CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Au terme de cette partie consacrée à la
capacité de l'Afrique subsaharienne à relever le défi du
développement durable, on peut retenir deux choses. La première
est que, malgré les obstacles notés et analysés, et la
sobriété des ressources financières mobilisées par
les gouvernements et les instances internationales, la sous région est
bien engagée dans le processus de développement durable. Trois
ans donc après le sommet de Rio, elle peut se réclamer d'un bilan
partiel positif, d'autant plus qu'avec peu, plusieurs initiatives ont
été entreprises; nous voulons parler des PNAE qui ont
été
(14) Abdoulaye TRAORE,(Agence maliènnede
presse), La quadrature de la boucle, SOURCES
UNESCO,N° 69/ Mai 1995, page 10.
élaborés et actuellement en cours
d'exécution, traduisant ainsi une sorte de perpétuation du
souffle de Rio.
Cela ne veut pas pour autant dire que les obstacles sont
"démantelés", car - c'est la seconde chose -, si au niveau de la
classe dirigeante il y a une volonté de changement de politique de
développement et d'environnement, l'écho n'a pas encore retenti
au niveau des populations, principaux acteurs du développement durable.
Les programmes de sensibilisation et de formation souvent élevés
en coût financiers ne trouvent pas de véritable soutien. Ceci dit,
si les PNAE sont élaborés et la volonté des dirigeants
bien affichée, il reste la plus dure: entraîner les populations.
Mais cela doit relever de la tâche commune des gouvernements,
institutions internationales et ONG du Nord comme du Sud. N'est-ce pas
là le moment de mettre en oeuvre le principe de solidarité
internationale développé à Rio ?
Selon Ignacy SACHS, "la CNUED n'est pas une fin en soi,
mais l'amorce d'un processus de transition vers un développement
durable". Nous venons tout au long de ce travail d'analyser l'implication
de l'Afrique subsaharienne dans ce processus déjà amorcé
il y a trois ans. Cette étude bien qu'ayant éludé certains
doutes qui prévalaient au sujet de la capacité africaine à
relevé le défi du développement durable, est très
loin de nous rassurer sur la durabilité du processus engagé.
D'abord, plusieurs manquements de la conférence de Rio
font actuellement jour. En effet, on s'aperçoit que plusieurs sujets
relatifs aux secteurs institutionnels concernés par le lien entre
environnement et le développement n'ont pas été
suffisamment évoqués lors de la conférence de Rio. Il en
est le cas du Gatt, du FMI, la Banque Mondiale et des politiques affectant la
détérioration des termes de l'échange et de la dette du
Sud.
En ce qui concerne le Gatt, plusieurs de ses clauses mettent
à mal la convention sur la biodiversité (dont on mesure mal
encore toutes les implications à long terme, notamment dans le domaine
des biotechnologies agricoles)(*), principalement son article 16 qui
prévoit la possibilité pour les pays en développement
d'avoir accès aux technologies utilisant les ressources biologiques, y
compris celles protégées par les brevets et les droits de
propriété industrielle. Dans ce sens le gouvernement
français a déposé un projet de loi de ratification de
ladite convention mais accompagnée d'une déclaration
interprétative conditionnant "le respect des principes et des
règles de
(*) Henk HOBBELINK,"La diversité
biologique", Ecologie politique N°6, Prinptemps 1993, page
8
protections de la propriété industrielle".
Il en est de même des Etats unis oüune
déclaration interprétative déposée au
Congrès (aujourd'hui républicain)
risque d'émietter l'initiative de l'administration CLINTON
qui vient de signer la convention sur le changement climatique auparavant
rejetée par BUSH(1)
Ensuite, le caractère non contraignant des conventions
et recommandations adoptées à Rio, ouvre la voie aux
négociations dont les atermoiements des Etats-nations ne sont pas de
nature à encourager les Etats africains déjà
engagés. Le renvoi des discussions de la conférence de Berlin
à celle de Kyoto (Japon) de 1997 sur le changement climatique, la
décision de
M. Jacques CHIRAC en vue de poursuivre les essais
nucléaires pendant une période d'une année ne sont que la
manifestation de ces atermoiements qui en clair constituent l'incapacité
des Etats occidentaux de changer résolument de cap. Ainsi, si le Sommet
de Rio a soulevé quelques espoirs en donnant une
légitimité aux préoccupations environnementales,
l'enthousiasme est tombé. Ni à Rio, ni au Caire, ni à
Copenhague, les Etats les plus puissant du globe n'ont semblé
disposés à sacrifier une part de leurs privilèges sur
l'autel de l'intérêt commun. Pas question, par exemple de remettre
en cause le fonctionnement actuel de l'économie de marché qui
accélère pourtant - on l'a reconnu à Copenhague- les
déchirures du tissu social tant au Nord qu'au Sud. Pas n'ont plus
question de démocratiser le fonctionnement des institutions
financières (Banque mondiale) et (FMI) qui demeure sous le
contrôle des pays les plus
riches.(2)
Enfin, la mobilisation de ressources financières dont
dépend le développement durable en Afrique ne présage en
aucune manière des lendemains qui chantent. Car, malgré les
moyens dérisoires retenus par la
(1) Patrick LE CLANCHE, L'actualité de Rio,
Revue de Droit de l'environnement, Fev/Mars 1995, page 23
(2) Sophie BESSIE La planète parle à
la planète, CROISSANCE de Mai 1995 n°382, page 40
CNUED au soutien du Sud, soit 125 milliards de dollars par an,
le Nord n'y verse que la moitié et récupère bien davantage
par le mécanisme de la dette. Depuis 10 ans, les pays de l'Afrique
subsaharienne versent 100.000 FF par minute au titre du remboursement de la
dette(3). Comme quoi notre inquiétude au sujet de la
franchise des engagements pris par le Nord reste encore d'actualité.
Dès lors comme écrivait Alain LIPIETZ(4), il faut
choisir. Ou bien prenant au sérieux, l'impératif de
l'environnement, le Nord se décide à aider réellement le
Sud. Ou bien le critère de l'environnement devient qu'une simple
conditionalité (c'est à dire le contrôle du Nord sur l'aide
déjà accordée au Sud), ce qui semble probable à ce
jour.
A cela, il faut ajouter la prolifération des situations
d'urgence de ces dernières années en Afrique. Ces situations, du
fait de leur nature urgente détournent l'attention de la
communauté internationale des problèmes de développement
et d'environnement. Elles entraînent de façon
quasi-mécanique le rétrécissement des ressources qui
seraient allouées au développement et à l'environnement au
profit des opérations de maintien de la paix par exemple. Ainsi entre
1988 et 1992 les ressources financières en faveur des opérations
de maintien de la paix de l'ONU sont passées de 25% à 45%.
Faudrait-il pour autant verser dans le scepticisme? En tout
cas se serait très tôt pour l'Afrique où à
défaut d'avoir révolutionné le continent, le sommet de Rio
n'en finit pas moins de tarauder les consciences des dirigeants. Ils savent
désormais qu'ils ne peuvent bénéficier d'une quelconque
charité internationale sans qu'ont leur demande là où ils
en sont dans le processus de développement durable, argument de grande
influence pour les Etats comme les Etats unis, le Japon ou la communauté
européenne. Mais l'on doit savoir
(3) Sussan GEORGE, Emission
télévisée Géopolis du lundi 26 Mai
1995 (4)Op cit, page 120
que faire des "îlots" de protection au milieu d'un monde de
plus en plus appauvri et chaotique est une illusion.-/
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