Liens entre les programmes d'aide au
développement et les projets de développement promus par la
diaspora africaine.
FEUBI PAMEN ERIC PATRICK
Doctorant/Economie Mathématique et Econométrie (
pamenfeubi@yahoo.com/+23799190362/Université
de Yaoundé II-Soa, FSEG)
L'objectif du présent papier est d'apporter une
contribution à l'élaboration des stratégies
destinées à faciliter le développement de l'Afrique, dans
le contexte actuel de mondialisation marqué par la fuite des cerveaux,
du Sud vers le Nord. Ce contexte est aussi marqué par le débat
à travers le monde en rapport avec l'atteinte des OMD1
(Objectifs du Millénaire pour le Développement). Nous explorons
les liens entre le transfert de l'épargne des migrants africains vers
l'Afrique, la croissance économique de l'Afrique, l'aide au
développement et les investissements directs étrangers. Notre
travail s'inscrit donc dans une perspective de «Co-développement
». Tant il est vrai que l'un des huit OMD, en l'occurrence l'OMD 8, vise
à mettre en place un partenariat mondial pour le
développement.
INTRODUCTION :
L'Afrique représente, sans l'Afrique du Sud, environ
10% de la population mondiale, 1% du PIB2, 1,3% des exportations et
moins de 1% de la valeur ajoutée industrielle du monde. Vue à
travers des lunettes macroéconomiques, l`Afrique connait une stagnation
à long terme de la productivité3 et subit des chocs
extérieurs, comme la récente crise financière
internationale de l'été 2008, induisant de fortes
instabilités. Aussi, la migration et la fuite de cerveaux africains
connait au fil des années, et avec l'avènement de la
mondialisation des proportions inquiétantes ; ce qui n'est pas sans
conséquences sur le développement économique et social de
l'Afrique. Par ailleurs, il est établi de nos jours que les populations
qui émigrent continuent de jouer un rôle souvent majeur dans le
processus de développement de leurs pays d'origine. En ce qui concerne
particulièrement la Diaspora africaine, ces liens s'inscrivent dans le
cadre de pratiques sociales qui prennent en compte l'émigration,
quelqu'en soit la destination, comme une stratégie normale de survie ou
d'amélioration du niveau et des conditions de vie de la
communauté (familiale ou villageoise). Ces liens traduisent des
espérances, parfois spécifiques, qui découlent de
l'obligation (au moins morale) qu'a le migrant d'apporter une contribution
significative à la communauté à laquelle il appartient en
Afrique. Conséquemment, cette Diaspora africaine,
1 En 2000, lors du sommet du millénaire, les dirigeants du
monde ont adopté une série de 8 objectifs pour le
développement d'ici à l'horizon 2015. Ces objectifs sont
regroupés sous l'appellation Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD).
2 Le PIB (produit intérieur brut) est une estimation de la
valeur de ce qui a été produit dans un pays au cours d'une
année. Il prend en compte non seulement tous les biens et services
payants, mais aussi les services publics gratuits. Il est calculé
à partir de la somme des valeurs ajoutées (...).
3 La productivité c'est le rapport entre la production et
les facteurs de production utilisés pour produire.
transfert chaque année en direction de l'Afrique de
colossales sommes d'argent4 (tableau 1). L'Afrique sub-saharienne
est particulièrement concernée par ce phénomène.
Ces fonds acheminés vers leurs pays d'origine, par les migrants
africains, peuvent constituer une potentielle source de financement du
développement de l'Afrique ; en marge ou en complément à
l'Aide Publique au Développement (APD)5 et des Investissement
Directs Etrangers [IDE, (tableau 3)]. A l'observation des faits on constate que
l'augmentation des flux de fonds vers l'Afrique est fortement
corrélée avec l'intérêt croissant des
autorités locales, des établissements bancaires publics ou
privés locaux, et de la société civile quant à la
destination et à l'usage de cet argent. Etant donné le fait que
ces fonds sont très importants et que la Diaspora africaine
s'avère être, à travers le financement de microprojets dans
leurs localités d'origine, un acteur important du développement
socio-économique local. L'objectif de cette étude est de mettre
en évidence les liens entre les projets de développement promus
par la Diaspora africaine et les programmes d'aide au développement (APD
et IDE) d'une part et d'autre part explorer les voies et moyens par lesquels
l'épargne des émigrés serait une potentielle source de
financement du développement en Afrique.
Tableau1 : Transferts d'argent officiels
vers quelques pays d'Afrique de l'Ouest (en millions de dollars US). Source :
Statistiques annuelles sur les balances des paiements : FMI (1997),
OIM6 (2002), et B.I.R.D7(2006)
Pays
|
1980
|
1985
|
1990
|
1995
|
2000
|
2005
|
Nigéria
|
12,8
|
10,1
|
10,1
|
803 ,6
|
1400
|
3300
|
Côte d'Ivoire
|
0
|
0
|
40,4
|
151,1
|
119
|
160
|
Sénégal
|
74,8
|
55,1
|
90,8
|
86,5
|
233
|
633
|
Mali
|
59,4
|
67
|
106,9
|
112,1
|
73
|
155
|
Bénin
|
77
|
38,1
|
88,8
|
92,4
|
87
|
63
|
Cap-Vert
|
40,1
|
20
|
56
|
104
|
87
|
137
|
Burkina- Faso
|
150,3
|
125,9
|
139,7
|
88,7
|
67
|
50
|
Ghana
|
0,5
|
0,4
|
6
|
17,3
|
32
|
99
|
4 D'après le rapport de la Banque Mondiale.
5 On appelle aide publique au développement les dons ou
les prêts consentis à des conditions financières
privilégiées accordés par des organismes publics des pays
industrialisés ( ).Toutes ces conditions sont définis par pays du
Nord et couple FMI/Banque Mondiale.
66 Organisation Internationale pour les Migrations.
7 Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement.
Niger
|
5,9
|
2,1
|
13,1
|
6,3
|
14
|
60
|
Togo
|
9,9
|
15,4
|
26,9
|
15
|
34
|
148
|
Afrique de l'Ouest
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2181
|
5037
|
Graphique 1:Obtenu à partir des
données du tableau 1

4000
6000
5000
3000
2000
1000
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005
Afrique de l'Ouest Bénin
Burkina-Faso Cap-Vert
Côte d'Ivoire Ghana
Mali
Niger Nigéria Sénégal
PROBLEMATIQUE :
Jusqu'à la fin du 17e siècle,
l'écart de développement technique et économique entre les
pays du Nord et du Sud était quasiment nul. Le niveau des pays du Sud
était même supérieur à celui des pays du Nord, dans
certains domaines. Cette réalité a été pendant des
millénaires une constante de l'histoire de l'humanité
jusqu'à ce qu'un phénomène majeur apparaisse au Nord: la
révolution industrielle. Aujourd'hui la fracture entre le Nord et le Sud
est consommée. Et comme le souligne l'historien PAUL BAIROCH, « en
moins de deux siècles, le niveau de vie des pays touchés par la
révolution industrielle se trouve multiplié par plus de 15, le
volume des échanges internationaux par plus de 100 et celui de la
production par plus de 200 ». C'est d'ailleurs ce qui a favorisé la
fuite des cerveaux africains en direction d'autres régions du monde ; en
particulier les pays capitalistes. Ainsi, d'après une étude
menée par l'ONU8, la Diaspora africaine constitue une part
importante de la main d'oeuvre de l'industrie capitaliste à travers le
monde (tableau 2, cas de la France). C'est ce qui justifie l'important flux
financier effectué par ces migrants chaque année en direction de
leurs familles restées dans leurs pays d'origine. Quels sont donc les
canaux de transfert de l'épargne des émigrés ? Leur
utilisation est-elle rationnelle, c'est-à-dire orientée dans des
secteurs porteurs de croissance, et favorables au renforcement des
capacités des populations au niveau local ?
Quel est le lien entre les projets de développement promus
par la Diaspora africaine et les
8 Organisation des Nations Unies
programmes de développement traditionnels ? Plus
spécifiquement, quels sont les types d'Aide au Développement ?
Les fonds diasporiques peuvent-ils combler les lacunes de l'Aide Publique au
développement ?
Tableau2 : Evolution de la population des
immigrés en France selon le continent (1962-1999). Source : INSEE,
recensement de la population, 1962-1999
|
1962
|
1968
|
1975
|
1982
|
1990
|
1999
|
|
|
en %
|
en %
|
en%
|
en%
|
en%
|
en%
|
effectifs
|
Europe
|
78,7
|
76,4
|
67,2
|
57,3
|
50,4
|
44,9
|
1 934144
|
Ensemble Afrique
|
14,9
|
19,9
|
28,0
|
33,2
|
35,9
|
39,3
|
1 691562
|
Dont Maghreb
|
14,2
|
18,5
|
25,6
|
28,9
|
29,3
|
30,1
|
1 298273
|
Autres pays
|
0,7
|
1,4
|
2,4
|
4,3
|
6,6
|
9,1
|
393 289
|
Asie
|
2,4
|
2,5
|
3,6
|
8,0
|
11,4
|
12,8
|
549 994
|
Amérique, Océanie
|
3,2
|
1,1
|
1,3
|
1,6
|
2,3
|
3,0
|
130 394
|
Non déclarés
|
0,8
|
0,1
|
//
|
//
|
//
|
//
|
//
|
OBJECTIFS
L'objectif global de ce travail est de mettre en
évidence le lien entre les projets de développement promus par la
Diaspora Africaine et les programmes de développement traditionnels.
Les objectifs spécifiques se déclinent de la
façon suivante : -Déterminer les types d'aide au
développement.
-Voir si les fonds Diasporiques peuvent combler les lacunes de
l'Aide Publique au Développement.
HYPOTHESES
Nos investigations sont centrées autour des
hypothèses ci-après : -L'APD est insuffisante et de moindre
qualité
- L'épargne des émigrés est une potentielle
source de financement du développement en Afrique
METHODOLOGIE
Etant donné ce qui précède, nous adoptons
donc, dans le cadre de ce papier une approche descriptive basée d'une
part sur la revue de la littérature théorique et empirique et sur
les données secondaires d'autre part. Afin de mettre en évidence
les liens entre les programmes d'aide au développement et les projets de
développement promus par la Diaspora africaine. Dans nos investigations
nous intéressons en particulier aux pays d'Afrique centrale et de
l`ouest, et dans une seconde mesure à un pays de l'Afrique centrale, le
Cameroun.
Section I:
L'état des lieux des programmes de développement en faveur de
l'Afrique : 1-La
situation de l'Afrique depuis les indépendances :
Après le second choc pétrolier (1973), les pays
africains qui avaient eu le bon esprit de persévérer dans la voie
de la croissance réelle et de ne pas réduire leurs importations
de produits industriels, commencèrent dès le début des
années 1980 à sérieusement s'essouffler. La potion magique
antérieure, celle de l'endettement extérieur à tout va qui
leur avait été administrée avec
générosité, commença à ne plus avoir d'effet
ou plutôt à en générer d'autres, ceux-là
imprévus. La dette des pays africains est devenue depuis 1982 un
véritable cauchemar pour l'ensemble de la communauté
financière internationale. La dette de ces pays en voie de
développement, mieux encore sous-développés est devenue
beaucoup trop importante pour ces économies fragiles et a
annihilé toute initiative de développement. Selon KOFI
ANNAN9, en 2000, le service de la dette s'élève en
moyenne à 38% du budget des Etats d'Afrique subsaharienne. La dette se
pose comme l'obstacle principal à la satisfaction des besoins humains
fondamentaux10. En vingt (20) ans, l'espérance de vie a
baissé de vingt six (26) ans au ZIMBABWE, en passant de 65 à 39
ans. En dehors des pays comme l'AFRIQUE DU SUD (30% des exportations des
principales matières minérales mondiales, 50% des emplois
salariés , la moitié du réseau ferroviaire, 40% du
réseau routier , 50% de la consommation énergétique de
l'Afrique subsaharienne), ou le NIGERIA (6e exportateur
pétrolier du monde, 20% du PNB et 40% du commerce extérieur de
l'Afrique noire), les économies africaines se heurtent au quotidien
à d'importants goulots d'étranglements. De nombreuses
démarches ont été mises en place par la communauté
internationale pour le développement de l'AFRIQUE. On peut
énumérer les politiques d'ajustement et de stabilisation ou les
multiples accords de partenariat économique,
9 Ancien secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies (ONU).
10 Selon le rapport mondial sur le
développement humain du PNUD, le montant remboursé par les PED
(pays en voie de développement) au titre de service de la dette
s'élevait à 382 milliards de dollars en 2001 ; alors que la somme
annuelle nécessaire à la satisfaction des besoins humais dans ces
PED est de 80 milliards de dollars. Ces remboursements très
élevés privent les PED de précieuses ressources pour
lutter efficacement contre la pauvreté, alors que l'aide des pays du
Nord ne cesse de diminuer.
commercial ou pour le développement, en conformité
avec les dispositions de l'OMC11. Après leurs échecs,
un relais s'est opéré à travers l'aide au
développement et les flux privés.
2-Les nouvelles initiatives
L'Aide Publique au Développement (APD)12
recouvre de nombreux flux financiers. Elle permet, entre autres choses, de
lever la contrainte financière extérieure. L'Aide Publique au
Développement est constituée de dons, mais aussi de prêts
à taux d'intérêts réduits, donc une partie de cette
aide vient alourdir le stock de la dette extérieure des pays
bénéficiaires. L'aide se heurte aussi aux faibles
capacités d'absorption des bénéficiaires ; elle est
souvent détournée à d'autres fins et a des effets
multiplicateurs limités (100 flux d'entrée, il en ressort
immédiatement 60). De plus, l'aide est devenue liée13
et son montant a baissé14. Le maître mot est devenu
« l'efficacité de l'aide » dans un contexte de diminution des
volumes d'Aide Publique au Développement au profit des apports
privés jusqu'en 1996, avant de voir le recul de cette dernière
forme de financement du développement après la crise asiatique de
1997 (tableau 3).
Tableau3 : L'argent de la Diaspora comme
une des sources principales de financement du développement (en
milliards de dollars US). Source : Données issues de KETKAR S. et Ratha
D . (2005)
Source de financement
|
1990
|
1995
|
2004
|
I.D.E
|
|
|
20
|
105
|
165
|
A.P.D
|
|
|
50
|
59
|
69
|
Transferts Diaspora
|
de
|
la
|
30
|
51
|
126
|
11 Organisation mondiale du commerce crée en 1995
après les accords de LOME au TOGO.
12 On appelle APD les dons ou les prêts consentis à
des conditions financières privilégiées accordés
par des organismes publics des pays industrialisés. Il suffit donc qu'un
prêt soit consenti à un taux inférieur à celui du
marché (prêt concessionnel) pour qu'il soit
considéré comme une aide, même s'il est ensuite
remboursé jusqu'au dernier centime par le pays
bénéficiaire. Les prêts bilatéraux liés (qui
obligent les pays bénéficiaires à acheter des produits ou
des services au pays prêteur) et la plupart des allégements de la
dette font aussi parie de l'APD. Outre l'aide alimentaire, on peut distinguer
trois grands types d'utilisation des fonds dégagés : le
développement rural, les infrastructures, l'aide hors projet
(financement des déficits budgétaires ou de la balance de
paiements). Cette aide passe par trois canaux : l'aide multilatérale,
l'aide bilatérale, et les ONG.
13 Une aide liée doit être dépensée
dans le pays donateur, soit dans sa totalité, soit partiellement, selon
les termes de l'accord de coopération. Le déliement de l'aide
permettrait une meilleure concurrence, et donc une meilleure allocation des
ressources financières, mais aussi favoriserait l'émergence
d'activités économiques dans les pays
bénéficiaires.
14 L'aide représentait en 1998 4,4% du PIB de l'AFRIQUE.
Elle tend à baisser depuis la chute du mur de BERLIN. Elle est
passée de 14,7 milliards de dollars e 1990 à moins de 10
milliards en 2000.
« Liens entre les programmes d'aide au développement
et les projets de développement promus par la Diaspora Africaine
».
FEUBI PAMEN / OCTOBRE 2010/
pamen_2003@yahoo.fr. Page 6
Graphique2 : Obtenu à partir des données du
tableau 3

180
160
140
120
100
40
80
60
20
0
1990 1995 2004
A.P.D I.D.E
Transferts de la Diaspora
Ces dernières années ont vu naitre et se
généraliser le souci de rationalisation de la coopération
au développement (notion de bonnes politiques que devraient adopter le
Etas bénéficies de l'aide ) et le passage à une politique
fondée sur la demande (supposant l'appropriation par les populations des
projets de développement à l'opposé du système
fondé sur l'offre, caractéristique des programmes d'ajustement
structurel depuis les années 1980), insistant également sur une
allocation de l'aide reposant sur des résultats et des performances. Car
lorsque les programmes d'aide au développement sont
élaborés par les experts des institutions de Betton
Woods15 sans consultation préalable des pays
concernés, ils n'apportent que des changements cosmétiques aux
pratiques du passé ou à la situation antérieure du pays en
question.
En septembre 1999, l'assemblée générale
du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM)
débouche sur une nouvelle stratégie de lutte contre la
pauvreté. Avec cette nouvelle stratégie, un tournant
décisif est opéré. Les noms des conditionnalités et
des prêts du Fonds Monétaire International et de la Banque
Mondiale, devenus trop impopulaires sont modifiés. On passe des
programmes d'ajustement structurel aux Documents Stratégiques de
Réduction de la Pauvreté(DSRP). L'originalité des DSRP est
qu'ils doivent être rédigés non plus par les experts des
instituions de Bretton Woods, mais par les gouvernements des pays pauvres en
collaboration avec leur société civile, à charge pour les
experts de Washington d'ensuite donner leur aval. En outre, dans le cadre de
ces DSRP, plus d'importance est donnée aux dépenses sociales de
santé et d'éducation. Aujourd'hui au Cameroun, comme dans la
majeure partie des pays sous développés on parle de Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE). Il s'agit en
réalité, d'après les bailleurs de fonds (FMI et BM) d'un
DSRP de deuxième génération.
15 Ce sont le Fonds Monétaire International (FMI) et la
Banque Mondiale, crées en 1944. Ils comptent en 2002, 184 membres
chacun.
Parallèlement à ces DSRP ou même DSCE, les
relations de coopération internationales sont aussi à mettre
à l'ordre du jour des récentes initiatives de
développment. C'est dans ce cadre que s'inscrivent, sous l'égide
de l'OMC les multiples discussions portant sur les accords de
coopération industrielle, commerciale et économique. Dans cette
trajectoire, les APE (Accords de partenariat Economique) se posent comme un
instrument d'intégration et de développement. Toutefois faisons
remarquer que, l'incitation à négocier les APE n'est pas la
même selon que les pays soient des pays sous-développés
(PSD), des pays moins avancés (PMA), des pays à revenu
intermédiaire (PRI), des pays en voie de développement (PED), des
pays industrialisés (PI) ou des pays pétroliers.
Somme toute, les pays développés se sont
engagés à soutenir les pays pauvres via l'augmentation de l'aide
au développement, le commerce et l'allègement de la dette. Bien
qu'insuffisante et sujette à caution pour certains de ses aspects, cette
triple recette pour se concrétiser requiert la mise en place d'un
partenariat mondial pour le développement conformément aux OMD.
C'est donc ici que ressort la nécessité de l'entrée en jeu
de la Diaspora africaine.
Section 2 : Le rôle de la Diaspora africaine :
Nous faisons ressortir ici l'enjeu que constitue l'intervention
de la Diaspora africaine en marge et ou en complément des programmes
d'aide au développement de l'AFRIQUE.
1- Une action en marge :
Après la proclamation en septembre 2000 des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD), de nouvelles valeurs
dites universelles comme le respect des droits de l'Homme, la bonne
gouvernance, etc. .., se sont affirmés sur la scène
internationale. Conséquemment les bailleurs de fonds ne sont plus seuls
sur l'échiquier international et doivent partager leurs espaces
d'influence avec des acteurs qui s'affirment : société civile au
Nord comme au Sud, Organisations Non Gouvernementales, Syndicats, Diplomatie
des villes qui cherchent à se positionner à côté de
celle traditionnelle des Etats, etc. Ainsi, la générosité
des migrants à travers les sommes d'argent qu'ils transfèrent et
qui parviennent directement à leurs familles restées dans le pays
d'origine, peut être canalisée sous la forme de montage et
financement de projets de développement locaux, au lieu de servir
à financer les dépenses de consommation courante (besoins
fondamentaux)16 des familles comme c'est généralement
le cas (tableau4)
Tableau 4 : Ratios d'utilisation des
fonds transférés (nombre de familles concernés par poste).
Source : INSEE, 2007, les migrants en France.
|
SENEGAL
|
MALI
|
MAROC
|
COMORES
|
Budget familial
|
98%
|
94%
|
69%
|
96%
|
16 Alimentation, santé, habillement, éducation.
Santé
|
81%
|
87%
|
30%
|
77%
|
Education/Formation
|
55%
|
59%
|
26%
|
39%
|
Immobilier familial
|
19%
|
47%
|
10%
|
52%
|
Immobilier Individuel
|
14%
|
29%
|
6%
|
17%
|
Investissement productif
|
11%
|
46%
|
13%
|
28%
|
Projet social
|
5%
|
25%
|
1%
|
39%
|
Graphique 3 : obtenu à partir des données du
tableau 4
.

120%
100%
40%
80%
60%
20%
0%
8% 94%
SENEGAL MALI MAROC COMORES
69%
96%
Budget familial Education/Formation Immobilier familial
Immobilier Individuel Investissement productif Projet social
Santé
A la suite de cette représentation graphique nous
pouvons dire que, lorsque les transferts des immigrés sont
utilisés intelligemment ils permettent de réduire la
pauvreté et permettent d'ouvrir le secteur financier officiel aux petits
épargnants.
Jusqu'ici, une Aide de mauvaise qualité a donné
naissance à l'idée fausse que l'Aide ne marche pas, et cela a
compromis l'appui que l'opinion publique peut donner à long terme
à la notion d'Aide au développement. Or l'Aide fonctionne, et
elle facilite la croissance économique et les progrès dans
certains secteurs précis quand elle est dirigée vers des
investissements réels sur le terrain dans des pays assez bien
gouvernés. La bonne gouvernance n'étant pas encore l'apanage des
gouvernements africains, la Diaspora africaine semble être une planche de
salut pour notre continent. Signalons que le problème ce n'est pas
l'Aide ; c'est la façon dont elle est fournie, quand, à quels
pays et dans quels montants. C'est ainsi que, prenant le cas d'un pays de
l'Afrique de l'ouest comme la Mali, on
constate que pendant les années 1990 les flux diasporiques
ont eu un effet négatif sur la productivité des ménages
ruraux (Tableau 5)
Tableau5 : Structure annuelle des revenus
des ménages maliens, 1996 (en FCFA).Source : Gubert F. (2000), «
Migrations et gestion collective des risques : l'exemple de la région de
Kayes au Mali »
Source de revenu
|
Revenu moyen/tête sans
migrant à l'étranger
|
Revenu moyen/tête avec
migrant à l'étranger
|
Activités agricoles
|
30. 400
|
22. 139
|
Activités non agricoles
|
19. 904
|
6. 214
|
Transferts des migrants
|
10. 415
|
53. 210
|
Transferts sociaux
|
7. 227
|
23. 714
|
Total
|
67. 947
|
105. 818
|
Les économistes institutionnalistes insistent sur
l'importance de la propriété privée comme facteur
d'incitation économique et de croissance. Partout dans le monde,
l'expérience montre qu'un secteur privé local dynamique est la
clé d'une croissance rapide, joue un rôle primordial dans le
développement. En AFRIQUE, ce secteur a difficilement accès aux
moyens de financement que ce soit de la part des pouvoirs publics ou de
l'étranger ; d'autant plus que l'AFRIQUE n'étant plus l'objet
d'une surenchère idéologique comme pendant le guerre
froide17, les Investissements Directs Etrangers (IDE) de même
que l'Aide au développement connaissent une variation baissière .
La Diaspora africaine peut donc soutenir ce secteur privé dans ses
initiatives de développement local via des transferts
d'argent18. Plus concrètement il est ici question pour nous
d'adopter des modèles de développement pour l'AFRIQUE
partiellement autocentrés sur nos réalités africaines. Des
sommes et des efforts considérables devraient être
consacrés au développement du secteur financier ainsi que des
petites et moyennes entreprises et de la microfinance. Il conviendrait de
promouvoir davantage les mécanismes de refinancement direct par les
établissements financiers privés au niveau local et d'introduire
sur une grande échelle de nouveaux outils tels que des initiatives
régionales d'établissements de microfinance, le financement en
monnaie locale, les garanties et les produits d'assurance. Ces actions de la
Diaspora africaine viseraient à toucher la tranche de la population qui
échappe aux différents filets de sécurité sociale
mis en place par les pouvoirs publics ou dans le cadre des programmes d'Aide au
développement. Notons aussi que sur le terrain de son
déploiement, la Diaspora peut
17 Dans de nombreux cas, les prêts étaient
destinés à corrompre des gouvernements s pendant la guerre
froide. Le problème n'était pas alors de savoir si l'argent
favorisait le bien-être du pays , mais s'il conduisait à une
situation stable, étant donné les réalités
géopolitiques mondiales.
18 Selon le rapport mondial sur le développement humain
du PNUD, les transferts financiers pour l'ensemble des PED en 2001, se
décomposaient ainsi qu'il suit (en milliards de dollars) : 51 pour
l'APD, 53 pour l'envoi des migrants, 55 pour les profits rapatriés par
les multinationales, 382 dans le cadre du service de la dette.
compter sur l'appui multiforme des communautés, des
organisations communautaires, des Organisations Non Gouvernementales (ONG) et
des collectivités territoriales décentralisées.
2- Une action complémentaire :
La Diaspora africaine peut aussi être impliquée
par les bailleurs de fonds dans l'élaboration des programmes d'Aide au
développement en faveur de l'AFRIQUE. Le cadre idéal serait des
programmes de développement fondés sur les concepts d'une
négociation équitable et démocratique. Etant donnée
la vision actuelle des dirigeants du monde qui est celle de la mise en place
d'un partenariat mondial pour le développement. Afin de mieux cerner les
contours du concept de développement.
Notons que la notion de `'sous-développement» sur
laquelle s'appuie celle de `'développement» implique que ce dernier
représente un état final déjà atteint par les pays
les plus avancés et que pourront atteindre ceux qui suivront le
même exemple. Ensuite, cette dichotomie implique que le
`'sous-développement» est présenté comme un
état naturel, sans cause extérieure, tandis que le
`'développement» prend la forme d'une action d'agents
extérieurs et initiée sur des pays moins avancés. C'est
ainsi que l'on peut `'développer `'mais non »
sous-développer». Comme le souligne GILBERT
RIST19 : « l'apparition du
sous-développement évoque non seulement l'idée d'un
changement possible en direction d'un état final, mais surtout la
possibilité de provoquer ce changement. Le
`'sous-développé» et le `'développé» sont
de la même famille ; même si le premier est un peu en retard sur le
second, il peut espérer combler l'écart, à l'image du
`'sous-chef» qui peut toujours rêver devenir `'chef» à
son tour, à condition de jouer le même jeu et de ne pas avoir une
vision trop différente de celle de la chefferie. L'état de
`'développement» n'est donc pas l'inverse du `'sous
-développement», mais seulement sa forme encore inachevée
ou, pour rester dans la métaphore biologique, `'embryonnaire» ;
dans ces conditions, une accélération de la croissance
apparaît comme la seule manière logique de combler l'écart
».
Une action concertée et une vision commune de la
Diaspora africaine et des bailleurs de fonds est donc à prescrire pour
une plus rapide atteinte, entre autres objectifs, des Objectifs du
Millénaire pour le Développement.
Tableau 6 : Comparaison des montants en
milliards de FCFA de l'APD, des IDE et des fonds diasporiques en zone CEMAC
(Source, balance des paiements résumée de la zone BEAC)
Anné
|
199
|
19
|
20
|
200
|
200
|
200
|
20
|
200
|
200
|
200
|
200
|
200
|
2010(pré
|
es
|
8
|
99
|
00
|
1
|
2
|
3
|
04
|
5
|
6
|
7
|
8
|
9
|
vision)
|
Trans ferts
de la
diasp
|
68 , 8
|
66, 6
|
93, 3
|
135 ,5
|
145 ,4
|
163 ,7
|
20
0,0
|
225 ,6
|
247 ,0
|
250 ,5
|
259 ,4
|
250
|
377,8
|
19 Professeur à l'Institut Universitaire d'Etude du
Développement de GENEVE en SUISSE.
ora
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
IDE
|
270
|
29
|
25
|
118
|
142
|
139
|
71
|
929
|
970
|
161
|
110
|
218
|
2818,3
|
|
,3
|
1,1
|
9,6
|
3,8
|
1,5
|
0,4
|
9,2
|
,3
|
,6
|
1,7
|
6,3
|
4,4
|
|
APD
|
117
|
80
|
32
|
669
|
508
|
586
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
870
|
-1464,0
|
|
5,6
|
2,1
|
8,7
|
,3
|
,4
|
,9
|
67,
|
102
|
130
|
802
|
208
|
,4
|
|
|
|
|
|
|
|
|
8
|
2,2
|
5,9
|
,8
|
9,2
|
|
|
Graphique 5 : Obtenu à partir des
données du tableau 6

-1000
-2000
-3000
4000
3000
2000
1000
0
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010(prevision)
Transferts de la diaspora
IDE
APD
Ainsi lorsque que l'on compare de 1998 à 2010 les
montants en milliards de francs CFA de l'APD, de l'IDE, et des transferts de la
diaspora (tableau 6), pour ce qui est des pays membre de la zone BEAC, on
arrive à la constatation suivante :
-Les IDE ont une évolution relativement croissante de 1998
à 2010.
-L'APD connait une variation baissière de 1998 à
2003, avant de devenir négatif pendant l'exercice 2004. Un léger
signe de reprise est ressenti en 2009.
-Les fonds diasporiques voient leur montant s'accroitre au fil
des années de 1998 à 2010 avec un montant moyen de 191,046
milliards de FCFA sur la période d'étude
considérée.
Le graphique 5 montre donc que les fonds transférés
par la diaspora africaine peuvent combler les lacunes de l'APD dans la zone
BEAC par exemple.
Section3 : Faciliter les liens entre les programmes
d'aide au développement et les programmes de développement promus
par la diaspora africaine
Nous explorons dans cette section les pistes pouvant
créer et accroitre une synergie d'actions entre les programmes d'Aide au
développement en AFRIQUE et la Diaspora africaine.
1)- L'influence des états
:
Du fait de la diversité des configurations des Etats
à travers le continent Africain, les politiques économiques
doivent être spécifiques. Avant de transformer en profondeur les
structures de l'économie, il apparait prioritaire de restaurer la
confiance, de reconstituer un contexte institutionnel favorable et mettre en
place un Etat de droit conduisant à des pouvoirs (régimes
politiques) légitimes et permettant la reprise de l'investissement.
Les gouvernements africains doivent aussi encourager et
favoriser les regroupements20 sous-régionaux et
régionaux afin de tirer grand profit des Accords de Partenariat
Economique (APE) d'une part, et d'autre part s'échanger
d'expériences en matière de développement local
financé par la Diaspora via les associations communautaires ou les
collectivités territoriales décentralisées . Ces Etats
doivent en plus de la coopération sousrégionale et
régionale encadrer et établir des liens étroits avec leurs
Diaspora.
2)- L'impact de la communauté
internationale :
La société civile, les Organisations Non
Gouvernementales, les militants des droits de l'Homme devraient favoriser la
prise en compte du point de vue de l'élite africaine constituée
en partie par sa Diaspora, lors des discussions internationales
consacrées au développement de l'AFRIQUE. Car les projets de
développement du passé ont été un échec
parce qu'ils étaient fondés sur deux malentendus. D'abord ils
partaient de concepts et de valeurs qui n'avaient aucun sens dans un contexte
qui ne les avaient pas générés. On ne peut
développer ni les pays, ni les individus. Ils ne peuvent que se
développer d'eux-mêmes en exerçant leur droit collectif et
individuel à l'autodétermination. Les rapports de force actuels
ne le permettent pas. C'est le deuxième malentendu. La Diaspora
africaine se pose comme étant une élite africaine, une lueur
d'espoir pour de nombreuses familles africaines qui chaque jour croupissent
dans la misère.
Ajoutons que, pour que la mondialisation devienne synonyme de
développement, il ne faut pas qu'elle vise à réaliser un
monde unifié et uniforme, mais un monde où le pouvoir de
décision et les ressources seront équitablement répartis.
La volonté politique pour y arriver n'existe pas chez les
détenteurs actuels du pouvoir. La conférence de
MONTERREY21 l'a confirmé. Le développement risque ne
jamais être une conséquence logique du progrès de
l'humanité. Il semble être un projet hautement politique. La lutte
contre la pauvreté n'est plus une compétence exclusive des
gouvernements nationaux, mais peut devenir une
20 La convention de COTONOU (2000), faisant suite aux accords de
LOME, prévoient des APE soit avec des pays soit avec des ensembles
régionaux.
21 Conférence des nations unies (Mars 2002) sur le
financement du développement.
mission des organisations internationales. Tous les aspects
des politiques internes des pays pauvres passent ainsi sous le contrôle
des organisations de BRETTON WOODS. D'où la nécessité de
l'entrée réelle en jeu de la Diaspora africaine pour la recherche
d'un projet alternatif22 de développement et de gouvernance
mondiale qui prenne en compte les intérêts de l'AFRIQUE.
RECOMMANDATIONS :
Les recommandations vers lesquelles converge notre étude
sont, entre autres :
- Améliorer l'utilisation des fonds
transférés pour le développement des secteurs sociaux
- Accroitre le montant de l'Aide Publique au
Développement.
- Défiscaliser les flux financiers de la diaspora
africaine en direction de l'Afrique.
- Taxer les transactions financières internationales, en
faveur de l'Afrique. - Lever la contrainte financière
extérieure.
- Améliorer la gouvernance locale en Afrique afin de
limiter l'exode des cerveaux
- Développer des programmes « Migrations-Retour
» en vue de faciliter le retour des
cerveaux, le transfert des connaissances, le renforcement des
capacités africaines. - Diversifier les systèmes financiers
locaux.
- .Améliorer la qualité de services des
prestataires de transferts d'argent,
- Orienter les programmes d'Aide au développement vers
les objectifs prioritaires de
développement humain.
- Mettre sur pied des mécanismes redistributifs permettant
des tensions sociales régulées.
- Assurer un développement durable de l'Afrique.
- Etablir un partenariat d'égal à égal entre
l'Afrique et le reste du monde.
- Redoubler les efforts à divers niveaux pour l'atteinte
des OMD.
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