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Le droit international humanitaire et la protection des personnes fragiles par nature dans les conflits armés

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par Fatou Moctar FALL
Université Gaston Berger - maitrise 2010
  

Disponible en mode multipage

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    SOMMAIRE

    *****

    ***

    *

    Liste des abréviations

    Introduction

    1ère Partie : Les garanties fondamentales de protection humanitaire des personnes fragiles par nature dans les conflits armés.

    Chapitre I : Les règles générales de protection

    Section 1 : La protection des personnes fragiles, membres de la population civile

    Section 2 : La protection des personnes fragiles au pouvoir de l'ennemi

    Chapitre II : Les règles de protection spécifiques

    Section1 : Les règles de protection spécifiques aux enfants

    Section 2 : Les règles particulières de protection des femmes

    2ème Partie : La mise en oeuvre de la protection des personnes fragiles par nature

    Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre

    Section 1 : Les moyens de préventifs

    Section 2 : Les moyens répressifs

    Chapitre II : Un système de protection en quête d'effectivité

    Section 1 : Un système déficient

    Section 2 : Pour une redynamisation de la protection

    Conclusion générale

    Liste des abréviations :

    - CICR  : Comité International de la Croix Rouge

    - DIH  : Droit International Humanitaire

    - CPI  : Cour Pénale Internationale

    - DIDH  : Droit international des Droits de l'homme

    - OMS  : Organisation Mondiale de la Santé

    - CIJ  : Cour International de Justice

    - CPJI  : Cour Permanente de Justice Internationale

    - TPI  : Tribunal pénal international

    - TPIY  : Tribunal pénal International pour l'ex Yougoslavie

    - TSSL  : Tribunal Pénal Spécial pour la Sierra- Léone

    - DIHC : Droit International Coutumier

    - TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda

    - ART.  : Article

    - PA I  : Protocole additionnel aux Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux

    - PA II  : Protocole additionnel aux Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux

    - ONU  : Organisation des Nations Unies

    - UNESCO :

    - ONG  : Organisation Non Gouvernementale

    L'histoire de l'humanité, a toujours été marquée par des rapports de forces, des confrontations, des luttes armées entre les nations, des peuples ou des individus. Les conflits armés, la violence aveugle, les actes de terreur demeurent une menace pour la sûreté et la sécurité d'innombrables personnes et sapent les efforts qui visent dans le monde à instaurer paix et stabilité durables. Ce phénomène perdure et continue à avoir des conséquences de plus en plus néfastes à divers points de vue. En effet, l'actualité médiatise la complexité et la persistance de nombreux conflits armés aux multiples causes mais aux conséquences toujours dramatiques : régression économique, flux et reflux de refugiés et personnes déplacées, emploi de mines, de mercenaires et d'enfants-soldats, prolifération d'armes légères, etc.

    Dans ce contexte, les victimes les plus nombreuses sont justement les civils et plus particulièrement les personnes fragiles par nature à savoir les femmes et les enfants. On estime que pour la présente décennie la population civile représente environ quatre vingt pour cent du total des victimes des conflits armés. En effet, ces dernières ne sont pas épargnées par la violence des combats, que ce soit en raison de la dispersion des armes, d'erreurs dans l'identification des objectifs, d'attaques indiscriminées les frappant aussi bien que des objectifs militaires ou encore d'attaques dirigées délibérément contre eux, dans le but de les terroriser ou par mesures de représailles. En interrompant les communications, en dispersant les familles et précipitant des populations affolées sur le chemin de l'exil, la guerre va également frapper les populations civiles à travers la rupture des liens affectifs et la destruction du tissu familial. Pourchassées pour leur appartenance ethnique, elles peuvent aussi être simplement visées parce qu'elles représentent un enjeu.

    Au cours des ans la Communauté Internationale dans le but d'amoindrir la gravité de ce phénomène, n'a cessé d'oeuvrer pour que le droit des gens accorde à la personne humaine une meilleure défense contre les rigueurs de la guerre. En effet depuis la guerre de Solferino, elle s'est efforcée, pour cela, de développer des Conventions humanitaires, d'essayer d'adapter celles préexistantes aux nécessités de l'heure, ou d'en créer de nouvelles. Sa principale oeuvre, dans la  période comprise entre les deux guerres mondiales, a été l'élaboration de projets de Conventions et notamment de la Convention sur le traitement des prisonniers de guerre qui, signée en 1929, a permis, au cours du dernier conflit, la sauvegarde de millions de captifs. D'autres projets de conventions révisées ou nouvelles, élaborés par le CICR mandaté par elle, devaient recevoir leur consécration officielle lors d'une Conférence diplomatique que le Conseil Fédéral suisse envisageait de convoquer à cette fin pour le début de 1940. Les hostilités vinrent malheureusement ajourner sa réunion.

    Dès 1945, à l'issue d'une guerre sans précédent, s'est présentée la tâche, d'une ampleur considérable, de développer et de perfectionner les normes du droit des gens dans le domaine humanitaire, à la lumière des expériences faites pendant le conflit. Les propositions du comité ayant de bonne heure recueilli l'approbation des gouvernements et des Sociétés nationales de la Croix Rouge, celui-ci s'est mis au travail. Il convenait non seulement de préparer la révision de trois Conventions anciennes1(*) mais aussi et surtout de mettre sur pied une convention protégeant les civils, dont l'absence avait eu, lors du conflit mondial, de si cruelles conséquences.

    En 1949, la Communauté Internationale répond à ce tragique bilan, et tout particulièrement aux persécutions effroyables dont les civils ont été victimes, par la révision des Conventions alors en vigueur et par l'adoption d'un nouveau instrument : la quatrième Convention de Genève protégeant les civils. Plus tard en 1977, les PA sont la réponse aux conséquences humanitaires des guerres de décolonisation que les Conventions de 1949 ne couvraient qu'imparfaitement. Ces traités, intervenus dans le cadre d'un renforcement des dispositions du droit des conflits armés pour assurer une meilleure humanité dans la guerre constituent à l'heure actuelle l'essentiel des dispositions du DIH.

    C'est ainsi que le DIH, par le biais de ses règles essentielles, constitue un outil puissant pour la Communauté Internationale pour la protection des principales victimes de la guerre à savoir les civils et plus spécifiquement les personnes fragiles par nature.

    Par ailleurs, comme on l'a précisé précédemment, les formes de violence qui caractérisent les conflits armés actuels ont pour résultat d'augmenter le nombre de victimes parmi la population civile notamment les personnes fragiles par nature qui ne sont rien d'autres que les femmes et les enfants qui, en raison de leur vulnérabilité, sont les plus touchés. En effet, les femmes souffrent de tous les maux endurés par l'ensemble de la population civile en période de conflit armé : violations du DIH lorsqu'elles sont au pouvoir de l'ennemi, exécutions sommaires, tortures, internements arbitraires, transferts forcés, prises d'otages, menaces et intimidations... Effets directs ou indirects des hostilités : bombardements, souvent indiscriminés, famines, épidémies...

    Les femmes avec leurs enfants forment la grande majorité des populations civiles, souvent déplacées ou réfugiées. Les femmes enceintes, en couches ou qui allaitent sont particulièrement vulnérables du fait de leur situation. En période de conflit armé, leur taux de mortalité s'accroît bien souvent dans des proportions effrayantes. Elles sont aussi trop fréquemment les victimes privilégiées de violations spécifiques et graves du DIH comme le viol, sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation forcée). De telles atteintes à leurs droits fondamentaux ont eu lieu dans toutes les guerres, de manière sporadique et incontrôlée du fait de la négligence coupable des chefs de forces ou de bandes armées. Mais de tels actes de barbarie se sont également produits de manière répétée, voire systématique. Dans certaines situations, les femmes deviennent ainsi de véritables cibles pour les hommes en armes qui cherchent, par ces pratiques, à terroriser, humilier ou détruire des communautés tout entières.

    En outre, les enfants qui sont confrontés à la guerre, pris au piège d'une zone de conflit, et dont les proches sont dispersées, peuvent être amenés à participer aux combats. Il arrive aussi qu'ils soient contraints d'être les témoins ou les auteurs d'atrocités parfois commises contre leur propre famille. Ce sont là des expériences qui risquent de les marquer à jamais, de briser leur enfance.

    Face à cela, le DIH, protecteur en priorité des plus vulnérables, et fort conscient aussi bien de la gravité de la participation des enfants aux hostilités que des besoins spécifiques des femmes en temps de guerre, confère à ces derniers une protection spéciale supplémentaire que les Etats ont le devoir de respecter et de faire respecter. C'est dans ce cadre que s'inscrit le sujet «Le Droit international humanitaire et la protection des personnes fragiles par nature dans les conflits armé. »

    Le droit international humanitaire - que l'on nomme également «droit international de la guerre» ; ou « droit de la guerre et, plus récemment «droit des conflits armés» - est une branche ancienne du droit international. Il a été élaboré au cours des siècles sous la forme d'accords temporaires entre les parties au conflit, puis à partir de 1864, sous la forme de conventions internationales. Il s'agit d'un droit applicable dans les conflits armés qui tend d'une part, à assurer le respect de la personne humaine, respect compatible avec les exigences militaires et l'ordre public, et d'autre part, à atténuer les rigueurs des hostilités.

    Le DIH étant une partie du droit international, met en jeu la responsabilité des Etats souverains. Ceux-ci doivent s'engager à respecter, en cas de conflits armés un certain nombre d'obligations non seulement avec les autres Etats en conflit, mais aussi avec leurs ressortissants. Il s'agit donc d'une limitation volontaire de souveraineté consentie par chaque Etat dans le cadre d'une convention internationale.

    Il se trouve essentiellement dans les quatre Conventions de Genève de 1949. La quasi-totalité des Etats est aujourd'hui liée par celles-ci. Les Conventions de 1949 ont été complétées par deux traités : les deux PA de 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés.

    Par ailleurs d'autres textes interdisent l'emploi de certaines armes et tactiques militaires ou protègent certaines catégories de personnes ou de biens. Il s'agit notamment de :

    - La convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux protocoles ;

    - La convention de 1972 sur les armes biologiques ;

    - La convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses cinq protocoles

    - La convention de 1993 sur les armes chimiques ;

    - La convention d'Ottawa de 1997 sur les mines antipersonnel ;

    - Le protocole de 2000 se rapportant a la convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.

    De nombreuses règles du DIH sont désormais considérées comme appartenant au droit coutumier, c'est-à-dire comme règles générales s'appliquant à tous les Etats.

    Les juristes, conscients de la multiplicité des règles qui s'appliquent pendant la guerre, donnent une définition relativement élaborée du DIH. Selon eux, l'expression «droit international humanitaire applicable dans les conflits armés s'entend des règles internationales, d'origine conventionnelle ou coutumière, qui sont spécifiquement destinées à régler les problèmes humanitaires découlant directement des conflits armés, internationaux ou non, et restreignant pour des raisons humanitaires, le droit des parties en conflit d'utiliser les moyens et les méthodes de guerre de leur choix ou protégeant les personnes et les biens affectés, ou pouvant être affectés par le conflit.» 2(*)

    De cette définition on se rend compte que le DIH est un droit qui s'inspire du sentiment d'humanité et qui est centré sur la protection des personnes pouvant être affectées par le conflit. A ce niveau il convient de préciser la différence existante entre le droit humanitaire et le droit des droits de l'homme du fait que ce dernier prévoit aussi des garanties fondamentales protégeant la dignité des personnes. En effet, le DIH et les Droits de l'Homme sont deux branches distinctes du droit international avec un objectif commun.

    Le DIH s'applique dans les situations de conflits armés internationaux et non internationaux alors que les Droits de l'Homme établissent des règles pour le développement harmonieux de l'individu dans la société. Tous deux, cependant, ont pour objectif central la sauvegarde de la dignité de la personne.

    Ø Mais qu'entend-on par protection des personnes fragiles par nature ?

    Par protection, nous pouvons entendre l'ensemble des mesures ou garanties visant à protéger, à défendre les populations civiles lors des conflits armés. La politique internationale de protection des populations civiles offre au sein de celle-ci une distinction riche d'enseignements en ce sens qu'elle tient tantôt compte du physique de la personne protégée, tantôt de sa qualité. Dans cette perspective la nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus fragiles que d'autres et par conséquent plus exposées que d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de l'âge, c'est le cas des enfants et des vieillards, tantôt du sexe dans la mesure ou la femme est désignée à tort ou à raison «sexe faible».

    Il importe dés lors de définir la notion de conflit armé. Cependant il faut préciser que les Conventions qui ont codifié les conflits armés ne l'ont pas défini. Cette définition est pourtant essentielle, car ce n'est qu'à partir du moment où existe un conflit armé que le DIH s'applique. Comme l'a déjà dit Jean Jaques Rousseau, la guerre est «un acte condition entraînant l'application d'un statut juridique déterminé3(*)». Il importe donc de préciser la notion désignant une réalité dont l'existence commande la mise en oeuvre du droit. Et dans ce sens, le DIH est en accord avec le T.P.I.Y, qui considère que : «un conflit armé existe chaque fois qu'il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat».

    Les dispositions du DIH sont toutefois distinctes, selon qu'il s'agit d'un conflit armé international ou non international. Les conflits armés internationaux sont ceux qui opposent au moins deux Etats. Ces conflits sont régis par un vaste éventail de règles, dont celles inscrites dans les conventions de Genève et le PA I.

    La classification d'Eric David nous en renseigne un peu plus. Il estime que le conflit armé est, ou peut être, réputé international dans six cas :

    - le conflit armé est interétatique : c'est l'hypothèse la plus simple, il oppose directement deux ou plusieurs Etats. Quelque soit l'ampleur de l'affrontement, il est international à partir du moment ou les forces armées d'un Etat se heurtent à celles d'un autre Etat, ou même, à partir du moment ou elles se livrent à des hostilités contre un autre Etat sans que ce dernier se défende.

    - le conflit armé est interne, mais il fait l'objet d'une reconnaissance de belligérance.

    «La reconnaissance de belligérance est l'acte par lequel, soit un gouvernement reconnaît que le conflit armé qui se déroule sur son territoire est une guerre soumise à l'ensemble des lois et coutumes de la guerre, soit un Etat tiers considère que ce conflit armé est une guerre à l'égard de laquelle il entend rester neutre»4(*). Dans un cas comme dans l'autre, la principale conséquence de la reconnaissance de belligérance réside dans le fait que son auteur assimile un conflit armé a priori interne à un conflit armé international, ce qui implique qu'il s'oblige à lui appliquer tout le droit humanitaire.

    - le conflit armé est interne, mais il s'y produit une ou plusieurs interventions étrangères.

    L'hypothèse est la suivante : un conflit armé interne se déroule sur le territoire d'un Etat entre les forces armées gouvernementales et les insurgés, entre les groupes armés organisés. Si un ou plusieurs Etats tiers interviennent dans ce conflit aux cotés d'une ou des deux partie, cette intervention va- t- il internationaliser le conflit ? Un large éventail a été pris en compte pour répondre à l'affirmative, il s'agit de la livraison d'armes, de l'envoi de conseillers militaires et de personnels militaires qualifiés pour utiliser les armes modernes, de l'autorisation donnée à des corps volontaires de se former et de se rendre dans le pays affecté par le conflit et enfin la participation d'unités militaires régulières.

    - le conflit armé est interne mais l'O.N.U y intervient. L'intervention de l'O.N.U n'internationalise le conflit armé que s'il agit dans le cadre de l'imposition de la paix et non dans le cadre du maintien de la paix.

    - le conflit armé est une guerre de libération nationale. Son caractère international a été reconnu par la charte des Nations Unies dans le cadre du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des Conventions de Genève de 1949 et le premier protocole additionnel de 1977.

    - le conflit armé est une guerre de sécession. La sécession doit être distinguée de la guerre de libération : celle-ci oppose le gouvernement colonial, raciste ou étranger au peuple dont il administre le territoire et dont les Nation Unies ont reconnu le droit d'autodétermination alors que la guerre de sécession oppose le gouvernement d'un Etat à la population qui habitent une partie du territoire de cet Etat et qui veut s'en séparer. A la différence du peuple qui mène une guerre de libération nationale, les Nations Unies ne reconnaissent pas à la population qui veut faire la sécession le doit de disposer d'elle-même. Il n'en demeure pas moins qu'une guerre de sécession peut, comme la guerre de libération nationale, revêtir un caractère international, mais à condition que la sécession soit effective.

    Synonyme de Guerre Civile, le conflit armé non international se caractérise par l'affrontement opposant, sur le territoire d'un seul Etat, les forces armées régulières à des groupes armés dissidents, ou des groupes armés entre eux. Le droit applicable durant de tels conflits a longtemps été considéré comme étant une question purement interne aux Etats. C'est la raison pour laquelle un ensemble plus limité de règles sont appliquées à ce type de conflit. Celles-ci sont définies à l'art. 3 commun aux quatre Conventions de Genève et dans le P.A II.

    Deux principaux textes juridiques nous renseignent sur ce qu'est un conflit armé non international à savoir l'art. 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et l'art. 1 du PA II de 1977.

    - L'art. 3 commun s'applique «en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes». Sont également inclus les conflits armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non gouvernementaux. Selon la situation, les hostilités peuvent opposer les forces armées gouvernementales et des groupes armés non gouvernementaux ou de tels groupes entre eux. Comme les quatre Conventions de Genève jouissent d'une ratification universelle, l'exigence selon laquelle le conflit armé doit surgir «sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes» a perdu toute importance dans la pratique. En effet, tout conflit armé entre les parties armées gouvernementales et des groupes armés ou entre de tels groupes armés ne peut qu'avoir lieu sur le territoire de l'une des parties à la Convention. Une définition plus restrictive des conflits armés non internationaux a été adoptée aux fins du PA II. Cet instrument s'applique aux conflits armés «qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires et continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole».

    Cette définition est plus étroite que celle de l'art. 3 commun sous deux aspects. Premièrement, elle introduit la condition d'un contrôle sur le territoire, en stipulant que les parties non gouvernementales doivent exercer un contrôle qui «leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole».

    Deuxièmement, l'application du PA II est expressément limitée aux conflits armés entre les forces armées de l'Etat et des forces armées dissidentes ou d'autres groupes armés organisés. Contrairement à l'art. 3 commun, le Protocole ne s'applique pas aux conflits qui opposent uniquement des groupes armés non étatiques.

    Dans ce contexte, il faut rappeler que le PA «développe et complète l'art. 3 commun ...sans modifier ses conditions d'application actuelles5(*)». Cela signifie que cette définition restrictive ne concerne que l'application du PA II, mais ne s'étend pas au droit des conflits armés non internationaux en général. Le Statut de la CPI, dans son art. 8, par. 2, confirme l'existence d'une définition du conflit armé non international qui ne remplit pas les critères du PA6(*).

    En se fondant sur l'analyse présentée ci-dessus, le CICR propose la définition suivante qui reflète l'avis juridique prédominant : «un conflit armé non international est un affrontement armé prolongé qui oppose les forces armées gouvernementales aux forces d'un ou de plusieurs groupes armés, ou de tels groupes armés entre eux, et qui se produit sur le territoire d'un Etat partie aux Conventions de Genève». Cet affrontement armé doit atteindre un niveau minimal d'intensité et les parties impliquées dans le conflit doivent faire preuve d'un minimum d'organisation. C'est l'intensité des combats qui permet de faire la différence entre un conflit armé non international et une simple situation de troubles intérieurs ou de tensions internes.

    Les conflits armés non internationaux doivent cependant être distingués des situations de troubles et de tensions intérieures, auxquelles le droit de la guerre ne s'applique pas. Cette distinction n'est pas toujours aisée à faire. En effet la plupart de ces conflits, résultent de troubles intérieurs graves qui dégénèrent, sans qu'il soit toujours possible d'établir avec certitude, le moment où ils se transforment en conflit. Bien que ces situations ne soient pas formellement couvertes par le droit des conflits armés, le CICR a tenté d'en donner une définition : «les situations de troubles intérieurs, sont des situations ou, sans qu'il y ait à proprement parlé de conflits armés, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée, et comporte des actes de violence. Ces dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la génération spontanée d'actes de révolte, à la lutte entre des groupes plus ou moins organisés, et les autorités au pouvoir. Dans ces situations qui ne dégénèrent pas souvent en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire même aux forces armées pour rétablir l'ordre intérieur».

    Quand aux situations de tensions intérieures, il s'agit notamment :

    · des situations de tensions graves (politiques, raciales, religieuses...)

    · des séquelles d'un conflit armé ou de troubles intérieurs.

    Dans le but de mieux cadrer le sujet, nous allons axer les développements qui suivent sur les garanties fondamentales que prévoit le DIH pour les femmes et les enfants dans les conflits armés. En d'autres termes nous nous proposons d'étudier uniquement la protection humanitaire des personnes fragiles dans le cadre des conflits armés dans la mesure où le DIH s'applique uniquement aux conflits armés et ne couvre pas les situations de tensions internes ou de troubles intérieurs, comme les actes de violence isolés. Il s'applique seulement lorsqu'un conflit a éclaté, et de la même manière pour toutes les Parties, quelle que soit celle qui a déclenché les hostilités.

    La protection des personnes fragiles par nature revêt une importance capitale au regard des souffrances engendrées par la guerre. La pratique montre que la violence et la guerre, n'épargnent personne car les conflits armés sont immanquablement l'occasion d'abus, et ce ne sont pas seulement les forces directement engagées dans les hostilités qui y sont exposées. Au coeur des conflits armés, et chaque fois plus fréquemment en tant que victime et enjeu direct, c'est la population civile et plus particulièrement les personnes fragiles par nature qui sont amenées à « faire les frais » des hostilités. En outre, l'actualité médiatise la multiplication des situations de violence ou de plus en plus les règles les plus humanitaires du DIH sont violées engendrant ainsi l'accroissement des atrocités que subissent plus particulièrement les femmes et les enfants. D'où la nécessité pour les Etats ainsi que les organismes garants de la promotion du DIH de reconsidérer leur protection en raison de leur vulnérabilité au sein de la population civile.

    Au regard de toutes ces considérations, nous nous proposons de formuler les interrogations suivantes : Quelles sont les garanties de protection que le DIH prévoit pour les personnes fragiles par nature dans les conflits armés ? Quels sont les mécanismes de mise en oeuvre de cette protection ? Peut on parler d'effectivité voire même d'efficacité de cette protection? En somme, nous pouvons résumer l'ensemble de ces questions à la suivante : Quelle est l'étendue de la protection du DIH pour les personnes fragiles par nature dans les conflits armés ?

    Le DIH est l'un des outils les plus puissants dont dispose la Communauté Internationale pour assurer la sécurité et la protection des personnes dans les conflits armés. Et à ce titre, un ensemble de dispositions ont été mises en place pour mettre en oeuvre cette protection.

    Ainsi, en plus d'une protection générale en tant que membre de la population civile, le DIH garantit aux personnes fragiles par nature, en raison de leur vulnérabilité, une protection assez particulière compte tenu de leurs besoins spécifiques.

    Cependant plus d'un demi-siècle s'est écoulé depuis l'adoption des Conventions de Genève de 1949. Durant cette période l'humanité a connu un nombre alarmant de conflits armés, qui ont frappé presque tous les continents. Tout au long de cette période, les quatre Conventions de Genève et leurs PA de 1977 ont apporté une protection juridique aux personnes qui ne participent pas ou plus directement aux hostilités (blessés, malades, et naufragés, personnes privées de liberté pour des raisons liées au conflit armé et personnes civiles). Ces traités ont cependant subi de nombreuses violations, sources de souffrances et de pertes en vie humaine qui auraient pu être évitées si le DIH avait été mieux respecté.

    En effet cette protection, dans le cadre de sa mise en oeuvre, présente des lacunes sérieuses même si force est de reconnaître que des efforts ont été déployés. Mais le monde actuel nous offre le spectacle d'un nombre important de conflits armés durant lesquels le droit des conflits armés ou droit international humanitaire est souvent gravement violé.

    Ainsi nous pouvons affirmer en ce qui concerne la problématique de l'effectivité, que la protection des personnes fragiles par nature reste limitée. Nous assistons assez souvent à une timide application, à des violations graves des règles de protection mais aussi dans la pratique à une absence de coordination dans le déploiement de l'intervention humanitaire. C'est en ce sens que pour pallier la déficience de ce système de protection, des mesures allant dans le sens d'un renforcement de celui-ci s'impose.

    Compte tenu du constat sur les souffrances qu'endurent les femmes et les enfants dans les conflits armés, notre démarche s'accentuera d'une part sur l'encadrement normatif prévu par le droit humanitaire en faveur des personnes fragiles (Première partie) avant d'aborder d'autre part la problématique de la mise en oeuvre des garanties fondamentales qui leur sont accordées (Deuxième partie).

    Le DIH est un corps de règles qui s'appliquent «aux problèmes humanitaires découlant directement des conflits armés internationaux ou non internationaux, et qui restreignent, pour des raisons humanitaires, le droit des parties au conflit d'utiliser des méthodes et moyens de guerre de leur choix ou protègent les personnes et les biens affectés par le conflit»7(*). En conformité avec sa raison d'être que constitue l'allègement des souffrances endurées par les victimes des conflits armés, et ayant conscience que les civils plus particulièrement les femmes et les enfants paient le plus lourd tribut lors de ces conflits, le DIH a accordé à ces derniers des garanties fondamentales mises en place par le biais d'un dispositif assez particulier pour leur protection. On entend par garanties fondamentales, l'ensemble des principes et dispositions juridiques humanitaires assurant un traitement minimal à tout individu au pouvoir d'une partie au conflit et qui ont pour but de préserver les prérogatives inhérentes aux personnes fragiles lors des conflits armés. Ces dispositions prévues sont d'abord d'ordre général c'est-à-dire que ce sont des règles de protection que les personnes fragiles partagent avec les autres membres de la population civile (Chapitre I). Cependant compte tenu de leur vulnérabilité et de leurs besoins spécifiques en temps de guerre, le DIH leur a accordé une protection supplémentaire spécifique en plus de celle générale (Chapitre II).

    Chapitre I : Les règles générales de protection

    Les civils paient un tribut de plus en plus lourd lors des conflits armés. Ils représentent en effet la grande majorité des victimes des conflits actuels dans le monde. C'est eux qui doivent souvent endurer des épreuves effroyables dans les conflits d'aujourd'hui, dont ils sont parfois la cible. Massacres, prises d'otages, violence sexuelle, harcèlement, expulsions, transferts forcés et pillages, de même que le refus délibéré de l'accès à l'eau, à la nourriture et aux soins de santé, sont aux nombre des pratiques qui engendrent terreur et souffrance parmi les populations civiles. A la lecture des textes on se rend compte que le DIH est tout aussi fondé sur le principe de l'immunité de la population civile.

    C'est en vertu de ce principe que les personnes fragiles sont protégées en tant que personnes civiles membres de la population civile d'une part (Section 1) et d'autre part lorsqu'ils sont aux mains de l'ennemi (Section 2).

    Section1 : Les personnes fragiles en tant que personnes civiles

    Selon Frits Kalshoven : «La guerre est une relation entre Etats qui s'affrontent par l'intermédiaire de leurs forces armés, les populations civiles qui ne prennent aucune part aux hostilités doivent être protégées et épargnées»8(*).

    Cette définition de Kalshoven montre à bien des égards que les civils qui ne sont ni participants ni acteurs dans le cadre des affrontements et qui peuvent éventuellement faire l'objet d'attaques injustifiées de la part des Parties au conflit, doivent être protégés voire être secourus pour limiter les conséquences de la guerre sur eux. D'où l'enjeu et l'importance de la protection des personnes civiles. C'est la raison pour laquelle l'un des principes fondamentaux auquel s'articule le DIH constitue la protection de la population civile. Il en résulte que le DIH ne saurait évidemment ne pas prévoir dans la mise en place de son dispositif de protection, des mesures allant dans le sens de mieux préserver les populations civiles. On pourrait dès lors s'interroger sur la définition de la notion de population civile ou encore quels sont les membres de la population civile ? Mais également se poser la question de savoir au sens du Droit humanitaire qui est les personnes civiles ?

    On élucidera ces interrogations en faisant référence aussi bien aux quatre Conventions de Genève ainsi qu'a ses deux P.A mais également au Dictionnaire international du droit des conflits armés qui définit la population civile et les personnes civiles respectivement en ces termes « La population civile est constituée par des personnes civile.»9(*)

    « En période de conflits armés internationaux, les personnes qui n'appartiennent pas à une des catégories suivantes sont considérées comme des civils :

    a) les membres des forces armées régulières, même si celles-ci dépendent d'un gouvernement ou d'une autorité non reconnue par la puissance adverse ;

    b) les membres des corps de volontaires et des mouvements de résistance ;

    c) les membres d'une levée en masse ;

    d) les combattants en général»10(*)

    A la lecture de ces définitions, on voit bien que les personnes fragiles par nature c'est-à-dire les femmes et les enfants sont des personnes civiles membre de la population civile. Elles jouissent en ce sens avec les autres personnes civiles aussi bien dans les conflits armés internationaux que non internationaux, d'une protection générale contre les dangers découlant des opérations militaires. C'est ainsi que le DIH interdit ou limite l'emploi des armes qui sont particulièrement cruelles et exige des parties aux conflits de s'abstenir de mener des attaques contre des civils (Paragraphe 1) mais aussi de respecter le droit au secours et à l'assistance des civils en prenant soin des blessés et des malades (Paragraphe 2)

    Paragraphe 1 : La préservation des personnes fragiles contre les attaques

    Les auteurs de la déclaration de Saint-Pétersbourg11(*) ont formulé, explicitement et implicitement, les principes de distinction, de nécessité militaire et d'interdiction des maux superflus de la guerre en ces termes :

    «Que le seul but légitime que les Etats doivent de proposer durant la guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi ;

    Qu'à cet effet, il suffit de mettre hors de combat le plus grand nombre d'hommes possibles ;

    Que ce but serait dépassé par l'emploi d'armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat, ou rendraient leur mort inévitable».

    Les PA de 1977 ont réaffirmé et précisé ces principes. Aux termes de l'art. 51 du P.A I, «Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne doivent être l'objet d'attaques...». En effet le droit humanitaire fondé sur le principe de l'immunité de la population civile impose aux parties au conflit et aux combattants de s'abstenir d'attaquer la population civile et les biens civils et de conduire leurs opérations militaires conformément aux règles reconnues et aux lois de l'humanité. Ainsi les personnes qui ne participent pas aux hostilités ne doivent, en aucune circonstance, faire l'objet d'attaques : elles doivent être épargnées et protégées. A ce titre, dans le but de mieux protéger les populations civiles tant lors des conflits armés internationaux que non internationaux, le DIH a établit en droit le principe de la distinction entre civils et combattants (A). Mais aussi elle présente également le principe de proportionnalité, selon lequel il faut parvenir à un équilibre entre la nécessité militaire et les exigences d'humanité dans le but d'atténuer les souffrances que peuvent engendrer les conflits armés (B).

    A- Le principe de la distinction entre civils et combattants

    Pierre angulaire des PA de 1977, le principe de distinction, selon lequel les parties à un conflit armé doivent faire la distinction entre la population civile et les combattants, de même qu'aussi entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires. Il convient cependant, avant de développer sur les implications du principe, de préciser le concept de combattant d'autant plus que la maîtrise du concept de civil est plus aisée à travers l'élimination de la notion de combattant. Celui qui n'est pas combattant est un civil. Qui est donc combattant ? Au sens des textes du DIH, «la qualité de combattant est reconnu aux membres des forces armées d'une partie en conflit ainsi qu'aux membres des milices et corps de volontaires qui en font partie, aux membres des mouvements de résistance, organisés suivant la structure des troupes dans lesquelles on trouve un lien d'obéissance entre un chef et ses éléments»12(*). Ainsi entendu, toute personne ne s'identifiant pas à cette définition est civile et bénéficie à ce titre d'une protection particulière par rapport aux combattants, protection qui lui confère des droits. Principalement, le droit fondamental des populations civiles est celui de les mettre en dehors de toute logique d'attaque. Cette interdiction d'attaques dirigées contre les civils emporte plusieurs conséquences au sens de l'art. 3 commun aux quatre Conventions de Genève qui énumère les interdictions de façon large13(*). Globalement, les populations civiles sont à l' abri des :

    «a) atteintes portées a la vie et a l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, les tortures et supplices ;

    b) prise d'otages ;

    c) atteintes a la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

    d) condamnations prononcées et les exécutions effectués sans jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué assorti de garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés»14(*).

    C'est en ce sens que le principe veut qu'une distinction soit opérée dans les attaques entre, d'une part, population civile et combattant, d'autre part, entre objectif militaire et bien civil. Et par conséquent, les opérations ne doivent être dirigées que contre les objectifs militaires et contre les combattants. Inversement, il est interdit d'attaquer tant la population civile que les biens à caractère civil.

    Par ailleurs, comme on peut, de plus en plus, aisément attaquer par air des objectifs situés n'importe où et que, les Etats connaissent une intégration économique croissante, la liste des objectifs militaires légitimes s'est allongée, mais la règle et la raison demeurent.

    Le principe de la distinction n'apparaît pas à l'art.35 parmi les règles fondamentales concernant les moyens et méthodes de combat, mais l'art.48, dans le Titre IV relatif à la protection de la population civile. Ce texte, comme les deux autres que nous avons traités plus haut, se fonde sur le postulat que, pour parvenir au but légitime qui consiste à vaincre l'ennemi, il n'est pas nécessaire d'employer «des méthodes et des moyens... dont on peut s'attendre qu'ils causeront des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel»15(*).

    On peut en conclure que les principales catégories de restrictions visant à défendre l'individu contre les maux superflus, ainsi qu'à protéger l'environnement naturel, de même que les règles détaillées en découlant d'user de tous les moyens et méthodes rationnels requis pour vaincre l'ennemi. La notion de «nécessité militaire» ne peut être invoquée à l'encontre des règles qui en ont déjà fait part.

    Le respect de ce principe demeure ainsi indispensable pour assurer le renforcement de la protection des civils en ce sens que la conduite des hostilités et des opérations militaires peuvent amener les parties au conflit à s'attaquer délibérément aux civils qui ne prennent pas part aux hostilités.

    Afin d'éviter d'infliger des souffrances inutiles aux personnes civiles, les règles des P.A I et II, tout en renforçant et en étendant la protection des civils précédemment prévues par les quatre Conventions de Genève, interdisent :

    a) la ruse consistant pour des combattants à se faire passer pour des civils ;

    b) les attaques sans discrimination ;

    c) les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur ;

    d) la destruction de biens indispensables a la survie de la population civile ;

    e) les actes d'hostilités dirigés contre les lieux de culte ou les monuments historiques.16(*)

    Pour une meilleure préservation des civils contre les attaques, le DIH a instauré le principe de proportionnalité.

    B- Le principe de la proportionnalité

    La règle de base de l'art. 35 du 1er P.A, selon laquelle le droit des parties à un conflit armé de choisir des méthodes et des moyens de guerre n'est pas illimité et la règle antérieure et similaire, contenue dans l'art.22 du règlement de la Haye, constituent un rappel général de ce que la violence n'est autorisée que dans la mesure où elle concourt à sa fin spécifique, qui est de détruire l'ennemi. «Le réalisme et l'humanitarisme qui amenèrent la philosophie des lumières et les enseignements de Jean Jaques Rousseau, l'une des inspirateurs du droit de la guerre, demandait de ne causer une souffrance, atteinte ou dommage qui ne soient nécessaires pour parvenir au seul objectif, celui de vaincre l'ennemi. Souffrance, blessure, destruction ou dommage ne doivent jamais être infligés à des fins personnelles ou comme châtiment»17(*). Il en résulte que parmi les moyens permettant d'atteindre un objectif militaire légitime, il faut choisir ceux qui provoquent le moins de souffrance, de blessure, de destruction ou dommage.

    On dit par exemple que si le soldat ennemi peut être mis hors de combat par capture, il ne faut pas le blesser ; que s'il peut être réduit à l'impuissance, il ne faut pas le tuer ; que s'il peut être neutralisé par une blessure légère, il ne faut pas le blesser gravement. Cela s'applique nécessairement également au combattant mis hors de combat.

    Ce raisonnement ne peut pas évidemment être poussé avec autant de rigueur qu'il oblige un soldat, dans le feu de l'action, à ne viser qu'une partie non vitale du corps de l'adversaire. Mais s'il en découle d'importantes conclusions et peut même dire qu'en fait la plupart des restrictions existantes en dérivent. Cela est notamment vrai que de l'interdiction d'utiliser les moyens et méthodes propres à causer des maux superflus.

    L'article 35 du protocole additionnel I stipule que « Dans tout conflit armé, le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens de guerre n'est pas illimité », et « qu'il est interdit d'employer des armes, des projectiles et des matières ainsi que des méthodes de guerre de nature a causer des maux superflus »

    C'est ainsi que le DIH assure la meilleure protection possible aux personnes civiles en temps de conflit en ménageant un certain équilibre entre ce qu'il est convenu d'appeler «les nécessités militaires», d'une part et «l'humanité», d'autre part. Les «nécessités militaires» sont définies comme étant l'ensemble des mesures nécessaires pour vaincre l'adversaire. Elle constitue la justification de tout recours à la violence, dans les limites dictées par le principe général de la proportionnalité. Cette notion s'oppose généralement aux exigences humanitaires. Et c'est dans l'effort essentiel de trouver un équilibre entre ces notions en pratique contradictoires et pour éventuellement éviter que la nécessité militaire ne puisse provoquer inutilement un surcroit de souffrances, que le DIH a entendu préserver les personnes civiles membres de la population civile contre les attaques.

    Les armes (moyens de combat) et l'utilisation qui en est faite (méthodes de combats) sont régies par les dispositions du DIH. Le principe de base est posé à l'art. 48 du P.A I de 1977 «En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile et des biens de caractère civil, les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants (...) , et par conséquent , ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires».

    Ces règles sont formulées de façon très générale. Toutefois elles contiennent une notion supplémentaire : le principe de la proportionnalité. Celui-ci signifie qu'il doit exister un rapport raisonnable entre, d'une part, les moyens militaires mis en oeuvre et les destructions entrainées et ; d'autre part, entre ces mêmes moyens et le but escompté sur le plan militaire. En l'absence de normes particulières, en effet l'interprétation de ce principe doit permettre de trouver une solution au problème posé. Cependant le DIH contient une série d'interdictions précises concernant les méthodes de combat et les armes interdites.

    ° Les méthodes de combat interdites

    La première limite générale correspond au respect que le combattant doit avoir pour son adversaire. Il devrait reconnaître un semblable face à lui et renoncer à des moyens de combat barbares. Un certain nombre d'actes sont interdits, comme, par exemple les actes de perfidie (le fait d'entreprendre une attaque militaire sous le couvert du drapeau blanc). En revanche les ruses de guerre (telles que les techniques de camouflage) restent autorisées. Il est également interdit d'ordonner de ne pas laisser de survivants.

    - Les armes interdites

    Le droit de la guerre interdit une série d'armes ou en limite l'emploi. C'est ainsi qu'il est interdit d'utiliser des armes qui frappent sans discrimination, c'est-à-dire qui ne distinguent pas les objectifs militaires des objectifs civils. Il est également interdit d'utiliser des armes de nature à causer des  «maux superflus».

    Un certain nombre d'armes interdites ont été nommément désignées. Lors de la Conférence de la Haye de 1899, l'emploi des balles «dum-dum» - balles qui s'ouvrent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain - est interdit. Le protocole de Genève de 1925 a interdit les armes de destruction massive, comme l'utilisation des gaz toxiques, de même que les armes bactériologiques. On peut d'ailleurs noter que les armes chimiques ont été interdites en 1925 après avoir été largement perfectionnées et utilisées pendant la première guerre mondiale. Plus précisément, l'interdiction porte sur le fait d'employer le premier - c'est-à-dire son adversaire - un gaz toxique. Par conséquent l'interdiction de ce type d'armes n'est pas absolue, puisqu'un Etat se voit reconnaître la possibilité d'utiliser une telle arme en réponse à une attaque du même type. Cette situation pourra évoluer le jour où la Convention de Paris du 13 Juin 1993 entrera définitivement en vigueur - c'est à dire quand sera atteint le nombre de ratifications nécessaires -, car elle prévoit que les Etats ne peuvent, en aucune circonstance, faire usage des armes chimiques. Cette convention interdit également la mise au point, la fabrication, la détention, le transfert ou l'emploi d'armes chimiques ainsi quelles installations servant à leur fabrication.

    Par ailleurs, le DIH accorde aux personnes fragiles membre de la population civile toujours dans le cadre de les préserver contre les effets des hostilités, le droit au secours et à l'assistance.

    Paragraphe 2 : Le droit au secours et à l'assistance

    Avant 1949, la population civile ne faisait pas l'objet, en tant que telle, de règles humanitaires. Les dispositions contenues dans le règlement annexé à la IVe Convention de la Haye n'avaient en vue que certains agissements d'une armée d'occupation18(*). Cependant comme on l'a précisé précédemment, avec l'accroissement de la terreur lors des conflits armés qui a pour principaux victimes les civils et plus particulièrement les personnes fragiles, le droit humanitaire a prévu dans son dispositif des règles relatives à l'assistance humanitaire. C'est ainsi qu'il a reconnu aux victimes de la guerre le droit au secours et à l'assistance humanitaire.

    En effet, les situations d'urgence humanitaire de notre époque sont caractérisées par des flambées de violence extrême, dont les personnes fragiles en l'occurrence les femmes et les enfants sont fréquemment la cible directe. Elles vont souvent de pair avec d'autres tragédies, telles que famines, épidémies ou crises économiques, quand elles ne sont pas indirectement la cause. Les effets conjugués de ces situations font courir les plus grands dangers à la population civile, dont les mécanismes habituels d'adaptation ne fonctionnent plus, engendrant un grand besoin d'assistance.

    «La guerre est l'affaire de ceux qui la font, mais elle frappe également les populations civiles qui en sont à la fois les victimes et l'enjeu ». Cette idée de François BUGNON trouve davantage sa pertinence à l'examen des nouveaux types de confrontation telle la guerre Etats-Unis/Irak qui consiste pour une armée, sous un prétexte quelconque, à envahir les populations du territoire ennemi. Ce qui favorise l'arbitraire entre le bourreau occupant et la population civile victime qui n'a que ses jambes pour courir, ses yeux pour pleurer, sa bouche pour crier et son sang à verser. Cette protection contre l'arbitraire s'inscrit dans le cadre du régime général de l'occupation. De même, l'une des méthodes inhumaines de la guerre consiste à couper les ravitaillements, à favoriser la famine afin d'amener la population exténuée à se rebeller contre le pouvoir en place. Cette méthode, combinée aux effets encouragés par la guerre tels que le surpeuplement des hôpitaux, la pollution ... est probablement à l'origine d'une idée d'aide aux populations. La base la plus générale du droit à l'assistance en tant que droit de la personne prenant sa source dans le droit international public peut être trouvée dans la DUDH qui dispose en son art. 28 que « toute personne a le droit à ce que les droits et libertés énoncés dans la présente déclaration puisse y trouver plein effet». Cette disposition exprime le lien qui existe entre les droits abstraitement formulés par la déclaration dont le droit à la vie (art 3), le droit à l'intégrité physique (art 5), à un niveau de vie suffisant (art 25)... Dans ce contexte, l'aide humanitaire ne peut dans son principe être qualifié d'illicite. En particulier, on ne peut l'assimiler à une ingérence.

    L'assistance humanitaire est à la fois une obligation des Etats dans leur ensemble et une obligation de l'Etat territorial avec pour créancier la population civile en détresse.

    Il convient dés lors de partir de l'admission du principe (A) avant de mettre en exergue les modalités de l'assistance (B).

    A-L'admission du principe

    Ce rôle prioritaire de l'Etat territorial est absolument reconnu par les Résolutions de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui instaurent ce qu'on a appelé le nouvel ordre international humanitaire. A ce sujet, les termes de la Résolution adoptée le 17 décembre 1991 sont forts évocateurs :

    «C'est à chaque Etat qu'il incombe au premier chef de prendre soin des victimes des catastrophes naturelles et autres situations d'urgence se produisant sur son territoire».

    Le rôle premier revient donc à l'Etat touché dans l'initiative, la coordination, l'organisation et la mise en oeuvre de l'aide humanitaire sur son territoire.

    Ce principe est également réaffirmé par la IVe Convention de Genève dans son art. 4 alinéa 1 en vertu duquel « lorsque la population d'un territoire occupé ou une partie de celle-ci est insuffisamment approvisionnée, la puissance occupante acceptera les actions de secours faites en faveur de ses populations et les facilitera dans la mesure de ses moyens. »

    Parallèlement, le P.A I prévoit que des actions de secours seront menées sans délai ou seront entreprises19(*).

    Dans sa Résolution 688 édictée à la suite des évènements du Kurdistan irakien, le Conseil de Sécurité insiste pour que « l'Irak autorise l'accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les régions de l'Irak et qu'ils mettent à leur disposition tous les moyens nécessaires à leur intervention.»

    L'assistance humanitaire contre la volonté du souverain territorial qui alléguerait des contremesures pour sa défense est une pratique non interdite pour les ONG. Le principe de non-intervention s'adresse exclusivement aux Etats et non aux particuliers.

    Ainsi appréhendée, l'assistance humanitaire se transforme dans son application pratique en un véritable droit dont les modalités sont clairement définies dans la IVe Convention de Genève et les PA .

    B-Les modalités de l'assistance

    L'assistance dans son déploiement prend la forme d'un secours à accorder aux victimes civiles des conflits armés.

    Ainsi, qu'on soit en face d'un conflit armé à caractère international ou non, les secours qui peuvent être individuels ou collectifs sont admis pour des personnes internées ou non.

    En cas d'occupation, lorsque la population d'un territoire est insuffisamment approvisionnée, la puissance occupante acceptera les actions de secours faites en faveur de cette population et les facilitera dans toute la mesure de ses moyens20(*)

    Ces actions de secours peuvent être tantôt l'oeuvre des Etats tantôt l'oeuvre d'un organisme impartial tel que le CICR. Pour un succès de l'opération, les Etats doivent favoriser le passage des convois humanitaires destinés à la population du territoire occupé. La puissance occupante se doit de protéger ces convois afin que les bénéficiaires puissent être desservis dans les meilleurs délais. L'obligation qui pèse sur la puissance occupante s'étend au respect des destinataires, à la distribution rapide sans taxes et gratuite des envois.21(*)

    La composition des envois n'est pas expressément définie. Aussi s'agit- il de façon générale des biens destinés à l'alimentation, aux soins médicaux, des vêtements. Il s'agit également des déplacements des populations des zones dangereuses et à leur regroupement22(*). Ces secours s'étendent dans les prisons ou les internés ont besoin d'aide. Ils peuvent recevoir par voie postale ou tout autre moyen des secours collectifs et individuels. Ces envois peuvent être réglementés par des accords spéciaux entre les puissances intéressées qui ne peuvent en aucun cas entraver ou différer leur perception.

    En temps de guerre, les belligérants ont le devoir d'autoriser des actions d'assistance en faveur de la population civile, fût-elle ennemie. Chaque partie doit autoriser le passage d'envois de secours destinés à la population civile. Toutefois, l'Etat qui laisse passer l'envoi a le droit de contrôler le contenu et l'utilisation prévue de ces secours. Il peut refuser le passage s'il a des raisons sérieuses de craindre que les secours puissent tomber dans de mauvaises mains, c'est-à-dire qu'ils ne soient pas remis aux victimes mais puissent servir à l'effort militaire. La protection civile doit accomplir toutes les tâches humanitaires destinées à protéger la population civile contre les dangers des hostilités ou des catastrophes et à l'aider à surmonter leurs effets immédiats ainsi qu'à assurer les conditions nécessaires à sa survie. Les organismes de la protection civile ont le droit de s'acquitter de leurs tâches de protection civile, sauf en cas de nécessité militaire impérieuse. Ils bénéficient d'une protection totale, tout comme le personnel sanitaire. Ils sont identifiés par un triangle bleu sur fond orange. Les règles de protection concernent donc en principe aussi bien les ressortissants que les non ressortissants des Parties au conflit, les ressortissants des Etats neutres sur le territoire d'une Partie au conflit que les ressortissants des Etats non Parties aux Conventions et au Protocole qui se trouveraient sur ce territoire.

    C'est ainsi que, la IVe Convention garantit le libre passage de tout envoi de médicaments et de matériel sanitaire, ainsi que des objets nécessaires au culte, destinés uniquement à la population civile d'une autre Partie contractante, même ennemie. Elle autorise également le libre passage des vivres, vêtements et fortifiants réservés aux enfants de moins de quinze ans et aux femmes enceintes ou en couches. Le Protocole étend considérablement la possibilité d'entreprendre des actions de secours. Il prévoit que lorsque la population civile d'un territoire sous le contrôle d'une Partie au conflit, autre qu'un territoire occupé, est insuffisamment approvisionnée, des actions de secours de caractère humanitaire et impartial et conduites sans aucune distinction de caractère défavorable seront entreprises, sous réserve de l'agrément des parties concernées par ces actions de secours.

    Il peur arriver que les personnes fragiles soient amené à participer aux conflits et à partir de ce moment ils peuvent faire l'objet de capture. Dans cette perspective, le DIH leur accorde une protection lorsqu'elles sont aux mains de l'ennemi pour les préserver des abus de pouvoir dont ils pourront faire l'objet.

    Section 2 : La protection des personnes fragiles au pouvoir de l'ennemi

    Dans le but de parer à toute éventualité de violations massives et réitérées des droits essentiels de l'homme, au cours des conflits armés dont nous estimons que ce sont les personnes civiles au pouvoir de l'ennemi, principalement les femmes et les enfants, qui en subissent les conséquences les plus graves. Le DIH a prévu dans son dispositif des normes allant dans le sens d'une protection des personnes fragiles aux mains de l'ennemi du fait de la grande vulnérabilité de celles-ci. En effet, les belligérants peuvent être amenés à procéder à des exécutions sommaires, à des disparitions forcées, à des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants; à des détentions et emprisonnements arbitraires; à des prises d'otages; à l'absence de garanties pertinentes de procédure; à des restrictions à la liberté de pensée, d'expression et d'association; des hôpitaux et des ambulances; à des restrictions à l'accès aux aliments et aux services sanitaires; à des dévastations et destructions sans discrimination et à des violations graves des droits de l'homme dans les lieux de détention. Et c'est pour prévenir l'ampleur des risques de souffrances que peuvent subir les civils quand ils sont privés de liberté que le DIH prévoit des garanties de protection - au même titre que les civils- aussi bien pour les personnes fragiles détenues (Paragraphe 1) que pour les personnes fragiles capturées (Paragraphe 2)

    Paragraphe1 : La protection des personnes fragiles civiles détenues

    Même dans les sociétés fondées sur l'Etat de droit, si les autorités se sentent menacées, elles peuvent être tentées de recourir à la force de manière excessive pour atteindre leurs objectifs militaires ou politiques. Les personnes civiles lorsqu'ils sont aux mains de l'ennemi peuvent faire l'objet de traitements inhumains et injustifiées. C'est la raison pour laquelle le DIH interdit les traitements arbitraires (A) et réglemente les conditions de l'internement (B).

    A-L'interdiction des traitements arbitraires

    Les art. 27 de la IVe Convention et 75 du PA I de 1977 jouent, à cet égard, un rôle primordial. En effet, ils en énoncent la protection fondamentale, à la tête de laquelle se trouve le principe général en vertu duquel tout civil a le droit d'être traité, en toutes circonstances, avec humanité. Le TPIY a reconnu que ce principe revêtait un caractère fondamental pour la protection des victimes des conflits armés, en tant qu'expression de la volonté de respect de la dignité de l'homme dans ces situations, en affirmant qu'il constituait la base sur laquelle reposent les Conventions de Genève de 194923(*). Il a également reconnu que ce principe était applicable à toute situation de conflit armé, vu qu'il constitue le fondement de l'art.3 commun, lequel établit la protection fondamentale octroyée aux victimes dans une situation de conflit armé non international, et qu'il figure dans les articles 4 et 7 du P.A II de 1977.

    Ce principe implique la nécessité de respecter la dignité humaine au cours des conflits armés et, par voie de conséquence, la reconnaissance du fait que les civils disposent d'un ensemble de droits qui s'avère inaliénables. De cette façon, tout acte incompatible avec ce principe est interdit, à partir du moment où son objectif est de  « protéger l'être humain de toute atteinte à sa dignité personnelle, que celle-ci découle de violences corporelles, d'humiliations ou de coups portés à l'honneur, au respect de soi ou au bien-être mental d'une personne »24(*).

    C'est ainsi que s'établit le droit des personnes civiles d'être protégées contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique (art. 27), comprenant l'interdiction de l'homicide, la torture, les peines corporelles, les mutilations et les expérimentations médicales ou scientifiques qui ne seraient pas justifiées par des raisons médicales, ainsi que tout autre acte de cruauté; l'interdiction d'exercer un type quelconque de contrainte à l'encontre des civils, notamment pour obtenir des informations; l'interdiction du pillage, des représailles contre les civils ou leurs biens et des peines collectives (art. 33), de la prise d'otages (art. 34), ou encore de leur utilisation comme « bouclier humain », c'est-à-dire l'emploi de leur présence pour éviter l'attaque d'objectifs militaires (art. 28), ainsi que les Croates l'ont fait avec les civils musulmans pendant le conflit de Bosnie-Herzégovine25(*).
    En définitive, la reconnaissance de cet ensemble de droits met en évidence, comme l'a répété le TPIY, le fait que le propos fondamental des normes n'est autre que la défense de la dignité humaine dans les exceptionnelles circonstances d'un conflit armé, afin que les personnes civiles au pouvoir de l'ennemi ne soient pas à sa merci, mais qu'elles disposent plutôt d'un ensemble de droits que l'État doit sauvegarder. Leur transgression est donc qualifiée d'infraction grave aux Conventions de Genève, comme l'établit l'art. 147 de la IVe Convention, c'est-à-dire de crime de guerre; c'est d'ailleurs dans ce sens que cette considération a été confirmée par l'art. 2 du Statut du TPIY, ainsi que par sa jurisprudence.
    Dès lors, il s'agit, pour le TPIY, d'établir quels sont les éléments constitutifs de ces infractions, ce qui suppose, pour les juges, un important travail d'éclaircissement; en effet, ils doivent préciser la portée exacte des dispositions de la IVe Convention, et donc contribuer, d'une façon décisive, au renforcement de la protection des civils dans le nouveau contexte de guerre26(*).

    Pour ce faire, ils vont se servir des instruments conventionnels en matière de droits de l'homme, ainsi que des décisions d'organismes internationaux, judiciaires ou non, dont la tâche est de veiller à leur application et à leur respect; ceci signifie la reconnaissance de l'existence d'un point de convergence entre deux secteurs normatifs, le DIH et le DIDH, point qui réside dans la défense de la dignité humaine en toutes circonstances.

    Par rapport à l'homicide, le TPIY précise, lors de l'affaire Celebici, que «l'intention, l'élément moral nécessaire pour qu'un meurtre ou un homicide intentionnel soit constitué, ainsi que l'ont reconnu les Conventions de Genève, est présent dès lors qu'il est démontré que l'accusé avait l'intention de tuer ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique d'autrui par l'effet de son imprudence et du peu de cas qu'il faisait de la vie humaine».
    Le TPIY mène également à bien un travail de délimitation de trois figures se trouvant très proches les unes des autres: les tortures, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique et à la santé, et enfin les traitements inhumains. Pour ce faire, il commence par préciser que la torture représente la figure la plus restrictive, puisqu'elle implique des actes ou des omissions dont le but est de parvenir à une fin concrète interdite et qui occasionnent de graves souffrances physiques et morales. L'infraction, telle qu'elle est définie (infliger de graves souffrances ou porter atteinte à l'intégrité physique ou à la santé de la victime), s'avère plus large que la précédente, étant donné que, contrairement à la torture, les actes ou omissions ne doivent pas être nécessairement commis pour atteindre un but illicite. Finalement, les deux catégories sont comprises dans les traitements inhumains, lesquels impliquent des actes ou omissions provoquant de graves souffrances physiques ou morales, ou portant gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale ou à la dignité humaine, outre tous les actes violant le principe fondamental du traitement humain et attentant spécialement à la dignité humaine.
    En ce qui concerne la torture, le TPIY, comme le TPIR, affirment qu'elle est aussi bien interdite dans des conflits armés internationaux qu'internes, reconnaissant son caractère coutumier, et admettant qu'elle constitue même une norme jus cogens. De ce fait, la transgression de cette norme donnerait non seulement lieu à la responsabilité internationale de l'individu, mais constituerait aussi un crime international susceptible d'entraîner une responsabilité de l'État. De même, les deux Tribunaux prêtent particulièrement attention à la définition de cette notion dans le DIH, en ayant recours à celle qui apparaît dans la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984. En effet, ils considèrent qu'elle a acquis un caractère coutumier et qu'elle est donc applicable en toutes circonstances, et non seulement dans les situations prévues par la Convention en question.

    A cela, il faut ajouter, comme nous le verrons plus loin, la considération que le viol est une forme de torture dans certains cas.

    - La protection des biens appartenant aux personnes civiles

    Outre la préservation des droits essentiels liés à la défense de la dignité humaine, le TPIY a reconnu que le droit international humanitaire établit des limites strictes quant aux mesures qu'une partie au conflit peut légalement adopter en ce qui concerne les biens publics ou privés sur un territoire se trouvant sous son contrôle . A cet égard, tant le Règlement de La Haye de 1907 que la IVe Convention de Genève contiennent des dispositions qui visent à protéger les biens appartenant aux civils, tâchant par là d'éviter que l'ennemi les détruise ou les saisisse de façon arbitraire. L'interdiction de détruire ou de s'approprier des biens sans que des besoins militaires ne le justifient (art. 53 de la IVe Convention) est l'une de ces dispositions revêtant un caractère essentiel. Cependant, d'après l'art. 147, pour qu'elle soit considérée comme une infraction grave, elle doit être commise à une grande échelle. Nous devons, en plus, mentionner l'interdiction du pillage, qui, contrairement à l'interdiction antérieure, possède une portée générale, s'appliquant en effet à la totalité des territoires des parties au conflit et non seulement dans des cas d'occupation militaire.

    A ce sujet, le TPIY a dû affronter le fait que, parmi les méthodes utilisées par les belligérants pour procéder au «nettoyage ethnique», se trouvaient la rapine et la destruction de biens, techniques utilisées pour expulser les civils d'un territoire passé sous leur contrôle. Il a répondu à cette situation en réaffirmant que la violation des dispositions qui protègent les droits patrimoniaux constituait des crimes de guerre. Mais, ne s'arrêtant pas là, il est allé jusqu'à effectuer une interprétation extensive de cette interdiction; il reconnaît ainsi que «l'interdiction de l'appropriation arbitraire de biens ennemis, publics ou privés, est de portée générale et s'étend à la fois aux actes de pillage commis par des soldats isolés dans leur propre intérêt et à la saisie organisée de biens, opérée dans le cadre d'une exploitation économique systématique du territoire occupé». De cette manière, le TPIY interprète que les actes isolés de pillage entraînent une responsabilité internationale de l'individu, de même que ceux perpétrés à une grande échelle, ce qui met en évidence le fait que la gravité de tels actes ne découle pas de leur caractère massif. En suivant cette même ligne, le Tribunal estime que la référence au fait que la destruction ou l'appropriation de biens non justifiée par des besoins militaires soient exécutée à une grande échelle, doit être évaluée dans les circonstances du cas, si bien qu'une seule action, la destruction d'un hôpital par exemple, pourrait suffire pour qu'elle soit considérée comme la perpétration d'une infraction grave. Tout cela prouve l'importance que le TPIY a également voulu donner à la protection des biens. En effet, dans nombre de cas, la politique de «nettoyage ethnique» s'est effectuée par le biais du pillage ou de la destruction des biens appartenant aux personnes que l'on voulait expulser du territoire, ce qui constituait en réalité un acte de contrainte ou d'intimidation, également interdit par les normes fondamentales de protection des civils au pouvoir de l'ennemi.

    B - La réglementation de l'internement

    Le DIH prévoit les conditions dans lesquelles se produit l'internement ou la détention des civils.

    L'internement ou la détention administrative, est défini comme une privation de liberté ordonnée par le pouvoir exécutif - et non par le pouvoir judiciaire - sans qu'une inculpation pénale précise ne soit portée contre la personne qui en est l'objet. Les termes internement et détention sont utilisés ici indifféremment.

    L'internement est une mesure de contrôle exceptionnelle qui peut être prise pour des raisons de sécurité dans le cadre d'un conflit armé. La définition de l'internement ne comprend donc pas la détention préventive légale d'une personne, arrêtée du chef d'une infraction pénale, dans le cadre d'un conflit interne. L'internement ne peut se substituer à des poursuites pénales et il ne peut être ordonné qu'au cas par cas, à titre individuel et sans discrimination aucune ; de même il doit cesser dès que les causes qui l'ont motivé n'existent plus.

    Dans la mesure où, des groupes armés privent de fait certaines personnes de leur liberté indépendamment de la légalité d'une telle conduite, ils sont liés par les règles conventionnelles et coutumières du DIH s'appliquant aux conflits armés internes. Cela ne doit en aucun cas être interprété comme une prise d'otage.

    L'art. 3 commun ne comporte aucune disposition régissant l'internement, à l'exception d'une exigence de traitement humain. Or l'internement est une mesure qui peut être prise dans le cadre d'un conflit interne, comme le prouve le libellé de l'art 5 du P.2 qui le mentionne, mais sans donner non plus de détails sur la façon de l'organiser. Il sera donc nécessaire d'avoir recours aux droits de l'homme pour compléter les mesures de protection et élaborer les garanties de procédure applicables à ce type de situation.

    Ø L'art. 5 du PA II énumère un ensemble de mesure de protection en faveur des personnes internées. A cet effet il dispose que :

    · Les blessés et les malades seront traités conformément à l'art. 7.

    Aux termes de l'art. 7 : «Tous les blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris part au conflit armé, seront respectés et protégés. Ils seront, en toutes circonstances, traités avec humanité et recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux ne sera faite entre eux».

    · Elles recevront dans la même mesure que la population civile locale, des vivres et de

    l'eau potable et bénéficieront de garanties de salubrité et d'hygiène et d'une protection contre les rigueurs du climat et les dangers du conflit armé.

    Elles seront autorisées à recevoir des secours individuels ou collectifs.

    · Ces dispositions exigent que soient satisfaits les besoins fondamentaux des internés.

    Elle est contenue dans d'autres instruments qui s'appliquent aussi aux conflits armés non internationaux27(*). L'ensemble de règles minima pour le traitement des détenus contient des dispositions détaillées concernant les locaux de détention, l'hygiène, les vêtements, la literie et l'alimentation28(*).

    La règle selon laquelle les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être satisfaits est étayée par la pratique des Nations Unies. Ainsi, en 1992, le Conseil de Sécurité de l'ONU a exigé que toutes les personnes détenues dans les camps, prisons et centres de détention en Bosnie-Herzégovine «soient traitées humainement et reçoivent entre autres des vivres, un abri et des soins médicaux adéquats »29(*).

    Les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être satisfaits de manière appropriée, en tenant compte des moyens disponibles ainsi que des conditions locales. Comme le montre l'expression : «dans la même mesure que la population civile locale».

    Dans l'affaire Aleksovski, le TPIY a jugé que l'insuffisance relative des vivres était due à la pénurie occasionnée par la situation de guerre et affectait toutes les personnes, et que les soins médicaux auraient sans doute été considérés comme insuffisants en temps ordinaire, mais que les détenus concernés avaient reçu les soins médicaux qui étaient disponibles30(*).

    Lorsque la puissance détentrice ne peut répondre aux besoins fondamentaux des détenus, elle doit autoriser les organismes humanitaires à apporter une assistance à leur place, et les détenus ont le droit de recevoir une aide individuelle ou collective. En effet sur la base de l'article 3 commun, et des statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par consensus en 1986, le CICR peut «offrir ses services» aux Parties.

    · Elles pourront pratiquer leur religion et recevoir à leur demande, si cela est

    approprié, une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses, telles que les aumôniers.

    Cette règle est une application de la garantie fondamentale de respect des convictions et pratiques religieuses.

    Outre ces dispositions il convient d'ajouter les règles suivantes :

    · Les données personnelles des détenus doivent être enregistrées

    L'exigence d'enregistrer les données personnelles des détenus est inscrite dans un certain nombre d'instruments internationaux qui s'appliquent aussi dans les conflits armés non internationaux31(*).

    Cette règle a pour objet d'éviter les disparitions ou disparitions forcées.

    - Le pillage des effets personnels des détenus est interdit.

    L'art. 4 du P.A II interdit le pillage au nom des garanties fondamentales. Ce pillage constitue un crime de guerre selon les Statuts des TPIY et du TPIR et du TSSL32(*).

    Toutes ces dispositions ont, en notre sens, un caractère obligatoire ;  «elles seront au minimum respectées à l'égard des personnes internées». Par contre les autres dispositions de l'art. 5 ont un caractère facultatif. Leur observation, plus délicate, est liée à la réunion de conditions matérielles qui n'existent pas toujours, notamment du côté rebelle, en raison du déroulement des combats ou des destructions qu'ils occasionnent. Il en ainsi du paragraphe 2 alinéas b, c, d. Comme le montre le même paragraphe : «Ceux qui sont responsables de l'internement ou de la détention, les respecteront dans toute la mesure de leurs moyens».

    Outre les mesures de protection, un certain nombre de garanties procédurales doivent être respectées. Elles sont nombreuses et concernent principalement :

    - Le droit d'être informé des motifs de l'internement

    Toute personne internée sera informée sans retard, dans une langue qu'elle comprend, des raisons pour lesquelles cette mesure a été prise, afin qu'elle puisse contester la légalité de sa détention. Le droit que possède chaque individu de connaître les raisons pour lesquelles il a été privé de liberté peut être considéré comme un des éléments constitutifs de l'obligation de traitement humain, car on sait que l'incertitude d'une personne quant aux motifs de sa détention représente une source de stress psychologique aigu. Le droit humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux ne contient pas dispositions énonçant expressément l'obligation de fournir des informations sur les motifs pour lesquels une personne a été privée de liberté. La garantie procédurale susmentionnée est toutefois inscrite dans la plupart des traités pertinents relatifs aux droits de l'homme et figure également dans certains instruments de droit indicatif33(*).

    Les informations fournies doivent être suffisamment détaillées pour que la personne privée de liberté puisse contester la légalité de son internement et exiger que la décision soit reconsidérée. Les informations relatives aux raisons qui ont motivé la mesure doivent être communiquées sans retard à cette personne et dans une langue qu'elle comprend afin qu'elle puisse demander dans les meilleurs délais que la légalité de sa détention soit reconsidérée. Lorsque la décision initiale de détention est maintenue après examen, les raisons motivant le maintien de la détention doivent elles aussi être communiquées.

    - Le droit de contester dans le plus bref délai possible, la légalité d'une mesure d'internement.

    Le droit que possède une personne de contester la légalité de sa détention en cas de conflit armé non international, est un élément clef du droit de tout individu à la liberté de sa personne reconnu par les droits de l'homme. Et bien qu'il puisse être dérogé au droit à la liberté dans certaines situations d'urgence, le droit indicatif et la jurisprudence en matière de droits de l'homme ont établi que, «le droit de toute personne de contester la légalité de sa détention devant une instance judiciaire doit être préservé en toutes circonstances»34(*). Il ne pourra pas être restreint, en particulier, dans les cas où le fait de contester la légalité de mesures de détention vise, entre autres, à protéger des droits non dérogeables tels que le droit à la vie ou le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

    - Le droit à un examen périodique de légalité de son maintien en détention.

    Tandis que la IVe Convention de Genève permet aux États, dans un contexte de conflit armé international, de choisir entre un tribunal et un collège administratif, le DIDH applicable aux conflits armés internes ainsi que sa jurisprudence, établissent clairement que l'organe appelé à statuer sur la légalité de mesures d'internement, ou de détention administrative, doit être un tribunal. Selon le Pacte international relatif aux droits de l'homme, quiconque se trouve privé de sa liberté «...a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale»35(*).

    Paragraphe 2 : La protection des personnes fragiles combattantes capturées

    Il s'agit ici de l'admission d'un statut de prisonnier de guerre (A) et de réglementer la vie quotidienne des captifs (B).

    A- L'admission au statut de prisonnier de guerre

    Le statut de prisonnier de guerre est réglé conjointement par l'art. 4 de la IIIe Convention de 1949 et par les art 43 et 44 du P.A I. Le principe général est le suivant: tout membre des forces armées d'une Partie au conflit est un combattant et tout combattant capturé par la Partie adverse est prisonnier de guerre. Cette règle générale est complétée par trois types de dispositions qui visent à préciser les conditions auxquelles les forces armées sont reconnues comme telles, à étendre la qualité (ou le traitement) de prisonnier de guerre à des catégories de personnes non couvertes par la règle générale, enfin à priver, dans un cas déterminé, un combattant capturé de sa qualité de combattant et, partant, de son statut de prisonnier de guerre.

    L'exigence d'un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette Partie.

    Peu importe que celle-ci soit représentée par un gouvernement ou une autorité non reconnus par la Partie adverse. Ces forces armées doivent en outre être soumises à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés. Ce respect implique, en particulier, que les combattants sont tenus de se distinguer de la population civile, sauf exception, par un uniforme ou par un autre signe distinctif visible et reconnaissable à distance, lorsqu'ils prennent part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire d'une attaque. La violation, par un combattant, des règles applicables en cas de conflit armé est punissable, mais, pour autant que ce combattant porte au moins les armes ouvertement au combat, ne le prive pas de son droit au statut de prisonnier de guerre en cas de capture. Si la Partie à laquelle appartiennent ces forces armées omet ou refuse délibérément d'exiger le respect de ces mêmes règles, il peut s'ensuivre la perte du statut de combattant et de prisonnier de guerre pour tous les membres qui composent ces forces armées.-L'extension du statut ou du traitement de prisonnier de guerre à d'autres catégories de personnes

    Ont donc encore droit au statut de prisonnier de guerre, les participants à une levée en masse, c'est-à-dire la population d'un territoire non occupé qui prend spontanément les armes à l'approche de l'ennemi pour combattre l'invasion sans avoir eu le temps de s'organiser, à la condition de porter ouvertement les armes et de respecter les lois et coutumes de la guerre, les personnes qui sont autorisées à suivre les forces armées sans en faire directement partie, les équipages de la marine marchande et de l'aviation civile, les membres du personnel militaire servant dans les organisations de protection civile. Ont seulement droit au traitement de prisonniers de guerre les personnes arrêtées en territoire occupé en raison de leur appartenance aux forces armées du pays occupé, les internés militaires en pays neutre, les membres du personnel médical et religieux non combattant qui font partie des forces armées. A titre exceptionnel, lorsque la nature des hostilités l'exige, il peut être dérogé à l'obligation pour un combattant de se distinguer de la population civile par le port, en opérations militaires, de l'uniforme ou d'un signe fixe et reconnaissable à distance. Toutefois, ces combattants doivent alors se distinguer par le port ouvert des armes pendant l'engagement et pendant le temps où ils sont exposés à la vue de l'adversaire alors qu'ils prennent part à un déploiement militaire qui précède le lancement d'une attaque à laquelle ils doivent participer. Celui qui contrevient même à l'obligation de porter les armes ouvertement peut se voir privé de son statut, mais non des garanties y afférentes et cas où il est poursuivi pour avoir porté les armes illégalement, conjointement ou non avec d'autres infractions. Ces dispositions n'ont pas pour objet de modifier la pratique généralement acceptée du port de l'uniforme pour les membres des unités armées régulières des Parties au conflit. Pour éviter toute controverse et toute mesure arbitraire au moment de la capture, le Protocole précise encore que toute personne qui prend part aux hostilités et qui est capturée est présumée prisonnier de guerre, et est traitée en prisonnier de guerre, même en cas de doute sur son statut. Le problème sera, dans ce dernier cas, tranché ultérieurement par un tribunal. Quant à celui qui, ayant pris part à des hostilités, se voit en définitive privé du droit au statut de prisonnier de guerre, il bénéficie, outre les dispositions de la IVe Convention qui lui sont applicables, des garanties fondamentales prévues à l'art. 75 du Protocole. L'espion et le mercenaire n'ont pas droit au statut de prisonnier de guerre. Les enfants de moins de quinze ans ne seront pas recrutés dans les forces armées.

    Le PA I, à son Titre III, ne se contente pas d'énoncer des règles relatives au statut et au traitement des prisonniers de guerre. Il rappelle également quel doit être la vie quotidienne du captif et comment la captivité prend fin.

    B- La vie quotidienne du captif et la fin de la captivité

    On analysera d'abord la vie quotidienne du prisonnier de guerre avant de terminer avec la fin de la captivité.

    · La vie quotidienne du captif

    Elle se traduit par des droits et devoirs relatifs au traitement, aux conditions matérielles et morales de l'internement, au secours et à la discipline que nous allons analyser tour à tour.

    - droits et devoirs

    En ce qui concerne les droits des prisonniers de guerre, il faut rappeler le principe selon lequel les prisonniers de guerre sont au pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupes qui les ont faits prisonniers. Les prisonniers de guerre ont droit en toute circonstance au respect de leur personne et de leur honneur. Remarquons enfin que les prisonniers de guerre conservent leur pleine capacité civile telle qu'elle existait au moment où ils ont été faits prisonniers. Dans les limites imposées par la captivité, ils continuent donc de jouir de leurs droits civils selon la loi de leur pays d'origine. Ils peuvent notamment se marier par procuration.

    Quant aux devoirs des prisonniers, ils découlent d'une manière générale des lois de la guerre et des règles de la discipline militaire. Certains de ces devoirs sont énoncés formellement par la IIIe Convention; c'est ainsi que l'art. 17, relatif à l'interrogatoire du prisonnier, précise que celui-ci est tenu de déclarer ses noms, prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule ou, à défaut, une indication équivalente. Le même article ajoute toutefois qu'aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit. La Convention prévoit encore le cas, qui n'est pas exclu, (si les lois de la Puissance dont dépendent les prisonniers le permettent), la mise en liberté sur parole ou sur engagement. L'art 21 de la même convention déclare, en effet, que «les prisonniers mis en liberté dans ces conditions seront obligés, sur leur honneur personnel, de remplir scrupuleusement, tant envers la Puissance dont ils dépendent qu'envers celle qui les a faits prisonniers, les engagements qu'ils auraient contractés». Cette référence est importante, car elle montre que la loyauté est indispensable à une bonne application des règles humanitaires.

    - protection et assistance.

    Le Protocole I interdit de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier, d'en menacer l'adversaire et de conduire les hostilités de telle manière qu'il n'y ait pas de survivants. L'ennemi hors de combat, celui qui s'est rendu ou qui manifeste l'intention de se rendre, celui qui a sauté en parachute de son aéronef en perdition ne feront pas l'objet d'une attaque. La Convention dispose d'une manière générale, à son art. 13, que «les prisonniers de guerre seront traités en tout temps avec humanité ...» et que sous réserve de tout traitement privilégié qui serait fondé sur le grade, le sexe, l'état de santé, l'âge ou les aptitudes professionnelles, ils seront tous traités de la même manière. Elle précise, en particulier, qu'aucun prisonnier ne pourra être soumis à une mutilation physique ou à une expérience médicale et scientifique, de quelque nature qu'elle soit, qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son intérêt. Sont toutefois réservés par le P.A I les dons de sang en vue de transfusion ou les dons de peau destinés à des greffes, à la condition que ces dons soient volontaires. Parmi les principes généraux qui protègent les prisonniers de guerre, on relèvera encore les suivants: ils ne seront pas inutilement exposés au danger en attendant leur évacuation d'une zone de combat. Lorsqu'ils sont capturés dans des conditions inhabituelles qui empêchent de les évacuer comme prévu, ils seront libérés et toutes précautions utiles seront prises pour assurer leur sécurité. Les prisonniers de guerre ne pourront être internés que dans des établissements situés sur terre ferme et présentant toutes garanties d'hygiène et de salubrité. Aucun prisonnier de guerre ne pourra, à quelque moment que ce soit, être envoyé ou retenu dans une région où il serait exposé au feu de la zone de combat, ni être utilisé pour mettre par sa présence certains points ou certaines régions à l'abri des opérations militaires.

    · Conditions matérielles de l'internement.

    La Puissance détentrice assume, d'une manière générale, la responsabilité de la vie et de l'entretien des prisonniers de guerre, qui doivent être maintenus en bonne santé. Les femmes, et les enfants moins de quinze ans, feront, s'ils sont prisonniers de guerre, l'objet d'un respect particulier et seront protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. D'autres précisions concernant l'application de ces principes sont données sur les points suivants:

    - Le logement

    - L'alimentation

    - L'habillement

    - Hygiènes et soins médicaux

    - Transferts

    · Conditions morales de l'internement.

    La Convention ne s'est pas préoccupée que des conditions matérielles de l'internement. Un grand nombre d'articles sont consacrés aux conditions morales de celui-ci. Ils concernent non seulement la religion et les activités intellectuelles ou sportives, mais aussi le travail considéré comme propre à maintenir la dignité des personnes et leur équilibre de santé en les protégeant de l'ennui et du désoeuvrement. En application de ces principes, la Convention déclare que dans le respect des mesures de discipline courantes prescrites par l'autorité militaire, toute latitude sera laissée aux prisonniers de guerre pour l'exercice de leur religion, y compris l'assistance aux offices de leur culte. En outre, des lieux convenables seront réservés aux offices de culte. De même, afin que le travail des captifs ne dégénère pas en exploitation inhumaine ou en participation immorale à l'effort de guerre de la Puissance détentrice, il est limité par une série de règles très strictes. Les prisonniers de guerre seront autorisés à expédier ainsi qu'à recevoir des lettres et des cartes en franchise de toute taxe.

    · Secours

    La Convention consolide, pour les prisonniers de guerre, le droit aux secours.
    Les secours prévus sont soit individuels, soit collectifs, mais la Convention donne une nette préférence aux envois de secours d'un modèle uniforme, destinés à l'ensemble des prisonniers d'un camp et répartis entre eux par les hommes de confiance.
    Tous les envois de secours sont exempts de tous droits d'entrée de douane et autres, et l'expérience acquise par le CICR et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge au cours des deux guerres mondiales est pleinement reconnue.

    · Discipline

    Afin d'assurer la discipline dans le cadre de l'honneur militaire, chaque camp de prisonniers de guerre est placé sous l'autorité directe d'un officier responsable appartenant aux forces armées régulières de la Puissance détentrice. Cet officier possédera le texte de la Convention et en aura une pleine connaissance, de même que des dispositions correspondantes du Protocole. En outre ces textes seront affichés dans chaque camp, dans la langue des prisonniers de guerre, à des emplacements où tous les prisonniers pourront les consulter. Conformément aux exigences de la dignité des personnes, le port des insignes de grade et de nationalité, ainsi que des décorations, sera autorisé. Les commandants militaires doivent veiller à ce que les membres des forces armées placés sous leur commandement connaissent leurs obligations aux termes des Conventions et du Protocole. Il leur appartient d'empêcher toute infraction à ces dispositions, de les réprimer et, au besoin, de les dénoncer aux autorités compétentes.

    - Evasions ou tentatives d'évasion : la Convention attache une importance particulière aux évasions ou tentatives d'évasion. Celles-ci sont admises comme conformes à l'honneur militaire et au courage patriotique. Les peines encourues à l'occasion d'évasions sont en conséquence limitées. Sans doute, il est permis de faire usage des armes contre les prisonniers qui s'évadent ou tentent de s'évader, mais cet usage ne doit constituer qu'un moyen extrême, qui sera toujours précédé de sommations appropriées aux circonstances.
    - Hommes de confiance : l'art. 79 stipule que «dans tous les lieux où se trouvent des prisonniers de guerre, à l'exception de ceux où se trouvent des officiers, les prisonniers éliront librement et au scrutin secret, tous les six mois et de même en cas de vacance, des «hommes de confiance», chargés de les représenter auprès des autorités militaires, des Puissances protectrices, du CICR et de tout autre organisme qui leur viendrait en aide. Ces hommes de confiance sont rééligibles. Dans les camps d'officiers et assimilés ou dans les camps mixtes, l'officier prisonnier de guerre le plus ancien dans le grade le plus élevé sera reconnu comme l'homme de confiance... » Cette institution est très importante. Bénéficiant de prérogatives et de facilités nombreuses énumérées à l'art. 81, l'homme de confiance est l'intermédiaire apte à contribuer au bien-être physique, moral et intellectuel des prisonniers de guerre. Il intervient non seulement pour la distribution des secours, mais pour adoucir autant que possible les rigueurs de la discipline, assister les prisonniers dans leurs difficultés avec l'autorité détentrice et, le cas échéant, dans les différends pouvant entraîner des sanctions pénales ou disciplinaires. Soulignons enfin que les prisonniers auront, sans restriction, le droit de s'adresser, soit par l'entremise de l'homme de confiance, soit directement s'ils l'estiment nécessaire, aux représentants des Puissances protectrices, pour leur indiquer les points sur lesquels ils auraient des plaintes à formuler à l'égard du régime de la captivité.

    · Sanctions : le principe admis par la Convention est que les prisonniers de guerre seront soumis aux lois, règlements et ordres généraux en vigueur dans les forces armées de la Puissance détentrice. Une clause générale d'indulgence protège les prisonniers de guerre contre l'interprétation trop rigoureuse des lois et règlements. Lorsqu'il s'agira de savoir si une infraction commise par un prisonnier de guerre doit être punie disciplinairement ou judiciairement, la Puissance détentrice veillera à ce que les autorités compétentes usent de la plus grande indulgence dans l'appréciation de la question et recourent à des mesures disciplinaires plutôt qu'à des poursuites judiciaires, chaque fois que cela sera possible. Les sanctions disciplinaires ne pourront être prononcées que par le commandant du camp ou un officier désigné par lui, à l'exclusion de tout prisonnier de guerre. Certains tempéraments sont, en outre, prévus pour l'exécution des peines disciplinaires (autorisation de prendre chaque jour de l'exercice et d'être en plein air pendant au moins deux heures, autorisation de lire et d'écrire, ainsi que d'expédier et de recevoir des lettres). Enfin, en aucun cas, les peines disciplinaires ne seront inhumaines, brutales ou dangereuses pour la santé des prisonniers de guerre et la durée d'une même punition ne dépassera jamais trente jours. En ce qui concerne les sanctions judiciaires, ce sont les tribunaux militaires qui peuvent juger un prisonnier de guerre. En outre, les prisonniers de guerre ne pourront être frappés par les autorités militaires et les tribunaux de la Puissance détentrice d'autres peines que celles qui sont prévues pour les mêmes faits à l'égard des membres des forces armées de cette Puissance, et sont interdites toute peine collective pour des actes individuels, toute peine corporelle, toute incarcération dans des locaux non éclairés par la lumière du jour et, d'une manière générale, toute forme quelconque de torture ou de cruauté. Il est important de noter que les prisonniers qui feront l'objet de poursuites judiciaires resteront, même s'ils sont condamnés, au bénéfice de la présente Convention. La peine de mort peut être infligée, en principe, pour des infractions passibles de la peine capitale dans les forces armées du détenteur. Mais une telle condamnation ne saurait être automatique. Le prévenu, n'étant pas un ressortissant de la Puissance détentrice, n'étant lié à elle par aucun devoir de fidélité et se trouvant en son pouvoir à la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, il a droit aux circonstances atténuantes correspondantes et le tribunal est appelé à en tenir compte. Dans la mesure du possible, la peine de mort ne sera pas prononcée contre les prisonniers qui n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction. Si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée. L'art. 101 étend à 6 mois au moins le délai entre le prononcé de la peine de mort et l'exécution de cette peine. En outre, l'art. 107 prévoit et organise l'intervention de la Puissance protectrice en cas de condamnation à mort. Les garanties de procédure judiciaire font partie des garanties fondamentales, ce qui signifie qu'elles doivent être assurées même aux prisonniers auxquels le statut de prisonnier de guerre ne serait pas reconnu. La procédure judiciaire doit être régulière, c'est-à-dire comporter au moins les garanties suivantes: information sans délai du prévenu sur les détails de l'infraction qui lui est imputée, laquelle doit constituer un acte délictueux au moment où elle a été commise, présomption d'innocence, absence de contrainte pour obtenir des aveux, jugement rendu en présence de l'accusé et en principe publiquement. Le prisonnier ne peut être puni qu'une seule fois en raison du même fait ou du même chef d'accusation si c'est sur la base du même droit et de la même procédure judiciaire. Les droits de la défense sont reconnus et garantis et, en ce sens, le prisonnier de guerre aura le droit d'être assisté par un de ses camarades prisonniers, d'être défendu par un avocat qualifié de son choix, de faire citer des témoins et de recourir, s'il l'estime nécessaire, aux offices d'un interprète compétent. Il aura le droit, dans les mêmes conditions que les membres des forces armées de la Puissance détentrice, de recourir en appel, en cassation ou en révision contre les jugements rendus à son endroit et ceux-ci seront immédiatement portés à la connaissance de la Puissance protectrice.

    · la fin de la captivité.

    - Rapatriement direct et hospitalisation en pays neutre : la Convention prévoit le rapatriement direct au cours même des hostilités et l'hospitalisation en pays neutre pour les blessés et les malades dont l'aptitude intellectuelle ou physique paraît avoir subi une diminution considérable. Un projet d'accord type, annexé à la Convention (Annexe I, voir art. 110), énumère de nombreux cas qui peuvent donner application à ce principe. La compétence de commissions médicales mixtes constituées dès le début du conflit est requise. Les Parties au conflit seront tenues de renvoyer dans leur pays, sans égard au nombre ni au grade et après les avoir mis en état d'être transportés, les prisonniers de guerre grands malades et grands blessés. Aucun prisonnier de guerre blessé ou malade ne pourra être rapatrié contre sa volonté pendant les hostilités.

    - Libération et rapatriement à la fin des hostilités : les situations qui peuvent se présenter à la fin d'une guerre ont montré que la façon dont était énoncé le principe du Code des prisonniers de guerre de 1929, requérant le rapatriement des prisonniers à la conclusion de la paix, risquait de leur être défavorable, car l'expérience a montré qu'un temps fort long peut s'étendre entre la cessation des hostilités et la conclusion de la paix. Afin d'y remédier, la IIIe Convention de 1949 dispose que le rapatriement aura lieu «sans délai après la fin des hostilités actives», c'est-à-dire après le cessez-le-feu. Une exception au rapatriement immédiat est prévue en ce qui concerne les prisonniers condamnés ou poursuivis pour délit de droit pénal qui pourront être retenus jusqu'à la fin de la procédure et, le cas échéant, jusqu'à l'expiration de la peine.

    Ø Décès

    Les prisonniers de guerre sont habilités à faire leur testament. A cette fin, la Convention prévoit que les testaments des prisonniers de guerre seront établis de manière à satisfaire aux conditions de validité requises par la législation de leur pays d'origine, qui prendra les mesures nécessaires pour porter ces conditions à la connaissance de la Puissance détentrice.
    La Convention précise les conditions d'inhumation (ou en certains cas d'incinération) propres à assurer le respect dû aux morts et à réserver l'intérêt des familles, et le Protocole complète ces dispositions. En cas de décès dont la cause serait suspecte, une enquête est prescrite, afin de situer les responsabilités, en vue notamment des indemnités éventuelles à percevoir par les ayants droit. Les certificats de décès seront adressés, dans le plus bref délai, aux Bureaux officiels de renseignements sur les prisonniers de guerre.

    Chapitre II : Les règles de protection spécifiques

    La nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus fragiles que d'autres et par conséquent plus exposées que d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de l'âge, c'est le cas des enfants, tantôt du sexe dans la mesure ou la femme est désignée à tort ou à raison «sexe faible». En effet, il est d'un constat général que les formes de violence qui caractérisent les conflits armés actuels ont pour résultat d'augmenter le nombre de victimes parmi les populations civiles, notamment les femmes et les enfants qui, en raison de leur vulnérabilité, sont les plus touchés.

    Les conclusions d'une étude du CICR sur «Les femmes face à la guerre» montrent que les femmes font des conflits armés une expérience multiforme qui implique séparations, perte de membres de la famille, insécurité physique et économique, risques accrus de violence sexuelle, blessures, détentions, privations et même la mort.

    Dans tous les conflits les femmes souffrent de manière qui leur sont propres. Elles sont aussi trop fréquemment les victimes privilégiées de violations spécifiques et graves du DIH comme le viol, sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation forcée). De telles atteintes à leurs droits fondamentaux ont eu lieu dans toutes les guerres, de manière sporadique et incontrôlée du fait de la négligence coupable des chefs de forces ou de bandes armées. Mais de tels actes de barbarie se sont également produits de manière répétée, voire systématique. Dans certaines situations, les femmes deviennent ainsi de véritables cibles pour les hommes en armes qui cherchent, par ces pratiques, à terroriser, humilier ou détruire des communautés toutes entières. L'exemple le plus touchant a été noté lors du «génocide rwandais» ou les femmes ont été les principales victimes d'un théâtre d'atrocités et de terreur.36(*)

    De plus les enfants qui sont confrontés à la guerre, pris au piège d'une zone de conflit, bien trop souvent, sont les témoins directs et impuissants des atrocités commises contre leurs parents ou d'autres membres de leur famille. Ils sont tués, mutilés, recrutés, pour combattre, emprisonnés ou séparés de  leur famille. L'enfant qui participe aux hostilités est non seulement placé en danger de mort, mais également les personnes deviennent des cibles, à cause de son comportement immature et passionné. Arrachés à l'environnement qui leur est familier, même ceux qui réussissent à s'échapper n'ont aucune certitude quant à leur avenir et à celui de leurs proches. Ils sont souvent forcés de fuir, livrés à eux même et rejetés sans identité. Ce sont là des expériences qui risquent de les marquer à jamais, de briser leur enfance...En guise d'illustration le rapport 2002 du Secrétaire Général de l'ONU sur les enfants et les conflits armés cite, dans la liste des forces ou groupes armés qui recrutent ou utilisent des enfants-soldats, les parties aux conflits en RDC, au Burundi, au Liberia, en Somalie...

    Cette situation qui devient un phénomène de plus en plus inquiétant et dont la gravité ne cesse de s'accroître, justifie la préoccupation croissante de la Communauté Internationale. Fort conscient de ce fléau, le DIH en sus de la protection internationale générale qui accorde aux femmes et aux enfants par le biais de textes éparses une protection assez spéciale, prévoit dans son dispositif en l'occurrence les quatre Conventions de Genève et leurs PA de 1977, une protection spécifique à l'enfant (Section 1) et à la femme (Section 2).

    Section 1 : Les règles de protection spécifiques aux enfants

    C'est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale que des travaux ont été entrepris par le CICR en vue de l'élaboration de dispositions spéciales relatives à la protection des enfants. Ces dispositions furent incluses dans la IVème Convention de Genève de 1949 qui reconnaît une protection générale aux enfants en tant que personnes civiles ne prenant pas part aux hostilités - comme on l'a précisé dans nos développements précédents - ainsi qu'une protection spéciale contenue dans non moins de dix-sept dispositions.

    Marquant un progrès important dans la protection de l'enfant en temps de conflit armé, les PA de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 non seulement accordent aux enfants une protection accrue contre les effets des hostilités mais pour la première fois réglementent leur participation aux hostilités fait qui constitue une réalité préoccupante dans les conflits modernes37(*).

    Cependant force est de préciser que la protection reconnue par le DIH a été réaffirmée dans la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par les Nations Unies le 20 Novembre 1989. Cette convention, qui est l'aboutissement d'une longue négociation lancée par le gouvernement polonais en 1978, protège la dignité, l'égalité et les droits fondamentaux des enfants. Elle compte 54 art. qui couvrent l'ensemble des droits de l'enfant ; soit ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Elle contient aussi une disposition, l'art. 38, relative aux enfants dans les conflits armés, qui pour l'essentiel renvoient aux règles du droit international humanitaire protégeant les enfants dans ces situations.38(*)

    Nous analyserons d'une part la protection particulière des enfants contre les effets des hostilités (Paragraphe 1) et d'autre part l'existence de mesures préférentielles dont bénéficient les enfants au sein de la population civile (Paragraphe 2)

    Paragraphe 1 : La protection particulière des enfants contre les effets des hostilités

    En raison de sa qualité particulièrement vulnérable, cette protection spéciale se traduit par l'interdiction de l'enrôlement et de la participation des enfants aux hostilités (A). Mais malgré cette interdiction on se rend compte de l'existence des enfants-soldats, d'où l'attention particulière que le DIH leur accorde en temps que combattants (B).

    A-L'interdiction de l'enrôlement et de la participation des enfants aux hostilités

    Le DIH ne donne pas une définition précise de l'enfant39(*). Il se réfère cependant à plusieurs reprises à l'âge de quinze ans comme âge limite au dessous duquel l'enfant doit jouir d'une protection spéciale. Il est généralement admis qu'au dessus de quinze ans le développement des facultés de l'enfant sont telles que les mesures spéciales ne s'imposent pas systématiquement avec la même nécessité40(*). L'âge de quinze ans est toutefois un plancher minimum à partir duquel, suivant le type d'actes ou d'intérêts à protéger, certaines dispositions exigent ou encouragent de prendre en considération un âge supérieur. L'âge au dessous duquel il est interdit aux enfants de participer aux hostilités est le suivant :

    Ø En situation de conflit armé international

    C'est l'art. 77, Paragraphe 2 du PA I qui fixe la limite à quinze ans en encourageant les Etats, en cas de recrutement des personnes entre quinze et dix huit ans, à commencer par les plus âgés.

    Aux termes de cette disposition :

    «Les parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités, notamment en s'abstenait de les recruter dans les forces armés. Lorsqu'elles incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix huit ans, les parties au conflit s'efforceront de donner la priorité aux plus âgées.»

    La formule «les patries au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique...» est moins contraignante que la proposition du CICR qui avait suggéré que les Parties au conflit «prennent toutes les mesures nécessaires». Si les gouvernements qui ont négocié cet article ont opté pour le libellé actuel, c'est parce qu'ils n'ont pas voulu contracter des obligations absolues en ce qui concerne la participation spontanée des enfants aux hostilités.

    L'art. 77 paragraphe 3 du P.A I contient en revanche une obligation très importante imposée aux Etats parties de ne pas recruter dans leurs forces armées des enfants de moins de quinze ans. Le texte anglais est plus explicite que le libellé français : «  ...they shall refrain from recruiting them into their armed forces... » . Par recrutement, on entend non seulement l'enrôlement de force mais également les engagements volontaires. Dans ces conditions, recruter signifie aussi incorporer, ce qui implique que les parties doivent s'abstenir d'enrôler les enfants de moins de quinze ans qui volontairement voudraient faire partie des forces armés.

    Le libellé de ce paragraphe a aussi l'avantage d'encourager une élévation de la limite d'âge à partir de laquelle les enfants peuvent être recrutés. Lors de la négociation de cette disposition, une délégation avait proposé que la limite du non-recrutement soit portée de quinze à dix huit ans. La majorité était opposée à étendre l'interdiction du recrutement au delà de quinze ans ; néanmoins pour tenir compte de cette proposition, on a prévu en cas de recrutement de personnes entre quinze et dix huit ans on commencerait par les classes les plus âgées41(*). Ce compromis est très important puisqu'il montre bien le souhait de certains gouvernements d'accroître la protection reconnue aux enfants.

    C'est cette recommandation qui permet au CICR d'insister auprès des Parties au conflit sur l'importance humanitaire que les adolescents de moins de dix huit ans ne participent pas aux hostilités et d'accroître de cette manière la protection qui leur est reconnue. Il va sans dire que, par ailleurs, le CICR ne cesse de rappeler aux belligérants que le DIH interdit de recruter et d'accepter l'enrôlement volontaire des enfants de quinze ans et que celui-ci demande aux Etats de prendre toutes les mesures possibles afin d'empêcher que les enfants ne prennent pas directement part aux hostilités.

    Ø En situation de conflit armé non international

    C'est l'art. 4, paragraphe 3, alinéa c) du protocole qui se réfère a l'âge au dessous duquel les enfants n'ont pas le droit de participer aux hostilités ; aux termes de cette disposition :

    «Les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités.»

    Il s'agit en l'occurrence d'une interdiction absolue, en ce qu'elle vise une participation directe ou indirecte aux hostilités, telle que la collecte de renseignements, la transmission d'ordres, le transport de munitions et de vivres, ou encore des actes de sabotage.42(*) L'obligation imposée aux Etats Parties est dès lors plus stricte que lors des conflits armés internationaux.

    Dans les situations de conflits armés non internationaux, il n'est pas formellement recommandé de ne pas recruter des enfants de moins de dix huit ans. Cependant, conformément à son mandat d'institution humanitaire, Le CICR peut toutefois également intervenir auprès des Parties au conflit pour lesquelles les enfants combattent, afin de signaler encore l'indépendance que ces adolescents ne participent pas aux hostilités. Il rappelle aussi aux Parties pour lesquelles les enfants combattent que le DIH interdit de recruter et d'accepter l'enrôlement volontaire des enfants de moins de quinze ans, et que cette interdiction absolue couvre la participation directe ou indirecte aux hostilités.

    Par ailleurs la Convention relative aux droits de l'enfant vient renforcer ces dispositions du DIH notamment en son art. 38. En effet, l'art. 38 reprend le libellé de l'art. 77, paragraphe 2 du P.A I. Cette disposition interdit la participation directe aux hostilités des enfants de moins de quinze ans. Elle est cependant plus faible que le droit existant dans la mesure où comme nous venons de le voir, le DIH, applicable aux conflits armés non internationaux interdit toute participation directe et «indirecte» de ces enfants aux hostilités.

    L'art. 38, paragraphe 1 contient toutefois une clause de renvoi aux règles du DIH, dont la protection s'étend aux enfants. En raison de cette clause, ainsi que du caractère de lex specialis du DIH, en cas de doute, c'est l'art. 4 paragraphe 3, alinéa c) du P.A II qui s'applique. Cette dernière disposition accorde à l'enfant, comme on l'a vu plus haut, une protection plus grande.

    En outre, en application du Statut de la CPI, le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans ou de les faire participer activement à des hostilités est un crime de guerre, que ce soit dans le cadre d'un conflit armé international ou non international (art. 8)

    Quand bien même malgré la recommandation et même l'interdiction d'enrôler ou de recruter les enfants dans les hostilités, il n'est pas garanti que les parties au conflit tiennent compte de cette limitation. Il est donc nécessaire de protéger ceux qui auraient pris part, volontaire ou de force, aux hostilités.

    B - La protection particulière des enfants-combattants

    Etant donné la vulnérabilité particulière de l'enfant, les Conventions de Genève de 1949 (CG III et IV) et leurs P.A de 1977 (PA, I et II) prévoient en sa faveur un régime de protection spéciale. Ainsi, l'enfant qui prend directement part aux hostilités ne perd pas cette protection spéciale. Aussi, les PA, la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant ainsi que son récent Protocole facultatif, notamment, fixent des limites à sa participation aux hostilités.

    - Statut et traitement des enfant-combattants capturés dans un conflit armé international

    Les enfants de moins de quinze ans qui, malgré les injonctions contenues dans l'art. 77, paragraphe 2 du P.A I, sont recrutés ou engagés volontaires dans les forces armés, auront aussi la qualité de combattants et bénéficieront en cas de capture du statut de prisonniers de guerre. Même si la participation de ces enfants aux hostilités est interdite, il a bien fallu veiller à ce qu'une protection leur soit quand même octroyée en cas de capture. Il n'y a d'ailleurs aucune limite d'âge pour bénéficier du statut de prisonnier de guerre43(*), l'âge pouvant être seulement un facteur justifiant un traitement privilégié.

    Les enfant-combattants capturés, de moins de quinze ans, ne pourront toutefois pas être condamnés pour avoir pris les armes. Leur participation aux hostilités n'entraîne aucune faute de leur part, étant donné que l'interdiction visée par l'art. 77, paragraphe 2 du PA I s'adressant aux Parties au conflit et non aux enfants. La responsabilité d'une telle violation incombe aux autorités de la Partie au conflit ayant recruté et enrôlé les enfants.

    Ainsi les enfants qui ont le statut de prisonnier de guerre sont protégés par la IIIe Convention de Genève et ne peuvent pas être poursuivis en justice du fait de leur participation aux hostilités. Les enfants, considérés comme des internés civils ont droit à la protection que leur confère le DIH.

    Par ailleurs pendant une guerre, les enfants soldats peuvent commettre des atrocités. Peuvent- ils être tenus pour responsables de leurs actes devant la loi ? Les adultes qui obligent ou autorisent un enfant à participer aux hostilités portent la responsabilité de son recrutement et devraient donc répondre des conséquences. Cependant, les enfants soldats sont responsables, comme le serait tout soldat, de violations du DIH dont ils peuvent devoir répondre.

    Enfants combattants détenus lors de conflits armés non internationaux

    Les dispositions juridiques du P.2 sont réalistes en ce qui concerne l'éventualité du port d'armes par les enfants. En effet l'art. 4 par.3 al. (d) stipule que : 

    «La protection spéciale prévue par le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en dépit des dispositions de l'alinéa c et sont capturés».

    Pour être appliquée cette disposition très positive en soi, suppose en effet un changement dans la pratique des conflits voire une modification de la législation interne de certains Etats. Les enfants dont il s'agit sont en effet parfois traités avec la même sévérité que les combattants adultes capturés, soit par tradition guerrière, soit en conformité ave la loi.

    Il convient de rappeler que dans les conflits armés internes, il existe ni statut de combattant ni celui qui en découle, soit le statut de prisonnier de guerre. Dès lors l'enfant-combattant, qu'il fasse ou non partie des forces armées, peut être puni en vertu de la législation interne du pays concerné pour le seul fait d'avoir pris part aux hostilités. L'étendue de sa responsabilité doit toutefois être appréciée en prenant en considération sa capacité restreinte de discernement, inhérente à son jeune âge. De plus, des mesures éducatives devraient être imposées et non de véritables peines.

    Un cas peut se présenter, c'est celui de l'enfant de moins de quinze ans capturé sans avoir véritablement était recruté par les forces ou groupes armés, mais qui aurait pris volontairement part aux hostilités. Dans ce cas l'enfant devrait être traité comme une personne civile protégée, compte tenu des circonstances atténuantes qui excluent sa responsabilité notamment en raison de son jeune âge ou de son manque de discernement.

    L'art. 6 par. 4 du PA 2 interdit aussi de prononcer la peine de mort contre une personne âgée de moins de dix huit ans au moment de l'infraction. Ici encore, comme en ce qui concerne la limite d'âge au-dessous de laquelle les enfants ne peuvent pas participer aux hostilités, l'obligation va plus loin que celle applicable aux conflits armés internationaux, qui vise seulement l'interdiction d'exécuter une telle condamnation à leur encontre.

    D'une manière générale, le CICR aborde le problème de la protection des enfants combattants en situation de conflit interne en mettant l'accent sur l'intérêt des enfants. Si les enfants sont détenus, le CICR insiste pour obtenir leur libération, lorsque des garanties peuvent être données pour que ces enfants ne retournent pas au combat. Dans la pratique, le CICR demande aussi aux Parties la prise en compte de la capacité de discernement restreinte des enfants de moins de quinze ans. Il oeuvre notamment pour qu'un traitement différencié, adapté à leur âge, soit accordé aux enfants détenus. Il veille aussi au respect des règles spéciales de protection prévues en leur faveur dans le P.A II.

    Dans tous les cas, que l'enfant soit prisonnier de guerre ou interné civil, qu'il s'agisse d'un conflit armé international ou non international, les deux protocoles additionnels interdisent d'appliquer la peine capitale aux enfants qui étaient âgés de moins de dix-huit ans au moment ou ils ont commis le délit.

    En plus de ces garanties, les enfants doivent faire l'objet d'un traitement particulier au sein de la population civile (paragraphe 2).

    Paragraphe 2 : L'existence de mesures préférentielles pour les enfants

    Cela se traduit par la protection spéciale dont jouissent les enfants lorsqu'ils sont internés (A) mais également par le dispositif de la Convention relative aux droits des enfants dûment acceptée par le DIH (B).

    A- La protection spéciale des enfants internés

    Le P.A II en son art. 4, déclare en substance que les enfants feront l'objet d'un respect particulier et seront protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Ils recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison. Toutes mesures possibles dans la pratique seront prises pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités et, s'ils sont devenus orphelins ou sont séparés de leur famille du fait de la guerre, pour qu'ils ne soient pas laissés à eux-mêmes et que soient facilités, en toutes circonstances, leur entretien, la pratique de leur religion et leur éducation. En cas d'arrestation, les enfants seront gardés dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf dans le cas de familles logées en tant qu'unités familiales.

    Le droit international autorise une Partie à un conflit armé international à prendre, à l'égard des personnes protégées, des mesures destinées à assurer sa propre sécurité. L'internement constitue une de ces mesures. En outre, la Puissance occupante peut inculper des personnes protégées, pour infraction à la législation nationale en vigueur dans le territoire occupé, ou pour infraction aux dispositions qu'elle aura édictées pour assurer sa propre sécurité. L'enfant, comme n'importe quelle personne protégée, peut être interné. Il peut également être inculpé, comme il pourrait l'être en temps de paix, pour avoir commis, sur un territoire occupé, une infraction au droit pénal, ou s'être livré à des actes portant atteinte à la sécurité de la Puissance occupante. Il peut, enfin, contrairement au DIH, avoir été enrôlé dans les forces armées et être capturé en tant que combattant de ces forces. Le DIH, en tenant compte de ces situations, prévoit des dispositions particulières en faveur de l'enfant privé de liberté. En vertu du PA I, l'enfant arrêté, détenu ou interné doit être gardé dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf dans les cas où il loge avec sa famille (art. 77, ch. 4). La IVe Convention prévoit le regroupement des enfants avec leurs parents internés (art. 82), tandis que le PA II l'étend à toutes les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie en conflit (art. 75 par. 5).

    La IVe Convention de Genève prévoit l'instruction des enfants et des adolescents internés, ainsi que des emplacements spéciaux pour le jeu et le sport (art. 94). Des suppléments de nourriture (art. 89) sont prévus. Enfin, cette Convention encourage la libération, le rapatriement, le retour au lieu de domicile ou l'hospitalisation en pays neutre des enfants et des mères avec nourrissons et enfants en bas âge internés (art. 132). Selon la IVe Convention de Genève, il sera tenu compte, pour les mineurs inculpés, du régime spécial prévu par la législation en vigueur avant l'occupation (art. 76). Aux termes du Protocole additionnel I, les enfants participant directement aux hostilités alors qu'ils n'ont pas quinze ans révolus restent, s'ils tombent au pouvoir d'une partie adverse, au bénéfice de la protection spéciale accordée par l'art.77 (art. 77, par. 3) Pour le conflit armé non international, le PA II contient une stipulation identique en faveur des enfants de moins de quinze ans participant aux hostilités (art. 4, par. 3, litt. d).

    - Droit aux soins et à l'aide

    Comme il a été mentionné auparavant, le PA II impose aux Parties à un conflit armé international, l'obligation d'apporter des soins et de l'aide aux enfants. Dans la IVe Convention de Genève, plusieurs dispositions prennent en considération les besoins particuliers des enfants.

    En vertu du PA I, priorité sera donnée, entre autres, aux enfants et aux femmes en couches lors de la distribution d'envois de secours (art. 70, par. 1).

    Enfin, l'évacuation temporaire des enfants aux termes de l'art. 78 de ce Protocole est prévue également dans le cas où des raisons tenant à la santé ou à un traitement médical des enfants l'exigent (art. 78, par. 1).

    En ce qui concerne le conflit armé non international, le PA II, comme il a été mentionné auparavant, énonce le droit aux soins et à l'aide des enfants (art. 4, par. 3).

    - L'enfant et la peine de mort

    Les auteurs de la IVe Convention de Genève que des PA ont fixé à dix-huit ans l'âge limite au-dessous duquel aucune condamnation à mort ne doit être exécutées.

    Selon le Commentaire de la IVe Convention:

    «Il s'agit d'une limite absolue qui s'oppose à l'exécution de la peine capitale, même si toutes les conditions qui rendent cette peine applicable se trouvent réunies. Elle correspond à des dispositions que l'on retrouve dans le code pénal de nombreux pays, et procède de l'idée qu'avant dix-huit ans l'individu n'est pas entièrement capable de discernement, qu'il ne mesure pas toujours la portée de ses actes et agit souvent sous l'influence d'autrui, si ce n'est sous la contrainte»44(*).

    En ce qui concerne le conflit armé international, le PA I interdit l'exécution d'une condamnation à mort pour une infraction liée au conflit armé contre les personnes qui n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 77, par. 5). La IVe Convention de Genève interdit de prononcer la peine de mort contre une personne protégée d'un territoire occupé âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 68).

    Pour le conflit armé non international, le PA II interdit également de prononcer la peine de mort contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 6, par. 4).

    B- Règles protégeant les enfants en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989

    A moins de raisons impérieuses, aucune Partie au conflit ne procédera à l'évacuation, vers un pays étranger, d'enfants autres que ses propres ressortissants. Lorsque l'évacuation a lieu, toutes mesures seront prises pour faciliter le retour des enfants dans leur famille et dans leur pays. Le respect de ces dispositions semble possible eu égard aux circonstances et aux caractéristiques militaires et territoriales qui sont celles des conflits armés auxquels le PA II est applicable. Selon la Convention relative aux droits de l'enfant, les États doivent respecter et faire respecter les règles du DIH dont la protection s'étend aux enfants, et ils doivent prendre «toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d'une protection et de soins»45(*). On trouve des dispositions similaires dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant46(*).

    Dans une résolution adoptée en 1999 sur les enfants dans des situations de conflit armé, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé aux parties à des conflits armés «de prendre des mesures concrètes lors des conflits armés afin de réduire au minimum les souffrances infligées aux enfants».

    Le Comité des Nations Unies pour les droits de l'enfant a également rappelé que les dispositions essentielles pour permettre la réalisation des droits des enfants touchés par le conflit armé comprenaient : la protection du milieu familial, la garantie de l'assistance et des soins fondamentaux, la garantie de l'accès à la santé, à l'alimentation et à l'éducation; l'interdiction de la torture, des brutalités et de la négligence; l'interdiction de la peine de mort; la préservation de l'environnement culturel des enfants; la protection dans les situations où ils sont privés de liberté, et la garantie d'une assistance et des secours humanitaires aux enfants dans les situations de conflit armé47(*).

    Les enfants de moins de quinze ans et les mères d'enfants de moins de sept ans font partie des catégories de la population civile qui peuvent être accueillies dans les zones sanitaires et de sécurité établies par les Parties à un conflit armé international conformément à l'article 14 de la IVe Convention de Genève. De même, les enfants et les femmes en couches entrent dans la catégorie des personnes civiles qui, en vertu de la IVe Convention, devraient être évacuées d'un lieu assiégé ou encerclé (art. 17).

    Le PA I prévoit, à des conditions toutefois très strictes, l'évacuation temporaire des enfants, si celle-ci est rendue nécessaire pour des raisons impérieuses tenant à leur sécurité (art. 78).

    Pour le conflit armé non international, le PA Il encourage, sous certaines conditions, l'évacuation temporaire des enfants d'un secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays (art. 4, par. 3, litt. e).

    La protection du lien familial a été prise en considération pour l'évacuation temporaire des enfants aux termes de l'art. 78 du PA I. Cette opération est soumise à des conditions très strictes. Le consentement des parents, des tuteurs ou des personnes à qui la loi ou la coutume attribue principalement la garde des enfants est requis (art. 78, par. 1). En outre, toutes les mesures devront être prises pour conserver l'identité des enfants évacués (art. 78, par. 3).

    En vertu du principe de l'intangibilité du statut personnel de l'enfant, énoncé dans la IVe Convention de Genève, il est interdit à une Puissance occupante de modifier la situation de famille ou l'état civil des enfants (art. 50). En ce qui concerne la protection de la famille, citons également l'art. 51 de la IVe Convention de Genève, qui interdit à une Puissance occupante d'astreindre au travail des personnes protégées âgées de moins de dix-huit ans.
    Enfin, l'exposé de toutes les mesures prévues par le DIH pour préserver les liens entre l'enfant et sa famille serait incomplet si l'on ne mentionnait pas, d'une part, les dispositions qui ont pour but de garder la trace des personnes protégées, d'autre part, celles qui permettent aux membres de leur famille de connaître le sort des personnes protégées. Au vu de la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit doivent s'efforcer de prendre des mesures pour que tous les enfants de moins de douze ans soient identifiés, notamment par le port d'une plaque d'identité (art. 24). Une Puissance occupante doit faciliter l'identification des enfants et l'enregistrement de leur filiation, et créer, au sein de son bureau de renseignements sur les personnes protégées, une section spéciale chargée de rechercher l'identité des enfants qui serait restée incertaine (art. 50). Il faut insister sur l'extrême importance d'un système d'identification des enfants et notamment des enfants en bas âge. C'est le seul moyen d'éviter que des milliers d'enfants ne soient abandonnés par suite des événements de la guerre: exodes, bombardements, destructions de villes, déportations, etc. Pour le conflit armé non international, le PA Il dispose que toutes les mesures appropriées doivent être prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées (art. 4, par. 3, litt. d). L'évacuation des enfants est subordonnée «au consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume» (art. 4, par. 3, litt. e).

    - L'environnement culturel de l'enfant

    Lorsque l'enfant reste au sein de sa famille, il bénéficie de l'environnement culturel auquel il est habitué. En protégeant le milieu familial de l'enfant, le droit international humanitaire protège également les valeurs morales, la religion, la culture et les traditions dans lesquelles l'enfant a été élevé. Si l'enfant est orphelin, ou séparé de ses parents, cet environnement culturel peut être affecté par le conflit. Il ressort des dispositions du DIH relatives à cette catégorie d'enfants, que les auteurs de la IVe Convention de Genève et du PA I se sont tenus au principe selon lequel les enfants, en cas de conflit armé international, doivent bénéficier d'un environnement aussi proche que possible de celui auquel ils sont habitués. Ainsi, dans la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit doivent en toutes circonstances faciliter, pour les enfants séparés ou orphelins, «la pratique de leur religion et leur éducation. Celle-ci sera si possible confiée à des personnes de même tradition culturelle» (art. 24).

    Dans le PA, l'article relatif à l'évacuation des enfants vers un pays étranger dispose que «l'éducation de chaque enfant évacué, y compris son éducation religieuse et morale telle que la désirent ses parents, devra être assurée d'une façon aussi continue que possible» (art. 78, par. 2).

    - L'enfant et sa famille

    Au regard des conclusions d'une étude de l'UNESCO sur l'enfant et la guerre, les dispositions du DIH qui ont pour objet de préserver l'unité familiale dans les conflits armés revêtent une importance particulière. Selon cette étude en effet:

    «Lorsqu'on approfondit la nature de la souffrance psychique chez l'enfant victime de la guerre, on découvre que ce ne sont pas les faits de guerre eux-mêmes - tels que bombardements, opérations militaires qui l'ont affecté émotionnellement. Son sens de l'aventure, son intérêt pour la destruction et le mouvement peuvent s'accommoder des pires dangers, et il ne prend pas conscience du péril s'il garde auprès de lui le protecteur qui, dans son coeur d'enfant, incarne la sécurité, et s'il peut en même temps serrer dans ses bras quelque objet familier. C'est la répercussion des événements sur ses liens affectifs familiaux et la séparation d'avec le cadre coutumier de sa vie qui affectent l'enfant et, par-dessus tout, l'arrachement brutal à sa mère»48(*). Le PA I énonce le devoir général des Hautes Parties contractantes et des Parties en conflit de favoriser le regroupement des familles qui se retrouvent dispersées après l'éclatement d'un conflit armé international (art. 74).

    -L'éducation des enfants

    Outre les dispositions qui viennent d'être mentionnées sur l'éducation des enfants orphelins ou séparés, la IVe Convention de Genève impose certains devoirs généraux en matière d'éducation des enfants à une Partie à un conflit armé international. La Puissance occupante doit faciliter le bon fonctionnement des établissements consacrés à l'éducation des enfants (art. 50). La Puissance détentrice doit assurer l'instruction des enfants et des adolescents internés, qui peuvent fréquenter des écoles (art. 94).

    Pour le conflit armé non international, le PA II prévoit que les enfants «devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde» (art. 4, par. 3, litt. a).

    - Les droits personnels de l'enfant

    La IVe Convention de Genève interdit à la Puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants (art. 50). Leur nationalité et leur état civil ne devront donc pas subir de changements du fait de l'occupation qui complète, en faveur des enfants, les principes essentiels du respect de la personne et des droits familiaux proclamés à l'art. 27 de cette Convention. D'autre part, la Puissance occupante ne doit pas enrôler les enfants dans des formations ou des organisations dépendant d'elle (art. 50). Cette interdiction est destinée à empêcher le renouvellement des massives incorporations forcées qui se sont produites au cours de la seconde guerre mondiale, où de nombreux enfants avaient été enrôlés d'office dans des organisations et mouvements consacrés principalement à des fins politiques.


    - Le respect du traitement préférentiel de l'enfant

    Si la IVe Convention de Genève n'énonce pas le principe de la protection spéciale qui doit être accordée à l'enfant, deux de ses dispositions stipulent en revanche expressément que le régime de faveur accordé aux enfants par les législations nationales doit être respecté en cas de conflit armé international. En effet, bien souvent, les pays en guerre promulguent des dispositions en faveur des personnes dont la vulnérabilité appelle des mesures spéciales : octroi de cartes d'alimentation supplémentaires, facilités pour les soins médicaux et hospitaliers, assistance sociale, mesures de protection contre les effets de la guerre, etc. Les enfants de moins de quinze ans et les mères d'enfants de moins de sept ans qui sont ressortissants de la Partie adverse doivent bénéficier de tout traitement préférentiel qui est accordé aux ressortissants nationaux des catégories correspondantes (art. 38). De même, la Puissance occupante ne devra pas entraver l'application des mesures préférentielles prises en faveur de ces personnes avant l'occupation (art. 50).

    - L'enfant orphelin ou séparé

    Les dispositions que les Parties à un conflit armé international doivent prendre à l'égard des enfants orphelins ou séparés du fait de la guerre ont déjà été évoquées dans les paragraphes consacrés à l'enfant et sa famille et à l'environnement culturel de l'enfant. La IVe Convention de Genève accorde une importance particulière à la situation des enfants orphelins ou séparés de leur famille. Les Parties en conflit ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que l'entretien et l'éducation des enfants de moins de quinze ans devenus orphelins ou séparés du fait de la guerre soient assurés, et qu'ils ne soient pas laissés à eux-mêmes et que leur accueil en pays neutre soit prévu (art. 24). Les auteurs de la Convention ont choisi la limite d'âge de quinze ans, parce qu'ils ont estimé que le développement des facultés à partir de cet âge n'imposait plus avec la même nécessité des mesures spéciales49(*). De même, la Puissance occupante doit veiller à ce que l'entretien et l'éducation des enfants orphelins ou séparés en territoire occupé soient assurés (art. 50).

    Reconnaissant également les besoins et les vulnérabilités spécifiques des femmes, le DIH leur accorde un certain nombre de mesures de protection et de droits spécifiques (Section 2).

    Section 2 : Les règles particulières de protection des femmes

    Le principe fondamental qui régit les droits dont jouissent les femmes en période de conflit armé est celui de la non-discrimination. Hommes et femmes civils ont des droits égaux50(*). Mais pour assurer aux femmes la jouissance de droits équivalents à ceux des hommes, il faut parfois leur accorder une protection spéciale, tenant compte de leurs spécificités physiologiques et psychologiques, de leur vulnérabilité accrue dans certaines circonstances, de leurs besoins, etc. Il existe donc DIH un devoir de différenciation. Il incombe aux Etats parties aux Conventions de Genève et, partant, à tous les combattants d'accorder aux femmes le respect qui leur est dû. La protection spéciale que les Etats ont accordée aux femmes, et particulièrement à certaines catégories d'entre elles, vient donc s'ajouter à la protection générale dont bénéficie l'ensemble de la population civile.

    Faisant partie des personnes vulnérables en raison de leur sexe qualifié de «faible» dans une certaine mesure, mais aussi compte tenu du fait que les femmes ont des besoins plus spécifiques en temps de guerre car ce sont elles qui font l'objet d'agressions, de mutilations et beaucoup d'insanités lors des conflits armés. C'est ainsi que le DIH, pour pallier à ce phénomène et pour répondre aux besoins spécifiques des femmes en temps de guerre a mis en place tout un dispositif tendant à accorder aux femmes, en plus d'une protection spéciale, une protection supplémentaire dans certaines circonstances. De ce fait, elles sont protégées de manière générale, en tant que femmes, contre toute atteinte à leur intégrité physique et à leur dignité. D'autres dispositions du DIH tendent à assurer par leur biais la protection de leur enfant à naître ou en bas âge. A travers la protection des femmes enceintes, en couches, de celles qui allaitent ou qui sont mères de jeunes enfants, c'est donc la maternité et l'unité familiale qui doivent être sauvegardées.

    L'économie de ces dispositions fait ressortir la nécessité de protéger les femmes contre les abus sexuels (Paragraphe 1). Une autre catégorie de femmes aussi seront prises en compte, compte tenu de leur situation ; il s'agit des femmes enceintes ou en couches, des mères d'enfants de bas âge et des femmes poursuivies pénalement qui elles, bénéficient d'une protection encore plus favorable (Paragraphe B).

    Paragraphe 1 : La protection contre les abus sexuels

    Elle se matérialise par la protection des femmes contre toute atteinte à leur honneur (A) mais également lorsqu'elles sont enceintes, en couches ou mères d'enfants de bas-âge (B).

    A - Protection des femmes contre toute atteinte à leur honneur

    Toutes les femmes sont protégées contre toute atteinte à leur honneur, notamment le viol, la prostitution forcée et tout attentat à la pudeur.

    L'OMS définit la violence sexuelle comme «tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaires ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d'une personne utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais s'en s'y limiter, le foyer et le travail.»

    Le conflit en Bosnie-Herzégovine a amené le monde à reconnaître que le viol des femmes est utilisé comme un moyen de guerre. Le monde a été horrifié en entendant les récits de femmes détenues pour être violées et rendues enceintes.

    Le viol, la prostitution forcée, l'esclavage sexuel et la grossesse forcée sont des violations du DIH et font aujourd'hui incontestablement partie du vocabulaire de la guerre. Ce ne sont pas des crimes « nouveaux». Qui oserait nier n'avoir pas été au courant des armées en maraude qui entraient dans les villes conquises pour se livrer au pillage et au viol? Mais rares sont ceux qui ont appris que le «viol» est un crime et ne peut jamais être justifié en tant que moyen de guerre, démonstration de puissance, récompense pour l'armée victorieuse, ou leçon pour les vaincus, incapables de protéger leurs femmes. Dans nombre de conflits, les femmes ont été systématiquement la cible de la violence sexuelle - parfois dans l'objectif politique plus large de procéder au nettoyage ethnique d'une région ou d'anéantir un peuple. Du Bangladesh à l'ex-Yougoslavie, de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale à Nankin sous l'occupation japonaise, du Vietnam au Mozambique, de l'Afghanistan à la Somalie, des femmes et des jeunes filles ont été les victimes de la violence sexuelle dans les conflits armés (cela est vrai aussi pour les hommes et les garçons, mais le problème est encore plus méconnu).

    L'une des conséquences du principe de traitement humain réside dans la nécessité de fournir une protection renforcée aux catégories de personnes civiles qui subissent, d'une façon particulièrement grave, les conséquences des conflits armés et qui se retrouvent, de ce fait, dans une situation de grande détresse; tel est le cas des femmes, surtout par rapport à la violence sexuelle. À cet égard, la multiplication des actes de cette nature perpétrés à l'encontre des femmes, lors de conflits comme ceux de l'ex-Yougoslavie ou du Rwanda, a entraîné une prise de conscience évidente de ce problème. Elle a supposé une évolution significative du DIH, qui attribue désormais une importance de plus en plus grande à la protection des droits humains de la femme51(*). Les actes de violence sexuelle sont ainsi qualifiés, dans les Statuts du TPIR et du TPIY, de crimes contre l'humanité (art. 3 et 5 respectivement), et même, dans celui du TPIR (art. 4), de violations de l'art. 3 commun aux Conventions de 1949 et du PA II. L'inclusion de ces références prouve la volonté des rédacteurs de ces textes de punir les attentats à la dignité des femmes. Quoique ces derniers n'aient pas été inclus dans le Statut du TPIY, en tant qu'infractions graves ou violations des lois et des coutumes de la guerre, cela ne l'a pas empêché le Tribunal de suivre la position du TPIR, en considérant le viol comme «un acte abject, qui porte atteinte au plus profond de la dignité humaine et de l'intégrité physique»52(*). En ce qui concerne la répression des actes de violence sexuelle, le jugement du TPIR, dans l'affaire Akayesu, est d'une importance primordiale pour le développement du DIH. En effet, pour la première fois, il a été reconnu que le viol systématique de femmes constituait un crime contre l'humanité, et même une forme de génocide. Par ailleurs, le même Tribunal a affirmé, au cours de l'affaire en question, que la «violence sexuelle était une étape dans le processus de destruction du groupe tutsi, destruction de son moral, de la volonté de vivre de ses membres, et de leurs vies elles-mêmes». De surcroît, il a estimé que le viol pourrait être considéré comme une forme de torture, ce qui a été confirmé et développé par le TPIY dans l'affaire Celebici, ce dernier ayant déclaré que, du moment que les actes de violence sexuelle réuniront les éléments constitutifs de la torture, ils pourront être qualifiés de tels [46]. Cette reconnaissance revêt une importance capitale, puisqu'elle permet de condamner les responsables de viols ou d'autres actes de violence sexuelle pour la perpétration d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949. L'importance du jugement dans l'affaire Akayesu réside également dans le fait que le TPIR s'est vu dans l'obligation d'élaborer une notion de viol en application du droit international, qui a servi de référence à des jugements ultérieurs du TPIY. En empruntant ce chemin, il a opté pour une définition large, étant donné que «si le viol s'entend traditionnellement en droit interne de rapports sexuels non consensuels, il peut en ses diverses formes comporter des actes consistant dans l'introduction d'objets et/ou l'utilisation d'orifices du corps non considérés comme sexuels par nature». De cette façon, il a identifié le viol à d'autres actes de violence sexuelle, ce qui a également été confirmé par des jugements postérieurs du TPIY.

    La jurisprudence des deux Tribunaux a donc joué un rôle essentiel dans la sanction des viols commis au cours de conflits armés, vu qu'à partir de ce moment-là, il a été estimé que ces conduites donnaient lieu à une responsabilité internationale de l'individu impliqué, les considérant comme crimes de guerre contre l'humanité ou génocide. On a ainsi mis fin à une situation où la répression de ces conduites s'avérait trop incertaine.

    Les femmes bénéficient d'une protection spéciale, conformément au principe défini à l'art. 14, paragraphe 2, selon lequel «les femmes doivent être traitées avec tous les égards dus à leur sexe». Ce principe est repris dans un certain nombre de dispositions qui font expressément référence aux conditions de détention des femmes dans les camps pour prisonniers de guerre et imposent, par exemple, l'obligation de prévoir des dortoirs séparés pour les femmes et les hommes, ainsi que des installations sanitaires distinctes. En application du principe du traitement différencié, les femmes subissant une peine disciplinaire doivent être détenues dans des locaux distincts de ceux des hommes et placées sous la surveillance immédiate de femmes.

    Paragraphe 2 : La protection en tant que mère ou future mère

    Ø En ce qui concerne les femmes enceintes ou en couche, le Protocole I consacre le principe selon lequel «les cas des femmes enceintes, arrêtées ou détenues ou internées pour des raisons liées aux conflits armés doivent être examinés en priorité absolue»53(*). Par-là, il est question que les femmes enceintes arrêtées soient libérées le plutôt possible54(*). Ce traitement favorable s'étend à l'offre supplémentaire de nourriture en fonction des besoins physiologiques nécessités par leur état55(*). Pour des raisons de santé, leur transfert est suffisamment limité et ne serait possible que si des raisons impérieuses de sécurité l'exigent56(*).

    Ø En ce qui concerne les mères d'enfants de bas âge, elles doivent aussi être traitées en priorité lorsqu'elles sont détenues ou arrêtées.

    Si la question de l'âge reste en suspens dans ce texte, la formule couramment employée est celle de la IVème Convention de Genève qui traite généralement du cas des mères d'enfants de moins de 7 ans. Cet âge est donc celui en principe retenu dans l'application de l'art. 76 du PA I précité.

    · L'assistance

    Les mesures préférentielles sont les dispositions promulguées dans les pays en guerre en faveur des personnes dont la vulnérabilité justifie une sollicitude spéciale. Par exemple, nous pouvons citer cartes d'alimentation supplémentaires, facilités pour les soins médicaux, assistance sociale spéciale, dispense de certains travaux, etc. Le principe d'impartialité oblige le CICR à privilégier les victimes de la guerre ayant les besoins les plus urgents. En vertu du DIH, la protection spéciale des femmes occupe une place importante dans les actions de protection et d'assistance que mène le CICR.

    Elle passe par de nombreuses actions :

    · Secours:

    Le ravitaillement des zones assiégées ou faisant l'objet d'un blocus et des camps de personnes déplacées en médicaments, nourriture et autres denrées indispensables à la survie. Les femmes enceintes ou en couches, les mères qui allaitent, ainsi que les enfants sont les bénéficiaires prioritaires des distributions.

    · Hygiène publique : construction de puits permettant aux femmes, dans certaines régions du monde, d'éviter de faire des longs, et parfois dangereux, déplacements pour aller chercher de l'eau potable.

    · Médical: les femmes sont des interlocutrices prioritaires du CICR pour les questions touchant à la santé de leurs enfants. Le CICR a par ailleurs réalisé des programmes de vaccination de femmes sur le point d'accoucher pour prévenir le tétanos néonatal. Il assure également souvent la fourniture de suppléments en iode aux femmes enceintes pour lutter contre certaines maladies des enfants à naître, comme le crétinisme.

    Par ailleurs, les cas des femmes enceintes ou mères d'enfants en bas âge, arrêtées pour des raisons liées au conflit armé, seront examinées en priorité absolue et au cas où une condamnation à mort serait prononcée, elle ne sera pas exécutée.

    En ce qui concerne la peine de mort le PA I et le PA II recommandent que la peine de mort ne soit retenue contre une femme enceinte et en tout cas, ne soit pas exécutée contre celle-ci et contre les mères d'enfants de bas âge dépendant d'elles pour une infraction commise en relation avec le conflit armé. En outre, une condamnation à mort pour de telles infractions ne peut être exécutée contre ces femmes. L'art. 6, paragraphe 4 du P.A 2 interdit totalement que la peine de mort soit exécutée contre les femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.

    L'interdiction d'exécuter la peine de mort contre des femmes enceintes est aussi inscrite dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme.

    La mise en oeuvre couvre toutes les mesures qui doivent être prises pour assurer le plein respect des règles du DIH. Ainsi, une bonne application des garanties fondamentales consacrées à la protection des personnes fragiles par nature requiert la mise en place d'un système composé de l'ensemble des procédures, moyens et mécanismes auxquels les Parties aux Conventions de Genève et de leurs PA doivent exécuter pour une meilleure effectivité de la protection. A cet effet, le DIH présente un ensemble de mécanismes de mise en oeuvre par le biais d'instruments et de moyens spécifiés. Mais on se rend compte que, malgré les efforts déployés par la Communauté Internationale pour une efficacité de la protection juridique humanitaire des personnes fragiles par nature, le système de protection est toujours en quête d'effectivité. En fait on assiste de plus en plus, lors des conflits armés la multiplication d'actes consistant en des violations graves aux garanties fondamentales que le DIH accorde aux personnes fragiles par nature. C'est la raison pour laquelle des efforts doivent être consentis pour une mise en oeuvre substantielle et significative des règles du DIH. En d'autres termes il s'impose à la Communauté Internationale de traduire autant que faire se peut, les règles en action.

    Nous allons étudier d'abord le système de protection instituant les moyens de mise en oeuvre (Chapitre I) avant de voir que ce système de protection est en quête d'effectivité (Chapitre II).

    Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre

    Ils peuvent se subdiviser en moyens préventifs d'une part (Section 1) et en moyens répressifs d'autre part (Section 2).

    Section 1 : Les moyens préventifs

    La prévention ne signifie nullement ici la prévention des conflits mais l'ensemble des mesures pratiques que doivent adopter les Etats en temps de paix, afin d'assurer la protection des populations civiles en cas de conflit interne. Comme que la mise en oeuvre couvre toutes les mesures qui doivent être prises pour assurer le plein respect des règles du DIH. Ainsi, il est non seulement nécessaire d'appliquer ces règles lorsque les combats ont commencé mais aussi de prendre certaines mesures, en temps de paix comme en temps de guerre, pour s'assurer que :

    · toutes les personnes, civiles et militaires, connaissent les règles du DIH,

    · les structures, les dispositions administratives et le personnel nécessaires à l'application du DIH soient en place;

    · les violations du DIH soient prévenues et, le cas échéant, réprimées.

    Il va sans dire alors que cette tâche incombe aussi bien aux Etats (Paragraphe 1) qu'au CICR en tant que promoteur et gardien du DIH (Paragraphe2).

    Paragraphe 1 : Le rôle des Etats

    Il se résume en l'obligation qu'ont les Etats de respecter et de faire respecter le DIH conformément à l'art. Premier commun aux quatre Conventions de Genève qui stipule que «les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention «en toutes circonstances»». Dans le but de satisfaire cette exigence les Etats doivent insérer le DIH dans l'ordre interne (A) mais aussi ont l'obligation de diffuser le DIH (B).

    A- L'insertion du DIH dans l'ordre interne

    Les traités du DIH obligent les Etats à adopter une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la législation nationale. Pour commencer, il faut que les traités de DIH soient, si nécessaires, traduits dans la ou les langues du pays. La traduction peut s'avérer déterminant surtout en Afrique, où la majeure partie des militaires ne sont pas instruits. En outre, lorsqu'un militaire agit sur le terrain, c'est plutôt un manuel militaire qu'il a entre les mains. D'ou l'intérêt d'intégrer le DIH dans la doctrine militaire et de vérifier qu'il n'y a pas de contradictions entre ce que l'on demande à un militaire de faire et le DIH. Ce dernier interdit les armes qui causent des maux superflus. Mais comment s'assurer que les armées n'utilisent pas de telles armes ? Si cette dimension n'est pas prise en compte dans le choix et la conception des armements, on risque de se rendre compte trop tard que les armements à disposition ou utilisés ne répondent pas aux critères du droit de la guerre. D'où encore l'intérêt de mettre en place des procédures qui intègrent les préoccupations humanitaires dans le processus de prise de décision. De même, le DIH impose un certain nombre d'obligations de désignation et de signalisation de sites dangereux ou protégés tels que certains biens culturels. Ces obligations nécessitent qu'il soit procédé à des choix et à des ajustements règlementaires en temps de paix.

    Le DIH ne prévoit pas toutes les mesures d'application jusque dans leur moindre détail. Certaines mesures types qui doivent être prises sont suggérées mais le choix des moyens est laissé aux Etats. C'est à l'exécutif et à l'administration que revient la responsabilité de prendre la plupart des mesures, généralement par le biais de règlementations.

    Certaines mesures exigeront l'adoption de dispositions législatives ou réglementaires. D'autres nécessiteront l'élaboration de programmes d'éducation, le recrutement et/ou la formation de personnels, la mise en place de structures, l'introduction de procédures de planification et administratives. Les adaptations requises pour préparer l'application du DIH ne sont pas infinies.

    A cet égard il convient de souligner le rôle que doit jouer le parlement. En tant qu'institution qui incarne le plus directement l'intérêt de la population, il revient au Parlement de veiller tout particulièrement à sa protection en mettant en place, déjà en temps de paix, une législation et un ensemble de dispositions garantissant au mieux cette protection dans l'éventualité d'un conflit armé. Il en est ainsi par exemple de la responsabilité pénale individuelle de celui qui a recruté l'enfant ou qui l'a utilisé pour participer aux hostilités. Pour que la responsabilité pénale individuelle soit mise en cause, il est nécessaire d'établir l'existence non seulement des règles primaires, qui interdisent le comportement, mais aussi des règles secondaires, qui criminalisent les violations. Pour pouvoir réprimer les violations du DIH, il faut qu'existent des lois pénales qui prévoient la définition des crimes et leur sanction. C'est en effet un principe du droit pénal que nul ne peut être condamné pour un crime qui n'existait pas en droit au moment où il a été commis.

    Quant au parlementaire, en sa qualité de gardien et de porte-parole des citoyens, il lui revient non seulement de contribuer à la mise en place de ces droits et garanties, mais aussi de promouvoir une conscience aussi généralisée que possible du DIH.

    Pour être respecté le DIH doit également être connu, d'où l'obligation de diffusion du DIH par les Etats.

    B- L'obligation de diffusion du DIH

    En devenant parties aux conventions de Genève et à leurs protocoles, les Etats se sont engagés à diffuser le plus largement possible les dispositions de ces instruments, de telle manière qu'elles soient connues des forces armées et de l'ensemble de la population. Ainsi l'art. 19 du PA II stipule que : « le présent Protocole sera diffusé aussi largement que possible ». Même si le PA II ne distingue pas la diffusion aux forces armées de la diffusion aux populations civiles, il n'en demeure pas moins que cette distinction est fondamentale.

    Ø L'instruction du DIH aux forces armées

    Cette règle constitue une norme de droit international coutumier applicable aux États en temps de paix, ainsi qu'aux parties aux conflits armés internationaux ou non internationaux. L'expression «forces armées» doit être entendue dans son sens usuel. La pratique ne fait apparaître aucune distinction, en ce qui concerne l'instruction en DIH, entre le droit applicable dans les conflits armés internationaux et le droit applicable dans les conflits armés non internationaux.

    Le devoir des États d'enseigner le DIH à leurs forces armées a été codifié pour la première fois dans les Conventions de Genève de 1906 et de 1929. Il a été réaffirmé par la suite dans les Conventions de Genève de 1949 et dans leurs Protocoles additionnels, dans la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et son deuxième Protocole, ainsi que dans la Convention sur les armes classiques. Tous ces textes spécifient que l'obligation d'enseigner le DIH aux forces armées s'applique en temps de paix comme en temps de conflit armé.

    L'incorporation de l'étude du DIH dans les programmes d'instruction militaire constitue la mesure de base prévue par les traités pour le faire connaître aux forces armées, premiers responsables de son application. Le P1 précise que les autorités militaires doivent avoir une pleine connaissance de son texte (art.83, par.2). L'obligation est renforcée par le fait que d'une part, les Etats doivent veiller à ce que des conseillers juridiques soient formés pour assister les commandants quant à l'application des conventions de Genève et du protocole et quant à l'enseignement approprié à dispenser aux forces armées à ce sujet (art. 82). D'autre part les commandants doivent s'assurer que les militaires qui leurs sont subordonnés connaissent leurs obligations (art. 87).

    Néanmoins, il n'est pas nécessaire que les membres des forces armées soient parfaitement informés du moindre détail du DIH, mais bien qu'ils connaissent les règles essentielles du droit qui sont pertinentes au regard de leurs fonctions concrètes.

    Pour être effectifs, les programmes d'instruction militaire devraient inclure l'adoption de directives sur l'enseignement du DIH et l'introduction de ses règles dans les manuels, manoeuvres et exercices militaires, ainsi que dans les règles d'engagement des membres des forces armées. Aussi, les Etats qui fournissent des troupes pour les opérations de maintien de la paix menées par les Nations Unies ou sous son égide devraient s'assurer que les militaires appartenant à leur contingent soient instruits des dispositions de ce droit.

    Le problème se pose maintenant de savoir, si les groupes d'opposition armés sont tenus de diffuser le DIH à leurs combattants. En effet ces derniers sont eux aussi tenus de respecter et de faire respecter le DIH, et la diffusion est généralement considérée comme un outil indispensable à cette fin, mais aucune pratique n'a été constatée qui exigerait que ces groupes disposent de conseillers juridiques. L'absence de conseillers juridiques ne peut cependant en aucun cas excuser une violation du DIH par une partie quelconque à un conflit armé de quelque nature que ce soit.

    Ø La diffusion du DIH au sein de la population civile

    Cette règle constitue également une norme du droit international coutumier. La pratique ne montre aucune distinction entre l'enseignement du DIH applicable dans les conflits armés internationaux et celui du droit applicable dans les conflits armés non internationaux.

    Les Conventions de Genève de 1906 et de 1929 exigeaient des États qu'ils prennent les mesures nécessaires pour porter les conventions à la connaissance des populations57(*). Les Conventions de Genève de 1949 et la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels exigent des États qu'ils incorporent «si possible» l'étude du DIH dans les programmes d'instruction civile58(*). Les mots «si possible» ne sont pas là pour suggérer que l'inclusion dans les programmes d'instruction civile est facultative, mais pour tenir compte du fait que dans les pays à structure fédérale, le pouvoir central n'a pas compétence en matière d'éducation. Le P.AI exige des États qu'ils diffusent le DIH le plus largement possible, et notamment qu'ils «en [encouragent] l'étude par la population civile» (art. 83).

    La diffusion à la population civile n'est pas moins impérative que celle aux forces armées. Une plus grande marge d'appréciation est toutefois laissée aux Etats dans ce domaine.

    Une formation en DIH devrait premièrement être dispensée auprès des autorités publiques responsables de son application. Aussi, son enseignement devrait être intensifié dans les universités et l'enseignement de ses principes généraux devrait être introduit dans les écoles secondaires. A ce propos il faut noter l'insuffisance ou plutôt l'absence de programme d'enseignement du DIH dans les universités africaines. Enfin les professionnels du corps médical et des medias devraient aussi pouvoir bénéficier d'une formation adaptée à leurs activités. Les commissions nationales de droit humanitaire devraient s'assurer que l'obligation de diffusion du DIH est respectée par leur gouvernement, et que la matière est inscrite dans les programmes nationaux d'instruction. Mais on remarque que la plupart des Etats africains ne se sont dotés pas de ces commissions.

    Dans la pratique, de nombreux États encouragent l'organisation de cours de DIH, souvent en fournissant des fonds à des organisations telles que la Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge. Selon les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales «diffusent et aident leur gouvernement à diffuser le DIH ; elles prennent des initiatives à cet égard». D'où la nécessite d'aborder le rôle que joue le CICR dans la diffusion du DIH.

    Paragraphe 2 : Le rôle du CICR

    C'est le CICR, fondé en 1863, qui a été le moteur du développement du DIH. C'est lui qui mit en branle le processus qui conduisit à l'adoption des Conventions de Genève pour la protection des victimes de la guerre de 1864, de 1906, de 1929 et de 1949. C'est lui aussi qui prit l'initiative de compléter les Conventions de Genève, qui déboucha sur l'adoption en 1977 de deux Protocoles additionnels. Le CICR a tout à la fois encouragé la rédaction de nombreux autres traités et participé aux négociations les concernant.

    Le CICR ayant pour mission de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et de situation de violence interne, de porter assistance aux personnes qui souffrent des conséquences de la guerre et d'agir en temps que gardien et promoteur du droit international humanitaire ; reconnaissant que les conflits ont un impact différent sur les femmes et les enfants, et profondément préoccupé par la nature et l'ampleur des conflits commises à l'encontre des femmes au cours des récents conflits, s'est engagé en 1999 à évaluer les besoins des femmes et des filles, et à promouvoir le respect qui leur est du en mettant notamment l'accent sur la prévention des violences sexuelles.

    Parallèlement à ses activités d'assistance et de protection (A) le CICR déploie également une diplomatie humanitaire active pour promouvoir et développer le DIH (B).

    A- Le rôle d'assistance et de protection

    Organisation impartiale, neutre et indépendante, le CICR a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de la guerre et de la violence interne, et de leur porter assistance.

    Ø L'action du CICR en faveur des enfants victimes de conflits

    Le CICR a toujours travaillé activement à la promotion de la protection juridique de l'enfant. C'est ainsi que, en 1939 déjà, le CICR et l'Union internationale de protection de l'enfance présentèrent un projet de Convention pour la protection de l'enfant, qui ne vit pas le jour en raison du début de la seconde guerre mondiale. Lors des Conférences diplomatiques de 1949 tout d'abord, puis de 1974-1977, le CICR s'est employé à promouvoir, puis à développer et à compléter la protection juridique de l'enfant.

    Conformément à sa tradition d'institution humanitaire et à son mandat, le CICR n'a cependant pas attendu la création de dispositions légales protégeant l'enfant dans les conflits armés pour entreprendre, sur le terrain, des actions destinées à la protection des enfants. Tout au long des conflits, les initiatives du CICR précèdent la protection juridique de l'enfant, et cherchent à la compléter ou à y suppléer, lorsque les mécanismes d'application du DIH font défaut.

    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, au milieu de tant d'horreurs et malgré les difficultés qu'il a rencontrées dans ses activités en faveur des civils, notamment en raison de l'absence de toute base juridique, le CICR a pu organiser certaines actions, telles que le placement des jeunes au-dessous de dix-huit ans dans des camps spéciaux, l'organisation d'émissions radiophoniques en vue de faciliter la réunion d'enfants séparés de leurs parents, la création de homes d'accueil dans les pays dévastés par la guerre.

    Il y a un domaine dans lequel le CICR a apporté et continue d'apporter une contribution d'une importance primordiale pour les enfants: la recherche de personnes disparues, l'échange de messages familiaux et le regroupement des familles séparées des deux côtés du front. Depuis plus d'un siècle, l'Agence centrale de recherches du CICR recueille et transmet des renseignements sur les personnes disparues, capturées, réfugiées, libérées ou rapatriées et informe les familles; lorsque les canaux normaux de communication sont coupés, elle assure la transmission des messages familiaux. Dans le cadre de ces tâches, les délégués du CICR s'occupent en priorité de retrouver les enfants disparus, de les mettre en contact et de les réunir avec leur famille. Parmi les tâches de l'Agence centrale de recherches du CICR accomplies ces dernières années en faveur des enfants séparés de leurs parents du fait de la guerre, on peut mentionner, entre autres, l'identification des enfants khmers non accompagnés installés dans les camps de réfugiés en Thaïlande à la suite du conflit du Kampuchéa. C'est ainsi que, en 1980, 3500 cas de mineurs non accompagnés ont été enregistrés par le CICR, en collaboration avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et certaines Agences volontaires, dans la perspective de réunir des familles séparées par suite du conflit. En matière d'assistance, les enfants bénéficient des actions de secours que le CICR entreprend en faveur des populations civiles affectées par un conflit. Dans certains cas, les bénéficiaires principaux des programmes d'assistance du CICR sont les enfants et les adolescents. Il en a été ainsi, par exemple, en Zambie, lors du conflit en Rhodésie/Zimbabwé, où, sur 29 000 réfugiés de Rhodésie/Zimbabwé, 18 000 étaient des jeunes gens et des jeunes filles de moins de seize ans, et 300 des jeunes femmes avec leurs bébés. Le CICR, jusqu'à la fin du conflit (1980), fournit en faveur de ces personnes une importante aide médicale et matérielle. Il arrive également au CICR de décider d'entreprendre une action destinée spécialement aux enfants. On peut citer, à cet égard, le programme d'assistance aux orphelinats que le CICR a entrepris au Kampuchéa, en 1981.

    Le CICR cherche à protéger toutes les victimes des conflits armés, et les enfants, à ce titre, sont inclus dans les interventions du CICR lors de ces conflits. C'est dire que les enfants seront visités par le CICR s'ils sont au pouvoir d'une Partie en conflit et seront, de manière générale, compris dans les démarches ou les interventions du CICR en faveur des victimes des conflits armés. Les enfants peuvent cependant faire l'objet d'une mesure particulière de protection du CICR. C'est ainsi que, par exemple, le lendemain de la première visite du CICR au camp d'Al-Ansar au Sud-Liban, où furent détenus principalement des prisonniers palestiniens, 212 enfants de moins de seize ans ont été libérés sous les auspices du CICR. Le groupe d'enfants a été pris en charge par les délégués du CICR, qui se sont assurés de leur retour dans leurs familles dans les différentes régions du Liban (septembre-octobre 1982).

    Ø L'action du CICR en faveur des femmes

    C'est dans le cadre de son mandat général, consistant à protéger et à assister toutes les victimes de conflit, que le CICR vient en aide aux femmes victimes de conflit. Toutefois les femmes ayant des besoins spécifiques en terme de protection, de soins de santé et d'assistance, le CICR veille à ce que ceux-ci soient suffisamment et convenablement pris en compte dans l'ensemble de ses activités. Le CICR met notamment l'accent sur la protection qui doit être accordée aux femmes et aux jeunes filles, et fait savoir à tous ceux qui portent les armes que la violence sexuelle sous toutes ses formes est interdite par le DIH et qu'il convient de tout faire pour prévenir de tels actes.

    B- Le rôle de promoteur du DIH

    La diffusion et la formation font partie des activités menées par le CICR pour faire connaître les règles du droit humanitaire et construire une base de discussion sur le respect du droit. Ces activités sont notamment destinées aux personnes ou aux groupes dont les actions et le comportement peuvent avoir des répercussions sur les victimes de conflits armés ou qui peuvent faciliter l'action du CICR. Elles font intervenir les forces armées, la police, les forces de sécurité et d'autres porteurs d'armes, ainsi que les décideurs et les guides d'opinion aux niveaux local et international. La reconnaissance de ce rôle du CICR se reflète dans le mandat qui lui a été confié par la communauté internationale, à savoir de travailler «à l'application fidèle du DIH applicable dans les conflits armés» et «à la compréhension et à la diffusion du DIH applicable dans les conflits armés et d'en préparer les développements éventuels»59(*). Il dispose à cette fin d'une structure de délégués spécialement affectés aux taches de diffusion dans les différentes régions du monde et élabore des programmes de diffusion et de matériels didactiques spécifiques aux forces armées et de sécurité, aux milieux académiques et à la jeunesse, ou encore des campagnes de sensibilisation du grand public. Les services consultatifs en DIH du CICR tiennent à jour une collection de documents relatifs à la mise en oeuvre nationale de ce droit. Les sociétés nationales ont le mandat de diffuser et d'aider leur gouvernement à diffuser le DIH, en leur fournissant des conseils techniques en vue de l'adoption de lois et règlements nationaux d'application. Elles doivent prendre des initiatives à cet égard, recruter, former et affecter le personnel nécessaire.

    Le CICR demande souvent aux groupes armés d'élaborer ou d'adopter des codes de conduite ou des «règles d'engagement» pour leurs membres. Le code de conduite fait fonction d'engagement exprès vis-à-vis du droit, sur la base duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant le respect du droit, mais il peut aussi avoir un impact direct sur la diffusion des règles et sur la formation des membres du groupe armé. Le fait que la hiérarchie d'un groupe armé élabore ou accepte un code de conduite, révèle son degré d'adhésion et d'engagement, s'agissant de faire respecter le droit. Cela risque d'influencer davantage le comportement des membres du groupe armé que quelque chose qu'ils pourraient percevoir comme leur ayant été imposé de «l'extérieur».

    La période de négociations et de discussions concernant un code de conduite, peut servir à informer la direction du groupe armé sur le DIH, et aussi à comprendre la volonté politique et les attitudes du groupe armé concernant le respect du droit. Si un groupe armé a fait une déclaration unilatérale, il peut lui être suggéré d'élaborer un code de conduite comprenant le DIH comme « prochaine étape » logique. En apportant son soutien à l'élaboration d'un code de conduite ou à l'incorporation du DIH dans un code en vigueur, on peut également aider le groupe à mettre en pratique les engagements qu'il a pris dans la déclaration unilatérale.

    Alors que le CICR agit le plus souvent sur une base bilatérale et confidentielle, d'autres acteurs peuvent lancer de tels appels publiquement.

    Il serait certes souhaitable que le DIH soit respecté d'emblée par les belligérants, mais l'expérience de la guerre montre qu'il est illusoire de penser que la connaissance des règles du DIH et la bonne volonté suffisent. Le jugement et la punition des personnes ayant commis des violations du DIH, notamment des crimes de guerre, ne sont donc pas seulement une obligation juridique et morale : ils sont aussi un moyen dissuasif efficace (Section 2).

    Section 2 : Les moyens répressifs

    L'action répressive dont le principe s'exprime par l'obligation qu'ont les Parties en conflit de prévenir et de faire cesser toute violation On relèvera notamment :


    · l'obligation qu'ont les tribunaux nationaux de réprimer les infractions graves considérées comme des crimes de guerre (pour les tribunaux internationaux);


    · la responsabilité pénale et disciplinaire des supérieurs et le devoir qu'ont les commandants militaires de réprimer et de dénoncer les infractions ;

    On analysera dés lors cette action répressive, aussi bien au niveau national (Paragraphe I) qu'au niveau international (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'action répressive au niveau national

    La répression des violations du DIH, s'exprime dans l'obligation qu'ont les parties à un conflit de prévenir et de faire cesser toute violation. En règle générale, les Etats ne peuvent exercer de sanctions qu'a l'égard de leurs propres nationaux ou pour des crimes ayant été commis sur leur territoire, c'est la compétence fondée sur le lien de rattachement (A). Les Etats ont cependant décidé, que certains crimes étaient si graves qu'une exception devait être faite à ce principe. Certaines conventions obligent donc les Etats à juger les criminels de guerre quelle que soit leur nationalité et quel que soit le lieu où ils ont commis leur crime c'est le principe dit de la compétence universelle (B).

    A- La compétence classique des juridictions nationales

    Classiquement, la compétence d'une juridiction d'un Etat à l'égard d'un crime ne peut s'exercer que s'il y a un lien de rattachement. Ce dernier est marqué par le principe de la territorialité de la loi pénale, et celui de la personnalité.

    Le principe de la territorialité

    Il découle des règles classiques d'exercice de la souveraineté étatique. Il ressort de ce principe, que l'Etat sur le territoire duquel une infraction a été commise exercera une compétence prioritaire par rapport aux autres Etats qui pourrait se considérer compétents. Le droit pénal a toujours reposé sur ce principe, en vertu duquel les crimes doivent être punis où ils ont été commis. Ce principe a été soutenu par une grande partie de la doctrine, mais aussi il a été rappelé par plusieurs conventions internationales, telle que la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui stipule en son art. 6 que : «les personnes ayant commis le génocide (...) seront traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a été commis...».

    Ce principe peut cependant soulever quelques problèmes dans le cadre d'infraction pluri territoriale. Conscient des problèmes que peut soulever ce genre d'infraction, les participants, en 1927, à la première conférence pour l'unification du droit pénal, ont adopté un texte de référence en ce sens. L'art. premier prévoit que : «l'infraction est considérée comme ayant été commise sur le territoire de l'Etat, quand un acte d'exécution a été tenté ou accompli sur le territoire ou quand le résultat de l'infraction s'est produit sur ce territoire».

    Le principe de la personnalité

    Le principe de la compétence personnelle se défini comme étant le pouvoir de l'Etat à incriminer et juger les faits commis à l'extérieur de ses frontières. L'Etat qui exerce une compétence personnelle fonde celle-ci non sur un titre territorial, mais sur la nationalité de l'auteur d'une infraction grave, c'est à dire la compétence personnelle active, ou de la victime, dans le cadre de la compétence personnelle passive.

    Ce principe a fait l'objet d'une illustration dans l'affaire du Lotus. Dans cette affaire, la France contestait le droit de la Turquie d'engager des poursuites après un abordage survenu en haute mer. La France soutint que l'absence de poursuites de ce type démontrait l'existence d'une règle de droit international coutumier interdisant de poursuivre, sauf pour l'État du pavillon du navire à bord duquel l'acte illicite avait été commis. Mais la CPJI refusa cette argumentation en dégageant un principe autorisant les Etats à étendre leur compétence hors du territoire national. C'est ainsi que la Turquie qui invoquait la nationalité passive (loi de la victime) contre la loi du pavillon (par extension du principe de la territorialité invoqué par la France), fut autorisée à juger le capitaine français.

    Le principe de la compétence personnelle permet à tout Etat de juger ses ressortissants pour des crimes graves commis à l'étranger. Son application risque cependant d'être utopique, car on verrait mal des juridictions internes déclenchées des poursuites contre des dirigeants de leur propre pays pour réprimer des infractions commises par eux à l'étranger. A titre d'exemple, les tribunaux libériens n'ont jamais pu déclencher de telles poursuites contre l'ex chef d'Etat Charles Taylor, pour sa complicité dans les massacres et les crimes en Sierra Leone. Par contre la compétence personnelle passive s'est développée récemment.

    Les principes de la territorialité et de la personnalité ne sont pas très efficaces pour pouvoir inquiéter les grands criminels. S'il existe un principe qui a retenu l'attention ces dernières années, c'est sûrement celui de la compétence universelle.

    B- La compétence universelle des juridictions nationales

    La compétence pénale d'une juridiction nationale est dite universelle, quand elle s'étend en principe à des faits commis n'importe où dans le monde, et par n'importe qui. Elle découle du principe selon lequel, les Etats ont le droit de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crime de guerre.

    Il convient de préciser les fondements d'une telle règle, ainsi que les obstacles relatifs à son exercice.

    Les fondements de la compétence universelle

    Selon la pratique des États, cette règle constitue une norme de droit international coutumier en ce qui concerne les crimes de guerre commis dans des conflits armés tant internationaux que non internationaux.

    Le droit des États de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crimes de guerre est aussi étayé par le droit conventionnel.

    Le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels dispose qu'il n'affecte pas «l'exercice de la compétence en vertu du droit international coutumier», ce qui signifiait, pour les délégués au moment de la négociation du Protocole, le droit des États de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crimes de guerre60(*).

    La Convention sur le génocide, qui mentionne explicitement la compétence territoriale, a été interprétée comme n'interdisant pas l'application au crime de génocide du principe de la compétence universelle61(*).

    Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les PA ont prévu une compétence universelle des juridictions nationales à l'égard des violations graves du DIH. Tout Etat partie à ces conventions est compétent pour juger toute personne présumée coupable d'infractions graves se trouvant sur son territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le lieu où elle a commis les infractions.

    Pour être effective, la compétence universelle doit être incorporée dans la législation nationale des Etats. Cette incorporation, si elle n'est pas considérée comme nécessaire par un certain nombre de pays pour lesquels les traités font automatiquement partie du droit national, est au contraire une condition requise par la plupart des législations. De par les différentes législations, on note une différence entre pays maximalistes et pays minimalistes.

    Les Etats minimalistes ne mettent aucun dispositif en place pour la rendre effective. A titre d'exemple la Russie et la plupart des pays islamiques, n'ont pas mis un dispositif spécifique introduisant la compétence universelle pour la torture.

    Au Sénégal une telle lacune a empêché la plainte déposée contre l'ancien président tchadien Hissène Habré d'aboutir à son jugement, puisque le titre XII du code de procédure pénale qui traite des crimes et délits commis à l'étranger, ne prévoyait pas une telle compétence.

    D'autres Etats par contre ont instauré une compétence universelle plus large. La Belgique apparaît dans ce cadre comme un pionnier notamment avec la loi du 16 juin 1993 relative à «la répression des infractions graves aux Conventions internationales de Genève du 12 août 1949 et aux protocoles I et II du 8 juin 1977, additionnels à ces conventions», révisée par la loi du 10 février 1999 relative à «la répression des violations graves du DIH». La loi de 1999 a donné compétence universelle aux juridictions belges pour poursuivre les violations graves du DIH. Ainsi, le 17 avril 2001 s'est ouvert devant la Cour d'assises de Bruxelles le procès de quatre Rwandais accusés d'avoir participé au génocide de 1994. C'est en outre la première fois qu'un jury populaire est amené à se prononcer sur des faits commis à l'occasion d'un génocide.

    La pratique n'est pas cependant uniforme en ce qui concerne la question de savoir si le principe de la compétence universelle exige un lien particulier avec l'État qui engage les poursuites. L'exigence de l'existence d'une relation entre l'accusé et l'État qui poursuit - en particulier la présence de l'accusé sur le territoire ou sa capture par l'État qui poursuit - est reflétée dans la législation nationale de nombreux États. C'est le cas de la France qui conditionne la compétence universelle pour la torture, par la présence du suspect sur le territoire français. Il existe aussi des législations qui n'exigent pas l'existence d'un tel lien; les Conventions de Genève ne l'exigent pas non plus.

    En 2000, la RDC a engagé une procédure devant la CIJ pour contester un mandat d'arrêt international émis par un juge belge, contre le ministre congolais des affaires étrangères. Dans ses exposés devant la Cour en 2001, la RDC n'a pas présenté d'objection de principe contre le droit des États de conférer la compétence universelle à leurs tribunaux nationaux en matière de crimes de guerre, mais a argué du fait que la personne inculpée devait se trouver sur le territoire de l'Etat exerçant cette compétence.

    Paragraphe 2 : L'action répressive au niveau international

    La question du respect du DIH par les belligérants dans les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance capitale pour la Communauté Internationale. Elle est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée général de l'ONU, de la conférence internationale de la Croix-Rouge et des sessions annuelles des organes délibérants des institutions régionales. Cette mobilisation de la communauté internationale face aux atrocités commises dans l'impunité la plus totale, traduit la nécessite pour les Etats d'adopter au niveau international des mesures de mise en oeuvre du DIH. Ces mesures visent, d'une part à instaurer des procédures de contrôle international (A), et d'autre part à réprimer par les juridictions internationales, les personnes responsables de violations graves du DIH (B).

    A- Le contrôle du respect des garanties de protection

    Des procédures d'enquête ont été développées au sein du droit humanitaire. Il s'agit de la procédure prévue par les art. commun 52-53-132-145 aux Conventions de Genève, et de l'enquête institutionnelle de la Commission Internationale Humanitaire d'établissement des Faits (CIHEF). C'est ce dernier qui retiendra notre attention parce qu'elle constitue le seul organe permanent rapidement mobilisable aux fins d'enquête sur des allégations de violations graves du DIH . Il faut cependant noter que le CICR peut signaler directement aux Parties concernées, en principe à titre confidentiel, les infractions au DIH qu'il constate lui-même. Pour ne pas se mêler de polémiques qui pourraient être nuisibles à son action, Il n'accepte qu'en dernier ressort de participer à une commission d'enquête s'il est sollicité par les parties intéressées. D'autres procédures ont également été prévues en dehors du DIH.

    L'enquête institutionnelle de la CIHEF

    L'art. 90 du P.A prévoit l'établissement d'une CIHEF. Créée officiellement en 1991, la Commission est un organe international permanent dont la fonction essentielle consiste à enquêter sur tout fait prétendu être une infraction ou violation grave du DIH. La Commission est donc un mécanisme indispensable pour aider les Etats à veiller à l'application et à l'observation du droit humanitaire en temps de conflit armé.

    La compétence de la commission

    Le but de la Commission est de protéger les victimes des conflits armés en obtenant le respect des principes et des règles de droit international applicables dans les conflits armés. La Commission est notamment compétente pour :

    1. Enquêter sur tout fait prétendu être une infraction grave au sens des Conventions et du Protocole ou une autre violation grave des Conventions ou du Protocole,

    2. Faciliter, en prêtant ses bons offices, le retour à l'observation des dispositions des Conventions et du Protocole.

    La Commission a cette compétence si les Etats parties à la procédure ont accepté sa compétence en déposant les déclarations appropriées. Dans un tel cas, aucune autre manifestation du consentement n'est nécessaire pour fonder la compétence de la commission.

    De même, dans d'autres situations, la Commission peut ouvrir une enquête à la demande des Etats aux conflits, mais uniquement avec le consentement de l'autre ou des autres parties intéressées. Dans ce contexte, la Commission a fait part de sa volonté d'enquêter sur les violations alléguées du droit humanitaire, y compris sur celles qui surviennent dans des conflits armés à caractère non international, aussi longtemps que les parties au conflit y consentent.

    De plus, elle a exprimé sa conviction qu'il est nécessaire de prendre toutes les initiatives appropriées, le cas échéant en coopération avec d'autres organismes internationaux, en particulier avec les Nations Unies, pour exercer ses fonctions dans l'intérêt des victimes de conflits armés. Cette conviction est partiellement fondée sur les articles 89 et 1er, paragraphe 1, du P.1 et sur l'article 1er commun aux Conventions de Genève.

    La procédure d'enquête

    Lorsqu'une requête est déposée, l'enquête doit être effectuée, à moins que les parties n'en disposent autrement, par une chambre composée de sept membres nommés comme suit: après consultation des parties au conflit, le Président de la Commission nomme, sur la base d'une représentation équitable des régions géographiques, cinq membres de la Commission, qui ne doivent être ressortissants d'aucune partie au conflit, et deux membres ad hoc, qui ne doivent être ressortissants, eux non plus, d'aucune des parties au conflit, sont nommés respectivement par chacune de celles-ci.

    La Chambre doit inviter les parties à l'assister et à produire des preuves. La Chambre peut rechercher les autres preuves qu'elle juge pertinentes et elle peut procéder à une enquête sur place. La Chambre doit communiquer tous les éléments de preuve aux parties, qui ont le droit de présenter des observations et de les discuter.

    Une fois achevée la procédure d'établissement des faits, la Chambre doit en établir les résultats. Il appartient toutefois à la Commission elle-même de soumettre aux parties un rapport sur ces derniers, avec les recommandations qu'elle juge appropriées. Si la Commission n'est pas en mesure de rassembler des preuves qui suffisent à étayer des conclusions objectives et impartiales, elle doit faire connaître les raisons de cette impossibilité.

    La Commission ne peut pas communiquer publiquement ses conclusions, à moins que toutes les parties au conflit n'y consentent.

    Par principe, la mission première de la Commission est d'établir les faits, non pas pour définir des responsabilités individuelles, mais en vue de favoriser une meilleure mise en oeuvre des dispositions du DIH. Il se pourrait néanmoins, que les conclusions de la Commission puissent se révéler utiles pour des poursuites pénales, nationales et internationales, y compris dans le cadre des actions de la CPI.

    Malgré les efforts déployés par les Etats pour mettre en place cette commission, il est à constater que ces mécanismes n'ont jamais fonctionnés réellement. L'instauration de la CIHEF comme mécanisme appelé à inciter au respect du DIH par l'établissement des faits et l'exercice de bons offices, ne peut être efficace en ce qui concerne les conflits armés internes. En effet la compétence de la commission est subordonnée ici au consentement des parties au conflit or, ces dernières se gardent toujours d'en faire usage : un Etat qui commet des crimes de guerre, ne va évidemment jamais saisir la commission pour qu'elle enquête sur ses faits. C'est pourquoi nous pensons que les mécanismes de contrôle développés au sein de l'ONU et des organisations internationales régionales, peuvent contribuer à un meilleur respect du DIH.

    A- Les procédures développées en dehors du droit humanitaire

    La mise en oeuvre du droit humanitaire déborde aujourd'hui le strict cadre des procédures développées par les conventions de Genève. En effet, le rapprochement entre droit de l'homme et droit humanitaire a poussé l'ONU, ainsi que les organisations régionales à jouer un rôle déterminant dans le contrôle du respect du DIH.

    · .Les procédures développées au sein des Nations Unies

    Pendant longtemps les Nations Unies ne se préoccupèrent pas du droit humanitaire. Le développent normatif de ce domaine du droit international avait toujours été l'apanage du CICR. L'ONU quant à elle, avait pour tache principale de veiller au respect de l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales. Par contre, l'ONU se réservait la tâche de codifier, au niveau mondial, les règles protégeant l'intégrité et la dignité humaine en temps de paix. Mais la proximité normative entre droit de l'homme et droit humanitaire, entraîna un intérêt croissant de l'ONU pour le droit humanitaire. Le moment décisif de se rapprochement fut la conférence des Nations Unies de Téhéran sur les droits de l'homme en 1968. Ce forum international examina la question du respect du statut des droits de l'homme en cas de conflit armé et adopta une résolution qui invitait le secrétaire général de l'ONU à se pencher sur les problèmes posés par le développement et l'application de ce domaine. Le DIH faisait désormais parti des domaines de réflexion et d'action des institutions onusiennes. Quelques années plus tard, un rôle spécifique fut reconnu à l'ONU dans un instrument relatif au droit de la guerre. L'art. 89 du PA.I dispose en effet que, en cas de violations graves des Conventions de Genève ou du P1, « les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir (...), en coopération avec l'ONU et conformément à la charte des Nations Unies ».

    Cette tendance visant à associer l'ONU dans la mise en oeuvre du DIH n'a jamais cessé de se confirmer au fil du temps. Tous les principaux organes des Nations Unies ont participé, avec plus ou moins d'intensité et chacun à son niveau, à l'action de l'organisation dans le domaine du contrôle du respect droit humanitaire dans les conflits armés. Mais l'oeuvre la plus significative et la plus innovatrice en la matière est sans conteste celle que bâtissent, dans leur complémentarité, le conseil de sécurité et la commission des droits de l'homme.

    · L'action du conseil de sécurité

    Le conseil de sécurité est un organe politique qui détient la «responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale»62(*). Dans le cadre de cette fonction, il peut faire office de conciliateur entre les Etats en leur recommandant de recourir à l'une des méthodes de règlement des différends que prévoit la Charte63(*). De plus dans des situations extrêmes où la paix est menacée ou rompue, il a le droit d'adopter des mesures contraignantes à l'encontre d'un Etat agresseur.

    Les premières préoccupations humanitaires du conseil de sécurité se sont concentrées sur l'assistance portée aux victimes de la guerre. Il en est ainsi par exemple de sa résolution 733 du 23 janvier 1992 sur le conflit somalien, où il exprima sa volonté de soutenir les actions de secours humanitaires.

    C'est avec la guerre yougoslave que le conseil de sécurité adopta une attitude nouvelle. Son action fut cette fois motivée non plus seulement par son désir de porter secours à des personnes en détresse, mais aussi par sa volonté d'identifier et de punir les individus responsables d'exactions. Dans sa résolution 780 du 6 octobre 1992, il demanda en effet au secrétaire général de constituer une commission d'experts chargée d'enquêter sur les violations du droit humanitaire commises en ex Yougoslavie. La commission fut créée et réunie en l'espace d'un an et demi, 65000 pages de documents écrits et 300 heures d'enregistrements visuels faisant état de crimes perpétrés d'une manière particulièrement brutale et féroce. L'ensemble de cette documentation a été transmis au procureur du tribunal constitué en application de la résolution 808 du conseil de sécurité et chargé de juger les individus responsables de violations graves du droit humanitaire en Ex Yougoslavie.

    Avec cette démarche en deux temps (création d'une commission d'enquête, puis mise en place d'un tribunal pénal), le conseil de sécurité concrétisait pour la première fois sa volonté d'étendre son action à l'identification et à la répression des criminels de guerre.

    Un peu plus tard, une procédure identique fut engagée à propos des massacres perpétrés au Rwanda. Dans sa résolution 935 du 1e juillet 1994, il demanda au secrétaire général de constituer d'urgence une commission d'enquête chargée de réunir des éléments de preuve « concernant les violations graves du DIH, y compris d'éventuel acte de génocide ». La commission fut créée, et elle adopta deux rapports qui furent transmis au TPIR.

    Ce qui est intéressant ici c'est que ces commissions d'enquête ont été constituées en vertu de la seule autorité du conseil de sécurité, sans que l'accord des belligérants n'ait été suscité.

    · L'action de la commission des droits de l'Homme

    Parmi les tentatives d'intégration du droit humanitaire au sein des activités des Nations Unies, l'oeuvre de la Commission des droits de l'homme est certainement la plus développée. La Commission des droits de l'homme est un organe subsidiaire du Conseil économique et social. Elle a été créée en 1946 en application de l'article 68 de la Charte.

    Les fonctions de la Commission sont essentiellement de trois ordres. C'est elle qui élabore des rapports, des recommandations et des projets d'instruments internationaux à l'intention de l'assemblée générale et du conseil économique et social. Elle assiste aussi ce dernier dans son travail de coordination des activités onusiennes relatives aux droits de l'homme. Enfin, la part la plus importante de son activité actuelle consiste à créer et à faire fonctionner des mécanismes de protection des droits de l'homme. C'est dans ce cadre que la Commission a su développer progressivement plusieurs procédures d'établissement des faits, destinées à entretenir ses débats annuels. Il en est ainsi des enquêtes menées sur les violations des droits de l'homme en relation avec des conflits armés internes notamment au Liberia et en Sierra Leone. Certaines de ces procédures ont été mises en place pour examiner en général la situation des droits de l'homme dans des régions particulières. C'est ainsi qu'en 1997 les pays faisant l'objet d'une procédure publique devant la Commission étaient au nombre de seize, dont le Burundi, le Cambodge, la RDC, le Rwanda, la Somalie, le Soudan... D'autres, au contraire traitent de thèmes spécifiques en étudiant tous les pays du monde. Les organes ainsi établis sont de nature variée. Tantôt individuels, tantôt collectifs, ils peuvent être indépendants ou intergouvernementaux.

    L'extension du droit humanitaire aux instances de l'ONU se double d'un développement similaire à l'échelle régionale.

    L'apport des systèmes régionaux de protection des droits de l'homme

    A l'instar de ce que nous avons déjà constaté dans le cadre de l'ONU, le droit humanitaire s'intègre encore, au niveau régional, au domaine de la sécurité collective. Toutes les instances internationales reconnaissent aujourd'hui qu'on ne peut se désintéresser du comportement des acteurs d'un conflit armé, sans risquer de voir ce conflit s'étendre à des régions encore en paix. Au sein des organisations régionales que sont le Conseil de l'Europe, l'Union africaine et l'Organisation des Etats américains, une commission indépendante de leurs Etats membres, chargée spécialement de la promotion et de la protection des droits de l'homme dans leur région respective a été constituée. Ces commissions ont entre autres pour fonction d'enquêter sur le comportement d'Etats soupçonnés d'infractions aux droits de l'homme.

    Ces commissions ont une compétence limitée au domaine d'application des instruments auxquels elles doivent leur existence. Leur approche est donc en principe celle des droits de l'homme, quelque soit le contexte dans lequel elles exercent leur contrôle. Ne faisant que rarement une distinction, du point de vue de leur analyse de fond, entre les situations de paix et celles de guerre, elles n'envisagent presque jamais d'utiliser le droit humanitaire à l'appui de leurs activités. Cette possibilité n'est pourtant pas absolument exclue à la lecture des textes conventionnels. En intégrant le droit humanitaire à leurs références juridiques, ces procédures le feraient bénéficier de leur expérience en matière d'établissement des faits et de leur relative efficacité. Il vaut dés lors la peine de chercher sur quel fondement juridique une telle évolution pourrait être consacrée. Nous traiterons de l'apport du Conseil de l'Europe et les potentialités de l'Union africaine.

    · L'apport du Conseil de l'Europe

    Si l'on se penche sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), il semble que cet instrument ne prévoit pas d'autres violations que celles de ses propres dispositions, lorsqu'il détermine la compétence matérielle de la commission qu'il institue. Il parait donc normal de conclure que le contrôle DIH ne fait pas partie des fonctions de cette dernière.

    Cette réalité n'est cependant pas absolument immuable. La doctrine dans sa majorité soutien en effet que la compétence matérielle de la commission peut être élargie. Pour soutenir cette affirmation, il faut se référer à l'art. 15 de la CEDH qui fixe quelques unes des conditions que doivent respecter les Etats, lorsqu'ils veulent adopter, en cas d'urgence, des mesures dérogatoires. En particulier ces mesures doivent rester conformes aux «autres obligations découlant du droit international». Parmi celles-ci, il est légitime d'admettre que figurent celles qui relèvent du DIH. Celui-ci a été créé en effet pour s'appliquer précisément dans les situations envisagées par l'art. 15 de la CEDH. Si ces situations, à cause de leur gravité, justifient une suspension de certains principes des droits de l'homme, c'est que bien souvent, le seuil minimum d'applicabilité du droit des conflits armé est atteint. De plus, les Conventions de Genève rappellent d'emblée que leurs dispositions doivent être respectées «en toutes circonstances».

    Il serait donc juridiquement faux de prétendre que les «autres obligations découlant du droit international», que préserve l'art. 15, n'incluraient pas le DIH. Ainsi il faut admettre qu'en veillant au respect de l'art. 15 paragraphe 1 de la CEDH, les organes du système européen des droits de l'Homme sont habilités à contrôler le comportement des Etats vis-à-vis des normes humanitaires.

    Malgré cette argumentation, il faut se rendre à l'évidence que ces organes ne manifestent pas une volonté d'aller aussi loin dans leurs interprétations. Il est de ce fait fort improbable de les voir appliquer directement les conventions de Genève et leurs protocoles, en tant droit conventionnel.

    Par contre, il est intéressant de remarquer que dans l'affaire Irlande contre Royaume-Uni, la commission européenne a tenu compte des standards du droit humanitaire pour concrétiser l'interdiction prescrite par l'art. 3 de la CEDH. Tout en admettant que les conventions de Genève sont inapplicables en l'espèce, la Commission affirme que certaines de leurs normes peuvent «être pertinentes ici en ce sens qu'elles constituent l'expression des principes généraux du droit international quant au traitement des prisonniers en général ».

    La Commission ne se sert pas ici du droit humanitaire en tant que source juridique direct, mais elle s'y réfère pour les besoins de l'interprétation de l'art. 3, pour étayer simplement son argumentation.

    C'est donc par une pénétration progressive, plutôt que par une adjonction pure et simple, que le DIH profitera de la rigueur des mécanismes mise en oeuvre spécifiques aux droits de l'homme.

    · Les potentialités de l'Union africaine

    Quant à la Commission africaine des droits de l'Homme, il est beaucoup plus facile d'envisager quelles sont ses compétences en matière de DIH que dans le cas de son homologue européen. Même si la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) n'aborde pas directement cette question, elle est en revanche suffisamment explicite à ce sujet pour suggérer certaines déductions. Elle prévoit en effet que, dans l'exercice de son mandat, la commission «s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples (...)»64(*) et «qu'elle  prend aussi en considération, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Union africaine».65(*)

    Deux solutions s'offrent ainsi à la commission, au cas où elle envisagerait de se référer au droit des conflits armés pour qualifier le résultat de ses enquêtes. Elle le fera en vertu de l'art. 60 de la CADHP, si elle accepte d'interpréter largement la notion de droits de l'Homme en y intégrant le corpus juridique humanitaire. Dans le cas contraire, elle basera sa compétence sur l'art. 61 en considérant que les Conventions de Genève font parties «des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit» dont parle cette disposition. Cette interprétation s'impose d'autant plus que tous les Etats membres de l'UA ont adhéré à ces conventions.

    Le contrôle du respect du DIH à travers les différents mécanismes d'établissement des faits que nous venons d'analyser, doit permettre la répression des violations graves du DIH au niveau international.

    Paragraphe 2 : La répression internationale des violations graves du DIH

    Aujourd'hui le consensus s'est clairement dégagé dans la Communauté Internationale, sur la nécessité de poursuivre et de punir, en tant que criminels, les auteurs des graves infractions au droit des conflits armés.

    L'émergence de la prise de conscience collective de la nécessité de poursuivre et de punir, au niveau international, les crimes les plus graves perpétrés à l'encontre de la personne humaine et des populations civiles, remonte à la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, le 8 août 1945, le Tribunal militaire international de Nuremberg est institué pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par les Nazis. Le 19 janvier 1946, le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient était créé à Tokyo pour juger les responsables de la guerre du Pacifique. Ces juridictions auront contribué à jeter les bases du droit pénal international moderne, en définissant notamment les crimes contre la paix, les crimes de guerre et contre l'humanité et donner le signal de l'adoption, dans le cadre des Nations Unies, d'une base juridique nouvelle, intégrée dans des conventions internationales.

    Il convient donc d'analyser ici le cadre de répression des violations graves du DIH dans le contexte des conflits internes (A), ainsi que les obstacles à cette répression (B).

    A- Le cadre de répression des violations graves du DIH

    La répression des violations graves du DIH, passe nécessairement par l'établissement d'une juridiction pénale internationale, mais auparavant il faudra situer les responsabilités.

    La situation des responsabilités

    Il faut faire la distinction entre la responsabilité imputable à l'Etat ou aux groupes d'opposition armés, de la responsabilité pénale individuelle.

    La responsabilité de l'Etat et des groupes d'opposition armés pour les violations du DIH

    Plusieurs situations peuvent se présenter qui entraînent la responsabilité de l'Etat pour les violations du DIH qui lui sont attribuables. Il s'agit notamment de :

    «La responsabilité de l'État en ce qui concerne les violations commises par ses propres organes, y compris ses forces armées».

    Cette règle est une application particulière de la règle générale sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite, qui stipule qu'un État est responsable du comportement de ses organes66(*). Les forces armées sont considérées comme un organe de l'État, à l'instar de toute autre instance exerçant des fonctions exécutives, législatives ou judiciaires.

    L'application de cette règle générale d'attribution de responsabilité au DIH est reflétée dans les quatre Conventions de Genève, qui stipulent l'existence de la responsabilité de l'État, en plus de l'exigence de poursuivre les personnes qui commettent des infractions graves67(*). Le principe selon lequel la responsabilité des États existe en sus de la responsabilité pénale des individus est aussi réaffirmé dans le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels68(*).

    Il existe aussi de la jurisprudence à l'appui de cette règle. Le TPIY a considéré dans son jugement relatif à l'affaire Furundúija en 1998, comme dans son arrêt en appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, qu'un État était responsable du comportement de ses forces armées.

    Un État est aussi responsable des omissions commises par ses organes lorsqu'ils ont le devoir d'agir, comme dans le cas des commandants et autres supérieurs hiérarchiques qui ont la responsabilité d'empêcher les crimes de guerre et d'en punir les responsables. Ce principe est reflété à l'art. 2 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, qui dispose qu'un fait internationalement illicite peut consister «en une action ou une omission».

    Les États sont aussi responsables des actes commis par d'autres personnes ou entités qu'ils ont habilitées, conformément à leur droit interne, à exercer des prérogatives de puissance publique69(*). Cette règle se fonde sur l'idée que les États peuvent avoir recours à des entités paraétatiques, plutôt qu'à des organes de l'État, pour effectuer certaines activités, mais qu'ils n'échappent pas pour autant, ce faisant, à leur responsabilité en tant qu'État. Les États sont responsables des actes des sociétés ou des personnes privées qui sont employées par les forces armées pour accomplir des tâches qui incombent habituellement aux forces armées : les mercenaires ou les sociétés militaires privées sont des exemples de ces personnes ou entités.

    Un État peut aussi être tenu responsable des actes commis par des personnes ou des groupes qui ne sont ni ses organes, ni habilités, en droit national, à exercer des prérogatives de puissance publique, si ces personnes ou ces groupes agissent en fait sur les instructions ou les directives, ou sous le contrôle, de cet État.

    Dans l'arrêt rendu en appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, le TPIY a indiqué que le degré requis de contrôle de l'État pouvait être variable. Selon le Tribunal, le comportement d'une personne privée ou d'un groupe sans organisation militaire n'est attribuable à l'État que si des instructions spécifiques concernant ce comportement ont été données. Toutefois, le comportement des forces armées, milices ou unités paramilitaires subordonnées est attribuable à l'État si celui-ci exerce un contrôle «global». Selon le Tribunal, un tel contrôle existe lorsque l'État non seulement assure le financement, la formation et l'équipement de ce groupe ou lui apporte un soutien opérationnel, mais encore lorsqu'il joue un rôle dans l'organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe en question. Cependant, l'exigence du «contrôle global» ne va pas jusqu'à inclure «le fait pour l'État de donner des ordres spécifiques, ni la direction par l'État de chaque opération individuelle».

    Dans des cas où les groupes armés opèrent sur le territoire d'un autre État, le Tribunal a considéré que «des éléments de preuve plus complets et plus convaincants sont nécessaires pour démontrer que l'État exerce effectivement le contrôle des unités ou des groupes, non seulement par leur financement et leur équipement, mais aussi par une direction générale ou une aide à la planification de leurs actions».

    Comme l'indique le commentaire sur le Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, «c'est au cas par cas qu'il faut déterminer si tel ou tel comportement précis était ou n'était pas mené sous le contrôle d'un État et si la mesure dans laquelle ce comportement était contrôlé justifie que le comportement soit attribué au dit Etat».

    La responsabilité de l'Etat pour violation du DIH, est une responsabilité civile. Ce dernier est donc tenu de réparer intégralement la perte ou le préjudice causé. Ceci découle directement du principe juridique de base selon lequel toute infraction de la loi entraîne une obligation de réparer, ainsi que de la responsabilité de l'État à l'égard des violations qui lui sont attribuables.

    La pratique varie en ceci qu'elle fait parfois mention du devoir de réparation en termes généraux, tandis que dans d'autres cas elle mentionne des formes spécifiques de réparation, y compris la restitution, l'indemnisation et la satisfaction. Des réparations ont été fournies dans certains cas parce que le gouvernement reconnaissait sa responsabilité de réparer, et parfois parce qu'il reconnaissait qu'il devrait le faire. Cependant, en raison de la nature des conflits armés non internationaux, les procédures qui ont été instituées pour apporter réparation dans les conflits armés internationaux ne sont pas nécessairement pertinentes dans ce cadre. Dans un conflit armé non international, en particulier, les victimes subissent des violations à l'intérieur de leur propre État, et elles ont généralement accès aux tribunaux internes pour demander réparation conformément au droit interne.

    La possibilité pour une victime d'une violation du DIH de demander réparation à un État peut se déduire de l'art. 75, paragraphe 6 du Statut de la CPI, qui stipule que «les dispositions du présent article s'entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux victimes». L'art. 38 du Deuxième protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, qui mentionne expressément l'obligation de réparation des États, s'applique dans tous les types de conflit armé.

    Par ailleurs, les groupes d'opposition armés sont tenus de respecter le DIH et doivent opérer «sous la conduite d'un commandement responsable»70(*). On peut donc considérer qu'ils sont responsables des actes commis par leurs membres, mais les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. L'art. 14, paragraphe 3 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, tel qu'adopté provisoirement en première lecture en 1996, disposait que le fait que le comportement d'un organe d'un mouvement insurrectionnel ne devait pas être considéré comme un fait de l'État «est sans préjudice de l'attribution du comportement de l'organe du mouvement insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas où une telle attribution peut se faire d'après le droit international». Bien que cet article ait été supprimé par la suite, parce qu'il était considéré comme étranger à l'objet en discussion, le rapporteur spécial avait relevé que «la responsabilité de tels mouvements, à raison par exemple de violations du DIH, peut certainement être envisagée». Du fait de l'exclusion de ce sujet du projet d'articles, l'art. 10 se limite à affirmer que le comportement d'un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement doit être considéré comme un fait de cet État d'après le droit international.

    Outre la pratique qui indique l'obligation des groupes d'opposition armés de respecter le DIH, il existe quelques exemples d'attribution de responsabilité à des groupes d'opposition armés. Ainsi, dans un rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan, le rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que l'Armée populaire de libération du Soudan était responsable des meurtres et enlèvements de civils, pillages et prises en otage d'agents des organismes de secours commis par «des chefs militaires locaux issus de ses propres rangs».

    A l'instar des Etats, les groupes d'opposition armés doivent également réparer les préjudices causés par les violations du DIH.

    Il existe des exemples de pratique des Nations Unies à l'appui de l'obligation des groupes d'opposition armés de fournir des réparations appropriées. Dans une résolution sur le Libéria adoptée en 1996, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé «aux chefs des factions» d'assurer la restitution immédiate des biens pillés.

    Même si l'on peut faire valoir que les groupes d'opposition armés sont responsables des actes commis par leurs membres, les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. En particulier, la question de savoir dans quelle mesure les groupes d'opposition armés ont l'obligation de fournir des réparations complètes n'est pas claire, même si, dans de nombreux pays, les victimes peuvent engager une procédure civile pour préjudices subis contre les responsables.

    Outre la responsabilité des Etats et des groupes d'opposition armés, la responsabilité civile ou pénale individuelle pour violation des règles du DIH peut être engagé. Toutefois nous n'aborderons ici que la responsabilité pénale individuelle.

    La responsabilité pénale individuelle

    La responsabilité pénale individuelle pour les crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux a été explicitement incluse dans trois traités récents de DIH, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, le Statut de la CPI et le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels71(*). Il est implicitement reconnu dans deux autres traités récents : la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, qui exigent des États que les comportements interdits, y compris dans les conflits armés non internationaux, soient passibles de poursuites pénales72(*). Les Statuts du TPIR et du TSSL stipulent explicitement que les personnes physiques sont responsables pénalement pour les crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux73(*).

    Les procès de personnes accusées de crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux devant le TPIY et le TPIR confirment la responsabilité pénale des personnes physiques à l'égard de ces crimes. L'analyse faite par la Chambre d'appel du TPIY dans l'affaire Tadiæ en 1995 est à cet égard particulièrement pertinente; le Tribunal a conclu à cette occasion à l'existence d'une responsabilité pénale individuelle pour les crimes de guerre commis dans les conflits armés non internationaux.

    Les personnes physiques sont pénalement responsables non seulement lorsqu'elles commettent un crime de guerre, mais aussi lorsqu'elles tentent de commettre un tel crime, ainsi que lorsqu'elles apportent leur aide, leur concours ou toute forme d'assistance à la commission d'un crime de guerre. Elles sont aussi responsables si elles planifient ou incitent à commettre un crime de guerre74(*).

    Les comandants et autres supérieurs hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre commis sur leurs ordres. Cette règle est inscrite dans les Conventions de Genève ainsi que dans la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et dans son Deuxième Protocole, qui exigent des États qu'ils poursuivent non seulement les personnes qui commettent des infractions ou des violations graves, respectivement, mais aussi les personnes qui donnent l'ordre de les commettre75(*). Les Statuts de la CPI, des TPI pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL76(*).

    Pour ce qui est des actes accomplis par des subordonnés conformément à un ordre de commettre des crimes de guerre, il convient de distinguer deux situations. Premièrement, lorsque les crimes de guerre ont effectivement été commis, la pratique étatique est claire : les supérieurs sont responsables, comme l'affirme cette règle. Deuxièmement, lorsqu'il n'y a pas eu commission des crimes de guerre, mais seulement tentative, la pratique des États tend à indiquer qu'il y a aussi responsabilité des supérieurs. Le Statut de la CPI spécifie que la responsabilité des supérieurs hiérarchiques est engagée lorsqu'il y a commission ou tentative de crime77(*).

    Les commandants et autres supérieurs hiérarchiques sont aussi pénalement responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés s'ils savaient, ou avaient des raisons de savoir, que ces subordonnés s'apprêtaient à commettre ou commettaient ces crimes et s'ils n'ont pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en leur pouvoir pour en empêcher l'exécution ou, si ces crimes avaient déjà été commis, pour punir les responsables.

    Il faut préciser, que le fait d'obéir à un ordre d'un supérieur hiérarchique n'exonère pas le subordonné de sa responsabilité pénale s'il savait que l'acte ordonné était illégal ou s'il aurait dû le savoir en raison du caractère manifestement illégal de l'acte ordonné. La règle selon laquelle les ordres donnés par des supérieurs hiérarchiques ne peuvent exonérer la personne ayant commis un crime de sa responsabilité est affirmée dans les Statuts de la CPI, des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL78(*).

    Néanmoins, le fait d'obéir à des ordres peut être pris en considération pour atténuer la peine. Dans son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU sur le projet de Statut du TPIY en 1993, le Secrétaire général de l'ONU a évoqué la possibilité que l'obéissance à des ordres donnés par des supérieurs soit considérée comme une circonstance atténuante.

    Une fois les responsabilités pénales situées, il convient de faire juger les auteurs de violations graves du DIH par des juridictions pénales internationales.

    L'établissement d'une juridiction pénale internationale

    C'est à partir de 1993, que des juridictions pénales internationales vont voire le jour dans le cadre des conflits internes au cours desquelles allaient être commis les crimes les plus graves depuis la seconde guerre mondiale, sur les territoires de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. Le 1e juillet 2002, ce fut l'entrée en fonction symbolique de la CPI. Toutefois, L'éloignement excessif des tribunaux ad hoc et de la CPI n'offrant en effet pas la meilleure garantie de réconciliation nationale sur le terrain, a récemment conduit à la mise sur pied de juridictions mixtes.

    Les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda

    En l'absence d'une juridiction pénale internationale permanente, le Conseil de sécurité crée, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l'«action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression», deux tribunaux ad hoc. Le 25 mai 1993, la résolution 827 instituait le TPIY, avec pour mission de poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international sur ce territoire depuis le 1er janvier 1991. Le 8 novembre 1994, la résolution 955 créait le TPIR, chargé de poursuivre les personnes responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du DIH commis sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire des Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre1994.

    C'est l'ampleur des crimes perpétrés - avec, d'un côté, plus de deux cent mille morts, des dizaines milliers de réfugiés et de disparus, l'épuration ethnique et les viols érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie et, de l'autre, la liquidation physique systématique de près d'un million de Rwandais en raison de leur appartenance ethnique ou de leur opposition au régime en place - qui a, dans les deux cas, contraint la communauté internationale à l'action.

    Les deux tribunaux ont été créés par une décision politique, pour rechercher et punir les individus responsables des crimes, quelles qu'aient été leurs fonctions à l'époque des faits. Leur existence est limitée tant dans le temps - 2008 étant la date théorique prévue par les Nations Unies pour mettre un terme à l'action de ces tribunaux - que dans l'espace et tous deux ont une primauté sur les juridictions nationales des pays concernés et sur celles de tout autre Etat.

    Le TPIY et TPIR ont une procédure identique :

    Le Procureur ouvre une information d'office ou «sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources». Il est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instructions. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte d'accusation. L'acte d'accusation est transmis à un juge d'une chambre de première instance.

    S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi décerne sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats d'arrêts, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.

    Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal international, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal international.

    La Chambre de première instance prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues de violations graves du DIH.

    La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est établie par écrit et motivée, des opinions individuelles ou dissidentes pouvant y être jointes.

    Malgré les obstacles rencontrés dans leur fonctionnement (lenteur de procédure, encombrement du greffe, arrestation difficile des inculpés...), les TPI se sont imposés comme des organes juridictionnels vivants et opérationnels. Le fait que le 24 mai 1999, pour la première fois dans l'histoire, un chef d'Etat en activité, Slobodan Milosevic, ait été mis en accusation pour les crimes commis au Kosovo par le TPIY, en est un exemple. En montrant qu'une justice pénale universelle était possible et faisable, ils ont d'une certaine façon aidé à la mise en oeuvre d'un organe judiciaire plus permanent à savoir la CPI.

    La Cour pénale internationale

    Les négociations en vue de la création d'une CPI permanente ayant compétence à l'égard des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, ou qu'ils aient été commis, ont débutées en 1994 et ont aboutit à l'adoption du Statut de la CPI en juillet 1998 à Rome, lequel Statut est entré en vigueur le 1e juillet 2002.

    La nouvelle juridiction permanente à vocation universelle est l'émanation d'un traité multilatéral et est donc indépendante des Nations Unies, même si, en application de l'article 2 de son statut, elle est liée à celles-ci par un accord approuvé par l'Assemblée des Etats-parties lors de sa première session de septembre 2002.

    · Les domaines de compétence de la Cour

    Les domaines de compétence de la CPI touchent les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes de guerre 79(*)commis à partir du 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur de son statut. Une définition consensuelle du crime d'agression par l'ensemble des Etats n'ayant pas été trouvée lors des négociations du statut de la Cour, c'est à une commission préparatoire qu'a été confiée la mission de la consigner dans un article, qui devrait être adopté par la suite par le biais d'un amendement.

    Toute personne âgée de dix-huit ans révolus lors des faits incriminés peut théoriquement être poursuivie et, ce, indépendamment de son statut et des fonctions occupées : aucune exonération de responsabilité pénale n'est en effet prévue pour des actions menées dans le cadre de responsabilités officielles (chef d'Etat ou de gouvernement, membre d'un gouvernement ou d'un parlement, etc.). Selon le statut, cette compétence ne saurait s'exercer que si l'Etat sur le territoire duquel un crime a été commis ou dont le responsable du crime est ressortissant, est partie au Traité. Cependant, au cas où une situation est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité, en cas de menace ou d'atteinte à la paix et à la sécurité internationale, aucune condition préalable n'est exigée et la Cour est toujours compétente.

    Un Etat qui n'est pas partie au Statut peut, par déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence.

    · Les modes de saisines de la Cour

    Trois modes de saisine de la Cour sont prévus par le statut :

    - tout Etat partie peut déférer au Procureur une situation dans la quelle un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;

    - le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ; dans ce cas il doit obtenir une autorisation de la Chambre préliminaire pour ouvrir une enquête ;

    - enfin, le Conseil de sécurité des Nations unies peut également déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis.
    C'est sur cette base d'ailleurs que le conseil de sécurité va exercer pour la première fois son pouvoir de saisine en déferant au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002, par la résolution 1593, adoptée le 31 mars 2005, par 11 voix pour et les absentions de l'Algérie, du Brésil, de la Chine et des Etats-Unis.

    · La procédure devant la Cour

    Trois phases peuvent être distinguées dans la procédure devant la Cour : l'enquête, la confirmation des charges, le procès.

    - L'enquête

    La décision d'ouvrir une enquête est prise, sous le contrôle de la chambre préliminaire, par le Procureur, qui peut également conclure qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des poursuites. Le Procureur «enquête tant à charge qu'à décharge». Il peut notamment recueillir et examiner des éléments de preuve, convoquer et interroger des personnes faisant l'objet d'un enquête, ainsi que des victimes et des témoins, demander la coopération de tout Etat ou organisation ou dispositif gouvernemental.

    Il est possible de voir dans cette disposition une influence des systèmes juridiques latins. Ce contrôle interne des poursuites paraît légitime. Compte tenu de la gravité des infractions à l'égard desquelles la Cour aura compétence, l'ouverture des poursuites peut difficilement être laissée à la discrétion d'une seule autorité.

    La chambre préliminaire est appelée à prendre les principales décisions pendant l'enquête. Ainsi, lorsqu'il souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative, le Procureur doit obtenir l'autorisation de la chambre préliminaire.

    De même, lorsqu'il considère qu'une enquête offre l'occasion, qui ne se représentera pas par la suite, de recueillir un témoignage ou une déposition, ou d'examiner, recueillir ou vérifier des éléments de preuve aux fins d'un procès, le procureur en avise la chambre préliminaire, qui peut alors prendre toutes mesures propres à assurer l'efficacité et l'intégrité de la procédure, en particulier nommer un expert ou prendre toute mesure nécessaire pour recueillir ou préserver les éléments de preuve.

    La chambre préliminaire peut délivrer les mandats nécessaires aux fins d'une enquête, autoriser le Procureur à prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat partie sans s'être assuré la coopération de cet Etat lorsque celui-ci est incapable de donner suite à une demande de coopération.

    A tout moment, après l'ouverture d'une enquête, la chambre préliminaire peut délivrer sur requête du procureur, un mandat d'arrêt contre une personne.

    - La confirmation des charges

    L'art. 61 du statut prévoit que «dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour ou sa comparution volontaire, la chambre préliminaire tient une audience pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement». Cette audience peut se tenir en l'absence de l'intéressé, notamment lorsqu'il a pris fuite.

    Au cours de l'audience, le Procureur étaye chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour établir l'existence de raisons sérieuses de croire que la personne a commis le crime qui lui est imputé.

    A l'issue de l'audience, la chambre préliminaire peut confirmer les charges et renvoyer la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée, ne pas confirmer les charges, enfin ajourner l'audience en demandant au Procureur d'apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de modifier une charge.

    - Le procès

    Le procès se déroule publiquement devant une chambre de première instance en présence de l'accusé. La chambre de première instance peut prononcer le huis clos, notamment pour protéger la sécurité des victimes et des témoins ou pour protéger des renseignements confidentiels ou sensibles donnés dans des dépositions.

    L'accusé a la possibilité de plaider coupable. Dans ce cas, si la Cour est convaincue que l'accusé comprend la nature et les conséquences de l'aveu, qu'il a fait cet aveu volontairement, qu'enfin cet aveu est étayé par les faits de la cause, elle peut reconnaître l'accusé coupable du crime. Dans le cas contraire, elle ordonne que le procès se poursuive selon les procédures normales.

    Le statut contient des règles relatives à l'administration des personnes, à la protection et à la participation au procès des victimes et des témoins, à la protection de renseignements touchant à la sécurité nationale.

    L'art. 74 prévoit que les juges s'efforcent de prendre leur décision à l'unanimité, faute de quoi ils la prennent à la majorité. La décision est présentée par écrit et contient l'exposé complet et motivé des constatations de la chambre de première instance sur les preuves et les conclusions. S'il n'y a pas d'unanimité, la décision contient les vues de la majorité et de la minorité.

    Les difficultés rencontrées par la CPI, notamment son éloignement, ont récemment conduit à la mise sur pied de juridictions mixte.

    Les juridictions mixtes

    L'objectif recherché à travers ces juridictions est d'impliquer la justice nationale, sous supervision internationale. Cela permettrait la reconnaissance symbolique pour les victimes des crimes commis et l'acceptation de leurs souffrances; selon les experts, ce nouveau «modèle» de tribunal mixte devrait en outre permettre de rendre une justice plus rapide, plus efficace et moins coûteuse.

    C'est au Sierra Leone qu'a été pour la première fois inaugurée cette formule originale. Répondant à une demande du gouvernement sierra-léonais de juin 2000, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1315, a demandé à l'ex secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, d'engager des négociations avec ce dernier afin de mettre sur pied un tribunal spécial pour la Sierra-Leone, chargé de juger les «principaux responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra léonais commis depuis le 30 novembre 1996».

    Ce tribunal, officiellement créé en juillet 2002 à la suite d'un accord intervenu entre les Nations Unies et les autorités nationales et ratifié par le Parlement, fait partie du système judiciaire sierra-léonais. Il reçoit néanmoins un fort soutien international, via un « Management Committee » qui réunit les représentants de nombreux Etats, dont le Nigeria voisin et les Etats-Unis. En vertu de l'accord, le Secrétaire général des Nations Unies a nommé cinq juges sur les huit que comptent les deux chambres, de même que le procureur - le procureur adjoint et les trois autres juges étant quant à eux désignés par les autorités gouvernementales. Quoiqu'il soit encore trop tôt pour juger du bilan de ce tribunal spécial, on notera qu'une quinzaine de personnes ont d'ores et déjà été inculpées par le procureur.

    Au Cambodge, où plus du quart de la population a été décimée sous les Khmers rouges entre 1975 et 1979, des négociations difficiles ont débuté avec les Nations Unies dès 1999 pour trouver une formule permettant de juger leurs auteurs par la justice nationale, avec une implication forte de la communauté internationale. Après le rejet par le gouvernement de la création d'un tribunal international, au motif que celui-ci constituerait une atteinte inadmissible à sa souveraineté, un accord est enfin trouvé avec les Nations Unies en mars 2003 portant création de «chambres extraordinaires» qui doivent être mises sur pied par une loi cambodgienne et être intégrées aux tribunaux existants. Là aussi est prévue une mixité d'origine des juges au sein des deux chambres extraordinaires - chambre de première instance et chambre de la Cour suprême (au total cinq juges internationaux choisis sur une liste de sept noms proposée par le Secrétaire général des Nations Unies et sept Cambodgiens) - de l'accusation et de l'administration.

    Chapitre II : Un système de protection en quête d'effectivité

    Qui oserait nier que les personnes fragiles par nature ont terriblement souffert au cours des innombrables guerre que le monde a connues depuis 1945, que des mauvais traitements ont été infligées à différentes catégories de captifs, que ce soit le fait de régimes tyranniques ou d'individus incontrôlées, et que différents actes de guerre ont non seulement provoqué des pertes en vies humaines et des destructions de bien, mais ont également fait voler en éclats l'espoir et la foi en un monde meilleur ? Un grand nombre de ces horreurs auraient pu être évitées si le droit humanitaire en vigueur avait été respecte par toutes les parties.

    La violence du contraste entre le foisonnement de dispositions normatives et le comportement des hommes ne peut donc échapper à un observateur objectif. Le fossé entre le droit et la réalité parait plus important que ce ne soit généralement le cas, même dans le domaine du droit international. Nous devons nous demander franchement pourquoi il en est ainsi. Il ne pourra pas être dit que le droit humanitaire est trop difficile à appliquer, car nous avons vus qu'il s'agit d'un droit pragmatique qui tient compte des réalités militaires. Ce qui est clair, cependant, c'est que, bien qu'il prévoie des méthodes de mise en oeuvre spéciales, celles-ci n'ont pas été suffisamment appliquées. D'où l'existence d'un système de protection déficient (Section 1) qui nécessite impérativement des correctifs tant du point de vue juridique que dans le cadre de l'application (Section 2).

    Section 1 : Un système déficient

    Cette déficience remarquée s'analyse tant du point de vue juridique c'est-à-dire au niveau des textes garantissant la protection (Paragraphe 1) que du point de vue de la pratique c'est-à-dire dans l'application de cette protection (Paragraphe2).

    Paragraphe 1 : Les lacunes d'ordre juridique

    Elles se manifestent tout d'abord par la rigidité des textes assurant la protection (A) mais également par l'insuffisance des dispositions consacrées aux personnes fragiles par nature (B).

    A- La rigidité des textes assurant la protection

    La pratique montre que la mise en oeuvre du droit international humanitaire s'accommode mal de mécanismes rigides. Au contraire, ce sont les procédures les moins contraignantes qui paraissent avoir permis les succès les plus probants dans ce domaine. Le rôle accru joué par le C.I.C.R. au l'action modératrice d'un tiers, étranger aux objectifs de cours des années, particulièrement lors des conflits armés non internationaux, en est la démonstration, comme il démontre que «la lutte et aux impératifs du combat», reste indispensable. Il serait erroné, cependant, d'en tirer la conclusion que l'argumentation strictement juridique doit être écartée. Bien au contraire, elle doit rester présente dans le cadre d'une telle action, parce qu'elle la situe et place le débat à son véritable niveau. L'expérience démontre toutefois qu'elle n'est pas suffisante. Dans un monde sans véritable tribunal ou force supranationaux, la persuasion fondée sur l'honnêteté, la neutralité et l'efficacité constituent probablement l'arme essentielle de ceux qui veulent contribuer à la mise en oeuvre du droit international humanitaire. Le succès de cette branche du droit international -- indiscutable même s'il est relatif -- est dû pour une très grande part au fait qu'elle est utile à chacun et qu'elle reste en dehors de la querelle politique. Quiconque prétend jouer un râle dans sa mise eu oeuvre ne saurait oublier cette donnée. On a souvent insisté, et à juste titre, sur l'importance de l'art. 1er des quatre Conventions, repris à l'art. 1er, § 1 du PA I, selon lequel «les Hautes Parties Contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention [le présent Protocole] en toutes circonstances». Cette disposition s'est révélée riche en potentialités. Elle est complétée dans le PA I par l'art. 80 «Mesures d'exécution». En revanche, on ne trouve pas trace d'une telle disposition dans le PA II. On peut se demander s'il s'agit d'une omission volontaire ou bien si une référence implicite est susceptible d'être dégagée du texte.

    Les Conventions et les Protocoles contiennent aussi des dispositions concernant la diffusion de leurs stipulations ainsi que l'institution de conseillers juridiques dans les forces armées (art. 82 du PA II).

    Le système de la puissance protectrice (art. 8 Convention I et articles analogues dans les autres Conventions) (avait suscité de grands espoirs. Le commentaire publié sous la direction de J. Pictet souligne la nouveauté des dispositions adoptées en 1949, l'art. 8 renforçant «le contrôle d'une saine application de la Convention, et par conséquent l'efficacité de celle-ci». L'expérience n'a cependant pas vérifié cette prédiction et le recours à la puissance protectrice est demeuré extrêmement limité. Il est pourtant toujours prévu dans le PA I à l'art. 5. Certains Etats avaient même proposé un renforcement de cette institution pour lui donner plus d'efficacité. Ainsi l'Egypte, comme l'a rappelé le professeur Ashmaoui, avait suggéré plusieurs amendements. En revanche, le système de la puissance protectrice n'est pas mentionné dans le PA II. Une autre innovation a été introduite dans le PA I à l'art. 90 qui instaure une Commission internationale d'établissement des faits. Celle-ci devait rendre plus efficaces les dispositions succinctes en matière d'enquête prévues dans les Conventions de 1949. La procédure est réglementée de manière très détaillée. La Commission devait être constituée lorsque vingt Hautes Puissances contractantes au moins auraient accepté sa compétence. Elle est maintenant entrée en fonction, mais jusqu'à présent elle n'a jamais été saisie par une partie contractante ou une partie au conflit. Ses membres déploient actuellement des trésors d'ingéniosité pour essayer de débloquer la situation et de donner vie à ce mécanisme. Récemment, le 15 octobre 1999 lors du colloque du CREDHO qui s'est tenu à Rouen sur le thème : «Un siècle de droit humanitaire», le professeur Luigi Condorelli, membre de la CIEF, a expliqué avec beaucoup d'enthousiasme, mais aussi de réalisme, les efforts déployés par la CIEF pour que les Etats s'intéressent à cette institution. Celle-ci pourrait en effet rendre de grands services, la constatation des faits constituant souvent une étape capitale dans le processus de contrôle ou de répression des violations du droit en général et du droit international humanitaire en particulier.

    Les Conventions de Genève contiennent aussi des dispositions bien connues, mais peu ou mal utilisées, concernant la répression pénale (art. 49 et suivants de la 1ère Convention et articles analogues pour les autres Conventions, ainsi que les art. 85 et s. du PA I) . Ces mécanismes (infractions graves et autres infractions) reposent sur les Etats, même si la possibilité d'une Cour pénale internationale avait été envisagée en 1949. Ils visaient à établir l'universalité de la juridiction pour les violations graves et l'universalité de la répression. Les discussions actuelles à propos de la compétence universelle, montrent que le résultat est loin d'avoir été atteint. Le président Sommaruga a rappelé que pour le CICR la compétence universelle est reconnue dans les Conventions de Genève. Mais les Etats hésitent à exercer cette compétence et il demeure des ambiguïtés sur le sens exact à attribuer à cette notion. En France, par exemple, il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet dans les milieux juridiques, politiques et humanitaires, au moment de l'adoption de la loi prise pour l'application et la mise en oeuvre de la résolution du Conseil de sécurité relative à la création du Tribunal international pour le Rwanda.

    A cela s'ajoute l'insuffisance des textes assurant la protection des personnes fragiles par nature.

    B- L'insuffisance des dispositions assurant la protection

    Même si plusieurs dispositions dans le corpus des normes du DIH ont été consacrées à la protection spéciale des femmes et des enfants, force est de reconnaitre que celles-ci demeurent insuffisantes compte tenu des besoins spécifiques de ces derniers en temps de conflit armé. En effet, la vulnérabilité de ces personnes est telle qu'il faudrait penser à tout bout de champ accroitre les mesures visant à les protéger car des centaines de milliers d'enfants sont associés aux forces armées ou aux groupes armés dans des conflits armés dans plus de 20 pays à travers le monde. Filles et garçons sont utilisés de diverses manières, depuis des rôles annexes, comme la cuisine ou le portage, jusqu'au combat actif, à poser des mines ou espionner, tandis que les filles sont souvent utilisées à des fins sexuelles.

    Cette utilisation impitoyable et brutale des enfants viole leurs droits et leur cause un préjudice physique, de développement, affectif, mental et spirituel. Il faut chercher en tout temps à obtenir la libération, la protection et la réintégration des enfants enrôlés ou utilisés par les forces ou les groupes armés, même pendant un conflit armé. Tous les acteurs humanitaires et des droits de l'homme doivent prendre des mesures de prévention dès le début des opérations humanitaires, d'une manière coordonnée et stratégique. De plus, les femmes subissent les atrocités des plus inimaginables, surtout lorsqu'elles sont en couche ou mères d'enfant de bas âge. Nous estimons que ce phénomène est du non seulement par la carence des mesures de protection qui ne prennent pas toujours en compte l'ensemble des besoins spécifiques de ces personnes fragiles.

    Par ailleurs, cette insuffisance est d'autant plus remarquée du point de vue des mesures répressives aux violations éventuelles des garanties accordées aux personnes fragiles. En effet, les violations qualifiées de crimes de guerre sont insuffisantes par rapport aux atrocités que peuvent subir ces personnes surtout lorsqu'elles sont aux mais de l'ennemi. Toutes ces considérations ne font que rendre le système de protection déficient.

    A coté de ces obstacles juridiques, on note également la présence des lacunes relevées dans la pratique.

    Paragraphe 2 : Les obstacles d'ordre pratique

    Ils se situent d'une part au niveau de la défaillance remarquée dans l'application des garanties de protection (A) et d'autre part dans l'observance des violations répétées de ces garanties (B).

    A- La timide application des normes de protection

    Le point faible du Droit international humanitaire dans l'opinion publique réside dans son peu d'efficacité : les violations graves des règles les plus élémentaires du droit humanitaire sont légion et chaque année de nouveaux conflits s'ajoutent aux conflits anciens qui se poursuivent ou resurgissent (en 1999 : Kosovo, Timor oriental et Tchétchénie, par exemple). Ce point de vue pessimiste est partagé par les juristes les plus avertis. Selon Eric David, « le droit des conflits armés... est probablement la branche la moins respectée, et par conséquent aussi la plus théorique, sinon la plus utopique du droit international et même du droit tout court ! ».80(*) Et il consacre tout un chapitre à la question : « Pourquoi le droit des conflits armés est-il si souvent violé ? ». Quant à Luigi Condorelli, il affirme « La vérité est que le droit international humanitaire existant refuse d'organiser efficacement sa propre mise en oeuvre. La vérité est que la communauté internationale, au-delà d'éventuelle mesures sélectives et au coup par coup, refuse de s'acquitter de façon systématique du devoir d'assurer le respect des règles humanitaires».

    Il n'entre pas dans notre propos de répondre à ces interrogations, d'approuver ou de désapprouver de telles appréciations, mais il convient d'en tenir compte car elles sont révélatrices des difficultés que rencontre le droit international humanitaire. On lui reproche, ou du moins on peut lui reprocher, de s'être trop préoccupé de définir et de poser des règles de comportement pour les parties à un conflit afin d'essayer d'humaniser la guerre, selon le message d'Henry Dunant, bouleversé par le spectacle de la bataille de Solférino, et d'avoir négligé les mesures à prendre afin d'assurer le respect effectif de ces règles. Pourtant le CICR s'est toujours préoccupé d'améliorer l'observation des prescriptions du DIH. Les Conventions de Genève de 1949 et les PA de 1977 contiennent en effet des dispositions, certes limitées, mais qui ont le mérite d'exister. Malheureusement, ces mécanismes ont mal fonctionné parce qu'ils n'ont pas été utilisés ou ne l'ont pas été suffisamment. Toutefois, certaines évolutions récentes autorisent un certain optimisme et permettent d'insuffler une nouvelle vigueur aux mécanismes destinés à assurer le respect des principes et des règles du droit international humanitaire.

    La conséquence majeure liée à la défaillance observée dans la cadre de l'application des garanties fondamentales de protection constitue nécessairement les violations répétées de celles-ci.

    B- Les violations répétées des garanties fondamentales de protection des personnes fragiles

    Il peut découler du contexte de conflit armé, favorable à leur violation mais aussi de facteurs sociologiques tel que la formation de l'agent susceptible de favoriser de tels comportements.

    Le conflit armé : un contexte favorable aux violations des règles humanitaires

    Il semble que les conflits armés favorisent « per se » des comportements illicites, induisent chez les acteurs de tout repère sur les limites du permis et de l'interdit favorisent des comportements psycho-pathologique. En effet, le conflit armé est situation de chaos, désordre et de confusion telle que toute règle semble abolie et ou il devient difficile pour les acteurs de conserver le sens du permis ou de l'interdit et de situer les repères juridique qu'ils aperçoivent d'ordinaire parfaitement dans leur vie quotidienne en temps de paix. Comme l'écrit C.R. Browning : «la guerre a toujours été génératrice d'atrocité. Les haines de guerre provoquent des crimes de guerre. Dans le fait même d'envoyer des hommes armés tuer d'autres hommes armés, il y a déchaînement de la violence qui risque de mettre en lambeau le tissu fragile des convictions et des règles censées humaniser les champs de bataille.»

    La guerre est donc fondamentalement criminogène. P. Meney, un journaliste français qui a essayé de comprendre l'itinéraire d'un soldat libanais ayant commis les pires atrocités au cours des conflits qui ont déchirer son pays entre 1975 et 1990, «L'homme hésite à abattre les lois séculaires garantissant la convivialité. Mais dès que l'obstacle est franchi, tout va très vite. Plus rien ne le censure. Le processus de régression n'est qu'une question de temps : celui nécessaire à la chute des conventions sociales et morales. Ainsi abandonne- t- on son bagage de civilisation.»81(*)

    Par ailleurs, le risque de violation semble aussi directement proportionnel à la durée de la lutte et à la résistance de l'adversaire : plus celui-ci résiste et plus la tentation est grande de recourir à tous les moyens, y compris des méthodes et des moyens illicites, pour en parvenir à bout. Ainsi s'explique la transformation d'une guerre dite «propre » en une guerre «sale» ou en une guerre totale.

    Aussi des facteurs sociologiques subit par l'agent peuvent expliquer le non respect des du droit humanitaire.

    Ø Les facteurs sociologiques : la formation, phénomène pouvant prédisposer le combattant à des violations du droit humanitaire

    Parmi ces facteurs sociologiques il faudrait citer celui subit par l'agent : sa formation.

    En effet, à l'origine des violations du droit des conflits armés, il peut y avoir une formation ou une éducation de leur auteur susceptible de favoriser un tel comportement. Cette formation peut résider dans l'éducation générale de l'auteur ou dans une formation spécifique.

    S'agissant de l'éducation général, et parmi les facteurs éducatifs qui peuvent prédisposer à la violation du droit des conflits armés, on retiendra d'une part l'apprentissage de l'obéissance, d'autre part la culture du mépris de l'autre.  En effet ne faut-il pas voir dans les vertus d'obéissance militaire si jalousement cultivées par la plus part des armées, ou le soldat doit exécuter les ordres sans pouvoir les discuter, une entreprise d'infantilisation des hommes?

    Lors des procès faits aux criminels de guerre à l'issue de la 2e GM, un des moyens de défense le plus souvent invoqué par les accusés pour justifier les faits qui leur étaient imputés était l'excuse de l' ordre supérieur. Si juridiquement cette exception n'a guère de succès, il demeure que la propension d'un individu à l'obéissance peut expliquer, sans les justifier, les abominations qu'il commet. L'obéissance et le milieu ne sont cependant qu'un facteur d'explication, parmi d'autres des violations du droit des conflits armés.

    La culture du mépris ou du rejet de l'autre, de l'étranger ou de toute forme d'altérité s'observe fréquemment dans les phénomènes de violation du droit des conflits armés.

    Par ailleurs l'appartenance à un groupe, la cohésion interne de ce groupe, la haute estime qu'il a de lui-même, et par opposition, sont autant d'éléments qui dans une situation de violence grave telle qu'une guerre favorise les violations du droit des conflits armés commises à des gens qui sont non seulement extérieurs au groupe, mais qui en outre, en sont les adversaires déclarés. Le brevet de supériorité que le groupe se décerne et l'infériorité corrélative dans laquelle il tient l'ennemi abouti à dévaluer ce dernier, à le réifier et le déshumaniser, celui-ci n'est plus vraiment une créature humaine, c'est un animal nuisible qu'il faut supprimer, une maladie qu'il faut éradiquer.

    S'agissant d'autre part de la formation spécifique, et comme on a l'habitude de dire, «on ne naît pas violent, inhumain, ou (tortionnaire, on le devient)». La formation du tortionnaire vise à modifier complètement sa personnalité, à le déstructurer en quelque sorte afin de lui inculquer de nouvelles valeurs au nom desquelles il sera prêt à faire tout ce qu'on lui demande.

    Comte tenu de l'impact de ces insuffisances et lacunes constatées dans la mise en oeuvre de la protection des personnes fragiles par nature, il s'impose la tâche fondamentale de redynamiser leur protection dans le but de le rendre plus effectif voire efficace.

    Section 2 : Pour une redynamisation de la protection des personnes fragiles par nature

    Au regard de la multiplicité des règles conçues et édifiées par le droit humanitaire pour limiter les souffrances que peuvent endurer les populations civiles et les personnes fragiles lors des conflits armés, notamment en essayant de mettre en place un système de protection adapté, il s'avère nécessaire de reconnaitre et de louer les efforts qui ont été déployés dans ce sens. Toutefois si on opère une analyse critique du bilan de la mise en oeuvre de cette protection et une certaine synthétisation des résultats fournis, force est de constater que le système de protection est à reconsidérer et a améliorer dans le but de rendre plus effectif et plus efficace la protection des personnes fragiles par nature lors des conflits armés. Nous estimons de ce point de vue que cela doit nécessairement passer par un renforcement de la spécificité de la protection (Paragraphe1) mais aussi par une meilleure coordination de l'action des acteurs dans la mise en oeuvre du système de protection (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Un renforcement de la spécificité de leur protection

    Pour mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes fragiles par nature, le DIH se doit d'accroître et de renforcer la spécificité de la protection aussi bien pour les femmes (A) que pour les enfants (B).

    A- Pour les femmes

    Les améliorations à la protection offerte aux femmes par le droit international humanitaire devraient être fondées sur l'observation des conséquences de la guerre sur les femmes dans un vaste éventail de situation et de conflits, tant civils qu'internationaux82(*).Les opinions divergent de façon considérable quant à ce que le droit peut offrir en fait d'atténuation de ces conséquences83(*). Il existe aussi des doutes quant à la capacité du droit d'apporter des changements fondamentaux pour les femmes. Tout ce qu'on arrivera peut-être à réaliser, comme l'avance Christine Chinkin, pourrait n'être que le «triomphe de la forme sur le fond». Par contre, le droit sert généralement à donner plus de poids aux structures sociétales, dans le cas qui nous intéresse, à la discrimination envers les femmes. Le droit doit par conséquent et à tout le moins, jouer un important rôle symbolique quant à l'amélioration de la position des femmes en temps de guerre.

    L'une des possibilités consisterait à refondre les règles du DIH pour redresser les aspects foncièrement discriminatoires. Toutefois, dans le climat politique international actuel, une réforme du DIH pourrait représenter une menace au maintien de règles actuelles qui ont leur utilité. Une autre possibilité consisterait à favoriser la réinterprétation des dispositions actuelles du DIH pour tenir compte de la perspective sexospécifique et modifier l'interprétation des règles.

    La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes recommande dans son rapport que les conventions de Genève soient revues et réévaluées «afin d'y incorporer les normes naissantes relatives à la violence contre les femmes en temps de guerre». À la lumière des travaux des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la question de la place dans ce contexte.

    La prépondérance de la reconceptualisation des règles existantes est conforme à l'idée de généralisation des sexospécificités avancée dans le Programme d'action découlant de la Conférence de Beijing. Ainsi, le paragraphe 141 du programme d'action stipule:

    «S'agissant des conflits, notamment des conflits armés, il faudrait promouvoir une politique active qui vise ostensiblement à généraliser la prise en compte des sexospécificités dans toutes les initiatives et tous les programmes, de façon que toute décision soit précédée d'une analyse des répercussions sur les intéressés en fonction de leur sexe».

    Ce processus, déjà entamé dans le domaine des droits de la personne, pourrait être également appliqué de nombreuses manières aux dispositions du droit international humanitaire. Par exemple, une révision des commentaires du CICR sur les conventions de Genève et leurs protocoles pourrait être entreprise afin d'obtenir une perspective sexospécifique de leurs dispositions et de tenir compte de l'évolution de l'interprétation des règles. Ces commentaires sont considérés comme une importante source d'interprétation des conventions et de leurs protocoles. Les commentaires sur les conventions ont toutefois été rédigés il y a une quarantaine d'années et contiennent des idées et des concepts qui sont désormais révolus. À titre d'exemple, prenons le commentaire sur l'art. 12 de la Deuxième Convention de Genève - «les femmes seront traitées avec tous les égards particuliers dus à leur sexe» -, qui dit : «quels égards particuliers? Nul doute ceux qu'on accorde dans tous les pays civilisés aux êtres plus faibles que soi et à ceux dont l'honneur et la pudeur commandent le respect. Par ailleurs, les commentaires, dans certains cas, ne reflètent plus avec exactitude les interprétations des dispositions telles qu'elles ont été adoptées par les États parties.

    Une autre méthode d'intégration des perspectives sexospécifiques au droit international humanitaire consiste à adopter une initiative visant à mieux faire connaître les règles relatives aux femmes, que devront entreprendre les États parties aux Conventions de Genève et aux PA en consultation avec le CICR. La dissémination est d'ailleurs une obligation faite aux États parties en vertu des traités. La formation des gardiens de la paix au droit international humanitaire et le traitement réservé aux femmes en temps de guerre est un sujet qui requiert l'attention à la fois les Nations Unies et des États qui fournissent des forces de maintien de la paix. De telles entreprises de dissémination sont d'ailleurs conformes à l'art. 33 de la Déclaration de Beijing, qui fait référence à la nécessité de «faire respecter le droit international, notamment le droit humanitaire, afin de protéger les femmes et les petites filles en particulier».

    Par ailleurs, on constate un certain progrès du côté des initiatives de reconstruction et d'instauration de la paix après la fin des hostilités. Ainsi, l'art. 134 du Programme d'action de Beijing fait référence à la nécessité de veiller à :

    «L'égalité d'accès et la pleine participation des femmes aux structures de pouvoir et leur contribution à tous les efforts déployés pour prévenir et régler les conflits... Pour pouvoir jouer un rôle égal à celui des hommes, dans l'établissement et le maintien de la paix, les femmes doivent avoir plus de pouvoir politique et économique et être suffisamment représentées à tous les niveaux de la prise de décisions.»

    Plusieurs États et organismes poursuivent de telles initiatives; par exemple, le gouvernement du Canada, la Division de la promotion de la femme des Nations Unies et le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

    La simple inclusion des femmes aux initiatives de résolution après-conflit et d'établissement de la paix peut être perçue comme une solution simpliste («ajoutez quelques femmes et mélangez le tout») qui n'a pas encore réussi à réaliser la transformation des structures actuelles. Anne Gallagher écrit entre autre que «la nouvelle approche de l'intégration des perspectives sexospécifiques au domaine des droits de la personne constitue ce qu'on appelle une «intégration transformative», soit un processus qui vise à accomplir un changement fondamental. À la base des initiatives d'intégration des femmes à des fonctions publiques, se trouve l'hypothèse selon laquelle les femmes sont plus pacifistes et plus coopératives. Cette hypothèse pose un problème puisqu'elle accorde foi à des images stéréotypées de la femme, qui finissent par limiter ses possibilités et oublient de tenir compte de la diversité du potentiel des femmes. L'intégration des femmes à ces activités pour une simple question de justice serait en fait une justification moins litigieuse. Il est ici question de la vie même des femmes : les femmes devraient par conséquent avoir leur mot à dire dans la prise de décisions.

    Il pourrait être avantageux de continuer de concentrer l'attention particulièrement sur les femmes, mais d'une façon qui tiendrait compte de leurs divers rôles au sein de la société et non seulement de leur condition de mère ou d'objet sexuel. Par conséquent, il faudrait que des directives complètes portant sur le traitement des femmes en temps de guerre soient adoptées sous les auspices du CICR.

    Enfin, il faudrait instaurer une tribune où l'on pourrait discuter de la voie à suivre pour mieux protéger les femmes en temps de guerre. De plus en plus, le sujet fait partie de l'ordre du jour d'un vaste éventail d'organismes, tant gouvernementaux que non-gouvernementaux. Toutefois, leurs activités restent fragmentées et nécessitent un rapprochement.

    Ces mesures doivent également s'appliquer à l'enfant.

    B- Pour les enfants

    Aujourd'hui, on estime à trois cent mille (300000) le nombre de personnes de moins de dix huit ans qui participent à des hostilités à travers le monde84(*). Mais ce chiffre est une estimation qui n'est vraiment pas vérifiable dans la mesure où ces enfants sont le plus souvent invisibles. Invisibles, car ils sont cachés par ceux qui les engagent ou parce que leur âge est falsifié sur les documents officiels. Invisibles, car ces enfants, le plus souvent combattent dans des zones qui ne font pas l'objet d'une couverture médiatique. Invisibles, enfin car ces enfants, paraissent très rapidement beaucoup plus vieux que leur âge en raison de leur condition de vie déplorables.

    Compte tenu de ces paramètres, il convient de renforcer et de particulariser la protection de l'enfant au coeur de l'action humanitaire. Pour cela,

    Paragraphe 2 : Une meilleure coordination du rôle des acteurs intervenant dans la mise en oeuvre

    Elle doit s'accentuer d'abord par une adaptation de l'action aux besoins des victimes (A) mais également par l'implication des autres acteurs pour la rendre plus efficace (B).

    A- Une adaptation de l'action aux besoins des victimes

    Quelle assistance pour quelles victimes ? Telle est la question que le CICR doit se poser en permanence dans les conflits armés. Il est évident que les besoins humanitaires des populations victimes des conflits sont immenses. L'action humanitaire ne peut pas tous les satisfaire. Il y a donc un fossé profond entre les besoins des victimes et ce que le CICR peut concrètement offrir. L'évolution récente des conflits a mis en évidence une baisse du nombre de victimes directement affectées par les hostilités ; dans l'ensemble, il y a moins de blessés de guerre, mais il y a plus de personnes déplacées et de résidents dont les besoins se situent aussi bien au niveau de l'urgence qu'à celui de l'aide structurelle. Le CICR se doit d'adapter son action aux besoins les plus importants, en tenant compte de l'analyse politique et économique et de l'action des autres intervenants sur le terrain. Ce défi est majeur pour sa politique d'assistance et de protection. Cette politique doit en outre être portée à la connaissance des victimes, des autorités et des autres acteurs, afin qu'ils sachent ce que le CICR fait et ne fait pas et les raisons de ses choix. L'action que le CICR a menée en Ethiopie ces dernières années est, à ce titre, illustrative : elle a non seulement, et une fois encore, mis en évidence les compétences du CICR en matière de distributions alimentaires dans une situation de conflit, mais aussi et surtout, démontré la capacité du CICR d'effectuer une évaluation indépendante et de définir une approche originale, par exemple la distribution de semences et de vivres dans un environnement où la plupart des autres acteurs se sont concentrés sur la seule distribution de nourriture. L'action a aussi montré l'importance de connaître les politiques agricoles et leurs effets négatifs ainsi que la nécessité de faire des questions structurelles l'objet de discussions avec ceux qui en sont responsables.

    Pour mieux adapter son action aux besoins des populations victimes des conflits armés, le CICR doit rester auprès des victimes tout en assurant la sécurité de son personnel. Le Libéria a constitué un test dans cette politique de proximité. En 2003, le CICR a fait le choix d'assurer une présence dans les situations extrêmes aussi longtemps que possible.

    Ce choix suppose non seulement l'acceptation du risque, mais aussi l'amélioration constante des dispositifs de sécurité dans les délégations. Toute organisation humanitaire a besoin de se doter de politiques opérationnelles qui assurent à la fois une action décisive pour les victimes de sécurité acceptable pour son personnel85(*).

    L'anticipation du danger et des risques est une priorité absolue dans la grande majorité des opérations. Cette priorité est désormais reconnue et mise en oeuvre par tous. Dans ce domaine, les éléments de défi concernant l'analyse indépendante de l'environnement dans lequel le CICR doit évoluer ; l'établissement et le maintien des contacts fiables et suivis avec tous les acteurs d'une crise ; l'évaluation, en tout temps, de l'acceptabilité de l'action du CICR. La définition d'une politique opérationnelle et des modes d'action doit répondre effectivement aux besoins des victimes.

    Le CICR se doit aussi de faire une analyse politique, à travers les contacts directs avec les belligérants, le dialogue avec les Parties au conflit et l'établissement de contacts informels avec des personnes dignes de confiance, avant de prendre les décisions opérationnelles appropriées. Dans ce domaine, le CICR doit remettre en cause les analyses journalistiques et académiques qui sont parfois assez distantes de la réalité du terrain. Le CICR se doit de développer les compétences qui lui garantissent les analyses politiques les plus proches du terrain et la prise en compte des influences externes.

    Cependant la définition d'une politique opérationnelle du CICR pour une effectivité de son action dans les conflits étatiques internes doit impérativement s'accompagner d'une bonne entente entre le CICR et les auteurs acteurs sur le terrain.

    B- Une coordination plus efficace avec les autres organismes

    La complexité accrue des crises humanitaires, la diversification des acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits exigent une coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR s'efforce en permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des populations touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à l'ensemble des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est, pour le CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à ceux d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le CICR doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins des populations affectées par un conflit grâce au rôle complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du CICR.

    Pour être efficace, la coordination doit être axée vers l'action et tenir compte des réalités sur le terrain, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des capacités existantes sur le terrain en termes de ressources humaines, de capacités professionnelles disponibles et de moyens logistiques. Les organisations, parties prenantes à une coordination fondée sur la réalité, doivent également être claires sur les zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une indépendance crédible n'est toutefois pas conciliable avec une participation à des initiatives où l'organisation ne garde pas sa propre capacité décisionnelle ou lorsque la perception de son identité risque d'être bafouée si elle s'associe à d'autres entités dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.

    Le CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations internationales et non gouvernementales travaillant dans les mêmes contextes que lui et coordonne son action avec elles. Il doit mener son action humanitaire tout en veillant particulièrement à ce que l'ensemble des organisations comprennent son approche et son rôle, l'objectif étant de favoriser une coopération harmonieuse et la complémentarité des actions menées sur le terrain. Le CICR s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire aussi bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but d'améliorer directement ou indirectement le sort des personnes touchées par les conflits étatiques internes. En effet, des efforts ont été entrepris afin d'harmoniser une approche commune de l'action humanitaire. Par exemple, le CICR bénéficie du statut d'observateur auprès des NU et il coopère avec le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant qu'invité permanent, aux réunions du Comité permanent inter institutions, un mécanisme de coordination composé de principales institutions des NU ayant un mandat humanitaire, de la Fédération internationale et de plusieurs ONG.

    Le CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de l'action humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de l'action humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).

    Par un processus de coordination humanitaire ancré dans le réel et orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le plus d'impact possible à ses initiatives, en veillant à la satisfaction totale des besoins des populations victimes des conflits étatiques internes. Dans sa volonté de compléter et d'élargir l'éventail des acteurs humanitaires, le CICR fidèle à son approche neutre et indépendante, doit s'efforcer de mener une action impartiale, pertinente, opportune et efficace.

    L'actualité médiatise sous le feu des projecteurs des scènes présentant des atrocités et des souffrances causées par des belligérants lors des conflits armés. Dans ce contexte, les civils et de manière plus accru les personnes fragiles par nature sont les principales victimes. En effet, en raison de leur vulnérabilité, elles sont souvent cible d'attaques injustifiées, de massacres, de viol etc et tant d'autres souffrances qu'elles endurent. On se rend compte ainsi que malgré les garanties fondamentales qui leur sont accordées par le DIH, dans la réalité elles sont souvent violées voire même non respectées.

    Cependant les fins du DIH sont trop importantes pour qu'il puisse se permettre des règles inefficaces. L'histoire de son développement démontre que ce droit ne s'est pas élaboré à partir de concepts préétablis, mais en prenant en compte, au plus près, les réalités de la guerre, que ses textes éclairent d'ailleurs d'une lumière tragique, pour peu qu'on veuille bien la voir. Les obligations doivent être imposées à ceux qui dirigent la lutte armée, qu'il s'agisse des autorités étatiques ou de ceux qui luttent dans le cadre d'un conflit armé. L'articulation entre les droits et les obligations doit pouvoir être agréée par l'ensemble de la Communauté Internationale. Car l'adhésion de tous aux règles du DIH constitue une garantie absolument nécessaire de sa mise en oeuvre et seule l'égalité sur le plan des devoirs humanitaires assure que le droit ait sa place dans la guerre.

    Fidele à son statut de gardien et de promoteur du DIH, le CICR continue de mettre son expérience et son expertise au service du développement du droit. Il n'en demeure pas moins que les vrais acteurs étatiques doivent être au premier rang dans l'accomplissement de cette tache. Ils en portent la responsabilité principale. Toutefois il convient de mettre l'accent sur les violences de nature sexuelle infligées aux femmes, et qui sont trop souvent passées sous silence. Le viol, sous toutes ses formes et quelle que soit son appellation (prostitution forcée, esclavage sexuel, fécondation forcée...) est historiquement frappé du sceau de l'impunité. Or, lorsqu'il est commis dans le cadre d'un conflit armé, il s'agit d'un crime de guerre, que les Etats ont le devoir légal et moral de réprimer. En effet, le viol a des conséquences irrémédiables sur la victime survivante. Conséquences physiques et psychologiques d'abord : la victime est affectée dans son intimité la plus profonde et dans sa capacité à donner le jour. Conséquences sociales ensuite : de nombreuses sociétés rejettent le blâme sur la victime qui peut se voir mise à l'écart par sa famille et dans l'incapacité de trouver un mari ou même un travail. Enfin, il faut également prendre en compte la perspective d'un enfant à naître comme une conséquence douloureuse du traumatisme, de même que le déroulement de la grossesse, les conditions de l'accouchement, voire d'un avortement, la prise en charge de l'enfant et les rapports difficiles qui pourront exister par la suite entre lui et sa mère.

    Il faut donc avant tout souligner la nécessité pour les Etats de faire cesser toute violence et surtout les violences sexuelles infligées aux femmes, par le biais de la répression pénale notamment, comme ils ont le devoir de le faire pour toute autre violation du DIH. Il s'agit ensuite d'assurer une assistance aux victimes survivantes d'agressions sexuelles, prenant en compte le caractère et les conséquences spécifiques de telles exactions sur ces personnes.

    Enfin, en toile de fond, il convient de faire connaître à la population civile comme aux forces armées les règles de droit relatives à la protection spéciale des enfants et des femmes en période de conflit armé, contribuant ainsi à conforter le principe du respect de la dignité de ces derniers qui prévaut dans toutes les cultures.

    Le CICR, une organisation très conservatrice, a une responsabilité particulière envers le développement du DIH et risque de perdre l'initiative dans de nombreux domaines où il devrait occuper l'avant-garde de l'évolution. Le CICR reconnaît enfin la nécessité de tenir compte des besoins particuliers des femmes et des enfants en temps de guerre. Toutefois, il lui faut encore montrer une réelle détermination à réaliser le changement. En tant que gardien traditionnel du DIH, le CICR doit prendre des mesures concrètes pour que le droit ait une utilité dans la vie de la majorité de la population. Un nouveau type de juridictions chargées de réprimer des violations graves du DIH pourrait bientôt voir le jour au Cambodge et en Sierra Leone.

    Deux projets de création de tribunaux spéciaux sont à l'étude et font l'objet de négociations entre les Nations unies et les gouvernements cambdogien et sierra leonais.

    Le but n'est pas de mettre en place des tribunaux spéciaux sur le modèle des tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda mais des instances nationales soumises à un contrôle international des Nations unies: des juridictions mixtes qui devraient appliquer partiellement le droit international et le droit national des pays concernés.

    On constate en définitive que le DIH est un domaine du droit international qui est ancien, conservateur et qui manque relativement de souplesse. Les nombreuses remises en question de sa pertinence et de son efficacité au cours du dernier demi-siècle sont déconcertantes. Il doit désormais répondre aux exigences des femmes et des enfants afin de véritablement refléter leurs expériences.

    Bibliographie

    Ø Ouvrages

    - BUIRETTE, Patricia. Le droit international humanitaire. Paris : La Découverte, 1996.

    - DJENA WEMBOU, Michel-Cyr et FALL, Daouda. Droit international humanitaire : théorie générale et réalités africaines. Paris : l'Harmattan, 2000

    - HENCKAERTS, Jean Marie et DOSWALD-BECK Louise, Le droit international coutumier, Volume I. Genève : Bruylant, 2006

    - DAVID, Eric. Principes de droit des conflits armés, 2e éd., Bruylant, Bruxelles.

    - TORELLI, Maurice. Le droit international humanitaire, Que sais-je .

    Ø Manuels

    - Respecter et faire respecter le Droit International Humanitaire, Guide pratique à l'usage des parlementaires N°1, 1999

    - Droit international humanitaire, Réponses à vos questions,CICR, Avril 2003, seconde édition février 2004

    - Découvrez le CICR, CICR, Septembre 2005

    - VERRI, Pietro. Dictionnaire du droit international des conflits armés. CICR

    - Encyclopédie juridique de l'Afrique, Droit International, relations internationales Tome deuxième

    Ø Articles et Revues

    - DE LA PRADEU-E Paul et AUREGLIA Louis, Rapport sur le contrôle de l'application des Conventions humanitaires en cas de conflits armés, Annales de droit international médical, n° 6, Monaco, décembre 1960

    - PATRNOGIC Jovica, Control of application of humanitarian Conventions,/Revue de droit pénal militaire et de droit de la guerre, Bruxelles, n° V-2, 1966.

    - ABI-SAAB, Georges, Le renforcement du système d'application des règles du droit humanitaire, Revue de droit pénal militaire et de droit de la guerre, vol. XII-2, 1973.

    - VERHAEGEN, Jacques., Entraves juridiques à la poursuite des infractions au droit humanitaire, CICR Novembre-Décembre 1987

    - DUTTLI, Maria Teresa, Enfants, combattants prisonniers, Septembre-Octobre 1990

    - JEANNET, S. et MERMET, J., L'implication des enfants dans les conflits armés, CICR, Mars 1998

    - Les enfants et la guerre, CICR, RICR Juin 2001

    - FLECK, D. La mise en oeuvre du DIH : problèmes et priorités

    - LINDSEY C., Les femmes face à la guerre, CICR, 2001

    - La protection juridique des enfants lors de conflits armés. CICR, 2006

    - Revue Générale Internationale de Droit Public

    - Revue Internationale de la Croix- rouge

    - Répondre aux besoins des femmes affectées par des conflits armés, Un guide pratique du CICR

    - GARDAM, Judith et CHARLESWORTH, Hilary. La protection des femmes lors des

    Conflits armés.

    - LA ROSA, Anne Marie. La sanction dans un meilleur respect du droit humanitaire :son efficacité scrutée. CICR

    - Revue d'analyse juridique de l'actualité internationale

    - Annexe au guide pratique, la protection générale et la protection spécifique des femmes dans le droit international humanitaire

    Ø Conventions et traités

    - Les quatre Conventions de Genève du 12 Aout 1949

    - Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1977

    - Convention relative aux droits de l'enfant de 1989

    - Protocole facultatif à la Convention de 1989 de 2000

    - Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant de 1990

    - Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 29 juillet 1899.

    - Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.

    - Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.

    - Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, conclu par le Gouvernement Provisoire de la République Française et les Gouvernements des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni et de l'Irlande du Nord et de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, agissant dans l'intérêt de toutes les Nations Unies, annexé à l'Accord de Londres, 8 août 1945.

    - Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1948.

    - Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale. Rome, 17 juillet 1998.

    Ø Webogaphie

    - www.cicr.org

    - www.operations-paix.net

    TABLE DES MATIERES

    SOMMAIRE 1

    Première Partie: Les garanties fondamentales de protection humanitaire des personnes fragiles par nature dans les conflits armés 15

    Chapitre I : Les règles générales de protection 17

    Section1 : Les personnes fragiles en tant que personnes civiles 17

    Paragraphe 1 : La préservation des personnes fragiles contre les attaques 18

    A- Le principe de la distinction entre civils et combattants 19

    B- Le principe de la proportionnalité 21

    Paragraphe 2 : Le droit au secours et à l'assistance 24

    A-L'admission du principe 25

    B-Les modalités de l'assistance 26

    Section 2 : La protection des personnes fragiles au pouvoir de l'ennemi 28

    Paragraphe1 : La protection des personnes fragiles civiles détenues 28

    A-L'interdiction des traitements arbitraires 28

    B - La réglementation de l'internement 32

    Paragraphe 2 : La protection des personnes fragiles combattantes capturées 36

    A- L'admission au statut de prisonnier de guerre 37

    B- La vie quotidienne du captif et la fin de la captivité 39

    Chapitre II : Les règles de protection spécifiques 46

    Section 1 : Les règles de protection spécifiques aux enfants 47

    Paragraphe 1 : La protection particulière des enfants contre les effets des hostilités 48

    A-L'interdiction de l'enrôlement et de la participation des enfants aux hostilités 48

    B - La protection particulière des enfants-combattants 51

    Paragraphe 2 : L'existence de mesures préférentielles pour les enfants 53

    A-La protection spéciale des enfants internés 54

    B-Règles protégeant les enfants en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 56

    Section 2 : Les règles particulières de protection des femmes 61

    Paragraphe 1 : La protection contre les abus sexuels 62

    A - Protection des femmes contre toute atteinte à leur honneur. 62

    Deuxième Partie: La mise en oeuvre de la protection des personnes fragiles par nature 67

    Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre 69

    Section 1 : Les moyens préventifs 69

    Paragraphe 1 : Le rôle des Etats 69

    A-L'insertion du DIH dans l'ordre interne 70

    B-L'obligation de diffusion du DIH 71

    Paragraphe 2 : Le rôle du CICR 74

    A-Le rôle d'assistance et de protection 74

    B-Le rôle de promoteur du DIH 76

    Section 2 : Les moyens répressifs 78

    Paragraphe 1 : L'action répressive au niveau national 78

    B-La compétence universelle des juridictions nationales 80

    Paragraphe 2 : L'action répressive au niveau international 82

    A-Le contrôle du respect des garanties de protection 83

    A-Les procédures développées en dehors du droit humanitaire 85

    Paragraphe 2 : La répression internationale des violations graves du DIH 91

    A-le cadre de répression des violations graves du DIH 91

    Chapitre II : Un système de protection en quête d'effectivité 104

    Section 1 : Un système déficient 104

    Paragraphe 1 : Les lacunes d'ordre juridique 104

    A-La rigidité des textes assurant la protection 105

    Paragraphe 2 : Les obstacles d'ordre pratique 108

    Section 2 : Pour une redynamisation de la protection des personnes fragiles par nature 111

    Paragraphe 1 : Un renforcement de la spécificité de leur protection 112

    A-Pour les femmes 112

    B-Pour les enfants 115

    Paragraphe 2 : Une meilleure coordination du rôle des acteurs intervenant dans la mise en oeuvre 115

    A-Une adaptation de l'action aux besoins des victimes 115

    B-Une coordination plus efficace avec les autres organismes 117

    CONCLUSION GENERALE 119

    BIBLIOGRAPHIE 122

    * 1 Convention de Genève de 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et les malades dans les armées des campagnes ; Xe convention de la Haye de 1907 pour l'adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève ; convention de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre

    * 2Cf. Les démarches du CICR en cas de violation du DIH, RICR no728, mars-avril 1981, pp. 79-86

    * 3 J. J. Rousseau, op. Cit. p.7

    * 4 Résolution de l'institut de droit international, session de Neufchâtel, 1900, art. 4 et, loc. Cit.

    * 5 Protocole additionnel II, art. 1, par. 1.

    * 6 Statut de la CPI, art. 8, par. 2 f : « Il s'applique aux conflits qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un Etat les autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ».

    * 7 Cf. Les démarches du CICR en cas de violation du DIH, RICR no728, mars-avril 1981, pp.79-80

    * 8 Cf.

    * 9 Article 50 Chapitre II du Protocole additionnel I

    * 10 Dictionnaire du Droit des conflits international des conflits armés

    * 11 Traité sur l'interdiction de l'emploi de certains projectiles en temps de guerre adopté en 1868

    * 12 Voir article 43 du protocole I

    * 13 Aux termes de l'art. 3 commun et du Protocole Additionnel II, il est interdit de tuer, d'exécuter sommairement, de torturer physiquement et mentalement, de procéder à des mutilations, de condamner à des peines corporelles, de violer, de contraindre à la prostitution, d'attenter à la pudeur, de piller, d'infliger des peines collectives, de prendre des otages, de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de tuer, de menacer d'exécuter sommairement, de menacer de torturer physiquement ou mentalement, de menacer de procéder à des mutilations, de mener de peines corporelles, de menacer de viol, de menacer de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de prendre des otages, de menacer de piller

    * 14

    * 15

    * 16 Voir article 51 Chapitre II du protocole I et article 13 du Titre IV du protocole II

    * 17 cf. mémoire de M. Daouda Mbaye « Le droit humanitaire dans les conflits armés »

    * 18 Voir les art 42 à 56 du Règlement annexé à la IVe Convention de la Haye des versions de 1899 et de 1907

    * 19 Art 69 P.A I et art 70 P.A II

    * 20 Art. 59 IVème Convention de Genève. Ces travaux nécessaires à la survie ne devront en aucun cas avoir trait avec les opérations militaires.

    * 21 Art. 59 et s de la IVème Convention de Genève

    * 22 Art. 68 et s P.A I

    * 23 Procureur c. Delalic et consorts, loc. cit. (note 9), p. 523-524.

    * 24 TPIY, Chambre de Première Instance II, Procureur c. Anto Furundzija, Affaire no IT-95-17/1-T, Jugement, 10 décembre 1998, p. 183.

    * 25 Le TPIY a reconnu, lors de l'affaire Blaskic, que cette conduite constituait un traitement cruel et inhumain et, en conséquence, une infraction grave aux Conventions de Genève. Procureur c. Tihomir Blaskic, loc. cit. (note 9), p. 716.

    * 26 G. Abi-Saab met l'accent, d'une manière générale, sur l'importance de ce travail d'éclaircissement et de systématisation des divers crimes étant de sa compétence. Georges Abi-Saab, «International criminal tribunals and the development of international humanitarian law and human rights law», dans E. Yakpo, T. Boumedra (éd.), Liber Amicorum Judge Mohammed Bedjaoui, Kluwer Law International, The Hague, 1999, p. 651.

    * 27 Voir p. ex. circulaire du secrétaire général de l'O.N.U. (1999), art. 8 al. c.

    * 28 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1955), règles 9 à 20.

    * 29 Conseil de sécurité de l'O.N.U. res. 770.

    * 30 TPIY, affaire Le Procureur c. Zlatko Aleksovski, jugement.

    * 31 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1955), Règle 7 ; Règles pénitentiaires européennes (1987), règle 8 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement (1988), principe 16 ; Circulaire du Secrétaire général de l'ONU (1999), art. 8, al. a).

    * 32 Statut du TPIY, art. 3, al. 1 e) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 f) ; Statut du TSSL, art. 3, al. 1, f).

    * 33 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 2. Voir également Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, principes 10, 11, 12, par. 2, paragraphe 1 a et paragraphe 2, et principe 14 - Assemblée générale des Nations Unies, résolution 43/173 du 9 décembre 1988.

    * 34 Ensemble de principes, principe 32. Voir également Comité des droits de l'homme,Commentaire général N° 29, par. 11.

    * 35 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 4.

    * 36 Voir documentaire sur le génocide rwandais avec le témoignage des victimes Hutu

    * 37 Platner, Denise, « La protection de l'enfant dans le droit international humanitaire », RICR, N° 747, mai-juin 1984, pp148-161

    * 38 Krill, Françoise « Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant . Art 38 sur les enfants dans les conflits armés contesté »

    * 39 La Convention des nations unies définit en son article premier l'enfant comme « ...tout être humain, âgé de moins de dix huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »

    * 40 Cf. commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977

    * 41 Cf. commentaire des protocoles additionnels, op. cit pp. 925-926

    * 42 Cf. commentaire des protocoles additionnels, op.cit pp1403-1404

    * 43 Ce statut leur est conféré en vertu de l'article 4A ; chiffres 1 et 6 de la IIIe convention de Genève

    * 44 Commentaire de la IVe Convention de Genève, Comité international de la Croix-Rouge, Genève, 1956, ad article 68, p. 372.

    * 45 Convention relative aux droits de l'enfant (1989), art. 38.

    * 46 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (1990), art.22.

    * 47 Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, rapport sur la deuxième session, doc.

    Nations Unies CRC/C/10, 19 octobre 1992,

    * 48 Extrait de L'enfance, victime de la guerre, une étude de la situation européenne, par le docteur Thérèse Brosse, UNESCO, 1949, Paris, pp. 11-12, cité dans le « Rapport sur les travaux de la Conférence d'experts gouvernementaux », vol.II, CICR, 1972, p. 98.

    * 49 Ibid., ad article 24, p. 201.

    * 50 Convention IV, art. 27, §1; Protocole I, art. 75, §1

    * 51 La IVe Convention de Genève de 1949 (art. 27, par. 2) et ses Protocoles additionnels de 1977 (art. 76 du Protocole I et 4, par. 2 e) du Protocole II) interdisent expressément le viol et tout autre forme de violence sexuelle. Ces conduites n'ont toutefois pas été considérées, en tant que telles, comme des infractions graves, ce qui empêchait qu'elles puissent être sanctionnées

    * 52 Procureur c. Delalic et consorts, loc. cit. (note 9), par. 495. Quant à l'affaire Furundzija, le TPIY a admis que la violence sexuelle pouvait constituer une infraction grave aux Conventions de Genève ou une violation des lois et coutumes de la guerre: Procureur c. Anto Furundzija, loc. cit. (note 20), par. 172.

    * 53 Article 76 Protocole I

    * 54 Art 132 IVe CVG 25-Art 89 IVeme CVG

    * 55 Art 127 IVe CVG

    * 56 Art 76 Al PI

    * 57 Convention de Genève de 1906, art. 26 ; Convention de Genève de 1929, art. 27.

    * 58 Ie Convention de Genève (1949), art. 47 ; IIe Convention de Genève (1949), art. 48 ; IIIe Convention de Genève (1949), art. 127; IVe Convention de Genève, art. 144 ; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 25.

    * 59 Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par la XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge à Genève, 23-31 octobre 1986, art. 5, par. 2al. c) et g) respectivement.

    * 60 Deuxième protocole à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels, art. 16 par.2, al. a).

    * 61 Convention sur le génocide (1948), art.6.

    * 62 Charte des Nations Unies, art. 24, par. 1.

    * 63 Charte des Nations Unies, art. 36 à 38.

    * 64 Charte africaine des droits et des peuples, art. 60.

    * 65 Carte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 61.

    * 66 Voir art. 4 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), adopté en 2001 après plus de 40 années de travail. Ces articles «ont pour objet d'énoncer (...) les règles fondamentales du droit international relatives à la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite»

    * 67 Ie Convention de Genève, art. 51; IIe Convention de Genève, art. 52 ; IIIe Convention de Genève, art. 131; IVe Convention de Genève, art. 148.

    * 68 Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 38.

    * 69 Voir Projet d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), art. 5 (la responsabilité de l'État vis-à-vis de telles personnes ou entités est limitée à leur comportement aussi longtemps qu'elles sont habilitées à exercer des prérogatives de puissance publique et qu'elles agissent en cette capacité).

    * 70 Protocole additionnel II, art.1, par.1

    * 71 Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, art. 14; Statut de la CPI, art. 8 et 25; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 15 et 22.

    * 72 Convention d'Ottawa, art. 9; Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, art. 4

    * 73 Statut du TPIR, art. 4 et 5 ; Statut du TSSL, art. premier.

    * 74 Voir, p. ex., Statut de la CPI, art. 25 ; Statut du TPIY, art. 7; Statut du TPIR, art. 6 ; Statut du TSSL, art. 6.

    * 75 Ire Convention de Genève, art. 49 ; IIe Convention de Genève, art. 50 ; IIIe Convention de Genève (1949), art. 129; IVe Convention de Genève, art. 146; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 28 ; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 15

    * 76 Statut de la CPI, art. 25, par. 3; Statut du TPIY, art. 7, par. 1; Statut du TPIR, art. 6, par. 1 ; Statut du TSSL, art.6

    * 77 Statut de la CPI, art. 25, par. 3, al. b)

    * 78 Statut de la CPI, art. 33 ; Statut du TPIY, art. 7, par. 4 ; Statut du TPIR, art. 6, par. 4 ; Statut du TSSL, art. 6, par. 4

    * 79 Statut de la CPI, 6, 7 et 8.

    * 80 Cf. Principes de droit des conflits armés, Bruxelles : Bruylant, 1999, 2e éd., p. 553

    * 81 cf. P Meney, « Même les tueurs ont une mère », Paris, La Table ronde, 1986, p. 213

    * 82 L'étude de Graça Machel sur l'effet des conflits armés sur les enfants est un précédent. Voir

    Machel, op. cit. note 18.

    * 83 Voir p. ex. le Programme d'action de Beijing, op. cit. note 1, 1[131 (reconnaissant qu'il

    arrive que le droit international humanitaire soit systématiquement ignoré).

    * 84Global report on child soldiers, Londres 2001 p.21

    * 85 Christoph HARNISH, le CICR en Afrique : contexte et défis






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera