B- Une coordination plus efficace avec
les autres organismes
La complexité accrue des crises humanitaires, la
diversification des acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits
exigent une coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR
s'efforce en permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des
populations touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à
l'ensemble des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est,
pour le CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à
ceux d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le
CICR doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins
des populations affectées par un conflit grâce au rôle
complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles
emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du
CICR.
Pour être efficace, la coordination doit être
axée vers l'action et tenir compte des réalités sur le
terrain, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des capacités
existantes sur le terrain en termes de ressources humaines, de capacités
professionnelles disponibles et de moyens logistiques. Les organisations,
parties prenantes à une coordination fondée sur la
réalité, doivent également être claires sur les
zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une indépendance
crédible n'est toutefois pas conciliable avec une participation à
des initiatives où l'organisation ne garde pas sa propre capacité
décisionnelle ou lorsque la perception de son identité risque
d'être bafouée si elle s'associe à d'autres entités
dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.
Le CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations
internationales et non gouvernementales travaillant dans les mêmes
contextes que lui et coordonne son action avec elles. Il doit mener son action
humanitaire tout en veillant particulièrement à ce que l'ensemble
des organisations comprennent son approche et son rôle, l'objectif
étant de favoriser une coopération harmonieuse et la
complémentarité des actions menées sur le terrain. Le CICR
s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire aussi
bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but d'améliorer
directement ou indirectement le sort des personnes touchées par les
conflits étatiques internes. En effet, des efforts ont été
entrepris afin d'harmoniser une approche commune de l'action humanitaire. Par
exemple, le CICR bénéficie du statut d'observateur auprès
des NU et il coopère avec le Bureau de la Coordination des Affaires
Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant qu'invité permanent, aux
réunions du Comité permanent inter institutions, un
mécanisme de coordination composé de principales institutions des
NU ayant un mandat humanitaire, de la Fédération internationale
et de plusieurs ONG.
Le CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de
l'action humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de
l'action humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de
coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres
organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces
organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles
d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la
protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide
alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).
Par un processus de coordination humanitaire ancré dans
le réel et orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le
plus d'impact possible à ses initiatives, en veillant à la
satisfaction totale des besoins des populations victimes des conflits
étatiques internes. Dans sa volonté de compléter et
d'élargir l'éventail des acteurs humanitaires, le CICR
fidèle à son approche neutre et indépendante, doit
s'efforcer de mener une action impartiale, pertinente, opportune et
efficace.
L'actualité médiatise sous le feu des
projecteurs des scènes présentant des atrocités et des
souffrances causées par des belligérants lors des conflits
armés. Dans ce contexte, les civils et de manière plus accru les
personnes fragiles par nature sont les principales victimes. En effet, en
raison de leur vulnérabilité, elles sont souvent cible d'attaques
injustifiées, de massacres, de viol etc et tant d'autres souffrances
qu'elles endurent. On se rend compte ainsi que malgré les garanties
fondamentales qui leur sont accordées par le DIH, dans la
réalité elles sont souvent violées voire même non
respectées.
Cependant les fins du DIH sont trop importantes pour qu'il
puisse se permettre des règles inefficaces. L'histoire de son
développement démontre que ce droit ne s'est pas
élaboré à partir de concepts préétablis,
mais en prenant en compte, au plus près, les réalités de
la guerre, que ses textes éclairent d'ailleurs d'une lumière
tragique, pour peu qu'on veuille bien la voir. Les obligations doivent
être imposées à ceux qui dirigent la lutte armée,
qu'il s'agisse des autorités étatiques ou de ceux qui luttent
dans le cadre d'un conflit armé. L'articulation entre les droits et les
obligations doit pouvoir être agréée par l'ensemble de la
Communauté Internationale. Car l'adhésion de tous aux
règles du DIH constitue une garantie absolument nécessaire de sa
mise en oeuvre et seule l'égalité sur le plan des devoirs
humanitaires assure que le droit ait sa place dans la guerre.
Fidele à son statut de gardien et de promoteur du DIH,
le CICR continue de mettre son expérience et son expertise au service du
développement du droit. Il n'en demeure pas moins que les vrais acteurs
étatiques doivent être au premier rang dans l'accomplissement de
cette tache. Ils en portent la responsabilité principale. Toutefois il
convient de mettre l'accent sur les violences de nature sexuelle
infligées aux femmes, et qui sont trop souvent passées sous
silence. Le viol, sous toutes ses formes et quelle que soit son appellation
(prostitution forcée, esclavage sexuel, fécondation
forcée...) est historiquement frappé du sceau de
l'impunité. Or, lorsqu'il est commis dans le cadre d'un conflit
armé, il s'agit d'un crime de guerre, que les Etats ont le devoir
légal et moral de réprimer. En effet, le viol a des
conséquences irrémédiables sur la victime survivante.
Conséquences physiques et psychologiques d'abord : la victime est
affectée dans son intimité la plus profonde et dans sa
capacité à donner le jour. Conséquences sociales ensuite :
de nombreuses sociétés rejettent le blâme sur la victime
qui peut se voir mise à l'écart par sa famille et dans
l'incapacité de trouver un mari ou même un travail. Enfin, il faut
également prendre en compte la perspective d'un enfant à
naître comme une conséquence douloureuse du traumatisme, de
même que le déroulement de la grossesse, les conditions de
l'accouchement, voire d'un avortement, la prise en charge de l'enfant et les
rapports difficiles qui pourront exister par la suite entre lui et sa
mère.
Il faut donc avant tout souligner la nécessité
pour les Etats de faire cesser toute violence et surtout les violences
sexuelles infligées aux femmes, par le biais de la répression
pénale notamment, comme ils ont le devoir de le faire pour toute autre
violation du DIH. Il s'agit ensuite d'assurer une assistance aux victimes
survivantes d'agressions sexuelles, prenant en compte le caractère et
les conséquences spécifiques de telles exactions sur ces
personnes.
Enfin, en toile de fond, il convient de faire connaître
à la population civile comme aux forces armées les règles
de droit relatives à la protection spéciale des enfants et des
femmes en période de conflit armé, contribuant ainsi à
conforter le principe du respect de la dignité de ces derniers qui
prévaut dans toutes les cultures.
Le CICR, une organisation très conservatrice, a une
responsabilité particulière envers le développement du DIH
et risque de perdre l'initiative dans de nombreux domaines où il devrait
occuper l'avant-garde de l'évolution. Le CICR reconnaît enfin la
nécessité de tenir compte des besoins particuliers des femmes et
des enfants en temps de guerre. Toutefois, il lui faut encore montrer une
réelle détermination à réaliser le changement. En
tant que gardien traditionnel du DIH, le CICR doit prendre des mesures
concrètes pour que le droit ait une utilité dans la vie de la
majorité de la population. Un nouveau type de juridictions
chargées de réprimer des violations graves du DIH pourrait
bientôt voir le jour au Cambodge et en Sierra Leone.
Deux projets de création de tribunaux spéciaux
sont à l'étude et font l'objet de négociations entre les
Nations unies et les gouvernements cambdogien et sierra leonais.
Le but n'est pas de mettre en place des tribunaux
spéciaux sur le modèle des tribunaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda mais des instances nationales soumises à
un contrôle international des Nations unies: des juridictions mixtes qui
devraient appliquer partiellement le droit international et le droit national
des pays concernés.
On constate en définitive que le DIH est un domaine du
droit international qui est ancien, conservateur et qui manque relativement de
souplesse. Les nombreuses remises en question de sa pertinence et de son
efficacité au cours du dernier demi-siècle sont
déconcertantes. Il doit désormais répondre aux exigences
des femmes et des enfants afin de véritablement refléter leurs
expériences.
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