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L'accès de l'extrême-gauche aux médias en période électorale

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par Gilles Simon
Université Libre de Bruxelles - Master en Sciences Politiques 2008
  

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2.2.2. De l'opportunité de la Loi de la majorité

Ce raisonnement d'exposition médiatique proportionnelle aux scores obtenus, ce << mythe du discours médiatique comme simple reflet de l'opinion dominante » ou << expression la plus libre du bon sens populaire » 35 nous semble boiteux pour au moins quatre raisons.

Premièrement, la légitimité démocratique se verrait << souvent réduite à la loi de la majorité ». Pourtant, comme le souligne un Pierre-Yves CHEREUL, << L'Histoire est pour partie le récit des errements des masses populaires ».

Ainsi, << La même foule qui acclame Pétain en avril 1944 à Paris, se presse sur les Champs-Elysées pour applaudir le Gouvernement provisoire de la Résistance dirigé par le Général de Gaulle, le 25 août suivant » 36.

Deuxièmement, l'Extrême-Gauche n'a pas accès aux médias car elle n'a pas brillé aux élections. Une sorte de punition, en somme. Elle n'est pas représentative, du coup elle n'a pas droit à une tribune. Il n'y a pas de classe de rattrapage organisée, afin qu'elle puisse rendre un meilleur bulletin à l'occasion du prochain scrutin. Apparaît là un cercle vicieux :

Les élections se jouent dans les médias. C'est avec en tout cas cette idée en tête que Barack OBAMA avait, moins d'une semaine avant l'élection présidentielle américaine et pour 5 millions de dollars, acheté trente minutes consécutives d'écran publicitaire 37.

34 Entretien avec Frédéric CAUDERLIER, 18 mars 2009, Bruxelles.

35 GEUENS G., L'information sous contrôle. Médias et pouvoir économique en Belgique, Labor, Collection << Liberté j'écris ton nom », Bruxelles, 2002, page 79.

36 CHEREUL P-Y., Les médias, la manipulation des esprits, leurres et illusions, Lacour, Nîmes, 2006, page 337.

37 ASSOCIATED PRESS, << Le spot publicitaire d'Obama vu par 33 millions de téléspectateurs » in La Libre Belgique, 31 octobre 2008, http://www.lalibre.be, << Etats-Unis », consulté le 28 juillet 2009).

Précisons bien que nous ne voyons pas pour autant dans l'exposition médiatique l'explication absolue aux scores électoraux enregistrés par les partis. Ainsi, le << Modèle de Columbia » nous apprend que les caractéristiques sociales (religion, classe sociale, lieu de résidence) sont déterminantes. Une approche plus psychologique - << Modèle Michigan » - viendra par la suite, élargissant encore la liste des facteurs influençant le vote, incluant d'ailleurs les médias. Si ces modèles ont perdu en puissance explicative avec les décennies, il est intéressant de noter que, en 2007 encore, 68% de l'électorat du PS n'était pas chrétien, contre 59% d'électorat chrétien pour le CDH (Source : DELWIT P. & VAN HAUTE E., Le vote des Belges. Bruxelles-Wallonie, 10 juin 2007, Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2008, page 31).

Plus près de chez nous, à considérer le Nord du pays, pour Wahoub FAYOUMI (Journaliste à la RTBF anciennement en charge des sujets de société pour le Journal Télévisé), Jean-Marie DEDECKER << n'existe pas sans le JT de VRT ou de VTM. C'est les médias qui ont contribué à le créer, à le rendre si populaire ». Et se demandant << Quelle est l'étendue des dégâts qu'ils [NDLR : les médias] peuvent faire, mais quelle est l'étendue aussi du bien », la journaliste répond que << Apparemment, elle est quand même énorme » 38.

Stéphane ROSENBLATT (Directeur des programmes et de l'information de RTL TVI) fait également le lien entre exposition médiatique et scores électoraux, quand il dit que << L'ExtrêmeDroite a eu beaucoup de mal à exister médiatiquement, et donc aussi auprès de l`opinion publique

» 39.

Les élections se jouent donc par l'entremise des médias, et il faut avoir obtenu de bons scores pour y avoir accès. Mais comment obtenir de bons scores sans les médias s'il faut avoir obtenu de bons scores pour avoir accès aux médias ? En deux mots : comment percer ? 40

Troisièmement, comment interpréter le fait que l'économiste flamand Rudy AERNOUDT fut, lui, reçu à maintes reprises cette saison (sept fois le dimanche midi, par exemple) ? Souvent pour représenter << son » parti, LiDé. Un parti qui n'avait encore aucun résultat électoral à son actif.

Deux poids deux mesures, semble-t-il...Même si, pour un Christian CARPENTIER : << On ne peut pas comparer Rudy AERNOUDT et le PTB sur ce plan-là, ce n'est pas une démarche intellectuelle honnête » 41.

Quatrièmement, et en cela nous faisons déjà référence à notre point traitant de l'analogie avec l'Extrême-Droite, pour nombre de journalistes l'absence de l'Extrême-Gauche n'a rien à voir avec les scores qu'ils font.

38 Entretien avec Wahoub FAYOUMI, 18 mars 2009, Bruxelles.

39 Entretien avec Stéphane ROSENBLATT, 25 mars 2009, Bruxelles.

40Au sujet de ce cercle vicieux, Johanne MONTAY a une sorte de blocage, postulant une liberté absolue de l'électeur : << Le jour des élections, vous avez votre bulletin de vote, vous voulez voter pour le président du PTB, vous faites exactement ce que vous voulez, il y a personne qui vous dicte ce que vous voulez ou pouvez faire ». Et d'asséner : << La meilleure preuve, c'est qu'il y a des sondages actuellement qui donnent des évolutions marquantes de certains partis à Bruxelles » (Source : Entretien avec Johanne MONTAY, 10 mars 2009, Bruxelles).

41 Entretien avec Christian CARPENTIER, Op. Cit.

Pour sa part, sur Rudy AERNOUDT, Francis VANDEWOESTYNE avoue que << Parfois, on est sourd à certaines idées. Là, on est peut-être trop réceptif » (Source : Entretien avec Francis VANDEWOESTYNE, Op. Cit.). Reste à expliquer pourquoi les journalistes sont << sourds à certaines idées », ce qu'on tentera de faire dans notre Titre IV.

Ainsi, pour Johanne MONTAY, ce bord politique pourrait faire 10% que ça ne changerait rien. << C'est principiel », selon ses termes 42.

Quant à François DE BRIGODE, plus prudent que sa consoeur, il déclare que << S'ils étaient à 10%, on verrait si la question se pose ». Et il ajoute : << Avec un peu de cynisme, je vous dirais que la question ne se posera pas » 43.

On reprendra aussi en passant cette réflexion de Baudouin REMY, au sujet de Frédéric DAERDEN qui surcolla des panneaux électoraux lors de la campagne pour les dernières élections européennes.

Les faits sont relatés dans Le petit journal de la campagne du 27 mai 2009, et au vu des justifications des militants de Daerden Jr, le journaliste s'interroge : << Avec 50% des voix, ce serait normal d'avoir la moitié des panneaux ? »

A notre tour de nous interroger, en regard de la sacro-sainte Loi de la majorité : Pourquoi la même réflexion n'est-elle pas applicable au niveau du partage du temps d'antenne ? Les journalistes manqueraient-ils de capacité d'autocritique ? 44

On précisera que tous les journalistes que nous avons rencontrés ne cautionnent pas cette idée de Loi de la majorité.

C'est le cas de Bertrand HENNE (Animateur de Questions publiques sur Matin Première), qui avance que << C'est la poule et l'oeuf : est-ce qu'on doit attendre qu'il y ait des scores électoraux suffisamment représentatifs pour les faire rentrer dans la vie médiatique comme les autres ? Ou est-ce qu'on doit les faire rentrer en se disant qu'ils ont un rôle à jouer ? » Et il avance même que << Les petits partis, on devrait un petit peu les mettre plus à l'antenne. Faut qu'on fasse un effort, parce que sinon on cache une partie de la vie démocratique » 45.

42 Entretien avec Johanne MONTAY, Op. Cit.

43 Entretien avec François DE BRIGODE, Op. Cit.

44 Notons que Baudouin REMY n'a pas souhaité nous rencontrer. Il précisa néanmoins, lors d'un échange de courriels, que la question du mémoire aurait pu << se poser en terme plus neutre ». A savoir : << L'Extrême-Gauche est-elle significative ou marginalisée dans le paysage politique ? Avec quelle suite dans les médias ? » Un élément qui semble étayer une nouvelle fois notre argument de la déresponsabilisation journalistique en la matière.

45 Entretien avec Bertrand HENNE, 27 mars 2009, Bruxelles.

On le voit, cette Loi de la majorité, tant mobilisée par les journalistes pour justifier l'absence de l'Extrême-Gauche, ne résiste guère à l'analyse.

Venons-en maintenant au fait, c'est-à-dire à la mesure proprement dite de la sousreprésentation médiatique de l'Extrême-Gauche.

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