion à l'étranger du
développement des ressources naturelles stratégiques, aide aux
efforts de l'industrie japonaise pour le développement de ses affaires
internationales, et réponse aux désordres financiers dans
l'économie internationale. La JBIC dispose de deux moyens pour attribuer
ses prêts : les International Financial Operations (IFO),
destinées à la fois aux pays développés et aux pays
en développement, et les Overseas Economic Operations (ODA),
essentiellement consacrées aux PVD140(*). Depuis sa réorganisation, JICA dispose de
97 bureaux qui élaborent des programmes dans 150 pays, d'un
montant d'environ 8,5 milliards de dollars141(*).
Au plan quantitatif, l'aide au développement du Japon
a subi des fluctuations tant dans son montant que dans sa répartition
géographique. Le Japon, qui était devenu le premier pourvoyeur
d'aide au niveau mondial entre 1993 et 2000, n'était plus que
troisième en 2001 après les États-Unis et le Royaume-Uni,
pour tomber à la cinquième place en 2007, derrière
l'Allemagne et la France. Et si l'on tient compte du ratio aide/PNB, la
performance est encore moins honorable, puisque l'aide nippone ne
représentait que 0,25 % en 2006 et plaçait l'archipel au
19e rang des pays de l'OCDE. À la décharge des
autorités japonaises, il convient de rappeler que la crise qui avait
ébranlé l'économie nippone dès le milieu des
années 1990 ne permettait plus au Japon d'accroître le volume
de son aide. Mais les sinusoïdes de l'aide japonaise ont
évolué au gré des décisions prises par les Premiers
ministres successifs, qu'il s'agisse de Ryutaro Hashimoto, qui les diminua de
1997 à 2000, ou de ses successeurs, qui annulèrent la
réduction du budget pour l'année 2000, ou de Junichiro
Koizumi qui à son tour diminua l'aide en 2001 de 3 %, pour la
réduire de 10 % supplémentaires l'année suivante
(910 millions de yens)142(*).
PARAGRAPHE 3 : LE COMMERCE
ET l'INVESTISSEMENT
Les TICAD ont sans nul doute contribué à
projeter l'image d'un Japon soucieux du devenir du continent africain,
grâce à une activité diplomatique soutenue et une aide au
développement conséquente. En revanche, les échanges
commerciaux entre les deux partenaires et les investissements directs sur le
continent n'ont jamais eu aucune commune mesure avec les relations
économiques que l'archipel entretient avec les autres parties du
monde.
Ceux-ci sont réduits et concentrés tant
géographiquement que par domaines. Les causes de cette relative
désaffection des firmes nippones pour l'Afrique sont multiples et
diverses. Parmi les obstacles régulièrement avancés par
les entrepreneurs japonais opérant sur le continent, figurent :
l'instabilité politique croissante qui fait craindre des changements de
législation, voire des nationalisations, des guerres civiles et la
pauvreté endémique, et leur corollaire,
l'insécurité pour les personnes et les biens, des infrastructures
inadéquates et obsolètes (mis à part en Afrique du Sud),
des risques sanitaires importants et, enfin, la multiplication des unions
douanières qui sont au nombre de huit, ainsi que des monnaies aux cours
fluctuants, y compris le rand sud-africain, mais à l'exception notable
du franc CFA, lié à l'euro143(*)
Si le second conflit mondial avait porté un coup
d'arrêt à l'expansion du commerce japonais en Afrique, les
échanges reprirent timidement à partir de 1945. L'accession
à l'indépendance des territoires africains sous tutelle va encore
accélérer cette tendance. Toutefois, le volume des
échanges entre les deux partenaires est demeuré
désespérément faible, surtout dans l'Afrique nouvellement
indépendante. Les années 1960-1970 ont connu une progression
parsemée d'embûches : si étonnant que cela puisse
paraître aujourd'hui, entre 1960 et 1964, l'Afrique importait plus de
produits japonais que le Marché commun ou l'Association
européenne de libre-échange (AELE). Alors que, jusqu'en 1961, il
existait un déficit commercial en faveur de l'Afrique, à partir
de cette date, la tendance s'inversa : l'Afrique continuait à
importer massivement du Japon, alors que l'archipel n'absorbait pas assez de
matières premières pour compenser. Entre 1961 et 1970, les
exportations japonaises passèrent de 400 millions à
1,4 milliard de dollars ; dans le même temps, les importations
firent un bond de 300 à 850 millions. Dans les années 1980
et 1990, un certain rééquilibrage s'est progressivement
effectué dans les échanges commerciaux. L'année 1981
établit un record en la matière : les importations
atteignirent 4,8 milliards de dollars et les exportations
10 milliards. Mais le renchérissement du yen ainsi que la baisse
spectaculaire des cours du pétrole eurent des conséquences
néfastes sur les relations commerciales bilatérales dès
l'année suivante. La transformation de l'industrie lourde nippone et le
fléchissement de la production d'acier japonais eurent pour
conséquence une désaffection pour le minerai de fer. Dans les
années 1980 et 1990, les principales exportations japonaises
étaient majoritairement constituées par le secteur des transports
(automobiles, camions, navires), les équipements électriques, les
produits métalliques et les machines. Quant aux importations, elles
étaient représentées à 50 % par le charbon,
le pétrole, le platine, le cuivre, l'acier, l'or, le cobalt et les
produits de la mer. Les principaux partenaires du Japon sur le continent - hors
Afrique du Sud - étaient : Égypte, Liberia, Nigeria,
Zimbabwe, Kenya, Mauritanie, Gabon, Ghana et Tanzanie144(*).
L'Afrique du Sud, quant à elle, a toujours
été un partenaire commercial privilégié du Japon.
Dépourvu d'accès privilégié à des sources de
matières premières depuis sa défaite de 1945, le Japon ne
pouvait s'abstenir de commercer avec l'État le plus avancé, le
plus riche et le plus solvable du continent. Tout en se livrant à des
déclarations de principes hostiles à l'apartheid, il se contenta
d'adopter vis-à-vis de la RSA une attitude qualifiée de
« business as usual ». Malgré les sanctions,
d'ailleurs adoptées à contrecoeur par le Japon, les
échanges économiques ont crû de façon significative,
au point que l'archipel devint le premier partenaire commercial de l'Afrique du
Sud en 1987. Entre 1962 et 1980, le commerce bilatéral avait
été multiplié par deux. Mais cette progression
phénoménale des échanges conduisit la communauté
internationale à inciter le Japon à réduire ses
échanges avec l'État paria ; il quadrupla entre 1973 et
1987, pour atteindre 4 milliards de dollars. Officiellement, le commerce
bilatéral déclina rapidement, mais de nombreuses violations des
sanctions furent relevées pendant cette période. Cette
année-là, six sociétés de commerce japonaises
effectuaient la moitié des échanges avec la RSA : Mitsui,
Nissho Iwai, Sumitomo, Mitsubishi, Itoh et Marubeni, pour un total
cumulé de 18,5 milliards de dollars145(*).
Le commerce entre le Japon et l'Afrique, qui était au
plus bas entre 1999 et 2001, progresse à nouveau, sans atteindre le
point culminant de l'année 1981. En 2007, il était en
augmentation de 16,3 % par rapport à l'année
précédente ; les exportations japonaises en direction de
l'Afrique doublèrent entre 2003 et 2007, pour atteindre
11,6 milliards de dollars, alors que les importations atteignaient leur
plus haut niveau pendant trois années consécutives, avec un
montant de 14,8 milliards de dollars. À la suite de l'augmentation
progressive des matières premières, jusqu'à la crise
financière de 2008, la balance commerciale traditionnellement favorable
au Japon s'est changée en déficit ; en 2007, il
était de 3,2 milliards de dollars. En 2006, le brut et le platine
étaient les principaux produits d'importation, et ils
représentaient respectivement 21 % et 8 % des
13,26 milliards de dollars achetés par l'archipel. La majeure
partie du pétrole provenait du Soudan, d'Angola et du Nigeria, alors que
les métaux rares provenaient d'Afrique du Sud, d'Ouganda et de Zambie.
Comme par le passé, l'Afrique du Sud demeure le partenaire commercial le
plus important du Japon sur le continent, avec 50 % des échanges,
suivi par le Soudan (11 %), l'Égypte (8 %) et le Nigeria
(5 %) . Quant aux exportations japonaises en direction du continent
noir, elles sont majoritairement constituées par les véhicules
automobiles (24 % du total), les navires (6 %) et les machines-outils
(4 %). Bien qu'une cinquantaine de chefs d'entreprise nippons aient
accompagné le Premier ministre Shinzo Abe en Égypte et que la
TICAD 4 ait souhaité accroître le commerce bilatéral,
il ne représente aujourd'hui que 2 % des flux globaux
japonais146(*).
Les investissements japonais en Afrique ont suivi peu ou prou
la même tendance que les échanges commerciaux. Pour les
mêmes raisons que celles évoquées plus haut, la prudence a
été de mise chez les investisseurs japonais. Bien que, entre 1990
et 1994, le retour sur investissement ait été plus
élevé en Afrique qu'en Asie (24 % à 30 % contre
16 % à 18 %), l'Afrique a peu attiré les investisseurs
étrangers. En 1993, les investissements directs étrangers (IDE)
qui y étaient effectués ne représentaient que 2,3 %
de ceux réalisés dans le monde. Les Japonais étaient
encore plus réservés, puisqu'ils n'y auront investi que
7,351 milliards de dollars en 1994, soit 1,74 % de leurs IDE totaux.
Aujourd'hui encore, les IDE japonais en Afrique demeurent faibles et sont
même en baisse depuis les années 1990, puisqu'ils ne
s'élèvent qu'à 1,5 %, pour des investissements de 1,1
milliard de dollars en 2007147(*).
Jusqu'en 2005, la majeure partie d'entre eux étaient
investis en Afrique du Sud, essentiellement dans le secteur minier et
automobile, et en Égypte 85 % de l'IDE nippone sur le continent
ainsi qu'à Maurice, au Nigeria, au Kenya et en Angola. Cependant, depuis
trois ans les investissements japonais se dirigent un peu plus vers d'autres
pays africains. Partenaire le plus ancien de l'Afrique en dehors des anciens
colonisateurs et des États-Unis, le Japon a été le premier
pays asiatique à s'y intéresser, tant au plan économique
qu'à celui de la coopération. Il a fait de son offensive
diplomatique en direction des États africains,
matérialisée par les conférences de la TICAD, une des
lignes de force de sa politique étrangère qui a pour vocation de
faire du Japon une puissance globale. Pendant longtemps, le Japon a
été l'intervenant asiatique majeur sur le sol africain, exception
faite de Taiwan et de quelques opérations ponctuelles de la Chine, comme
la construction du TANZAM, chemin de fer reliant la Tanzanie à la Zambie
entre 1970 et 1975.148(*).
Au terme de cette partie il ressort que le Japon occupe une
place relativement centrale au coeur de l'échiquier mondial, place que
le Japon n'a sans cesse voulu renforcer depuis la fin de la guerre froide. Pour
cela, le pays du soleil -levant, a mis sur pied divers instruments aussi
politiques, économiques et commerciaux en vue d'élargir son aura
internationale, particulièrement dans le continent africain dont la
TICAD en est le principal outil.
DEUXIEME PARTIE : LE
JAPON, LA TICAD IV ET L'AFRIQUE
La présente partie va s'articuler autour de trois
grands mouvements qui vont constituer son ossature. En premier lieu, il sera
question d'analyser la TICAD 4 comme une nouvelle doctrine dans la politique
africaine de coopération du Japon (chapitre 4) ; en deuxième
mouvement, nous essayerons de décrypter les enjeux qui entourent cette
mutation dans la politique africaine de coopération du Japon par le
billet de la TICAD 4 (chapitre 5). Enfin, nous revisiterons la
coopération nippo- camerounaise depuis tout au moins 2003, date de
lancement de la TICAD 3 jusqu'à nos jours (chapitre 6)
CHAPITRE IV : LA TICAD
IV COMME UNE NOUVELLE DOCTRINE DANS LA POLITIQUE AFRICAINE DE COOPERATION DU
JAPON
L'analyse du processus de la TICAD tel qu'il s'est
décliné depuis sa troisième édition en 2003
jusqu'à la quatrième en 2008 a marqué de manière
sibylline le passage d'une philosophie traditionnelle du Japon dans sa
politique africaine de coopération vers une nouvelle orientation
apportée par la TICAD 4. On est ainsi passé d'une bio
coopération avec la TICAD III (section 1) à un business
cooperation avec la TICAD 4 (section 2), même s'il faut reconnaitre
que la rupture n'est pas totale (section III)
SECTION I : DE
« LA BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD III...
La bio coopération ou encore la
coopération sociale est une coopération axée sur la
sécurité humaine en termes de relèvement des conditions de
vie de l'homme, elle valorise ainsi la dimension humaine du
développement décrite plus haut.
Parler de la bio coopération valorisée
par le Japon revient à dire que les secteurs prioritaires dans lesquels
le pays du soleil-levant s'est investi jusqu'à la TICAD IV
étaient essentiellement les secteurs sociaux qui concernent
l'amélioration des conditions de vie des populations africaines aussi
bien dans les secteurs de la santé, l'éducation, l'accès
à l'eau potable...
Analyser la bio coopération dans la politique africaine
de coopération du Japon sous la TICAD III revient à nous
intéresser sur les axes de coopération prioritaires émis
par le Japon et ses partenaires pendant la TICAD III (paragraphe 1), puis
revisiter les réalisations majeures Japon de 2003 à 2008
(paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1 : LES AXES DE
COOPERATION PRIORITAIRES DECLINES SOUS LA TICAD III
Une lecture attentive du discours d'ouverture de la
3ème édition de la TICAD prononcé par le
premier ministre japonais de l'époque Son Excellence Junichiro Koizumi
le 29 Septembre 2003 à Tokyo fait ressortir un tryptique de domaines
stratégiques pour lesquels le Japon appuyé par ses partenaires
s'est engagé à s'investir en Afrique durant cinq ans. Ces
domaines se déclinent ainsi qu'il suit par ordre d'importance :
« un développement centré sur l'homme » (1),
« la réduction de la pauvreté par la croissance
économique » (2) et « la consolidation de la
paix » (3)
a) Un développement
centré sur l'homme
« Le développement au coeur duquel se
situent les hommes » a constitué en effet le premier
pilier de la coopération nippo-africaine sous la TICAD III. En effet si
le Japon depuis la TICAD II avait investi près de 750 millions de
dollars us dans les domaines de base, cette aide ayant permis
d'améliorer entre autre la santé de près de 240 millions
de personnes, d'approvisionner 4.6 millions de personnes en eau potable et
faciliter l'accès à l'éducation à plus 2.6 millions
d'enfants par le biais de la construction de bâtiments
scolaires149(*)... Force
est de reconnaitre qu'avec la TICAD III on va assister à une
accentuation de l'investissement du gouvernement japonais dans ces domaines
sociaux en Afrique. C'est ainsi que conscient des résultats obtenus dans
ces domaines lors de la TICAD II, le premier ministre Koizumi a annoncé
un engagement plus accru de son gouvernement dans le domaine de la
coopération sociale, il a à cet effet décidé
d'augmenter l'aide japonaise sous forme de dons d'un total d'un milliard de
dollars us dans les domaines de la santé, des soins médicaux,
dans la lutte contre les maladies infectieuses et le VIH/SIDA,
l'éducation, l'accès à l'eau, l'aide
alimentaire...150(*)
b) La réduction de
la pauvreté par la croissance économique
Lors de la troisième conférence de la
TICAD, le Japon est parti du principe que sans la croissance économique
la pauvreté ne saurait être réduite. Le gouvernement
japonais par la voix de son premier ministre s'est donc à engagé
à mettre davantage l'accent sur la coopération destinée
à améliorer la productivité agricole pour réduire
la dépendance de l'Afrique à l'égard des importations des
produits alimentaires, notamment à travers la diffusion et la
vulgarisation du Nouveau Riz pour l'Afrique (NERICA) qui est une hybridation
d'un riz asiatique et d'un riz africain.
Egalement, le Japon s'est engagé à encourager
l'investissement privé des entreprises japonaises en Afrique par le
biais des prêts d'investissement à l'étranger et d'autres
mesures pour un montant total de 300 millions de dollars us pendant cinq
ans.
Le Japon s'est aussi engagé à mettre en oeuvre
l'annulation de prêts en yen l'APD d'un total approximatif de 3 milliards
de dollars us à l'égard des pays pauvres très
endettés et d'autres pays éligibles. Dans cette même
perspective, il a entendu intensifier avec ces pays dont la dette sera
annulée, à travers des cadres internationaux, des politiques de
dialogue afin que ceux-ci puissent s'attaquer au développement socio
économique notamment l'éducation.
c) La consolidation de la paix
Dernier pilier de la coopération nippo-africaine sous
la TICAD III, un consensus s'est dégagé sur le fait que la
récurrence des conflits armés entravaient l'utilisation efficace
des ressources pour le développement économique et que la
prévention et la gestion des conflits étaient indispensables au
développement. Les participants ce sont accordés à dire
que la consolidation de la paix était importante pour éviter une
résurgence des conflits et représentait un pas décisif
vers le développement.
C'est dans cette optique que, fidèle à sa
tradition pacifiste, le Japon s'est engagé à s'investir davantage
dans la coopération pour la consolidation de la paix dans certains pays
africains en proie à de conflits endémiques, notamment en RDC, en
Angola, Sierra Leone, au Soudan... Cet engagement pourra se faire à
travers une approche extensive privilégiant des concepts tels que la
revitalisation des communautés et la garantie de la
sécurité humaine dans des activités destinées
à consolider la paix à l'instar du
Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR), du soutient
aux réfugiés et aux personnes déplacées à
l'intérieur de leur propre pays, de la réintégration des
enfants soldats, du déminage...
Après avoir décliné les piliers de la
coopération nippo-africaine sous la TICAD III qui sont pour l'essentiel
axé sur les secteurs sociaux, il est question dès à
présenter de poser un regard synoptique sur les réalisations
marquantes du Japon dans le cadre de ses engagements pris pendant la
3ème édition de la TICAD à Tokyo en 2003
jusqu'en 2007.
PARAGRAPHE 2 : REGARD
SYNOPTIQUE SUR LES ACTIONS MARQUANTES DU JAPON DANS LE CADRE DE LA TICAD III EN
AFRIQUE
La modification de la charte de l'APD en août 2003, a
montré clairement la détermination du gouvernement nippon
à agir, en indiquant que le « Japon va promouvoir la
coopération Sud - Sud dans le partenariat avec les pays d'Asie et
d'autres régions qui connaissent un développement plus
avancé »151(*). Parmi les initiatives qui retiennent
régulièrement l'attention, l'on cite très souvent le
nouveau riz pour l'Afrique (1) et les activités liées au secteur
privé, aux technologies de l'information et de la communication, et
même au programme des volontaires (2) et ses initiatives en
matière de paix et sécurité (3)
a) Le nouveau riz pour
l'Afrique ou le NERICA
Le NERICA (New Rice for Africa) ou nouveau riz pour
l'Afrique, constitue un remarquable exemple de coopération entre l'Asie
et l'Afrique. Il améliorerait les perspectives de sécurité
alimentaire (MOFA, 2003). Cette nouvelle variété de riz associe
la hardiesse des espèces de riz d'Afrique occidentale à la grande
productivité du riz asiatique. Il a été mis au point par
l'Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de
l'Ouest (ADRAO) et ses partenaires en Afrique, en Asie, en Europe et en
Amérique du Nord et du Sud. Il a également reçu l'appui de
nombreux donateurs en commençant par le gouvernement du Japon suivi du
PNUD, la Banque Mondiale, la fondation Rockefeller, l'Agence Américaine
pour le Développement international (USAID), la BAD, la FAO. Le NERICA a
une teneur en protéine beaucoup plus élevée et
résiste mieux aux mauvaises herbes, aux maladies et aux insectes
nuisibles. Ce riz a un cycle de croissance plus court que les
variétés de riz classiques (90 jours comparé à 130
à 150 jours pour les autres) et il offre un rendement supérieur
d'au moins 50% sans utilisation d'engrais, et un rendement de 200% avec un
faible apport en engrais. L'Initiative pour le Riz Africain (ARI) lancée
en mars 2002, vise à accélérer la diffusion du NERICA dans
l'ensemble de l'Afrique, en partant de sept pays pilotes d'Afrique de l'Ouest,
à savoir le Bénin, la Guinée, le Mali, le Nigeria, le
Togo, la Côte d'Ivoire, pour inclure des pays d'Afrique australe et de
l'Est : Ethiopie, Madagascar, Malawi, Mozambique, Ouganda, Tanzanie et
Zambie. Le cadre du secteur privé, les technologies de l'information et
de la communication, le programme des volontaires font également parti
des réalisations marquantes de la TICAD.
b) Le cadre du secteur
privé, les technologies de l'information et de la communication, le
programme des volontaires
Les forums d'affaires Asie-Afrique de Kuala Lumpur (Malaisie)
en octobre 1999 et de Durban (Afrique du Sud) en juillet 2001, ont
instauré des partenariats commerciaux et ont attiré un plus grand
flux d'investissements étrangers directs et d'échanges
commerciaux entre l'Asie et l'Afrique. Une série d'ateliers
destinés à renforcer les compétences s'est tenue notamment
à Harare (Zimbabwe) en juillet 1995 et à Abidjan (Côte
d'Ivoire) en juillet 1996, axée sur des sujets clés tels que
l'administration et le fonctionnement des entreprises. « Une
stratégie visant à effacer les perceptions négatives que
chaque région peut avoir de l'autre a été
élaborée, afin d'instaurer la confiance et de multiplier les
possibilités de conclure des affaires » (MOFA, 2003a). Le
Conseil Afro Asiatique d'Affaires152(*) (African Business Council), sorte de
chambre de commerce Afrique-Asie a vu le jour en mars 2005. C'est un instrument
qui vise à faciliter l'accès aux marchés et à
améliorer la croissance des petites et moyennes entreprises grâce
aux échanges de pratiques commerciales nées de partenariats
public-privé.
Une initiative de la TICAD en vue d'appuyer
l'élaboration de politiques et le renforcement des capacités en
matière de technologies de l'information et de la communication a
été mise en place au Cameroun, au Nigeria, en Tanzanie et en
Zambie. Des centres de création de réseaux, en coopération
avec Cisco Systems, ont été établis dans plusieurs pays.
Un régional visant à promouvoir l'échange d'informations
commerciales entre l'Asie et l'Afrique a été crée au
Bénin et il est prévu d'en étendre la portée.
Les volontaires de l'ONU (VNU) TICAD, bénévoles
venant de toute l'Asie, travaillent dans de nombreux pays africains aux fins de
transférer le savoir-faire technique dans le domaine de la gouvernance,
du développement du secteur privé et du développement
agricole. Au Kenya, par exemple, le Volontary Nurul Henda Chowdhuy du
Bangladesh qui travaille en tant que spécialiste du micro financement
soutenu par la TICAD, a aidé plus de 3000 personnes à lancer de
modestes activités génératrices de revenus (JICA, 2005).
Il reste cependant plausible que la TICAD soit une initiative importante en
matière de diplomatie mais mineure en matière de
développement.
c) Initiatives en matière de paix et
sécurité
Dans ce domaine le Japon a entrepris de nombreuses actions.
Spécifiquement, en 2004, il a supporté financièrement le
processus DDR des ex combattants des milices rebelles et a par la même
occasion apporté son assistance aux réfugiés soit de
manière directe, soit par le biais des organisations
multilatérales. Ceci afin de consolider la paix et d'assurer la
sécurité humaine dans des pays conflictuels à l'instar de
l'Angola, la Sierre Leone, la RDC, le Liberia. En plus le gouvernement japonais
a accru substantiellement son soutient aux OMP des Nations Unies conduites dans
différentes régions d'Afrique. Il a supporté à lui
seul plus de 20% du cout financier de ces opérations.
Entre 2005 et 2007, le gouvernement japonais a
déboursé près de 6.7 milliards de yen destinés
à 14 pays africains post conflits incluant la RDC et le Soudan. Ces
fonds étaient destinés à couvrir entre autre ; les
charges liées au rapatriement des réfugiés, à la
collecte des armes légères et de petits calibres, et à
l'assistance électorale153(*)
Le Fonds du PNUD au Mozambique pour le déminage a
bénéficié de l'appui de la TICAD en matière
d'action anti-mines et d'aide aux victimes, et une aide semblable a
été fournie à l'Angola pour le déminage, la
démobilisation des combattants et la réinsertion des
réfugiés et des personnes déplacées à
l'intérieur de leur propre pays. 154(*)
Au terme de cette section il ressort que la doctrine qui sou
tendait la politique africaine de coopération du Japon sous la TICAD III
était essentiellement animée par des considérations
solidaristes et humanitaires. C'est une coopération verticale où
le Japon entend apporter son appui financier, logistique et humain en vue de
relever l'humaine condition des populations africaines dans les domaines qui
relèvent du social pour la plupart. C'est dans ce sens que l'on peut
comprendre l'interrogation du premier Koizumi qui, dans sons allocution
d'ouverture de la TICAD III, s'est demandé comment les peuples d'Afrique
pouvaient-ils vivre sans crainte des menaces que représentent la
pauvreté, les conflits et les maladies infectieuses sur leur vie et leur
dignité humaine.
La TICAD IV restera t-elle fidèle à cette
tradition humaniste qui semble être au fondement de la politique
africaine de coopération du Japon ?
SECTION II : ... A LA
« BUSINESS COOPERATION » SOUS LA TICAD IV
Considérer la TICAD IV comme augurant une nouvelle
doctrine dans la politique africaine de coopération du japon qui se
résume à ce que nous appelons le « business
cooperation », revient à dire que la
4ème édition de ce forum nippo-africain revu ses axes
de coopération prioritaires comparativement à l'édition
précédente. Nous nous attèlerons à analyser tour
à tour la rupture fondamentale qu'apporte la TICAD IV par rapport
à la TICAD III (paragraphe 1), d'analyser les autres innovations
qu'apportent la TICAD IV par rapport à l'édition
précédente (paragraphe 2) pour enfin interroger l'état
d'avancement de tous ces projets (paragraphe 3)
PARGRAPHE 1 :
L'ACCELERATION DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE PROMOTION DU COMMERCE ET
L'INVESTISSEMENT COMME L'AXE DE COOPERATION INNOVANT ET PRIORTAIRE DU JAPON
SOUS LA TICAD IV
Une analyse minutieuse de l'allocution d'ouverture de la
4ème édition de la TICAD prononcée par le
premier ministre du Japon d'alors Son Excellence Yasuo Fukuda le 28 Mai 2008,
mais aussi du Plan d'Action de Yokohama (PAY) qui est la véritable
feuille de route adopté par les participants à ce forum, laisse
percevoir une rupture qu'apporte la TICAD IV comparativement à la TICAD
III. En effet, au regard des engagements forts pris par le premier ministre
Fukuda à Yokohama, on remarque que Le processus de la TICAD se propose
de promouvoir "Une Afrique qui gagne" ainsi que sa croissance économique
et sa diversification, par le biais d'un soutien au développement des
infrastructures, au commerce, aux investissements et au tourisme, et à
l'agriculture. Cette dernière édition de la TICAD a donc
été marquée par une volonté japonaise très
forte de renforcer ses liens avec l'Afrique et de reprendre l'initiative. Dans
son discours d'ouverture de la conférence, le premier ministre japonais
Yasuo Fukuda a annoncé le doublement de l'AP à l'Afrique dans les
cinq prochaines années. Il a également annoncé la mise
à disposition de 4 milliards de dollars en cinq ans sous forme de
prêts destinés à développer les infrastructures et
la mise en place par la JBIC d'un fond d'aide aux investissements en Afrique
pour porter son soutien financier à 2,5 milliards de dollars en cinq
ans. Ce soutien financier doit permettre de doubler les investissements
privés japonais en Afrique d'ici 2012. Par ailleurs, la
coopération technique dans le domaine agricole et sanitaire va
être renforcée.155(*)
Pour répondre à ces engagements plusieurs
actions ont été retenues et consignées dans le PAY par le
Japon et ses partenaires. Ces actions concernent les domaines des
infrastructures (a), du commerce (b), des investissements étrangers (c)
et du domaine de l'agriculture (d)
a) Dans le domaine des
infrastructures
Dans son discours d'ouverture de la TICAD
IV, le premier ministre Yasuo Fukuda a mis l'accent sur la
« construction d'infrastructures lourdes (...)
routières mais aussi portuaires ». De quoi contribuer
au dynamisme du continent, selon son expression, mais surtout favoriser les
activités des entreprises privées. «Les investissements
directs des entreprises japonaises s'accompagneront du transfert des
technologies et des savoir-faire managériaux. », a
assuré le premier ministre. Pour cela, le PAY retenu un certain nombre
d'actions à réaliser dans les cinq ans à venir.
Le processus de la TICAD se concentrera à cet effet sur
; Infrastructures de transport régionales, y compris les routes et les
ports, Infrastructures électriques régionales, Infrastructures en
relation avec l'eau, Engagement renforcé des institutions
régionales, Promotion du partenariat public-privé dans les
infrastructures.
Infrastructures de transport régionales
- Fournir une assistance technique et financière pour
la planification, la construction et l'amélioration des couloirs de
transports régionaux et des ports internationaux.
- Renforcer les capacités pour la gestion et la
maintenance des infrastructures régionales.
- Promouvoir la simplification des procédures de
traversée des frontières, comme les Postes frontières "One
Stop" (OSBP).
- Soutenir la coopération technique pour le
développement global des communautés de pair avec le
développement des infrastructures
Infrastructures électriques régionales
Renforcer la coopération afin de fournir une
alimentation électrique stable dans l'ensemble de la région, et
pour créer les capacités de gestion et de maintenance des
réseaux électriques régionaux.
Infrastructures en relation avec l'eau
- Soutenir les initiatives agricoles de développement
des ressources en eau afin d'étendre rapidement le pourcentage des
terres irriguées, et d'améliorer les autres infrastructures de
contrôle et de gestion des eaux.
Engagement renforcé des institutions
régionales
- Soutenir le renforcement des capacités des
Communautés économiques régionales (CER) et des banques de
développement régional pour mieux développer la conception
de projets, planifier, financer et exécuter les programmes des
infrastructures, et fournir une assistance technique pour la planification des
investissements dans les infrastructures régionales.
Promouvoir les partenariats public-privé dans les
infrastructures
- Promouvoir, soutenir et renforcer les partenariats
public-privé dans les infrastructures comme les ports, les voies
ferrées et les centrales électriques d'énergie afin
d'offrir plus d`opportunités pour le secteur privé par
l'utilisation d'autres fonds officiels.156(*)
b) dans le domaine du
commerce
Dans ce domaine le processus de la TICAD s'est engagé
à promouvoir et étendre le commerce. Pour ce faire le Japon et
ses partenaires ce sont engagés à :
- Encourager l'accès au marché avec
exonération de taxes et de quotas essentiellement pour tous les produits
provenant de la totalité des pays africains les moins
développés.
- Améliorer "L'Aide pour le Commerce", afin d'augmenter
globalement la compétitivité des pays africains en
accélérant l'assistance, y compris "l'Initiative de
Développement pour le Commerce" du Japon et en aidant à la
conclusion rapide, juste et équilibrée des négociations de
l'OMC lors du Programme de Doha sur le développement.
- Assister le développement de produits et la promotion
des exportations en Afrique par une promotion accrue de l'initiative Un
Village, Un produit (UVUP).
- Augmenter les capacités de gestion des
infrastructures par le biais de projets comme les Postes frontières "One
Stop" (OSBP)157(*)
c)
l'accélération des investissements étrangers
Le processus de la TICAD IV a affiché sa ferme
volonté à encourager les investissements étrangers, pour
cela le gouvernement japonais s'est engagé à :
- Fournir une assistance pour améliorer l'environnement
des investissements, et notamment les cadres juridiques et
réglementaires dans les pays africains.
- Soutenir la mise en place d'une plate-forme d'informations
et de consultations sur l'environnement commercial à l'intention des
entreprises privées souhaitant pénétrer les marchés
africains et promouvoir à l'amélioration des capacités
des petites et moyennes entreprises africaines,
- Utiliser plus efficacement les sources de fonds officiels
comme les crédits à l'investissement, les assurances de commerce
et d'investissements pour augmenter le partenariat public-privé (PPP) et
influencer les flux des capitaux privés vers l'Afrique.
- Fournir une assistance pour le renforcement des
capacités en vue d'améliorer la gouvernance économique et
celle des entreprises158(*)
d) dans le secteur
agricole
Le processus de la TICAD cherchera à s'aligner avec
l'agenda du CAADP pour : renforcer les capacités pour augmenter la
production alimentaire et la productivité agricole ;
améliorer l'accès aux marchés et la
compétitivité agricole ; soutenir une gestion durable des
ressources en eau et de l'utilisation des terres
Renforcer les capacités d'augmentation de la
production alimentaire et la productivité agricole
- Fournir une assistance pour étendre la recherche
agricole, les services d'extension et de conseil, y compris pour l'adaptation
aux changements climatiques, le développement de nouvelles
variétés de cultures et l'amélioration de la
fertilité des sols et des autres technologies agricoles, et augmentation
du nombre de professionnels de l'agriculture par le biais d'un support à
l'enseignement et à la formation en relation avec l'agriculture d'une
manière sensible au problème des genres.
- Assister les petits cultivateurs et les organisations de
fermiers à adopter les nouvelles technologies, élargir les
terrains agricoles et l'utilisation d'intrants et introduire les machines et
les équipements appropriés pour augmenter la productivité.
- Augmenter la production de riz en développant les
capacités pour adopter la gestion systématique des cultures et
les nouvelles méthodologies, y compris un usage plus
généralisé du NERICA, en vue de doubler la production de
riz dans les pays africains en dix ans.
Améliorer l'accès aux marchés et la
compétitivité agricole
- Augmenter les investissements dans les infrastructures
physiques, comme les routes, les ports et les installations des marchés
afin de réduire les coûts du transport, améliorer le ratio
du prix de détail par rapport aux prix sortie ferme, réduire le
pourcentage des pertes après les récoltes et améliorer le
pourcentage de la production agricole vendue.
- Fournir une aide technique et financière aux fermiers
pour leur permettre de s'élever sur la chaîne des valeurs et de se
conformer aux normes des produits agricoles et des exportations. Soutenir
une gestion durable des ressources en eau et de l'utilisation des terres
- Promouvoir le développement, la restauration et la
maintenance des infrastructures de gestion des ressources en eau pour
contribuer aux efforts conjoints en vue d'étendre les superficies
irriguées de 20% en cinq ans.
- Améliorer les capacités de gestion des
ressources en eau par de meilleures méthode de labour, de récolte
et de stockage des eaux, l'introduction de nouvelles technologies et
renforcement des capacités des administrations locales et des
organisations d'agriculteurs.
- Fournir un financement pour la petite irrigation
gérée par les communautés et les programmes de gestion des
eaux pour les marchés locaux, et les programmes individuels des petits
cultivateurs pour les marchés à haute valeur
ajoutée159(*).
PARAGRAPHE 2 : LES
QUESTIONS CLIMATIQUES ET ENVIRONNEMENTALES COMME AUTRE AXE DE COOPERATION
INNOVANT ET PRIORITAIRE DE LA TICAD IV PAR RAPPORT A LA TICAD III
Les problèmes environnementaux et les changements
climatiques constituent à coté de l'accélération de
la croissance économique par le commerce et l'investissement un autre
axe de coopération innovant apporté par la TICAD IV
comparativement à l'édition précédente.
L'inscription de cette thématique à Yokohama n'est pas fortuite
car elle s'inscrit au Temps Mondial qui fait du climat et de l'environnement
des préoccupations globales auxquelles des solutions globales doivent
être recherchées ; le continent africain ne saurait donc
rester en marge de ces « issues ». Raison pour
laquelle constat a été établi lors des discussions
à Yokohama que les changements climatiques représentaient une
menace directe considérable pour le développement de l'Afrique
à cause de leur impact sur les ressources en eau, la santé et la
sécurité alimentaire et des catastrophes naturelles qu'ils
provoquent. Ils affectent la conservation des ressources naturelles et leur
utilisation durable et menacent d'annuler des décennies d'initiatives en
faveur du développement socioéconomique sur le continent.
Pour y faire face, le gouvernement japonais par la voix de son
premier ministre Fukuda a lancé un ambitieux projet
dénommé « Cool Earth Partnership »,
consistant en une aide dans les cinq ans à compter de cette année
au profit des pays en voie de développement, notamment africains, et
dont le montant cumulé atteindra 10 milliards de dollars. Elle
concernera trois domaines l'adaptation, la réduction et l'accès
amélioré aux énergies propres dont la production
photovoltaïque et sera basée sur des discussions politiques entre
le Japon, d'une part, et les pays à la recherche de la réduction
des émissions et de la croissance économique, d'autre
part160(*)
Le PAY a donc retenu un certain nombre d'actions qui seront
mises en place par le japon et ses partenaires dans les cinq ans à venir
afin de contenir les risques liés aux changements climatiques en
Afrique. Ces mesures sont entre autre ;
Promouvoir l'assistance technique comme
l'établissement et l'actualisation des données cartographiques
mondiales pour la totalité de l'Afrique, en décrivant
l'état de son environnement dans cinq ans. Soutenir la formulation de
plans de prévention des désastres naturels et des
activités d'urgence sur la base d'une évaluation des risques et
de la vulnérabilité de chacune des régions par rapport
aux dangers, y compris les sécheresses et les inondations. Aider les
efforts pour établir des systèmes d'alerte rapide et renforcer
les capacités de réponse aux catastrophes naturelles au niveau
des communautés. Assister le développement et la vulgarisation
des technologies existantes et nouvelles pour l'utilisation des ressources en
eau, la conservation des sols et le reboisement, y compris l'utilisation de
plantes résistantes à la sécheresse. Soutenir les efforts
de sensibilisation pour combattre la désertification au niveau des
communautés et mettre en place des mesures appropriées pour
réduire les excès de pâturage et de cultures, et la
déforestation. Soutenir le développement de l'accès aux
infrastructures de base pour les informations sur les ressources sylvestres et
l'utilisation des terrains afin d'encourager la gestion durable des
forêts et de promouvoir les projets de préservation et de
reforestation en réponse à la Réduction des Emissions
résultant de la Déforestation et de la Dégradation des
Forêts dans les Pays en Développement (REDD). Promouvoir
l'utilisation des énergies propres et l'amélioration de
l'accès à l'énergie. Soutenir la formulation de mesures
et de plans pour répandre l'usage des énergies renouvelables, et
supporter les programmes des énergies renouvelables y compris en
facilitant le transfert des technologies de gestion et de maintenance.
Promouvoir le transfert des technologies et l'expertise sur la gestion des
ressources en eau en tenant dûment compte de la situation
spécifique de chaque région. Faciliter l'accès à de
l'eau saine et à des installations d'approvisionnement propres
Promouvoir le développement d'installations d'approvisionnement en eau
et d'hygiène avec des technologies abordables161(*)
PARAGRAPHE 3 : ETAT
D'AVANCEMENT DE LA TICAD IV
Il n'est pas question ici de faire bilan exhaustif des
réalisations de la TICAD IV, mais seulement de rendre compte ce qui a
déjà été fait jusqu'ici dans certains domaines
particuliers sus évoqués. C'est ainsi que nous évoquerons
les avancées dans les secteurs des infrastructures (a), des
investissements étrangers (b) du secteur agricole (c) et
environnementaux (d)
a) Dans le domaine des infrastructures
L'objectif du Japon est de garder un contact étroit
avec la communauté internationale et le secteur privé afin de
faciliter l'allocation des ressources stratégiques à chaque
région. Le Japon a enregistré des progrès
considérables dans le secteur des infrastructures, les objectifs
chiffrés des dons et de l'assistance technique figurant dans le PAY
ayant d'ores et déjà été atteints (117%) et les
engagements de prêts en yens concernant des projets d'infrastructures se
chiffrant à près de 1,5 milliard de dollars. Toutefois, une aide
accrue est nécessaire au niveau de chaque sous-secteur, notamment celui
de l'irrigation. Le Japon continuera à contribuer à ce secteur
au-delà des cibles du PAY.
Le Japon va concentrer son appui financier et technique sur
des couloirs de transport ciblés dans chaque région, en
privilégiant avant tout les routes, mais sans toutefois oublier les
ports, les ponts, le transport urbain et les chemins de fer. Eu égard
à l'établissement de quatorze « postes uniques de
frontière » (OSBP) en vue de faciliter la fluidité et
l'efficacité des procédures de passage des frontières, le
soutien à huit postes est désormais terminé, tandis que
six autres sont actuellement programmés. Des séminaires
destinés aux cadres de l'administration des recettes et de
l'administration douanière de pays africains ont également
été organisés en collaboration avec l'Organisation
mondiale des douanes (OMD).
A titre d'illustration, un accord en vue de l'expansion du
Port de Durban a été signé le 26 mars 2009 entre l'Etat
sud africain et le gouvernement japonais. Le prêt de 35 milliards de yens
a été cofinancé par trois banques commerciales japonaises,
la JBIC apportant également une garantie pour la tranche de leur
cofinancement. Ce prêt finance les activités qui seront
entreprises par Transmet, une société de transport ferré
de fret, de ports et d'oléoducs appartenant entièrement à
l'État sud-africain, y compris l'élargissement du chenal
d'accès et l'approfondissement du Port de Durban.162(*)
En ce qui concerne les infrastructures régionales
d'électricité des études sont en cours pour soutenir plus
celles ci en collaboration avec d'autres partenaires, en fonction des
circonstances des échanges d'énergie électrique existant
dans chaque région. Mais qu'à cela ne tienne, quelques exemples
récents illustrant le soutien du Japon : dans le domaine des Lignes
de transport international d'électricité à grande
échelle pour un échange d'énergie électrique nous
avons le Projet d'interconnexion des réseaux électriques des Pays
des Lacs Équatoriaux du Nil où un prêt de 5,41 milliards de
yens (soit 52,6 millions de dollars) a été octroyé
à l'Ouganda en mars 2010 pour l'installation d'un réseau de
transport d'électricité entre 5 pays du Bassin du Nil (Ouganda,
Kenya, Rwanda, Burundi et RDC) projet cofinancé avec la BAD.
Dans le domaine d'Électrification locale, nous avons le
Projet de rénovation urgente du système d'alimentation en
électricité de Freetown où un don de 1,651 milliards de
yens (soit 16,1 millions dollars) a été octroyé à
la Sierra Leone en mai 2008 pour l'installation d'une centrale
électrique de 10 MW dans la capitale qui souffre d'une grave
pénurie d'électricité à la suite de troubles
internes163(*).
b) La promotion du commerce et des
investissements
Le total des échanges commerciaux entre le Japon et
l'ensemble de l'Afrique a diminué de 46% en 2009 par rapport à
2008. Malgré la baisse du montant de l'investissement direct japonais de
janvier à septembre 2009 par rapport à la même
période en 2008, des entreprises japonaises ont néanmoins
réussi à entreprendre des activités commerciales portant
sur des projets de construction et d'installation, notamment en Égypte,
en Algérie et en Afrique du Sud. Des progrès ont également
été enregistrés dans le domaine des accords
d'investissement bilatéraux : des négociations en bonne et due
forme avec l'Angola ont débuté, et des préparatifs en vue
d'accords avec plusieurs autres pays sont en cours. Il importe que les secteurs
privé et public japonais et africains poursuivent de concert leurs
efforts, tels que ceux exposés dans les paragraphes ci-après,
afin d'obtenir des résultats tangibles en vue d'atteindre l'objectif de
doubler l'investissement direct japonais en Afrique d'ici 2012164(*).
Voici quelques exemples de l'aide japonaise destinée
à améliorer l'environnement des affaires en Afrique dans la
promotion du commerce :
?JICA: Programme «Kaizen»
«Kaizen» se réfère à
une philosophie et à des pratiques visant à rechercher
l'amélioration permanente mises en place de manière
intégrée dans nombre d'entreprises japonaises. Suite aux deux
projets Kaizen menés en Égypte et en Tunisie, la JICA a
lancé en 2009 un nouveau projet en Éthiopie, suite à une
série de dialogues de haut niveau sur les politiques de
développement industriel avec le gouvernement éthiopien sous la
direction du Premier ministre, M. Meles Zenawi.
?JETRO: ACCÈS JAPON (Mécanisme permettant
l'accès des produits africains sur le marché japonais)
Le JETRO aide les produits africains à avoir
accès au marché japonais grâce à l'envoi d'experts,
l'organisation de séminaires et expositions en différents
endroits. Le Projet « Un village, un produit » mis en place dans les
aéroports de Narita et du Kansaï est une autre composante de ce
mécanisme. Actuellement, six projets sont en cours pour améliorer
des produits africains à haut potentiel tels que cacao, thé,
paniers etc., à la suite des quatre premiers produits lancés avec
succès dans six pays en 2008.
?JBIC/CNUCED: recommandations en matière de
politiques au Nigéria
Le Blue Book 2010 a été préparé
conjointement par la JBIC et la CNUCED afin d'encourager l'investissement
direct des entreprises japonaises au Nigéria. Il comprend, outre
l'amélioration des procédures et une zone économique
polyvalente pilote, un plan d'action efficace et réaliste en quinze
mesures à court terme165(*).
c) Dans le secteur agricole
Bien que la mise en oeuvre des objectifs du PAY en termes de
dons et de coopération technique progresse de manière
satisfaisante (réalisés à 79%), il convient
néanmoins d'encourager les projets d'irrigation dans le cadre de dons et
de prêts en yens. Il y a lieu de privilégier davantage l'appui
à l'accès au marché et l'amélioration de la
compétitivité agricole, notamment par le biais du renforcement
des capacités des leaders agricoles. Le Japon a par ailleurs mis 100
millions de dollars à la disposition de la Banque mondiale à
travers deux fonds fiduciaires afin de soutenir les organisations de
producteurs et l'initiative de la Coalition pour le développement du riz
africain (CARD), y compris les travaux de recherche au sein du Groupe
consultatif sur la recherche agricole internationale (GCRAI)166(*).
En ce qui concerne le domaine de la gestion durable des
ressources en eau et occupation des sols, dans le cadre des efforts conjoints
menés par les partenaires de la TICAD en vue d'accroître de 20% la
superficie des terres irriguées au cours des cinq prochaines
années, le Japon a l'intention de construire et d'améliorer les
installations d'irrigation et de développer les capacités
d'irrigation des pays africains sur 100 000 hectares. Des engagements pour des
projets couvrant 30 000 hectares ont été pris d'ici à la
fin de mars 2010. La JICA, la Banque mondiale, la Banque africaine de
développement et d'autres institutions financières collaborent
étroitement à la formulation des projets qui seront mis en oeuvre
dès que possible.
Les prêts de l'AID du Groupe Banque mondiale en faveur
de l'agriculture ont atteint 1,5 milliard de dollars durant l'exercice 2009,
dépassant son objectif de 1 milliard de dollars par an. La SFI a
élargi son soutien à l'agrobusiness, moyennant des engagements de
74 millions de dollars en 2009. La Banque mondiale a mis en place un nouveau
fonds fiduciaire multi donateurs afin d'appuyer le processus du PPDAA, les
accords signés représentant une contribution totale garantie de
32 millions de dollars. Elle gère également quatre nouveaux fonds
fiduciaires multi donateurs totalisant 200 millions de dollars destinés
à soutenir des approches régionales de la productivité
agricole167(*).
d) Les questions climatiques et
environnementales
Les efforts persistants du Japon en vue de renforcer
l'assistance dans ce secteur ont déjà produit des exemples
patents de coopération fructueuse. Nous pouvons citer entre
autre ;
?l'Introduction d'énergies propres grâce au
système de production d'électricité solaire
Un plan de dons de 610 millions de yens (soit 5,94 millions de
dollars) a été adopté en faveur de Djibouti en
décembre 2009 pour l'installation de panneaux solaires dans l'enceinte
du Centre de recherche et d'étude de Djibouti, unique institut public de
recherche du pays.
? Dans la Conservation des forêts,
un plan de dons de 9,9 milliards de yens (soit 96,3 millions de
dollars) au total a été approuvé pour 9 pays
africains en février 2010 pour permettre une
exploitation et une conservation durables des forêts par
la mise en oeuvre d'une évaluation des ressources
forestières et d'un plan de gestion forestière
approprié.
? Le Projet de centrale géothermique d'Olkaria I -
Unités 4 et 5
Un prêt en yens de 29,5 milliards de yens (soit 287
millions de dollars) a été octroyé au Kenya en mars 2010
pour l'installation de deux centrales géothermiques de 70 MW dans la
centrale géothermique d'Olkaria I située dans la Province de la
Vallée du Rift à environ 120 km de Nairobi. Ce projet fait partie
d'un projet plus ambitieux en collaboration avec la Banque mondiale et l'Agence
Française de Développement (AFD)
? Dans la Gestion des inondations axée sur les
communautés dans le bassin du fleuve Nyando, un plan de dons de 483
millions de yens (soit 4,7millions de dollars) a été
adopté en faveur du Kenya en mai 2009 pour la construction d'aqueducs
siphons, d'un déversoir, d'un centre d'évacuation, etc. et pour
la promotion de la sensibilisation à la prévention des dangers
des inondations dans 24 villages168(*)
· L'Initiative Hatoyama
Annoncée lors de la 15e Session de la Conférence
des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (COP15) en décembre 2009 à Copenhague, cette
initiative a étendu le cadre de l'appui du Japon aux pays en
développement, dont les pays africains, et devrait renforcer davantage
la contribution du Japon dans ce domaine. Le Japon fournira a cet effet une
aide financière d'environ 1 750 milliard de yens (soit 15 milliards de
dollars) comprenant des fonds publics et privés, Les fonds publics
s'élèvent à 1 300 milliard de yens (soit 11 milliards de
dollars) sur trois ans jusqu'en 2012. L'objectif étant d'aider les pays
en développement à prendre des mesures d'atténuation et
d'aider les populations vulnérables à s'adapter aux effets
défavorables du changement climatique tout en contribuant au
déblocage des négociations internationales dans ce
domaine169(*).
Ces engagements forts pris par le gouvernement japonais lors
de la TICAD IV augurent une réelle volonté du pays du soleil
levant à établir un véritable partenariat
rénové avec l'Afrique où ce dernier n'est plus en simple
position d'assisté mais un véritable partenaire d'affaire. C'est
là où se situe la grande innovation de l'édition de
Yokohama comparativement à celle de Tokyo. Néanmoins la rupture
qu'apporte la TICAD IV par rapport à la TICAD III ne saurait être
appréhendée dans l'absolue, car l'ancienne doctrine reste tout de
même présente dans l'élaboration et la mise en oeuvre du
PAY.
SECTION III : LA
REMANENCE DE LA « BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD IV
Considérer la persistance de la « bio
coopération » déclinée par la TICAD IV
revient à soutenir que la rupture avec la TICAD III est partielle car
dans le PAY, il y demeure de secteurs sociaux liés à la
réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) auxquels le Japon s'est engagé et continue
à s'y investir. Il sera donc question d'analyser les engagements pris
par le Japon dans ces dits domaines (paragraphe 1) et les réalisations
subséquentes observées jusqu'ici (paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1 : LES AXES
SOCIAUX DE COOPERATION SOUS LA TICAD IV
Aux termes du PAY, afin de promouvoir l'accomplissement des
OMD en Afrique, le processus de la TICAD se concentrera sur la notion de
"sécurité humaine", qui cherche à construire des
sociétés dans lesquelles les peuples sont protégés
des menaces envers leurs vies, leurs moyens d'existence et leur dignité
et sont en mesure de réaliser la totalité de leur potentiel. En
tenant dûment compte de l'interaction entre chacun des OMD, le processus
de la TICAD se concentrera dynamiquement sur les domaines de la santé
(a) et de l'éducation (b), dans lesquels les retards dans
l'accomplissement des OMD sont les plus manifestes, et encouragera le
développement des communautés, l'égalité des genres
et la participation active de la société civile.
a) La santé
Le processus de la TICAD, conformément aux engagements
et actions prises par les pays africains, s'engagera à :
Renforcer les systèmes de santé ;
améliorer la santé maternelle, des nouveau-nés et des
enfants ; prendre des mesures contre les maladies infectieuses
· Renforcer les systèmes de santé
- Promouvoir la formation et la préservation des
employés de la santé, pour accomplir l'objectif de l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) d'au moins 2,3 travailleurs de la
santé pour 1,000 personnes en Afrique.
- Améliorer la fourniture des services de santé,
y compris par l'augmentation des infrastructures et installations de
santé.
- Promouvoir la mise en place de systèmes de
surveillance et d'évaluation de la santé permettant des
décisions politiques sur la base d'informations précises.
- Encourager et reconnaitre la recherche médicale et
les pratiques exemplaires de la médecine en Afrique pour combattre les
maladies infectieuses, par le Prix Hideyo Noguchi pour l'Afrique.
· Améliorer la santé maternelle, des
nouveau-nés et des enfants
- Soutenir les interventions concentrées sur la
réduction du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans et
des femmes enceintes.
- Promouvoir la continuation des soins pour la
sécurité des mères et des enfants à travers les
périodes prénatale, de la naissance et de l'enfance par des
interventions à fort impact comme l'immunisation et la fourniture de
substances nutritives aux enfants.
- Soutenir les efforts internationaux pour accomplir
l'accès universel aux services de la santé reproductrice.
- Contribuer aux efforts internationaux afin d'élever
à 75% la proportion des accouchements soutenus par un personnel
qualifié en Afrique dans 5 ans, conformément à l'objectif
de l'Organisation Mondiale de la Santé.
· Prendre des mesures contre les maladies infectieuses
- Soutenir le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA et le
paludisme (GFATM).
- Renforcer les institutions du gouvernement central pour le
VIH/SIDA et accorder la priorité à la prévention de
nouvelles infections.
- Soutenir les efforts pour atteindre l'objectif d'une
réduction de 50% de la tuberculose et des taux de mortalité d'ici
2015, par rapport aux niveaux de 1990, par des activités de
prévention, de mise à l'essai et des soins prodigués dans
le cadre du Traitement directement observé, courte période (DOTS)
- Promouvoir une mise en place efficace des activités
anti-paludisme en associant des mesures préventives, y compris la
distribution de moustiquaires longue durée traitées aux
insecticides, la sensibilisation et la fourniture de soins infirmiers.
- Soutenir les efforts extensifs pour éradiquer la
polio de l'Afrique par des campagnes de surveillance et de vaccination.
- Faire des efforts pour contrôler et éliminer
les Maladies Tropicales Négligées grâce à la
sensibilisation, aux traitements et à l'accès à une eau
saine et aux équipements sanitaires.170(*)
b) l'éducation
Le processus de la TICAD, conformément aux engagements
et aux actions prises par les pays africains, se concentrera sur les efforts
africains comme suit :
L'éducation élémentaire -
élargissement de l'accès et de la qualité ;
l'éducation post-élémentaire et éducation/
recherche supérieure ; l'approche multisectorielle
· Education élémentaire -
élargissement de l'accès et de la qualité
- Soutenir la construction et la rénovation des
bâtiments des écoles et des infrastructures en relation.
- Fournir une assistance pour la formation et le maintien des
enseignants des écoles primaires et secondaires et soutenir la mise en
place et l'expansion des systèmes et des organisations de formation des
enseignants.
- Promouvoir le développement des capacités de
l'administration pédagogique locale et de la gestion scolaire
basée sur la communauté par le biais du Programme "L'Ecole
pour Tous".
- Promouvoir les connaissances et le partage des
expériences à l'intérieur de l'Afrique et entre l'Asie et
l'Afrique sur des thèmes comme des programmes scolaires sensibles aux
cultures et aux genres, les matériels pédagogiques et les manuels
de formation.
· L'éducation post-élémentaire et
éducation/ recherche supérieure
- Promouvoir le développement des ressources humaines
pour le support des secteurs productifs en élargissant les institutions
pour l'enseignement et la formation technique et professionnelle.
- Soutenir les partenariats entre les universités, les
établissements d'enseignement supérieur et les instituts de
recherche par le biais de recherches conjointes et d' échanges de
chercheurs et d'étudiants pour étendre la recherche et les
connaissances acquises en sciences et technologies
- Promouvoir les dialogues intergouvernementaux à haut
niveau pour consolider la coopération en matière de science et de
technologie.171(*)
PARAGRAPHE 2 : L'ETAT
D'AVANCEMENT DE LA TICAD IV DANS LES SECTEURS SOCIAUX
a) Dans la santé
Conformément aux engagements pris dans le PAY,
l'allocation matière de dons et de coopération technique, a
atteint progressivement son objectif (56%) : la majeure partie est
affectée à la santé de la mère, du
nouveau-né et de l'enfant. L'aide aux mesures contre les maladies
infectieuses est amplement couvert par la contribution du Fonds mondial de
lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme.
En matière du renforcement des systèmes de
santé, entre 2008 et 2009, le Japon a contribué à la
construction, la rénovation ou la fourniture de matériel pour un
total de 1 862 hôpitaux ou centres de santé dans 23 pays.
En matière d'appui à la formation, afin de
contribuer aux efforts conjoints menés pour réaliser l'objectif
de l'OMS, à savoir un minimum de 2,3 professionnels de santé pour
1 000 habitants en Afrique, le Japon a apporté un appui à la
formation et à la fidélisation des professionnels de santé
et médicaux, y compris de sages-femmes compétentes. À la
fin de 2008, un total de 41 204 professionnels de santé et
médicaux avait bénéficié de ce type de soutien.
Dans le domaine de l'initiative pour de meilleurs services
hospitaliers, la gestion intégrée de la qualité (TQM) pour
de meilleurs services hospitaliers a démarré en 2007 afin de
répondre aux défis tels que la pénurie chronique de
ressources financières, logistiques et humaines auxquels la
région de l'Afrique était confrontée en matière de
gestion hospitalière. Aujourd'hui, quinze pays au total ont
réussi à incorporer la TQM dans leur système de gestion
hospitalière et on prévoit de former 30 000 professionnels de
santé dans le cadre du projet.
Dans le domaine de la lutte contre les maladies infectieuses,
le Japon contribue à la lutte mondiale contre trois maladies
infectieuses dans le cadre du Fonds mondial dont il est l'un des fondateurs. En
mai 2008, le Japon a annoncé qu'il y contribuerait à hauteur de
560 millions de dollars dès 2009. En mars 2010, le Japon a
décaissé un montant 377 millions de dollars de cette somme dont
55% des fonds vont aux pays de l'Afrique subsaharienne. En ce qui concerne la
fourniture de vaccins, entre avril 2008 et février 2010, le Japon a, en
coordination avec l'UNICEF, fourni des vaccins contre la polio, la tuberculose,
la rougeole, le DTP et le BCG à plus de 80 millions d'enfants au
Nigéria, au Soudan et en République démocratique du Congo
(RDC). Dans le domaine de la mise sur pied des Centres de recherche sur les
maladies infectieuses émergentes et résurgentes, des travaux de
recherche conjoints progressent régulièrement dans les centres
ci-après: Centre Hokudaï de lutte contre la zoonose en Zambie
(HUCZCZ) ouvert en août 2008 et le Centre de recherche en collaboration
sur les maladies infectieuses émergentes et résurgentes du Ghana
ouvert en août 2009172(*).
b) Dans le secteur éducatif
Dans le secteur de l'éducation de base l'un des trois
engagements majeurs pris par le Japon,
«« Élargissement du modèle de `L'École
pour Tous' à 10 000 écoles » a quasiment
été atteint, un total de 9 976 écoles au Niger, au
Sénégal, au Mali et au Burkina Faso. Les deux autres
engagements : « la Construction de 1000 écoles primaires
et secondaires (5 500 salles de classe) » et « Extension du
projet Renforcement de l'enseignement des mathématiques et des sciences
dans le secondaire (SMASE) à 100 000 enseignants » sont en bonne
voie d'atteindre leur objectif d'ici à 2012 si le cap actuel est
maintenu
Quant à ce qui concerne l'enseignement secondaire,
enseignement supérieur et la recherche, dans le domaine de la
coopération en science et technologie, une première
Réunion des ministres africains et japonais des sciences et de la
technologie s'est tenue à Tokyo en octobre 2008. Dans le cadre du suivi,
une Mission de recherche en sciences et technologie
dépêchée en février-mars 2009 s'est rendue dans
quatre régions d'Afrique ainsi qu'à la Commission de l'UA en vue
d'examiner la politique en matière de sciences et technologies ainsi que
la situation actuelle des activités de R&D en Afrique. En avril
2009, un colloque a été organisé afin de partager de
manière approfondie les conclusions et résultats de la mission
avec des scientifiques et chercheurs japonais. En ce qui concerne l'envoi de
chercheurs japonais en sciences et technologie, des recherches conjointes avec
les universités et établissements de recherche de pays africains
sont encouragées afin d'aborder les questions mondiales auxquelles les
pays africains sont confrontés dans le cadre de la coordination entre le
MAE et la JICA et le MECRST/JSPS173(*). Pour ce qui est de l'octroi des bourses du
gouvernement japonais, au regard de l'objectif du PAY qui est d'élargir
le quota des boursiers africains du gouvernement japonais à plus de 500
dans les cinq ans un total de 340 étudiants, dont certains
sélectionnés sur recommandation de leur université, ont
été acceptés à titre de boursiers du gouvernement
japonais en 2008 et 2009174(*).
Au terme de ce chapitre, nous retenons qu'en dépit du
fait qu'on assiste à la continuité de la doctrine traditionnelle
en termes de bio coopération de la TICAD III à la TICAD IV, il
n'en demeure pas moins que cette 4ème édition du forum
nippo-africain s'inscrit dans une rupture certaine avec l'édition
précédente au regard des engagements forts qui ont
été pris par le gouvernement japonais et des actions probantes
qui en ont suivi. Ceci augure une accélération significative de
la coopération entre le pays du soleil- levant et le continent africain
plus que par le passé. L'on pourrait ainsi se poser la question de
savoir les forces profondes qui sou tendraient cet investissement massif du
Japon par le biais de la TICAD IV en Afrique. Nous essayerons d'apporter des
éléments de réponses à cette question dans la
suite de cette réflexion.
CHAPITRE V : LES
ENJEUX LIES A L'ACCELERATION DE LA COOPERATION NIPPO-AFRICAINE PAR LE BIAIS DE
LA TICAD IV
Analyser les enjeux liés à
l'accélération de la coopération nippo-africaine, telle
que la TICAD IV entend rendre compte, revient pour à s'interroger sur
le pourquoi ou encore décrypter sur les motivations affichées
et latentes qui sou tendent tant l'investissement massif du Japon en Afrique.
Quelles seraient ainsi les prétentions de l'Empire du Soleil-Levant
quand il s'investit tant sur le continent africain ?
Répondre à cette question à cette
question nous amènera à scruter tour à tour les enjeux
traditionnels (section 1) puis les « nouveaux enjeux »
(section 2)
SECTION I : LES ENJEUX
TRADITIONNELS : LA CAPITALISATION DES SOUTIENTS AFRICAINS EN VUE DE
L'OBTENTION DU SIEGE DE MEMBRE PERMANENT AU CONSEIL DE SECURITE DES NATIONS
UNIES
C'est l'une des tendances lourdes du comportement
international du Japon en Afrique. En effet, l'analyse de l'engagement
significatif du Japon envers l'Afrique tend à révéler son
désir de jouer un rôle catalyseur sur le plan international. Cet
engagement a été généralement
intéressé et surtout utilisé comme moyen pour permettre
à l'Empire du Soleil-Levant d'avoir voix au chapitre en faisant son
entrée dans le sacro-saint club des décideurs mondiaux en tant
que membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
En recherchant l'appui des capitales africaines, Tokyo fait de la
réforme de ce « sanctuaire de la diplomatie
mondiale » un viatique incontournable dans sa quête d'un
important rôle sur la scène internationale (paragraphe 1) en
employant un puissant plaidoyer discursif (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA REFORME
DU CONSEIL DE SECURITE : UN POINT FOCAL DE LA DIPLOMATIE NIPONNE
Lors de la 50ème
session de l'ONU en septembre 1995, le ministre japonais des affaires
étrangères d'alors Kono Yohei mit en lumière le besoin
d'une réforme du CS/NU, en soulignant l'arrivée de nouvelles
puissances devant assumer des responsabilités proportionnelles à
leurs capacités. Il précisa que si le nombre des membres onusiens
étaient passés de 51 à 185, celui du CS/NU n'avait
augmenté que de 11à 15 depuis 1965. D'où la
déclaration suivant laquelle le Japon supportait la proposition
d'établir un CS/NU réformé avec un nombre de sièges
se situant dans la basse vingtaine, afin de tenir compte de l'émergence
de nouvelles puissances globales et améliorer la
représentativité dudit Conseil ; le nombre de sièges
non permanents devant être accordé aux régions sous
représentées, notamment l'Asie, l'Afrique et l'Amériques
du Sud.175(*)
Néanmoins, la réforme du Conseil de
Sécurité ne peut se faire que par une révision de la
Charte des Nations Unies, qui doit être acceptée et
ratifiée par plus des deux tiers (128 pays) du total des membres (192
pays), dont les cinq membres permanents qui ont le droit de veto. Pour cette
raison, le gouvernement japonais continue à intensifier son offensive
diplomatique pour que se réalise la réforme du Conseil de
Sécurité. En mobilisant son APD en direction du continent noir et
en initiant des processus multilatéraux comme la TICAD, dont la
4ème édition est venue resserrer davantage les liens
de coopération avec l'Afrique, l'Empire du Soleil-Levant compte sur le
soutien des 53 pays africains, qui représentent environ 30% du total des
membres des Nations Unies, pour rehausser son profil politique. En effet,
compte tenu du fait que l'Afrique compte une cinquantaine d'États, soit
un quart des membres de l'Assemblée générale de l'ONU, il
était tentant, comme d'autres grandes ou moyennes puissances avant lui,
de rechercher leurs bonnes grâces, de manière à obtenir
leur soutien tant à l'Assemblée générale qu'au
Conseil de sécurité, où les membres non permanents
africains ont parfois un rôle déterminant. De leur
côté les Africains tiennent également, comme le soutient
Ntuda Ebode, le Japon comme une puissance stratégique d'appoint, le
pays grâce auquel le continent pourrait entrer au Conseil de
Sécurité. Le Japon et l'Afrique se retrouvent donc dans une sorte
de partenariat stratégique où la victoire de l'un implique celle
de l'autre.176(*)
On assiste donc, au regard de qui précède,
à un passage de ce que Jean Daniel Aba appelle « la
diplomatie mère Theresa » à une diplomatie
« real politik »177(*) intégrale où
l'Empire du Soleil - Levant emploie un puissant plaidoyer pro domo.
PARAGRAPHE 2 : LE PLAIDOYER PRO DOMO COMME FIL D'ARIANE DE LA
RHETORIQUE DIPLOMATIQUE NIPPONE.
Depuis 1992, l'Empire du Soleil-Levant s'est doté d'un
argumentaire qui lui permet de conforter sa position de postulant naturel et
sérieux, en vue de l'adjonction de sièges nouveaux de
membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU
Premièrement, depuis la création des Nations
Unies en 1945, la communauté internationale a fait l'objet de mutations
considérables avec notamment la Guerre Froide et son issue, la
décolonisation, l'intégration régionale et la
mondialisation. Le nombre d'Etats membres de l'ONU est passé de 51
à 192. Au cours de ces 60 années, le cadre institutionnel
notamment celui du Conseil de Sécurité est en principe
resté le même. Pour le gouvernement nippon, la composition de
cette instance internationale devrait refléter la réalité
du 21ème siècle et non pas celle de 1945. Outre les
PED d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui doivent être
représentés de façon permanente, « des Etats
membres qui souhaitent et sont capables d'endosser des responsabilités
dans le maintien de la paix internationale et la sécurité doivent
jouer un rôle à part entière dans la prise de
décision du Conseil de Sécurité ». Tokyo demande
depuis longtemps la suppression sur la Charte des Nations Unies, des mentions
d' « ennemis » (appliqués à des pays qui
furent les vaincus de la Seconde Guerre Mondiale, notamment le Japon et
l'Allemagne), les qualifiant
d' « anachroniques ».178(*)
Deuxièmement, la contribution dans le maintien de la
paix et de la sécurité internationale. L'Empire du Soleil-Levant
supporte un cinquième des coûts des OMP de l'ONU, et cela se
vérifie aisément en Afrique. Il a déployé des
troupes pour participer à ces opérations et cinq à celles
humanitaires, prouvant à l'occasion qu'il accorde une grande importance
à la construction de la paix et des nations en phase post-conflit. Il a
aussi alloué 2.1 milliards de dollars US entre 2001 et 2003 pour les
programmes et les agences spécialisées ; devenant ainsi le
deuxième contributeur mondial. Dans le cadre africain sous la TICAD IV,
le gouvernement japonais a mené un certain nombre d'initiatives
probantes en matière de paix et sécurité
conformément aux engagements pris dans le PAY. C'est ainsi que Le
gouvernement du Japon a fourni une aide financière au Groupe des sages
de l'UA, une composante de l'Architecture africaine de paix et de
sécurité, qui aborde les conflits liés aux
élections. Il appuie également le renforcement des
capacités du Secrétariat de ce Groupe, qui se penche sur la
problématique de l'impunité, la justice et la
réconciliation nationale. Les aides dans les domaines « Aide
humanitaire et à la reconstruction » et « Restauration et
maintien de la sécurité » contribuent également
à apporter les « Dividendes de la paix niveau des populations et
à prévenir tout futur conflit. Dans les enceintes
internationales, le Japon est un membre prééminent de la
Commission de consolidation de la paix des Nations Unies et un participant
actif aux groupes internationaux de contact sur la Somalie, la Guinée et
Madagascar.
En matière de Rétablissement et maintien de la
sécurité, le japon s'est investi dans la valorisation des
capacités de maintien de la paix en Afrique. En 2008, le Japon a
apporté un appui à cinq centres de formation pour le maintien de
la paix (Égypte, Ghana, Kenya, Mali et Rwanda). En 2009, il a
étendu son soutien à trois centres supplémentaires
(Bénin, Nigéria et Afrique du Sud) par le canal du PNUD avec un
financement hors APD de 18,5 millions de dollars couvrant les coûts de
formation, la construction ou la réfection des bâtiments et des
installations. Treize membres des Forces japonaises d'autodéfense (JSDF)
et experts civils ont été envoyés à titre
d'instructeurs ou personnes-ressources en Égypte, au Ghana et au Mali.
En mars 2010, le nombre de stagiaires ayant reçu des cours de formation
financés par le Japon dépasse 670. Le Japon a l'intention de
continuer son assistance en la matière pour l'année fiscale
2010.179(*)
En ce qui concerne l'appui aux institutions somaliennes de
sécurité (SSI) et à la Mission de l'Union africaine en
Somalie (AMISOM), le Japon apporte un appui au renforcement des
capacités de la Force de police somalienne par le biais du PNUD. En
2009, la communauté internationale a convenu de la
nécessité d'apporter un soutien accru à l'AMISOM et aux
SSI. Le Japon a dirigé les discussions au sein du groupe de contact et a
décaissé 9 millions de dollars en 2009 en faveur du Fonds
fiduciaire des Nations Unies en soutien à l'AMISOM et 10 millions de
dollars au Fonds fiduciaire pour les SSI des Nations Unies en 2010.180(*)
Cette démarche du Japon corrobore la justesse de
l'analyse du Pr Luc Sindjoun, selon laquelle « la mesure de la
puissance est fondée sur la prise en considération des ressources
de divers ordres qui permettent à un Etat d'avoir de chances
sérieuses de faire triompher sa volonté ou alors qui lui
confèrent une position de suprématie sur l'échiquier
géopolitique »181(*). L'investissement du Japon dans le
développement de l'Afrique ne peut ainsi que l'aider à renforcer
une image d'acteur responsable à l'écoute des besoins de la
communauté internationale à un moment où le pays cherche
à normaliser son positionnement stratégique.
SECTION II : LES
« NOUVEAUX ENJEUX » : CONTRER L'OFFENSIVE DES
« PEER COMPETITORS » ASIATIQUES PRESENTS SUR LE CHAMP
AFRICAIN.
En réalité, il ne faut pas succomber sur
l'illusion du caractère inédit de ces enjeux qui ont toujours
été présents, mais ils étaient beaucoup plus en
latence. Les considérer donc comme de « nouveaux »
enjeux revient simplement à dire qu'ils ont connu une certaine
accentuation ces dernières années plus que par le passé,
sortant ainsi de leur léthargie pour s'imposer progressivement
aujourd'hui comme étant l'une des matrices structurantes des relations
entre le pays du Soleil-Levant et d'autres pays issus principalement du giron
asiatique qui ont nourri ces dernières années de réelles
prétentions hégémoniques et qui ont fait de leur
présence en Afrique un des tremplins sur lequel ils pourraient
s'appuyer vue de parvenir à leurs fins. Parmi ces rivaux
avérés, figurent en bonne lice l'Empire du Milieu (paragraphe 1)
et le Pays du Gange (paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1 : L'OFFENSIVE
AFRICAINE DE LA CHINE
La dimension onusienne demeure essentielle dans la
rivalité qui existe entre Tokyo et Pékin en terres africaines.
Jusqu'au début des années 2000, la question du vote au sein de la
commission des droits de l'homme semblait constituer un élément
important. Cette importance s'est réduite depuis que les grandes
puissances ont renoncé à présenter des résolutions
« antichinoises ». Des éléments nouveaux sont
apparus, confirmant l'importance de ce vote africain : la réforme
des Nations Unies et l'éventuelle entrée du Japon au Conseil de
Sécurité. Ils font ressortir « un véritable duel
diplomatique entre Pékin et Tokyo dans l'arène
africaine »182(*). La Chine tente d'obtenir de son
côté, le soutien à l'ONU des pays africains sur la question
de la définition des zones économiques exclusives qui l'oppose au
Japon en mer de Chine, en leur offrant un « package
diplomatique ».
La puissance montante de la Chine crée un dilemme pour
ses voisins. Les pays d'Asie sont manifestement confrontés à des
objectifs contradictoires dans leurs relations avec Pékin. Ils entendent
bien sûr tous s'inscrire dans la dynamique de croissance, mais ils ne
souhaitent pas que cette puissance économique altère
significativement la posture diplomatique et stratégique de la Chine. La
difficulté est particulièrement claire pour le Japon. Comme
Washington, « Tokyo privilégie l'intensité croissante
des liens économiques pour renforcer l'intégration de la Chine
dans l'économie mondiale et favoriser l'adoption par ce pays de
politiques pragmatiques. D'un autre côté, la relation
bilatérale Chine-Japon reste marquée par des souvenirs
historiques mal assumés et le renforcement de l'axe Washington-Tokyo a
toujours été perçu à Pékin comme
« un contre-feu préventif » à l'encontre
d'une influence chinoise croissante. L'équilibre est tout aussi
difficile à redéfinir pour Séoul, Pékin jouant un
rôle pivot dans la gestion de la crise Nord coréenne. La Chine est
donc dans tous les esprits183(*).
La dimension politico stratégique de
l'intérêt chinois pour l'Afrique se complète dans une
synergie particulièrement dynamique, d'un volet économique
diversifié et d'importance croissante, notamment dans la prise de
marchés dans le domaine clé de l'énergie, mais aussi dans
les minéraux, le bâtiment et les travaux publics ou le
marché des biens de consommation courante. Pour la Chine, l'Afrique
présente le double intérêt d'être un réservoir
de ressources et un vaste marché accessible aux produits
chinois.184(*)
Sur le plan des ressources, depuis 2004, la Chine est le
second importateur de pétrole africain, derrière les Etats-Unis
et devant le Japon185(*).La Chine reçoit 30 % de son
approvisionnement de l'Afrique (38 millions de tonnes sur 127 millions de
tonnes en 2006). 85% des exportations africaines vers la Chine proviennent de
l'Angola, du Congo, de la Guinée équatoriale, du Nigeria et du
Soudan. L'importance du marché chinois est par ailleurs vitale pour un
pays comme l'Angola puisque 60% de sa production sont exportés vers
l'Empire du Milieu186(*). La part des exportations de l'Afrique vers la Chine
est passée de 1,3% en 1995 à plus de 15% en 2009. La Chine a
élargi de 190 à 4000 les produits africains
exonérés de droits de douane. Ses besoins en matières
premières (fer, bois, coton, diamant, cuivre, manganèse) sont
considérables.187(*)
En termes de marché l'Afrique est pour la Chine un
marché immense, ouvert sans contrainte aux produits chinois de grande
consommation dont la faible qualité est souvent compensée par
un coût adapté au pouvoir d'achat des pays africains.
Les échanges sino-africains connaissent donc un nouveau record, ne
dépassant pas 10 milliards de dollars en 2000, ils atteignaient 40
milliards de dollars en 2005 puis 55 milliards de dollars en 2006 et l'objectif
de 100 milliards de dollars en 2015 pourrait être atteint. Ces
échanges sont fortement appréciés par les Etats
africains188(*).
Mais la Chine en Afrique a également pu jouer du
relatif retrait de l'Occident qui, après la fin de la guerre froide et
la disparition de l'URSS, et alors que l'importance stratégique de
l'Afrique diminuait, a progressivement assorti ses programmes d'aide de
conditions liées à l'amélioration des règles de
gouvernance et de la démocratie. La Chine aujourd'hui, qui dispose de
moyens nouveaux, est donc apparue comme un recours face à cette nouvelle
exigence occidentale. Le montant de l'aide chinoise à l'Afrique est
aujourd'hui significatif. Une promesse d'aide de 3 milliards de dollars a
été faite avant le départ de Hu Jintao pour le continent
Africain, qui a presque doublé. Cette aide, selon un principe
constamment réitéré par Pékin, est accordée
« sans conditions » c'est à dire sans «
ingérence dans les affaires intérieures »
séduit la plupart des pays africains189(*).
La TICAD dont la 4ème édition a connu
une mobilisation sans précédent et des engagements forts
significatifs, est donc l'occasion pour le Japon de rattraper son retard en
lançant une "diplomatie des ressources». Le Japon, qui avait
été le premier acteur de poids à inaugurer des
grands-messes avec l'Afrique, s'était aperçu, au milieu des
années 2000, que d'autres, comme la Chine, lui avaient
emboîté le pas et lui avaient ravi des positions
stratégiques, surtout dans des secteurs clefs comme l'énergie. Il
devenait vital pour le Japon de réactiver ses liens avec un continent
qui contenait les matières premières qui lui faisaient
cruellement défaut.
A ce titre, si elle les a précédées, la
TICAD s'inscrit désormais au côté des dernières
initiatives chinoises telles que le Forum de coopération Afrique-Chine
de 2006 comme un cadre d'approfondissement de sa coopération avec le
continent africain afin de faire face à l'influence grandissante de
l'Empire du Milieu ici. Si le gouvernement japonais a semblé avoir
réussi son pari en égalant voir en dépassant la
performance de Pékin en 2006, il lui reste beaucoup à faire pour
rattraper la percée économique chinoise sur le continent. Ainsi
alors que les échanges entre l'Afrique et la Chine ont atteint 73
milliards de dollars en 2007, les échanges avec le Japon n'ont
été que de 26 milliards de dollars. Pékin se trouve
également aujourd'hui au premier rang des donneurs d'aide à
l'Afrique tout en insistant sur "l'inconditionnalité" de cette aide.
Face à ce nouvel instrument de la stratégie extérieure de
la RPC, le Japon comme les Etats européens ne peut être que sur
la défensive190(*).
PARAGRAPHE 2 : LES
CONVOITISES PRESSANTES DE L'INDE EN AFRIQUE
En organisant le premier sommet du Forum Inde-Afrique du 8 au
9 avril 2008, New Delhi a voulu envoyer un signal fort à la
communauté internationale : montrer que l'Inde a les moyens, et surtout
la volonté, de devenir un acteur économique et commercial majeur
sur le continent africain.
L'ambition indienne repose sur la convergence des
intérêts des deux parties. L'offensive diplomatique de New Delhi
vise à lui assurer l'accès aux matières premières
africaines (essentiellement du pétrole et des ressources
minérales) nécessaires pour soutenir sa forte croissance
économique. Ce pays importe 70 % de ses besoins pétroliers
alors que les prévisions de croissance de sa demande étaient
évaluées par les autorités indiennes, avant la crise de
2008-2009, à près de 10 % par an. Huit pays africains
(Burkina Faso, Tchad, Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée-Bissau,
Guinée équatoriale, Mali et Sénégal) sont
concernés, depuis mars 2004, par l'Initiative Team 9 lancée par
le gouvernement indien. Elle prétend aussi mobiliser les pays de la
région en sa faveur pour obtenir un siège permanent au Conseil de
sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU).191(*)
La dimension stratégique de l'Afrique de l'Est est, en
particulier, évidente pour New Delhi. Cette région fait partie de
son " étranger proche ", où elle se doit d'investir pour ne pas
laisser le champ libre à sa rivale chinoise qui y est déjà
très présente. Dans ce contexte, elle peut s'appuyer sur une
histoire commune aux deux rives de l'océan Indien grâce une forte
diaspora indienne présente en Afrique. En effet, les échanges
entre l'Inde et la côte orientale de l'Afrique sont anciens, mais il faut
attendre la domination britannique sur cette région, au XIXe
siècle, pour que la diaspora indienne, souvent originaire du Gujarat ou
du Punjab, s'installe en nombre en Afrique de l'Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda,
etc.) et en Afrique du Sud. Dans ce pays où résident actuellement
plus d'un million de citoyens d'origine indienne, le Mahatma Gandhi a
d'ailleurs passé une vingtaine d'années cruciales pour
l'élaboration de son combat politique.
L'Inde est une puissance émergente à plus d'un
titre : de par sa population, sa forte croissance économique, sa
stratégie d'ouverture, ses performances dans les secteurs à haut
niveau technologique, son arsenal militaire. Liée aujourd'hui aux
Etats-Unis sur le plan des relations internationales, l'Inde entretient avec
l'Afrique des relations géopolitiques nettement moins
stratégiques que la Chine. Les échanges commerciaux entre l'Inde
et l'Afrique ont quintuplé en cinq ans pour atteindre plus de
30 milliards USD en 2007. On observe également des transferts
de technologies (par exemple le réseau électronique panafricain
pour la télémédecine ou la
télé-éducation)192(*)
En somme, dans un environnement africain marqué
fondamentalement par des jeux plus ouverts et concurrentiels entre les
différents acteurs de développement qui s'y
déploient ; dans un environnement où les alliances sont
aussi contingentes qu'éphémères, le pays du Soleil-Levant
ne peut que, si il veut avoir voix au chapitre ici, ajuster ses
stratégies et remodeler son offre de coopération en tenant compte
du comportement des autres acteurs qui, tout comme lui, affichent de
réelles prétentions à jouer les premiers rôles sur
le continent africain. L'orientation téléologique de la
4ème TICAD semble donc s'inscrire dans cette logique.
CHAPITRE VI : LE JAPON
ET LE CAMEROUN : VERS UN PARTENARIAT RENOVE SOUS LA TICAD IV ?
Ce dernier chapitre a pour objet central d'illuter les
mutations observées dans la politique la politique africaine de
coopération du Japon sous la TICAD IV à la lumière du
Cameroun. Il sera ainsi question de revisiter la coopération
nippo-camerounaise, qui semble se rénover davantage avec
l'établissement des axes de coopération prioritaires qui existent
entre le pays du Soleil-Levant et « le triangle national »
et qui sont appelés à se densifier davantage à moyen et
à long terme.
Nous analyserons tour à tour le réchauffement
des relations diplomatico- culturelles établies entre ces deux pays
(section 1) et par la suite les axes de coopérations tangibles qui se
sont noués et qui sont appelés à s'approfondir (section
2)
SECTION I : LE
RECHAUFFEMENT DES RELATIONS DIPLOMATICO-CULTURELLES
Il sera question ici de considérer les relations
diplomatiques entre le Japon et le Cameroun comme des liens progressivement
replètes (paragraphe 1), mais aussi des échanges culturels denses
(paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1 : LE JAPON ET
LE CAMEROUN : DES RELATIONS DIPLOMATIQUES PROGRESSIVEMENT REPLETES
Les premiers contacts entre le Japon et le Cameroun sont
antérieurs à la Deuxième Guerre Mondiale puisqu'il est
signalé la présence nippone parmi les partenaires commerciaux du
Cameroun en 1938. En janvier 1960, date d'accession à
l'indépendance, le Cameroun devient un acteur des relations
internationales en établissant des relations diplomatiques avec des
Etats comme le Japon, représenté aux cérémonies par
M. Fujieda. Une option fondamentale, « notre politique de non
alignement et de coopération nous porte tout naturellement à
dépasser le cadre de l'Afrique (...) pour étendre la trame de nos
amitiés à d'autres régions du monde, notamment à la
lointaine Asie, berceau de toutes les grandes potentialités
économiques et humaines » assurait le Président
camerounais Ahmadou Ahidjo193(*)
Malgré la signature de quelques traités,
l'officialisation des relations entre le Japon et le Cameroun a revêtu un
caractère plus symbolique que pratique car pendant plus de 25 ans, ces
deux Etats n'ont pas procédé à des échanges de
représentants résidents. Les intérêts du Cameroun
dans l'archipel nippon ont été gérés par
l'ambassadeur camerounais à Pékin depuis décembre 1972,
idem pour celui du Japon à Libreville. Ce qui a amené
certains observateurs à noter « la faiblesse des flux
politiques » des relations nippo camerounaises194(*). Les nominations des
premiers ambassadeurs, avec ouverture d'ambassade à Tokyo et à
Yaoundé sont intervenues respectivement en 1987 pour le Cameroun, et
1991 pour l'Empire du Soleil Levant. Avec la fin de la Guerre Froide, le Japon
a pris l'initiative d'élargir son rayon d'actions dans le domaine des
relations publiques internationales et plus précisément en
Afrique. C'est pourquoi « dans un souci d'efficacité, le
MOFA a entrepris d'implanter dans les pays amis, des représentations
diplomatiques avec un personnel capable de mener des études afin de
renseigner le gouvernement japonais sur les besoins réels des
populations »195(*).
Depuis 1991, six diplomates nippons se sont
succédé à la tête de l'ambassade à
Yaoundé à savoir par ordre d'arrivée, Suzuki Tadashi,
Takeru Sassaguchi, Namio Takagi, Masaki Kuneida Kensuke Tsuzuki et Keiji
Yamamoto qui est actuellement en poste. Du coté camerounais, trois
ambassadeurs se sont déjà succédés à
Tokyo196(*).
Les deux pays sont respectueux du principe de non
ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats et se
soutiennent mutuellement au sein des institutions internationales. C'est ainsi
que le Cameroun a apporté son soutien à la candidature de
Koïchiro Matsuura, alors ambassadeur du Japon en France, au poste de
directeur général de l'UNESCO. L'Empire du Soleil-Levant qui
abrite le siège de l'Organisation Internationale des Bois Tropicaux
(OIBT) a soutenu de son côté, l'élection le 12 mai 2007
d'Emmanuel Ze Meka au poste de directeur exécutif de cette instance,
avec rang de secrétaire général adjoint de l'ONU. Paul
Bamela Engo a aussi eu à bénéficier de l'appui
nippon197(*) pour son
élection à la fonction de juge au tribunal international du droit
de la mer à Hambourg. Le Cameroun a par ailleurs obtenu le soutien
du Japon qui siège au conseil d'administration du FMI lors de l'examen
du dossier d'atteinte du point d'achèvement de l'initiative
PPTE198(*). Les 23 et 24
Juin 2003 déjà, le Cameroun a eu à abriter l'une des trois
réunions préparatoires de la TICAD III. Une véritable
entreprise diplomatique qui a renforcé l'axe Tokyo-Yaounde. Selon Seigi
Hinata, ambassadeur chargé de la TICAD III, ce choix n'est pas le fruit
du hasard puisque « le Cameroun est devenu un grand pilier de la
croissance économique dans la région. Il faut le soutenir en
renforçant l'éducation de sa jeunesse, en améliorant ses
télécommunications ; notamment l'Internet, en formant des
techniciens dans le domaine de l'électronique, de sorte que les
investisseurs qui font les affaires via Internet aient des raisons
supplémentaires de s'installer au Cameroun ».199(*) Les experts de 25 pays
d'Afrique centrale et occidentale, le PNUD, les Nations Unies, la Banque
Mondiale, la CMA sont ainsi venus à Yaoundé pour examiner les
thèmes relatifs au développement des Etats ainsi que les
modalités d'appui du processus de la TICAD à la mise en oeuvre du
NEPAD.
Durant les dernières élections
Présidentielles de 2004, le gouvernement nippon a offert des urnes
transparentes, formé des observateurs notamment ceux de l'ONG Conscience
Africaine- qui a reçu un don de 8 400 000 Fcfa- et affecté une
dotation financière à l'Observatoire National des Elections
(ONEL) pour le suivi du déroulement des dites opérations.
Cette action peut être vue comme un acte de prévention des
conflits quand on sait qu'une élection mal organisée et mal
gérée peut être l'étincelle qui amène une
guerre civile. Dans le cadre de l'appui au cinquième programme de
Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP),
qui entend donner aux pays africains les capacités à maintenir
eux-mêmes la paix en Afrique, le Japon a financé la construction
et l'équipement d'un magasin de médicaments à Garoua
200(*)
PARAGRAPHE 2 : LE JAPON ET
LE CAMEROUN : DES RELATIONS SOCIO CULTURELLES EN NETTE PROGRESSION
La densité de ses relations peut se vérifier
tant sur le domaine de la coopération décentralisée que
dans les échanges entre les deux peuples.
En ce qui concerne le premier domaine, il faut dire que les
premiers jalons de coopération décentralisée entre le
Cameroun et le Japon ont été posés à l'occasion de
la 17ème coupe du monde de football, au Japon au courant de
l'année 2002. L'équipe de football des « Lions
Indomptables » a été accueillie par la ville japonaise
de Nakatsue Mura, dans la province d'Oita. Le Ministère des Relations
Extérieures (MINREX) et le Fonds Spécial d'Equipement et
d'Intervention intercommunale (FEICOM), ont posé les bases de cette
coopération lors d'une mission conjointe effectuée au mois de mai
et juin 2002. Depuis que Nakatsue Mura, petit village de près de
5 000 habitants a servi de camp de base aux «Lions
Indomptables », le maire de cette commune, Yasumu Sakamoto et sa
population entretiennent d'excellentes relations d'amitié et d'accords
de jumelage entre Nakatsue et la commune de Meyomessala d'une part, et entre
Sangmelima et Oita d'autre part201(*).
Les couples Sangmelima/Oita et Meyomessala/Nakatsue ont
constitué le coup d'envoi et le modèle d'un processus
appelé à s'élargir dans le cadre de la Cameroon-Oita
Friendship Association. Le maire de la commune de Meyomessala a accueilli
une délégation conduite par le maire de Nakatsue Mura, forte
d'une quarantaine de membres en février 2003. Une
délégation de la préfecture d'Oita, conduite par son
gouverneur, s'est également rendue à Sangmelima au cours du mois
d'octobre de la même année. C'est dans ce cadre que,
« des conventions de jumelage ont été signées
entre les deux parties, où celles-ci, s'engageaient à
coopérer dans divers domaines, notamment le domaine socioculturel,
incluant l'éducation. Il était en effet question
d'encourager les échanges constructifs entre établissements
scolaires relèvant de leur circonscription respective. La principale
réalisation de la partie japonaise dans le domaine de l'éducation
est un projet d'aménagement de l'école des villages
Efoulan/Yassaman près de Meyomessala dont le contrat de don a
été signé le 07 Janvier 2004202(*).
En ce qui concerne le renforcement des échanges entre
les peuples camerounais et japonais, il a connu une phase décisive le
27 Octobre 2006 avec l'inauguration officielle du bureau de la JICA à
Yaoundé203(*). La
cérémonie a donné l'occasion de revisiter le chemin
parcouru depuis 1965- année au cours de laquelle a commencé la
relation entre le Cameroun et la JICA- et de se projeter vers l'avenir. Dans
son discours inaugural, le vice Président de la JICA, Kazuhisa Matsuoka
a révélé que le nouvel élan permet désormais
d'activer les échanges réciproques entre les peuples camerounais
et japonais.204(*)
Cette option se concrétise avec l'affectation au Cameroun de six
volontaires japonais. Ces pionniers issus du programme JOCV, ont pour mission
pendant leur séjour de deux ans, de contribuer au renforcement de la
capacité de développement de leur pays d'accueil, le Cameroun, en
vivant et en travaillant avec son peuple. Toutes choses qui augurent de
nouvelles retombées qui vont certainement booster une relation qui, bien
que très chaleureuse et fructueuse n'a pas encore atteint son paroxysme,
comme l'a si bien fait remarquer M. Kazuhisa Matsuoka. Dans un milieu mondial
d'une prodigieuse vitalité, de telles initiatives fournissent des
facilités, des occasions, des lieux de rencontre, des médiations
par des conseils entre différents peuples.
Ainsi, les 26, 27 et 28 Août 2007, une vingtaine de
maîtresses du primaire et de la maternelle ont participé à
Mfou et à Mbalmayo à un séminaire sur les techniques
pédagogiques par le jeu, sous la houlette de ces volontaires japonais.
Cette rencontre de sensibilisation et d'informations sur l'éducation de
la petite enfance est intervenue dans le cadre des stages effectués par
deux directrices d'écoles maternelles, les dames Mengue Mvogo et Lema
Marguerite au Japon. Les deux enseignantes ont bénéficié
de cette formation grâce à la JICA.205(*) Depuis 1980, c'est plus de
200 Camerounais, hommes et femmes qui ont pu bénéficier de ce
programme pour des durées de 6 semaines à 8 mois. Ces stages se
font dans des domaines aussi variés que la planification
économique, les télécommunications, le
développement urbain, l'agriculture, la sécurité
alimentaire, l'éducation, la douane, la mécanique.206(*) Pour renforcer les liens
entre les deux peuples, une association des anciens stagiaires de la JICA avec
comme premier Président Emmanuel Mbarga, a vu le jour et est
installée à Yaoundé.
L'objectivation de ce qui précède peut conduire
à la mise en exergue d'un dynamisme politico - diplomatique qui est
complété par une densification de partenariat dans des domaines
de coopération tangibles pour les deux pays.
SECTION II : LES AXES
DE COOPERATION NIPPO-CAMEROUNAIS TANGIBLES
Ces axes concernent aussi bien les domaines traditionnels
(paragraphe 1) que les nouveaux secteurs (paragraphe 2)
PARAGRAPHE 1 : DANS LES
DOMAINES TRADITIONNELS : PRIORITE A LA « BIO
COOPERATION »
Ces domaines concernent aussi bien l'éducation et la
santé (b) et le développement rural (b)
a) L'éducation et la santé
Cela ne fait l'ombre d'aucun doute que le domaine où le
Japon s'est investi le plus au Cameroun dès les années 2000 est
sans conteste le secteur social et particulièrement le domaine de
l'éducation. En effet, le Japon a fait de la construction des
écoles primaires un des fleurons de sa coopération avec le
Cameroun. Lors des différentes TICAD, le Japon a réaffirmé
son engagement à l'encadrement des ressources humaines,
renforçant ainsi les actions entreprises dans ce cadre, dont le Cameroun
bénéficie à travers le projet non remboursable de
constructions d'écoles primaires. Il y aura ainsi plusieurs
échanges de notes entre les deux pays.
Les sites de projet de constructions
d' « écoles primaires japonaises » ont
été choisis dans des zones urbaines populeuses où
existaient des écoles vétustes et de faible capacité. Le
projet se propose de remplacer ces dernières par des structures modernes
et fonctionnelles.
Le Japon a eu ainsi à débourser
« près de 46 milliards de FCFA pour la construction et
l'équipement de 96 écoles et 1235 salles de classe au Cameroun
couvrant les provinces du centre, littoral, Ouest, Sud, Sud-Ouest, Nord et
extrême Nord »207(*). Pour la première phase du premier projet, il
s'est agit des écoles publiques de Bepanda, de la Cité berge, de
Bonadiwoto, de Nkolbong, de Logbessou, de Nylon, de l'aéroport, de
Massoumbou, des écoles publiques bilingues de Ndobo, Bonabéri et
Bonamoussadi, des Government Elementary and Primary School (GEPS) de
Bépanda et du camp Bertoud. La troisième phase du
troisième projet se focalise sur les écoles primaires de Garoua
au Nord et de Maroua dans l'Extrême-Nord ; deux provinces qui
jusque-là n'avaient pas bénéficié de ces
infrastructures scolaires. Dans le cadre de la TICAD IV, cette construction
d'école est déjà à sa 5ème phase
et deux requêtes ont été adressées par la partie
camerounaise à l'endroit de la partie japonaise pour la
réalisation de ce 5ème programme de construction
d'écoles primaires et pour le premier programme de construction des
écoles normales d'instituteurs (ENIEG) afin de répondre à
la demande sans cesse croissante de l'offre d'éducation. Une
troisième requête va permettre de doter plusieurs
établissements scolaires types « dons
japonais » en panneaux solaires.208(*)
Dans le domaine de la santé, en 1992, le Japon a
accordé 1 milliard 98 millions de F CFA pour équiper les
hôpitaux centraux de Yaoundé et de Douala (fourniture de
gastroscopes, bronchoscopes, échocardiographies, unités
dentaires, appareils de radiographie dentaire, tables d'opération
gynécologique, bistouris électriques, chariots d'urgence). Toutes
les dix provinces du Cameroun ont reçu au moins une fois un don du Japon
constitué pour l'essentiel d'équipements sanitaires et/ou de la
construction des centres de santé associé à la formation
des personnels sanitaires. On peut citer entre autres comme probatio -
probatissima, l'hôpital Mary Health of Africa à Fontem, pour
23 970 700 F CFA, le centre de santé de Djinang pour
26 580 000 F CFA, les services d'urgences de la croix rouge
camerounaise pour 21 000 000 F CFA ou encore le centre de
santé développé de Nkoabang pour 19 900 000 F
CFA.209(*)
b) Le développement rural
L'hydraulique rurale constitue une première
priorité ici. A cet effet, dans cette lutte pour assurer le devenir de
l'homme, l'Empire du Soleil-Levant a aussi grimpé sur la dunette pour
résoudre les problèmes liés à l'accès des
couches sociales à l'eau potable. Entre 1996 et 1998, le Japon a
accordé un financement de 6 milliards et un million de F CFA pour
l'adduction d'eau en milieu rural dans les provinces du centre (Awae,
Ngomedzap), du littoral (Dibombari), de l'Ouest (Bandjoun, Tonga). Le 20 juin
2006, le gouvernement nippon a déboursé 2.5 milliards de FCFA
dans le projet d'hydraulique rurale. Le projet est censé réduire
les risques de contamination des maladies infectieuses liées à la
qualité de l'eau dans les zones rurales et alléger les travaux
domestiques aux femmes et aux enfants. Au cours de cette phase, 100
forages ont été construits au total dont 55 dans le centre, 38
dans le littoral, 7 dans l'Adamaoua. La quatrième phase a
été officiellement lancée le 10 août 2007. Elle
renforce l'appui en matière d'hydraulique rurale. Le gouvernement
japonais a une fois de plus accordé un don au Cameroun s'élevant
à 1.8 milliard de FCFA pour 85 forages disséminés dans les
provinces de l'Adamaoua et du Sud. Plus récemment, le Japon s'est
engagé à réaliser d'ici à 2015 500 forages dans
les régions du Centre, du Sud, de l'Ouest, du Littoral et du Sud-ouest,
il a également engagé une étude en vue de construire 20
adductions d'eau par pompage solaire ou éolien dans les régions
septentrionales. Il s'est également engagé avec le gouvernement
camerounais le développement de certains sites hydroélectriques
prioritaires, notamment ceux de Mandourou, Mbijal, Vogzoum, Fo et
Lancrenon210(*)
Dans le cadre de la valorisation de la pèche, le
Japon est disposé à aider le Cameroun dans l'amélioration
de la quantité des produits halieutiques. Dans cet optique le Cameroun
s'attend à ce que le Japon appuie le Centre Communautaire de
pèche de Kribi. En outre pour moderniser le secteur de l'élevage
bovin, le Japon a été sollicité pour mettre en place des
unités d'abattage et de conditionnement et de stockage au Cameroun.
PARAGRAPHE 2 : DANS LES
DOMAINES NOVATEURS
Ces domaines concernent prioritairement les infrastructures
(a), et l'amélioration de la compétitivité de
l'économie camerounaise (b)
a) Les infrastructures
Elles concernent aussi bien les infrastructures
routières qu'électriques.
En ce qui concerne les routes, le Japon a financé le
corridor Bamenda-Enugu à hauteur de 4,54 milliards de yen, soit environ
une vingtaine de milliards de francs cfa. Financement qui a été
conclu le 31 Mars 2009 entre l'ambassadeur japonais S.E Keiji Yamamoto et le
ministre camerounais Louis Paul Motaze. Financement entré en vigueur le
31 octobre 2009211(*). A
coté de ce projet qui est cour de réalisation, d'autres sont en
cour de finalisation et connaitront d'ici 2015 si une concrétisation si
les engagements sont maintenus. Il s'agit entre autre ;
· la route Bertoua-Batouri-Kenzou-frontière de la
RCA
· route
Batchenga-Ntui-Yoko-Tibati-Ngaoundéré
· route Sangmelima-Mengong
· route Ebolowa-Kribi
· route Kumba-Manfe
· route Yaoundé-Kribi : tronçon
Olama-Kribi212(*)
En ce qui concerne les infrastructures d'accroissement de
l'offre d'énergie électrique, plusieurs projets ambitieux de
renforcement des infrastructures électriques sont établis entre
le Cameroun et le Japon. Dans le cadre de la TICAD IV, le projet d'hydraulique
villageoise soumis au financement de la JICA pour 2010 est estimé
à des milliards de francs cfa, en matière
d'électrification rurale par l'énergie solaire, le Japon ayant
une expertise avérée en la matière, le gouvernement
camerounais attend la suite des requêtes y relatives adressées
à la partie japonaise. Ces requêtes concernent le financement d'un
certain nombre de projets ayant trait parmi lesquels on peut citer entre
autre ; le Solar Panel Generating System Bakassi, le projet
Hydro Power Generating System Ngambe Tikar, le Solar Panel Generating
System Mbe. L'Agence d'Electrification Rurale (AER) a
présenté ainsi deux projets qui peuvent augmenter l'offre
d'énergie en milieu rural. Il s'agit de l'étude d'un plan
énergétique national en vue de l'achèvement de
l'électrification rurale et le projet relatif à
l'électrification de 100 localités par des kits solaires
individuels
D'autres projets seront d'ici 2015 réalisés, il
s'agit notamment :
· l'interconnexion électrique Tchad -Cameroun et
l'électrification des localités traversées à partir
du barrage de lagdo et l'aménagement hydroélectrique de75 MW sur
la Bini à Warack
· de la construction de nouvelles lignes de transport de
225 KV sur le réseau interconnecté Sud (RIS) : Songloulou-
Yaoundé (220km), Nkongsamba-Bafoussam (95km), Edéa-Douala
(60km)213(*)
b) l'amélioration durable de la
compétitivité de l'économie camerounaise
Afin de rendre l'économie camerounaise plus
compétitive qui pourra lui permettre de mieux s'insérer dans le
marché mondial, le Japon a entrepris de mettre sur pied un certain
nombre de programme d'appui qui doivent accompagner le Cameroun dans cet
élan. Ces programmes d'appui financé sous forme de dons et de la
coopération technique consistent notamment à :
· la mise à niveau des entreprises camerounaises
afin de mieux s'arrimer aux standards internationaux du marché et
attirer les investissements privés étrangers
· au développement des technologique de la
transformation des matières premières agricoles, halieutiques et
pastorales
· la valorisation des inventions et innovations
technologiques
· La mise en place des technopoles
· L'élaboration du 2ème plan
d'industrialisation du Cameroun
· L'élaboration d'une banque des projets
d'investissement privés214(*)
Quant au Plan de Développement des Petites et Moyennes
Entreprises (PME), il faut dire qu'un plan directeur du développements
des PME a été élaboré par le gouvernement
camerounais car les PME sont considérées comme le moteur de la
croissance. C'est l'un des secteurs stratégiques sur lequel le
gouvernement ambitionne s'appuyer comme un des leviers de son émergence
à l'horizon 2035. Pour ce faire, le Japon entend soutenir le Cameroun
dans cette ambition et en accord avec ce dernier, a mis un programme d'appui
destiné à :
· La mise en place d'une institution de financement des
PME
· La création et au développement des PME
de transformation et de conservation des produits locaux de masse
· La facilitation de la migration des acteurs du secteur
informel vers le secteur formel215(*).
En ce qui concerne la lutte contre les changements
climatiques, il faut rappeler que le Japon apporte son appui financier dans le
cadre de la Commission des Forêts de l'Afrique Centrale (COMIFAC) le
volet y relatif. Il apporte par ailleurs son appui à
l'élaboration d'une politique nationale d'atténuation et
d'adaptation aux changements climatiques. Pour cela, il apporte un appui
financier substantiel au programme d'appui à la mise en oeuvre
d'approches intégrées et globales de l'adaptation aux changements
climatiques. Ce projet national ambitieux qui a été
lancé en Septembre 2010 et qui doit s'achever d'ici Aout 2012, poursuit
un double objectif à savoir ; améliorer la capacité
d'adaptation du Cameroun aux changements climatiques et promouvoir les mesures
d'adaptation précoces et établir les fondations pour un
investissement à long terme de résistance aux changements
climatiques.216(*)
En somme, au moment où le Cameroun ambitionne
d'être un pays émergent à l'horizon 2035, il attend de son
partenaire japonais une contribution efficiente dans la formulation des
réponses adéquates à toutes préoccupations
mentionnées dans le DSCE afin de lui permettre d'exploiter de
manière optimale toutes les opportunités des ressources tant
financières que technique et/ou technologique que lui offre sa
coopération avec ce partenaire.
CONCLUSION GENERALE
Au crépuscule de cette réflexion, il serait
idoine de rappeler le fil d'Ariane qui nous a guidé tout au
long de son développement jusqu'à sa boucle. Tout d'abord il
était question tout au long de ce travail de s'interroger sur les
mutations et les enjeux que l'on peut relever entre la TICAD III et la TICAD IV
dans la politique africaine de coopération du Japon. Raison pour
laquelle nous nous sommes posé la question de savoir si la TICADIV
augurait-elle une nouvelle orientation de la politique africaine de
coopération du Japon, comparativement à la TICAD III? Si
oui, dans quelle mesure et pour quelle finalité ? En guise
d'hypothèses, nous avons avancé que la TICAD IV, comparativement
à la TICAD III semblait augurer une nouvelle ère dans l'offre au
développement du Japon à l'égard de l'Afrique. Ceci, dans
la mesure où une lecture attentive des résolutions qui ont
été prises à l'issue de cette quatrième
conférence révèle une nouvelle doctrine dans la politique
africaine de coopération du Japon à travers la Ticad. En effet,
depuis la TICAD IV, le Japon semble être passé d'une
coopération sociale à un business cooperation.
Cette nouvelle orientation de sa politique de coopération
vis-à-vis de l'Afrique, en termes d'offre de développement semble
s'inscrire dans cette volonté du Japon à vouloir non seulement
capitaliser l'appui de l'Afrique dans son combat à obtenir un
siège de membre permanent au CS/NU, mais aussi de pouvoir contrer la
poussée hégémonique de son rival millénaire qu'est
la Chine, mais aussi de l'Inde qui sont en train d'investir de manière
irrésistible le continent africain. Le recours simultané à
la méthode comparative, à l'analyse stratégique, à
l'analyse documentaire et à l'interview nous a permis de procéder
à la vérification de nos hypothèses. L'ossature de ce
travail fut bâtie en deux parties. Dans la première, il
était question de rendre compte de la place du Japon dans la
configuration mondiale tandis que la seconde partie s'est focalisée sur
l'analyse de l'action du Japon en Afrique par le biais de la TICAD.
Parvenu au terme de ce développement, on peut dire que
nos hypothèses ont été vérifiées dans le
sens de leur confirmation car l'observation faite de la coopération
nippo- africaine par l'entremise de la TICAD dont la 4ème
édition est venue apporter un coup d'accélérateur par
rapport à l'édition précédente , non seulement en
termes de mobilisation, mais aussi au regard des engagements forts qui ont
été pris par le gouvernement japonais, augure une nouvelle
ère de coopération dans la toile qui relie l'empire du Soleil
-Levant et le continent africain. Même s'il faut reconnaitre que la
rupture qu'apporte la TICAD IV n'est pas totale par rapport à la
3ème édition
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IV/ RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS
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ministre du japon a l'occasion de la TICAD III à Tokyo le 29 septembre
2003
Allocution d'ouverture de la 4eme TICAD du
premier ministre du japon, monsieur yasuo fukuda le 28 mai 2008 à
Yokohama
Le plan d'action de Yokohama (2008)
Rapport annuel 2008 sur la réalisation du plan
d'action de la 4eme TICAD,
Rapport d'activites annuel de la ticad IV
2009
V / SITES WEB CONSULTES
http://www.miti.go.jp/index-e.html
http://www.mof.go.jp/english/
http://mofa.go.jp/
www.jica.go.jp
www.atimes.com
http://poldev.revues.org/118
www.unites.uqam.ca/gric
http://www.jda.go. jp/info-htm
www.ticad.net
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
EPITRE
DEDICATOIRE....................................................................................................I
REMERCIEMENTS
..........................................................................................................ii
LISTE DES ACRONYMES
.............................................................................................
iii
LISTE DES
ANNEXES.......................................................................................................v
SOMMAIRE....................................................................................................................vi
PROLEGOMENES
1
I- PRESENTATION DU SUJET
2
II- L'INTERET DU SUJET
7
a) l'intérêt heuristique
7
b) l'intérêt pratique
9
III-DEBLAYAGE CONCEPTUEL
9
1) La Coopération
10
2) La politique étrangère
10
3) Le développement
12
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
13
V-PROBLEMATIQUE
16
VI-HYPOTHESES DE RECHERCHE
16
VII -CADRE THEORIQUE D'ANALYSE
17
VIII- QUESTION DE METHODE
19
IX/ ANNONCE DU PLAN
20
PREMIERE PARTIE : LE JAPON DANS LA
CONFIGURATION MONDIALE CONTEMPORAINE
21
CHAPITRE I : LE JAPON DANS :
L'ARCHICTECTURE INTERNATIONALE : UNE PUISSANCE MOYENNE ?
23
SECTION I : LA NOTION DE PUISSANCE
MOYENNE : A LA RECHERCHE D'UN SENS
23
PARAGRAPHE 1 : LES TROIS PRINCIPALES
APPROCHES DE LA NOTION DE PUISSANCE MOYENNE
24
a) Le modèle fonctionnel
24
b) Le modèle behaviouriste
25
c) le modèle
hiérarchique..................................................................................................................................26
PARAGRAPHE 2 : VERS UNE PRECISION
NOTIONELLE DE PUISSANCE MOYENNE
27
SECTION II : L'ENRACINEMENT DU CONCEPT DE
PUISSANCE MOYENNE DANS LA POLITIQUE ETRANGERE DU JAPON
30
PARAGRAPHE 1: LES DONNEES THEMATIQUES DE
L'ACTION INTERNATIONALE NIPPONE : LES PARAMETRES D'UN CHAMP
DIPLOMATIQUE
30
a) La rhétorique de la paix et de la
prospérité comme support du libre échange
31
b) La rhétorique de la paix et de la
prospérité comme support de la solidarité
internationale
33
PARAGRAPHE 2 : LA DIALECTIQUE
SUBORDINATION /AUTONOMIE COMME FACTEUR STRUCTURANT DE LA POLITIQUE ETRANGERE
NIPPONE.
34
CHAPITRE
II :
LE JAPON EN ASIE : UNE PUISSANCE
REGIONALE PARADOXALE ?
36
SECTION I : LES FACTEURS GEOSTRATEGIQUES ET
HISTORIQUES STRUCTURANTS DE LA POLITIQUE ASIATIQUE DU JAPON
36
PARAGRAHE 1 : LES CONTRAINTES
GEOSTRATEGIQUES
37
PARAGRAPHE 2 : UNE HISTOIRE DOULEUREUSE
AVEC LES ETATS VOISINS
38
SECTION II : APERCU DE LA POLITIQUE DE
COOPERATION ASIATIQUE DU JAPON.
40
PARAGRAPHE 1 : LA POLITIQUE ECONOMIQUE DU
JAPON POUR L'ASIE
41
PARAGRAPHE 2 : LA POLITIQUE STRATEGIQUE
REGIONALE DU JAPON
42
a) la péninsule
coréenne...................................................................................................................................................43
b) La Chine et Taiwan
44
PARAGRAPHE 3 : LA POLITIQUE CULTURELLE DU
JAPON EN ASIE
45
a) Historique de la politique
culturelle.
46
b) Culture et crise économique
46
CHAPITRE III : LE JAPON DANS LE
PAYSAGE GEOPOLITIQUE AFRICAIN : UNE PUISSANCE D'APPOINT
STRATEGIQUE ?
49
SECTION I : LES CADRES HISTORIQUE ET COGNITIF
STRUCTURANTS LES RELATIONS NIPPO-AFRICAINES.
49
PARAGRAPHE 1 : LES RELATIONS JAPON
-AFRIQUE : ENTRE ANCIENNETE ET EPISODIE.
49
a) Pendant la période
précoloniale
49
b) De la colonisation à la guerre
froide : entre neutralité et implication
51
PARAGRAPHE 2: LE JAPON DANS L'UNIVERS COGNITIF
DES AFRICAINS : « UN ERSATZ GEOSTRATEGIQUE ET
TECHNOLOGIQUE »
54
SECTION II : LES AMBITIONS AFRICAINES DU
JAPON
56
PARAGRAPHE 1 : LA PAIX ET LA SECURITE
56
PARAGRAPHE 2 : LA DIPLOMATIE DE L'AIDE
58
PARAGRAPHE 3 : LE COMMERCE ET
l'INVESTISSEMENT
60
DEUXIEME PARTIE : LE JAPON, LA TICAD
IV ET L'AFRIQUE
64
CHAPITRE IV : LA TICAD IV COMME UNE
NOUVELLE DOCTRINE DANS LA POLITIQUE AFRICAINE DE COOPERATION DU JAPON
66
SECTION I : DE « LA BIO
COOPERATION » SOUS LA TICAD III...
66
PARAGRAPHE 1 : LES AXES DE COOPERATION
PRIORITAIRES DECLINES SOUS LA TICAD III
66
a)Un développement centré sur
l'homme
66
b)La réduction de la pauvreté par la
croissance économique
67
c)La consolidation de la paix
67
PARAGRAPHE 2 : REGARD SYNOPTIQUE SUR LES
ACTIONS MARQUANTES DU JAPON DANS LE CADRE DE LA TICAD III EN AFRIQUE
68
SECTION II : ... A LA « BUSINESS
COOPERATION » SOUS LA TICAD IV
71
PARGRAPHE 1 : L'ACCELERATION DE LA
CROISSANCE ECONOMIQUE PROMOTION DU COMMERCE ET L'INVESTISSEMENT COMME L'AXE DE
COOPERATION INNOVANT ET PRIORTAIRE DU JAPON SOUS LA TICAD IV
71
a)Dans le domaine des infrastructures
72
b) dans le domaine du commerce
73
c) l'accélération des investissements
étrangers
73
d) dans le secteur agricole
74
PARAGRAPHE 2 : LES QUESTIONS CLIMATIQUES
ET ENVIRONNEMENTALES COMME AUTRE AXE DE COOPERATION INNOVANT ET PRIORITAIRE DE
LA TICAD IV PAR RAPPORT A LA TICAD III
75
PARAGRAPHE 3 : ETAT D'AVANCEMENT DE LA
TICAD IV
77
SECTION III : LA REMANENCE DE LA
« BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD IV
82
PARAGRAPHE 1 : LES AXES SOCIAUX DE
COOPERATION SOUS LA TICAD IV
82
a) la
santé.................................................................................................................................................................................82
b) l'éducation
83
PARAGRAPHE 2 : L'ETAT D'AVANCEMENT DE LA
TICAD IV DANS LES SECTEURS SOCIAUX
84
CHAPITRE V : LES ENJEUX LIES A
L'ACCELERATION DE LA COOPERATION NIPPO-AFRICAINE PAR LE BIAIS DE LA TICAD
IV
88
SECTION I : LES ENJEUX TRADITIONNELS : LA
CAPITALISATION DES SOUTIENTS AFRICAINS EN VUE DE L'OBTENTION DU SIEGE DE MEMBRE
PERMANENT AU CONSEIL DE SECURITE DES NATIONS UNIES
88
PARAGRAPHE 1 : LA REFORME DU CONSEIL DE
SECURITE : UN POINT FOCAL DE LA DIPLOMATIE NIPONNE
89
PARAGRAPHE 2 : LE PLAIDOYER PRO DOMO COMME
FIL D'ARIANE DE LA RHETORIQUE DIPLOMATIQUE NIPPONE 90
SECTION II : LES « NOUVEAUX
ENJEUX » : CONTRER L'OFFENSIVE DES « PEER
COMPETITORS » ASIATIQUES PRESENTS SUR LE CHAMP AFRICAIN.
92
PARAGRAPHE 1 : L'OFFENSIVE AFRICAINE DE LA
CHINE
92
PARAGRAPHE 2 : LES CONVOITISES PRESSANTES
DE L'INDE EN AFRIQUE
95
CHAPITRE VI : LE JAPON ET LE
CAMEROUN : VERS UN PARTENARIAT RENOVE SOUS LA TICAD IV ?
97
SECTION I : LE RECHAUFFEMENT DES RELATIONS
DIPLOMATICO-CULTURELLES
97
PARAGRAPHE 1 : LE JAPON ET LE
CAMEROUN : DES RELATIONS DIPLOMATIQUES PROGRESSIVEMENT REPLETES
97
PARAGRAPHE 2 : LE JAPON ET LE
CAMEROUN : DES RELATIONS SOCIO CULTURELLES EN NETTE PROGRESSION
99
SECTION II : LES AXES DE COOPERATION
NIPPO-CAMEROUNAIS TANGIBLES
101
PARAGRAPHE 1 : DANS LES DOMAINES
TRADITIONNELS : PRIORITE A LA « BIO COOPERATION »
101
PARAGRAPHE 2 : DANS LES DOMAINES
NOVATEURS
104
CONCLUSION GENERALE
106
REFERENCES
107
ANNEXE............................................................................................................................112
* 1 Nous avons emprunté
ce néologisme à T. HOBBES, philosophe Anglais qui a
dédicacé son ouvrage séminal Le Léviathan
(paru en 1651) à son « très honorable
ami » Francis GODOLPHIN de Godolphin
* 2 Pour plus de détails
sur cette « diplomatie duale » du Japon à
l'égard de l'Afrique, cf. Jun Morikawa (1997), Japan and Africa. Big
business and diplomacy. London: Hust and Company.
* 3 S. Kamo. (2004), "De
l'engagement économique à l'engagement politique africain du
Japon ". Afrique
Contemporaine. N° 212. 4e trimestre, P.
58
* 4 Cf. Rapport annuel 2008 sur
la réalisation du Plan d'Action de la 4ème TICAD.P
04
* 5 M.Obayashi (2004), " Ticad,
un processus favorable pour le développement de l'Afrique ? "
Afrique Contemporaine, n°212. 4e trimestre. p.78
* 6 Idem
* 7 dont notamment cinq pays
africains conduits par leurs Présidents à savoir l'Ougandais
Yoweri Museveni, le Ghanéen Jerry Rawlings, le Burkinabé Blaise
Compaoré, le Botswanais Keith Masire et le Béninois
Nicéphore Soglo
* 8 S. Kamo (2004), op.cit; J.
Morikawa (1997), Japan and Africa. Big business and diplomacy. London:
Hust and Company.
* 9 M. Aicardi de Saint-Paul,
(1993), " Le Japon et l'Afrique : la Ticad et la déclaration de Tokyo ".
Marchés
Tropicaux. N° 2503. Pp. 2624 - 2625.
* 10 Brunei, Chine, Inde,
Indonésie, Corée du Sud, Malaisie, Philippines, Singapour,
Thaïlande et Vietnam.
* 11 M. Aicardi de Saint Paul,
(1998)." Un donateur atypique : le Japon " in Afrique
Contemporaine N° 188. 4eTrimestre, p.159.
* 12 Cf annexe
* 13 S. Kamo (2004), op.
cit, p.65
* 14 Participaient
également à la conférence des représentants
de 34 pays partenaires, y compris le G8 et des pays d'Asie.
* 15 Résumé par
le président de la TICAD IV, Yokohama 30 mai 2008, pp : 1-2 in
www.ticad.net
* 16 Obayashi (2004), op.cit,
pp : 79-81.
* 17 Idem, p.80
* 18 J. Kita (a), «
Vers un changement politique majeur au Japon ? », La lettre
du Centre Asie Ifri, n°22 du 15 Avril 2008.
J. Kita. (b), « La 4ème TICAD :
accélération de la coopération
Japon-Afrique », la lettre du Centre Asie Ifri, n° 26
du 10Juin 2008.
* 19 Le moment est venu
pour le Ticad de faire un pas en avant significatif» a
déclaré à la veille du sommet le ministre des Affaires
étrangères japonais, Masahisko Koumoura, soulignant que la
rencontre représentera l'occasion de définir des
mécanismes et des stratégies de développement pour
l'Afrique à long terme.
Aussi, le Japon, comme le souligne le Financial Times
dans un article publié le 27 Mai 2008, avait regardé le
continent africain avec une certaine «distraction» ces
dernières années, comme le prouve la récente diminution de
30% des aides au développement allouées par Tokyo à
l'Afrique. C'est ainsi qu'à la veille de la conférence, la
capitale japonaise s'est empressée d'annoncer une hausse de l'aide au
développement qui, entre subventions et lignes de crédits
préférentielles, devrait arriver à dépasser, selon
l'agence de presse mozambicaine Aim, les cinq milliards d'euros d'ici
2012.
* 20 Jamais depuis 1993,
année de la Ticad I, cette conférence n'a connu une telle
audience internationale en termes de participation au sommet, du nombre de
réunions préparatoires ou encore d'engagement significatif de la
part du Japon.
* 21 Même si ses contours
et ses lignes directrices restent tout de même à
préciser.
* 22 B. Badie (1999), Un
monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et
responsabilité. Paris: Fayard, p.16
* 23 Parmi eux, figurent le
Brésil, l'Inde, la Chine...
* 24 A ce titre, il existe
une abondante littérature parmi laquelle nous pouvons citer les
travaux de Sogge (2003) ; Goulet et Hudson (1970) ; Mende Tibor
(1975) ; Hayter (1971) ; Mbida (2007).
* 25 L. Sindjoun (1999),
Sciences politiques réflexives et savoirs sur les pratiques
politiques en Afrique
noire. Dakar : Codesria, p.13
* 26 S.C Alima Zoa
(2008), « Les clés de l'offensive politico-diplomatique
du Japon en direction Afrique et du
Cameroun depuis 1991 » ; Mémoire de
DEA/Science Politique, FSJP, Université de Yaoundé II- Soa,
p.09
* 27Z. Laidi (dir.) (1992),
L'ordre mondial relâché. Sens et puissance après la
guerre froide. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, p.62
* 28J.V Ntuda Ebode (2005),
" Le Japon dans le paysage géopolitique africain : Une
puissance d'appoint stratégique ". Revue Africaine d'Etudes
Politiques et Stratégiques. Université de Yaoundé
II, N°04.
* 29 J.J Servan-Schreiber
(1983), "Aimer les Japonais ? " in E.F. VOGEL. Le Japon
médaillé d'or. Leçons pour L'Amérique et
l'Europe. Paris : Editions Gallimard, p.10
* 30 Elenga-Ngaporo (2004),
Le Japon, L'Asie et l'Afrique. Pour une Afrique performante.
Paris : Editions silex /nouvelles du Sud.
* 31 M. Grawitz (2001),
Méthodes des sciences sociales, 11e édition,
Dalloz, Paris.
* 32 L'Ethique à
Nicomacque
* 33 Lexique de
politique ,7ème éd, Dalloz, 2001
* 34 H.Kissinger (2003),
La nouvelle puissance américaine. Paris : Fayard, p.63
* 35 N. Mouelle Kombi (1996).
La politique étrangère du Cameroun. Paris : L'Harmattan,
p.86
* 36 F. Charillon (dir.)
(2002). Politique étrangère. Nouveaux regards. Paris :
Presses de Sciences Po.
* 37 J.Stein (1992) "L'analyse
de la politique étrangère : à la recherche de groupes
de variables dépendantes et
indépendantes". Etudes Internationales.
N°4.
* 38 J.Roseneau (1968), "Moral
fervour, systematic analysis and scientific consciousness in foreign policy
Research «in A. Ranney, ed. Political Science and Public Policy.
Chicago: Markham, p.197
* 39 C. Zorgbibe (1994),
Les relations internationales. Paris : Presses universitaires de
France. Collection Thémis, p 55
* 40D. Battistella (2006),
Théories des relations internationales, 2ème
édition revue et augmentée, Presse de la Fondation Nationale des
Sciences Politiques, Paris, p.324
* 41 Pour les tenants de cette
tendance cf. les travaux de Marcel Merle (1984) ; B. Hocking
(1993) ; J. Rosati et al. (1994)
* 42 M-C Smouts, "Que
reste-t-il de la politique étrangère?", in Pouvoirs, revue
française d'études constitutionnelles et politiques,
n°88, 1999, p.5-15. Consulté le 25-07-2010. URL :
http://www.revue-pouvoirs.fr/Que-reste-t-il-de-la-politique.html
* 43 Higgins cité par
Valentin Nga Ndongo (1998), « Développement, Emancipation et
Originalité» in Simo (dir) la politique de
développement à la croisée des chemins. Le facteur
culturel, Clé, Yaoundé, pp 43-62,
* 44 Cité par Paul
Kuaté (1998), « développement et
économie » in Simo (dir) la politique de
développement à la croisée des chemins. Le facteur
culturel, Clé, Yaoundé, p.79
* 45 V. Nga Ndongo (1998)
op.cit, p.45
* 46 Idem, pp : 45-47
* 47 M. Kamto (1993),
L'urgence de la pensée. Réflexion sur une précondition
du développement en Afrique, Mandara, Yaoundé, p.56
* 48 Cf. Kent Calder
(1988); Potter and Sueo, (2003). Même si certains auteurs à
l'instar de Yasutomo(1995), pensent que ce serait injuste de qualifier de
réactive la politique étrangère nipponne qui n'a jamais
hésité pourtant d'affirmer son indépendance (Cité
par Cornelissen,( 2004),op.cit, page 34)
* 49 George.A. and G. Craig.
(1983). Force and statecraft: diplomatic problems of our time. Oxford:
University Press.
* 50 Guzzini. S et S. Rynning
(2002), "Réalisme et analyse de la politique étrangère"
in Charillon (dir.), Politique étrangère. Nouveaux
regards. Paris : Presses de Sciences Po. Pp. 33-63.
* 51 Blom. A et F. Charillon
(2001), Théories et concepts des relations internationales.
Paris : Hachette, p. 14
* 52 L. Sindjoun ( 2002),
Sociologie des relations internationales africaines. Paris : Karthala,
p.157
* 53 Crozier. M et E
.Friedberg. (1977), L'acteur et le système. Les contraintes de
l'action collective. Paris : Seuil.
* 54 Gazibo. M et J. Jenson
(2004), La politique comparée. Fondements Enjeux et approches
théoriques, Presse de l'université de Montréal,
Montréal.
* 55 A. Przeworski (1987),
« Method of Cross-national Research 1970-1983, an
overview » in comparative polity research learning from
experience, Cambridge university press, Cambridge.
* 56 J. Blondel (1994),
« Plaidoyer pour un concept oecuménique de l'analyse
comparée » in Revue Internationale de politique
comparée, vol I ; n°1, p.12
* 57 M. Grawitz (2001), op.cit,
p.644
* 58 Dans Qu'est-ce
que la sociologie ? , en poche Pocket, 1970
* 59 A l'instar d'Adam
Chapnick dans «the Middle Power» in Canadian Foreign
Policy, Vol. 7, No. 2 Winter 1999,p 73
* 60 B. Badie (2008), Le
diplomate et l'intrus, Paris, Fayard, p.218
* 61 A. Chapnick, op.cit,
pp : 73-77. D'autres auteurs à l'instar de Louis Bélanger
et Gordon Mace (1997) travaillant sur les « Etats moyens »
ont également déterminé trois critères permettant
d'identifier les puissances moyennes à savoir relationnel,
behavioriste et positionnel (cf. «Middle Powers and
Regionalism in the Americas,» in Andrew F. Cooper (ed.) Niche
Diplomacy: Middle Powers after the Cold War, Great
Britain: Macmillan Press.
* 62 J.L Granatstein, (ed.)
(1970), Canadian Foreign Policy since 1945: Middle Power or
Satellite? Toronto: Coop Clark Publishing Company.
* 63 A. Chapnick, op.cit,
p74
* 64 L. Gelber, (1945).
«Canada's New Stature» in Foreign Affairs
24 (October - July), pp:280-281
* 65 B. Wood, (1988), The
Middle Powers and the General Interest ,Ottawa: The North South
Institute,p4
* 66 L. Bélanger et G.
Mace (1999). «Building Role and Region: Middle States and Regionalism in
the Americas» in Bélanger and Mace The Americas in Transition:
the Contours of Regionalism, Boulder, Colorado: Lynne Rienner
Publishers,p153
* 67 R. Cooper, A. Higgott et
K. R Nossal (1993), Relocating Middle Powers: Australia and Canada in
a Changing World Order ,Vancouver: UBC Press,p.19
* 68 B. Wood, op.cit, pp :
19-20
* 69 P. Cranford (1990).
«Has Middle Power Internationalism A Future?» in Cranford Pratt (ed.)
Middle Power Internationalism: The North South Dimension ,Kingston
& Montreal: McGill- Queen's University Press,p.151
* 70 C. Holbraad (1984),
Middle Powers in International Politics ,London: Macmillan, chap 1,
p.42
* 71 D. Mitrany (1933). The
Progress of International Government, London: George Allen & Unwin
Ltd, p107.
* 72 D. B Dewitt and J. J
Kirton (1983). Canada as a Principal Power ,Toronto: John Wiley &
Sons p.22
* 73 S. Cornelissen (2004),
« La politique Japonaise de moyenne puissance et
l'Afrique » in Afrique contemporaine Hiver 53, p.38
* 74 idem
* 75 R.T Cox (1989),
«Middlepowermanship, Japan and future world order», International
Journal, vol. 44, n° 4, p825
* 76 B.Badie, op.cit, p.219
* 77 Idem, p.220
* 78 Ibid., p.221
* 79 Ibid., p222
* 80 S. Cornelissen (2004),
op.cit, pp : 48-49
* 81 K. Kakizawa
(1996), « La nouvelle définition de la politique
étrangère du Japon » in Politique
Etrangère, Volume 61, Numéro 2, p.293
* 82 M.Green (2001).
Japan's reluctant realism. Foreign policy challenge in an era of uncertain
power. New York: Palsgrave.
* 83 La majeure partie des
idées développées dans cette sous partie ont
été tirées du Mémoire de DEA d'Alima Zoa (2008),
op. Cit, pp : 35-38
* 84 Voir
<www.mofa.go.jp/announce/fm/aso/speech0611.html>
* 85 P. Mbogning
(1999). "L'Asie dans la politique étrangère du
Cameroun depuis 1960. Etudes des influences de l'histoire et des mutations
internes et internationales sur la hiérarchisation des partenaires
étrangers". Thèse de doctorat 3e cycle en
Relations internationales, IRIC.
* 86 Les quatre îles
Kouriles avec l'URSS, l'île Tokushima avec la Corée et le
minuscule archipel des Senkaku avec la RPC et Taiwan.
* 87 J-M Bouissou, (1999),
« une spécificité japonaise ? » in
Pouvoirs, revue française d'études constitutionnelles et
politique n°88 : La politique étrangère
aujourd'hui, p.100 Consulté le 10 /08/2010. URL :
http://www.revue-pouvoirs.fr/la
politique étrangère aujourd'hui.html
* 88 Idem
* 89 Op.cit, p.825
* 90 Op.cit, p.150
* 91 L'Asie orientale inclut
l'ensemble des pays de l'Asie du Sud-est, de l'Indonésie au Vietnam, et
ceux du Nord-Est, de Taïwan au Japon
* 92 K. Postel-Vinay
(2008), « Une puissance régionale
paradoxale », in Questions internationales n° 30-
mars-avril. Dossier le Japon, p.62
* 93 J-M Bouissou,
(1999) ; op.cit, p.96
* 94 C'est-à-dire «
situées à l'est de la Chine » : toute la géographie
traditionnelle de l'Asie est sino-centrée
* 95 J.M Bouissou (1999), op
cit, pp : 96-97
* 96
L'intégralité de cette partie est tirée de l'article de K.
Postel-Vinay (2008), op.cit, pp : 64-66
* 97 Fukuda déclara
à cet effet : « Les relations entre le Japon et les pays d'Asie
du Sud-Est ne devraient pas se fonder uniquement sur les liens matériels
de la dépendance mutuelle. Le Japon doit aussi chercher à
établir des liens spirituels solides d'amitié et de
coopération dans la région et contribuer à son
développement, sa sécurité et sa
prospérité. » (Cité par K. Postel-Vinay
(2008), op.cit, p.66)
* 98 M Sadria, et J.M Bouissou
(1997), «Le Japon et le monde: Tout est à réinventer»,
in Bouissou (dir), L'envers du consensus: Les conflits et leur gestion
dans le Japon contemporain, Paris, Presses de Sciences Po
* 99 E. Boulanger (2002),
Le statut du Japon en Asie orientale Économie, politique, et
sécurité, Groupe de recherche en économie et
sécurité, p.17,( www.unites.uqam.ca/gric)
* 100 Les documents officiels
du gouvernement japonais parlent de l'Asie de l'est, une région qui
englobe l'est de la Russie, la Chine, les deux Corée et Taiwan
* 101 E. Boulanger (2002),
op.cit, p.29
* 102idem, p.30
* 103 T. Maeda, «Japan,
South Korea Forces Hold First-Ever Joint Naval Exercise», in The Japan
Times International, 1-15 août 1999, p. 6
* 104 National Institute for
Defense Studies, « East Asian Strategic Review» 1997-98 &
1998-99. Agence de défense, Tokyo. [Http://www.jda.go. jp/info-htm]
* 105 J.M Bouissou «Le
Japon et la Chine: amour, haine et géostratégie», in
Politique Étrangère, vol. 61, no. 2, été
1996, p. 315.
* 106 Idem
* 107 E.Boulanger (2002),
op.cit, p.31
* 108 Idem, pp : 33-35
* 109 E. Boulanger (2002),
op.cit, pp : 26-27
* 110 K. Postel-Vinay (2008),
op.cit, p.01
* 111 Ministère des
Affaires étrangères, « Japan's ODA: Amount and Percentage of
GNP», Tokyo, 1998. http://www.mofa.go.jp/policy/oda/ summary/growth.
html
* 112 M. Aicardi de Saint-Paul
(2010), « Japon-Afrique : genèse d'une relation
pérenne » in Géostratégiques n°26
1er trimestre, p.186
* 113 Idem
* 114 Ibid, p187
* 115 Article III du
traité de Berlin de 1885 et de la convention de Saint-Germain-en-Laye de
1919, qui furent ratifiés au Japon.
* 116M. Aicardi de Saint Paul
(2010), op.cit, p.188
* 117 Jun Morikawa ,
« The myth and reality of Japan's relations with colonial
Africa », Journal of African Studies, publié par
l'African Studies Center, UCLA, Los Angeles, printemps
1985.
* 118 M. Aicardi de
Saint-Paul, « La Chine et l'Afrique entre engagement et
désintérêt », Géopolitique
africaine, n° 14, avril 2004, pp. 51-65.
* 119 M. Aicardi de Saint Paul
(2010), op.cit, pp : 188-189
* 120 Idem, p.189
* 121 Ibid, p.190
* 122 Ibid.
* 123 Ibid
* 124 La paternité de
cette expression revient à Alima Zoa (2008), op.cit, p.155
* 125 Cité par Ntuda
Ebode (2005), op.cit, p.125
* 126 J.V Ntuda Ebode (2005),
op.cit, p.126
* 127 On constate que ce
pays fortement conservateur sur le plan culturel et religieux a réussi
un puissant développement industriel qui ne porte pas atteinte à
l'essence même de la société japonaise et de sa culture.
* 128 Cité par S.C
Alima Zoa (2008), op.cit, p156
* 129 A. Kabou, (1991), Et
si l'Afrique refusait le développement ? , l'harmattan,
Yaoundé, p.177
* 130 E. Nyambal. (2006).
Créer la prospérité en Afrique. Dix clés pour
sortir de la pauvreté.
Paris: L'Harmattan, p.122
* 131 B.Biao
(1998)."Développement et mutations en Asie du Sud-est" in Simo
(dir.) La politique de développement à la croisée des
chemins. Le facteur culturel, Yaoundé: Editions Clé,
p.144
* 132 E. Hatcheu Tchawe
(2004), "Gérer le développement du Cameroun après
l'ajustement : et si le modèle venait d'Asie ? " Revue
Africaine des Sciences Économiques et de Gestion. Vol. VI. N°
2. P.81
* 133 Babissakana et Abissama
Onana. (2005), Les débats économiques du Cameroun et
d'Afriques. Yaoundé: Prescriptor,p.550
* 134 Alima Zoa (2008),
op.cit, p.157
* 135 M. Aicardi de Saint Paul
(2010), op.cit, p.190
* 136 Idem, pp :
190-191
* 137 Ibid., pp :
191-192
* 138 Ibid. p.193
* 139 M. Aicardi de
Saint-Paul, « Un donateur atypique : le Japon »,
Les aides à l'Afrique en question, Afrique contemporaine, La
Documentation française, n° 188, octobre-décembre 1998,
pp. 147-159.
* 140 Japan Bank for
International Cooperation, Wikipedia, janvier 2010.
* 141 M. Aicardi de Saint Paul
(2010), op.cit, pp : 193-194
* 142 S.Kamo (2004), op.cit,
pp :63-64
* 143 M. Aicardi de Saint Paul
(2010) op.cit, p. 198
* 144 Idem, pp :
198-199
* 145 Ibid, p.199
* 146 Source : MOFA,
2008
* 147 M. Aicardi de Saint Paul
(2010), op.cit, p.200
* 148 Idem, p.201
* 149 Cf. l'allocution
d'ouverture de la TICAD III par le premier ministre Koizumi
* 150 Idem
* 151 Voir le Site Internet du
MOFA <www.mofa.go.jp/policy/oda/reform/revision0308.pdf>.
* 152 Son tout premier
Président est le Camerounais Paul Fokam Kammogne.
* 153 Sources :
Diplomatic Bluebook 2005,2006
* 154 Source :
www.mofa.go.jp
* 155 Julien Kita (2007),
op.cit
* 156 PAY, 2008, pp :
2-3
* 157 Idem p.04
* 158 ibid
* 159 Ibid., pp : 5-6
* 160 Cf. Discours d'ouverture
de la TICAD IV de Yasuo Fukuda le 28 Mai 2008
* 161 Cf. PAY 2008, pp :
14-15
* 162 Cf. Rapport
d'activités annuel de la TICAD IV 2009, pp : 6-8
* 163 Idem, pp :8-9
* 164 Ibid p.10
* 165 ibid
* 166 Ibid, p.12
* 167 Ibid, p13
* 168 Ibid, p.23
* 169 Ibid,p.24
* 170 Cf. PAY 2008,
pp:10-11
* 171 Idem, pp : 08-10
* 172 Rapport
d'activités annuel de la TICAD IV 2009, pp : 18-19
* 173 Ministère de
l'Éducation, de la Culture, des Sports, de la Recherche et de la
Technologie/Japan Society for the Promotion of Science
* 174 Rapport
d'activités annuel de la TICAD IV 2009, pp : 16-17
* 175 J.V Ntuda Ebode (2005),
op.cit, p.129
* 176 Idem p.130
* 177 J.D Aba (2001)." Les
modalités d'élaboration de la politique africaine des Etats-Unis
depuis la fin de la guerre froide". Thèse de doctorat.
Paris : Sorbonne, p.622
* 178 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit, p.135
* 179 Rapport
d'activités annuel de la TICAD IV 2009, p 22
* 180 Idem
* 181 L.Sindjoun (2002)
op.cit, p.157
* 182 V. Niquet
(2006). « La stratégie africaine de la Chine »
in. Politique Etrangère. Institut français des relations
internationales. P. 362
* 183 Selon un sondage
Ipsos-Reid d'août 2007, 54% des Américains considèrent que
« l'émergence de la Chine comme une hyper puissance
constituerait une menace pour la paix ».
* 184 V Niquet (2006), op.cit,
p366
* 185 Lire J.Eisnman et D.
Stewart dans « China - Japan oil rivalry spills into
Africa ». Cet article est disponible sur <www.atimes.com>,
consulté le 04 octobre 2010.
* 186 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit, p.146
* 187 Philippe Hugon, (2010),
« Les nouveaux acteurs de la coopération en
Afrique », in Revue internationale de politique de
développement, mis en ligne le 11 mars 2010, Consulté le 07
septembre 2010. URL : http://poldev.revues.org/118
* 188
Valérie Niquet, (2007) « L'offensive africaine de la
Chine », in La lettre du
centre Asie, ifri, n°11
* 189 Idem
* 190 Julien Kita «
La 4ème TICAD : accélération de la
coopération Japon-Afrique », la lettre du Centre Asie,
IFRI, n° 26 du 10Juin 2008.
* 191 Raphaël
Gutmann, « L'Inde et le nouveau partage de l'Afrique :
l'affirmation d'une puissance émergente » in
Lettre du Centre Asie 23, avril 2008
* 192 Philippe Hugon (2010),
op.cit
* 193 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit p.100
* 194 P. Mbogning, (1999),
op.cit p. 146
* 195 R. Kouakam Mbenjo.
(2005), "Les relations internationales par le biais du social. La construction
des écoles par le Japon". Mémoire en sciences et
techniques de l'information et de la communication. ESSTIC, p.35
* 196Le premier ambassadeur
du Cameroun au Japon a pour nom Etienne Ntsama, nommé en 1987 ; il
est remplacé en 2002 par Lejeune Mbella Mbella, et l'actuel s'appelle
Pierre Ndzengue, il a été nommé le 19 septembre 2008.
* 197 Cf. « Etat des
relations Cameroun/Japon » de la direction des affaires d'Asie, du
Pacifique et de L'OCI du MINREX.
* 198 Cameroon Tribune
n°8588/4787, 28 Avril 2006
* 199 Cameroon Tribune n°
7867/3156, 25 juin 2003
* 200 Cameroon Tribune
n°8635/4834, 06 juillet 2006
* 201 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit, p.109
* 202 Idem
* 203 Le bureau de la JICA
à Yaoundé qui est par ailleurs le tout premier en Afrique
centrale, a comme premier représentant résident, Mme Yamamoto
Rumiko.
* 204 Cameroon Tribune
n°8714/4913, 30 Octobre 2006
* 205Cameroon Tribune
n°8918/5117, 23 Août 2007
* 206 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit, p.111
* 207 Cameroon Tribune
n° 8614/4813, 21 juin 2006
* 208 Informations
glanées suite à des entretiens avec des cadres du MINEPAT
* 209 S.C Alima Zoa (2008),
op.cit pp : 126-127
* 210 Fruits des entretiens
avec des cadres du MINEPAT
* 211 Sources :
Ambassade du Japon à Yaoundé
* 212 Fruits des entretiens
avec des cadres du MINEPAT
* 213 Idem
* 214 Ibid.
* 215 Ibid.
* 216 Source :
informations récoltées suite à des entretiens avec des
cadres du MINEP