2.4.3.2. La crise communautaire
Si l'Extrême-Gauche était invitée à
s'exprimer, elle renverrait aux vestiaires les sempiternels dossiers comme
<< BHV ». En effet, le PTB par exemple est un parti qui ne s'est pas
scindé en ailes linguistiques. Il estime ce débat futile, et sort
donc par la même occasion du << cadre des paramètres
implicites consentis ».
Les contours dudit cadre finissent, à la longue, par ne
plus être perçus comme tels. Ainsi, un François DE BRIGODE
dira, interrogé sur le sujet : << Je n'ai pas l'impression qu'on
perd du temps en parlant de la crise communautaire, puisque c'est quand
même parler de l'évolution institutionnelle du pays » 74.
Or, et c'est là le problème pour
l'Extrême-Gauche, c'est seulement << à l'intérieur de
ce cadre », au sein de cet << ensemble de postulats »,
qu'existe << un espace de débat » 75. La crise
communautaire est une perte de temps ? Vous recevoir sur nos plateaux aussi
!
Partant de là, on pourrait se demander si <<
palabre » ne serait pas un terme plus adéquat que <<
débat » pour les émissions du dimanche midi, la palabre
étant une << conversation interminable et souvent oiseuse »
76.
Quoi qu'il en soit, interrogée sur le rôle dans
sa marginalisation de la contradiction par l'Extrême-Gauche du discours
médiatique dominant (faits divers, crise communautaire), Johanne MONTAY
déclara : << On tombe dans la théorie du complot en pensant
que, nous, on aurait un intérêt à les éviter,
à les bannir pour des raisons qui nous arrangeraient ». Elle
renchérit : << A la limite, qu'est-ce qu'on s'en fiche de l'avis
du PTB sur l'avenir du pays en terme institutionnel. Quel poids ça a,
quelle importance ? » 77
74 Entretien avec François DE BRIGODE, Op.
Cit.
75 CHOMSKY N., << Les médias : une
analyse institutionnelle » in BRICMONT J. & FRANCK J.,
Chomsky, L'Herne, Paris, 2007, page 227.
76 BLUM C., Le Nouveau Littré,
édition 2005, Garnier, Paris, 2004, page 954.
77 Entretien avec Johanne MONTAY, Op. Cit.
On pourrait conclure ce chapitre sur l'embargo
médiatique en disant que ce dernier s'apparente à une censure,
mais que ladite censure s'exerce << non par interdiction de certains
discours, mais au contraire par la surexposition qu'elle confère
à d'autres discours ». Une surexposition qu'on a tenté de
mettre en évidence avec nos modestes tableaux, des tableaux montrant
donc une sur-représentation des quatre << grands » partis
(et, à l'intérieur de ces partis, une surexposition de
certains).
Cette censure << par excès » est <<
affirmation, en somme, plutôt que négation et, mieux encore,
affirmation d'une chose pour en nier une autre en s'allégeant de tout
soupçon de négativité » 78. Affirmation que la crise
communautaire est un point névralgique, que le capitalisme n'est pas
à brûler (pour reprendre les termes de Controverse),
etc.
Ceci étant, la sous-représentation n'est pas la
seule épine dans la rose médiatique. En réalité,
lorsque les médias laissent une place à l'Extrême-Gauche,
<< La disparité quantitative s'efface [alors] progressivement
devant la disparité qualitative ». Dit autrement, <<
D'invisibles, les petits candidats se transforment en candidats visibles mais
méprisés » 79.
Et c'est ce sur quoi nous allons maintenant nous pencher.
78 DURAND P., La censure invisible, Actes
Sud, Collection << Un endroit où aller », Arles, 2006, page
16.
79 REYMOND M. & RZEPSKI G., Tous les
médias sont-ils de Droite ? Du journalisme par temps d'élection
présidentielle, Syllepse, Collection << Acrimed »,
Paris, 2008, page 70.
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