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Le droit international humanitaire et la protection des personnes fragiles par nature dans les conflits armés

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par Fatou Moctar FALL
Université Gaston Berger - maitrise 2010
  

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Section 2 : La protection des personnes fragiles au pouvoir de l'ennemi

Dans le but de parer à toute éventualité de violations massives et réitérées des droits essentiels de l'homme, au cours des conflits armés dont nous estimons que ce sont les personnes civiles au pouvoir de l'ennemi, principalement les femmes et les enfants, qui en subissent les conséquences les plus graves. Le DIH a prévu dans son dispositif des normes allant dans le sens d'une protection des personnes fragiles aux mains de l'ennemi du fait de la grande vulnérabilité de celles-ci. En effet, les belligérants peuvent être amenés à procéder à des exécutions sommaires, à des disparitions forcées, à des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants; à des détentions et emprisonnements arbitraires; à des prises d'otages; à l'absence de garanties pertinentes de procédure; à des restrictions à la liberté de pensée, d'expression et d'association; des hôpitaux et des ambulances; à des restrictions à l'accès aux aliments et aux services sanitaires; à des dévastations et destructions sans discrimination et à des violations graves des droits de l'homme dans les lieux de détention. Et c'est pour prévenir l'ampleur des risques de souffrances que peuvent subir les civils quand ils sont privés de liberté que le DIH prévoit des garanties de protection - au même titre que les civils- aussi bien pour les personnes fragiles détenues (Paragraphe 1) que pour les personnes fragiles capturées (Paragraphe 2)

Paragraphe1 : La protection des personnes fragiles civiles détenues

Même dans les sociétés fondées sur l'Etat de droit, si les autorités se sentent menacées, elles peuvent être tentées de recourir à la force de manière excessive pour atteindre leurs objectifs militaires ou politiques. Les personnes civiles lorsqu'ils sont aux mains de l'ennemi peuvent faire l'objet de traitements inhumains et injustifiées. C'est la raison pour laquelle le DIH interdit les traitements arbitraires (A) et réglemente les conditions de l'internement (B).

A-L'interdiction des traitements arbitraires

Les art. 27 de la IVe Convention et 75 du PA I de 1977 jouent, à cet égard, un rôle primordial. En effet, ils en énoncent la protection fondamentale, à la tête de laquelle se trouve le principe général en vertu duquel tout civil a le droit d'être traité, en toutes circonstances, avec humanité. Le TPIY a reconnu que ce principe revêtait un caractère fondamental pour la protection des victimes des conflits armés, en tant qu'expression de la volonté de respect de la dignité de l'homme dans ces situations, en affirmant qu'il constituait la base sur laquelle reposent les Conventions de Genève de 194923(*). Il a également reconnu que ce principe était applicable à toute situation de conflit armé, vu qu'il constitue le fondement de l'art.3 commun, lequel établit la protection fondamentale octroyée aux victimes dans une situation de conflit armé non international, et qu'il figure dans les articles 4 et 7 du P.A II de 1977.

Ce principe implique la nécessité de respecter la dignité humaine au cours des conflits armés et, par voie de conséquence, la reconnaissance du fait que les civils disposent d'un ensemble de droits qui s'avère inaliénables. De cette façon, tout acte incompatible avec ce principe est interdit, à partir du moment où son objectif est de  « protéger l'être humain de toute atteinte à sa dignité personnelle, que celle-ci découle de violences corporelles, d'humiliations ou de coups portés à l'honneur, au respect de soi ou au bien-être mental d'une personne »24(*).

C'est ainsi que s'établit le droit des personnes civiles d'être protégées contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique (art. 27), comprenant l'interdiction de l'homicide, la torture, les peines corporelles, les mutilations et les expérimentations médicales ou scientifiques qui ne seraient pas justifiées par des raisons médicales, ainsi que tout autre acte de cruauté; l'interdiction d'exercer un type quelconque de contrainte à l'encontre des civils, notamment pour obtenir des informations; l'interdiction du pillage, des représailles contre les civils ou leurs biens et des peines collectives (art. 33), de la prise d'otages (art. 34), ou encore de leur utilisation comme « bouclier humain », c'est-à-dire l'emploi de leur présence pour éviter l'attaque d'objectifs militaires (art. 28), ainsi que les Croates l'ont fait avec les civils musulmans pendant le conflit de Bosnie-Herzégovine25(*).
En définitive, la reconnaissance de cet ensemble de droits met en évidence, comme l'a répété le TPIY, le fait que le propos fondamental des normes n'est autre que la défense de la dignité humaine dans les exceptionnelles circonstances d'un conflit armé, afin que les personnes civiles au pouvoir de l'ennemi ne soient pas à sa merci, mais qu'elles disposent plutôt d'un ensemble de droits que l'État doit sauvegarder. Leur transgression est donc qualifiée d'infraction grave aux Conventions de Genève, comme l'établit l'art. 147 de la IVe Convention, c'est-à-dire de crime de guerre; c'est d'ailleurs dans ce sens que cette considération a été confirmée par l'art. 2 du Statut du TPIY, ainsi que par sa jurisprudence.
Dès lors, il s'agit, pour le TPIY, d'établir quels sont les éléments constitutifs de ces infractions, ce qui suppose, pour les juges, un important travail d'éclaircissement; en effet, ils doivent préciser la portée exacte des dispositions de la IVe Convention, et donc contribuer, d'une façon décisive, au renforcement de la protection des civils dans le nouveau contexte de guerre26(*).

Pour ce faire, ils vont se servir des instruments conventionnels en matière de droits de l'homme, ainsi que des décisions d'organismes internationaux, judiciaires ou non, dont la tâche est de veiller à leur application et à leur respect; ceci signifie la reconnaissance de l'existence d'un point de convergence entre deux secteurs normatifs, le DIH et le DIDH, point qui réside dans la défense de la dignité humaine en toutes circonstances.

Par rapport à l'homicide, le TPIY précise, lors de l'affaire Celebici, que «l'intention, l'élément moral nécessaire pour qu'un meurtre ou un homicide intentionnel soit constitué, ainsi que l'ont reconnu les Conventions de Genève, est présent dès lors qu'il est démontré que l'accusé avait l'intention de tuer ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique d'autrui par l'effet de son imprudence et du peu de cas qu'il faisait de la vie humaine».
Le TPIY mène également à bien un travail de délimitation de trois figures se trouvant très proches les unes des autres: les tortures, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique et à la santé, et enfin les traitements inhumains. Pour ce faire, il commence par préciser que la torture représente la figure la plus restrictive, puisqu'elle implique des actes ou des omissions dont le but est de parvenir à une fin concrète interdite et qui occasionnent de graves souffrances physiques et morales. L'infraction, telle qu'elle est définie (infliger de graves souffrances ou porter atteinte à l'intégrité physique ou à la santé de la victime), s'avère plus large que la précédente, étant donné que, contrairement à la torture, les actes ou omissions ne doivent pas être nécessairement commis pour atteindre un but illicite. Finalement, les deux catégories sont comprises dans les traitements inhumains, lesquels impliquent des actes ou omissions provoquant de graves souffrances physiques ou morales, ou portant gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale ou à la dignité humaine, outre tous les actes violant le principe fondamental du traitement humain et attentant spécialement à la dignité humaine.
En ce qui concerne la torture, le TPIY, comme le TPIR, affirment qu'elle est aussi bien interdite dans des conflits armés internationaux qu'internes, reconnaissant son caractère coutumier, et admettant qu'elle constitue même une norme jus cogens. De ce fait, la transgression de cette norme donnerait non seulement lieu à la responsabilité internationale de l'individu, mais constituerait aussi un crime international susceptible d'entraîner une responsabilité de l'État. De même, les deux Tribunaux prêtent particulièrement attention à la définition de cette notion dans le DIH, en ayant recours à celle qui apparaît dans la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984. En effet, ils considèrent qu'elle a acquis un caractère coutumier et qu'elle est donc applicable en toutes circonstances, et non seulement dans les situations prévues par la Convention en question.

A cela, il faut ajouter, comme nous le verrons plus loin, la considération que le viol est une forme de torture dans certains cas.

- La protection des biens appartenant aux personnes civiles

Outre la préservation des droits essentiels liés à la défense de la dignité humaine, le TPIY a reconnu que le droit international humanitaire établit des limites strictes quant aux mesures qu'une partie au conflit peut légalement adopter en ce qui concerne les biens publics ou privés sur un territoire se trouvant sous son contrôle . A cet égard, tant le Règlement de La Haye de 1907 que la IVe Convention de Genève contiennent des dispositions qui visent à protéger les biens appartenant aux civils, tâchant par là d'éviter que l'ennemi les détruise ou les saisisse de façon arbitraire. L'interdiction de détruire ou de s'approprier des biens sans que des besoins militaires ne le justifient (art. 53 de la IVe Convention) est l'une de ces dispositions revêtant un caractère essentiel. Cependant, d'après l'art. 147, pour qu'elle soit considérée comme une infraction grave, elle doit être commise à une grande échelle. Nous devons, en plus, mentionner l'interdiction du pillage, qui, contrairement à l'interdiction antérieure, possède une portée générale, s'appliquant en effet à la totalité des territoires des parties au conflit et non seulement dans des cas d'occupation militaire.

A ce sujet, le TPIY a dû affronter le fait que, parmi les méthodes utilisées par les belligérants pour procéder au «nettoyage ethnique», se trouvaient la rapine et la destruction de biens, techniques utilisées pour expulser les civils d'un territoire passé sous leur contrôle. Il a répondu à cette situation en réaffirmant que la violation des dispositions qui protègent les droits patrimoniaux constituait des crimes de guerre. Mais, ne s'arrêtant pas là, il est allé jusqu'à effectuer une interprétation extensive de cette interdiction; il reconnaît ainsi que «l'interdiction de l'appropriation arbitraire de biens ennemis, publics ou privés, est de portée générale et s'étend à la fois aux actes de pillage commis par des soldats isolés dans leur propre intérêt et à la saisie organisée de biens, opérée dans le cadre d'une exploitation économique systématique du territoire occupé». De cette manière, le TPIY interprète que les actes isolés de pillage entraînent une responsabilité internationale de l'individu, de même que ceux perpétrés à une grande échelle, ce qui met en évidence le fait que la gravité de tels actes ne découle pas de leur caractère massif. En suivant cette même ligne, le Tribunal estime que la référence au fait que la destruction ou l'appropriation de biens non justifiée par des besoins militaires soient exécutée à une grande échelle, doit être évaluée dans les circonstances du cas, si bien qu'une seule action, la destruction d'un hôpital par exemple, pourrait suffire pour qu'elle soit considérée comme la perpétration d'une infraction grave. Tout cela prouve l'importance que le TPIY a également voulu donner à la protection des biens. En effet, dans nombre de cas, la politique de «nettoyage ethnique» s'est effectuée par le biais du pillage ou de la destruction des biens appartenant aux personnes que l'on voulait expulser du territoire, ce qui constituait en réalité un acte de contrainte ou d'intimidation, également interdit par les normes fondamentales de protection des civils au pouvoir de l'ennemi.

* 23 Procureur c. Delalic et consorts, loc. cit. (note 9), p. 523-524.

* 24 TPIY, Chambre de Première Instance II, Procureur c. Anto Furundzija, Affaire no IT-95-17/1-T, Jugement, 10 décembre 1998, p. 183.

* 25 Le TPIY a reconnu, lors de l'affaire Blaskic, que cette conduite constituait un traitement cruel et inhumain et, en conséquence, une infraction grave aux Conventions de Genève. Procureur c. Tihomir Blaskic, loc. cit. (note 9), p. 716.

* 26 G. Abi-Saab met l'accent, d'une manière générale, sur l'importance de ce travail d'éclaircissement et de systématisation des divers crimes étant de sa compétence. Georges Abi-Saab, «International criminal tribunals and the development of international humanitarian law and human rights law», dans E. Yakpo, T. Boumedra (éd.), Liber Amicorum Judge Mohammed Bedjaoui, Kluwer Law International, The Hague, 1999, p. 651.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci