UFR Droit et Science Politique, Année
Universitaire 1994-1995
LE CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE : LE
CAS DE
L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Mémoire de DEA de Droit public
Option : Droit
international et Relations internationales
Présenté et soutenu publiquement par
Vincent Thierry BOUANGUI
Sous la direction de Monsieur Pierre WEISS,
Maître de
Conférences à l'Université de Reims
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS 1
INTRODUCTION . 5
PREMIERE PARTIE: L'EMERGENCE DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
DURABLE 16
PREMIER CHAPITRE :LES ORIGINES ET SENS DU
CONCEPT. 16
SECTION: I LES ORIGINES DU CONCEPT. 13
PARAGRAPHE I : LA CONFERENCE DE STOCKHOLM: UNE
ORIGINE
LOINTAINE DU CONCEPT 17
A -LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE DES QUESTIONS
DE
L'ENVIRONNEMENT 18
B -LE PROCESSUS DE MISE EN FORME DU CONCEPT 20
PARAGRAPHE II: LE RAPPORT BRUNDTLAND: L'ORIGINE
RECENTE 22
A-LE CONTEXTE DU RAPPORT 22
B-LA SYSTEMATISATION DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE.
23
SECTION II: CONTENU ET IMPLICATIONS DU CONCEPT 27
PARAGRAPHE I: LE CONTENU DU CONCEPT
27
A- LE PROBLEME DE LA MULTIPLICITE D'INTERPRETATIONS
28
B- LES VISEES IDEOLOGIQUES DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
DURABLE 30
PARAGRAPHE II: LES IMPLICATIONS DU CONCEPT
33
A- LES MPLICATIONS PRATIQUES 34
B- LES IMPLICATIONS THEORIQUES 38
DEUXIEME CHAPITRE: DU DESACCORD A L'ADHESION DE
L'AFRIQUE
SUBSAHARIENNE 41
SECTION I: LE SPECTRE D'INGERENCE ECOLOGIQUE 42
PARAGRAPHE.I: L'ATTITUDE DES ETATS OCCIDENTAUX
43
A-LA "MISE EN ACCUSATION" DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
44
B- SON "ENROLEMENT" PAR L'OCCIDENT 46
PARAGRAPHE II: LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GROUPE DE
LA
BANQUE MONDIALE 47
A-RECONNAISSANCE PAR LA BANQUE DES IMPACTS NEGATIFS DE SES
PROJETS
SUR L'ENVIRONNEMENT 48
B-LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT COMME NOUVELLE
CONDITIONNALITE DES PRETS DE LA BANQUE 50
SECTION II : L'ADHESION DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
AU
DEVELOPPEMENT DURABLE 53
PARAGRAPHE I:LES REFLEXIONS AFRICAINES SUR
L'ENVIRONNEMENT 53
A-LA CONFERENCE DES MINISTRES AFRICAINS POUR L'ENVIRONNEMENT
ET LA
CONVENTION DE LOME IV 54
B-LE PROCESSUS D'ELABORATION ET D'EXECUTION DES PLANS
NATIONAUX
D'ACTIONS POUR L'ENVIRONNEMENT (PNAE) 58
PARAGRAPHE II: LA CONFERENCE DE RIO DE JANEIRO
65
A- L'ADHESION PAR LA PARTICIPATION 66
B- LA PORTEE DES CONVENTIONS 67
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 68
DEUXIEME PARTIE: LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE: UNE
MISE EN OEUVRE
PROBLEMATIQUE 70
PREMIER CHAPITRE: LES FREINS AU DEVELOPPEMENT DURABLE
72
SECTION I: LES FREINS ENDOGENES 73
PARAGRAPHE I : L'OBSESSION DU COURT TERME
73
A-LA TOTALE DEPENDANCE DES ETATS AFRICAINS AUX
RESSOURCES
NATURELLES 73
B-PAUVRETE ET ENVIRONNEMENT 75
PARAGRAPHE II: LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET LES
PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES 79
A-LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE VERTIGINEUSE 80
B-LES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES 84
PARAGRAPHE III: LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE
86
SECTION II: LES FREINS EXOGENES 87
PARAGRAPHE I: LE POIDS DE LA DETTE ET LES
CONSEQUENCES
IMMEDIATES DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL
87
A-LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE ET L'ENVIRONNEMENT
88
B-LES EFFETS DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR
L'ENVIRONNEMENT (PAS) 90
PARAGRAPHE II: LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES
POLLUANTES
ET L'INCAPACITE D'ACCES DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES
PROPRES 93
A-LA MIGRATION VERS L'AFRIQUE D'INDUSTRIES POLLUANTES
94
B- L'INACCESSIBILITE DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES NON
POLLUANTES 97
PARAGRAPHE III : L'ACTE FINAL DE L'URUGUAY ET
L'ENVIRONNEMENT 100
CHAPITRE II : LE PLAN D'ACTION DE RIO A L'EPREUVE DE
L'AFRIQUE 104
SECTION I: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES SUR
LE
PLAN INSTITUTIONNEL 105
PARAGRAPHE I : LA CREATION DE LA COMMISSION DU
DEVELOPPEMEN DURABLE 106
PARAGRAPHE II: LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR LA
LUTTE
CONTRE LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE
109
PARAGRAPHE III: LA CONFERENCE MONDIALE SUR LA
DEMOGRAPHIE ET LE LA CONFERENCE SUR LE DEVELOPPEMENT
SOCIAL 112
A- LA CONFERENCE DU CAIRE 113
B-LE SOMMET DE COPENHAGUE: PROCESSUS DE LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE 115
SECTION II: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES, DES ONG ET DES
GOUVERNEMENTS SUR LE PLAN PRATIQUE 117
PARAGRAPHE I : LE FEM, LE
PNUD, LE PNUE, LA BANQUE
MONDIALE ET L'AFRIQUE 118
PARAGRAPHE II: LES ONG, LES GOUVERNEMENTS ET L'AGENDA
21 124
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
.128
CONCLUSION GENERALE 130
ANNEXES: 134
BIBLIOGRAPHIE 139
Depuis trois décennies, les questions de
développement n'ont cessé d'être la préoccupation
majeure des Etats africains. Ceux-ci ont fait du droit au développement
leur principale revendication au point où ces questions ont le plus
souvent entraîné de grandes divisions entre le Nord et le Sud. Les
débats au sein de l'Assemblée générale et de la
C.N.U.C.E.D sont maintes fois cités en exemple pour illustrer ces
antagonismes. Ainsi, lorsqu'on y faisait allusion à ces questions,
particulièrement dans les années 70 et 80, il s'érigeait
de façon quasi automatique des stratifications d'intérêts
du genre "groupe de 77" et le groupement des pays développés.
Mais à présent, les problèmes de
développement et de ses effets sur l'environnement apparaissent
très importants et indissociables tant au Nord qu'au Sud*.
Ainsi, on assiste à une certaine convergence d'objectifs et de
volontés d'agir au point d'inhumer les vieilles querelles d'autrefois.
En effet, les atteintes dont est victime notre planète à cette
fin de siècle ne laissent indifférents les Etats de tous les
horizons. La majorité des Etats sont d'avis que si rien n'est fait nous
nous dirigerons vers l'irréversibilité, c'est-à-dire vers
une catastrophe écologique. Car de plus en plus les maux dont souffre la
terre ne font que se multiplier et prendre de l'ampleur. Dans ce triste
catalogue, on a l'habitude de citer la dégradation de la couche d'ozone,
les pluies acides, la multiplicité des catastrophes localisées
dues à l'action de l'homme sur l'environnement et l'explosion de la
pauvreté dans le monde...
Ce sont à la fois le modèle de
développement du Nord, fondé sur la croissance économique
et l'industrialisation, et de façon moindre l'utilisation dont les pays
en développement font de leurs ressources, qui sont à l'origine
de ces distorsions qui se résument en une crise économique,
écologique et à la grande disparité entre pays en
développement et pays développés.
Cette mise en cause du développement devait aboutir
à une sorte de conjuration magique de ses effets négatifs, qui
consiste à lui ajouter de nouveaux qualificatifs. Ainsi a t-on
parlé de développement intégré, de
développement équilibré, de développement humain,
de développement humain durable etc. Le développement durable
comme nous le verrons fait partie de cette suite d'innovation conceptuelle
visant à faire entrer une part de rêve dans cette dure
réalité de la croissance économique(1).
Mais par le passé, le rapport du Club de Rome (1970),
intitulé Halte à la croissance avait déjà
stigmatisé les atteintes de l'environnement par la croissance. Ce
rapport adressait un précieux avertissement à la
communauté internationale en ce qui concerne le danger qu'encourait la
planète terre, notamment au sujet de l'épuisement des ressources
naturelles non renouvelables. Cependant, les déclarations de certains
auteurs tel que le prix Nobel de l'économie, M. Robert SOLOW ont
atténué les angoisses et la prise de conscience suscitées
par le rapport du Club de Rome. En effet selon Robert SOLOW, "le souci
ancien au sujet de l'épuisement des ressources naturelles ne repose plus
sur aucune base théorique". Et,
à lui de préciser encore que "il est facile de
substituer d'autres facteurs aux ressources naturelles. Aussi, n'y a t - il en
principe aucun problème. Le monde peut, en effet, continuer sans
ressources naturelles, ainsi l'épuisement de celles-ci est tout juste
une
péripétie, non une catastrophe".
Toutefois, le rapport a eu un grand effet sur le plan international. La
tenue en 1972 de la conférence mondiale sur l'environnement
humain à Stockholm sous l'égide des Nations unies est l'un
de ses effets immédiats.
Plusieurs conventions et institutions internationales devaient
voir le jour à cette époque. Il en a été ainsi de
l'UICN, de la convention sur la prévention de la pollution des mers
résultant de l'immersion des déchets et autres matières
(29 Déc 1972), de la convention de Washington de 1973 sur la
conservation des espèces de faune et de flore menacées
d'extinction (CITIES), de la déclaration de Cocoyoc issue du symposium
du PNUE/CNUCED (Mexique 1974) etc. Diverses autres institutions devaient
être créées au cours de la seconde période: il
s'agit du P.N.U.D, et bien d'autres. Cette période était aussi
l'occasion du renforcement du droit international de l'environnement avec
l'adoption en 1982 de la convention de Montégo Bay et de la convention
de Vienne pour la protection de la couche d'ozone (22 Mai 1985).
Malgré toutes ces stratégies de sauvegarde de
l'environnement mondial sur le plan institutionnel particulièrement, la
dégradation de la planète n'a cessé d'inquiéter ses
citoyens. Car en dehors des phénomènes de déforestation,
de désertification et de l'effet de serre, on continue d'assister
à plusieurs catastrophes, exemples, l'accident de Tchernobyl de 1986,
l'incendie des puits de pétrole au Koweït pendant la guerre du
Golfe (1991), la fuite de gaz toxiques à Bhopal en 1984, la marée
noire en Alaska en 1989, le recul de la mer d'Aral, et en Octobre dernier
l'explosion des pipe-lines dans la Toundra (région de Sibérie, en
Russie), qui a causé une pollution dont les conséquences sont
encore loin d'être quantifiées.
Une fois de plus, les Nations unies devaient prendre à
bras-le-corps ce problème, en s'investissant dans la promotion de
l'environnement. Ainsi a été créée la Commission
mondiale pour l'environnement et le développement en application de la
résolution 38/161, adoptée par l'Assemblée
générale à la fin de 1983, dont mission a
été donnée de faire un diagnostic et proposer des mesures
correctrices (propositions et recommandations) aux problèmes de
l'environnement mondial.
En 1987, la commission présidée par l'ancien
Ministre Norvégien de l'environnement, Madame Gro Harlem BRUNDTLAND a
publié un rapport dont le développement durable est le leitmotiv.
C'est une recommandation faite à la communauté internationale de
trouver des solutions aux problèmes actuels de
détérioration de l'environnement mondial, un nouveau
modèle de gestion innovatrice aux implications multiples: il vise un
renversement d'ordre de priorités en faveur de l'environnement, donc au
détriment de la croissance telle qu'elle s'opère actuellement au
Nord; ce qui veut dire en d'autres termes que le développement durable
suppose l'acceptation d'un certain nombre de sacrifices au niveau
économique, du moins à court terme. Mais cela n'a pas
empêché la communauté internationale et
particulièrement les Etats du Nord de plaider en sa faveur.
La conférence de Rio de Janeiro sur l'environnement et
le développement organisée sous l'égide des Nations unies
du 3 au 16 Juin 1992, a été l'occasion de la consécration
du développement durable, considéré comme le modèle
de développement que la communauté internationale s'est
accordée à mettre en oeuvre.
du développement durable par l'Afrique à
l'occasion de cette conférence sera amplement traitée. En effet,
menacée par la désertification, la déforestation, la
dégradation des sols et le manque d'eau potable, l'Afrique subsaharienne
a manifesté son adhésion au développement durable qui
s'est présenté à elle à la fois comme une
contrainte et comme une opportunité qu'elle ne devait manquer de saisir.
Comme une contrainte, dans la mesure où la conférence et les
grands donateurs ont depuis changé de logique. Car, au lieu de parler en
terme d'aide au développement, ils parlent désormais en terme de
soutien aux politiques de développement et environnement. Dans ces
conditions, comment ne pas y adhérer lorsque pendant longtemps ces Etats
sont restés dépendants de cette aide extérieure qu'ils
espèrent tant. Comme une opportunité, en ce sens que pour
certains pays d'Afrique c'est l'occasion où jamais faudrait-il profiter
du plan d'action de Rio et du FEM pour résoudre les problèmes de
l'environnement qui se posent à eux depuis des décennies.
Cependant, comme toute politique que l'occident propose au
monde, le développement durable n'est pas exempt de
préoccupations idéologiques en dehors de son intérêt
louable de protection de l'environnement mondial qu'il véhicule. Cette
teinte idéologique tient à ce que l'occident s'est servi de ce
concept et l'impose, pour renverser certaines habitudes. Il est connu de tous
qu'en matière d'aide au développement, de la coopération
pour le développement notamment, le Sud avait arraché plusieurs
victoires aux Nord, donnant ainsi à cette aide un caractère quasi
obligatoire, si bien que toutes les questions de développement au sein
de l'Assemblée générale des Nations unies et du
C.N.U.C.E.D coïncidaient à l'aide au développement.
Or, en conditionnant l'aide au développement à
la mise en oeuvre par les Etats (candidats) des plans environnementaux,
l'occident reprend le terrain perdu devant les Pays du Sud aujourd'hui
traités avec moins d'égards qu'avant,
en raison de la fin du règne du clientélisme
rendue possible par la réduction des rivalités EST/OUEST. M
Michel GAUD* note à ce propos que "la défense de
l'environnement, qui par certains aspects semble constituer une religion, est
de nature à faciliter singulièrement la tâche d'Etats qui
chercheront à maintenir ou accroître leur domination sur le monde,
de la même manière que les églises chrétiennes ont
porté la main à l'entreprise coloniale(3).
Les Etats d'Afrique subsaharienne sont foncièrement
caractérisés par le sous-développement: 90% de leurs
populations vivent au seuil de la pauvreté et 68% de ces Etats sont
parmi les P.M.A... Ce sont des pays aux balances de paiement largement
déficitaires, plus de 80% des revenus de leurs populations proviennent
de l'agriculture. En outre, cette région se distingue par un très
fort taux d'endettement dont le remboursement par année est d'environ
5,3 milliards de dollars.
Nous étudierons l'exécution par l'Afrique
subsaharienne de l'impératif de développement durable en essayant
de montrer ses chances de succès et les facteurs qui pourraient en
constituer l'obstacle. Mais avant tout, qu'est-ce que l'Afrique subsaharienne?
Est-ce une réalité sociologique, géopolitique,
économique ou simplement géographique? Il s'agit d'une
catégorisation d'Etats faite par la banque mondiale et le F.M.I pour
consacrer des études spécifiques aux problèmes les
concernant et y apporter des solutions globales. Cette catégorisation
répond plus à une réalité socio-économique
et géographique qu'à des considérations politiques. En
effet, l'Afrique subsaharienne est composée de 47 Pays du continent et
des îles proches, à l'exclusion de l'Afrique du Nord
(Algérie, Jamahiriya arabe libyenne, l'Egypte, le Maroc, et la Tunisie)
et de l'Afrique du sud. Elle est donc à tout point de vue et
* Rédacteur en chef de la revue Afrique contemporaine.
(3) Environnement, développement et
coopération: quelques réflexions, in Afrique
contemporaine, Janvier-Mars 1992, n°161, page 264.
particulièrement à cause de sa
précarité, la région au monde qui nécessite une
attention particulière, un véritable plan de développement
(au sens du rapport du P.N.U.D), c'est-à-dire un développement
qui répond aux indicateurs de niveau économique, social,
éducatif et des libertés politiques* .
Or, la voie du développement durable à laquelle
s'engage l'Afrique subsaharienne exige d'énormes coûts financiers
et sociaux. Si pour les Pays du Nord le développement durable qui
implique l'harmonisation du développement et de l'environnement peut
être mis en oeuvre avec moins de difficulté, vu le degré de
développement déjà atteint, il en va autrement pour les
Etats d'Afrique au sud du Sahara. Pour ceux-ci, la mise en oeuvre du
développement durable conduit à deux conséquences
fâcheuses: à l'autolimitation de l'industrialisation d'une part,
et de l'autre, à la subsidiarisation des problèmes de
développement économique derrière la nouvelle mode
environnementale, plus précisément au transfert de l'aide
internationale vers la lutte contre la pollution. Ce qui n'est pas une
sinécure pour cette région dont le bilan vient d'être
dressé. C'est là tout le problème de
l'ambiguïté de l'application du concept en Afrique qui est ainsi
posé.
Par le passé, le principe pour les Etats du tiers-monde
était:"nous devons d'abord nous développer ensuite
aurons-nous le temps de nous préoccuper de l'environnement".
Aujourd'hui, pour des raisons diverses que nous venons d'évoquer et
qui seront étayées dans les lignes qui vont suivre, les pays en
développement et particulièrement ceux d'Afrique subsaharienne
ont choisi de concilier le développement et l'environnement.
Mais au vu de tout ce que nous venons de dire à propos de
cette région, plusieurs questions méritent d'être
posées. En effet, quoique louable et
* PNUD, Rapport sur le développement humain,
1994
solidaire à la communauté internationale soit
l'engagement de l'Afrique subsaharienne pour le développement durable,
cette région semble trouver sur son chemin des obstacles à sa
mise en oeuvre. L'Afrique peut-elle mettre en oeuvre ce modèle de
développement sans succomber davantage? Ne s'embarque t-elle pas comme
par le passé (lors des choix idéologiques) dans une nouvelle
aventure qui lui causera beaucoup de torts? Ne faut-il pas qu'elle prenne un
peu de recul pour analyser de fond en comble ce modèle qui lui est
présenté? Les engagements financiers de la communauté
internationale à Rio visant à faire face à ce grand
changement d'objectifs peuvent-ils réellement servir de gage suffisant
pour que l'Afrique subsaharienne parvienne au développement durable?
Cette dernière question nous servira de fil conducteur tout au long de
notre exposé, car d'elle dépend en grande partie l'aboutissement
des engagements de la conférence de Rio.
Nous avons choisi d'étudier le cas spécifique de
l'Afrique subsaharienne pour plusieurs raisons. La première et non la
moindre est que l'engagement de l'Afrique sur plusieurs fronts au cours d'une
même période nous a permis de nous interroger sur ses chances de
succès. En effet, au même moment que l'Afrique subsaharienne se
démocratise, elle applique des programmes d'ajustement structurel
(imposés) et le développement durable, trois processus
onéreux (financièrement et socialement) dans un contexte de crise
financière, économique, sociale et monétaire.
La seconde, complémentaire de la première
relève de l'actualité. La situation de l'Afrique est très
préoccupante aujourd'hui encore plus qu'hier. Elle s'annonce
catastrophique pour demain si les tendances actuelles sont laissées
à elles-mêmes ou si seulement des demi-mesures sont mises en
oeuvre. Depuis quelque temps, l'on ne cesse de faire état de la
marginalisation économique de l'Afrique au sud du sahara. Mettre le
continent noir à l'aune du
développement durable est à notre avis une
entreprise qui permettra de mieux en appréhender le sort
véritable.
Dans notre analyse, nous n'aborderons pas la question
intéressante des enjeux de la conférence de Rio qui est du reste
le dernier "promoteur" du développement durable. Cette question vaut en
elle même un thème dont l'analyse dépasse le cadre
restreint de notre propos. Toutefois, nous ferons état de quelques
aspects de ces enjeux lorsque nous traiterons de la demande faite par l'Afrique
à la conférence pour que soit adoptée une convention sur
la désertification.
Par ailleurs, nous examinerons l'émergence du concept -
ce qui va de soit -, les différentes étapes au cours desquelles
l'Afrique a manifesté son adhésion au développement
durable (Ière Partie), puis les obstacles
rencontrés par les Etats concernés et par la communauté
internationale, en ce qui concerne la mise en oeuvre du plan d'action de Rio de
Janeiro (IIème Partie). Cette démarche
présente à la fois le mérite d'exposer les mobiles
profonds de l'engagement africain et celui de mettre en évidence les
chances de succès et les limites des différents P.N.A.E. (Plans
nationaux d'actions pour l'environnement) et du plan d'action de Rio, afin
qu'à l'avenir toutes difficultés soient palliées et que le
développement durable cesse d'être un simple slogan mais devienne
une réalité en Afrique.
Pour ce faire, nous privilégierons principalement deux
approches, l'une sociologique et l'autre systémique. La première,
pour mieux comprendre le rôle, les pouvoirs et les comportements des
acteurs sociaux vis à vis de leurs milieux et de leur utilisation des
ressources naturelles. La seconde en revanche nous permettra d'examiner cette
région d'Afrique dans son état, c'est-à-dire
comme un ensemble avec ses variantes, mais un ensemble plus
exposé aux forces extérieures qu'il n'en influe.
PREMIERE PARTIE :
L'EMERGENCE DU CONCEPT DE
DEVELOPPEMENT
DURABLE
Comme toutes les théories relevant de la pensée
économique, le développement durable a connu tout un long
processus avant d'être systématisé et accepté, par
la communauté internationale comme le modèle de
développement de ce siècle finissant et à venir.
Trois périodes permettent de retracer de façon
précise son émergence. Il y a les années 70 avec la
conférence de Stockholm, les années 80 avec le rapport BRUNDTLAND
et enfin l'année 1992 qui était l'occasion pour le concept de
connaître la grande consécration au travers la conférence
de Rio de Janeiro (Ier chapitre).
Au cours de son émergence, il a connu (et connaît
encore dans certaines régions) la résistance du modèle de
développement occidental (IIème chapitre).
PREMIER CHAPITRE :
LES ORIGINES ET SENS DU CONCEPT.
Lorsqu'on parle du développement durable l'on a
l'habitude de faire uniquement allusion à la conférence de Rio,
oubliant que ce concept a une histoire, celle que nous venons de résumer
en trois étapes. C'est cette évolution que nous essayerons de
retracer dans ce présent chapitre (I). En plus, nous aborderons
l'importante question du contenu du concept car, c'est de celui-ci qu'il tire
tout son sens et toute sa valeur (II)
SECTION: I LES ORIGINES DU CONCEPT.
Le développement durable est à la fois un
concept ancien et nouveau. Il est ancien dans la mesure où,
déjà du point de vue de ses implications il a été
mis en avant mais sans succès. Dans ce sens, nous pouvons nous
référer aux travaux de la conférence de Stockholm
(conférence mondiale sur l'environnement humain, du 5 au 16 Juin 1972)
qui en a élaboré l'ébauche.
Le caractère nouveau du concept tient en revanche
à la nouvelle appellation de ce qui était entendu comme une
gestion judicieuse de l'environnement par la croissance, mais aussi aux
mécanismes pratiques mis en places pour sa réalisation effective.
En effet, la médiatisation fort poussée du concept lui donne un
caractère foncièrement nouveau. Ainsi, les travaux de la
commission mondiale pour l'environnement et le développement,
présidée par Madame Gro Harlem BRUNDTLAND et la conférence
de Rio de Juin
1992 devaient permettre au concept d'avoir une audience
beaucoup plus grande. L'on a pu donc dire à cet effet que le rapport
BRUNDTLAND a présenté officiellement à l'ensemble des Pays
le concept de développement durable.
PARAGRAPHE I : LA CONFERENCE DE STOCKHOLM: UNE
ORIGINE
LOINTAINE DU CONCEPT.
Nous allons partir de la conférence de Stockholm parce
que du point de vue de l'organisation, de la participation et de la
qualité des débats, Stockholm reste le plus grand moment des
années 70 en matière de la relation
environnement-développement. Ainsi nous n'allons pas nous appesantir sur
certains événements tels que la grande réunion de Founex,
convoquée en 1971 qui a donné lieu au rapport dit de Founex dont
le succès (en matière de recommandations faites) a
été emporté par l'euphorie d'après Stockholm.
Deux traits caractérisent la conférence de
Stockholm, il y a d'abord le fait qu'elle est l'expression d'une volonté
de la communauté internationale de rompre avec les pratiques du
passé, en plus d'elle est née l'idée de trouver un nouveau
modèle de développement qui prendrait la relève de celui
qui est né avec l'industrialisation.
A -LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE DES
QUESTIONS DE L'ENVIRONNEMENT
Au cours des années 70, l'environnement était
déjà devenu une question préoccupante des Etats et des
citoyens du monde. Une attention particulière était portée
sur la conjonction Environnement - Développement - Démographie.
Plusieurs penseurs faisaient état à court terme d'une crise de
ressources naturelles non renouvelables qui aurait pour vecteurs la croissance
élevée, autrement appelée croissance sauvage et
l'expansion démographique incontrôlée de la planète.
Ce taux de croissance fort élevé de la population de la
planète et le développement industriel entraînaient
d'importantes pollutions et nuisances, affectant ainsi eaux, airs, sols, flore,
faune.
C'est dans ce contexte que se tînt la conférence
de Stockholm qui avait pour objectif, d'harmoniser le développement et
l'environnement, afin que celui-ci ne soit plus la victime du premier, et que
l'environnement humain en perpétuelle dégradation soit
sauvegardé.
Cette conférence fut malheureusement l'occasion d'une
farouche opposition, principalement entre le Nord et le Sud, à propos du
modèle de développement qui devait être suivi. A
l'époque, en dehors de la petite frange des pays du Nord qui trouvaient
en cette harmonisation une sorte de coup d'arrêt à la croissance,
la majorité y était résolue. Pour d'autres au Sud,
l'important était au contraire de reproduire le modèle de
développement du Nord afin de s'enrichir, les problèmes de
l'environnement ou sociaux ne devant être pris en compte qu'une fois
l'opulence acquise. Telle est encore la position de la Chine. Enfin, selon une
troisième voie, le souci de l'environnement n'était pas
contradictoire avec le développement - ce que le rapport BRUNDTLAND et
la conférence de Rio viennent de faire admettre à
la communauté internationale- tout dépend selon
eux de ce développement et des moyens mis en oeuvre pour le promouvoir.
Malgré ces contradictions, les débats ont abouti à
l'adoption d'une déclaration en faveur de la protection de
l'environnement humain.
Aujourd'hui, en dehors de ce qu'on qualifie de consensus sur
l'environnement, le débat sur le développement durable fait
remonter en surface ces antagonismes. En fait, de très près, les
principes posés à Stockholm ressemblent à ceux qui
régissent le nouveau concept de développement durable. M. Ignacy
SACHS* a pu dire à ce propos que « la problématique
posée aujourd'hui me rappelle un peu le climat d'avant Stockholm,
lorsque l'on se demandait s'il était possible d'harmoniser le
développement avec une meilleure gestion de
l'environnement"(1) Mais toutefois, il faut dire que ce qui
change en réalité, entre le climat actuel et celui de Stockholm,
ce n'est pas la problématique qui est restée la même, mais
au contraire les rapports de force au sein de la communauté
internationale devenus très déséquilibrés qu'ils ne
l'étaient auparavant à Stockholm. Lorsque le Nord proposa au Sud
le nouveau modèle de gestion économique très favorable
à la protection des ressources naturelles, celui-ci à quelques
exceptions près n'eut pas de mal à s'y opposer comme nous l'avons
notifié plus haut, cette réaction étant permise par
l'interdépendance qui régissait les rapports d'alors: le Sud
présentait encore un intérêt pour l'occident. Cependant,
lorsque s'est posée la question du développement durable,
l'occident s'octroyant désormais une certaine hégémonie en
la matière, lui a fait accepter au moyen des armes qui sont les
(1) Débat sur l'environnement,
développemente et coopération,
présidé par M Edgard PISANI (président de l'institut du
monde arabe), Evénément européen, sept 93, P 262.
(*)Directeur du Centre de recherche sur l'environnement et le
développement, à la maison des sciences de l'homme à
Paris,directeur d'études à l'EHESS depuis 1968, dirige le centre
de recherches sur le brésil contemporain. Ila été
consiller spécial auprès de M Maurice Strong, secrétaire
général de la CNUCED, participant à toutes les
conférence de la CNUCED: de la réunion de Founex à la
conférence de Rio.
siennes (armes économique et financière) la
nouvelle gestion de l'environnement.
Si les suites de la conférence de Stockholm n'ont pas
été très satisfaisantes, exception faite aux conventions
qui ont pu être signées, elle eut quand même le
mérite d'avoir engendré certaines constructions ou paradigmes
économiques qui ont abouti à celui du développement
durable.
B -LE PROCESSUS DE MISE EN FORME DU CONCEPT
Malgré la polémique née du débat
Nord/Sud ou plutôt pays industrialisés et ceux appelés par
pudeur pays en développement, la conférence s'est quand
même accordée sur ce que la protection et l'amélioration de
l'environnement humain est une question d'importance majeure et qu'il faille
à ce titre veiller à ce que les populations et l'environnement
dans le monde ne soient plus affectés par le développement
économique.
Ce fut l'occasion de l'émergence du concept
d'écodéveloppement qui se voulait une stratégie
du développement fondée sur une gestion judicieuse des ressources
locales, et du savoir faire paysan applicable aux zones rurales et au monde
entier.
Si ce concept n'a pu faire fortune ou a connu des
difficultés pour sa mise en oeuvre, cela était dû au
désaccord qui a précédé son élaboration. Il
y avait une sorte d'absence de consensus autour de lui. Mais à
présent, le fil des années vient de renverser l'ordonnance des
choses. En effet, le développement durable qui est une «version
réactualisée» de l'écodéveloppement requiert
de plus en plus d'audience.
Du point de vue de son contenu le développement durable
tire ses origines de la conférence de Stockholm. Plusieurs
éléments attestent suffisamment ce propos. Pour s'en convaincre,
nous allons citer deux principes de la déclaration de la
conférence. Le premier dit que: «L'homme a un droit fondamental
à la liberté, à l'égalité et à des
conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité
lui permet de vivre dans la dignité et le bien être. Il a le
devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour
les générations présentes et futures...» Pour le
second principe, «Les ressources du globe, y compris l'air, l'eau, la
terre, la flore, la faune et particulièrement les échantillons
représentatifs des écosystèmes naturels doivent être
préservés dans l'intérêt des
générations présentes et à venir par une
planification ou une gestion attentive selon que de besoin". On retrouve
dans ces deux principes le maillon important de la définition du
développement durable proposée par le rapport BRUNDTLAND,
c'est-à-dire, «un développement qui répond aux
besoins des générations présentes sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux
leurs".(2) Ceci étant dit, on peut conclure que
le développement durable, dans ses implications notamment, est un
paradigme ancien qui n'était pas réellement appliqué en
raison des intérêts égoïstes des Etats. Nous pouvons
retrouver cette déduction dans les propos de M. Ignacy SACHS:"La
conceptualisation de l'écodéveloppement a surtout
été élaborée au cours des années 71-75, et
le rapport Brundtland n'a pas apporté d'idées très
neuves".(3) Toutefois, le rapport BRUNDTLAND et la
conférence de Rio de Janeiro de Juin 1992 auront le mérite de le
faire revivre tout en l'étayant et lui conférant des aspects
multidimensionnels qui lui permettent aujourd'hui d'occuper le devant de la
scène internationale. On a pu ainsi parler des origines récentes
du développement durable.
(2) Notre avenir à tous,
Commission mondiale pour l'environnement et le
développement, édition du fleuve, publications du Quebec, 1987,
Page 10.
(3) Le développement
reconsidéré : in revue du tiers monde , n°134
, Page 59.
PARAGRAPHE II: LE RAPPORT BRUNDTLAND: L'ORIGINE
RECENTE
Ce rapport qui est une véritable plaidoirie pour
l'harmonisation de l'environnement avec le développement est le produit
d'une époque en détresse, celle qui part des années 80.
Nous allons consacrer son étude en raison de l'effort de
systématisation du concept de développement durable qu'il a eu le
mérite de faire.
A-LE CONTEXTE DU RAPPORT
Malgré les grandes recommandations faites à
Stockholm, et les réalisations qui se sont suivies (création du
PNUE, signature de plusieurs conventions de protection de l'environnement), la
dégradation de la planète terre n'a cessé
d'inquiéter plus d'une personne. A la tendance à
l'épuisement des ressources naturelles non renouvelables (objet
essentiel de la conférence de Stockholm), se sont ajoutés les
problèmes de production et de traitement de déchets industriels,
des catastrophes naturelles, de la forte croissance démographique et la
pauvreté dans le monde; ce qui a posé à nouveau le
problème de modèle de développement fiable à
même de préserver l'humanité de tous ces maux. C'est dans
ce contexte de pression et de prédictions pessimistes sur l'avenir de
l'humanité qu'a été créée en 1983, la
commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED),
dont la présidence et la vice-présidence étaient
confiées respectivement à Mm Gro Harlem BRUNDTLAND* et
au Soudanais* Mansour KHALID. Cette commission devait proposer des
stratégies environnementales à long terme. Elle devait aussi
faire des recommandations en ce qui concerne les moyens de sauvegarder
l'environnement grâce à une meilleure coopération entre
les
* Aujourd'hui premier ministre Norvégien.
*Vice-premier ministre (1976), ministre de
l'éducation (75-76), Président du conseil de
sécurité de l'ONU...
Nations en développement et les pays à divers
niveaux de développement économique et social, pour atteindre des
objectifs communs, tout en prenant en considération les relations entre
les peuples, les ressources, l'environnement et le
développement.(4)
Le concept de développement durable (traduction
française de sustainable development), fruit des recherches de la CMED,
a été présenté par le rapport comme ce
modèle qui devait préserver l'environnement humain. L'idée
de ce modèle de développement résulte des tentatives
visant à souligner l'interdépendance entre la croissance
économique et la qualité de la vie, c'est à dire la prise
en compte du facteur environnement dans les objectifs économiques. C'est
donc la CMED qui pour la première fois a systématisé ce
concept qui, contrairement à celui d'éco-développement est
dans ses implications multidimensionnel et inscrit le développement dans
le long terme.
B-LA SYSTEMATISATION DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
DURABLE.
Le rapport produit par la CMED est une stratégie
écologique mondiale à long terme. Ce qui fait son
originalité c'est cette capacité de persuasion dont ont fait
preuve ses auteurs pour convaincre les citoyens de la planète terre que
l'on pouvait rendre compatible le développement avec l'environnement,
afin d'aboutir au développement durable. Le rapport repose sur trois
idées forces suivantes: la possibilité de promouvoir y compris
dans les pays en développement une nouvelle ère de croissance
économique s'appuyant sur les politiques ménageant à long
terme les bases de ressources naturelles dont dépend le
développement; l'urgence de fonder ces politiques sur la notion de
(4) Notre avenir à tous, ibdem
développement durable; la nécessité d'une
évolution démographique et de la croissance "en harmonie avec le
potentiel productif de l'écosystème", en mettant en
évidence les interrelations entre divers domaine - population,
sécurité alimentaire, préservation des
écosystèmes, énergie, industrie, urbanisation-, tout en
soulignant les conséquences négatives des stratégies
"traditionnelles"de développement...(5)
On comprend dès lors que le concept de
développement durable est la résultante de plusieurs critiques
faites par la communauté internationale et par la CMED, notamment
à l'endroit du développement ou croissance économique. En
d'autres termes, les limites du modèle de développement
"traditionnel"ont amené la CMED à mettre au point un paradigme de
développement adapté à la crise actuelle.
Si nous suivons Gilles Gaston GRANGER(6), selon
lequel les progrès en sciences économiques se produisent lorsque
est pris en considération un phénomène social nouveau ou
lorsque est appliquée une nouvelle méthode de pensée
à des phénomènes déjà connus, alors le
concept de développement durable se prête parfaitement à
une telle investigation. Car elle résulte d'une part, de la prise en
compte de la crise multidimensionnelle que connaît le monde depuis une
décennie et de l'autre, du fait que la gestion de l'environnement dans
la perspective du développement apparaît comme un impératif
nouveau dont la prise en considération a rendu caduc d'anciens
schémas de pensées, au profit de nouveaux raisonnements et
indicateurs.
(5) Pierre WEISS, Les relations internationales,
travaux dirigés, Eyrolles, Paris,1993, Page 231.
(6) Epistémologie économique, encyclopédie
économique, Economica, Paris, 1990, et cité par HARRIBEY
Marie,(partcipante à la conférence de Rio) in mémoire de
DEA:Le concept de développement durable,
science économique, Bordeaux, 1993, page 20.
C'est de cette façon que s'est enrichi le
répertoire des paradigmes économiques. Il en est ainsi de la
création de celui de développement, qui est apparu afin de
décrire un autre phénomène dont l'ampleur fut grande
après la deuxième guerre mondiale: le sous-développement.
A ce propos, la plupart des historiens de la pensée économique
s'accordent à dire que l'usage du concept de développement s'est
répandu pour rendre compte du sous-développement
(réalité sociologique).
De même aujourd'hui, tous les modèles de
développement sont en crise, tous les rêves d'autrefois permis par
la croissance et l'expansion industrielle des années 50 sont
actuellement désuets face à la croissance de la pauvreté
dans le monde et aux atteintes à l'environnement et à la
santé des populations, on parle désormais du mal
développement.
Ceux sont là les raisons qui ont poussé la
commission BRUNDTLAND à mettre au point un autre modèle qui
au-delà de ce que l'on peut penser à priori, exige beaucoup de
sacrifices pour sa mise en oeuvre et beaucoup de lucidité pour
appréhender ses contours.
Il exige d'énormes sacrifices parce qu'il s'agit d'une
remise en cause de mauvaises pratiques de production et de consommation actuels
qui ont généré quelques profits à certains Etats
(notamment du nord) et dont une frange d'Etats en développement ne
veulent s'en départir, voulant par cette voie faire à leur tour
un bond dans le concert des Etats nouvellement développés. A
l'échelle mondiale, il s'agit d'une véritable réforme tant
théorique que pratique.(7)
(7) Nick ROBINS, Impératif
écologiue, édition Calman Lévy, 1992, page
325.
Parlant de sacrifices et faisant allusion au
développement durable, J F NOËL et Sylvie FAUCHEUX ont
été amenés à dire que "quelles que soient les
stratégies passives adaptatives ou préventives adoptées
pour remédier à ces menaces sur l'environnement, le
développement fait figure de perdant"(8) C'est ce que
redoutent bon nombre d'Etats en développement et certains Etats
développés, tels les Etats unis intransigeants sur la question de
la réduction des émissions de gaz à effets de serre.
Par ailleurs, l'oeuvre de systématisation du concept de
développement durable par le CMED n'a pas été faite de
façon à rendre le concept clair, afin de permettre une
interprétation tant soit peu unanime de ses implications et de son
contenu. Tout le problème de sa mise en oeuvre est ainsi posé.
Les débats occasionnés par la conférence
de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement (Juin 1992) et
les manifestations annexes de celle-ci, notamment le forum global des ONG
et la conférence du business council for sustainable development,
ont démontré que le travail d'élucidation est encore
balbutiant ou tout au moins n'a pas gagné les milieux qui se
réclament du développement durable. Il en est de même des
interviews accordées par diverses personnalités
scientifiques.(9)
L'examen approfondi du concept présentera plus
d'éléments au soutien de ce constat
(8) Les menaces globales sur l'environnement,
édition la découverte, 1990
(9) Marie HARRIBEY Op cit, page 20
SECTION II: CONTENU ET IMPLICATIONS DU CONCEPT
Le concept de développement durable faute de n'avoir
été bien systématisé par ses promoteurs et ses
défenseurs ne présente pas un contenu précis et stable.
Pour ne parler que du rapport BRUNDTLAND, celui-ci renferme près de six
définitions. Certains groupes d'intérêt qui adhèrent
au concept lui confèrent quelquefois un sens qui est loin d'être
celui défendu dans le rapport.
S'agissant des implications nous pouvons dire que les
mêmes causes ont donné les mêmes effets. En outre, il y a
tellement d'implications qu'on arrive à se demander si chaque Etat
soucieux d'opter pour un développement durable aura les moyens d'en
faire une application effective.
PARAGRAPHE I: LE CONTENU DU CONCEPT
Parvenir à une définition de
développement durable qui serait acceptée par tous, reste un
défi que se doivent de relever tous ceux qui sont engagés dans le
processus de développement. En effet, ce concept a fait l'objet de tout
un foisonnement d'interprétations. J PEZZEY(10) dans son
ouvrage intitulé Economic analysis of sustainable development,
a recensé plus de soixante définitions du concept dans la
littérature économique contre six dans le rapport de la CMED. De
ce fait le concept apparaît donc à la fois iou et peu convainquant
car la multiplicité de définitions ouvre le champ à qui le
veut de faire une interprétation du concept allant dans le sens de ses
propres intérêts,
(10) Economic analysis of sustainable
development, the world bank, Mars 1989,
laissant entrevoir quelques fois des visés
idéologiques dont est porteur le concept.
A- LE PROBLEME DE LA MULTIPLICITE D'INTERPRETATIONS
Pendant que les Etats parvenaient difficilement à jeter
les bases d'une négociation mondiale (à l'occasion de la
conférence de Rio), le monde des entreprises se saisissait du concept de
développement durable pour baliser le terrain et influencer le contenu
même des discussions. Regroupés autour de M. Stephan SCHMIDHIENY,
conseiller de M. STRONG, le business council for sustainable development,
composé de 50 chefs de grandes entreprises a mené depuis 1990 une
réflexion qui a abouti à la publication d'un manifeste
présenté publiquement à Rio de Janeiro le 29 Mai 1992,
c'est-à-dire quelques jours avant l'ouverture de la conférence:
Changer de cap, réconcilier le développement de l'entreprise
et la protection de l'environnement, Dunod, Paris, 1992. Cet ouvrage se
propose de préciser le contenu d'un développement durable et de
faire connaître les nombreuses actions déjà menées
par les industriels pour préserver l'environnement(11).
La lecture de cet ouvrage nous a permis de déduire
qu'il s'agit à la fois d'une adhésion au développement
durable et une tentative d'édulcoration de ce concept. En effet, sans
ambiguïté le BCSD déclare "En tant que dirigeants
d'entreprises, nous adhérons au concept de développement durable,
celui qui permettra de répondre au besoin de l'humanité sans
compromettre les chances des générations futures". On
retrouve la définition officielle ainsi que les
présupposés de celle-ci; cette définition démontre
le caractère indissociable de la croissance économique et
l'impératif de sauvegarde de l'environnement.
(11) HARRIBEY Marie, op cit, page 172.
L'édulcoration du concept vient de ce que la vision
patronale tente d'esquisser une nouvelle éthique vis à vis de
l'environnement, mais elle manque en fait son objectif, parce qu'elle
réduit le contenu du concept et se livre à un véritable
plaidoyer en faveur du libéralisme. Le sous titre du manifeste du BCSD
est évocateur: réconcilier le développement de
l'entreprise et la protection de l'environnement. On remarque que la prise en
compte de cette réconciliation prime celle de l'environnement et du
développement des pauvres(12).
Cette démonstration nous permet de comprendre
jusqu'à quel point la multiplicité des définitions du
concept de développement durable peut conduire à en
atténuer le contenu même.
Au stade actuel des débats, le concept paraît iou
et peu convainquant, nous l'avons dit, car dans la multiplicité des
définitions que nous avons évoquées se profilent plusieurs
catégories d'acceptions. Ainsi, on peut se permettre de dire que le
concept de développement durable présente une vision
"écocentrée" et "anthropocentrée"; suivant qu'elles se
donnent pour objectif essentiel la protection de la vie en
général (et donc de tous les êtres, du moins ceux qui ne
sont pas encore condamnés) ou le bien être de
l'homme.(13) Cette divergence prouve à suffisance la
difficulté des références conceptuelles
proposées.
Cependant, en dehors des difficultés nées de la
multiplicité des définitions, on peut toutefois admettre qu'une
analyse minutieuse de ces définitions laisse entrevoir le plus souvent
une certaine convergence, notamment par rapport aux droits des
générations futures, donc du principe de
(12) ibdem,
(13) Christian COMELIAU, Développement du
développement durable, ou bloccage conceptuel? revue tiers
monde, n°137, 1994, page 61
la protection de l'environnement. C'est pour cette raison que
nous allons nous appesantir uniquement sur la définition officielle du
rapport BRUNDTLAND, c'est-à-dire un développement qui
répond aux besoins des générations du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs.
Mais au-delà de ce qui vient d'être dit, le
développement durable ne renferme t-il pas un autre sens? Est-il
réellement le résultat d'un monde dont la prise de conscience des
questions de l'environnement se doit de primer tant d'autres? Nous tenterons de
répondre à ces questions, mais déjà, et sans
ambiguïté nous pensons qu'au-delà de ses visées
environnementalistes pour lesquelles plusieurs défenseurs de la nature
continuent à se battre et à y consacrer leur temps et leur
énergie, le développement durable renferme des intentions
idéologiques.
B- LES VISEES IDEOLOGIQUES DU CONCEPT DE
DEVELOPPEMENT DURABLE
Selon Serge LATOUCHE, Le développement durable est le
dernier gadget idéologique de l'occident(14). Pour le
comprendre, il suffit de se demander si c'est l'environnement ou le
développement qu'il s'agit de rendre durable. De cette question
naît déjà un certain doute dans l'esprit de qui veut
comprendre l'autre sens du développement durable. Certes, les exemples
de compatibilité du développement durable avec l'environnement ne
manquent pas, mais il ne faut pas se leurrer pour autant; ce n'est pas
l'environnement qu'il s'agit de préserver, il est au contraire question
avant tout du développement, de la croissance qu'il faut maintenir dans
le temps. De ce point de vue le développement durable est un concept
alibi(15); car en cherchant à faire croire
(14) Le développement durable, un
concept alibi, revue tiers monde, n° 137, 1994, page 77
(15)Serge LATOUCHE op;cit page 80
que c'est pour l'environnement que l'on se bat, plusieurs
théoriciens et hommes de terrain arrivent à camoufler leur lutte
pour le salut du développement ce qui en principe n'est pas mal. Le
problème c'est que cette réalité n'est pas
expliquée au pays en développement qui n'ont pas encore une
infrastructure économique à maintenir dans le temps. Dans les
différentes interprétations du concept de développement
durable, l'on met toujours en avant l'aspect environnemental ou
l'héritage des générations futures. Le but de cette
entreprise est de dissuader la démarche des pays en développement
et en grande partie ceux d'Afrique qui veulent suivre le schéma de
développement occidental et soutenir par la suite ce
développement.
En tout état de cause, le développement durable
tel que défini n'a rien à apporter aux Africains qui n'ont pas de
développement à soutenir, étant encore au stade de
sous-développement, à moins que le but de celui-ci soit de rendre
durable ce sous-développement dans lequel végète
l'Afrique.
Le souci premier des pays industrialisés et des
industriels au premier chef est le développement qui doit être
"entretenu" au risque de s'arrêter et d'être emporté par la
présente crise. Et comme cette durabilité du développement
ne peut être atteinte que par la prise en considération de
l'environnement entendu comme cadre dans lequel le développement tire
ses ressources, l'on fait croire à l'opinion que c'est prioritairement
pour l'environnement que l'on se bat.
Plusieurs déclarations des grands milieux industriels
peuvent corroborer l'idée selon laquelle le développement durable
est un concept alibi. Jean Marie Van ENGELESHOVEN un des directeurs de la shell
déclare: "Le monde industriel devra savoir répondre aux
attentes actuelles s'il veut de façon responsable, continuer à
créer dans le future de la richesse". On peut
aussi lire dans les colonnes des rapports de la banque
mondiale consacrées à l'environnement que " une gestion
prudente de l'environnement est un fondement du processus de
développement". Mieux encore, le directeur d'une chaîne de
grands magasins anglais affirme "C'est une nouvelle façon d'aborder
les affaires, pas seulement une question de répondre aux consommateurs
verts. Nous avons besoin de le faire pour rester attractif auprès de nos
partenaires, nos actionnaires, et de nos employés. Ceux qui
n'adopteront pas cette approche perdront la course."(16)
L'idée ici est de faire en sorte que le développement et plus
exactement la production se perpétue, et cela ne peut se faire que par
une nouvelle façon de gérer l'environnement.
Le rapport BRUNDTLAND qui a mis sur orbite le concept de
développement durable renferme aussi une certaine ambiguïté
quant au sens à donner au concept. Ainsi à la page n°10, on
peut lire: " Pour que le développement durable puisse advenir dans
le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les
limites écologiques de la planète". Il s'agit d'une
conception dont le souci premier est la préservation de l'environnement.
Cependant, un peu plus loin, on trouve une autre conception contraire à
la première: "Etant donné les taux de croissance
démographique, la production manufacturière devra augmenter de
cinq à dix fois uniquement pour que la consommation d'articles
manufacturés dans les pays en développement puisse rattraper
celle des pays développés". On peut dire qu'ici, ce n'est
pas tant la nature que l'on cherche à rendre durable mais plutôt
le développement.
En 1991, Vandana SHIVA avait déjà dit que le sens
du concept sustainability pouvait conduire à de glissement
désastreux, car il y a un autre
(16) Cité par serge LATOUCHE, in
Green magazine, Mai 1991, voir aussi
l'économie à l'épreuve de l'écologie,
Paris, Hatier collection"enjeux", 1991, page 24-25.
sens dangereux qui peut être donné à
sustainable, ce sens se réfère non à la durabilité
de la nature, mais bien au contraire à celle du développement
devaitil ajouter(17)
Pour notre part, nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un
glissement désastreux mais bien au contraire d'une manifestation claire
de la position du monde industriel qui, conscient des limites actuelles des
ressources naturelles non renouvelables, notamment, a
récupéré par nécessité les bonnes intentions
des militants écologistes afin d'assurer la durabilité du
développement. Ainsi les environnementalistes qui pensaient reculer le
développement par le slogan développement durable sont en retour
pris dans leur propre piège; car en vidant le développement de
toute logique économique qui l'a engendré, le slogan de
développement durable permet à celle-ci de se loger
subrepticement dans le creux du songe. Et comme, en tout état de cause
cette logique est celle des dures contraintes de la réalité
ambiante, elle refait surface et transforme le rêve en
cauchemar.(18)
Toutefois, même si le concept de développement
durable renferme des présupposées économico-politiques
comme on vient de le voir, l'environnement reste le plus grand
bénéficiaire du fait que pour la première fois dans le
monde il sera traité avec beaucoup plus d'égards.
PARAGRAPHE II: LES IMPLICATIONS DU CONCEPT
La réalisation du développement durable, comme
cela peut s'entendre implique l'exécution de certains impératifs
stratégiques dont quelques uns sont déjà définis
dans le rapport de la CMED.
(17) Op cit , page 217.
(18) Serge LATOUCHE, op cit, page 87.
Schématiquement, nous pouvons résumer ces
impératifs en six défis majeurs qu'il s'agit de relever par la
communauté internationale et par les Etats pris isolément. Il est
en fait question de la modification qualitative de la croissance destructrice
de l'environnement c'est-à-dire, redéfinir l'objet même du
développement: opter pour une consommation modérée de
l'énergie fossile; maîtriser la démographie; mettre sur
pied des politiques de préservation et la mise en valeur des ressources
naturelles; intégrer des considérations relatives à
l'économie et à l'environnement dans la prise de
décisions, bref le développement durable en terme
générique implique un processus de changement dans lequel
l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation du
développement technique doivent être déterminés en
fonction des besoins tant actuels que futures.
Nous allons étudier ces changements d'habitudes de
consommation et de production en les regroupant en deux catégories
formant les implications pratiques et les implications théoriques.
A-LES IMPLICATIONS PRATIQUES
Modifier la croissance telle qu'elle s'opère
actuellement, suppose la remettre à la place qui serait la sienne,
c'est-à-dire, en tant qu'instrument au service du bien être
humain. Cette phrase ne pourrait passer sans susciter une réaction de la
part de bon nombre d'économistes. En effet, selon certains auteurs,
certes le modèle de développement "traditionnel" traverse une
crise, cela ne veut pas pour autant dire qu'il doit être
détourné de son objectif: la poursuite du profit. Pour eux,
l'économique est un impératif catégorique qu'il
ne convient pas de discuter, le social étant une simple
concession faite aux victimes de cet impératif, une sorte de service
d'ambulance après la bataille.(19)
Or c'est cette logique qu'il convient de changer, la
finalité de tout processus de développement étant l'homme.
Le développement durable tend donc à exiger une prise en compte
des intérêts sociaux et environnementaux au même titre que
les intérêts économiques par le développement. En ce
sens, celui-ci ne doit plus être seulement mesuré par rapport au
PNB par têtes d'habitants, mais doit désormais tenir compte de
l'amélioration ou la détérioration des réserves en
ressources naturelles qui a des effets sur la santé des populations.
De ce point de vue, le développement durable implique
une large modification de la croissance. C'est le contenu même de
celui-ci qui doit être modifié en faisant en sorte qu'elle
engloutisse moins de matières premières et d'énergie, et
que ses fruits soient répartis équitablement,(20)donc
nécessité d'un renforcement des exigences du développement
économique et du développement social...
Le développement durable implique aussi une
consommation modérée de l'énergie fossile (pétrole,
charbon, gaz naturel) et une bonne gestion des déchets industriels. Ces
énergies représentent 90% des énergies consommées
dans le monde et sont responsables de l'augmentation de l'effet de serre avec
la panoplie des conséquences qu'il entraîne. Il est donc question
de réduire la consommation de ces énergies et leur trouver des
substituts comportant moins de risque sur l'environnement, telles que
l'énergie géothermique, l'énergie marémotrice,
l'énergie éolienne et l'énergie solaire...
(19) Christian COMELIAU, op cit, page 64
(20) Christian COMELIAU, Op cit, page 62
Lorsqu'on sait qu'un habitant des Etats-unis consomme autant
d'énergie que 18 Chinois, 23 Indiens,135 Bengladais ou 450
Tchadiens(21),que
les pays industrialisés qui représentent les 22%
de la population mondiale contribuent aujourd'hui à 54% de
l'augmentation de l'effet de serre, y a lieu de dire qu'il s'agit d'un
problème sérieux. Il faut donc parvenir à atteindre les
objectif fixés à Rio, notamment dans la convention sur le
changement de climat qui envisage de stabiliser d'ici à l'an 2000 les
émissions de Co2 au niveau atteint en 1990.
S'agissant des déchets industriels, actuellement la
planète produit des milliards de tonnes par an, un traitement efficiente
de ces déchets par les industries s'impose. Déjà en 1989,
Robert FROSCH, alors vice-président de la recherche chez
Général Motors et Nicholas GALOPOULOS, responsable de la
recherche sur les moteurs, lancent le concept d'écosystème
industriel. L'idée de base c'est que l'industrie à la
manière d'un écosystème biologique, pourrait fonctionner
quasiment fermée. Cette idée est traduite par la phrase suivante:
"De la même manière que par exemple, les
végétaux synthétisent des substances qui alimentent les
animaux herbivores, lesquels sont mangés par les animaux carnivores dont
les déchets et les cadavres servent à alimenter d'autres
organismes, les entreprises pourraient utiliser leurs déchets respectifs
comme matières premières, réutiliser les produits
après usages, de sorte que les industries tansformeraient seulement les
matériaux en circulation "(22) Le
développement durable en appelle donc à la
généralisation de cette vision de l'industrie au niveau de tous
les industriels.
(21) Excluant notamment les végétaux
prélevés dans les forêts etc.. Chiffres PNUD 1994.
(22) " Des stratégies industrielles
viables", pour La science, Nov 1989, cité par Thierry
Brésillon in politis page 78
Lutter contre la pauvreté est aussi un défi
majeur pour l'instauration du développement durable. Cette lutte peut
avoir des effets amplement bénéfiques pour l'environnement,
étant donné que pauvreté et dégradation de
l'environnement vont souvent de paire. Les pauvres sont tout à la fois
victimes et destructeurs de l'environnement. Pour pallier à ce
fléau, une nouvelle redistribution des richesses mondiales s'impose afin
de permettre aux pauvres de s'investir dans la protection de l'environnement,
car les pauvres dont la majorité se trouve dans les pays en
développement n'ont souvent guère de choix que de tirer tout ce
qu'ils peuvent des ressources qui sont à leur portée.
Si rien n'est fait, et comme le prévoit le rapport
BRUNDTLAND, d'ici à la fin du siècle, 3 milliards de personnes
pauvres pourraient vivre dans les régions où l'on consomme le
bois rapidement qu'il ne se reconstitue et où il sera donc devenu une
ressource rare. Dans la plupart des pays en développement, poursuit le
rapport, il faudrait environ 250 Kg d'équivalent de charbon par
ménage et par an pour faire la cuisine. De quoi frémir!
La prise en compte du problème de la pauvreté
par la communauté internationale à l'occasion de la
conférence de Rio et à travers l'agenda 21 et la
déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (art
5) montre à l'évidence que l'éradication de la
pauvreté constitue un préalable au développement
durable.
A ces implications que nous avons qualifiées de
pratiques doivent suivent des implications théoriques qui renvoient aux
changements des mécanismes de prises des lois, de l'information et de la
formation des populations en matière de l'environnement.
B-LES IMPLICATIONS THEORIQUES
La première implication est l'intégration des
considérations de l'environnement dans les orientations
économiques. Cette intégration doit se faire à tous les
niveaux: international, régional, national et local. L'idée est
de profiter de la symbiose des considérations économiques et
sociales dans la prise de décisions afin de tirer les conclusions qui
puissent être à la fois louables pour l'environnement et pour
l'économie, car les deux considérations ne sont pas
contradictoires.
A titre d'exemple, un projet hydraulique ne peut être
uniquement envisagé sous le seul angle de la production de
l'électricité, il faut également s'arrêter à
ses effets sur l'environnement local et sur les moyens d'existence des
populations concernées. Ainsi l'abandon d'un tel projet pourrait
être une mesure de progrès et non de régression s'il
consistait, notamment à perturber un système écologique
rare. (23) Il y a aussi que certaines politiques visant à
préserver les terres consacrées aux cultures et protéger
les forêts, améliorent les perspectives du développement
agricole à long terme. Mieux encore, la préservation des sites
à vocations touristiques peut avoir à long terme des avantages
économiques de par le commerce et les chaînes
hôtelières qui s'y grefferont. Il convient donc de traiter les
entreprises et les industries en tenant compte des liaisons intersectorielles
et des politiques environnementales locales. Ceci permet d'éviter que
certaines décisions de direction d'une entreprise ou d'un commerce
international aient comme par le passé des incidences regrettables sur
d'autres secteurs, par exemple sur la forêt.
(23) Christian COMELIAU, op cit, page 63
La croissance ne doit pas être aveuglée par des
considérations purement économiques, elle doit tenir compte de
certains aspects de l'environnement. C'est une manière de pallier
à l'éclatement des responsabilités en matière de
prise de décisions, car pour que le développement durable
survienne, il faut donc mettre fin à la fragmentation des
responsabilités(24).
Outre ce qui vient d'être dit, plusieurs autres
changements institutionnels et juridiques doivent être apportés.
Il s'agit de donner une base légale à ce que nous appelons
l'approche participative, qui consiste à faire participer les
populations aux processus décisionnels et de définition des
politiques pour mieux mettre en oeuvre celles-ci, car le développement
durable ne peut souffrir de la marginalisation d'une frange importante de la
population, au contraire il exige que les populations aient le sentiment
d'être un agent porteur de projets et non simple agent
d'exécution(25). Cette garantie doit être
assurée par l'adoption de différents textes de lois.
Mais avant tout, le processus de développement durable
implique une véritable politique d'information et de formation des
populations. La réussite d'une véritable implication de la
société civile se fonde sur la nécessité de
disposer d'une information environnementale techniquement fiable comme outil
indispensable à toute définition de politique de
réglementation, d'éducation et d'action. Pour ce faire, comme le
propose Emilienne Anikpo N'TAME, la meilleure manière de former le
citoyen au développement durable, c'est d'introduire l'environnement
dans tous les programmes d'enseignement de tous les cycles mais aussi les
programmes de formation multimédias pour l'ensemble de la
population(26).
(24) CMED, op cit, page 73.
(25) Emilienne Anikpo N'TAME, op cit page 238.
(26) Op cit page 239
Seulement, la mise en oeuvre de tout ce que nous venons de
voir paraîtra de prime à bord comme "suicidaire" pour la
majorité d'Etats africains, parce qu'en dehors du fait que certaines
mesures paraissent limiter le processus de développement auquel s'engage
l'Afrique, la facture de leur mise en oeuvre nécessite d'énorme
sacrifices. C'est ce qui a fait que, tout au départ, le
développement durable a rencontré la résistance des pays
du Sud et particulièrement l'Inde et la Malaisie, refusant de payer les
factures du développement durable. L'Afrique subsaharienne quant
à elle a manifesté une certaine froideur à l'idée
du développement durable avant de l'accepter comme défi mondial,
non en toute conscience mais surtout du fait de certaines pesanteurs
politico-financières.
DEUXIEME CHAPITRE:
DU DESACCORD A L'ADHESION DE L'AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
" Ecodéveloppement? oui. A condition qu'on y
rencontre l'homme au début, au milieu et à la fin....Et que les
arbres ne nous empêchent pas de voir l'immense forêt des
humains"
Joseph Ki ZERBO *
Aussitôt après son lancement, le
développement durable était perçu par le Sud et l'Afrique
subsaharienne comme une préoccupation essentiellement occidentale.
Comment ne pas le croire lorsqu'on sait que la crise de l'environnement est en
grande partie l'autre revers du modèle macroéconomique des pays
industrialisés. De ce fait, l'Afrique subsaharienne déjà
plongée dans une entreprise visant à mettre en place une
infrastructure industrielle à l'image du Nord n'entendra pas renoncer
à ses ambitions pour se lancer dans une autre aventure, celle du
développement durable. De cette attitude s'en est suivie une "guerre
d'accusation" sur les responsabilités de la dégradation de la
planète. Certains observateurs verront dans cette "guerre" le spectre
d'une ingérence écologique de la part des Etats occidentaux.
Pour l'Afrique, telle a été sa position depuis
la conférence de Stockholm de 1972, l'environnement n'est pas son
problème, c'est un luxe onéreux que les pays riches s'emploient
à lui imposer. En effet, il s'agit d'une vision étriquée
de l'environnement. Selon elle, l'environnement se résumait simplement
à la
conservation des écosystèmes nationaux et
à la lutte contre la pollution industrielle, donc un problème du
Nord mais dont l'impact étant encore bien limité dans la plupart
des pays d'Afrique subsaharienne.
Quoiqu'il en soit, on ne pouvait attendre mieux de la part des
Etats africains absorbés par les multiples soucis à court terme
tels les problèmes budgétaires et ceux associés aux
ajustements structurels. L'environnement ne pouvait qu'être perçu
comme extérieur à leur développement économique en
dépit de la reconnaissance internationale du lien désormais
incontournable entre environnement et développement, comme l'a
démontré la commission BRUNDTLAND.
Mais l'occident qui fait figure de proue en matière de
défense de l'environnement, et fort de sa puissance financière et
de sa mainmise politicoéconomique sur l'Afrique usera de tous les
artifices pour amener celle-ci à suivre désormais ce qu'il
conçoit après 3 siècles d'industrialisation intense, de
pillage et de gaspillage comme un impératif mondial.
SECTION I: LE SPECTRE D'INGERENCE ECOLOGIQUE
On parle souvent d'ingérence lorsqu'il s'agit de
politique, de l'humanitaire et des finances et de l'économie (allusion
faite aux mesures imposées par la banque mondiale et le FMI). Mais la
crise de l'environnement mondial est l'occasion d'assister à
l'émergence d'une autre ingérence, qui cette fois-ci, est plus
feutrée: l'ingérence écologique.
Cette ingérence se traduira précisément
par la manière dont les Etats occidentaux et la banque mondiale
chercheront à faire triompher l'impératif de développement
durable dans le monde et particulièrement en Afrique au sud du Sahara.
Comme quoi, l'ingérence n'est que l'oeuvre des plus forts sur les plus
faibles.
PARAGRAPHE.I: L'ATTITUDE DES ETATS OCCIDENTAUX
Dans cette entreprise qui consiste à faire triompher
les politiques environnementales, l'Europe du nord et de l'ouest, qui sont
aujourd'hui la zone du monde la plus développée - selon l'indice
de développement humain- et l'un des plus grands consommateurs
d'énergie fossile, vont jouer un rôle pionnier dans la
résolution des problèmes écologiques globaux. Mais cette
volonté de faire droit au respect de l'environnement rencontrera
l'hostilité de certains Etats du sud de l'Europe. En effet, ceux-ci
analyseront les réglementations plus strictes que l'Allemagne, les
Pays-Bas et l'Angleterre proposeront comme un protectionnisme
déguisé sous des clauses écologiques. Ces pays de l'Europe
latine, en refusant des réglementations sévères, seront
par contre soupçonnés par l'Europe du nord et de l'ouest de
vouloir pratiquer un "dumping écologique" afin d'attirer chez eux des
industries à la recherche des réglementations plus
laxistes.(1)
Mais après un longue période de divergences, les
deux groupes ont fini par trouver un compromis, et comme le dit M. Alain
LIPIETZ, la communauté économique européenne mettra enfin
son ambitieux projet: "profiter de son avance technologique et
économique sur les Etats-Unis pour proposer au
(1) Alain LIPIETZ Berlin, Bagdad,
Rio, Quai Voltaire, Edima, Pairs, 1992, page 123.
Il est directeur de recherches au CNRS et porte parole de la
commission écnomique des Verts et conseiller régional
d'Île-de-France.
monde développé un nouveau compromis
social-éco-démocrate à usage interne d'abord, mais aussi
pour conquérir l'hégémonie mondiale vis-à-vis du
Sud sur le thème de l'environnement".
La CEE va ainsi se passer pour la porteuse de vertu
environnementale. Nous pouvons retrouver cette recherche
d'hégémonie dans la déclaration suivante de la commission
de Bruxelles au conseil des ministres de la CEE: " La Communauté
européenne sera le plus grand partenaire économicocommercial du
monde avec la capacité d'exercer un haut niveau d'influence et
d'autorité économique et politique. A ce titre, la
Communauté doit aux générations présente et future
de mettre de l'ordre chez elle et d'offrir à la fois le leadership et
l'exemple aussi bien pour les pays développés que pour ceux en
développement.."(2)
L'Europe procédera donc par une tentative de persuasion
du Sud sur des menaces écologiques et par des multiples propositions de
réglementations qui se transformeront en une tentative d'accusation des
Etats qui ne prêteront guère attention à la
dégradation de l'environnement global. L'Afrique subsaharienne sera
victime de cette logique.
A-LA "MISE EN ACCUSATION" DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Compte tenu de la résistance des Etats africains
à l'idée de faire de la promotion de l'environnement une
priorité, les Etats occidentaux les taxeront d'être à
l'origine de la dégradation de l'environnement mondial. D'où la
nécessité, sinon l'obligation de ces Etats d'opter pour un
modèle de développement respectueux de l'environnement. Pour ce
faire, ils mettront en avant les effets, d'une part, de l'augmentation
vertigineuse des populations
(2) Cité par Alain LIPIETZ, ibdem, page 128.
africaines et de l'autre ceux de la pauvreté sur
l'environnement. On relèvera cette attitude dans des rapports de la CEE
au CNUCED et dans différents articles de presse occidentale. Nous
pouvons ainsi lire dans les colonnes de ces articles: les populations du
Sud pauvres et plus nombreuses sont responsables de la dégradation de
l'environnement global.
Cependant, aux yeux des Africains cette attitude est
interprétée comme un nouveau stratagème ourdi par
l'occident pour empêcher l'Afrique d'accéder au
développement au moyen de l'industrialisation. Ainsi a t-on
qualifié cette nouvelle donne de "tentative de projet de
colonisation planétaire". Au premier ministre Malaisien M. Mohamed
MAHATHIR de dire à ce propos que "les pressions occidentales qui,
sous prétexte de droit de l'homme, de syndicat, de liberté de
presse et de la protection de l'environnement et de la démocratie,
bloquent la croissance économique de leurs potentiels
concurrents".
Certes, le développement durable est indispensable pour
les Etats du Sud, -dans ses finalités notamment- . Cependant, lorsque
nous voyons la montée des quatre dragons et des autres pays
environnants, on peut se permettre de dire que cette affirmation du premier
ministre Malaisien est riche d'enseignements. L'intitulé de l'article de
M. Mohamed Larbi BOUGUERRA au sujet de la conférence de Rio: Au
service du peuple ou de l'impérialisme écologique? est
révélateur du doute que peut avoir toute personne qui s'interroge
sur les interpellations du Sud par le Nord pour la mise en oeuvre du
développement durable. S'interrogeant sur les buts réels du
développement durable et ceux de la conférence de Rio, cet auteur
(dans le même article) pense que derrière cette ingérence
est dissimulée une certaine idéologie du Nord. Selon ses propres
termes," Il reste à vérifier que la conférence de Rio
n'est pas, après la guerre du golfe et le nouvel ordre international
l'occasion pour les puissants d'instituer un nouvel ordre écologique
musclé pour garder leur privilège et
empêcher l'émergence des prémices d'une
société globale moins mercantiliste et plus
solidaire"(3).
Il s'agit de maintenir en situation de dépendance le
monde du Sud dans un domaine où le Nord est déjà
avancé. Lors des indépendances il en a été de
même; les grandes puissance ont miroité en direction des Etats du
Sud un modèle de développement dans lequel ils semblent
être aujourd'hui pris au piège.
Quoiqu'il en soit, et malgré les réticences
soulignées plus haut, l'occident a fini par entraîner l'Afrique
dans la voie du développement durable.
B- SON "ENROLEMENT" PAR L'OCCIDENT
Les Etats occidentaux savaient bien que l'Afrique n'avait pas
les moyens de résister longtemps. Ainsi, conscients du fait qu'elle est
toujours à la quête de capitaux pour son décollage
économique, et qu'aucun développement ne peut se faire sans
capitaux, les occidentaux ont conjugué l'octroi d'aide financière
avec la prévention par les Africains de leur environnement.
La convention de Lomé IV a été l'occasion
pour la CEE d'appliquer cette logique. Bien plus, l'occident entraînera
avec lui les institutions financières internationales. L'aide
financière tiendra désormais compte de l'impact des projets sur
l'environnement, véritable ingérence écologique que la
banque mondiale dénommera elle-même par country environmental
assessment, en français, "évaluation environnementale
par Pays".
"(3 )Le monde diplomatique de Mai 1992,
page 9
Nous allons donc examiner à présent ces
nouvelles orientations du groupe de la banque mondiale (en Afrique) qui publie
désormais, à chaque fin d'année, les résultats
concernant sa participation dans la lutte pour la sauvegarde de l'environnement
mondial.
PARAGRAPHE II: LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GROUPE
DE
LA BANQUE MONDIALE
Les années 1980 ont été, pour les Etats
du tiers monde, une période de crise économique et
financière. Cette époque fut l'occasion d'une grande
sollicitation des prêts par les Etats en crise auprès de la banque
mondiale, qui devenait à l'instant un rempart incontournable. Elle
acquît ainsi une grande influence dans les relations
économico-finacières internationales. Plusieurs projets, soit 80%
réalisés depuis cette période jusqu'à nos jours
dans les pays développés l'ont été soit par son
financement soit sous sa direction. Ces projets consistaient dans la
majorité des cas à des opérations de grands travaux tels
que la construction des barrages hydroélectriques, des ponts et des
équipements immobiliers.
Cependant, après plus de 14 ans d'exercices dans ces
domaines, la banque mondiale s'est attirée de nombreuses critiques. En
effet, les Etats occidentaux et les défenseurs de l'environnement ont
accusé la banque mondiale d'avoir accordé des prêts
à des projets préjudiciables à l'environnement. L'exemple
le plus cité est l'autoroute construite dans l'Etat de Rondonia au
Brésil, qui ouvre des vastes zones de la forêt amazonienne
à une exploitation comportant des risques immenses.
A-RECONNAISSANCE PAR LA BANQUE DES IMPACTS NEGATIFS
DE SES PROJETS SUR L'ENVIRONNEMENT
Aujourd'hui, la Banque Mondiale admet par la voix de son
ancien président M. Baber CONABLE que "certaines activités
économiques classiques ne trouvent parfois plus de place dans une
politique de développement durable sur le plan de l'environnement,
d'où elle (la banque) doit consacrer une part de plus en plus importante
de ses ressources financières et humaines à l'évaluations
de l'impact sur l'environnement et la promotion de la sauvegarde de
l'environnement."
Pour sa part, M. Lewis PRESTON* qui l'a
succédé a, dès son installation, procédé
à la création d'un groupe chargé de veiller à ce
que les projets de la banque ne violent pas les principes qu'elle avait
érigés après les critiques dont elle a été
l'objet(4). Ces principes qui exigent l'intégration des
préoccupations environnementales aux activités de la Banque
Mondiale sont contenus dans la directive opérationnelle sur les
évaluations environnementales, publiée en Octobre 1989.
Cette directive rend obligatoire les évaluations environnementales pour
les projets qui pourraient avoir des effets importants, sensibles, et
irréversibles(5).
. Pour mener à bien cette nouvelle politique, la banque a
d'abord augmenté
les effectifs de son service environnement, puis s'est
dotée d'une vice présidence Environnement et Développement
durable, composée de département chargé respectivement de
l'environnement, de l'agriculture et des ressources naturelles et des
transports, de l'eau et du développement urbain.
* Il vient de décéder
(4) La banque mondiale- Maîtresse au royaume
du développement, in le courrier international,
n°141, Sept-Oct 1993, page 72.
(5) Rapport de la banque mondiale 1993
page51.
(6) Ibdem page
Selon le rapport de la banque de 1993, cette
vice-présidence devrait aider les services opérationnels de la
banque à fournir une aide de qualité aux pays membres,
identifier, codifier et diffuser les meilleures pratiques actuelles et les
enseignements, et associer une coordination d'ensemble avec les organismes
publics et privés qui contribuent ou qui s'intéressent aux
travaux opérationnels et de politiques générales de la
banque (6).
A travers ses prêts qui sont devenus incontournables, la
banque s'ingérera dans l'orientation des politiques économiques
des pays d'Afrique subsaharienne. Nous pouvons lire dans son rapport de 1993
que "les opérations de prêts de la banque sont l'un des moyens
essentiels employés pour aider les pays à améliorer la
gestion de leur environnement"
Dans le même rapport, la banque réaffirme sa
volonté de renforcer les capacités institutionnelles des
emprunteurs en matière d'environnement et la nécessité de
tirer davantage profit du cadre politique macro-économique qui
conditionne en grande partie l'utilisation et la gestion des ressources.
Trois points manifesteront concrètement
l'interventionnisme de la Banque Mondiale.
Le premier c'est "l'embrigadement" par celle-ci des banques
nationales sur les questions d'environnement. Le deuxième c'est
l'exigence faite par la banque aux pays emprunteurs de la créer des
plans nationaux d'actions environnementales (PNAE), condition à
l'accession aux prêts, et enfin le renforcement des pouvoirs de la banque
par la CNUED qui a mis sous sa houlette la gestion du Fonds mondial pour
l'environnement, en collaboration avec le PNUE et le PNUD.
B-LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT COMME NOUVELLE
CONDITIONNALITE DES PRETS DE LA BANQUE
La banque a adopté la procédure de
présélection pour les prêts qu'elle consent à une
vaste gamme d'institutions intermédiaires de crédits (banques
commerciales, coopératives de crédits agricoles et organisations
non gouvernementales). En vertu de cette procédure, ces prêts
doivent solennellement être soumis à un préexamen à
la suite duquel une note de A à D est attribuée en fonction de
l'impact du projet sur l'environnement. Ainsi un projet de défrichement
obtiendra par exemple, la note A, tandis qu'un projet dont l'objectif principal
est l'amélioration de l'environnement se verrait attribuer la note D.
Par ce mécanisme, la banque exige une évaluation
de la capacité institutionnelle des emprunteurs à effectuer une
analyse d'impact sur l'environnement. De cette façon, s'ils
désirent prêter de nouveau ces fonds, les emprunteurs doivent
à leur tour s'assurer que l'emprunteur secondaire possède la
capacité d'évaluer l'impact sur l'environnement(7). Ce
système de préexamen d'impact écologique de programmes de
crédits est actuellement renforcé au niveau de plusieurs grandes
banques régionales de développement.
En outre, la banque exige l'élaboration et
l'exécution par ses membres des plans de protection environnementale
(PPE). Ces plans, selon elle devrait servir de base aux questions de
l'environnement, ils doivent à cet effet décrire les principaux
problèmes et préoccupations auxquels les pays font face dans ce
domaine, ils doivent enfin formuler diverses politiques et initiatives pour
tenter de remédier aux problèmes identifiés.
(7) Banque mondiale, Environmental
assessment sourcebook, policis procedure and cross sectorial issues,
vol 1, in les banques au service de l'environnement, bulletin de
service agricole de la FAO N°103 page 48-49.
Le caractère interventionniste dans ce domaine des
plans de protection environnementale (PPE) est plus apparent du
côté de l'association internationale de développement (AID
ou IDA).
Lors des négociations sur la neuvième
reconstitution de ses ressources, il a été convenu que tous les
pays bénéficiaires de l'IDA devaient établir des plans PPE
avant la fin de la période l'IDA-9(8): véritable
diktat notamment pour les pays en développement. La création de
ces PPE a fini par toucher aussi les emprunteurs de la BIRD.
Les Etats d'Afrique subsaharienne, comme ceux d'ailleurs
devaient donc mettre au point des plans nationaux pour la protection de
l'environnement. A la fin de l'exercice 1993 de l'IDA, le Bénin, le
Burkina-Faso, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Lesotho, le Madagascar,
le Rwanda et le Congo avaient déjà achevé
l'élaboration de leurs plans d'action. Ainsi la nouvelle
conditionnalité imposée par la Banque Mondiale comme par l'IDA
aura produit ses fruits: conduire les pays en développement même
contre leur gré à promouvoir le développement durable.
Mais le grand coup vient de ce que la CNUED ait donné
une nouvelle impulsion aux efforts déployés par la banque (la
gestion du FEM). Cette réaffirmation la renforce dans son nouveau
rôle de protecteur de l'environnement. Compte tenu des différents
PPE qui se créent ici et là, on peut donc dire que la politique
interventionniste de la Banque Mondiale est en voie d'atteindre ses buts. Mais
quant à son objectivité, nous devons dire que les seules
sanctions admissibles contre les contrevenants à l'ordre
écologique mondial ne sauraient frapper que les pays du Sud,
étant entendu que pour les pays riches, on ne comptera que sur leur
bonne foi, car ils ont les moyens de se
(8) Le rapport de la banque mondiale
1993.
passer des prêts conditionnés de la Banque
Mondiale dont ils sont eux-mêmes les principaux "pourvoyeurs". C'est
là le signe de la survie du régime de démocratie
censitaire des Nations unies où les riches détiennent le monopole
de la décision, les autres ne disposant que d'un rôle consultatif.
Ils sont en fait écoutés que quand ils font preuve d'une
capacité de nuisance.
Toutefois, si la conditionnalité des prêts des
institutions internationales est désormais tel que l'Afrique ne peut y
résister, la détérioration rapide de son environnement a
fini par l'enjoindre à adhérer à la nouvelle donne
mondiale: le développement durable. En effet, l'Afrique subsaharienne se
trouve actuellement confrontée au phénomène de
désertification qui fait disparaître plusieurs villages. A cela il
convient d'ajouter les problèmes de la dégradation des sols et du
manque d'eau. Ceci permet de comprendre que l'adhésion de l'Afrique ne
doit s'analyser uniquement comme une contrainte venant de l'occident. Il y a
aussi dans l'esprit des Africains qui ne sont pas moins responsables qu'on ne
le pense, une opportunité à saisir: profiter de l'occasion de
relever un défi, celui d'éviter de vivre les affres
imposées par le modèle occidental dont les limites sont
actuellement mises à nu, et enfin mettre en oeuvre, au moment où
sont crées des fonds pour l'environnement, de vieilles conventions en
matière d'environnement longtemps tombées dans les oubliettes.
Faudrait-il rappeler qu'en 1968, donc avant même la tenue de la
conférence de Stockholm que les Etats africains avaient dans le cadre de
l'OUA signés à Alger la convention africaine sur la
préservation de la nature? Cette convention, qui intégrait
déjà en son temps la conservation de la nature dans les plans de
développement, couvrait l'éducation, la conservation et la
recherche écologique(9). Il y a aussi le comité
permanent inter-Etats de la lutte
(9) François FALLOUX et Lee TALBOT
Crise et opportunité, Environnement et
développement, page 19, édition maisonoeuve.
contre la sécheresse au Sahel (CILSS) crée en 1973
à la suite des premières grandes sécheresses du Sahel.
Dans ces conditions, les négociations de la convention
de Lomé IV et la conférence de Rio devaient être, pour
l'Afrique noire, l'occasion de juguler la dégradation de son couvert
végétal. On doit noter que chaque année cette
région perd une bonne partie de ses terres cultivables, la
désertification ravage les villages et décime les populations
contraignant les survivants d'immigrer vers les régions où
l'accès à l'eau potable est encore facile. A présent on y
compte plus de 10 millions de "réfugiés de l'environnement" dont
la grande partie est constituée des Mauritaniens qui ont quitté
leurs villages à la suite de la sécheresse de 1974 et des
Africains de l'ouest à la recherche des vivres en 1985.
SECTION II : L'ADHESION DE L'AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
AU DEVELOPPEMENT DURABLE
Tous les problèmes susmentionnés devaient amener
l'Afrique subsaharienne à renouer avec le souci environnemental en
adhérant au développement durable. La convention de Lomé
IV, l'élaboration des PNAE et sa participation à la
conférence de Rio sont le signe de cette détermination.
PARAGRAPHE I:LES REFLEXIONS AFRICAINES SUR
L'ENVIRONNEMENT
Dans ce paragraphe, nous allons examiner les aspects de la
convention de Lomé IV touchant à l'environnement, la
Conférence des Ministres Africains pour l'Environnement (CMAE), puis
nous aborderons la question de l'élaboration et de l'exécution
des différents PNAE dans certains pays d'Afrique subsaharienne.
A-LA CONFERENCE DES MINISTRES AFRICAINS
POUR
L'ENVIRONNEMENT ET LA CONVENTION DE LOME IV
Jusqu'au milieu des années 1980, l'environnement
demeura une question marginale pour les dirigeants africains qui avaient
laissé les ONG internationales et les agences onusiennes (PNUD, FAO,
PNUE...) se charger de ces questions. Le PNUE, installé depuis 1972
à Nairobi (Kenya), contribuera fortement à sensibiliser ces
dirigeants aux grands défis à venir par de nombreuses missions
auprès des différents Etats. Ce travail déboucha sur la
tenue en Décembre 1985 de la CMAE, parrainée par le PNUE, l'OUA,
et la C.E.A. . Cette réunion, qui est l'une des grandes jamais tenues en
Afrique à ce sujet, élaborera le programme dit du Caire,
destiné à renforcer la coopération inter-africaine en
matière d'environnement et de développement. On y décida
la création de réseaux techniques de coordinations
sub-régionales et des commissions techniques.
Parallèlement, ce programme prévoyait la mise en
route de projets pilotes dans 150 villages et 30 zones d'élevages
représentant l'éventail des écosystèmes africains,
afin de réaliser autant d'expériences de développement
économique et social durable, reposant sur une meilleure gestion des
ressources.
Cependant, ce plan d'action qui mettait l'accent sur le fait
que c'est aux dirigeants africains "d'assumer la responsabilité
principale de l'environnement du continent grâce au programme" a
été un grand échec. En effet, les dirigeants africains
n'ont pas manifesté leur volontarisme .Ainsi en 1989, seuls six projets
pilotes sur les 180 prévus étaient en cours de
réalisation. C'est sans doute ce triste bilan qui a fait que la
convention de Lomé IV vienne en quelque
sorte au secours des gouvernements africains dans leur mission de
gestion de l'environnement.
La convention de Lomé IV adoptée à
Brazzaville (Congo), le 15 Décembre 1989 devait donc marquer la
détermination des autorités africaines à se
préoccuper davantage des questions d'environnement. Les deux
premières conventions n'ont jamais perçu l'environnement comme
une priorité tel qu'il en est le cas avec la quatrième. Certes
à l'époque de Lomé III, la convention avait pris en compte
les questions de sécurité alimentaire et de survie de la
population dans la région du Sahel notamment. Ce texte refléta la
nouvelle priorité et mit à la fois l'accent sur les moyens
permettant d'assurer la production agricole durable et sur la lutte contre la
déforestation et l'érosion
des sols(10).
Cet engagement a, par la suite, ouvert la voie à des
négociations encore plus "environnementalistes". Ainsi, le continent
africain et ses partenaires européens devaient se lancés de
façon sérieuse dans la voie de la sauvegarde de l'environnement,
notamment dans le cadre de la conception de Lomé IV. L'attachement
à l'environnement tel que présenté par la convention fait
ressortir le lien désormais reconnu entre le développement et
l'environnement. Une priorité est accordée à
l'environnement et à la conservation des ressources naturelles
"condition essentielle pour un développement durable et
équilibré tant au plan économique qu'au plan humain",
article 6 de la convention. Dans cet esprit, la communauté s'engage
à appuyer les efforts déployés par les Etats ACP sur le
plan national, régional et international ainsi que les opérations
lancées par les organisations intergouvernementales et non
gouvernementales
(10) M DieterFRISCH ( directeur général
du développement, commission de la communauté
européenne), le courrier n° 133 Mai-Juin
1992 page 45
en vue de la mise en oeuvre des politiques nationales et
intergouvernementales.
Vu la dimension environnementale de la convention de
Lomé IV, on a pu conclure qu'elle est le premier acte d'adhésion
de l'Afrique subsaharienne au développement durable, (le concept
à l'époque n'ayant pas la même audience dont il est
aujourd'hui investi). Cette adhésion est combien manifeste que nous
trouvons figurer au titre premier des domaines de coopération, les
questions environnementales, soit 9 articles sur 355 consacrés par la
convention toute entière. On peut lire respectivement dans l'article 33
et 38 ce qui suit: "Dans le cadre de la présente convention, la
protection de l'environnement et la mise en valeur de l'environnement et des
ressources naturelles, l'arrêt de la dégradation du capital
foncier et forestier, le rétablissement des équilibres
écologiques, la sauvegarde des ressources naturelles ainsi que leur
exploitation rationnelle sont des objectifs fondamentaux que les ACP
concernés s'efforcent d'atteindre avec l'appui de la communauté
en vue d'améliorer dans l'immédiat les conditions de vie des
populations et de sauvegarder celles des générations à
venir". Pour le second, "Les parties, soucieuses d'une protection
réelle et d'une gestion efficace de l'environnement et des ressources
naturelles estiment que les domaines de coopération ACPCEE couverts par
la deuxième partie de la présente convention doivent être
analysés et appréciés systématiquement sous cet
angle". Ces deux articles prouvent ce que représentent
désormais les questions environnementales pour les Etats africains. Il
s'agit d'un engagement solennel, car pour la première fois la convention
qui, par tradition faisait intervenir au titre I des domaines de
coopération, les questions économiques et sociales, accorde une
attention particulière à la sauvegarde de l'environnement. Parmi
les programmes particulièrement significatifs financés par la
convention au titre de la sauvegarde des ressources naturelles, nous pouvons
citer:
- celui concernant la province du Sissili au Burkina-Faso, pour
un montant de 31 millions d'écus;
- celui du plateau Batéké au Zaïre, pour un
montant de 10 millions d'écus;
- celui situé à Katsiana dans l'Etat de Kunda,
au nord du Nigeria, pour un montant de 34,5 millions d'écus. D'autres
domaines méritaient d'être cités tels que la
télédétection, la protection de la faune et de la flore
(avec en particulier le programme Eléphant)(11)...
Cet engagement des Etats africains témoigne d'une prise
de conscience collective du continent des questions environnementales. La
convention de Bamako du 29 Janvier 1991 (à l'initiative de l'OUA) sur
l'interdiction d'importation des déchets toxiques entérine bien
cette assertion. Car elle met en place un régime sérieux -par son
contenu- fondé sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des
déchets produits hors d'Afrique et en Afrique. On peut lire en son
article 4 alinéa 1 que: "Toutes les parties prennent les mesures
juridiques, administratives et autres appropriées sur les territoires
relevant de leur juridiction en vue d'interdire l'importation en Afrique des
déchets dangereux, pour quelque raison que ce soit, en provenance des
parties non contractantes. Leur importation est déclarée illicite
et passible de sanctions pénales". Cette convention est à ce
titre le meilleur exemple de la conversion de l'Afrique subsaharienne. Mieux
encore, le front homogène que cette dernière a formé pour
contester le régime d'irresponsabilité et les dispositions
laxistes de la convention de Bâle du 22 Mars 1989 dont elle constitue la
principale victime montre que l'Afrique veut désormais se prendre en
charge dans ce domaine.
(11)M Dietrisch FRISCH, ibidem page 45.
Mais l'Afrique ne s'est pas arrêtée seulement
à ce stade de déclaration d'intention comme dirait l'homme
politique. Elle a manifesté sa nette adhésion au
développement durable par l'élaboration des plans nationaux
d'actions pour l'environnement, véritables cadres de réflexions
nationales dans lesquels les Etats expriment, après plusieurs
diagnostics, les politiques de développement et d'environnement à
suivre.
Nous allons faire état de ces plans qui connaissent de
véritables succès dans certains pays, en commençant par
leurs historiques et leurs mises en oeuvre.
B-LE PROCESSUS D'ELABORATION ET D'EXECUTION DES PLANS
NATIONAUX D'ACTIONS POUR L'ENVIRONNEMENT (PNAE)
Pour situer l'origine des PNAE, il faut remonter au
début de l'année 1989 où ils ont été
initiés par le World ressource institute. Peu après, M. Baber
CONABLE, alors président de la banque mondiale saisissait de cette
occasion pour mieux appliquer les objectifs de son institution dans le domaine
de l'environnement. Il invitait particulièrement les gouvernements des
pays en développement à se pencher sur les principaux
problèmes environnementaux et sur les politiques en ce domaine, afin de
trouver de nouvelles solutions, garanties d'un développement
durable(12). Il s'agit là du point de départ de ce que
nous avons appelé plus haut les nouvelles orientations de la banque
mondiale.
En Afrique subsaharienne, c'est le Madagascar, le Lesotho et
l'île Maurice qui furent les premiers à se lancer dans la voie des
PNAE.
(12) F FALLOUX et Lee TALBOT, ibdem, page 31.
Aujourd'hui on dénombre plus d'une vingtaine d'Etats ayant
déjà élaboré ces plans.
A Madagascar, le PNAE a eu le mérite de mettre sur pied
une politique environnementale renforcée. Celle-ci se traduit par une
révision de la loi foncière visant à conférer une
plus grande sécurité aux agriculteurs, à les inciter
à mieux conserver leurs sols et enfin à l'établissement
d'une nouvelle législation pour améliorer les évaluations
environnementales des projets de développement quel que soit le secteur
considéré.(13)
Bien d'autres réflexions sont en cours. Mais
déjà, le document du PNAE est depuis lors devenu la charte
nationale de l'environnement, approuvée par l'assemblée nationale
populaire. Cette charte définit les grands objectifs environnementaux du
pays:
- conserver et gérer le patrimoine de la
biodiversité;
- promouvoir le développement durable pour une meilleure
gestion des ressources nationales;
- améliorer les conditions de vie rurale et urbaine;
- développer les ressources humaines et la capacité
institutionnelle.
La charte présente également la stratégie
choisie pour atteindre ces objectifs. Il s'agit d'une mise en oeuvre des
solutions intégrées, opter pour une vision à long terme du
développement pour les acteurs Malgaches comme pour la communauté
internationale dont il attend un appui constant, renforcer la
communication et le dialogue par opposition des ordres
transmis hiérarchiquement, faire participer les populations à
l'élaboration de ces programmes et dans leur mise en oeuvre, renforcer
le rôle du secteur privé et des ONG en la matière. Bref le
PNAE Malgache est un travail sérieux et ambitieux, un véritable
souci de promouvoir le développement durable.
DE même, le Lesotho et l'île Maurice ont fait
montre d'engagements sérieux pour la promotion du développement
durable même si jusqu'à présent les résultats de
leurs réalisations, notamment pour le Lesotho sont, peu prometteurs.
A ces trois pionniers (le Madagascar, l'île Maurice et
le Lesotho), où les PNAE sont en cours de maturation, se sont
ajoutés d'autres pays. La moitié de l'Afrique, celle au sud du
Sahara, est touchée à des degrés divers par ce mouvement
environnemental. Parmi ces pays, nous allons de façon brève faire
état de quarte principaux qui, du point de vue du sérieux de
l'élaboration de leurs PNAE, viennent juste après les Etats
pionniers. Il s'agit des Seychelles, du Ghana, du Burkina-Faso et du Congo.
Les Seychelles tire 50% de ses recettes du tourisme, 42% de
son territoire est classé en parcs nationaux ou en réserve.
L'histoire du plan environnemental de ce pays débute en 1989,
année de la création du département de l'environnement,
placé sous la haute autorité du président de la
République M France ALBERT RENE (preuve d'un engagement sérieux
du pays). Selon le chef de l'Etat, le "développement
intégré" (sustainable development), thème majeur du plan
de développement national 1990-1994 doit être à la fois
social, économique et écologique. Celui-ci et le programme de
gestion environnemental des Seychelles de 1990 à l'an 2000 constituent
les instruments de promotion du développement durable. Le second
comprend des
réformes légales et institutionnelles qui ont
pour but de renforcer les outils de gestion de l'environnement ainsi qu'un
programme d'investissement portant sur l'adduction d'eau potable, le traitement
des déchets solides et liquide et la gestion des parcs et des
réserves nationales(14). Ainsi, pour 55millions de dollars
demandés pour ce programme, 40 millions étaient obtenus lors de
la réunion des bailleurs de fonds qui s'est tenue début
Février 1991 à Paris sous l'égide de la banque mondiale,
du PNUD et du PNUE(15).
Le PNAE du Ghana contrairement aux autres est
spécifique en ce sens qu'il est plus l'affaire des experts
ghanéens que d'experts étrangers. C'est la preuve de l'existence
d'une intelligentsia et d'une masse critique de fonctionnaires et
d'universitaires bien formés et mieux versés dans les
problèmes économiques et environnementaux. En plus, si la
majorité des plans africains répond à l'appel de la
communauté internationale, le plan ghanéen est la
résultante des politiques d'ajustement structurel mises en oeuvre au
début des années 80. En effet, après l'exécution de
ces politiques d'ajustement structurel citées comme une réussite
par les experts de la banque mondiale, les Ghanéens étaient
inquiets de ses conséquences environnementales. Car en mettant l'accent
particulièrement sur la diversification agricole, le renforcement du
secteur privé, l'accroissement des gains en devise; en
accélérant l'exploitation des ressources du pays, notamment dans
le secteur minier et forestier, c'est l'environnement qui prenait de
sévères coups en dernière instance. C'est ce qui permit le
déclenchement du processus d'élaboration du PNAE, comme pour
réparer les dégâts commis et prévenir l'avenir.
(14) F FALLOUX et Lee TALBOT page 114.
(15) Marchés tropicaux du 22
Fevrier 1991, page 442.
Au centre des priorités du plan ghanéen se
situent les thèmes suivants: gestion foncière, politique de
l'eau, de la forêt et la faune sauvage, écosystème
côtier et marin, mines, déchets industriels et produits chimiques
et toxiques et, enfin, les problèmes urbains. Comme les plans
précédemment étudiés, celui du Ghana est aussi un
travail sérieux malgré quelques problèmes qu'il rencontre
et que nous allons exposer lorsque nous traiterons des obstacles au
développement durable.
Au Burkina-Faso, pays sahélien, le défi
environnemental a toujours été la préoccupation de tous
les temps. Le pays est confronté à divers facteurs
défavorables, tels que le climat aride sujet à de fortes
variations de population relativement dense par rapport aux ressources
naturelles et un milieu physique dégradé. Cette situation avait
amené les autorités à prendre des mesures visant à
arrêter la dégradation de l'environnement, en améliorant la
gestion des ressources naturelles, en accroissant la productivité
agricole de façon durable, en réduisant la croissance
démographique, et en rendant enfin, les communautés responsables
de leurs territoires. Parmi les mesures prises, nous pouvons citer la loi
foncière promulguée en 1984 et révisée en 1991 pour
accroître la sécurité foncière des usagers et mettre
en place un programme national de reboisement, le programme national de
planning familial (visant la réduction de la croissance
démographique) et le programme national de lutte contre la
désertification. Malgré quelques résultats positifs qu'ils
ont pu remporter, ces programmes ont rencontré d'énormes
difficultés. C'est pour tenter de remédier à ces
difficultés que le gouvernement Burkinabé a lancé le PANE,
(trait original des Burkinabés qui ont déplacé le A de
PNAE) et le projet national de gestion des territoires.
environnement et développement et de stimuler
l'éducation et la formation environnementale. En 1993, le PANE a
été révisé pour prendre en compte les
recommandations issues de la conférence de Rio de Janeiro. Actuellement,
il comporte deux volets: un volet d'appui au programme de coopération,
qui vise la prise en compte des préoccupations liées à la
protection de l'environnement dans la mise en oeuvre des programmes et projets,
et un volet investissement, visant la rentabilisation des patrimoines
nationaux. Les programmes cadres gérés par le PANE sont au nombre
de cinq: le programme cadre de gestion des patrimoines nationaux (PCGPN), le
programme cadre d'amélioration du cadre de vie (PCACV), le programme de
développement des compétences en environnement (PDCE), le
programme de gestion de l'information sur le milieu (PNGIM) et enfin le
programme national de gestion des territoires (PNGT). Nous ne pouvons citer ces
programmes sans souligner qu'en 1994 il a été adopté le
code de l'environnement, et une étude en cours qui vise
l'élaboration d'un code forestier.
Le processus Burkinabés étant encore à
ses débuts, on peut d'ores et déjà dire que le
Burkina-Faso s'est lancé dans une voie de non retour, celui du
développement durable. La mise en place dans chaque province des
structures décentralisées ayant pour compétence la gestion
environnementale et les comités villageois de gestion de territoire dans
le cadre de la décentralisation en cours en dit long.
Au Congo, le PNAE a été lancé en 1991 par
son gouvernement. Les raisons fondamentales de sa mise en oeuvre se trouvent
exposées dans le document intitulé l'état de
l'environnement qui a été présenté à la
conférence de Rio de Janeiro. On peut lire dans ce document ce qui suit:
"le gouvernement congolais a décidé d'élaborer un
PNAE. Il veut ainsi montrer sa détermination tant nationale
qu'internationale, pour la protection, la conservation et
l'utilisation rationnelle de son environnement et de ses
ressources naturelles"(16). Ferme engagement aux yeux de
l'opinion internationale. Ce plan a d'abord consisté à la
rédaction d'un document de synthèse volume I, intitulé
le contexte national, l'état des lieux et diagnostics et du
second document volume II qui présente les stratégies
sectorielle, et nationales. Parmi ces stratégies, le document fait
état de la promotion du développement durable. L'objectif est de
l'atteindre par un plan d'action qui situe l'horizon dans 20 ans, en ce sens
qu'il y a des actions qui doivent être réalisées dans 1
ans, 5 ans et enfin 20 ans.
Toutefois, le PNAE congolais a un caractère plus
préventif que curatif. En effet, caractérisé par un niveau
de vie moyen parmi les pays de l'Afrique subsaharienne, une faible population
fortement urbanisée et un environnement encore peu dégradé
à l'échelle nationale, le Congo bénéficie encore
d'un "capital environnemental" considérable dont la conservation ou
l'amélioration pose moins de difficulté par rapport à
d'autres pays de la région. Ce fait prouve à suffisance que
plusieurs pays comprennent au fil du temps que l'environnement n'est pas
seulement l'affaire de ceux qui sont victimes de sérieuses
dégradations.
Les PNAE que nous venons d'examiner constituent donc un
véritable engagement de l'Afrique subsaharienne. Estimés à
une vingtaine avant la conférence de Rio, ils doivent atteindre la
fourchette de la trentaine actuellement. La création du réseau
pour l'environnement et le développement durable en Afrique (REDDA) est
déjà signe de mise en exécution des engagements pris, car
à travers le REDDA les Etats engagés dans le processus de
développement durable vont pouvoir se partager les différentes
expériences acquises en matière de gestion environnementale.
(16) Etat de l'environnemt,
page 1, Mars 1992.
Par ailleurs, si les PNAE sont pour l'Afrique, et notamment
celle au sud du Sahara, les instruments de promotion du développement
durable, la conférence de Rio de Janeiro devait être le cadre
idéal où s'est manifesté son attachement sinon sa ferme
adhésion à l'impératif de développement durable.
PARAGRAPHE II: LA CONFERENCE DE RIO DE JANEIRO
L'idée de la tenue de la conférence mondiale sur
le thème de l'environnement et développement était
contenue dans le rapport BRUNDTLAND.
Il n'est pas question ici de montrer les enjeux de la
conférence qui sont d'ailleurs innombrables. Nous tâcherons de
montrer comment à travers elle l'Afrique est arrivée à
faire sien l'impératif de développement durable, principale
recommandation de la conférence.
Il faut d'abord rappeler que la tenue de cette
conférence avait au départ rencontré l'hostilité
des Etats en développement qui préconisaient que soit
organisée, au contraire, une conférence mondiale simplement
centrée sur le thème de développement. Cette position a
été fléchie au fil des débats, notamment lorsque
ces pays ont ressenti tout intérêt qu'ils pouvaient tirer de cette
conférence et en particulier l'opportunité d'obtenir des
financements nouveaux et additionnels en faveur d'objectifs environnementaux.
C'est principalement pour cette raison qu'ils ont répondu massivement
à la convocation de la conférence de Rio. En outre, la
conférence a battu le record de participation au haut sommet, soit 105
pays représentés par leurs chefs d'Etat ou de gouvernement sur un
total de 182.
A- L'ADHESION PAR LA PARTICIPATION
L'Afrique faiblement représentée pendant la
tenue des travaux préparatoires de la conférence pour des raisons
budgétaires et d'organisation s'est sentie pendant la grande "messe"
comme le parent pauvre de l'événement. En effet, dans le fond,
les thèmes à l'ordre du jour ne la concernaient qu'indirectement:
l'effet de serre, la déforestation tropicale, la biodiversité et
le développement durable. Les questions de la famine,
de la sécheresse, de la désertification et des ressources en eau
potable qui constituent la priorité en Afrique au sud du Sahara
n'étaient pas suffisamment abordées.
Ce sentiment de laissé-pour-compte qu'elle a ressenti a
produit en elle un effet d'électrochoc ayant abouti à une
volonté de s'imposer afin de marquer sa présence. L'exigence
d'une convention internationale sur la désertification était donc
la forme absolue pour les Africains de marquer cette présence. Ce sujet,
considéré et traité au départ de la
négociation de la CNUED comme un thème à caractère
essentiellement technique a constitué un élément
fondamental du compromis politique global de la conférence, en ce sens
que les Etats africains ont fait de l'acceptation de principe de cette
convention par tous les participants à la conférence, une
condition de leur accord aux autres points à l'ordre du jour. Ainsi,
tous les Etats favorables aux conventions sur la biodiversité, sur la
forêt, et sur les climats ne pouvaient que se plier devant l'exigence
africaine qui, outre les motivations financières (financement
prioritaire par le FEM des conventions internationales, ce qui profiterait
à l'Afrique) se fonde sur la réalité quotidienne: la
persistance et même l'aggravation du phénomène de
désertification.
puisse dire à propos de l'adhésion de l'Afrique
aux autres valeurs défendues par la conférence: conventions sur
le changement climatique, sur la protection de la biodiversité et la
déclaration de Rio sur la forêt.
B- LA PORTEE DES CONVENTIONS
En ce qui concerne la convention sur la
désertification, il a été pris une décision de
principe contenue dans l'agenda 21*. Elle prévoyait avant
1994 la signature d'une convention internationale sur la désertification
dans le cadre des Nations Unies. Sur ce point, le calendrier des travaux de
l'après Rio a été respecté, car le 14 Octobre 1994
elle été signée puis adoptée quelques semaines plus
tard à Paris.
L'adoption par l'Afrique de tous les actes de la
conférence de Rio est, comme le processus d'élaboration des PNAE,
un acte d'adhésion au développement durable. Mais faudrait-il
encore que ces conventions revêtent une certaine force juridique pour que
soit réalisé ce louable objectif. Malheureusement toutes les
conventions signées pendant et après la conférence ne sont
que de simples textes d'engagements politiques sans portée juridique
contraignante. Pour ce qui est de la convention sur le changement climatique,
par exemple, son contenu brille par l'absence de dispositifs précis en
matière de limitation de gaz à effet de serre et de co2 provenant
de combustibles fossiles. Ceci est principalement le fait de l'opposition ferme
des grandes puissances (principaux responsables de l'effet de serre) à
ce que soient retenues des dates précises pour stabiliser les
émissions de co2 et des mesures précises aux contrevenants des
conventions signées. Cet attachement aux intérêts acquis va
transparaître également dans la déclaration de Rio,
où les Etats feront prévaloir leur philosophie conservatrice en
mettant en exergue le
*Nation-unies, New-york, 1993
"droit souverain et inaliénable des Etats d'exploiter
leurs ressources naturelles", article 2. Cet aspect, ajouté au manque de
"moyens logistiques" en Afrique subsaharienne notamment, entraînera une
mise en oeuvre problématique du développement durable. On pourra
assister à l'émergence de certaine solidarité apparemment
contre nature qui pourrait s'expliquer par des motivations à court
terme: tel grand pays industrialisé fortement pollueur de
l'atmosphère et refusant le coût social et politique de
l'ajustement structurel peut chercher un compromis pour rejeter la convention
sur le climat avec des pays désireux d'industrialisation pour relever
leurs niveaux de vie. De même les pays producteur de bois tropicaux
pourront se retourner vers les pays consommateurs pour rejeter ou amender en
fonction de leurs intérêts respectifs la convention sur la
forêt. L'Afrique subsaharienne sera donc prise dans cet engrenage, car
étant d'un niveau de vie très bas, il lui manquera assez de marge
de manoeuvre pour mettre en oeuvre de façon irréversible le
processus de développement durable.
*
* *
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE
Rejeté puis accepté par les pays en voie de
développement, le concept de développement durable devient au
centre de toutes les décisions. Les responsables africains et les ONG,
ayant beau jeu de démasquer dans les discours du Nord de nouvelles
visées hégémoniques qui, sous couvert de
préoccupations vertes, dissimulent un nouvel âge du colonialisme,
n'ont pu résister à l'appel. Car ce que veulent les grandes
puissances finit toujours par
se réaliser, du moins lorsqu'elles ont devant elles les
Etats en voie de développement. En plus, un certain consensus à
peine avouable au Sud se fait jour: le rattrapage du Nord selon le
critère du bonheur, fondé sur l'accumulation de biens et les
règles d'une économie basée sur la consommation
hypertrophiée constituerait un suicide planétaire.
Il reste que le chemin du développement durable pose
à l'humanité un véritable défi qui, au delà
de la simple acceptation, demande de réels sacrifices: à
l'Afrique de renoncer au mythe de l'opulence et au Nord d'accepter la
frugalité.
DEUXIEME PARTIE:
LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE : UNE
MISE EN
OEUVRE PROBLEMATIQUE
Tel que nous l'avons exposé dans la première
partie, force est de reconnaître que le développement durable,
s'il est compréhensible d'un point de vue conceptuel ou
théorique, l'est moins du point de vue opérationnel. Beaucoup
d'inerties jonchent le chemin, et la voie ou les voies à suivre ne sont
pas particulièrement évidentes, les précédents
manquant en la matière(1). Ceci est très perceptible
en Afrique subsaharienne. En effet, en dépit de son engagement à
promouvoir le développement durable, l'exécution de celui-ci la
met devant une problématique douloureuse: accroître la production
par le moyen de l'industrialisation afin de rehausser le niveau de vie de ses
citoyens en s'appuyant sur des politiques ménageant à long terme
les ressources naturelles dont dépend la croissance, et accepter de
supporter le coût de ce processus. La mise en oeuvre de cette
stratégie rencontre en Afrique plusieurs obstacles qui sont, soit
liés à certains comportements dont le continent ne peut s'en
départir sans subir de choc économique et social sérieux,
soit liés à la forte pression de la pauvreté sur
l'environnement et la carence notable d'une logistique fiable pouvant permettre
sa réalisation (Ier chapitre).
La difficulté ne relève pas seulement des
facteurs propres à l'Afrique subsaharienne. Au niveau international, la
mise en oeuvre du plan d'action adopté à Rio accuse aussi
certaine lenteur au point où on est tenté de se poser la question
de savoir si le développement durable va finir en Afrique comme les
autres paradigmes qui l'ont précédé, c'est-à-dire
devenir un mythe restant à l'état d'utopie, ou si au contraire il
sera traduit en politique concrètes, élaborées en vue
d'apporter des changements et d'atteindre des résultats tangibles
(IIème chapitre).
(1) Emilienne N'TAME, op-cit, page234.
PREMIER CHAPITRE:
LES FREINS AU DEVELOPPEMENT
DURABLE
" Les gens peuvent critiquer, ils peuvent être
cyniques, ils peuvent dire que ce que nous demandons n'est pas réaliste,
mais ils doivent parler aujourd'hui des problèmes des pays en voie de
développement, de terme de change, du flux des ressources vers les pays
en développement. Aujourd'hui on ne peut parler d'environnement sans
mettre tous ces facteurs en équation".
MR Maurice STRONG, discours prononcé lors de la
clôture de la conférence de Rio
Selon leur nature et leurs origines, ces freins sont soit
endogènes, soit exogènes. Ce sont des facteurs qui
s'érigent en véritables obstacles à la mise en oeuvre du
développement durable dans une région où la croissance
économique quels que soient les moyens d'y accéder semble la
principale obsession. Ces freins sont innombrables et en mesure de compromettre
la mise en place du développement durable. Ils sont, pour la plus grande
partie, des techniques d'exploitation et des habitudes de consommation se
justifiant plus par nécessité de survie que par simple
volonté d'accéder au luxe (le cas des consommateurs occidentaux),
mais aussi la croissance de la population et sa répartition dans
l'espace, la mondialisation de l'économie et les effets de
l'économie de marché dans les zones rurales. On doit
également ajouter l'érosion de l'identité cultuelle, la
demande croissante en énergies et en ressources, l'accès
centralisé et difficile à l'information, les
inégalités vis-à-vis de l'innovation technologique.
SECTION I: LES FREINS ENDOGENES
Les freins endogènes, plus difficiles à pallier,
sont les problèmes de pauvreté, de croissance
démographique, de la totale dépendance des économies
africaines aux ressources naturelles, de la crise financière, sociale,
économique et monétaire et enfin de l'épineux
problème de la dette.
PARAGRAPHE I : L'OBSESSION DU COURT TERME
Comme nous le verrons, les Etats d'Afrique subsaharienne sont
présentement animés par une obsession du court terme. Cette
obsession s'exprime par un recours à l'exploitation intense des
ressources naturelles, rendue possible par la pression des problèmes tel
que l'accroissement des franges de populations de plus en plus pauvres.
A-LA TOTALE DEPENDANCE DES ETATS AFRICAINS AUX
RESSOURCES NATURELLES
Les économies africaines sont fortement tributaires des
ressources naturelles, c'est le cas aujourd'hui et hélas, cela durera
encore pendant plusieurs décennies. Les ressources naturelles
contribuent majoritairement à la formation du produit national brut et
une place de choix est faite aux cultures d'exploitation qui restent le
principal secteur pourvoyeur de devises étrangères. C'est une
économie de "cueillette" basée sur les activités
agro-sylvo-pastorales sans grande intégration des différents
composants, et sur l'exploitation pétrolière et l'extraction
minière. Donc des produits dont l'utilisation et le commerce doivent
être prudents et rationnels afin de promouvoir le développement
durable.
Or, vu la multiplicité des problèmes pressants
tels les déficits budgétaires, eux-mêmes dus aux taux de
croissance insuffisants, à la crise de la dette, à la faiblesse
des cours de produits de base, à la détérioration continue
des termes de change, les Etats sont tentés de reléguer les
politiques d'environnement au second plan, au point de créer une dette
sociale et écologique dont les modalités de remboursement ne sont
pas encore connues à ce jour(1).
La tendance actuelle est à une véritable
obsession à la croissance économique quelles que soient les
modalités de son accession. L'exploitationdestruction de la forêt
tropicale, la multiplicité des grands aménagements hydrauliques,
les monocultures d'exploitation figurant parmi les grands programmes
menés pendant trente ans à l'encontre de toute conception
environnementaliste sont loin d'être totalement abandonnées, bien
que les conséquences négatives patentes de certaines de ces
orientations obligent à aménager fondamentalement de nombreux
projets(2).
Le manque de ressources alternatives pour faire face à
la crise accentue cette exploitation des ressources naturelles, conduisant
à accroître la détérioration de l'environnement. Le
statut actuel des Etats africains, "Etats rentiers" (ne dépendant que
des redevances de ses ressources naturelles) n'est pas favorable à
l'instauration d'un développement durable. Celui-ci ne peut voir le jour
que par un changement même du substrat économique dont la crise et
la pauvreté des populations constituent les retombés.
(1) Emiliènne Anikpo N'TAME, op-cit, page 235
(2) Ibdem, page 153.
B-PAUVRETE ET ENVIRONNEMENT
65 à 85% de la population de l'Afrique au sud du
Sahara, soit 4 sur 5 Africains vivent directement ou indirectement de
l'agriculture de subsistance, qui suppose le défrichage d'une grande
partie de la forêt. Ils utilisent le bois pour la cuisson des aliments et
le chauffage des maisons. Cette forte population est constituée en
majorité des couches très fragiles de la société et
ne peut produire sans endommager l'environnement qui leur sert de base de
production. Leurs pratiques culturales et les intrants qu'ils utilisent
entraînent, en effet, l'appauvrissement des terres cultivées.
Ainsi, la pratique des cultures sur brûlis (technique la plus
répandue dont la déforestation arbustive, le déboisement
et les feux de brousse sont les différentes étapes de sa
réalisation) est le meilleur exemple de cette
détérioration des terres qui se manifeste par l'érosion et
la perte de fertilité et de productivité des sols. Donc en
dépit de tous les risques écologiques qu'entraîne la
destruction des forêts, partout en Afrique, au nom de la survie,
celles-ci continuent d'être, dénaturées et finissent par
disparaître (la superficie des forêts africaines recule de 0,2%
à 4% par an: ainsi la Côte d'Ivoire qui avait 30 millions hectares
de forêt au début du siècle en comptait 4 millions en 1980
et à peine 2 en 1988, au Sénégal, environ 75 milles
d'hectares de forêts disparaissent chaque année...),
l'équilibre entre l'homme et la nature est en train de se rompre
à jamais.(3)
Par ailleurs, le surpâturage (au Tchad, au Niger, au
Mali, au Soudan et en Mauritanie...) et les pratiques culturales
minières qui exposent les sols au lessivage et, dans certains cas, en
accélèrent la concrétion et l'induction constituent le
quotidien des population de l'Afrique au sud du Sahara qui animées par
l'instinct de survie et faute de techniques et technologies fiables
(3)Revue française d'administration
publique, Janvier-Mars 1990, n° 53, page 101.
n'ont d'autre choix que celui de polluer et d'exploiter au jour
le jour leur environnement.
Selon les chiffres de 1991, l'Afrique s'enfonce davantage dans
la pauvreté, son revenu par habitant est tombé à 0,6%. Le
nombre des pays les moins avancés (PMA) dans le monde est passé
de 31 à 49 entre 1980 et 1994, et le total en Afrique subsaharienne est
aujourd'hui de 34, d'après la décision du Conseil
économique et social de l'Onu qui a ajouté l'Angola et
l'Erythrée sur la liste, soit 68% des pays les plus pauvres du monde. Le
revenu annuel par habitant est de l'ordre de 80 à 300 dollars, soit
1,40FF par jour. Cette situation vient empirer le sort réservé
à l'environnement car comme les experts l'ont démontré
à Rio, une fois menacé, l'environnement appauvrit davantage les
populations. La pauvreté dans ce continent est loin de ménager
avec la protection de l'environnement: 80% des ressources
énergétiques sont tirées des bois de feu.
L'éradication de la pauvreté paraît à cet instant
comme un défi préalable à l'instauration du
développement durable. Ceci n'est pas une révélation, car
bien connu de tous. Mais il s'agit maintenant de mettre en pratique cette
politique.
Selon le rapport du CMED, "la pauvreté est à
la fois la cause majeure et l'effet des problèmes environnementaux
globaux. Il serait futile de vouloir aborder ces problèmes sans prendre
en compte le facteur sous-jacent de la pauvreté et de l'environnement
international dans la perspective large".
Or, c'est là où le continent africain semble se
trouver dans un cercle vicieux, voire un labyrinthe. En effet, regorgeant une
population de pauvres, l'Afrique ne dispose pas de moyens de leur donner une
meilleure vie, l'éradication de la pauvreté ne pouvant s'obtenir
que par une forte croissance. Dans le cadre africain (celui de son
infrastructure technologique), cette
croissance n'est possible que par une exploitation intense de
ses ressources naturelles, autres formes de détérioration de
l'environnement. D'ailleurs, le document de synthèse du PNAE congolais
signale bien ce fait en ces termes: "la conséquence directe de cette
situation est de préconiser des activités extractives et de
politiques de développement qui ne tiennent pas automatiquement compte
de la dimension long terme du développement mais qui favorisent le fait
que les ressources soient hypothéquées et exploitées de
manière inconsidérée". Le document ajoute que
"Devant une baisse de niveau de vie, la réaction normale des
populations est de se retourner vers une exploitation des ressources naturelles
qui ne demande aucun investissement initial et qui peut générer
de revenus rapides, mais qui a des impacts dévastateurs sur
l'environnement"(4) M Mbaya KANKWENDA* a aussi
abordé le problème dans le même sens "...Ce n'est pas
par l'institution des parcs et réserves, la mise en oeuvre des
règlements et autres appareils de protection pour les besoins du
tourisme, de la science ou de l'amour de la nature que l'on peut sauvegarder
l'environnement et assurer la vie aux générations futures en
Afrique si les générations présentes sont
complètement démunies et condamnées à surexploiter
l'environnement. Mais c'est plutôt en assurant à ces derniers ou
mieux en les engageant dans un processus de croissance soutenue et
équitable que le discours sur la protection de l'environnement peut
réussir. L'Afrique de demain sera nue au sens propre et au sens
figuré si une telle croissance n'est pas réussie
aujourd'hui"(5).
Pendant la conférence de Rio, le problème de la
pauvreté a été pris en compte; la lutte contre la
pauvreté est inscrite dans la déclaration comme une
(4)Document de synthèse, stratégies
sectorielles, volume II, scénarios sectoriels,
stratégies nationales
1992
*Chef de division du programme régional et de
l'analyse des politiques, bureau régional pour l'Afrique,
PNUD
(5)CColloque sur le thème: Les
Nations-unies et le développement, le cas de l'Afrique,
Marseille, des 3 -4 Décembre 1993, page 108, éd A
Pédone, Paris 1993.
priorité de la communauté internationale. Mais
le retard enregistré jusqu'à présent dans la
reconstitution des fonds visant à lutter contre ce fléau n'est
pas de nature à diligenter l'établissement d'un
développement durable en Afrique. En plus, la lutte contre la
pauvreté en Afrique suppose une transformation fondamentale de ses
structures économiques, politiques et socio-cuturelles, ce qui
sous-entend qu'en attendant qu'elle bat en retraite l'Afrique aura
déjà connu une forte dégradation et le
développement durable risquera de devenir pour ce continent qu'un voeu
pieux comme l'autosuffisance alimentaire et santé pour tous, pour ne
citer que ceux-là.
On peut dès lors se demander si l'Afrique devra t-elle
compter avec la communauté internationale pour éradiquer le
fléau de la pauvreté? Nous sommes très sceptiques, les
précédents en ce domaine nous renseignent mieux. Le continent a
déjà fait l'objet d'études et de résolutions en vue
de l'éradication de la pauvreté, mais ces bonnes intentions n'ont
jamais été suivies d'actions concrètes. On se rappellera
du programme d'action des Nations Unies pour le redressement économique
et le développement de l'Afrique (1986-1990) adopté par
l'assemblée générale à la mi-1986 et
prolongé le 21 Avril 1992 par l'adoption de l'ordre du jour des Nations
Unies pour le développement durable de l'Afrique dans les années
90.
Edem Kodjo,* appelant l'élite africaine
à une intériorisation de cette prétendue solidarité
internationale sur la lutte contre la pauvreté dans les pays en
développement, écrivait "que les Africains ouvrent les yeux
sur les réalités du monde, ils verront que les puissances
industrielles confrontées à d'intenses difficultés
sociales avec leurs millions de chômeurs ont déjà fort
à faire pour réduire la pauvreté chez elles, et qu'en
toute logique, elle ne peuvent situer au premier rang de leur
préoccupations l'éradication de la misère dans les
* Intellectuel africain et Premier ministre Togolais
contrée lointaines" et de conclure "il
faut donc, dans le cadre de la politique économique mondiale nous
convaincre que notre continent possède des atouts et nous sommes les
seuls à pouvoir créer avec ou sans aide extérieure- notre
propre richesse par un développement conçu en fonction de nos
besoins"(6). L'Afrique a-t-elle des besoins spécifiques
à elle? Cela se pourrait, mais ce qui est sûr c'est que
malgré la prise de position officielle des autorités africaines
à Rio et la rédaction des PNAE, la question de la pauvreté
demeure l'obstacle majeur.
Mais le pire pour le continent noir est qu'à
côté de ce fléau, il y a celui de l'augmentation
démographique et les pesanteurs socio-culturelles qui rendent le
développement durable très hypothétique.
PARAGRAPHE II: LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET
LES
PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES
Il s'agit là de deux facteurs déterminants dans
la mise en oeuvre du développement durable. En Afrique, comme nous le
verrons par la suite, ces facteurs ont atteint un niveau tel que si rien n'est
fait ils résisteront à toutes politiques environnementales. Mais
à propos de l'augmentation démographique, il faut être
très lucide pour éviter de tomber dans des conclusions
mécaniques et simplistes que nous rencontrons dans plusieurs
discours.
(6) L'occident du declin au défi,
page 120
A-LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE VERTIGINEUSE
L'augmentation démographique est une voie à
double sens. Dans un sens aller, elle est porteuse de progrès
économique et social, car par définition, la croissance de la
population est une exigence pour le développement, et elle est synonyme
d'augmentation des bras pour la production et de marché pour les
producteurs, indépendamment de leur qualité ou de leur
état de santé. Dans un sens retour, elle constitue un frein
à l'augmentation de la part de chacun, car elle augmente les bouches
à nourrir, mobilise une partie de l'énergie de la
société qui devait être consacrée aux tâches
de production, bref elle représente une menace pour l'environnement,
accélère la croissance urbaine avec sa cohorte de
problèmes sociaux(7).
C'est de ce dernier sens dont souffre l'Afrique subsaharienne.
Dans une société sans infrastructures viables où
sévit en revanche la misère, la croissance démographique
constitue inexorablement une menace à l'environnement, elle constitue un
supplément de prédateurs.
A cet instant, l'enjeu pour l'Afrique c'est l'équilibre
nécessaire qu'il faut trouver entre l'exigence pour le
développement que lui impose la croissance démographique et la
maîtrise de l'accroissement de la population. Sinon au rythme
d'aujourd'hui l'Afrique se fourvoie vers une menace de famine et de
misère généralisée. Sa population est actuellement
estimée à 600 millions d'habitants, elle croît à
raison de 3,1% par an, et selon les projections, elle atteindra 1 milliards 200
millions dans 20 à 22 ans.
Mais déjà, selon la FAO, pour une dizaine de pays
la population dépasse la capacité alimentaire compte tenu de
l'inadéquation entre la capacité de
(7) Mbaya KWANDA op cit page 105
production et les taux très élevés de
fécondité. L'indice synthétique de
fécondité* est de 8,5 au Rwanda, 7,6 au Malawi, 7,3 en
Ouganda, 6,6 au Madagascar, 6,3 au Kenya et 5,4 au Zimbabwe.
Dans les travaux du PNAE du Lesotho, il a été
souligné que la croissance de la population combinée à la
pauvreté est l'une des raisons profondes de la dégradation de
l'environnement et de la stagnation économique du Lesotho. Le document
final du PNAE mentionne de façon très claire que "la
croissance rapide de la population...entraîne un processus
sévère et croissant de la dégradation
environnementale...sa réduction est préalable au
développement
durable»(8).
Sous le coup de cette expansion démographique, les
écosystèmes africains vivent l'une des mutations les plus rapides
de la planète. Les paysages changent, le couvert végétal
disparaît, les ressources renouvelables sont utilisées
au-delà de leur capacité de régénération, et
le capital foncier se dégrade de façon
accélérée. Au Niger, par exemple, le problème de
l'habitat est au centre de la dégradation de l'environnement. En effet,
il faut trouver le bois, les fourches, et les pailles pour l'habitat. Or, du
fait de la croissance de la population, ces matériaux deviennent de plus
en plus rares, menaçant ainsi plusieurs villages à
disparaître du fait de la désertification qui s'en est suivie.
Plus que toutes les autres, les Africains devaient disposer d'une
information environnementale dynamique et actualisée pour mieux
apprécier
* Il mesure le nombre moyen d'enfants auxquels les mères
donneraient le jour si les générations futures avaient le
même taux de fécondité par l'âge que les
générations actuelles. Il est égal à la somme des
taux de fécondité pour chaque âge (de15 à 49 ans)
établis pour une année donnée. Le taux de
féconditié par âge est le rapport du nombre des naissances
survenues chez les femmes d'un groupe d'âge donné, à
l'effectif des femmes de ce même groupe d'âge.
(8)Cité par F FALLOUX op-cit, page 68.
cette mutation et pouvoir guider rationnellement en enrayant la
spirale de dégradation qui les affecte aujourd'hui.
Or, il n'en est rien, car comme le constate d'ailleurs F Falloux,
" sil'information environnementale est en général
déficiente sur l'ensemble des
continents, elle est encore dans les
limbes en Afrique"(9). Ce manque
d'information d'abord sur
les questions environnementales et sur la croissance
démographique a
des implications sérieuses sur la mise oeuvre du
développement
durable, ce qui rend l'intériorisation de ces questions par
les
Africains capitale. Si l'on arrive pas à réduire
rapidement et fortement ce fort
taux d'accroissement démographique,
les explosions sociales résultant de la
misère risqueront de
se multiplier; le Rwanda (où le taux est de 3,5/an) n'est
pas le seul
pays à vivre dans la précarité, mais il est allé
jusqu'au génocide.
Malheureusement, les politiques tendant à
réduire l'augmentation démographique trouvent toujours sur leurs
voies des facteurs de résistances. De fait, à l'issue de la
deuxième conférence mondiale sur la population (Mexico 1984),
plusieurs programmes de planning familial ont été lancés
en Afrique mais les résultats n'ont pas été brillants.
Comme pour les questions de lutte contre la pauvreté, là aussi il
a manqué et manque encore les moyens financiers suffisants qui puissent
maintenir ce genre de programmes dans le temps afin de réduire les
naissances et imprégner les populations de façon durable.
Il y a aussi la religion qui continue à jouer un
rôle considérable dans cet échec; le Vatican s'est toujours
levé contre toute politique de limitation de naissances y compris des
méthodes contraceptives. La conférence du Caire sur
la population nous a montré combien les Africains au nom
de Dieu ou de leur culte étaient très solidaires avec le discours
du Saint siège.
Pour venir à bout de ces considérations
religieuses et culturelles, nous pensons qu'au lieu d'imposer aux Africains une
transition démographique venue d'ailleurs (ce qu'ils ont du mal à
accepter), il faut au contraire permettre aux femmes de participer à un
nouvel ordre mondial en leur donnant les moyens efficaces d'investir leurs
potentialités ailleurs que dans la procréation. Car parler de
développement durable sans procéder au plus juste partage des
richesses mondiales est illusoire. Ce n'est pas par hasard que le
sousdéveloppement s'accommode souvent d'une croissance
démographique élevée.
Mais dans le document final de la conférence de Caire
(qui était l'occasion de prescrire les vraies thérapies à
ce problème) les questions de développement pourtant
fondamentales pour l'Afrique n'ont été abordées qu'en six
pages sur un total de quatre vingt trois. Pourtant il est établi que le
sort de la population africaine est lié à celui de la
pauvreté. Comme pour celle-ci, toute politique de population et
environnement qui n'est pas axée sur la recherche d'un nouvel
équilibre Nord/Sud est une diversion organisée(10).
Il convient donc à la communauté internationale
d'intensifier son soutien à la croissance économique de
l'Afrique, le principe de solidarité internationale en matière de
protection de l'environnement doit jouer un rôle particulier concernant
les questions démographiques, autrement elles continueront à
enfreindre à toute tentative de promotion de développement
durable. Mais cela ne règle pas tous les problèmes, il faut
encore que les Africains intériorisent les problèmes posés
par la dégradation de l'environnement.
(10)Jean Marc ELA, Développement et
"diversion" démographique, le Monde diplomatique,
Septembre 1994, page 8 .
B-LES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES
A l'heure où se posent les problèmes de
l'environnement mondial, plusieurs Africains restent attachés à
des considérations empiriques qui consistent à trouver en la
nature une source inépuisable de richesses, ce qui fait que la
mobilisation des populations pour les préoccupations environnementales
n'est pas grande. La liste très limitative des ONG et associations de
défense de l'environnement atteste suffisamment ce point de vue. Daniel
Etounga MANGUELE (11) note à ce propos que "L'Africain,
ancré dans sa culture ancestrale, est tellement persuadé que le
passé peut se répéter, qu'il ne se soucie que sommairement
du futur...or, sans une perception dynamique de ce dernier, pas de planning,
pas de prévision, pas scénario, c'est-à-dire pas de
politique volontaire pour influer sur le cours des événements".
Cette culture caractérisée par le manque de capacité
planificatrice est un handicap particulièrement considérable dans
une période où la vitesse de changement s'accélère
surtout lorsqu'il s'agit de phénomène de dégradation.
Là où il faudrait continuellement planifier et replanifier, on ne
trouve que l'apathie de la société qui, dans sons rêve
d'immuabilité du monde, refuse de faire face à la
réalité du changement et de modifier son comportement en
conséquence(12).
Ces modes de pensées traditionnelles ne sont pas
seulement l'oeuvre de simples citoyens car les autorités
elles-mêmes n'ont pas véritablement à coeur les questions
environnementales à l'exception des politiques que nous avons
examinées plus haut. Le processus démocratique enclenché
en Afrique il y a 4 ans nous en a fait la preuve. En effet, les questions
environnementales étaient malheureusement absentes dans les
débats et dans les campagnes électorales
(11)Cité par F FALLOUX, in op.cit, Page 292.
(12)F FALLOUX, op.cit, page 315
même dans un pays comme le Madagascar qui a perdu en un
temps record la plus grande partie de son couvert végétal.
Aujourd'hui comme l'environnement est devenu le mot à
la mode, bon nombre de politiciens africains en parlent, mais leur discours
n'est pas étayé de suffisamment de connaissances de
véritables enjeux environnementaux ni de leur importance dans le
contexte du développement de leur pays. Et cela se manifeste au niveau
des budgets nationaux qui, en dehors des pays sahéliens (qui allouent
une bonne partie de leurs recettes dans le cadre du CILSS et de
l'OCLALAV:organisation commune de lutte anti-acridienne et anti-aviaire) ne
consacrent pas grand-chose pour la protection de l'environnement.
Par ailleurs, l'Afrique traverse aujourd'hui une crise
politique profonde dont l'instauration du processus démocratique est en
partie responsable. Cette crise peut faire obstacle au déroulement du
processus de PNAE. Sur les 47 Etats que compte l'Afrique subsaharienne,
quelques-uns connaissent de périodes troubles arrivant à
fragiliser l'Etat (en tant qu'instrument). La fréquence de ces troubles
est telle qu'une fraction des PNAE se trouve plus ou moins affectée. Le
cas plus extrême est celui de la Somalie où le processus PNAE
pourtant bien parti a sombré dans la guerre civile.
Dans de moindres proportions, la mise en oeuvre du PNAE au
Lesotho a été retardée par des coups d'Etat, des
changements de rois, bref par l'instabilité politique. Le PNAE au Rwanda
a été retardé par l'affreuse guerre civile dont il
a encore du mal à se remettre. La mise en oeuvre de
celui de Madagascar a düaffronter une crise politique profonde.
Le processus au Togo a été freiné par
les mêmes raisons. Bref, la crise politique en cours en
Afrique et qui pourra
malheureusement s'amplifier en raison de quelques
remous sociaux dus au
problèmes des inégalités sociales et de la
redistribution des richesses causera beaucoup de torts à la mise en
oeuvre des politiques environnementales.
PARAGRAPHE III: LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE
Au terme de la convention des Nations unies sur la lutte
contre la désertification dans les pays gravement touchés par la
sécheresse et/ou la désertification en particulier en
Afrique, le concept "désertification" désigne la
dégradation des terres arides, semi-arides et subhumides sèches
résultant de divers facteurs, dont les variations climatiques et les
activités humaines. Tandis que la sécheresse désigne le
phénomène naturel qui se produit lorsque les
précipitations ont été sensiblement inférieures au
niveau normalement enregistré, ce qui provoque de graves
déséquilibres hydrologiques préjudiciables au
système de production des ressources en terres.
Les estimations faites par le PNUE indiquent que les terres
arides couvrent les 2/3 du continent africain et 73% de ces terres arides
agricoles sont classées terres dégradées. Et en un demi
siècle, l'Afrique a perdu 650 000 Km2(13). A cette allure, la
désertification et la sécheresse qui concernent bon nombre
d'Etats africains, notamment le Niger, le Tchad, le Soudan, etc. compromettent
le développement durable en raison de la corrélation qui existe
entre ces phénomènes et d'importants problèmes sociaux
comme la pauvreté (dont on vient d'examiner l'impact sur
l'environnement), la mauvaise situation sanitaire et institutionnelle,
l'insécurité alimentaire, ainsi que les déplacements des
populations et la dynamique démographique que cela engendre. Bref, dans
une région où prédominent la désertification et la
sécheresse on ne peut promouvoir un véritable
développement à moins de commencer par endiguer
(13) Arezki BENNOUKHTAR, désert:
une lente progression, politis, oct-nov 1994, page 21
87 ces phénomènes, ce à quoi la
communauté internationale s'est proposée de faire en
élaborant et signant la convention sur la lutte contre la
désertification...dont nous analyserons un peu plus loin le
mécanisme et l'efficacité.
SECTION II: LES FREINS EXOGENES
En sus des freins endogènes que nous venons
d'examinés, plusieurs facteurs de nature externe renforcent
l'idée selon laquelle le développement durable prôné
par la communauté internationale s'avère à l'heure
actuelle comme un leurre pour l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit des
politiques d'ajustement structurel, des dévaluations non suivies de
mesures concrètes et immédiates, la question de la dette, la
libéralisation du commerce mondial et son impact sur l'environnement et
enfin le problème du transfert vers l'Afrique des technologies nuisibles
à l'environnement par de grandes chaînes d'industries en mal de
s'adapter à la nouvelle réglementation occidentale.
PARAGRAPHE I: LE POIDS DE LA DETTE ET LES
CONSEQUENCES
IMMEDIATES DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL
Il s'agit de deux maux très liés qui rongent le
continent africain, l'empêchant même à mener des politiques
de développement endogène, car les instructions qui partent des
institutions financières internationales vont souvent à
l'encontre des aspirations des populations. Les politiques de protection de
l'environnement sont le plus souvent victimes de ces instructions (PAS) et de
la dette extérieure qui enjoint les Etats à réduire
certains chapitres de leurs budgets au nombre desquels l'environnement
s'inscrit en première place.
A-LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE ET L'ENVIRONNEMENT
Depuis les années quatre vingt, l'Afrique subsaharienne
est prise dans l'engrenage d'un endettement permanent. Dans un contexte de
faible valorisation des matières premières et de taux
d'intérêt élevé, la plupart des pays emprunteurs
(Côte-d'Ivoire, le Cameroun, le Congo, le Gabon, le
Sénégal, le Madagascar, le Zaïre...) sont ainsi devenus
insolvables. Les rééchelonnements et les accès aux
crédits pour honorer les intérêts ont conduit à une
accumulation d'arriérés et ont déplacé les bosses
de la dette. La dette extérieure (167 milliards de dollars, Afrique du
sud exclue) en 1980 est passée à 270 milliards de dollars en
1992. En terme de rapport d'exportation elle est passée de 97% à
362% des exportations de biens et des services et de 27% à 97% du PNB.
Le service de la dette, quant à lui, est passé, après
rééchelonnements (en % des exportations et de biens et services)
de 11% à 22% dont environ la moitié sous forme
d'intérêts(14).
Or, cet accroissement du service de la dette incite les Etats
africains à maximiser leurs recettes en devises. Pour se faire, ils
mettent en avant leurs ressources naturelles. C'est ce qu'explique
l'économiste Christine BOGDAUWICZ BINDERT(*) lorsqu'elle dit
que "les questions écologiques sont totalement
écartées dès lors qu'un gouvernement se trouve aux prises
avec une immense dette". La gestion d'un service toujours croissant de la
dette ne peut se faire tout en ménageant certains domaines dont la
rentabilité ne peut être évaluée que dans le long
terme.
Les Etats africains privilégient donc la course à
l'insertion dans le marché mondial, au nom des "avantages comparatifs",
la chasse aux devises ne
(14) Philippe HUGON, professeur à
l'université de Paris X Nanterre), "L'économie de
l'Afrique", éd la découverte, collection
repères, Paris 1993, page 209.
(*) Conseillere à la banque mondiale
seraient-ce que pour le remboursement de la dette (entre 1980
et 1990, l'Afrique a versé à l'occident 180 milliards au titre
des intérêts!), ce qui implique une surexploitation des sols, des
sous-sols, des forêts et des mers. Dans ces conditions, nous pensons que
le problème de la dette africaine ne peut pas faire bon ménage
avec la protection de l'environnement. La commission mondiale pour
l'environnement et le développement dans son rapport (BRUNDTLAND) en
avait fait déjà état en ces termes "s'ils sont
incapables de rembourser leurs dettes, les pays africains lourdement
tributaires de leurs exportations de matières premières sont
forcés de surexploiter des sols fragiles, ce qui aboutit à la
désertification de terres", le rapport conclut que" la
protection de l'environnement à l'échelle mondiale exigera des
concessions importantes de la part des pays riches sur la question de la
dette"(15). Toujours dans ce même ordre
d'idées, la Conservation Internationale (organisme de défense de
l'environnement) devait ajouter qu'un endettement extérieur lourd
contribue indubitablement à accroître les pressions
économiques qui incitent les pays à surexploiter leurs
ressources
naturelles"(16).
Si la communauté internationale a voulu atténuer
les charges des pays en développement en évoquant la
solidarité internationale, la responsabilité partagée mais
différenciée et en élargissant le champ d'action du FEM,
nous pensons qu'il ne s'agit là que des demi-mesures. Une meilleure
protection de l'environnement mondial par les Africains ne peut passer que par
une épuration effective de la dette; ce serait la matérialisation
même de cette responsabilité différenciée prise au
sens large (étant entendu que les Etats occidentaux principaux
créanciers et responsables de la dégradation de l'environnement
mondial ont pu dégager ces créances qu'en polluant et en
surexploitant les
(15) Notre avenir à tous, CMED,
page XV
(16) cité in banque mondiale 1993, page 200.
ressources de la planète). En dehors de cette
alternative, la dette africaine, comme d'autres problèmes
évoqués plus haut, fera obstacle à la prise en compte
effective par les budgets nationaux des politiques réelles
d'environnement. A la rigueur, ces créanciers peuvent à l'image
de ce qui se fait en Amérique latine procéder par des
transactions ou échanges dette-nature si l'on veut voir se
réaliser en Afrique un véritable développement durable.
Mais au delà, il faut que les institutions financières
internationales réexaminent la relation entre programmes d'ajustement
structurel et environnement.
B-LES EFFETS DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL
SUR L'ENVIRONNEMENT (PAS)
Les relations entre ajustements structurel et environnement
ont toujours été présentées comme deux facettes
antinomiques, en ce sens qu'on ne peut appeler à la protection et la
sauvegarde de l'environnement tout en demandant à ce que soient
appliqués des programmes d'ajustement structurel. Dans la plupart des
travaux en cours, de nombreux experts soutiennent l'idée selon laquelle
les réformes entreprises dans le cadre des PAS -en particulier la
réorientation des incitations à la production et à la
rationalisation des dépenses publiques- ont nuit et continuent à
nuire à l'environnement.
En effet, ces réformes visant à réduire
des distorsions dissuasives pour la production de biens échangeables ont
stimulé la production des produits d'exploitation -des bois d'oeuvre et
autres produits agricoles- au détriment de l'environnement. Par exemple,
les PAS, qui prévoyaient des dévaluations, incitent les
exploitants forestiers à intensifier les coupes pour exporter davantage
de bois d'oeuvre, ce qui favorise la culture de terres
déboisées.
Aujourd'hui, en raison des dérèglements
réels dans le domaine financier, particulièrement
budgétaires et monétaires, en raison aussi des processus
particuliers de constitution de la dette et de la gestion de son remboursement,
un nombre très important des pays d'Afrique et la presque
totalité de ceux d'Afrique subsaharienne ont adopté des
politiques d'ajustement structurel en vue de restaurer l'équilibre
extérieur budgétaire et monétaire. Ce qui veut dire que
depuis un certain temps, ces pays sont en train d'appliquer des mesures
incitatives à l'exploitation massive des ressources naturelles, donc
à la dégradation de l'environnement. On nous dira que plusieurs
critiques ont été formulées à l'encontre de ces
PAS, donnant lieu à ce qu'on appelle le programme d'ajustement
structurel à visage humain. Mais ce qu'il ne faut pas oublier c'est que
si cette "humanisation" du PAS -au cas où elle l'est devenue- a des
effets sur le social, l'environnement par contre, n'en tire guère profit
car en réduisant les charges publiques, en enjoignant les Etats
endettés à s'employer au remboursement de la dette, c'est vers
leurs ressources naturelles que ceux-ci se retournent pour supporter les
retombés de ces politiques drastiques des institutions
financières internationales. Le fonds mondial de la nature, dans son
étude publiée en 1992, a réaffirmé que la
réforme des dépenses publiques entraînerait une
réduction des investissements d'infrastructures visant à
protéger l'environnement ainsi que les dépenses de vulgarisation
agricole(17). En effet, quand le F.M.I. impose la réduction
des dépenses publiques, les programmes écologiques sont parmi les
premiers touchés ainsi que les ressources naturelles elles-mêmes.
A titre symbolique et en extrapolant un peu, nous pouvons citer le cas du
Brésil où la réduction du budget alloué à
l'agence fédérale de protection de la nature a
entraîné une suppression de son personnel et de la grande partie
des sapeurs pompiers du parc national. Le Mexique a quant à lui a
supprimé 15 sous secrétariat dont quatre concernant
l'environnement.
(17) banque mondiale, page 207.
Si on ne peut pas pour l'heure bien quantifier sur les budgets
les effets des PAS sur l'environnement en Afrique parce que l'administration de
l'environnement est encore peu développée, on peut toutefois dire
que c'est sa mise en place, sinon son épanouissement qui est ainsi en
cause. M Abdellatif BENACHEUHOU(*), s'interrogeant sur les
conséquences des PAS a dit à ce propos que " en dehors des
effets de ces politiques sur le secteur social (éducation et formation,
santé, population recherche), on peut s'interroger sur les moyens
disponibles actuellement pour la préservation de l'environnement.
En effet poursuit-il "Les chiffres de croissances économiques
parlent euxmêmes. Les taux de croissance ont diminué très
sensiblement dans les pays d'Afrique au sud du Sahara; la croissance par
tête d'habitant est devenue négative...L'investissement productif
tend vers plus ou moins zéro. Dans ce contexte économique
déprimé, on est conduit à s'interroger sur les
possibilités réelles de financer les investissements de toute
sorte que requiert la préservation de l'environnement par l'organisation
des trois formes de transitions: démographique, agricole,
énergétique. Si cette préservation passe par ces
transitions, les moyens de mise en oeuvre sont loin d'être réunis
et les perspectives concrètes pour le faire peu
brillantes.(18)
Le Ghana, pays que les experts disent qu'il est le meilleur
élève du FMI, a fait les frais "environnementaux" des PAS. Dans
son rapport de 1993, la banque mondiale a fait remarquer que les
dévaluations opérées au Ghana au début des
années 1980 dans le cade du PAS ont accéléré le
déboisement du pays. Ceci dit, la dévaluation du franc CFA, qui
vient d'être opérée en Afrique a des fortes chances de
conduire aux mêmes conséquences, surtout que les mesures
d'accompagnement ne sont pas efficaces. Ce qui risque de faire que la
conscience et l'action en faveur de l'environnement soient
sérieusement
(*) Professeur, directeur de la division des études sur le
développement à l'UNESCO (18) Revue tiers monde
n° 130, Avril-Juin 1993, page 378.
érodées. Ainsi on ne s'étonnera pas de
voir marginaliser et minimiser la prise en charge coûteuse de
l'environnement. Comme pour leurs nouvelles politiques d'évaluation
environnementale des projets, là aussi nous pensons que la Banque
Mondiale et les autres institutions financières internationales doivent
procéder à l'évaluation environnementale des PAS, sinon,
une fois de plus, le développement durable ne sera qu'un vain mot pour
l'Afrique. A la rigueur son instauration ne se fera pas dans un proche avenir,
surtout qu'en dehors du poids de la dette africaine il y a aussi le
problème des transferts de technologies polluantes qui n'est pas sans
grande conséquence pour l'Afrique subsaharienne.
PARAGRAPHE II: LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES
POLLUANTES ET L'INCAPACITE D'ACCES DE L'AFRIQUE AUX
TECHNOLOGIES PROPRES
Aujourd'hui lorsqu'on parle de transferts vers l'Afrique des
déchets toxiques, on ne peut pas manquer de faire allusion au tristement
célèbre mémo de M Lawrence SUMMERS, conseiller
économique à la Banque Mondiale. Selon ce monsieur, "une
certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où le
coût de la maladie est plus faible, autrement dit là où les
salaires sont les plus bas. Je pense que la logique qui veut que les masses de
déchets toxiques soient déversées là où les
salaires sont plus faibles est imparable.(...) J'ai toujours pensé que
les pays sous-peuplés d'Afrique étaient largement
sous-pollués; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau
inutilement bas par rapport à Los Angeles ou Mexico(...). On se
préoccupera évidemment beaucoup plus d'un facteur qui augmente de
façon infinitésimale les risques de cancers de prostate dans un
pays où les gens vivent assez longtemps pour avoir cette maladie, que
dans un autre où deux cent enfants sur mille meurent avant l'âge
de cinq ans"(19), ces propos irresponsables de M Lawrence
(19)Mémo du 12 décembre
1991,révélé par The financial times
SUMMERS coïncident actuellement avec le
phénomène de migration vers l'Afrique d'industries polluantes.
A-LA MIGRATION VERS L'AFRIQUE D'INDUSTRIES
POLLUANTES
En effet, pendant que les USA, l'Allemagne, la Hollande, la
Suisse et les pays Scandinaves édictent des réglementations d'une
sévérité sans précédent pour satisfaire des
consommateurs de plus en plus nombreux à réclamer des industries
propres, les législations africaines apparaissent statiques. Les
consommateurs moins avisés sur les risques de certaines industries
"sales" n'exercent aucune pression pour que soient adoptées des mesures
strictes en la matière. Du coup, cette situation fait du continent noir
un "paradis des pollueurs" excepté le cas spécifique de transfert
de déchets toxiques proprement dits qui est réglementé par
la convention de Bamako de 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique les
déchets toxiques.
La crise économique du continent qui oblige les Etats
à mettre en place des régimes d'incitations fiscales fera de
telle sorte que ces Etats soient moins rigoureux vis-à-vis de la
qualité des industries qui, n'ayant pas réussi à
s'accommoder de la nouvelle législation occidentale, délocalisent
pour l'Afrique. Actuellement, tout un secteur entier pratique cet exode vers
l'Afrique; il s'agit en grande partie de l'affinage des métaux, du
raffinage du pétrole, du ciment des pâtes à papier et des
produits chimiques de base...
Certains pourront être tentés de dire que cette
évolution est propice au développement et aux échanges des
pays du tiers-monde, particulièrement ceux d'Afrique. Cependant, la
migration des industries "sales" n'est pas sans incidences économiques
et écologiques à long terme. Dans la mesure où elle
repose de plus en plus sur les industries "sales" ou
polluantes, la croissance de ces pays ne peut être durable: la
détérioration croissante de l'environnement et
l'épuisement des ressources risquent de ralentir la
production(20). De fait, le développement durable
prôné par les dirigeants africains trouve par l'acceptation de ces
industries les limites de sa réalisation.
Comme pour la surexploitation des ressources naturelles, la
pauvreté et la crise justifient à nouveau le manque de rigueur de
l'Afrique face à l'impératif de développement durable.
Mais ce qu'il ne faut pas oublier au sujet de ces délocalisations et des
propos tenus par M SUMMERS c'est qu'on ne resout pas les problèmes
écologiques planétaires. On les fait simplement déplacer
d'un pôle à l'autre. Le pire c'est que cette forme de pollution
(la plus sinueuse) se conjugue avec le transfert des déchets et produits
toxiques au mépris des législations en vigueur.
Suite aux scandales nés d'exportations et des projets
d'exportations des déchets toxiques vers Afrique en 1980, plusieurs pays
africains ont signé des accords imposant de sévères
restrictions en matière d'importations des déchets toxiques dont
le plus important est la convention de Bamako précitée. Mais ces
mesures si elles sont sévères et précises (en ce qui
concerne leur énumération) ne sont pas sérieusement
appliquées faute d'organes de contrôle compétents au niveau
des frontières. Le retard technologique que connaît l'Afrique
vis-à-vis des occidentaux facilite le transfert vers l'Afrique de
certains produits déclarés toxiques selon les normes
occidentales, mais sur lesquels les législations africaines restent
muettes. Bon nombre d'exportateurs profitent de ce handicap pour faire passer
des produits dangereux pour des matières premières.
(2o)Candide STEVENS, politiques
d'environnement: une incidence sur la compétivité?,
observateur OCDE, n°183, août-sept 1993, page 22.
Du fait de son ignorance, le continent noir devient donc un
dépotoir de déchets toxiques. Le dossier consacré par le
Courrier international sur la qualité des produits pharmaceutiques
consommés en Afrique témoigne à l'évidence les
risques encourus par ce continent(*). En effet, il a
révélé que près de la moitié de ces produits
sont soit des contrefaçons, soit des produits périmés dans
des emballages actualisés. Il s'agit des produits venant des officines
d'Afrique et d'ailleurs. Cette pratique est aussi courante en matière
d'intrants et autres produits agricoles dont les impacts négatifs sur la
conservation des sols sont prouvés dans les pays
développés. C'est le problème d'harmonisation des normes
qui est ainsi posé. Ce qui est interdit en occident pour sa
nocivité ne l'est pas forcement en Afrique et le devient très
souvent que tardivement. Le cas du DDT, insecticide très persistant qui
a été banni dans plusieurs pays occidentaux est typique. En
effet, depuis cette interdiction, plusieurs pays du tiers monde ont
augmenté l'usage de DDT menaçant la santé de leurs
citoyens et exportant en retour leurs denrées alimentaires vers les pays
occidentaux(21).
Il faut aussi dire que malgré certaines mesures prises
contre l'importation des déchets toxiques, plusieurs ressortissants
africains s'emploient à contourner ces mesures pour des raisons
financières, justifiant ainsi la thèse selon laquelle quand les
pauvres doivent choisir entre une atmosphère plus propre et une
pauvreté moins grande, la plupart d'entre eux préfèrent
à juste titre tolérer des niveaux de pollution supérieur
à ceux des pays riches en échange d'une croissance rapide. Selon
une annonce de Mostapha TOLBA, directeur du programme du PNUD, datée du
6 Octobre 1994, il y aurait un transfert de déchets toxique de la Suisse
vers l'Afrique n'eussent été la vigilance et la capacité
de coopérer du gouvernement Suisse. En effet, un accord a
été signé
(*) E KOCH, M SIMM, M WECH (Focus Munich), La mafia
des faux médicaments, Courrier international, n° 204,
du 29 au 5 Septembre 1994, page 36.
(21)CMED,ibdem, page XVI
entre des entreprises européennes et un ressortissant
Somalien en vue de déposer 500 000 tonnes des déchets toxiques en
Somalie.
Ce scandale qui n'a pu heureusement voir le jour prouve
à suffisance que malgré les mesures prises au niveau
régional et mondial, l'Afrique n'est pas à l'abri de ces
transferts de déchets toxiques. D'ailleurs plusieurs gouvernements n'ont
pas encore signé et ratifié la convention de Bâle et celle
de Bamako qui interdisent l'exportation et l'importation des déchets
toxiques. Dans l'annonce dont nous venons de faire allusion, M. Mostapha TOLBA
n'exhortait-il pas les gouvernements à le faire? Mais paradoxalement, au
moment où on mijote ces transferts ceux concernant les nouvelles
technologies non-polluantes restent inaccessibles à l'Afrique.
B- L'INACCESSIBILITE DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES
NON POLLUANTES
Il est très courant de rencontrer dans les propos de
bon nombre d'analystes que l'Afrique n'est pas obligée d'emprunter le
chemin parcouru par l'industrialisation occidentale (responsable du
déséquilibre des écosystèmes planétaires)
pour accéder au développement. Elle peut le faire par le biais
des nouvelles technologies dites "propres". Il s'agit de diagnostics
végétaux, d'insecticides microbiens, de techniques de culture
tissulaire, de micro propagation et de cartographie génétique et
aussi des plantes transgéniques résistantes à certaines
herbicides, virus et insectes.
La plus grande partie de ces technologies demeure l'apanage
des pays de L'OCDE, mais c'est dans les pays en développement où
l'accroissement démographique nécessite une augmentation du
volume et de la qualité de la
production agricole que les besoins d'innovation technologique
sont les plus criants.
Or, le problème de l'acquisition de ces technologies
par l'Afrique n'est pas si facile qu'on entend le faire croire. Plusieurs
facteurs dans le domaine des biotechnologies font qu'actuellement leur
accessibilité par le continent noir soit très difficile. On peut
ainsi citer le permanent problème du manque de capitaux lui-même
lié à celui des brevets, le niveau très peu
élevé de la culture technologique des Africains, puis le fait que
dans la majorité des cas, ces nouvelles technologies ne s'attaquent
qu'aux problèmes spécifiquement occidentaux.
En effet, le renforcement du rôle du secteur
privé dans la recherche agronomique fondamentale adaptée ou
inadaptée des pays en développement, tout autant que les
possibilités d'importer de nouvelles technologies (ou composants
biotechnologiques) sont de plus en plus liés aux droits de
propriétés intellectuelles. Pour ce qui est des plantes, ces
droits sont protégés par les brevets ou par une forme de droit
d'obtention végétale qui garantit le versement de redevance
d'exportation à l'innovation dont les Africains ne peuvent entreprendre
actuellement du fait de la crise et de leur coût élevé. Et
pourtant ces nouvelles technologies sont des instruments d'accès
à un développement durable, car elles apportent à la fois
l'espoir de pouvoir augmenter aussi bien la qualité que la
quantité de production agricole et la possibilité de
réduire le long délai de plusieurs années indispensables
à la mise au point de nouvelles variétés. Plus encore, la
biotechnologie permet d'analyser et de maîtriser le potentiel
génétique propre aux espèces locales.
par les brevets risquera d'avoir des graves
conséquences en matière d'autosuffisance alimentaire, de
protection de l'environnement ou de compétitivité sur le
marché mondial désormais libéralisé.
Il y a aussi que ces technologies sont très souvent
inadaptées à l'environnement et aux besoins africains. Cependant,
tout laisse à croire que dans les cas où elles peuvent le
devenir, on verra apparaître un autre obstacle. Par le passé et
pour des raisons multiples dont certaines sont liées à la
disponibilité facile de ressources externes, les pays en
développements dans leur majorité, n'ont pas acquis le
contrôle de la technologie de conception, de réalisation et
d'utilisation de leurs outils de production(22). Ainsi, pour
l'avenir, nous pensons que l'effort de diffusion technologique sera voué
à l'échec si aucun changement n'est apporté sur la
question du pallier culturel du moment. L'Afrique doit donc faire sienne la
leçon tirée des travaux de LevoiGAURHAN qui dit que:
«l'histoire des techniques montre qu'un groupe social ne peut
assimiler une nouvelle technique donnée que s'il est déjà
parvenu à maîtriser les techniques antérieures de la
même "lignée" que les nouvelles techniques
présupposées.»(23) La diffusion
technologique suppose ainsi l'équivalent au niveau social d'une mutation
de savoir-faire au cours de laquelle la communauté s'approprie la
technique et la modifie en la stimulant.
On peut dès lors s'interroger sur l'avenir de l'Afrique
face à ces obstacles que nous venons d'énumérer. Nous
pensons que la solidarité en matière de protection de
l'environnement mondial tant prônée doit s'exprimer ici, ne
serait-ce que par le relèvement de l'aide au développement et par
l'assistance technique au moyen d'institutions bilatérales et
multinationales, et notamment des centres internationaux de recherche agricole
dont le rôle serait de
(22)Abdellatif BENACHEUHOU, Défis,
savoir, décisions, Revue tiers-monde, Avril-Juin 1994
n°130 page 378
(23)Cité par Abdellatif BENACHEUHOU, ibdem,
page 378.
divulguer les informations scientifiques. Cependant, si l'acte
final de l'Uruguay round peut servir de cadre idéal de ces
échanges d'informations, il n'en demeure pas moins que dans bon nombre
de ses clauses il favorise la dégradation de l'environnement.
PARAGRAPHE III : L'ACTE FINAL DE L'URUGUAY ET
L'ENVIRONNEMENT
Déjà mis à mal au cours des
décennies passées par des politiques suicidaires, l'environnement
et le développement vont subir de plein fouet les effets pervers du
nouvel ordre marchand dirigé dorénavant par l'organisation
mondiale du commerce (OMC). Car comme l'a su bien le dire Mr Gil ARCOAT, entre
les accords du Gatt signés à Marrakech en Avril 1994 et la
déclaration de Rio de Janeiro de Juin 1992, on se trouve en
présence de deux logiques contradictoires dont on a quelque mal à
croire qu'elles aient pu être adoptées par les mêmes chefs
d'Etat à moins de deux ans d'intervalle(24). On ne peut pas
comprendre que, d'un côté, 150 pays signataires de la charte de la
terre reconnaissent que certaines activités de développement sont
responsables de la dégradation de l'environnement terrestre et de
l'épuisement des ressources et se prononcent en faveur d'un principe de
développement durable, et de l'autre, 125 Etats signataires de l'acte
final de l'Uruguay round optent pour la toute puissance du marché. Ils
érigent le libre échangisme en dogme et s'octroient les
prérogatives énormes leur permettant, encore plus que par le
passé, de gaspiller les ressources, aggravant ainsi l'avenir de la
planète(25).
Le problème paraît grave et les craintes
justifiées dès qu'on se rend compte que les documents de Rio ne
sont pas soumis au même pouvoir
(24)commerce, environnement,
développement: le marché prédateur, Politis
N°20 oct-nov, page 43. (25)Ibdem, page 43
contraignant que les accords de l'Uruguay round qui engagent,
avec menaces de rétorsion en cas de refus, tous les signataires. Cette
toute puissance des accords concoctés par des grandes firmes telles
Coca-Cola, Carry, General motors, Boeing etc. -à travers les
"comités de conseil en négociation commerciale"- paraît
encore plus grave lorsqu'on se rend compte que les questions touchant à
l'environnement étaient écartées de l'ordre du jour des
discussions par ces firmes. Pour ces grands bénéficiaires du
nouveau Gatt, il fallait bien entendu réussir le coup, car les mesures
de protection de l'environnement ne devraient pas constituer une "entrave aux
échanges commerciaux".
Avec le nouveau Gatt devenu OMC, les signataires dont 93 Etats
du tiers- monde sur 125 seront contraints d'ouvrir sans restrictions leurs
frontières aux multinationales, disposeront d'un bien plus grande
liberté de manoeuvre que par le passé; les accords du Gatt
jouissant d'une primauté sur les réglementations nationales.
L'article XIV nous renseigne mieux à ce sujet. Il stipule en effet que
"Chaque membre assurera la conformité de ses lois, ses
réglementations et procédures administratives avec ses
obligations telles qu'elles sont énoncées dans les accords",
ce qui veut dire que les Etats ne peuvent pas établir des politiques de
préservation de leurs milieux et édicter leurs propres normes et
contrôler l'exportation de leurs ressources naturelles. Ceci est plus
vrai pour les pays d'Afrique subsaharienne qui constituent le grand
réservoir d'espèces vivantes de la planète, une richesse
convoitée par les grandes firmes pharmaceutiques.
Dans le chapitre intitulé produits industriels,
l'accord décide de la suppression des droits de douanes de plusieurs
secteurs dont celui du bois et des produits de bois. On voit que là
aussi l'acte de l'Uruguay round ouvre une grande voie à l'exploitation
intensive des forêts, parce que la suppression des
droits de douane par définition veut dire favoriser la
multiplication des importations des bois d'Afrique et d'ailleurs.
Ces failles que présente l'acte final de l'Uruguay
round ne sont pas d'aujourd'hui. Depuis le début des négociations
plusieurs défenseurs de l'environnement en avaient fait état. La
création du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC est
une volonté de repréciser certains principes dans la relation
environnement-commerce. Mais la marge de manoeuvre du comité reste
très infime d'autant plus qu'il ne peut pas faire plus d'effort de
conciliation de ces deux secteurs sans que les Etats membres, les
ultralibéralistes notamment, puissent taxer ses recommandations de
dangereuses manifestations de protectionnisme commercial, comme ils l'ont fait
lors de sa création. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas de l'OMC
lui-même que proviendra une juste protection de l'environnement, car
comme toute organisation incriminée, l'OMC tente de rejeter la
responsabilité de la destruction de l'environnement sur d'autres.
L'allocution du directeur général sortant du Gatt M. Peter
SUTHERLAND lors du symposium du Gatt sur le commerce, l'environnement et le
développement durable (10 Juin 1994) au siège de l'organisation
en dit long. En effet, selon M. SUTHERLAND, "on ne peut demander aux seules
politiques commerciales de résoudre tous les problèmes
d'environnement. Ces politiques, et en particulier l'élimination des
restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables
à l'environnement, ont un rôle important à jouer, mais le
commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à
prendre en compte pour la protection de l'environnement et le
développement. Les financements et le transfert de technologie
constituent des pièces du puzzle tout aussi
importantes."(26)
(26)Gatt press communiqué,
Gatt 1636 du 10 Juin 1994, page 2/3
Ces obstacles tant internes qu'externes que nous venons
d'examiner ont été pour certains déjà
analysés à l'occasion de la conférence de Rio de Janeiro
qui a arrêté un plan d'action visant à apporter des
solutions à ces problèmes, donc à mettre en place le
développement durable.
CHAPITRE II :
LE PLAN D'ACTION DE RIO A
L'EPREUVE
DE L'AFRIQUE.
" Le "test de vérité durable" du
succès ou de l'échec de la CNUED ne sera pas la reconnaissance
éphémère de l'événement en tant que tel,
mais la mise en oeuvre
effective des engagements pris"
Guy CORCELLE*
Dans l'engagement pris par la communauté internationale
-Action 21 ou Agenda 21-, l'Afrique fait partie des régions où il
y a plus de défis à relever. En dehors des programmes de lutte
contre la pauvreté, préalable au développement durable en
Afrique, les organismes des Nations unies se sont engagés à
relever le défi de l'augmentation de niveau de santé mais aussi
celui de lutte contre la désertification et l'augmentation de la
démographie.
Ainsi, 3 ans après l'adoption de l'Action 21 il nous
convient d'examiner la mise en oeuvre de celle-ci en dressant une sorte de
bilan préliminaire de l'action du système des Nations unies et
des gouvernements. Ce bilan se fera sur le plan institutionnel (I) et sur le
plan pratique (II).
*20 ans après Stockholm :la
conférence des Nations unies de Rio de Janeiro sur l'environnement et le
développement: point de départ ou aboutissement?,
revue du marché commun et de l'union européenne, n° 365,
février 1993, page 131
SECTION I: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES
SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL
La réalisation des buts que s'est assignée la
communauté internationale implique au préalable un changement de
mode de vie des citoyens du monde et de la structure des organes qui sont
appelés à promouvoir le développement durable dans le
monde, et en Afrique en particulier. Il s'agit bien là d'une
volonté du programme d'Action 21 qui, en son chapitre 38 paragraphe 2,
stipule que: "conformément au mandat de la conférence, il
faudrait un mécanisme institutionnel intergouvernemental dans le cadre
des Nations unies, qui s'intègre et contribue au processus de
restructuration et de vitalisation en cours à l'organisation des Nations
unies dans les domaines économiques et social et les domaines connexes,
et la réforme générale de l'organisation y compris les
changements en cours au secrétariat. Dans cet esprit de réforme
et de revitalisation du système des nations unies, l'exécution du
programme 21 et la mise en pratique des conclusions auxquelles sera parvenue la
conférence se fonderont sur une approche axée sur l'action et les
résultats, compatible avec les principes d'universalité, de
démocratie, de transparence, de rentabilité et de
responsabilité". La création de la commission mondiale pour
le développement durable, le département de la coordination des
politiques et du développement durable, la signature de la convention
sur la désertification, l'organisation de la conférence mondiale
sur la démographie et la conférence sur le développement
social vont bien dans l'optique de la mise en oeuvre de l'Action 21, même
si pour les deux dernières conférences le hasard du calendrier
des rencontres des Nations unies a fait qu'elles s'inscrivent dans le droit fil
des objectifs fixés par la conférence.
PARAGRAPHE I : LA CREATION DE LA COMMISSION DU
DEVELOPPEMEN DURABLE
Selon le chapitre 38 paragraphe 11 du programme d'Action 21:
" En vue d'assurer efficacement et en vue de renforcer la
coopération internationale et de rationaliser la capacité
intergouvernementale de prise de décisions dans le sens d'une
intégration des questions d'environnement et de développement et
d'examiner les progrès réalisés dans l'application de
l'Action 21 au niveau national, régional et intergouvernemental, il
conviendrait de créer, à un niveau élevé,
conformément à l'article 68 de la charte des Nations unies, une
commission de développement durable..." C'est ce que fit le Conseil
économique et social des Nations unies qui, lors de la session
d'organisation 1993, a adopté le 12 Février la résolution
E/1993/L9 et add1 créant la commission du développement durable
(CDD) dont le bureau a été mis en place le 29 Avril de la
même année par la résolution E/1993/SR 8. C'est une
commission qui regroupe 53 membres se présentant comme suit: 13 pour
l'Afrique, 11 pour l'Asie, 6 pour l'Europe orientale, 10 pour l'Amérique
Latine et les Caraïbes et enfin 13 pour l'Europe centrale et les autres.
Elle est présidée par l'Allemand Klaus TOPFER.*
Si la création de la CDD n'apporte pas apparemment un
résultat probant sur les grandes questions soulevées par l'agenda
21, elle porte tout de même les espoirs placés dans la
conférence de Rio: un partenariat renoué entre le Nord et le Sud
au tour du développement, un nouvel élan donné au
rôle des Nations unies, qui avaient organisé la conférence,
une volonté de donner plus de transparence aux politiques nationales en
matière d'environnement et développement(1). En effet,
la mise en place de la CDD est déjà une garantie de
* Ministre fédéral de l'environnement, de la
nature, de la conservation et de la sécurité nucléaire.
(1) Philippe ORLIANGE: la commission du
développemment durable, AFDI, 1993, page 820.
la poursuite par les Nations unies des voeux de la
conférence de Rio. Car aux termes de l'agenda 21, sous le titre
"arrangements institutionnels internationaux" et au chapitre 38
paragraphe 13, la commission est chargée de contrôler les
progrès réalisés pour appliquer l'agenda 21 et
intégrer les objectifs relatifs à l'environnement et au
développement dans l'ensemble du système des Nations unies, en
analysant et en examinant les rapports fournis par tous les organes,
organismes, programmes et institutions de celui-ci qui s'occupent des aspects
divers et de l'environnement et du développement qu'ils jugent
pertinents, exemples:
- Favoriser l'incorporation des principes contenus dans la
déclaration sur l'environnement et le développement dans la mise
en oeuvre de l'agenda 21;
- Le suivi des questions financières et de transfert de
techniques aux pays en développement;
- Bref la CDD devra jouer la fonction de coordination,
d'animation et d'impulsion à travers le l'ECOSOC...
Ces objectifs montrent combien cet organe est indispensable
pour la traduction réelle des défis de la conférence de
Rio. Ainsi, lors de sa première session, la CDD a retenu deux objectifs
fondamentaux, l'un d'ordre organisationnel, l'autre d'ordre politique. Le
premier concerne la mise en place de plusieurs instruments: un programme de
travail pluriannuel organisé de la façon suivante: les chapitres
de l'agenda 21 sont regroupés de manière à permettre
à la commission d'examiner chaque année, un certain nombre de
point. Ainsi, en 1994 la CDD avait pour tâche d'examiner les
programmes
Il est premier secrétaire à la mission permanente
de France auprès des Nation unies, membre de la délégation
française à la conférence des Nations unies sur
l'environnement et le développement et à la première
session de la CDD.
portant sur la santé, l'établissement humain,
les ressources en eau douce, les substances chimiques et les déchets
dangereux; un mécanisme de présentation par les gouvernements
d'informations sur l'application de l'agenda 21 au niveau national; deux
groupes ad hoc ont été mis en place: l'un sur les questions
financières, l'autre sur le transfert de technologies. Le
deuxième a consisté à réaffirmer au plan mondial le
soutien politique accordé aux questions d'environnement et
développement examinées par le sommet de la terre, en ce sens que
le plus grand problème de la commission avait été de
mobiliser des ressources suffisantes pour atteindre ses objectifs et maintenir
l'esprit et l'élan suscités à Rio. La pensée du
président sortant le Malaisien Razali ISMAIL l'explique bien lorsqu'il
dit à la deuxième session annuelle (16 Mai 1994) que" le
consensus forgé à Rio est menacé par ceux qui veulent
modifier les priorités et esquiver leurs responsabilités"
L'institution étant mise en place c'est à
l'épreuve du temps que l'on pourra juger de ses résultats. Deux
ans de son fonctionnement ne peut nous permettre d'apprécier son
efficacité dans le suivi et le contrôle des programmes pour le
développement durable. Mais déjà, après deux ans
d'activité, la CDD a adopté 14 décisions sur des questions
sectorielles et intersectorielles concernant le développement et
l'environnement, y compris les questions d'eau douce, des déchets
toxiques chimiques dangereux et radioactifs, la santé et les
établissement humains, ainsi que les structures financières et de
prise de décisions et le rôle des grands groupes dans le
développement durable. Parmi ces décisions, la commission a
recommandé que les Etats et les organisations internationales envisagent
de former des partenariats avec des entreprises et des organisations non
gouvernementales, ce qui entraînerait la prise de mesures juridiquement
non contraignantes; premier pas dans l'élaboration d'instruments
internationaux dans la mise en oeuvre d'Action 21. Sur la question du transfert
des technologies écologiquement rationnelles, la
commission a conclu que comme les investissements
étrangers directs constituaient une source importante des transferts de
technologie, les institutions de l'Onu compétentes devraient aider les
gouvernements à formuler des politiques et un contexte régulateur
appropriés en la matière de façon à attirer les
investissements étrangers. La commission a aussi prié les
gouvernements de commencer rapidement des travaux sur une convention
internationale sur la sûreté de la gestion des déchets
radioactifs en tenant compte, en particulier, de la gestion du cycle de vie
total des matières nucléaires.
Aujourd'hui, il incombe à la commission et à ses
membres de faire fonctionner la machine mise en place. Or, les risques de
paralysie sont réels. L'ampleur du champ couvert par la CDD peut
entraîner un déluge de rapports de la part des organes des Nations
unies. A l'inverse, si les Etats se refusent à communiquer des
informations sur la mise en oeuvre de L'agenda 21 au niveau national, la CDD
sera privée d'un élément, pourtant essentiel, de l'analyse
des progrès dans la réalisation des objectifs de la CNUCED.
PARAGRAPHE II: LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR
LA
LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE
Face aux désastres que cause la sécheresse dans
le monde et en Afrique en particulier -3 millions de personnes sont mortes au
milieu des années 80, plusieurs pertes de productions
enregistrées etc.-, le programme d'Action 21 s'est fixé plusieurs
objectifs en vue d'éradiquer ce phénomène en forte
progression:
- l'établissement des stratégies nationales
axées sur la préparation à court et à long terme
à la sécheresse et visant à rendre les systèmes de
production moins vulnérables;
- Amplifier l'apport d'information d'alerte avancée aux
responsables et aux exploitants de la terre pour permettre aux pays d'appliquer
des stratégies d'intervention en cas de sécheresse;
- Elaborer des plans de secours en cas de sécheresse et
des programmes pour les réfugiés écologiques, et les
intégrer aux plans nationaux et régionaux de développement
etc.
Ces objectifs devaient être affinés par la
convention de lutte contre la sécheresse, principale recommandation
obtenue par les pays africains à la conférence de Rio. Cette
convention a été signée le 14 Octobre 1994 à Paris
au siège de l'Unesco et elle n'entrera en vigueur qu'après sa
ratification par l'ensemble des pays signataires, c'est-à-dire
sensiblement pas avant 1996. En attendant, le Comité intergouvernemental
des négociations sur la désertification a adopté une
résolution demandant que l'on prenne des "mesures urgentes" pour
l'Afrique. Il a recommandé que les pays africains affectés et les
pays donateurs appliquent sans délai les dispositions de la
convention.
L'élaboration et la signature de cette convention sont
un grand pas vers la réalisation des engagements pris à Rio. Elle
établit un cadre pour des programmes d'actions nationaux, sous
régionaux en vue de lutter contre la dégradation des terres
arides et les déserts. Dans son article 2 alinéa 1 la convention
déclare:" la présente convention a pour objectif de lutter
contre la désertification et d'atténuer les effets de la
sécheresse et/ou la désertification,
en particulier en Afrique, grâce à des
mesures efficaces à tous les niveaux, appuyées par des
arrangements internationaux de coopération et de partenariat, dans le
cadre d'une approche intégrée compatible avec le programme
d'Action 21, en vue de contribuer à l'instauration du
développement durable dans les zones touchées». Elle
constitue une véritable réponse au chapitre 12 de l'action 21
intitulé Gestion des écosystème fragiles: lutte contre la
désertification et la sécheresse. Dans son alinéa 3 il est
dit que: dans la lutte contre la désertification, la priorité
devrait être accordée à la mise en oeuvre de mesures
préventives en faveur des terres non encore dégradées ou
qui ne le sont que légèrement. Les zones ayant subi une
sévère dégradation doivent cependant pas être
négligées.
La diligence avec laquelle a été conduite
l'adoption de cette convention témoigne de la volonté des Nation
unies de réaliser les compromis de Rio. Ceci étant fait, la
grande responsabilité revient aux Etats qui doivent la ratifier en un
temps raisonnable, le problème étant urgent. La convention
accorde une attention particulière à la situation africaine
à laquelle elle a consacré la première annexe où
l'on peut lire à l'article 3 ce qui suit: «Pour s'acquitter des
obligations qui leur incombent en vertu de la convention, les parties, dans le
cadre de l'application de la présente annexe, adoptent une approche de
base qui tient compte des particularité de l'Afrique, à
savoir:
- (a) la forte proportion de zones arides, semi-arides et
subhumides-sèche;
- (b) le fait qu'un nombre élevé de pays et de
populations souffrent de la désertification et du retour fréquent
de période de grande sécheresse etc».
négociation sur la désertification (INCD) tenue
du 6 au 17 Juin, n'a pas finalement satisfait les pays fortement touchés
par la sécheresse et la désertification. En effet, les donateurs
se sont seulement engagés à mobiliser "d'importantes ressources
financières" (art14) au lieu des nouveaux fonds supplémentaires
consentis au titre de l'Action 21(2). Ceci contrairement au FEM
chargé de financer les conventions sur la biodiversité et la
convention-cadre sur les changement climatiques. Cette absence de ressources
stables et le manque de fermeté des engagements pris par les Etats
donateurs nous laissent un peu sceptique sur les suites à donner
à la convention. Le plan d'action des Nations unies pour la lutte contre
la désertification, adopté en 1977 n'a pas répondu aux
attentes entre autres raison à cause du manque de financement.
Toutefois, cette difficulté pourra être comblée si la
reconversion de la dette au fonds de financement de lutte contre la
désertification devienne une réalité comme l'ont
souhaité les Etats touchés. Cette politique a déjà
connu un début d'exécution en Amérique latine notamment
dans le domaine de la conservation des écosystèmes.
PARAGRAPHE III: LA CONFERENCE MONDIALE SUR LA
DEMOGRAPHIE ET LE LA CONFERENCE SUR LE DEVELOPPEMENT
SOCIAL
Deux événements importants ont marqué la
période d'après la conférence de Rio. Il s'agit de la
conférence du Caire et du sommet de Copenhague sur le
développement social. Ces deux grandes rencontres sont de grand
intérêt, car elles apportent une réponse aux dimensions
sociales des questions contenues dans l'Action 21. C'est à ce titre que
nous allons examiner leur contribution dans cette entreprise de promotion du
développement durable.
(2) Tim WALL, une convention pour les terres
arides, Afrique Relance, avril-sept 1994, page 7
A- LA CONFERENCE DU CAIRE
La conférence de Rio de Janeiro a mis en exergue la
question de la population comme facteur déterminant dans le processus de
dégradation de l'environnement. C'est pour cette raison qu'un des
chapitres d'Action 21 a été spécialement consacré
à la dynamique démographique et durabilité: chapitre
5. Ce chapitre présente plusieurs recommandations visant à
maîtriser la
croissance démographique dans le monde et
spécialement en Afrique. Parmices recommandations, la tenue
de la conférence du Caire sur cette question a
été fortement réaffirmée. Au
paragraphe 5.66 il est écrit que "les recommandations
formulées dans le présent chapitre ne doivent en aucune
manière préjuger des débats de la conférence
internationale sur la population et le développement (1994) qui sera
l'instance appropriée pour les questions de population et
développement...". Elle devrait donc étudier de fond en
comble la relation population-développement et définir à
l'issu de cet examen les politiques de population en vue du
développement durable. C'est ce qu'elle s'est proposée de faire
au cours de la semaine allant du 5 au 11 Septembre 1994.
Un document final de 23 pages a été
adopté. Il fixe les objectifs que la communauté internationale
entend poursuivre pour maîtriser la poussée démographique
et mettre en oeuvre les recommandations du chapitre 5 de l'Action 21.
Mais au moment où ont disparu l'opposition dogmatique
entre communisme et capitalisme et le dialogue de sourds des
précédentes conférences entre tenants inconditionnels du
développement comme seul contraceptif et ceux de la chute de la
fécondité comme unique voie de modernisation, le refus rigide de
l'Eglise tend à s'y substituer et à créer la
dichotomie. Cette attitude de l'Eglise a fragilisé le
consensus obtenu au Caire. En effet, la majorité des propositions
contenues dans le programme des Nations unies ont été soit
repoussées, soit largement laminées par le Vatican, l'Islam et
certains Etats du Sud avant d'être adoptées. Parmi les reproches
faits au programme de l'Onu présenté au Caire, les deux
premières institutions évoquent le fait que l'Onu tente de
remettre en cause le rôle central de la famille dans la
société, alors que derrière cette institution et sa
protection c'est toute la théologie de l'Eglise qui est en jeu et dont
le combat concerne en premier lieu l'avortement, la contraception, le planning
familial et la sexualité.
Cette considération primordiale de l'éthique
sexuelle individuelle laisse échapper l'axe social, la dimension
collective des problèmes démographiques mondiaux où les
structures, les conditionnements socio-économiques et socio- culturels
sont déterminants.
En ce qui concerne l'attitude des pays en développement
l'exemple qui symbolise la critique du programme de l'Onu est la lettre
adressée en juin 1994 par le président argentin Carlos MENEN
à ses homologues Latino-américains. Dans cette lettre, il leur
adjoint de s'opposer aux mesures de contrôle de la population mondiale
suggérées par le programme d'action de la conférence du
Caire. Ce contrôle est inutile car, écrit-il " Dans presque
tous les cas, les indices de fécondité de nombreux pays
latino-américains sont en train de baisser. Si nous prenons en compte le
taux de mortalité infantile et l'espérance de vie, les
populations de notre continent vont vieillir de plus en plus, et c'est avec
difficulté qu'elles se renouvelleront"(3) .
(3) Cité par Jean Marie POURSIN
:les enjeux de la conférences du Caire, le
Monde du mercredi 31 Août 1994 , page 2.
En dehors de ces critiques dont a été l'objet le
document final de la conférence du Caire, il y a aussi le fait que comme
les précédents textes adoptés à Rio et
après, le programme du Caire n'a aucune force contraignante. Cet aspect
en sus du premier rend difficile l'application dudit programme.
Mais si le document n'a pas connu un grand succès vu
l'ampleur du désaccord évoqué, l'organisation de la
conférence elle-même a été déjà un
pari tenu par les Nations unies. En plus, l'adoption du document s'inscrit dans
le processus de mise en oeuvre du programme d'Action 21. Car il répond
à son paragraphe 5.1 alinéa (a) qui exhorte la communauté
internationale au développement, à la diffusion des
connaissances, des tendances et des facteurs démographiques et au
développement durable.
B-LE SOMMET DE COPENHAGUE: PROCESSUS DE LUTTE CONTRE
LA PAUVRETE
Le chapitre 3, paragraphe 3.5, alinéa d de l'Action 21
intitulé Coopération et coordination internationale et
régionales dit que "les organismes compétents des Nations
unies, en coopération avec les Etats membres et les organisations
internationales et organisations non gouvernementales appropriées
devraient accorder un rang de priorité élevé à la
réduction de la pauvreté". L'éradication de la
pauvreté est un point très important de l'Action 21, aucun
développement durable ne peut avoir lieu dans un cadre d'extrême
pauvreté. Le sommet de Copenhague sur le développement social a
été donc le cadre idéal de débattre de cette
question trois ans après la conférence de Rio
Organisé du 6 au 12 Mars 1995 à Copenhague, le
sommet mondial sur le développement social a rassuré l'opinion
internationale sur la volonté des gouvernements de trouver des solutions
au problème de la pauvreté. Cette volonté se manifeste par
le nombre de participation qui a permis au sommet de
voler la vedette à la conférence de Rio: 118
monarques, présidents, viceprésidents et premiers ministres, 4000
délégués de 184 Etats, 3200 représentants des ONG
et 2800 journalistes.
Deux textes y ont été adoptés: une
déclaration et un programme d'action pour l'emploi et
l'intégration sociale appelant les Etats et institutions internationales
à recentrer leur gestion sur le social. Ce programme comporte dix
engagements non contraignants qui sont: la création d'un environnement
économique et politique favorable; une action pour l'élimination
de la pauvreté; la lutte pour le plein emploi; la promotion de
l'intégration sociale; l'égalité et l'équité
entre les hommes et les femmes; un développement de l'éducation;
un effort pour l'Afrique et les pays les plus pauvres; une amélioration
des programmes d'ajustement structurel, un renforcement du
développement; et l'accroissement de l'aide publique au
"développement social".
Au sujet du dernier point, les pays donateurs se sont
engagés à consacrer 20% de leur aide publique "au
développement social", un chapitre qui devrait mobiliser à son
tour 20% du budget des pays bénéficiaires. Au soutien de ces
engagements, et comme une réponse au scepticisme des ONG, sans cesse
à l'affût de "décisions concrètes", le Danemark,
pays hôte a fait le premier pas en annulant une dette de 166 millions de
dollars et en a appelé les autres pays à faire autant dès
le mois prochain. Ce à quoi a répondu l'Autriche par la voix de
son chancelier Franz VRANITZKY qui a pris l'engagement d'annuler plus de 100
millions de dollars de la dette bilatérale publique des pays pauvres
à son
égard.(4)
Une autre idée a été
développée au cours de ce sommet. M. François MITTERRAND a
proposé la conclusion des "contrats de développement social" qui
permettront de financer les efforts de gouvernements montrant leur
volonté de respecter strictement les conventions de l'O.I.T. sur les
droits des travailleurs. En outre, il a demandé à la
communauté internationale de ne pas abandonner l'Afrique en
chemin(5). En dehors de ces quelques prises de positions, le sommet
de Copenhague, n'a pas apporté des solutions spectaculaires longtemps
attendues par les pays en développement. On peut donc dire que trois ans
après le sommet de la terre, l'Action 21 n'a pas encore connu sa mise en
oeuvre effective, notamment en matière de lutte contre la
pauvreté. Le sommet de Copenhague qui était l'occasion de donner
le ton, n'a dégagé que peu de possibilités
financières supplémentaires pour le développement social,
alors que les pays pauvres n'ont cessé de demander davantage d'aides
concrètes. Toutefois plusieurs réalisations des gouvernements,
des ONG et organismes des Nations unies dans différents pays permettent
de dire que dans certains aspects on peut parler d'une certaine mise en oeuvre
du plan d'action de Rio.
SECTION II: L'ACTION DU SYSTEME DES NATION
UNIES,
DES ONG ET DES GOUVERNEMENTS SUR LE PLAN
PRATIQUE
Selon les termes du chapitre 33: Ressources et
mécanismes financiers de l'Action 21, dans son paragraphe 14
notamment, le financement de l'Action 21 et d'autres activités
découlant de la conférence de Rio devrait être
assuré de façon à dégager le maximum de ressources
supplémentaires et à mettre à contribution tous les
mécanismes et sources de financement: banques et fonds (l'IDA, banques
régionales et sous régionales, le FEM), les institutions
spécialisées compétentes, les autres
organisations internationales et les organismes multilatéraux pour la
création des capacités et la coopération technique (PNUE,
PNUD). Il y a aussi l'action des gouvernements qui est très
décisives. Ainsi pouvons nous lire au paragraphe 8 du même
chapitre que : "tous les pays devraient faire en sorte que le programme
Action 21 puisse se traduire par des politiques et programmes nationaux en
adoptant une approche qui intègre les éléments
environnement et développement." La mise en oeuvre de l'Action 21
ne peut être appréciée qu'au travers les actions
menées par les institutions susmentionnées.
PARAGRAPHE I: LE F.E.M, LE P.N.U.D, LE P.N.U.E, LA
BANQUE
MONDIALE ET L'AFRIQUE
La Banque Mondiale indépendamment du F.E.M dont elle
assure la gestion avec le P.N.U.E et le P.N.U.D, a approuvé avec l'IDA
des projets à composantes environnementales pour 13 pays africains au
cours de l'exercice fiscale 1992(*) Ces pays ont cependant
contribué pour 10% de l'enveloppe global de leurs projets, il s'agit:
- de l'Angola pour un montant de 45, 6 millions de dollars en
vue de la remise en état des réseaux d'alimentation en eaux,
assainissement et gestion des déchets solides;
- du Bénin pour le montant de 26,8 millions de dollars
pour la remise en état des infrastructures et l'assainissement de
l'environnement;
- du Burundi pour le montant de 32,7 millions de dollars;
(*) Voir Forte croissance des financement liés
à l'environnement, Marchés topicaux du 23 octobre
1992, page
- du Ghana pour 80 millions de dollars, pour le financement du
projet national de vulgarisation agricole;
- de la Guinée équatoriale;
- du Kenya pour 60 millions de dollars, destinés
à la lutte contre l'appauvrissement de la faune et l'effondrement du
dispositif de réserves et de parcs nationaux;
- du Lesotho pour 110 millions de dollars;
- du Mali pour 20 millions de dollars, destinés au soutien
du plan de gestion collective des ressources naturelles;
- de l'Ile Maurice pour un montant de 15 millions de dollars
visant à financer le programme d'exploitation de l'énergie
sucrière;
- le Niger pour 18 millions de dollars pour financer la politique
du renforcement des sciences de vulgarisation agronomique;
- du Nigeria pour 143 millions pour le financement" du programme
de base" d'action environnementale;
- de Sao Tomé et principe pour 9 millions de dollars
visant à soutenir la production arboricole et vivrière;
Au cours de l'exercice 1994, 25 nouveaux projets liés
à l'environnement ont été approuvés,
représentant au total de la part de la banque mondiale - BIRD, IDA- des
engagements de 2,4 milliards de dollars. En juillet 1994, près de 120
projets liés à l'environnement représentant au total des
engagements de l'ordre de 9 milliards de dollars étaient en cours
d'exécution.
En outre la banque a lancé de nouvelles
stratégies régionales en faveur du lac Victoria en Afrique de
l'Est. En effet, le projet relatif à la pollution du lac Victoria auquel
participent la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya a reçu le soutien de la
banque mondiale, manifestant par là l'application concrète de sa
politique en matière de gestion des ressources en eau.
La banque africaine de développement (BAD) ne devait
pas rester en marge de ce mouvement. En 1992, elle a décidé de
faire des prêts et des dons en faveur de plusieurs projets africains
à caractère environnemental. Il en a été le cas du
Nigeria qui a bénéficié des prêts pour une
étude portant sur les zones agro-alimentaires et écologiques de
l'Etat d'Ondo (décision du 32/03/92), du Malawi à propos du
projet d'adduction d'eau de Blantyre phase VI, de l'étude du plan
directeur d'assainissement, et de celui portant sur la foresterie de Lilongwe
(les décisions des 21/04/92 et 29/10/92), du Madagascar à propos
du programme Environnement phase I (décision du 26/10/92), du
Sénégal sur l'étude d'impact sur l'environnement du projet
Canal de Cayon (décision du 30/10/92) et enfin du Cameroun en ce qui
concerne le projet d'évacuation des eaux pluviales du quartier New-bell
de Douala (décision du 14/12/92)(6) .
En ce qui concerne le F.E.M (fonds pour l'environnement mondial),
son activité n'a pas manqué de mérite au cours de sa phase
pilote. Crée en 1990 en
(6) Les projetsde la BAD, prêts et
don approuvés en 1992, Marchés tropicaux du 26
février 1993, 592-593
vue de financer les coûts additionnels liés
à la prise en compte de l'environnement global dans les pays en
développement sous forme de subventions à des projets
d'investissement des opérations d'assistance techniques et dans une
moindre mesure d'activités de recherche, le F.E.M a été
d'un grand intérêt pour l'Afrique. Sur un total de 1,4 milliards
de dollars le Fond a au cours de la période 1990-1993 financer 112
projets pour un montant de 712,1 millions de dollars. L'Afrique a
été financée à hauteur de 21% contre 34% pour
l'Asie, 22% pour l'Amérique latine et les Caraïbes, 18% pour le
Moyen orient....
Lors des négociations en vue de restructurer la
constitution du F.E.M en Mars 1994, il a été admis que outre les
domaines pour lesquels le fonds a été crée
(réchauffement de l'atmosphère, la pollution des eaux
internationales, la destruction de la biodiversité, l'appauvrissement de
la couche d'ozone), il traitera désormais de la dégradation des
sols - essentiellement la désertification et la déforestation- ce
qui permettra à l'Afrique de tirer davantage profit de cette institution
qui vient de voir sa trésorerie ramenée à 2,002 milliards
de dollars pour la période 1994- 1997.
Le P.N.U.D quant à lui s'est impliqué de
façon conséquente dans la mise en oeuvre de l'Action 21,
principalement au travers le bureau des Nations unies pour la région
soudano-sahélienne (BNUS), la CAPACITE 21 et le fonds d'initiative
locale pour l'environnement urbain (LIFE).
Le bureau des Nations unies pour la région
soudano-sahélienne, membre du Comité permanent interEtats de
lutte contre la sécheresse dans le Sahel, aide actuellement 8 pays de la
région du Sahel à élaborer, prévoir et mettre en
oeuvre des programmes de lutte contre la sécheresse et la
désertification. Ces
programmes visent la conservation et l'extension de la
forêt, la gestion des réserves d'eau et la fixation des dunes de
sable.
CAPACTE 21 et le LIFE sont tous deux des fonds que le PNUD a
crée au sortir de la conférence de Rio pour traduire les
recommandations qui y ont été faites. Le premier permet aux
gouvernements des pays en développement en liaison avec la CCD de
renforcer leurs capacités institutionnelles afin d'élaborer et
mettre en oeuvre des plans nationaux de développement durable en
mobilisant les différents acteurs. Le second a pour but principal de
promouvoir le dialogue au niveau local parmi les municipalités, les
organisations communautaires et les ONG, de manière à
améliorer la qualité de l'environnement urbain. En Afrique
subsaharienne le Sénégal et la Tanzanie ont été
choisis pour la phase initiale du fonds.
En dehors de ces fonds que nous venons de voir, le PNUD a
aussi été à l'origine de la création du
Réseau Afrique 2000 qui appuie actuellement les projets
écologiques entrepris au niveau local dans 15 pays d'Afrique:
Bénin, Burkina faso, Burundi, Cameroun, Ghana, Kenya, Lesotho, Mali,
Mauritanie, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Zambie et
Zimbabwe. Au total 400 projets ayant pour but l'amélioration de
l'état de l'environnement en Afrique bénéficient du
soutien financier et technique du Réseau Afrique 2000. Parmi les
activités appuyées par le Réseau, on peut citer la
plantation d'arbres, l'agroforesterie, l'amélioration de la
productivité agricole, les campagnes de lutte contre l'érosion et
la conservation des sol et de l'eau(7)
Dans le domaine de l'économie de l'énergie, le PNUD
favorise la mise au point de source d'énergie écophiles tant dans
le cadre de son programme
habituel que dans le cadre du Fonds pour l'environnement
mondial (FEM). Entre 1990 et 1993, le PNUD a investi 49,6 millions de dollars
dans les projets d'énergies renouvelables par l'intermédiaire de
son programme d'assistance en cours. Les sources d'énergies solaire,
éolienne, biothermique et celle tirée de la biomasse, y compris
l'énergie provenant des résidus de la canne à sucre sont
parmi les solutions non polluantes étudiées par le FEM dans une
douzaine de pays dont la Côte d'Ivoire, la Mauritanie l'Ile Maurice et le
Zimbabwe.(8) Le gouvenement du zimbabwe a lancé en 1993 un
projet pilote du fonds pour l'environnement mondial (FEM) prévu pour
cinq ans, qu'il finance à hauteur de 2millions de dollars; le PNUD, qui
administre le projet, y injectera pour sa part 7 millions de dollars. A terme
10.000 à 20.000 installations solaires d'un coût unitaire moyen de
950 dollars devraient équiper les maisons, les écoles, et
hopitaux ruraux.(9)
Au regard de ce qui vient d'être dit, nous constatons
que l'action des Fonds et institutions internationales trois ans après
la conférence de Rio n'est qu'à moitié positive. En effet,
si les politiques de conservation et de gestion des ressources
recommandées par l'Action 21 sont en cours d'exécution, celles
relatives aux dimensions sociales et économiques sont loin d'être
passées à la phase d'exécution. Nous faisons ici allusion
à la lutte contre la pauvreté, la protection et la promotion de
la santé, promotion d'un modèle viable d'établissement
humain. Or, ceux sont ces questions qui préoccupent plus l'Afrique. Il
s'agit donc de diligenter ces politiques pour que les chances d'un
développement durable soient possible en Afrique. Mais elles
dépendent encore beaucoup plus des ONG locales et des gouvernements qui
sont par rapport aux institutions internationales plus proches des
réalités quotidiennes africaines.
(8) Sid KANE, Sources d'énergies de
substitution dans le sud, ibidem, page 5.
(9) Ndaba NYONI,Quand le soleil brille la
nuit, SOURCES UNESCO, n°69 Mai 1995, page21
PARAGRAPHE II: LES ONG, LES GOUVERNEMENTS
ET
L'AGENDA 21
Plus que les institutions internationales, ces deux
entités sont les plus importants acteurs du processus de mise en oeuvre
du plan d'Action 21. Leur contact permanent avec les populations pour les
premiers et leur pouvoir de décision et de conduite des politiques
nationales pour les seconds sont d'atouts majeurs pour traduire en projets
concrets les recommandations de la conférence de Rio.
L'engagement des gouvernements africains et l'enthousiasme des
ONG africaines de développement et d'environnement manifesté
pendant la conférence de Rio a rassuré la communauté
internationale du revirement des politiques de développement et
d'environnement du continent noir. Trois ans après cette grande messe,
on peut essayer de voir ce qu'il en est exactement. Il s'agit d'analyser les
actions menées à l'intérieur des Etats
indépendamment du soutien des institutions et organismes internationaux
dont les initiatives et apports viennent d'être examinés.
En ce qui concerne les gouvernements, plusieurs plans
nationaux d'action pour l'environnement ont été mis en place pour
promouvoir le développement durable. Estimés à une
vingtaine avant la conférence, on en dénombre près de la
trentaine actuellement en Afrique(10). Cette augmentation
témoigne de la volonté des gouvernements africains de tenir leurs
engagements. A côté de ces plans il y a aussi des projets
d'initiative gouvernementale qui malheureusement lorsqu'ils ne
bénéficient pas d'un soutien extérieur restent lettres
mortes. Le problème est que, contrairement aux recommandations de la
conférence qui demandaient aux gouvernements d'intéresser les
entreprises privés, les
communautés rurales et urbaines au défi du
développement durable, il y a encore dans bon nombre d'Etats africains
la survivance de la pratique de la centralisation de décisions. Les
gouvernements ont tendance à tout faire par eux même, et comme la
tâche est immense ils rencontrent plusieurs difficultés à
mettre en oeuvre l'Action 21, alors que cette tâche pourrait être
facile si tout le monde serait concrètement impliqué. Certes, la
mobilisation des ressources financières est d'importance capitale pour
l'exécution de l'Action 21, mais il faut encore que ceux qui sont en
contact permanent avec l'environnement se sentent concernés. Plus
encore, il faut les amener à élaborer eux même leurs
projets. C'est sur ce point que les gouvernements africains n'ont pas fait des
progrès depuis la conférence de Rio.
On pourra rétorquer que sensibiliser et
intéresser les populations est un projet qui exige -comme le traitement
d'un lac pollué par exemple- une mobilisation d'énormes
ressources financières.
Cela est vrai. Plusieurs pays sont arrivés à
faire des projets de sensibilisation des populations qu'ils n'ont pu mettre en
oeuvre. En effet, depuis un certain temps il relève de l'ordinaire que
de dire que la majorité des pays africains sont incapables de faire face
même à la régularisation des salaires des agents de la
fonction publique et d'autres dépenses courantes. Cette situation fait
que malgré leur bonne volonté les plans et projets
élaborés sont souvent écartés lors des
redistributions des ressources financières disponibles aux
différents chapitres des budgets nationaux. On comprend donc que sans
soutien extérieur il est très difficile qu'un projet soit
exécuté. Cela est d'autant plus vrai que l'aide publique au
développement qui selon les engagements des pays de l'OCDE devait
atteindre 0,7% de leur PIB n'est
jusqu'aujourd'hui que de 0,34%(11). Elle tend
même à être annulée aux Etats unis. En effet, le
Congrès américain aujourd'hui majoritairement républicain
cherche à réduire l'aide financière destinée
à l'Afrique. En Décembre 1994, le représentant Mitch Mc
CONNELLE déclarait qu'il "avait du mal à justifier les
dépenses engagées pour la majeur partie du continent africain".
Cette aide ne correspond selon lui aux intérêts des nationaux
américains qui se situent au contraire au Moyen orient, en Europe de
l'Est et en ex-URSS qui continueront à bénéficier d'une
aide au développement garantie(12). Il a donc annoncé
son intention de proposer un projet de loi sur l'aide étrangère
pour l'exercice 1995 qui comprend une clause mettant un terme au fonds de
développement pour l'Afrique.
Dans le document de synthèse du PNAE-Congo, 37 projets
ont été élaborés par le gouvernement sans qu'il
s'engage à financer le coût total d'un seul d'entre eux,
préférant solliciter les apports extérieurs auxquels il
entend adjoindre une éventuelle contribution. Ce n'est que de cette
façon que les Etats africains peuvent procéder à la mise
oeuvre de l'Action 21. La conjoncture est très malsaine pour leur tenir
rigueur. La dévaluation du franc Cfa dont bon nombre sont
concernés a contribué au rétrécissement de certains
chapitres budgétaires parmi lesquels figurent les questions sociales et
environnementales. Ainsi, logiquement s'il y a bilan à faire c'est peut
être celui des actions conjointes des Etats et d'autres acteurs
internationaux au titre du partenariat pour le développement durable. Le
paragraphe sur le processus d'élaboration et d'exécution des PNAE
montre à ce sujet "l'activisme" des Etats africains. Ce sur quoi on peut
s'interroger c'est l'action des ONG locales qui se
(11) Annie SIMON (responsable des programmes environnemenrt
développement du collectif de recherche et d'information sur le
développement (CRID) ), in Rio ou la parole
libérée, inteview accordé à Patrick
Piro Polits n° 20, page 16
(12) Courrier international du 18
au 24 Mai 1995, n°237, page 34
sont affirmées à Paris lors de la conférence
des ONG prélude au sommet de la terre en Décembre 1991 et pendant
le sommet de la terre proprement dit.
Au cours de ces trois années écoulées
elles n'ont pas été en reste du processus engagé, au
contraire leurs actions ont donné des résultats
stupéfiants. Pour s'en convaincre nous allons examiner les actions de
l'une d'entre les plus opérationnelles en Afrique. Il s'agit de l'OSDIL
(Organisation sénégalaise de développement des initiatives
locales).
Son champ d'action a été au cours de la
période 1991-1994 la région Siné-Saloum du
Sénégal, menacée par la sécheresse. Soutenue par
l'ACDI et le Réseau Afrique 2000, son action consistait principalement
à réparer le système de gestion des eaux, le reboisement,
la désalinisation et le soutien des activités productives dans
les villages.
En 1992, 8000 premiers arbres ont été
plantés sur une superficie de 50 hectares. Trois ans après, les
résultats sont satisfaisants, d'autant plus que M. Diop
OUSEYNOU(*) s'est laissé dire que" la qualité des
sols commence à s'améliorer...l'herbe repousse et il n'y a pas de
surpâturage. La parcelle de reboisement commence à ressembler
à la pelouse d'un terrain de football. Les arbres améliorent la
qualité du sol et en retour, ce sol enrichi aide les arbres à
repousser".(13)
Le succès du projet de l'OSDIL tient à ce que
son initiateur M Amadou FALL l'est fait adopté au préalable par
les villageois, qui en retour ont mis le leur par l'intermédiaire d'une
participation active. Ce qui fait que, lorsque l'ACDI et le Réseau
Afrique 2000 arrêteront le financement et après le
départ
(*) Ingénieur forestier travaillant à l'OSDIL
(13) Revue Choix, PNUD, Avril 1994 page 20
des techniciens, les paysans auront appris beaucoup de choses.
Ils pourront donc perpétuer les enseignements acquis.
Le succès que rencontre la pratique de la participation
des population aux politiques de sauvegarde de l'environnement avait donc
amené le gouvernement malien à s'investir dans ce sens. Ainsi,
compte tenu des dégradations provoquées par la transhumance et le
braconnage, ce gouvernement a mis en chantier (Mai 1993) un projet avec l'appui
du PNUD et l'assistance technique de l'UNESCO. Ce projet intitulé
gestion améliorée des réserves de la
biodiversité de la Boucle de Baoulé vise la
réhabilitation de la réserve par le biais des "contrats de
participation" avec 50.000 habitants devenus responsables de la gestion de la
réserve(14) .
*
* *
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Au terme de cette partie consacrée à la
capacité de l'Afrique subsaharienne à relever le défi du
développement durable, on peut retenir deux choses. La première
est que, malgré les obstacles notés et analysés, et la
sobriété des ressources financières mobilisées par
les gouvernements et les instances internationales, la sous région est
bien engagée dans le processus de développement durable. Trois
ans donc après le sommet de Rio, elle peut se réclamer d'un bilan
partiel positif, d'autant plus qu'avec peu, plusieurs initiatives ont
été entreprises; nous voulons parler des PNAE qui ont
été
(14) Abdoulaye TRAORE,(Agence maliènnede
presse), La quadrature de la boucle, SOURCES
UNESCO,N° 69/ Mai 1995, page 10.
élaborés et actuellement en cours
d'exécution, traduisant ainsi une sorte de perpétuation du
souffle de Rio.
Cela ne veut pas pour autant dire que les obstacles sont
"démantelés", car - c'est la seconde chose -, si au niveau de la
classe dirigeante il y a une volonté de changement de politique de
développement et d'environnement, l'écho n'a pas encore retenti
au niveau des populations, principaux acteurs du développement durable.
Les programmes de sensibilisation et de formation souvent élevés
en coût financiers ne trouvent pas de véritable soutien. Ceci dit,
si les PNAE sont élaborés et la volonté des dirigeants
bien affichée, il reste la plus dure: entraîner les populations.
Mais cela doit relever de la tâche commune des gouvernements,
institutions internationales et ONG du Nord comme du Sud. N'est-ce pas
là le moment de mettre en oeuvre le principe de solidarité
internationale développé à Rio ?
Selon Ignacy SACHS, "la CNUED n'est pas une fin en soi,
mais l'amorce d'un processus de transition vers un développement
durable". Nous venons tout au long de ce travail d'analyser l'implication
de l'Afrique subsaharienne dans ce processus déjà amorcé
il y a trois ans. Cette étude bien qu'ayant éludé certains
doutes qui prévalaient au sujet de la capacité africaine à
relevé le défi du développement durable, est très
loin de nous rassurer sur la durabilité du processus engagé.
D'abord, plusieurs manquements de la conférence de Rio
font actuellement jour. En effet, on s'aperçoit que plusieurs sujets
relatifs aux secteurs institutionnels concernés par le lien entre
environnement et le développement n'ont pas été
suffisamment évoqués lors de la conférence de Rio. Il en
est le cas du Gatt, du FMI, la Banque Mondiale et des politiques affectant la
détérioration des termes de l'échange et de la dette du
Sud.
En ce qui concerne le Gatt, plusieurs de ses clauses mettent
à mal la convention sur la biodiversité (dont on mesure mal
encore toutes les implications à long terme, notamment dans le domaine
des biotechnologies agricoles)(*), principalement son article 16 qui
prévoit la possibilité pour les pays en développement
d'avoir accès aux technologies utilisant les ressources biologiques, y
compris celles protégées par les brevets et les droits de
propriété industrielle. Dans ce sens le gouvernement
français a déposé un projet de loi de ratification de
ladite convention mais accompagnée d'une déclaration
interprétative conditionnant "le respect des principes et des
règles de
(*) Henk HOBBELINK,"La diversité
biologique", Ecologie politique N°6, Prinptemps 1993, page
8
protections de la propriété industrielle".
Il en est de même des Etats unis oüune
déclaration interprétative déposée au
Congrès (aujourd'hui républicain)
risque d'émietter l'initiative de l'administration CLINTON
qui vient de signer la convention sur le changement climatique auparavant
rejetée par BUSH(1)
Ensuite, le caractère non contraignant des conventions
et recommandations adoptées à Rio, ouvre la voie aux
négociations dont les atermoiements des Etats-nations ne sont pas de
nature à encourager les Etats africains déjà
engagés. Le renvoi des discussions de la conférence de Berlin
à celle de Kyoto (Japon) de 1997 sur le changement climatique, la
décision de
M. Jacques CHIRAC en vue de poursuivre les essais
nucléaires pendant une période d'une année ne sont que la
manifestation de ces atermoiements qui en clair constituent l'incapacité
des Etats occidentaux de changer résolument de cap. Ainsi, si le Sommet
de Rio a soulevé quelques espoirs en donnant une
légitimité aux préoccupations environnementales,
l'enthousiasme est tombé. Ni à Rio, ni au Caire, ni à
Copenhague, les Etats les plus puissant du globe n'ont semblé
disposés à sacrifier une part de leurs privilèges sur
l'autel de l'intérêt commun. Pas question, par exemple de remettre
en cause le fonctionnement actuel de l'économie de marché qui
accélère pourtant - on l'a reconnu à Copenhague- les
déchirures du tissu social tant au Nord qu'au Sud. Pas n'ont plus
question de démocratiser le fonctionnement des institutions
financières (Banque mondiale) et (FMI) qui demeure sous le
contrôle des pays les plus
riches.(2)
Enfin, la mobilisation de ressources financières dont
dépend le développement durable en Afrique ne présage en
aucune manière des lendemains qui chantent. Car, malgré les
moyens dérisoires retenus par la
(1) Patrick LE CLANCHE, L'actualité de Rio,
Revue de Droit de l'environnement, Fev/Mars 1995, page 23
(2) Sophie BESSIE La planète parle à
la planète, CROISSANCE de Mai 1995 n°382, page 40
CNUED au soutien du Sud, soit 125 milliards de dollars par an,
le Nord n'y verse que la moitié et récupère bien davantage
par le mécanisme de la dette. Depuis 10 ans, les pays de l'Afrique
subsaharienne versent 100.000 FF par minute au titre du remboursement de la
dette(3). Comme quoi notre inquiétude au sujet de la
franchise des engagements pris par le Nord reste encore d'actualité.
Dès lors comme écrivait Alain LIPIETZ(4), il faut
choisir. Ou bien prenant au sérieux, l'impératif de
l'environnement, le Nord se décide à aider réellement le
Sud. Ou bien le critère de l'environnement devient qu'une simple
conditionalité (c'est à dire le contrôle du Nord sur l'aide
déjà accordée au Sud), ce qui semble probable à ce
jour.
A cela, il faut ajouter la prolifération des situations
d'urgence de ces dernières années en Afrique. Ces situations, du
fait de leur nature urgente détournent l'attention de la
communauté internationale des problèmes de développement
et d'environnement. Elles entraînent de façon
quasi-mécanique le rétrécissement des ressources qui
seraient allouées au développement et à l'environnement au
profit des opérations de maintien de la paix par exemple. Ainsi entre
1988 et 1992 les ressources financières en faveur des opérations
de maintien de la paix de l'ONU sont passées de 25% à 45%.
Faudrait-il pour autant verser dans le scepticisme? En tout
cas se serait très tôt pour l'Afrique où à
défaut d'avoir révolutionné le continent, le sommet de Rio
n'en finit pas moins de tarauder les consciences des dirigeants. Ils savent
désormais qu'ils ne peuvent bénéficier d'une quelconque
charité internationale sans qu'ont leur demande là où ils
en sont dans le processus de développement durable, argument de grande
influence pour les Etats comme les Etats unis, le Japon ou la communauté
européenne. Mais l'on doit savoir
(3) Sussan GEORGE, Emission
télévisée Géopolis du lundi 26 Mai
1995 (4)Op cit, page 120
que faire des "îlots" de protection au milieu d'un monde de
plus en plus appauvri et chaotique est une illusion.-/
ANNEXE I: AGENDA 21
38 thèmes pour le développement
durable I - Dimensions sociales et
économiques(7).
1.Politiques économiques et coopération
internationale (commerce- dette APD- etc)
2.Lutte contre la pauvreté
3.Consommation (modification des modes de consommation)
4.Démographie et durabilité
5.Santé
6.Habitats et établissement humains viables
7.Mécanisme décisionnel: intégration du
processus de
décision environnement-développement
II - Conservation et gestion des ressources (14)
1.Protection de l'atmosphère.
2.Planification du territoire et gestion des terres
3.Lutte contre la déforestation
4.Désertification et sécheresse
5.Montagnes et écosystèmes fragiles
6.Agriculture: développement agricle et rural durable
Préservation de la diversité biologique
8.Biotechnologie et biotechniques 9.Océans
10.Protection des ressources en eaux
11.Substance chimique toxiques ( gestion et prévention du
trafic illicite)
12.Déchets dangereux
13.Déchets solides et eaux usées
14.Déchets radioactifs (gestion sûre et
rationnelle)
III - Renforcement du rôle des principaux groupes
(9) (major groups)
1.Rôle des femmes
2.Rôle des enfants et des jeunes
3.Rôle des peuples et des communautés
indigènes 4.Rôle des ONG
5.Rôle des autorités locales
6.Rôle des syndicats et des travailleurs
7.Rôle du secteur privé (commercial et industriel)
8.Rôle des scientifiques
9.Rôle des agriculteurs
IV .- Moyens d'exécution (8)
1.Finance et mécanismes financiers
2.transfert de technologie
3.Science du développement durable
4.Education - sensibilisation et formation
5.Création des capacité (capacity building) dans
les PVD
6.Institutions et arrangements institutionnels internationaux
7.Institutions et mécanismes juridiques
8.Information dans la prise de décisions.
ANNEXE II:
LE PREAMBULE DE LA CONVENTION DE BAMAKO
SUR
L'INTERDICTION D'IMPORTER DES DECHETS DANGEREUX ET
SUR CONTROLE DES
MOUVEMENTS TRANSFRONTIERES ET LA
GESTION DES DECHETS DANDEREUX PRODUITS EN
AFRIQUE
Les parties à la présente convention,
1. Ayant présente à l'esprit la menace
croissante que représente pour la santé humaine et
l'environnement la complexité grandissante et le développement de
la production de déchets dangereux,
2. Ayant également à l'esprit le fait que la
manière la plus efficace de protéger la santé humaine et
l'environnement des dangers que représentent ces déchets consiste
à réduire leur production au minimum du point de vue de la
qualité et/ ou du danger potentiel,
3. Conscientes des dommages que les mouvements
transfrontières de déchets dangereux risquent de causer à
la santé humaine et à l'environnement,
4. Réaffirment que les Etats devraient veiller
à ce que le producteur s'acquitte de ses responsabilités ayant
trait au transport et à l'élimination des déchets
dangereux d'une manière qui soit compatible avec la protection de la
santé humaine et de l'environnement , quel que soit le lieu où
ils sont éliminés,
6. Rappelant les chapitre pertinents de la Charte de
l'organisation de l'unité africaine relatives à la protection de
l'environnement, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, le
chapitre IX du plan d'action de Lagos ainsi que les recommandations et
résolutions adoptées par l'Organisation de l'unité
africaine au sujet de l'environnement,
7. Reconnaissant également le droit souverain des
Etats d'interdire l'importation et le transit de déchets et substances
dangereux sur leur territoire pour des raisons liées à
l'environnement et à la santé humaine,
8. Reconnaissant en outre la mobilisation croissante de
l'opinion publique en Afrique en faveur de l'interdiction des mouvements
transfrontières de déchets dangereux sous toutes leurs formes et
de leur élimination dans des Etats africains,
9. Convaincues que le contrôle efficace et la
réduction optimal des mouvements transfrontières de
déchets dangereux encourageront, en Afrique et ailleurs, une
réduction de volume des déchets produits,
10. Notant qu'un certain nombre d'accords internationaux et
régionaux traitent de la question de la production et de la
préservation de l'environnement lorsqu'il y a transit de marchandises
dangereuses,
11. Tenant compte de la Déclaration de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement (Stockholm, 1972), des
lignes directrices et principes du Caire concernant la gestion
écologiquement rationnelle des déchets dangereux adoptés
par le Conseil d'administration du programme des Nations unies pour
l'environnement (PNUE) par sa décision 14/30 du 17 Juin 1987, des
recommandations du Comité d'experts des Nations unies en matières
de transport des marchandises dangereuses (formulées en 1957 et mise
à jour tous les ans), de la Charte des Nation unies , des
recommandations , déclarations, instruments et règlements
pertinents adoptés dans le cadre du système des Nations unies,
des dispositions pertinentes de la conventions de Bâle de 1989 sur le
contrôle des mouvements transfrontières de déchets
dangereux et de leur élimination qui autorisent la conclusion d'accords
régionaux qui peuvent contenir des dispositions équivalentes ou
plu strictes que des ses propres dispositions, de l'Article 39 de la IV
convention de Lomé relatif aux mouvements internationaux de
déchets dangereux et radioactifs, et des travaux des organisations
gouvernementales africaines ainsi que les travaux et études
effectués par d'autres organisations internationales et
régionales,
12. Conscientes de l'esprit, des principes , des buts et des
fonctions de la conventions africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles adoptée par les chefs d'Etats et de gouvernements
africains à Alger (1968) et de la Charte mondiale de la nature
adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies
à sa trente-septième session (1982) en que règle
d'éthique
concernant la protection de l'environnement humain et la
conservation des ressources naturelles,
13. Préoccupées par le problème du trafic
transfrontière de déchets dangereux,
14. Reconnaissant la nécessité de promouvoir le
développement de méthodes de production et de techniques propres
destinées à assurer une gestion rationnelles des déchets
dangereux produits en Afrique, en particulier pour éviter,
réduire et éliminer la production des ces déchets,
15. Reconnaissant également que, lorsque cela est
nécessaire les déchets dangereux devraient être
transportés conformément aux conventions et recommandations
régionales et internationales pertinentes,
16. Déterminées à protéger, par
un contrôle strict, la santé humaine des populations africaines et
l'environnement contre les effets nocifs qui peuvent résulter de la
production de déchets dangereux,
17. Affirmant également leur engagement de s'attaquer
de façon responsable au problèmes des déchets dangereux
produits sur le continent africain,
Sont convenues de: (30 articles posant le principe de
l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et du
contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des
déchets dangereux produits en Afrique).
On trouvera ci-après toutes les références
citées ainsi que celles qui ont été utilisées au
cours de la rédaction de ce mémoire.
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