La croissance de la population et le problème alimentaire en Afrique( Télécharger le fichier original )par Traore METAHAN - DESS Démographie 2010 |
7-2 L'objet des transformationsCe « paradoxe » traduit l'influence contradictoire du progrès scientifique et technique sur les pays en développement que les chercheurs ont maintes fois fait ressortir. Ainsi l'écrivain G. Skorov écrivait à ce sujet : «Comme a l'écoulement des excédents de grain marchand sur le marche intérieur bute sur la faible demande solvable de la population et, sur le marché extérieur, sur les limitations douanières de l'importation des céréales dans la plupart des pays développés, il n'est pas exclu que nous soyons témoins d'une forte crise de surproduction dans un contexte de sous-alimentation et de famine de masse dans le tiers monde46(*) .» Ce n'est pas par hasard que les prévisions de la FAO publiées fin 1979 et se fondant principalement sur les facteurs technico-économiques sont si pessimistes. Même selon la variante optimale de ces prévisions, en l'an 2000, même avec des investissements considérables dans l'agriculture des pays en développement (78 milliards de dollars de ressources propres et 13 milliards de dollars d'aide étrangères) le nombre des affamés, bien que moindre actuellement, est considérable :240 millions de personnes2.Donc, si les leviers sociaux correspondant ne sont pas mis en action, la faim et la sous-alimentation resteront pendant des décennies décennie le lot d'une partie considérable de l'humanité . Les formes contradictoires que prend la « révolution verte »dans les pays en développement, son impact globalement négatif sur la situation des masses populaires témoignent qu'un essor authentique de l'agriculture et la solution du problème alimentaire ont pour préalable une transformation socio-économique radicale de toute la structure sociale des pays africains et avant tout une reforme agraire. L'objet de ces transformations est de supprimer totalement les vestiges des rapports qui entravent le développement des forces productives dans l'agriculture et l'industrie, d'assurer une solution véritable de la question agraire au bénéfice de la population et de la masse paysanne. Il est nécessaire à cet effet de réduire la propriété privée des terres à des dimensions répondant aux conditions spécifiques des pays concrets, de partager les terres parmi ceux qui travaillent, de modifier les rapports de location en faveur des locataires, de supprimer le joug du commerce usuraire. Seule une transformation radicale du système de propriété et d'exploitation de la terre et des rapports d'exploitation qui y sont liés peut ouvrir la voie au développement des forces productives dans l'agriculture. Les reformes agraires progressistes ont pour vocation de remplir une double fonction créant les conditions nécessaires à la solution du problème alimentaire. Premièrement, favoriser une forte accélération de la croissance économique que en son entier et sur cette base l'accroissement de la production agricole et surtout alimentaire. Deuxièmement, assurer l'utilisation maximale de la main d'oeuvre rurale afin de faire participer activement à la production l'énorme masse de la population des campagnes actuellement sans emploi ou sous employée, ce qui contribuerait à l'accroissement de la demande solvable d'aliments et d'autres biens et de consommation courante, étendrait le marché intérieur et supprimerait la misère et la faim. Des reformes agraires de profondeur et d'envergure variables sont effectués dans les pays de développement. Elle donne lieu à une redistribution d'une partie des terres des gros propriétaires et de l'Etat au bénéfice des paysans, à l'abolition des corvées et des redevances, à une réduction partielle des loyers, à une limitation de l'exploitation étrangère. Le degré de progrès qu'apportent les transformations agraires dépend pour beaucoup du maximum de propriété foncière établi. Le « plafond » de propriété est encore assez élevé même les terres irriguées. Dans les pays africains les reformes agraires sont tronquées et inachevées. Bénéficiant d'une grande influence dans les organes législatifs de ces pays, les gros propriétaires usent de subterfuges pour faire traîner en longueur la réalisation pratique des reformes agraires. Les transformations agraires sont plus radicales dans les pays développés. L'abaissement du maximum de propriétés foncières y est plus systématique, les conditions de location des terres aux paysans meilleures, la coopération des paysans en progrès. La radicalisation progressive des transformations agraires peut aboutir dans ces pays à des mutations profondes dans tout le système de propriété et d'exploitation des terres. Les investissements importants de l'Etat dan l'agriculture sont une condition nécessaire du développement de ce secteur. Celui-ci ne pourra surmonter son retard que si l'Etat lui apporte une aide substantielle et diversifiée dans le développement et l'amélioration du système d'irrigation et de bonification, la construction d'usine d'engrais minéraux de pesticides, de matériel agricole. L'agriculture a besoin de silos à grain, d'entrepôts, d'entreprises de transformation des produits agricoles, de croûtes et moyens de transports modernes, de même que d'un réseau de distribution commerciale assurant la circulation régulière des marchandises entre les producteurs et les consommateurs. Seul l'Etat est capable de mettre en place tous ces éléments du progrès technique dans l'agriculture et de prendre les mesures d'organisation qui s'imposent dans les pays d'Afrique subsaharienne. La distribution de la terre aux paysans est une condition nécessaire, mais non pas suffisante de l'essor des forces productives de la campagne. Les paysans modestes ou les locataires qui constituent la majorité écrasante la population rurale ans tous les pays en développement, ne pourront rien faire sur leur petit lopin sans les moyens financiers, les fonds de semences, le matériel, les moyens de traction, les engrais, etc. ,qui leur sont indispensables. Ils ne sont pas en état à eux seuls de gérer rationnellement leur exploitation, de pratiquer un assolement correct, d'écouler leurs récoltes, d'utiliser efficacement les systèmes d'irrigation et de drainage. Et comment un paysan d'Asie, d'Amérique latine, d'Afrique, du Ghana, du Burkina Faso de la Somalie, pourrait-il acheter un tracteur ou des engrais si tout son travail lui donne à peine la possibilité de nourrir sa famille ? C'est pourquoi les transformations agraires ne donnent leur plein effet pour l'accroissement de la production agricole (surtout dans la masse des petites exploitations familiales) que lorsqu'elles s'accompagnent de la formation de coopération de la formation de coopérative de plein gré des paysans. C'est le seul moyen de renforcer la viabilité des petites exploitations. Par ailleurs, l'expérience de l'Algérie, de l'Angola et de bien d'autres pays montre qu'il est parfois judicieux de créer dès le début sur une base de coopération de grandes exploitations bien organisées et à haut rendement, car le morcellement en petites fermes peut entraîner une baisse de qualité de marchande de la production. De grandes exploitations d'Etat peuvent prendre la place des plantations nationalisées ayant appartenu au capital étranger afin d'organiser rationnellement leur gestion .Mais dans tous les cas l'aide organisationnelle et financière de l'Etat et la coopération des paysans sont des conditions nécessaires du progrès de l'agriculture. Ce n'est qu'ainsi qu'il est possible, dans le contexte d'une économie marchande, de prévenir la ruine des petits exploitants et la formation d'une frange étroite de richards paysans. D'autant plus que la gestion collective répond à l'expérience socio-historique et de productive de millions paysans des pays d'Afrique subsaharienne et permet de mettre en oeuvre les éléments constructifs d'une cellule organisationnelle comme la communauté. Des reformes agraires radicales n'augmenteront pas seulement la productivité de l'agriculture, mais allégeront le problème de l'emploi, ce qui favorisera aussi le mieux-être de la population en supprimant les obstacles artificiels entre le travail et les moyens de production qu'engendrent les formes désuètes de propriété et surtout les survivances du féodalisme. Les reformes agraires et la distribution des terres inutilisées des gros propriétaires fonciers aux paysans sans terre permettent à ceux-ci non seulement d'assurer la subsistance de leurs familles mais de contribuer au développement de toute la société. Toutes ces transformations progressistes dans l'agriculture requièrent d'énormes dépenses. A l'exception des recettes extérieures, la seule source importante de financement des investissements dans l'agriculture ne peut être qu'une politique fiscale efficace limitant la consommation parasitique des groupes privilégiés, notamment par l'imposition des biens immobiliers. Une telle redistribution du revenu national et son utilisation rationnelle par l'Etat sont en même temps un puissant levier de mobilisation de l'accumulation et une des mesures possible de diminution de l'inégalité au sein de la société. Cette politique doit avoir pour effet l'accroissement de la demande solvable de large masse de la population, ce qui est fort important pour la solution du problème alimentaire. Il ne suffit pas d'augmenter la production d'aliments, il faut encore abolir la misère des masses populaire qui est un sérieux obstacle à l'élévation de la consommation en général et l'amélioration de l'alimentation en particulier. Il est nécessaire pour cela d'accroître le pouvoir d'achat de la population ce qui n'est possible qu'en pratiquant une politique des prix et des revenus assurant la croissance des revenus réels des salariés et des petits producteurs des villes et des campagnes. L'organisation de compagnies d'Etat d'approvisionnement et la mise en place d'un système de prix d'achat par ces compagnies qui garantissent la rentabilité de la production agricole ont aussi une grande importance. Un accroissement de la production agricole sans amélioration de la demande intérieure solvable risque de dégénérer en surproduction avec pour conséquence l'hypertrophie des stocks, la chute des prix d'achat ,l'endettement des paysans, la ruine des petites exploitations, la poussée du chômage et l'extension de la sous alimentation et de la faim .Comme l'indiquent les données du chapitre 2, l'arriération, la misère et la faim dans les pays d'Afrique subsaharienne résultent du maintien de la dépendance économique vis-à-vis des pays développés . Le pillage des ressources matérielles et humaines de la périphérie agraire productrice de matières premières de l'économie capitaliste mondiale qui continu, conduit au maintien de l'arriération socio-économique des pays africains qui a pour effet une crise alimentaire chronique. Le principal objectif du mouvement de libération nationale des pays en développement est donc d'acquérir l'indépendance économique et de supprimer toutes les formes d'exploitation neo-coloniale. La lutte pour l'autosubsistance, pour une amélioration réelle de l'alimentation des masses populaires est, de fait, une des lignes de force de la lutte pour le développement économique. L'option des pays en développement pour telle ou telle voie de développement détermine pour beaucoup le succès dans l'émancipation économique et la solution des problèmes socio-économiques les plus urgents. Les pays africains en général qui se développent ne dispose pas de la base nécessaire pour résoudre le problème alimentaire, éradiquer la faim, le chômage et la misère. A mesure que les rapports de production se développent, les vices inhérents à ce régime d'exploitation comme le chômage, l'inégalité sociale, les contrastes entre les niveaux de revenus, à l'extension de la misère et la faim qui l'accompagne se manifestent de plus en plus. La situation actuelle des pays d'Afrique conduit au maintien de la misère et de la faim pour des millions de travailleurs. Comme le soulignent les documents de la conférence internationale des partis communistes et ouvriers de 1969 « Les pays qui se sont engagés sur la voie du développement n'ont pas su résoudre un seul des problèmes fondamentaux qui se sont posés à eux ». L'acuité du problème alimentaire la nécessité urgente de le résoudre sont des facteurs supplémentaires en faveur de l'orientation socialiste pour les pays émancipés de la dépendance coloniale. Elle fournit le fondement le plus solide pour résoudre le problème alimentaire au bénéfice des travailleurs. La vie elle-même se charge de prouver aux travailleur qu'une solution radicale du problème alimentaire à leur profit n'est possible qu'à condition d'initier des progrès techniques et d'accomplir des transformations socio-économiques radicales.
* 46 Conférence internationale des parties communistes et ouvriers, Moscou 1969 |
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