Analyse des décisions rendues par le tribunal régional hors classe de Dakar en matière de procédures collectives d'apurement du passif depuis 2000( Télécharger le fichier original )par Abdou Yade SARR Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Master I 2010 |
REPUBLIQUE DU SENEGAL
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR LUX - MEA - LEX FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DEPARTEMENT DROIT PRIVE OPTION : DROIT DES AFFAIRES
SUR LE SUJET : ANALYSE DES DECISIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR EN MATIERE DE PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF DEPUIS 2000 -
Présenté par : Sous la direction de : M. Abdou Yade SARR M. Dieunedort NZOUABETH Agrégé des facultés de Droit Docteur d'Etat en droit privé Maitre de Conférences à la FSJP Année académique 2009-2010 INTRODUCTIONLa vie des affaires ne se déroule pas toujours sur une page blanche. Lorsqu'un débiteur constate des difficultés économiques ou financières dans son activité ou bien qu'il soit en état de cessation de paiements, c'est-à-dire que son actif disponible ne peut plus faire face à son passif exigible, ou bien encore qu'il est en état de déconfiture totale, il devient alors nécessaire de procéder au règlement de son passif à l'égard de tous les créanciers. En matière de droit civil, les créanciers disposent individuellement de moyens juridiques, telles que les actions en justice et les voies d'exécution, afin de contraindre le débiteur à exécuter ses obligations. Toutefois, ces voies de droit présentent l'inconvénient que ce sont des moyens qui ne sont pas organisés et qu'ils s'exercent de façon anarchique et concurrente. Dans le souci de pallier cet inconvénient majeur, le législateur a instauré le droit des procédures collectives qui instaure une discipline collective des créanciers en les soumettant au principe de l'égalité entre les créanciers. En tant qu'unité économique qui implique la mise en oeuvre de moyens humains et matériels de production ou de distribution des richesses reposant sur une organisation établie, l'Entreprise ne saurait méconnaitre les vicissitudes de la vie car étant tributaire de l'économie et du social. L'approche de la défaillance d'une entreprise peut être opérée en examinant ses aspects économiques ou l'aspect financier ou en recourant aux procédures collectives après une analyse à posteriori des conséquences, essentiellement financières, de ses difficultés. Si les professionnels mettent davantage l'accent sur telle ou telle de ces approches pour canaliser l'entreprise en difficulté, le juriste quant à lui a plutôt tendance à l'observer au travers de la notion de cessation de paiements. Mais à dire vrai, aucune de ces manières d'examiner l'entreprise n'est à même de fournir à elle seule un apport décisif à l'élaboration d'une notion de l'entreprise en difficulté, en raison de leur caractère fragmentaire et des objectifs parfois différents qu'elles poursuivent. Qu'elle soit sous la forme individuelle ou sociétaire, l'entreprise obéit à des conditions de constitution, de fonctionnement, et de dissolution. L'essentiel de ces règles se trouve dans l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE entre adopté le 17 avril 1997. Ce qui nous importe ici c'est étudier l'entreprise sous l'angle du droit des procédures collectives. Conscient que, l'entreprise peut subir des problèmes notamment lorsqu'elle se trouve dans une situation débitrice, le législateur a prévu tout un arsenal juridique destiné à prévenir ces difficultés, ou à les traitées judiciairement lorsqu'elles surviennent, pour ne pas laisser seul le débiteur, face à ses créanciers d'où la nécessité de les mettre dans une discipline de groupe. Dans le droit des entreprises en difficulté, on distingue la phase préventive et la phase de traitement judiciaire des difficultés. Dans la phase préventive une sous distinction serait nécessaire, pour mettre en nu l'origine de la prévention, mais aussi le texte qui a édicté la technique de prévention. Pour cela, le droit des sociétés plus précisément L'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique1(*) a édicté des règles de prévention communément appelées les «procédures d'alerte ».Ces procédures d'alerte sont déclenchées, soit par le commissaire aux comptes, soit par les associes. Ces mesures de prévention édictées par le droit des sociétés commerciales ne suffisent pas à elles seules, sinon, ne sont pas efficaces. En effet la procédure d'alerte n'est possible que si l'entreprise est conçue sous la forme sociétaire, d'une part, et d'autre part, si l'entreprise, a la forme sociétaire, le commissaire aux comptes n'est obligatoire que pour les sociétés anonymes. Dans la société à responsabilité limitée, l'institution d'un commissaire aux comptes n'est obligatoire que dans certaines conditions2(*). Compte tenue de ces remarques négatives, ces procédures ne sauraient être une exclusivité pour la prévention des difficultés .C'est ainsi que d'autres procédures ont été mis en place pour prévenir les problèmes, et, si, ceux-ci se produisent, de pouvoir les traites sous les auspices de l'autorité judiciaire. C'est ainsi que le législateur OHADA n'a pas hésité à mettre en place un acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif3(*). Qui dit intervention des tribunaux pense logiquement à une ou des décisions qui, lorsqu'elles sont rendues sur une question de droit et sont suffisamment concordantes, constitueront une jurisprudence. Le juriste ne doit pas ignorer celle-ci et doit donc essayer de mener une étude jurisprudentielle. C'est ainsi que l'analyse des décisions rendues par le tribunal hors classe de Dakar en matière de procédures collectives d'apurement du passif depuis 2000, nous a été soumis comme sujet de mémoire de maitrise. Analyser, c'est faire une étude en vue de discerner les différentes parties d'un tout, de déterminer ou d'expliquer les rapports qu'elles entretiennent les unes avec les autres4(*). On peut définir la procédure collective d'apurement du passif, comme « la procédure judiciaire tendant, en vue d'apurer le passif, à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité d'un débiteur, ou en cas de réalisation des ces situations, à soumettre l'ensemble des créanciers de celui-ci, dans une masse pour sauver ou liquider son entreprise par la réalisation de son actif. » L'Acte uniforme5(*) portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif a institué trois types de procédures : IL y a d'abord, la procédure de règlement préventif qui est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et a permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif. Cette procédure est une nouveauté de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. IL y a ensuite, la procédure de redressement judiciaire qui est une procédure destinée à la sauvegarde de l'entreprise et à l'apurement de son passif au moyen d'un concordat de redressement. IL y a enfin, la procédure de liquidation des biens qui est une procédure ayant pour objet la réalisation de l'actif du débiteur pour apurer son passif. Le redressement judiciaire et la liquidation des biens sont applicables à toute personne physique ou morale commerçante, à toute personne morale de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé qui cesse ses paiements. Les procédures collectives poursuivent trois objectifs - protéger les créanciers impayés et assurer leur désintéressement ; - punir et éliminer le commerçant qui n'honore pas ses engagements ; - permettre la sauvegarde des entreprises qui sont redressables. On peut relever un élément commun à ces trois procédures : c'est l'apurement du passif pour sauver l'entreprise ou désintéresser les créanciers. Le droit des procédures collectives instauré par le législateur Ohada est innovateur par rapport au droit antérieur sénégalais6(*). L'innovation se sent d'abord, par l'instauration de la procédure de règlement préventif qui n'était pas connu par le législateur sénégalais. Ensuite, dans les conditions de fond d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, plus précisément à la condition relative à la forme juridique du débiteur, l'article 928 du COCC soumettait la procédure de règlement judiciaire ou de liquidation des biens aux commerçants personnes physiques et à toutes les personnes morales de droit privé, tandis que l'article 2 AU/PC soumet à ces procédures les entreprises publiques qui ont le caractère de droit privé. La situation économique et financière permet de différencier la procédure de règlement préventif et la procédure de redressement ou de liquidation des biens. La première est ouverte avant la cessation des paiements tandis que la seconde est ouverte en cas de survenance d'une cessation des paiements et est appelée par un auteur la « procédure collective stricto sensu7(*) » D'autres auteurs8(*), insistent sur la situation économique et financière pour dire qu'une « procédure collective d'apurement du passif n'est ouverte que si un jugement déclare que le débiteur est en cessation des paiements et prononce contre lui la faillite ou la liquidation judiciaire (aujourd'hui le redressement judiciaire ou la liquidation des biens9(*) ». Ces auteurs excluront, donc, le règlement préventif, des procédures collectives d'apurement du passif, et cela, contrairement à la perspective de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. S'agissant des jugements dépouillés, on ne peut pas prétendre à des décisions de principe, car le TRHCD est une juridiction de fond. C'est cette qualification d'un tel juge qui implique que celui-ci accorde une importance capitale à l'appréciation des faits de nature à déterminer la situation économique et financière du débiteur. C'est ainsi que l'article 15- 3 de l'AU/PC dispose que « si la juridiction compétente estime que la situation du débiteur ne relève d'aucune procédure collective (...) elle annule la décision prévue à l'article 8 ci-dessus. » Cette situation permet aussi au juge de choisir entre la procédure de redressement judiciaire ou la de liquidation des biens. Il est toujours aidé, dans la détermination de la situation économique et financière, par le rapport de l'expert. Les procédures collectives instituées par l'acte uniforme concernent les personnes physiques commerçantes, les personnes morales de droit privé et les entreprises publiques ayant la forme d'une personne morale de droit privé. Mais la jurisprudence du tribunal régional de Dakar n'a fait état d'aucune procédure collective contre une entreprise publique ayant la forme de droit privé. A cote de ces procédures collectives d'apurement du passif de droit commun, existe des procédures collectives spéciales contre certaines entreprises. Il en est ainsi des procédures collectives prévues pour les établissements de crédits10(*) et les sociétés d'assurances11(*). Concernant les entreprises d'assurance, elles sont soumises à un régime hybride. En effet, l'article 325 du code CIMA12(*) dispose que « la faillite d'une société d'assurance ne peut être prononcée à l'égard d'une entreprise d'assurance qu'à la requête de la commission de contrôle des assurances; le tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi par le ministère public d'une demande d'ouverture de cette procédure après avis conforme de la commission de contrôle d'assurance. » Relativement aux établissements de crédit, la loi bancaire de 2008 prévoit que « les dispositions du droit commun relatives au règlement préventif, au redressement judiciaire et à la liquidation des biens sont applicables aux établissements de crédits, tant qu'il n' y est pas dérogé par les dispositions de la présente loi13(*) » et que « l`ouverture d'une procédure d'une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens institué par l'acte uniforme, est subordonnée à l'avis conforme de la commission bancaire14(*) » Notre sujet est limité dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, car notre étude ne concernera que les décisions rendues par le tribunal hors classe de DAKAR depuis 2000 ; Dans l'espace, parce que seules les décisions du tribunal régional hors classe de Dakar seront concernées, et partant, et conformément à l'article 4 AU/PC, les entreprises demanderesses de ces procédures en question, seront celles qui ont leur principal établissement à Dakar, si elles sont des personnes physiques, ou celles qui ont leur siège social à Dakar, si elles sont des personnes morales. Le juge, lorsqu'il est saisi, doit appliquer un ou plusieurs textes pour résoudre le litige qui lui est soumis. A travers les jugements dépouillés, on a pu constater que le juge sénégalais a fait application, généralement, de deux textes : L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d'apurement du passif et le Code des Obligations Civiles et Commerciales. On peut se poser des questions, si le juge fait application de ce dernier texte dans un jugement rendus après le 1e janvier 1999, dans la mesure où l'article 10 du traite de l'OHADA dispose que « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats-Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure ». Dans cette situation, le juge n'use que le pouvoir que lui a donne l'article 257 in fine de l'AU/PC qui dispose que « celui-ci (l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d'apurement du passif) n'est applicable qu'aux procédures collectives ouvertes après son entrée en vigueur,15(*) » car dans tous les jugements où le tribunal fait référence au C.O.C.C., c'est qu'une procédure a été engagée avant le 1e janvier 1999. Notre sujet revêt un intérêt pratique non négligeable. En effet, l'étude d'un tel sujet nous permettra de mieux connaitre la jurisprudence sénégalaise en matière de procédures collectives, mais aussi elle peut constituer un recueil jurisprudentiel pour les juristes, étant entendu qu'il y a un difficile accès aux décisions rendues par les tribunaux départementaux et régionaux du Sénégal, faute de publication. Notre travail de recherches jurisprudentielles, nous a donné un résultat de 85 décisions. Ces jugements dépouillés, nous permettront de faire une étude sur la jurisprudence du tribunal hors classe de Dakar en matière de procédure collectives d'apurement du passif. Vu le domaine large d'intervention du juge du tribunal régional hors classe de Dakar et pour ne pas dissimuler certains points essentiels du droit des procédures collectives du point de vue jurisprudentielle, il est nécessaire, pour nous, de tenir en compte la distinction entre la phase préventive et celle du traitement judiciaire des difficultés du débiteur. Cette distinction nous permettra de voir d'abord, une analyse des jugements de règlement préventif, (PREMIERE PARTIE) et enfin, une analyse des décisions d'ouverture, de gestion, et de clôture des procédures collectives d'apurement du passif encore appelles les procédures collectives stricto sensu16(*)(DEUXIEME PARTIE). * 1 Cf. articles 150 à 158 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. * 2 Cf. article 373 de l'AU/DSC. * 3 Le COCC était la législation en matière de procédures collectives avant l'AU/PC. * 4 Selon le dictionnaire le Robert. * 5 Il s'agit de l'article 2 AU/PC. * 6 Pour une étude comparative V. MARTIN Didier, droit civil et commercial sénégalais, (Collection du Centre International de Formation de la Profession Bancaire), éd. NEA. * 7 SAWADEGO F.M., droit des entreprises en difficultés éd. bruyant 2002, n° 87 p.79. * 8 J. ISSA SAYED et JACQUELINE LOHOUES-OBLE , harmonisation du droit des affaires collection droit uniforme africain Bruyant 2002 p131 n°302s. * 9 Au Sénégal, avant l'entrée en vigueur de L'AU/PC la procédure de redressement était connue sous le nom de procédure de règlement judiciaire. * 10 Article 44 à 100 de la loi bancaire n° 2008 26 du 28 juillet 2006. * 11 Article 325 et suivants du code CIMA. * 12 Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances. * 13 Article 84 de la loi bancaire. * 14 Article 87 et 88 de la loi bancaire. * 15 L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif est entré en vigueur le 1° JANVIER 1999. * 16 Cette appellation est empruntée chez F.M. SAWADOGO. Ouvrage précité. |
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