SOMMAIRE
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Liste des abréviations
Introduction
1ère Partie : Les
garanties fondamentales de protection humanitaire des personnes fragiles par
nature dans les conflits armés.
Chapitre I : Les règles
générales de protection
Section 1 : La protection des
personnes fragiles, membres de la population civile
Section 2 : La protection des
personnes fragiles au pouvoir de l'ennemi
Chapitre II : Les règles de
protection spécifiques
Section1 : Les règles de
protection spécifiques aux enfants
Section 2 : Les règles
particulières de protection des femmes
2ème Partie : La mise en
oeuvre de la protection des personnes fragiles par nature
Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre
Section 1 : Les moyens de
préventifs
Section 2 : Les moyens
répressifs
Chapitre II : Un système de
protection en quête d'effectivité
Section 1 : Un système
déficient
Section 2 : Pour une
redynamisation de la protection
Conclusion générale
Liste des abréviations :
- CICR : Comité International de
la Croix Rouge
- DIH : Droit International
Humanitaire
- CPI : Cour Pénale
Internationale
- DIDH : Droit international des Droits
de l'homme
- OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
- CIJ : Cour International de
Justice
- CPJI : Cour Permanente de Justice
Internationale
- TPI : Tribunal pénal
international
- TPIY : Tribunal pénal
International pour l'ex Yougoslavie
- TSSL : Tribunal Pénal
Spécial pour la Sierra- Léone
- DIHC : Droit International Coutumier
- TPIR : Tribunal Pénal International
pour le Rwanda
- ART. : Article
- PA I : Protocole additionnel aux
Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des
conflits armés internationaux
- PA II : Protocole additionnel aux
Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des
conflits armés non internationaux
- ONU : Organisation des Nations
Unies
- UNESCO :
- ONG : Organisation Non
Gouvernementale
L'histoire de l'humanité, a toujours été
marquée par des rapports de forces, des confrontations, des luttes
armées entre les nations, des peuples ou des individus. Les conflits
armés, la violence aveugle, les actes de terreur demeurent une menace
pour la sûreté et la sécurité d'innombrables
personnes et sapent les efforts qui visent dans le monde à instaurer
paix et stabilité durables. Ce phénomène perdure et
continue à avoir des conséquences de plus en plus néfastes
à divers points de vue. En effet, l'actualité médiatise la
complexité et la persistance de nombreux conflits armés aux
multiples causes mais aux conséquences toujours dramatiques :
régression économique, flux et reflux de refugiés et
personnes déplacées, emploi de mines, de mercenaires et
d'enfants-soldats, prolifération d'armes légères, etc.
Dans ce contexte, les victimes les plus nombreuses sont
justement les civils et plus particulièrement les personnes fragiles par
nature à savoir les femmes et les enfants. On estime que pour la
présente décennie la population civile représente environ
quatre vingt pour cent du total des victimes des conflits armés. En
effet, ces dernières ne sont pas épargnées par la violence
des combats, que ce soit en raison de la dispersion des armes, d'erreurs dans
l'identification des objectifs, d'attaques indiscriminées les frappant
aussi bien que des objectifs militaires ou encore d'attaques dirigées
délibérément contre eux, dans le but de les terroriser ou
par mesures de représailles. En interrompant les communications, en
dispersant les familles et précipitant des populations affolées
sur le chemin de l'exil, la guerre va également frapper les populations
civiles à travers la rupture des liens affectifs et la destruction du
tissu familial. Pourchassées pour leur appartenance ethnique, elles
peuvent aussi être simplement visées parce qu'elles
représentent un enjeu.
Au cours des ans la Communauté Internationale dans le
but d'amoindrir la gravité de ce phénomène, n'a
cessé d'oeuvrer pour que le droit des gens accorde à la personne
humaine une meilleure défense contre les rigueurs de la guerre. En effet
depuis la guerre de Solferino, elle s'est efforcée, pour cela, de
développer des Conventions humanitaires, d'essayer d'adapter celles
préexistantes aux nécessités de l'heure, ou d'en
créer de nouvelles. Sa principale oeuvre, dans la période
comprise entre les deux guerres mondiales, a été
l'élaboration de projets de Conventions et notamment de la Convention
sur le traitement des prisonniers de guerre qui, signée en 1929, a
permis, au cours du dernier conflit, la sauvegarde de millions de captifs.
D'autres projets de conventions révisées ou nouvelles,
élaborés par le CICR mandaté par elle, devaient recevoir
leur consécration officielle lors d'une Conférence diplomatique
que le Conseil Fédéral suisse envisageait de convoquer à
cette fin pour le début de 1940. Les hostilités vinrent
malheureusement ajourner sa réunion.
Dès 1945, à l'issue d'une guerre sans
précédent, s'est présentée la tâche, d'une
ampleur considérable, de développer et de perfectionner les
normes du droit des gens dans le domaine humanitaire, à la
lumière des expériences faites pendant le conflit. Les
propositions du comité ayant de bonne heure recueilli l'approbation des
gouvernements et des Sociétés nationales de la Croix Rouge,
celui-ci s'est mis au travail. Il convenait non seulement de préparer la
révision de trois Conventions anciennes1(*) mais aussi et surtout de mettre sur pied une
convention protégeant les civils, dont l'absence avait eu, lors du
conflit mondial, de si cruelles conséquences.
En 1949, la Communauté Internationale répond
à ce tragique bilan, et tout particulièrement aux
persécutions effroyables dont les civils ont été victimes,
par la révision des Conventions alors en vigueur et par l'adoption d'un
nouveau instrument : la quatrième Convention de Genève
protégeant les civils. Plus tard en 1977, les PA sont la réponse
aux conséquences humanitaires des guerres de décolonisation que
les Conventions de 1949 ne couvraient qu'imparfaitement. Ces traités,
intervenus dans le cadre d'un renforcement des dispositions du droit des
conflits armés pour assurer une meilleure humanité dans la
guerre constituent à l'heure actuelle l'essentiel des dispositions du
DIH.
C'est ainsi que le DIH, par le biais de ses règles
essentielles, constitue un outil puissant pour la Communauté
Internationale pour la protection des principales victimes de la guerre
à savoir les civils et plus spécifiquement les personnes fragiles
par nature.
Par ailleurs, comme on l'a précisé
précédemment, les formes de violence qui caractérisent
les conflits armés actuels ont pour résultat d'augmenter le
nombre de victimes parmi la population civile notamment les personnes fragiles
par nature qui ne sont rien d'autres que les femmes et les enfants qui, en
raison de leur vulnérabilité, sont les plus touchés. En
effet, les femmes souffrent de tous les maux endurés par l'ensemble de
la population civile en période de conflit armé : violations du
DIH lorsqu'elles sont au pouvoir de l'ennemi, exécutions sommaires,
tortures, internements arbitraires, transferts forcés, prises d'otages,
menaces et intimidations... Effets directs ou indirects des hostilités :
bombardements, souvent indiscriminés, famines,
épidémies...
Les femmes avec leurs enfants forment la grande
majorité des populations civiles, souvent déplacées ou
réfugiées. Les femmes enceintes, en couches ou qui allaitent sont
particulièrement vulnérables du fait de leur situation. En
période de conflit armé, leur taux de mortalité
s'accroît bien souvent dans des proportions effrayantes. Elles sont aussi
trop fréquemment les victimes privilégiées de violations
spécifiques et graves du DIH comme le viol, sous toutes ses formes
(prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation
forcée). De telles atteintes à leurs droits fondamentaux ont eu
lieu dans toutes les guerres, de manière sporadique et
incontrôlée du fait de la négligence coupable des chefs de
forces ou de bandes armées. Mais de tels actes de barbarie se sont
également produits de manière répétée, voire
systématique. Dans certaines situations, les femmes deviennent ainsi de
véritables cibles pour les hommes en armes qui cherchent, par ces
pratiques, à terroriser, humilier ou détruire des
communautés tout entières.
En outre, les enfants qui sont confrontés à la
guerre, pris au piège d'une zone de conflit, et dont les proches sont
dispersées, peuvent être amenés à participer aux
combats. Il arrive aussi qu'ils soient contraints d'être les
témoins ou les auteurs d'atrocités parfois commises contre leur
propre famille. Ce sont là des expériences qui risquent de les
marquer à jamais, de briser leur enfance.
Face à cela, le DIH, protecteur en priorité des
plus vulnérables, et fort conscient aussi bien de la gravité de
la participation des enfants aux hostilités que des besoins
spécifiques des femmes en temps de guerre, confère à ces
derniers une protection spéciale supplémentaire que les Etats ont
le devoir de respecter et de faire respecter. C'est dans ce cadre que s'inscrit
le sujet «Le Droit international humanitaire et la protection des
personnes fragiles par nature dans les conflits
armé. »
Le droit international humanitaire - que l'on nomme
également «droit international de la guerre» ;
ou « droit de la guerre et, plus récemment «droit des
conflits armés» - est une branche ancienne du droit
international. Il a été élaboré au cours des
siècles sous la forme d'accords temporaires entre les parties au
conflit, puis à partir de 1864, sous la forme de conventions
internationales. Il s'agit d'un droit applicable dans les conflits armés
qui tend d'une part, à assurer le respect de la personne humaine,
respect compatible avec les exigences militaires et l'ordre public, et d'autre
part, à atténuer les rigueurs des hostilités.
Le DIH étant une partie du droit international, met en
jeu la responsabilité des Etats souverains. Ceux-ci doivent s'engager
à respecter, en cas de conflits armés un certain nombre
d'obligations non seulement avec les autres Etats en conflit, mais aussi avec
leurs ressortissants. Il s'agit donc d'une limitation volontaire de
souveraineté consentie par chaque Etat dans le cadre d'une convention
internationale.
Il se trouve essentiellement dans les quatre Conventions de
Genève de 1949. La quasi-totalité des Etats est aujourd'hui
liée par celles-ci. Les Conventions de 1949 ont été
complétées par deux traités : les deux PA de 1977
relatifs à la protection des victimes des conflits armés.
Par ailleurs d'autres textes interdisent l'emploi de certaines
armes et tactiques militaires ou protègent certaines catégories
de personnes ou de biens. Il s'agit notamment de :
- La convention de la Haye de 1954 pour la protection des
biens culturels en cas de conflit armé et ses deux protocoles ;
- La convention de 1972 sur les armes biologiques ;
- La convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses
cinq protocoles
- La convention de 1993 sur les armes chimiques ;
- La convention d'Ottawa de 1997 sur les mines
antipersonnel ;
- Le protocole de 2000 se rapportant a la convention relative
aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits
armés.
De nombreuses règles du DIH sont désormais
considérées comme appartenant au droit coutumier,
c'est-à-dire comme règles générales s'appliquant
à tous les Etats.
Les juristes, conscients de la multiplicité des
règles qui s'appliquent pendant la guerre, donnent une définition
relativement élaborée du DIH. Selon eux, l'expression
«droit international humanitaire applicable dans les conflits
armés s'entend des règles internationales, d'origine
conventionnelle ou coutumière, qui sont spécifiquement
destinées à régler les problèmes humanitaires
découlant directement des conflits armés, internationaux ou non,
et restreignant pour des raisons humanitaires, le droit des parties en conflit
d'utiliser les moyens et les méthodes de guerre de leur choix ou
protégeant les personnes et les biens affectés, ou pouvant
être affectés par le conflit.» 2(*)
De cette définition on se rend compte que le DIH est un
droit qui s'inspire du sentiment d'humanité et qui est centré sur
la protection des personnes pouvant être affectées par le conflit.
A ce niveau il convient de préciser la différence existante entre
le droit humanitaire et le droit des droits de l'homme du fait que ce dernier
prévoit aussi des garanties fondamentales protégeant la
dignité des personnes. En effet, le DIH et les Droits de l'Homme sont
deux branches distinctes du droit international avec un objectif commun.
Le DIH s'applique dans les situations de conflits armés
internationaux et non internationaux alors que les Droits de l'Homme
établissent des règles pour le développement harmonieux de
l'individu dans la société. Tous deux, cependant, ont pour
objectif central la sauvegarde de la dignité de la personne.
Ø Mais qu'entend-on par protection des personnes
fragiles par nature ?
Par protection, nous pouvons entendre l'ensemble des mesures
ou garanties visant à protéger, à défendre les
populations civiles lors des conflits armés. La politique internationale
de protection des populations civiles offre au sein de celle-ci une distinction
riche d'enseignements en ce sens qu'elle tient tantôt compte du physique
de la personne protégée, tantôt de sa qualité. Dans
cette perspective la nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus
fragiles que d'autres et par conséquent plus exposées que
d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des
belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de
l'âge, c'est le cas des enfants et des vieillards, tantôt du sexe
dans la mesure ou la femme est désignée à tort ou à
raison «sexe faible».
Il importe dés lors de définir la notion de
conflit armé. Cependant il faut préciser que les Conventions qui
ont codifié les conflits armés ne l'ont pas défini. Cette
définition est pourtant essentielle, car ce n'est qu'à partir du
moment où existe un conflit armé que le DIH s'applique. Comme l'a
déjà dit Jean Jaques Rousseau, la guerre est «un acte
condition entraînant l'application d'un statut juridique
déterminé3(*)». Il importe donc de préciser la
notion désignant une réalité dont l'existence commande la
mise en oeuvre du droit. Et dans ce sens, le DIH est en accord avec le T.P.I.Y,
qui considère que : «un conflit armé existe chaque
fois qu'il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit
prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes
armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un
Etat».
Les dispositions du DIH sont toutefois distinctes, selon qu'il
s'agit d'un conflit armé international ou non international. Les
conflits armés internationaux sont ceux qui opposent au moins deux
Etats. Ces conflits sont régis par un vaste éventail de
règles, dont celles inscrites dans les conventions de Genève et
le PA I.
La classification d'Eric David nous en renseigne un peu plus.
Il estime que le conflit armé est, ou peut être,
réputé international dans six cas :
- le conflit armé est
interétatique : c'est l'hypothèse la plus simple, il
oppose directement deux ou plusieurs Etats. Quelque soit l'ampleur de
l'affrontement, il est international à partir du moment ou les forces
armées d'un Etat se heurtent à celles d'un autre Etat, ou
même, à partir du moment ou elles se livrent à des
hostilités contre un autre Etat sans que ce dernier se
défende.
- le conflit armé est interne, mais il fait
l'objet d'une reconnaissance de belligérance.
«La reconnaissance de belligérance est l'acte
par lequel, soit un gouvernement reconnaît que le conflit armé qui
se déroule sur son territoire est une guerre soumise à l'ensemble
des lois et coutumes de la guerre, soit un Etat tiers considère que ce
conflit armé est une guerre à l'égard de laquelle il
entend rester neutre»4(*). Dans un cas comme dans l'autre, la principale
conséquence de la reconnaissance de belligérance réside
dans le fait que son auteur assimile un conflit armé a
priori interne à un conflit armé international, ce qui
implique qu'il s'oblige à lui appliquer tout le droit humanitaire.
- le conflit armé est interne, mais il s'y
produit une ou plusieurs interventions étrangères.
L'hypothèse est la suivante : un conflit
armé interne se déroule sur le territoire d'un Etat entre les
forces armées gouvernementales et les insurgés, entre les groupes
armés organisés. Si un ou plusieurs Etats tiers interviennent
dans ce conflit aux cotés d'une ou des deux partie, cette intervention
va- t- il internationaliser le conflit ? Un large éventail a
été pris en compte pour répondre à l'affirmative,
il s'agit de la livraison d'armes, de l'envoi de conseillers militaires et de
personnels militaires qualifiés pour utiliser les armes modernes, de
l'autorisation donnée à des corps volontaires de se former et de
se rendre dans le pays affecté par le conflit et enfin la participation
d'unités militaires régulières.
- le conflit armé est interne mais l'O.N.U y
intervient. L'intervention de l'O.N.U n'internationalise le conflit
armé que s'il agit dans le cadre de l'imposition de la paix et non dans
le cadre du maintien de la paix.
- le conflit armé est une guerre de
libération nationale. Son caractère international a
été reconnu par la charte des Nations Unies dans le cadre du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des Conventions de
Genève de 1949 et le premier protocole additionnel de 1977.
- le conflit armé est une guerre de
sécession. La sécession doit être distinguée de
la guerre de libération : celle-ci oppose le gouvernement colonial,
raciste ou étranger au peuple dont il administre le territoire et dont
les Nation Unies ont reconnu le droit d'autodétermination alors que la
guerre de sécession oppose le gouvernement d'un Etat à la
population qui habitent une partie du territoire de cet Etat et qui veut s'en
séparer. A la différence du peuple qui mène une guerre de
libération nationale, les Nations Unies ne reconnaissent pas à la
population qui veut faire la sécession le doit de disposer
d'elle-même. Il n'en demeure pas moins qu'une guerre de sécession
peut, comme la guerre de libération nationale, revêtir un
caractère international, mais à condition que la sécession
soit effective.
Synonyme de Guerre Civile, le conflit armé non
international se caractérise par l'affrontement opposant, sur le
territoire d'un seul Etat, les forces armées régulières
à des groupes armés dissidents, ou des groupes armés entre
eux. Le droit applicable durant de tels conflits a longtemps été
considéré comme étant une question purement interne aux
Etats. C'est la raison pour laquelle un ensemble plus limité de
règles sont appliquées à ce type de conflit. Celles-ci
sont définies à l'art. 3 commun aux quatre Conventions de
Genève et dans le P.A II.
Deux principaux textes juridiques nous renseignent
sur ce qu'est un conflit armé non international à savoir l'art. 3
commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et l'art. 1 du PA II de
1977.
- L'art. 3 commun s'applique «en cas de conflit
armé ne présentant pas un caractère international et
surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes».
Sont également inclus les conflits armés auxquels
participent un ou plusieurs groupes armés non gouvernementaux.
Selon la situation, les hostilités peuvent opposer les forces
armées gouvernementales et des groupes armés non gouvernementaux
ou de tels groupes entre eux. Comme les quatre Conventions de
Genève jouissent d'une ratification universelle, l'exigence
selon laquelle le conflit armé doit surgir «sur le territoire
de l'une des Hautes Parties contractantes» a perdu toute importance
dans la pratique. En effet, tout conflit armé entre les parties
armées gouvernementales et des groupes armés ou entre de tels
groupes armés ne peut qu'avoir lieu sur le territoire de l'une des
parties à la Convention. Une définition plus restrictive des
conflits armés non internationaux a été
adoptée aux fins du PA II. Cet instrument s'applique aux conflits
armés «qui se déroulent sur le territoire d'une Haute
Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées
dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite
d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un
contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations
militaires et continues et concertées et d'appliquer le présent
Protocole».
Cette définition est plus étroite que celle de
l'art. 3 commun sous deux aspects. Premièrement, elle introduit la
condition d'un contrôle sur le territoire, en stipulant que les parties
non gouvernementales doivent exercer un contrôle qui «leur
permette de mener des opérations militaires continues et
concertées et d'appliquer le présent Protocole».
Deuxièmement, l'application du PA II est
expressément limitée aux conflits armés entre les forces
armées de l'Etat et des forces armées dissidentes ou d'autres
groupes armés organisés. Contrairement à l'art. 3 commun,
le Protocole ne s'applique pas aux conflits qui opposent uniquement des groupes
armés non étatiques.
Dans ce contexte, il faut rappeler que le PA
«développe et complète l'art. 3 commun ...sans modifier
ses conditions d'application actuelles5(*)». Cela signifie que cette
définition restrictive ne concerne que l'application du PA II, mais ne
s'étend pas au droit des conflits armés non
internationaux en général. Le Statut de la CPI, dans son art. 8,
par. 2, confirme l'existence d'une définition du conflit armé
non international qui ne remplit pas les critères du PA6(*).
En se fondant sur l'analyse présentée ci-dessus,
le CICR propose la définition suivante qui reflète l'avis
juridique prédominant : «un conflit armé non
international est un affrontement armé prolongé qui
oppose les forces armées gouvernementales aux forces d'un ou de
plusieurs groupes armés, ou de tels groupes armés entre eux, et
qui se produit sur le territoire d'un Etat partie aux Conventions de
Genève». Cet affrontement armé doit atteindre un niveau
minimal d'intensité et les parties impliquées dans le conflit
doivent faire preuve d'un minimum d'organisation. C'est l'intensité des
combats qui permet de faire la différence entre un conflit armé
non international et une simple situation de troubles intérieurs ou de
tensions internes.
Les conflits armés non internationaux doivent
cependant être distingués des situations de troubles et de
tensions intérieures, auxquelles le droit de la guerre ne s'applique
pas. Cette distinction n'est pas toujours aisée à faire. En effet
la plupart de ces conflits, résultent de troubles intérieurs
graves qui dégénèrent, sans qu'il soit toujours
possible d'établir avec certitude, le moment où ils se
transforment en conflit. Bien que ces situations ne soient pas formellement
couvertes par le droit des conflits armés, le CICR a tenté d'en
donner une définition : «les situations de troubles
intérieurs, sont des situations ou, sans qu'il y ait à proprement
parlé de conflits armés, il existe cependant sur le plan interne,
un affrontement qui présente un certain caractère de
gravité ou de durée, et comporte des actes de violence. Ces
dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la
génération spontanée d'actes de révolte, à
la lutte entre des groupes plus ou moins organisés, et les
autorités au pouvoir. Dans ces situations qui ne
dégénèrent pas souvent en lutte ouverte, les
autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police,
voire même aux forces armées pour rétablir l'ordre
intérieur».
Quand aux situations de tensions intérieures, il
s'agit notamment :
· des situations de tensions graves (politiques,
raciales, religieuses...)
· des séquelles d'un conflit armé ou de
troubles intérieurs.
Dans le but de mieux cadrer le sujet, nous allons axer les
développements qui suivent sur les garanties fondamentales que
prévoit le DIH pour les femmes et les enfants dans les conflits
armés. En d'autres termes nous nous proposons d'étudier
uniquement la protection humanitaire des personnes fragiles dans le cadre des
conflits armés dans la mesure où le DIH s'applique uniquement aux
conflits armés et ne couvre pas les situations de tensions internes ou
de troubles intérieurs, comme les actes de violence isolés. Il
s'applique seulement lorsqu'un conflit a éclaté, et de la
même manière pour toutes les Parties, quelle que soit celle qui a
déclenché les hostilités.
La protection des personnes fragiles par nature revêt
une importance capitale au regard des souffrances engendrées par la
guerre. La pratique montre que la violence et la guerre, n'épargnent
personne car les conflits armés sont immanquablement l'occasion d'abus,
et ce ne sont pas seulement les forces directement engagées dans les
hostilités qui y sont exposées. Au coeur des conflits
armés, et chaque fois plus fréquemment en tant que victime et
enjeu direct, c'est la population civile et plus particulièrement les
personnes fragiles par nature qui sont amenées à
« faire les frais » des hostilités. En
outre, l'actualité médiatise la multiplication des situations de
violence ou de plus en plus les règles les plus humanitaires du DIH sont
violées engendrant ainsi l'accroissement des atrocités que
subissent plus particulièrement les femmes et les enfants. D'où
la nécessité pour les Etats ainsi que les organismes garants de
la promotion du DIH de reconsidérer leur protection en raison de leur
vulnérabilité au sein de la population civile.
Au regard de toutes ces considérations, nous nous
proposons de formuler les interrogations suivantes : Quelles sont les
garanties de protection que le DIH prévoit pour les personnes fragiles
par nature dans les conflits armés ? Quels sont les mécanismes de
mise en oeuvre de cette protection ? Peut on parler d'effectivité
voire même d'efficacité de cette protection? En somme, nous
pouvons résumer l'ensemble de ces questions à la suivante :
Quelle est l'étendue de la protection du DIH pour les personnes
fragiles par nature dans les conflits armés ?
Le DIH est l'un des outils les
plus puissants dont dispose la Communauté Internationale pour assurer la
sécurité et la protection des personnes dans les conflits
armés. Et à ce titre, un ensemble de dispositions ont
été mises en place pour mettre en oeuvre cette protection.
Ainsi, en plus d'une protection générale en tant
que membre de la population civile, le DIH garantit aux personnes fragiles
par nature, en raison de leur vulnérabilité, une protection assez
particulière compte tenu de leurs besoins spécifiques.
Cependant plus d'un demi-siècle s'est
écoulé depuis l'adoption des Conventions de Genève de
1949. Durant cette période l'humanité a connu un nombre alarmant
de conflits armés, qui ont frappé presque tous les continents.
Tout au long de cette période, les quatre Conventions de Genève
et leurs PA de 1977 ont apporté une protection juridique aux personnes
qui ne participent pas ou plus directement aux hostilités
(blessés, malades, et naufragés, personnes privées de
liberté pour des raisons liées au conflit armé et
personnes civiles). Ces traités ont cependant subi de nombreuses
violations, sources de souffrances et de pertes en vie humaine qui auraient pu
être évitées si le DIH avait été mieux
respecté.
En effet cette protection, dans le cadre de sa mise en
oeuvre, présente des lacunes sérieuses même si force est de
reconnaître que des efforts ont été déployés.
Mais le monde actuel nous offre le spectacle d'un nombre important de conflits
armés durant lesquels le droit des conflits armés ou droit
international humanitaire est souvent gravement violé.
Ainsi nous pouvons affirmer en ce qui concerne la
problématique de l'effectivité, que la protection des personnes
fragiles par nature reste limitée. Nous assistons assez souvent à
une timide application, à des violations graves des règles de
protection mais aussi dans la pratique à une absence de coordination
dans le déploiement de l'intervention humanitaire. C'est en ce sens que
pour pallier la déficience de ce système de protection, des
mesures allant dans le sens d'un renforcement de celui-ci s'impose.
Compte tenu du constat sur les souffrances qu'endurent
les femmes et les enfants dans les conflits armés, notre démarche
s'accentuera d'une part sur l'encadrement normatif prévu par le droit
humanitaire en faveur des personnes fragiles (Première
partie) avant d'aborder d'autre part la problématique de la
mise en oeuvre des garanties fondamentales qui leur sont accordées
(Deuxième partie).
Le DIH est un corps de règles qui s'appliquent
«aux problèmes humanitaires découlant directement des
conflits armés internationaux ou non internationaux, et qui
restreignent, pour des raisons humanitaires, le droit des parties au conflit
d'utiliser des méthodes et moyens de guerre de leur choix ou
protègent les personnes et les biens affectés par le
conflit»7(*). En
conformité avec sa raison d'être que constitue l'allègement
des souffrances endurées par les victimes des conflits armés, et
ayant conscience que les civils plus particulièrement les femmes et les
enfants paient le plus lourd tribut lors de ces conflits, le DIH a
accordé à ces derniers des garanties fondamentales mises en place
par le biais d'un dispositif assez particulier pour leur protection. On entend
par garanties fondamentales, l'ensemble des principes et dispositions
juridiques humanitaires assurant un traitement minimal à tout individu
au pouvoir d'une partie au conflit et qui ont pour but de préserver
les prérogatives inhérentes aux personnes fragiles lors des
conflits armés. Ces dispositions prévues sont d'abord d'ordre
général c'est-à-dire que ce sont des règles de
protection que les personnes fragiles partagent avec les autres membres de la
population civile (Chapitre I). Cependant compte tenu de leur
vulnérabilité et de leurs besoins spécifiques en temps de
guerre, le DIH leur a accordé une protection supplémentaire
spécifique en plus de celle
générale (Chapitre II).
Chapitre I : Les règles générales de
protection
Les civils paient un tribut de plus en plus lourd lors des
conflits armés. Ils représentent en effet la grande
majorité des victimes des conflits actuels dans le monde. C'est eux qui
doivent souvent endurer des épreuves effroyables dans les conflits
d'aujourd'hui, dont ils sont parfois la cible. Massacres, prises d'otages,
violence sexuelle, harcèlement, expulsions, transferts forcés et
pillages, de même que le refus délibéré de
l'accès à l'eau, à la nourriture et aux soins de
santé, sont aux nombre des pratiques qui engendrent terreur et
souffrance parmi les populations civiles. A la lecture des textes on se rend
compte que le DIH est tout aussi fondé sur le principe de
l'immunité de la population civile.
C'est en vertu de ce principe que les personnes
fragiles sont protégées en tant que personnes civiles membres de
la population civile d'une part (Section 1) et d'autre part
lorsqu'ils sont aux mains de l'ennemi (Section 2).
Section1 : Les personnes fragiles en tant que personnes
civiles
Selon Frits Kalshoven : «La guerre est une
relation entre Etats qui s'affrontent par l'intermédiaire de leurs
forces armés, les populations civiles qui ne prennent aucune part aux
hostilités doivent être protégées et
épargnées»8(*).
Cette définition de Kalshoven montre à bien des
égards que les civils qui ne sont ni participants ni acteurs dans le
cadre des affrontements et qui peuvent éventuellement faire l'objet
d'attaques injustifiées de la part des Parties au conflit, doivent
être protégés voire être secourus pour limiter les
conséquences de la guerre sur eux. D'où l'enjeu et l'importance
de la protection des personnes civiles. C'est la raison pour laquelle l'un des
principes fondamentaux auquel s'articule le DIH constitue la protection de la
population civile. Il en résulte que le DIH ne saurait évidemment
ne pas prévoir dans la mise en place de son dispositif de protection,
des mesures allant dans le sens de mieux préserver les populations
civiles. On pourrait dès lors s'interroger sur la définition de
la notion de population civile ou encore quels sont les membres de la
population civile ? Mais également se poser la question de savoir
au sens du Droit humanitaire qui est les personnes civiles ?
On élucidera ces interrogations en faisant
référence aussi bien aux quatre Conventions de Genève
ainsi qu'a ses deux P.A mais également au Dictionnaire international du
droit des conflits armés qui définit la population civile et les
personnes civiles respectivement en ces termes « La population
civile est constituée par des personnes civile.»9(*)
« En période de conflits armés
internationaux, les personnes qui n'appartiennent pas à une des
catégories suivantes sont considérées comme des
civils :
a) les membres des forces
armées régulières, même si celles-ci
dépendent d'un gouvernement ou d'une autorité non reconnue par la
puissance adverse ;
b) les membres des corps de
volontaires et des mouvements de résistance ;
c) les membres d'une levée en
masse ;
d) les combattants en
général»10(*)
A la lecture de ces définitions, on voit bien que les
personnes fragiles par nature c'est-à-dire les femmes et les enfants
sont des personnes civiles membre de la population civile. Elles jouissent en
ce sens avec les autres personnes civiles aussi bien dans les conflits
armés internationaux que non internationaux, d'une protection
générale contre les dangers découlant des
opérations militaires. C'est ainsi que le DIH interdit ou limite
l'emploi des armes qui sont particulièrement cruelles et exige des
parties aux conflits de s'abstenir de mener des attaques contre des civils
(Paragraphe 1) mais aussi de respecter le droit au secours et
à l'assistance des civils en prenant soin des blessés et des
malades (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 :
La préservation des personnes fragiles contre les attaques
Les auteurs de la déclaration de
Saint-Pétersbourg11(*) ont formulé, explicitement et implicitement,
les principes de distinction, de nécessité militaire et
d'interdiction des maux superflus de la guerre en ces termes :
«Que le seul but légitime que les Etats
doivent de proposer durant la guerre est l'affaiblissement des forces
militaires de l'ennemi ;
Qu'à cet effet, il suffit de mettre hors de combat
le plus grand nombre d'hommes possibles ;
Que ce but serait dépassé par l'emploi
d'armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de
combat, ou rendraient leur mort inévitable».
Les PA de 1977 ont réaffirmé et
précisé ces principes. Aux termes de l'art. 51 du P.A I,
«Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne
doivent être l'objet d'attaques...». En effet le droit
humanitaire fondé sur le principe de l'immunité de la population
civile impose aux parties au conflit et aux combattants de s'abstenir
d'attaquer la population civile et les biens civils et de conduire leurs
opérations militaires conformément aux règles reconnues et
aux lois de l'humanité. Ainsi les personnes qui ne participent pas aux
hostilités ne doivent, en aucune circonstance, faire l'objet
d'attaques : elles doivent être épargnées et
protégées. A ce titre, dans le but de mieux protéger les
populations civiles tant lors des conflits armés internationaux que non
internationaux, le DIH a établit en droit le principe de la distinction
entre civils et combattants (A). Mais aussi elle
présente également le principe de proportionnalité, selon
lequel il faut parvenir à un équilibre entre la
nécessité militaire et les exigences d'humanité dans le
but d'atténuer les souffrances que peuvent engendrer les conflits
armés (B).
A- Le principe de la distinction entre
civils et combattants
Pierre angulaire des PA de 1977, le principe de distinction,
selon lequel les parties à un conflit armé doivent faire la
distinction entre la population civile et les combattants, de même
qu'aussi entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires.
Il convient cependant, avant de développer sur les implications du
principe, de préciser le concept de combattant d'autant plus que la
maîtrise du concept de civil est plus aisée à travers
l'élimination de la notion de combattant. Celui qui n'est pas combattant
est un civil. Qui est donc combattant ? Au sens des textes du DIH,
«la qualité de combattant est reconnu aux membres des forces
armées d'une partie en conflit ainsi qu'aux membres des milices et corps
de volontaires qui en font partie, aux membres des mouvements de
résistance, organisés suivant la structure des troupes dans
lesquelles on trouve un lien d'obéissance entre un chef et ses
éléments»12(*). Ainsi entendu, toute personne ne s'identifiant pas
à cette définition est civile et bénéficie à
ce titre d'une protection particulière par rapport aux combattants,
protection qui lui confère des droits. Principalement, le droit
fondamental des populations civiles est celui de les mettre en dehors de toute
logique d'attaque. Cette interdiction d'attaques dirigées contre les
civils emporte plusieurs conséquences au sens de l'art. 3 commun aux
quatre Conventions de Genève qui énumère les interdictions
de façon large13(*). Globalement, les populations civiles sont à
l' abri des :
«a) atteintes portées a la vie et
a l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, les tortures et
supplices ;
b) prise d'otages ;
c) atteintes a la dignité des
personnes, notamment les traitements humiliants et
dégradants ;
d) condamnations prononcées et les
exécutions effectués sans jugement préalable, rendu par un
tribunal régulièrement constitué assorti de garanties
judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilisés»14(*).
C'est en ce sens que le principe veut qu'une distinction soit
opérée dans les attaques entre, d'une part, population civile et
combattant, d'autre part, entre objectif militaire et bien civil. Et par
conséquent, les opérations ne doivent être dirigées
que contre les objectifs militaires et contre les combattants. Inversement, il
est interdit d'attaquer tant la population civile que les biens à
caractère civil.
Par ailleurs, comme on peut, de plus en plus, aisément
attaquer par air des objectifs situés n'importe où et que, les
Etats connaissent une intégration économique croissante, la liste
des objectifs militaires légitimes s'est allongée, mais la
règle et la raison demeurent.
Le principe de la distinction n'apparaît pas à
l'art.35 parmi les règles fondamentales concernant les moyens et
méthodes de combat, mais l'art.48, dans le Titre IV relatif à la
protection de la population civile. Ce texte, comme les deux autres que nous
avons traités plus haut, se fonde sur le postulat que, pour parvenir au
but légitime qui consiste à vaincre l'ennemi, il n'est pas
nécessaire d'employer «des méthodes et des moyens...
dont on peut s'attendre qu'ils causeront des dommages étendus, durables
et graves à l'environnement naturel»15(*).
On peut en conclure que les principales catégories de
restrictions visant à défendre l'individu contre les maux
superflus, ainsi qu'à protéger l'environnement naturel, de
même que les règles détaillées en découlant
d'user de tous les moyens et méthodes rationnels requis pour vaincre
l'ennemi. La notion de «nécessité militaire»
ne peut être invoquée à l'encontre des règles qui en
ont déjà fait part.
Le respect de ce principe demeure ainsi indispensable pour
assurer le renforcement de la protection des civils en ce sens que la conduite
des hostilités et des opérations militaires peuvent amener les
parties au conflit à s'attaquer délibérément aux
civils qui ne prennent pas part aux hostilités.
Afin d'éviter d'infliger des souffrances inutiles aux
personnes civiles, les règles des P.A I et II, tout en renforçant
et en étendant la protection des civils précédemment
prévues par les quatre Conventions de Genève,
interdisent :
a) la ruse consistant pour des combattants à se faire
passer pour des civils ;
b) les attaques sans discrimination ;
c) les actes ou menaces de violence dont le but principal est
de répandre la terreur ;
d) la destruction de biens indispensables a la survie de la
population civile ;
e) les actes d'hostilités dirigés contre les
lieux de culte ou les monuments historiques.16(*)
Pour une meilleure préservation des civils contre
les attaques, le DIH a instauré le principe de
proportionnalité.
B- Le principe de la
proportionnalité
La règle de base de l'art. 35 du 1er P.A,
selon laquelle le droit des parties à un conflit armé de choisir
des méthodes et des moyens de guerre n'est pas illimité et la
règle antérieure et similaire, contenue dans l'art.22 du
règlement de la Haye, constituent un rappel général de ce
que la violence n'est autorisée que dans la mesure où elle
concourt à sa fin spécifique, qui est de détruire
l'ennemi. «Le réalisme et l'humanitarisme qui amenèrent
la philosophie des lumières et les enseignements de Jean Jaques
Rousseau, l'une des inspirateurs du droit de la guerre, demandait de ne causer
une souffrance, atteinte ou dommage qui ne soient nécessaires pour
parvenir au seul objectif, celui de vaincre l'ennemi. Souffrance, blessure,
destruction ou dommage ne doivent jamais être infligés à
des fins personnelles ou comme châtiment»17(*). Il en résulte que
parmi les moyens permettant d'atteindre un objectif militaire légitime,
il faut choisir ceux qui provoquent le moins de souffrance, de blessure, de
destruction ou dommage.
On dit par exemple que si le soldat ennemi peut être mis
hors de combat par capture, il ne faut pas le blesser ; que s'il peut
être réduit à l'impuissance, il ne faut pas le tuer ;
que s'il peut être neutralisé par une blessure
légère, il ne faut pas le blesser gravement. Cela s'applique
nécessairement également au combattant mis hors de combat.
Ce raisonnement ne peut pas évidemment être
poussé avec autant de rigueur qu'il oblige un soldat, dans le feu de
l'action, à ne viser qu'une partie non vitale du corps de l'adversaire.
Mais s'il en découle d'importantes conclusions et peut même dire
qu'en fait la plupart des restrictions existantes en dérivent. Cela est
notamment vrai que de l'interdiction d'utiliser les moyens et méthodes
propres à causer des maux superflus.
L'article 35 du protocole additionnel I stipule
que « Dans tout conflit armé, le droit des parties au
conflit de choisir des méthodes ou moyens de guerre n'est pas
illimité », et « qu'il est interdit d'employer des
armes, des projectiles et des matières ainsi que des méthodes de
guerre de nature a causer des maux superflus »
C'est ainsi que le DIH assure la meilleure protection possible
aux personnes civiles en temps de conflit en ménageant un certain
équilibre entre ce qu'il est convenu d'appeler «les
nécessités militaires», d'une part et
«l'humanité», d'autre part. Les
«nécessités militaires» sont définies
comme étant l'ensemble des mesures nécessaires pour vaincre
l'adversaire. Elle constitue la justification de tout recours à la
violence, dans les limites dictées par le principe général
de la proportionnalité. Cette notion s'oppose généralement
aux exigences humanitaires. Et c'est dans l'effort essentiel de trouver un
équilibre entre ces notions en pratique contradictoires et pour
éventuellement éviter que la nécessité militaire ne
puisse provoquer inutilement un surcroit de souffrances, que le DIH a entendu
préserver les personnes civiles membres de la population civile contre
les attaques.
Les armes (moyens de combat) et l'utilisation qui en est faite
(méthodes de combats) sont régies par les dispositions du DIH. Le
principe de base est posé à l'art. 48 du P.A I de 1977
«En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile
et des biens de caractère civil, les parties au conflit doivent en tout
temps faire la distinction entre la population civile et les combattants
(...) , et par conséquent , ne diriger leurs opérations que
contre des objectifs militaires».
Ces règles sont formulées de façon
très générale. Toutefois elles contiennent une notion
supplémentaire : le principe de la proportionnalité.
Celui-ci signifie qu'il doit exister un rapport raisonnable entre, d'une part,
les moyens militaires mis en oeuvre et les destructions entrainées
et ; d'autre part, entre ces mêmes moyens et le but escompté
sur le plan militaire. En l'absence de normes particulières, en effet
l'interprétation de ce principe doit permettre de trouver une solution
au problème posé. Cependant le DIH contient une série
d'interdictions précises concernant les méthodes de combat et les
armes interdites.
° Les méthodes de combat
interdites
La première limite générale correspond au
respect que le combattant doit avoir pour son adversaire. Il devrait
reconnaître un semblable face à lui et renoncer à des
moyens de combat barbares. Un certain nombre d'actes sont interdits, comme,
par exemple les actes de perfidie (le fait d'entreprendre une attaque militaire
sous le couvert du drapeau blanc). En revanche les ruses de guerre (telles que
les techniques de camouflage) restent autorisées. Il est
également interdit d'ordonner de ne pas laisser de survivants.
- Les armes interdites
Le droit de la guerre interdit une série d'armes ou en
limite l'emploi. C'est ainsi qu'il est interdit d'utiliser des armes qui
frappent sans discrimination, c'est-à-dire qui ne distinguent pas les
objectifs militaires des objectifs civils. Il est également interdit
d'utiliser des armes de nature à causer des «maux
superflus».
Un certain nombre d'armes interdites ont été
nommément désignées. Lors de la Conférence de la
Haye de 1899, l'emploi des balles «dum-dum» - balles qui
s'ouvrent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain - est interdit. Le
protocole de Genève de 1925 a interdit les armes de destruction massive,
comme l'utilisation des gaz toxiques, de même que les armes
bactériologiques. On peut d'ailleurs noter que les armes chimiques ont
été interdites en 1925 après avoir été
largement perfectionnées et utilisées pendant la première
guerre mondiale. Plus précisément, l'interdiction porte sur le
fait d'employer le premier - c'est-à-dire son adversaire - un gaz
toxique. Par conséquent l'interdiction de ce type d'armes n'est pas
absolue, puisqu'un Etat se voit reconnaître la possibilité
d'utiliser une telle arme en réponse à une attaque du même
type. Cette situation pourra évoluer le jour où la Convention de
Paris du 13 Juin 1993 entrera définitivement en vigueur - c'est à
dire quand sera atteint le nombre de ratifications nécessaires -, car
elle prévoit que les Etats ne peuvent, en aucune circonstance, faire
usage des armes chimiques. Cette convention interdit également la mise
au point, la fabrication, la détention, le transfert ou l'emploi d'armes
chimiques ainsi quelles installations servant à leur fabrication.
Par ailleurs, le DIH accorde aux personnes fragiles membre de
la population civile toujours dans le cadre de les préserver contre les
effets des hostilités, le droit au secours et à l'assistance.
Paragraphe 2 : Le droit au
secours et à l'assistance
Avant 1949, la population civile ne faisait pas l'objet, en
tant que telle, de règles humanitaires. Les dispositions contenues dans
le règlement annexé à la IVe Convention de la
Haye n'avaient en vue que certains agissements d'une armée
d'occupation18(*).
Cependant comme on l'a précisé précédemment, avec
l'accroissement de la terreur lors des conflits armés qui a pour
principaux victimes les civils et plus particulièrement les personnes
fragiles, le droit humanitaire a prévu dans son dispositif des
règles relatives à l'assistance humanitaire. C'est ainsi qu'il a
reconnu aux victimes de la guerre le droit au secours et à l'assistance
humanitaire.
En effet, les situations d'urgence humanitaire de notre
époque sont caractérisées par des flambées de
violence extrême, dont les personnes fragiles en l'occurrence les femmes
et les enfants sont fréquemment la cible directe. Elles vont souvent de
pair avec d'autres tragédies, telles que famines,
épidémies ou crises économiques, quand elles ne sont pas
indirectement la cause. Les effets conjugués de ces situations font
courir les plus grands dangers à la population civile, dont les
mécanismes habituels d'adaptation ne fonctionnent plus, engendrant un
grand besoin d'assistance.
«La guerre est l'affaire de ceux qui la font, mais
elle frappe également les populations civiles qui en sont à la
fois les victimes et l'enjeu ». Cette idée de François
BUGNON trouve davantage sa pertinence à l'examen des nouveaux types de
confrontation telle la guerre Etats-Unis/Irak qui consiste pour une
armée, sous un prétexte quelconque, à envahir les
populations du territoire ennemi. Ce qui favorise l'arbitraire entre le
bourreau occupant et la population civile victime qui n'a que ses jambes pour
courir, ses yeux pour pleurer, sa bouche pour crier et son sang à
verser. Cette protection contre l'arbitraire s'inscrit dans le cadre du
régime général de l'occupation. De même, l'une des
méthodes inhumaines de la guerre consiste à couper les
ravitaillements, à favoriser la famine afin d'amener la population
exténuée à se rebeller contre le pouvoir en place. Cette
méthode, combinée aux effets encouragés par la guerre tels
que le surpeuplement des hôpitaux, la pollution ... est probablement
à l'origine d'une idée d'aide aux populations. La base la plus
générale du droit à l'assistance en tant que droit de la
personne prenant sa source dans le droit international public peut être
trouvée dans la DUDH qui dispose en son art. 28 que
« toute personne a le droit à ce que les droits et
libertés énoncés dans la présente
déclaration puisse y trouver plein effet». Cette disposition
exprime le lien qui existe entre les droits abstraitement formulés par
la déclaration dont le droit à la vie (art 3), le droit à
l'intégrité physique (art 5), à un niveau de vie suffisant
(art 25)... Dans ce contexte, l'aide humanitaire ne peut dans son principe
être qualifié d'illicite. En particulier, on ne peut l'assimiler
à une ingérence.
L'assistance humanitaire est à la fois une obligation
des Etats dans leur ensemble et une obligation de l'Etat territorial avec pour
créancier la population civile en détresse.
Il convient dés lors de partir de l'admission du
principe (A) avant de mettre en exergue les modalités
de l'assistance (B).
A-L'admission du principe
Ce rôle prioritaire de l'Etat territorial est absolument
reconnu par les Résolutions de l'Assemblée Générale
des Nations Unies qui instaurent ce qu'on a appelé le
nouvel ordre international humanitaire. A ce sujet, les termes de la
Résolution adoptée le 17 décembre 1991 sont forts
évocateurs :
«C'est à chaque Etat qu'il incombe au premier
chef de prendre soin des victimes des catastrophes naturelles et autres
situations d'urgence se produisant sur son territoire».
Le rôle premier revient donc à l'Etat
touché dans l'initiative, la coordination, l'organisation et la mise en
oeuvre de l'aide humanitaire sur son territoire.
Ce principe est également réaffirmé par
la IVe Convention de Genève dans son art. 4 alinéa 1
en vertu duquel « lorsque la population d'un territoire
occupé ou une partie de celle-ci est insuffisamment
approvisionnée, la puissance occupante acceptera les actions de secours
faites en faveur de ses populations et les facilitera dans la mesure de ses
moyens. »
Parallèlement, le P.A I prévoit que des actions
de secours seront menées sans délai ou seront
entreprises19(*).
Dans sa Résolution 688 édictée à
la suite des évènements du Kurdistan irakien, le Conseil de
Sécurité insiste pour que « l'Irak autorise
l'accès immédiat des organisations humanitaires internationales
à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les régions
de l'Irak et qu'ils mettent à leur disposition tous les moyens
nécessaires à leur intervention.»
L'assistance humanitaire contre la volonté du souverain
territorial qui alléguerait des contremesures pour sa défense est
une pratique non interdite pour les ONG. Le principe de
non-intervention s'adresse exclusivement aux Etats et non aux particuliers.
Ainsi appréhendée, l'assistance humanitaire se
transforme dans son application pratique en un véritable droit dont les
modalités sont clairement définies dans la IVe
Convention de Genève et les PA .
B-Les modalités de
l'assistance
L'assistance dans son déploiement prend la forme d'un
secours à accorder aux victimes civiles des conflits armés.
Ainsi, qu'on soit en face d'un conflit armé à
caractère international ou non, les secours qui peuvent être
individuels ou collectifs sont admis pour des personnes internées ou
non.
En cas d'occupation, lorsque la population d'un territoire est
insuffisamment approvisionnée, la puissance occupante acceptera les
actions de secours faites en faveur de cette population et les facilitera dans
toute la mesure de ses moyens20(*)
Ces actions de secours peuvent être tantôt
l'oeuvre des Etats tantôt l'oeuvre d'un organisme impartial tel que le
CICR. Pour un succès de l'opération, les Etats
doivent favoriser le passage des convois humanitaires destinés à
la population du territoire occupé. La puissance occupante se doit de
protéger ces convois afin que les bénéficiaires puissent
être desservis dans les meilleurs délais. L'obligation qui
pèse sur la puissance occupante s'étend au respect des
destinataires, à la distribution rapide sans taxes et gratuite des
envois.21(*)
La composition des envois n'est pas expressément
définie. Aussi s'agit- il de façon générale des
biens destinés à l'alimentation, aux soins médicaux, des
vêtements. Il s'agit également des déplacements des
populations des zones dangereuses et à leur regroupement22(*). Ces secours s'étendent
dans les prisons ou les internés ont besoin d'aide. Ils peuvent recevoir
par voie postale ou tout autre moyen des secours collectifs et individuels. Ces
envois peuvent être réglementés par des accords
spéciaux entre les puissances intéressées qui ne peuvent
en aucun cas entraver ou différer leur perception.
En temps de guerre, les belligérants ont le devoir
d'autoriser des actions d'assistance en faveur de la population civile,
fût-elle ennemie. Chaque partie doit autoriser le passage d'envois de
secours destinés à la population civile. Toutefois, l'Etat qui
laisse passer l'envoi a le droit de contrôler le contenu et l'utilisation
prévue de ces secours. Il peut refuser le passage s'il a des raisons
sérieuses de craindre que les secours puissent tomber dans de mauvaises
mains, c'est-à-dire qu'ils ne soient pas remis aux victimes mais
puissent servir à l'effort militaire. La protection civile doit
accomplir toutes les tâches humanitaires destinées à
protéger la population civile contre les dangers des hostilités
ou des catastrophes et à l'aider à surmonter leurs effets
immédiats ainsi qu'à assurer les conditions nécessaires
à sa survie. Les organismes de la protection civile ont le droit de
s'acquitter de leurs tâches de protection civile, sauf en cas de
nécessité militaire impérieuse. Ils
bénéficient d'une protection totale, tout comme le personnel
sanitaire. Ils sont identifiés par un triangle bleu sur fond orange. Les
règles de protection concernent donc en principe aussi bien les
ressortissants que les non ressortissants des Parties au conflit, les
ressortissants des Etats neutres sur le territoire d'une Partie au conflit que
les ressortissants des Etats non Parties aux Conventions et au Protocole qui se
trouveraient sur ce territoire.
C'est ainsi que, la IVe Convention garantit le
libre passage de tout envoi de médicaments et de matériel
sanitaire, ainsi que des objets nécessaires au culte, destinés
uniquement à la population civile d'une autre Partie contractante,
même ennemie. Elle autorise également le libre passage des vivres,
vêtements et fortifiants réservés aux enfants de moins de
quinze ans et aux femmes enceintes ou en couches. Le Protocole étend
considérablement la possibilité d'entreprendre des actions de
secours. Il prévoit que lorsque la population civile d'un territoire
sous le contrôle d'une Partie au conflit, autre qu'un territoire
occupé, est insuffisamment approvisionnée, des actions de secours
de caractère humanitaire et impartial et conduites sans aucune
distinction de caractère défavorable seront entreprises, sous
réserve de l'agrément des parties concernées par ces
actions de secours.
Il peur arriver que les personnes fragiles soient amené
à participer aux conflits et à partir de ce moment ils peuvent
faire l'objet de capture. Dans cette perspective, le DIH leur accorde une
protection lorsqu'elles sont aux mains de l'ennemi pour les préserver
des abus de pouvoir dont ils pourront faire l'objet.
Section 2 : La protection des personnes fragiles au
pouvoir de l'ennemi
Dans le but de parer à toute éventualité
de violations massives et réitérées des droits essentiels
de l'homme, au cours des conflits armés dont nous estimons que ce sont
les personnes civiles au pouvoir de l'ennemi, principalement les femmes et les
enfants, qui en subissent les conséquences les plus graves. Le DIH a
prévu dans son dispositif des normes allant dans le sens d'une
protection des personnes fragiles aux mains de l'ennemi du fait de la grande
vulnérabilité de celles-ci. En effet, les belligérants
peuvent être amenés à procéder à des
exécutions sommaires, à des disparitions forcées, à
des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants;
à des détentions et emprisonnements arbitraires; à des
prises d'otages; à l'absence de garanties pertinentes de
procédure; à des restrictions à la liberté de
pensée, d'expression et d'association; des hôpitaux et des
ambulances; à des restrictions à l'accès aux aliments et
aux services sanitaires; à des dévastations et destructions sans
discrimination et à des violations graves des droits de l'homme dans les
lieux de détention. Et c'est pour prévenir l'ampleur des risques
de souffrances que peuvent subir les civils quand ils sont privés de
liberté que le DIH prévoit des garanties de protection - au
même titre que les civils- aussi bien pour les personnes fragiles
détenues (Paragraphe 1) que pour les personnes fragiles
capturées (Paragraphe 2)
Paragraphe1 : La protection
des personnes fragiles civiles détenues
Même dans les sociétés fondées sur
l'Etat de droit, si les autorités se sentent menacées, elles
peuvent être tentées de recourir à la force de
manière excessive pour atteindre leurs objectifs militaires ou
politiques. Les personnes civiles lorsqu'ils sont aux mains de l'ennemi peuvent
faire l'objet de traitements inhumains et injustifiées. C'est la raison
pour laquelle le DIH interdit les traitements arbitraires (A)
et réglemente les conditions de l'internement
(B).
A-L'interdiction des traitements
arbitraires
Les art. 27 de la IVe Convention et 75 du PA I de
1977 jouent, à cet égard, un rôle primordial. En effet, ils
en énoncent la protection fondamentale, à la tête de
laquelle se trouve le principe général en vertu duquel tout civil
a le droit d'être traité, en toutes circonstances, avec
humanité. Le TPIY a reconnu que ce principe revêtait un
caractère fondamental pour la protection des victimes des conflits
armés, en tant qu'expression de la volonté de respect de la
dignité de l'homme dans ces situations, en affirmant qu'il constituait
la base sur laquelle reposent les Conventions de Genève de 194923(*). Il a également reconnu
que ce principe était applicable à toute situation de conflit
armé, vu qu'il constitue le fondement de l'art.3 commun, lequel
établit la protection fondamentale octroyée aux victimes dans une
situation de conflit armé non international, et qu'il figure dans les
articles 4 et 7 du P.A II de 1977.
Ce principe implique la nécessité de respecter
la dignité humaine au cours des conflits armés et, par voie de
conséquence, la reconnaissance du fait que les civils disposent d'un
ensemble de droits qui s'avère inaliénables. De cette
façon, tout acte incompatible avec ce principe est interdit, à
partir du moment où son objectif est de
« protéger l'être humain de toute atteinte
à sa dignité personnelle, que celle-ci découle de
violences corporelles, d'humiliations ou de coups portés à
l'honneur, au respect de soi ou au bien-être mental d'une
personne »24(*).
C'est ainsi que s'établit le droit des personnes
civiles d'être protégées contre tout acte de violence ou
d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique (art. 27),
comprenant l'interdiction de l'homicide, la torture, les peines corporelles,
les mutilations et les expérimentations médicales ou
scientifiques qui ne seraient pas justifiées par des raisons
médicales, ainsi que tout autre acte de cruauté; l'interdiction
d'exercer un type quelconque de contrainte à l'encontre des civils,
notamment pour obtenir des informations; l'interdiction du pillage, des
représailles contre les civils ou leurs biens et des peines collectives
(art. 33), de la prise d'otages (art. 34), ou encore de leur utilisation comme
« bouclier humain », c'est-à-dire l'emploi
de leur présence pour éviter l'attaque d'objectifs militaires
(art. 28), ainsi que les Croates l'ont fait avec les civils musulmans pendant
le conflit de Bosnie-Herzégovine25(*).
En définitive, la reconnaissance de cet
ensemble de droits met en évidence, comme l'a
répété le TPIY, le fait que le propos fondamental des
normes n'est autre que la défense de la dignité humaine dans les
exceptionnelles circonstances d'un conflit armé, afin que les personnes
civiles au pouvoir de l'ennemi ne soient pas à sa merci, mais qu'elles
disposent plutôt d'un ensemble de droits que l'État doit
sauvegarder. Leur transgression est donc qualifiée d'infraction grave
aux Conventions de Genève, comme l'établit l'art. 147 de la
IVe Convention, c'est-à-dire de crime de guerre; c'est
d'ailleurs dans ce sens que cette considération a été
confirmée par l'art. 2 du Statut du TPIY, ainsi que par sa
jurisprudence.
Dès lors, il s'agit, pour le TPIY, d'établir
quels sont les éléments constitutifs de ces infractions, ce qui
suppose, pour les juges, un important travail d'éclaircissement; en
effet, ils doivent préciser la portée exacte des dispositions de
la IVe Convention, et donc contribuer, d'une façon
décisive, au renforcement de la protection des civils dans le nouveau
contexte de guerre26(*).
Pour ce faire, ils vont se servir des instruments
conventionnels en matière de droits de l'homme, ainsi que des
décisions d'organismes internationaux, judiciaires ou non, dont la
tâche est de veiller à leur application et à leur respect;
ceci signifie la reconnaissance de l'existence d'un point de convergence entre
deux secteurs normatifs, le DIH et le DIDH, point qui réside dans la
défense de la dignité humaine en toutes circonstances.
Par rapport à l'homicide, le TPIY précise, lors
de l'affaire Celebici, que «l'intention,
l'élément moral nécessaire pour qu'un meurtre ou un
homicide intentionnel soit constitué, ainsi que l'ont reconnu les
Conventions de Genève, est présent dès lors qu'il est
démontré que l'accusé avait l'intention de tuer ou de
porter gravement atteinte à l'intégrité physique d'autrui
par l'effet de son imprudence et du peu de cas qu'il faisait de la vie
humaine».
Le TPIY mène également à bien un
travail de délimitation de trois figures se trouvant très proches
les unes des autres: les tortures, le fait de causer intentionnellement de
grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à
l'intégrité physique et à la santé, et enfin les
traitements inhumains. Pour ce faire, il commence par préciser que la
torture représente la figure la plus restrictive, puisqu'elle implique
des actes ou des omissions dont le but est de parvenir à une fin
concrète interdite et qui occasionnent de graves souffrances physiques
et morales. L'infraction, telle qu'elle est définie (infliger de graves
souffrances ou porter atteinte à l'intégrité physique ou
à la santé de la victime), s'avère plus large que la
précédente, étant donné que, contrairement à
la torture, les actes ou omissions ne doivent pas être
nécessairement commis pour atteindre un but illicite. Finalement, les
deux catégories sont comprises dans les traitements inhumains, lesquels
impliquent des actes ou omissions provoquant de graves souffrances physiques ou
morales, ou portant gravement atteinte à l'intégrité
physique ou mentale ou à la dignité humaine, outre tous les actes
violant le principe fondamental du traitement humain et attentant
spécialement à la dignité humaine.
En ce qui concerne
la torture, le TPIY, comme le TPIR, affirment qu'elle est aussi bien interdite
dans des conflits armés internationaux qu'internes, reconnaissant son
caractère coutumier, et admettant qu'elle constitue même une norme
jus cogens. De ce fait, la transgression de cette norme donnerait non
seulement lieu à la responsabilité internationale de l'individu,
mais constituerait aussi un crime international susceptible d'entraîner
une responsabilité de l'État. De même, les deux Tribunaux
prêtent particulièrement attention à la définition
de cette notion dans le DIH, en ayant recours à celle qui apparaît
dans la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984. En effet, ils
considèrent qu'elle a acquis un caractère coutumier et qu'elle
est donc applicable en toutes circonstances, et non seulement dans les
situations prévues par la Convention en question.
A cela, il faut ajouter, comme nous le verrons plus loin, la
considération que le viol est une forme de torture dans certains cas.
- La protection des biens appartenant aux personnes
civiles
Outre la préservation des droits essentiels liés
à la défense de la dignité humaine, le TPIY a reconnu que
le droit international humanitaire établit des limites strictes quant
aux mesures qu'une partie au conflit peut légalement adopter en ce qui
concerne les biens publics ou privés sur un territoire se trouvant sous
son contrôle . A cet égard, tant le Règlement de La Haye de
1907 que la IVe Convention de Genève contiennent des
dispositions qui visent à protéger les biens appartenant aux
civils, tâchant par là d'éviter que l'ennemi les
détruise ou les saisisse de façon arbitraire. L'interdiction de
détruire ou de s'approprier des biens sans que des besoins militaires ne
le justifient (art. 53 de la IVe Convention) est l'une de ces
dispositions revêtant un caractère essentiel. Cependant,
d'après l'art. 147, pour qu'elle soit considérée comme une
infraction grave, elle doit être commise à une grande
échelle. Nous devons, en plus, mentionner l'interdiction du pillage,
qui, contrairement à l'interdiction antérieure, possède
une portée générale, s'appliquant en effet à la
totalité des territoires des parties au conflit et non seulement dans
des cas d'occupation militaire.
A ce sujet, le TPIY a dû affronter le fait que, parmi
les méthodes utilisées par les belligérants pour
procéder au «nettoyage ethnique», se trouvaient la
rapine et la destruction de biens, techniques utilisées pour expulser
les civils d'un territoire passé sous leur contrôle. Il a
répondu à cette situation en réaffirmant que la violation
des dispositions qui protègent les droits patrimoniaux constituait des
crimes de guerre. Mais, ne s'arrêtant pas là, il est allé
jusqu'à effectuer une interprétation extensive de cette
interdiction; il reconnaît ainsi que «l'interdiction de
l'appropriation arbitraire de biens ennemis, publics ou privés, est de
portée générale et s'étend à la fois aux
actes de pillage commis par des soldats isolés dans leur propre
intérêt et à la saisie organisée de biens,
opérée dans le cadre d'une exploitation économique
systématique du territoire occupé». De cette
manière, le TPIY interprète que les actes isolés de
pillage entraînent une responsabilité internationale de
l'individu, de même que ceux perpétrés à une grande
échelle, ce qui met en évidence le fait que la gravité de
tels actes ne découle pas de leur caractère massif. En suivant
cette même ligne, le Tribunal estime que la référence au
fait que la destruction ou l'appropriation de biens non justifiée par
des besoins militaires soient exécutée à une grande
échelle, doit être évaluée dans les circonstances du
cas, si bien qu'une seule action, la destruction d'un hôpital par
exemple, pourrait suffire pour qu'elle soit considérée comme la
perpétration d'une infraction grave. Tout cela prouve l'importance que
le TPIY a également voulu donner à la protection des biens. En
effet, dans nombre de cas, la politique de «nettoyage
ethnique» s'est effectuée par le biais du pillage ou de la
destruction des biens appartenant aux personnes que l'on voulait expulser du
territoire, ce qui constituait en réalité un acte de contrainte
ou d'intimidation, également interdit par les normes fondamentales de
protection des civils au pouvoir de l'ennemi.
B - La
réglementation de l'internement
Le DIH prévoit les conditions dans lesquelles se
produit l'internement ou la détention des civils.
L'internement ou la détention administrative, est
défini comme une privation de liberté ordonnée par le
pouvoir exécutif - et non par le pouvoir judiciaire - sans qu'une
inculpation pénale précise ne soit portée contre la
personne qui en est l'objet. Les termes internement et détention sont
utilisés ici indifféremment.
L'internement est une mesure de contrôle exceptionnelle
qui peut être prise pour des raisons de sécurité dans le
cadre d'un conflit armé. La définition de l'internement ne
comprend donc pas la détention préventive légale d'une
personne, arrêtée du chef d'une infraction pénale, dans le
cadre d'un conflit interne. L'internement ne peut se
substituer à des poursuites pénales et il ne peut être
ordonné qu'au cas par cas, à titre individuel et sans
discrimination aucune ; de même il doit cesser dès que les
causes qui l'ont motivé n'existent plus.
Dans la mesure où, des groupes armés privent de
fait certaines personnes de leur liberté indépendamment de la
légalité d'une telle conduite, ils sont liés par les
règles conventionnelles et coutumières du DIH s'appliquant aux
conflits armés internes. Cela ne doit en aucun cas être
interprété comme une prise d'otage.
L'art. 3 commun ne comporte aucune disposition
régissant l'internement, à l'exception d'une exigence de
traitement humain. Or l'internement est une mesure qui peut être prise
dans le cadre d'un conflit interne, comme le prouve le libellé de l'art
5 du P.2 qui le mentionne, mais sans donner non plus de détails sur la
façon de l'organiser. Il sera donc nécessaire d'avoir recours aux
droits de l'homme pour compléter les mesures de protection et
élaborer les garanties de procédure applicables à ce type
de situation.
Ø L'art. 5 du PA II énumère un ensemble
de mesure de protection en faveur des personnes internées. A cet effet
il dispose que :
· Les blessés et les malades seront traités
conformément à l'art. 7.
Aux termes de l'art. 7 : «Tous les
blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris
part au conflit armé, seront respectés et protégés.
Ils seront, en toutes circonstances, traités avec humanité et
recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus
brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction
fondée sur des critères autres que médicaux ne sera faite
entre eux».
· Elles recevront dans la même mesure que la
population civile locale, des vivres et de
l'eau potable et bénéficieront de garanties de
salubrité et d'hygiène et d'une protection contre les rigueurs du
climat et les dangers du conflit armé.
Elles seront autorisées à recevoir des secours
individuels ou collectifs.
· Ces dispositions exigent que soient satisfaits les
besoins fondamentaux des internés.
Elle est contenue dans d'autres instruments qui s'appliquent
aussi aux conflits armés non internationaux27(*). L'ensemble de règles
minima pour le traitement des détenus contient des dispositions
détaillées concernant les locaux de détention,
l'hygiène, les vêtements, la literie et l'alimentation28(*).
La règle selon laquelle les besoins fondamentaux des
personnes privées de liberté doivent être satisfaits est
étayée par la pratique des Nations Unies. Ainsi, en 1992, le
Conseil de Sécurité de l'ONU a exigé que toutes les
personnes détenues dans les camps, prisons et centres de
détention en Bosnie-Herzégovine «soient traitées
humainement et reçoivent entre autres des vivres, un abri et des soins
médicaux adéquats »29(*).
Les besoins fondamentaux des personnes privées de
liberté doivent être satisfaits de manière
appropriée, en tenant compte des moyens disponibles ainsi que des
conditions locales. Comme le montre l'expression : «dans la
même mesure que la population civile locale».
Dans l'affaire Aleksovski, le TPIY a jugé que
l'insuffisance relative des vivres était due à la pénurie
occasionnée par la situation de guerre et affectait toutes les
personnes, et que les soins médicaux auraient sans doute
été considérés comme insuffisants en temps
ordinaire, mais que les détenus concernés avaient reçu les
soins médicaux qui étaient disponibles30(*).
Lorsque la puissance détentrice ne peut répondre
aux besoins fondamentaux des détenus, elle doit autoriser les organismes
humanitaires à apporter une assistance à leur place, et les
détenus ont le droit de recevoir une aide individuelle ou collective. En
effet sur la base de l'article 3 commun, et des statuts du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par
consensus en 1986, le CICR peut «offrir ses services» aux
Parties.
· Elles pourront pratiquer leur religion et recevoir
à leur demande, si cela est
approprié, une assistance spirituelle de personnes
exerçant des fonctions religieuses, telles que les aumôniers.
Cette règle est une application de la garantie
fondamentale de respect des convictions et pratiques religieuses.
Outre ces dispositions il convient d'ajouter les règles
suivantes :
· Les données personnelles des détenus
doivent être enregistrées
L'exigence d'enregistrer les données personnelles des
détenus est inscrite dans un certain nombre d'instruments internationaux
qui s'appliquent aussi dans les conflits armés non
internationaux31(*).
Cette règle a pour objet d'éviter les
disparitions ou disparitions forcées.
- Le pillage des effets personnels des détenus est
interdit.
L'art. 4 du P.A II interdit le pillage au nom des garanties
fondamentales. Ce pillage constitue un crime de guerre selon les Statuts des
TPIY et du TPIR et du TSSL32(*).
Toutes ces dispositions ont, en notre sens, un
caractère obligatoire ; «elles seront au
minimum respectées à l'égard des personnes
internées». Par contre les autres dispositions de l'art. 5 ont
un caractère facultatif. Leur observation, plus délicate, est
liée à la réunion de conditions matérielles qui
n'existent pas toujours, notamment du côté rebelle, en raison du
déroulement des combats ou des destructions qu'ils occasionnent. Il en
ainsi du paragraphe 2 alinéas b, c, d. Comme le montre le même
paragraphe : «Ceux qui sont responsables de l'internement ou de
la détention, les respecteront dans toute la mesure de leurs
moyens».
Outre les mesures de protection, un certain nombre de
garanties procédurales doivent être respectées. Elles sont
nombreuses et concernent principalement :
- Le droit d'être informé des motifs de
l'internement
Toute personne internée sera informée sans
retard, dans une langue qu'elle comprend, des raisons pour lesquelles cette
mesure a été prise, afin qu'elle puisse contester la
légalité de sa détention. Le droit que possède
chaque individu de connaître les raisons pour lesquelles il a
été privé de liberté peut être
considéré comme un des éléments constitutifs de
l'obligation de traitement humain, car on sait que l'incertitude d'une personne
quant aux motifs de sa détention représente une source de stress
psychologique aigu. Le droit humanitaire applicable aux conflits armés
non internationaux ne contient pas dispositions énonçant
expressément l'obligation de fournir des informations sur les motifs
pour lesquels une personne a été privée de liberté.
La garantie procédurale susmentionnée est toutefois inscrite dans
la plupart des traités pertinents relatifs aux droits de l'homme et
figure également dans certains instruments de droit indicatif33(*).
Les informations fournies doivent être suffisamment
détaillées pour que la personne privée de liberté
puisse contester la légalité de son internement et exiger que la
décision soit reconsidérée. Les informations relatives aux
raisons qui ont motivé la mesure doivent être communiquées
sans retard à cette personne et dans une langue qu'elle comprend afin
qu'elle puisse demander dans les meilleurs délais que la
légalité de sa détention soit reconsidérée.
Lorsque la décision initiale de détention est maintenue
après examen, les raisons motivant le maintien de la détention
doivent elles aussi être communiquées.
- Le droit de contester dans le plus bref délai
possible, la légalité d'une mesure d'internement.
Le droit que possède une personne de contester la
légalité de sa détention en cas de conflit armé non
international, est un élément clef du droit de tout individu
à la liberté de sa personne reconnu par les droits de l'homme. Et
bien qu'il puisse être dérogé au droit à la
liberté dans certaines situations d'urgence, le droit indicatif et la
jurisprudence en matière de droits de l'homme ont établi que,
«le droit de toute personne de contester la légalité de
sa détention devant une instance judiciaire doit être
préservé en toutes circonstances»34(*). Il ne pourra pas
être restreint, en particulier, dans les cas où le fait de
contester la légalité de mesures de détention vise, entre
autres, à protéger des droits non dérogeables tels que le
droit à la vie ou le droit de ne pas être soumis à la
torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.
- Le droit à un examen périodique de
légalité de son maintien en détention.
Tandis que la IVe Convention de Genève
permet aux États, dans un contexte de conflit armé international,
de choisir entre un tribunal et un collège administratif, le DIDH
applicable aux conflits armés internes ainsi que sa jurisprudence,
établissent clairement que l'organe appelé à statuer sur
la légalité de mesures d'internement, ou de détention
administrative, doit être un tribunal. Selon le Pacte international
relatif aux droits de l'homme, quiconque se trouve privé de sa
liberté «...a le droit d'introduire un recours devant un
tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération
si la détention est illégale»35(*).
Paragraphe 2 : La
protection des personnes fragiles combattantes capturées
Il s'agit ici de l'admission d'un statut de prisonnier de
guerre (A) et de réglementer la vie quotidienne des
captifs (B).
A- L'admission au
statut de prisonnier de guerre
Le statut de prisonnier de guerre est réglé
conjointement par l'art. 4 de la IIIe Convention de
1949 et par les art 43 et 44 du P.A I. Le principe général est le
suivant: tout membre des forces armées d'une Partie au conflit est un
combattant et tout combattant capturé par la Partie adverse est
prisonnier de guerre. Cette règle générale est
complétée par trois types de dispositions qui visent à
préciser les conditions auxquelles les forces armées sont
reconnues comme telles, à étendre la qualité (ou le
traitement) de prisonnier de guerre à des catégories de personnes
non couvertes par la règle générale, enfin à
priver, dans un cas déterminé, un combattant capturé de sa
qualité de combattant et, partant, de son statut de prisonnier de
guerre.
L'exigence d'un commandement responsable de la conduite de ses
subordonnés devant cette Partie.
Peu importe que celle-ci soit représentée par un
gouvernement ou une autorité non reconnus par la
Partie adverse. Ces forces armées
doivent en outre être soumises à un régime de
discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit
international applicable dans les conflits armés. Ce respect implique,
en particulier, que les combattants sont tenus de se distinguer de la
population civile, sauf exception, par un uniforme ou par un autre signe
distinctif visible et reconnaissable à distance, lorsqu'ils prennent
part à une attaque ou à une opération militaire
préparatoire d'une attaque. La violation, par un combattant, des
règles applicables en cas de conflit armé est punissable, mais,
pour autant que ce combattant porte au moins les armes
ouvertement au combat, ne le prive pas de son droit au statut de prisonnier de
guerre en cas de capture. Si la Partie à laquelle appartiennent ces
forces armées omet ou refuse délibérément d'exiger
le respect de ces mêmes règles, il peut s'ensuivre la perte du
statut de combattant et de prisonnier de guerre pour tous les membres qui
composent ces forces armées.-L'extension
du statut ou du traitement de prisonnier de guerre à d'autres
catégories de personnes
Ont donc encore droit au statut de prisonnier de guerre, les
participants à une levée en masse, c'est-à-dire la
population d'un territoire non occupé qui prend spontanément les
armes à l'approche de l'ennemi pour combattre l'invasion sans avoir eu
le temps de s'organiser, à la condition de porter ouvertement les armes
et de respecter les lois et coutumes de la guerre, les personnes qui sont
autorisées à suivre les forces armées sans en faire
directement partie, les équipages de la marine marchande et de
l'aviation civile, les membres du personnel militaire servant dans les
organisations de protection civile. Ont seulement droit au traitement
de prisonniers de guerre les personnes arrêtées en territoire
occupé en raison de leur appartenance aux forces armées du pays
occupé, les internés militaires en pays neutre, les membres du
personnel médical et religieux non combattant qui font partie des forces
armées. A titre exceptionnel, lorsque la nature des
hostilités l'exige, il peut être dérogé à
l'obligation pour un combattant de se distinguer de la population civile par le
port, en opérations militaires, de l'uniforme ou d'un signe fixe et
reconnaissable à distance. Toutefois, ces combattants
doivent alors se distinguer par le port ouvert des armes pendant l'engagement
et pendant le temps où ils sont exposés à
la vue de l'adversaire alors qu'ils prennent part à un
déploiement militaire qui précède le lancement d'une
attaque à laquelle ils doivent participer. Celui qui contrevient
même à l'obligation de porter les armes
ouvertement peut se voir privé de son statut, mais non
des garanties y afférentes et cas où il est poursuivi
pour avoir porté les armes illégalement,
conjointement ou non avec d'autres infractions. Ces
dispositions n'ont pas pour objet de modifier la pratique
généralement acceptée du port de l'uniforme pour les
membres des unités armées régulières des Parties au
conflit. Pour éviter toute controverse et toute mesure arbitraire au
moment de la capture, le Protocole précise encore que toute personne qui
prend part aux hostilités et qui est capturée est
présumée prisonnier de guerre, et est traitée en
prisonnier de guerre, même en cas de doute sur son
statut. Le problème sera, dans ce dernier cas, tranché
ultérieurement par un tribunal. Quant à celui qui, ayant pris
part à des hostilités, se voit en définitive privé
du droit au statut de prisonnier de guerre, il bénéficie, outre
les dispositions de la IVe Convention qui lui sont applicables, des
garanties fondamentales prévues à l'art. 75 du Protocole.
L'espion et le mercenaire n'ont pas droit au statut de prisonnier de
guerre. Les enfants de moins de quinze ans ne seront pas
recrutés dans les forces armées.
Le PA I, à son Titre III, ne se contente pas
d'énoncer des règles relatives au statut et au traitement des
prisonniers de guerre. Il rappelle également quel doit être la vie
quotidienne du captif et comment la captivité prend fin.
B- La vie quotidienne du captif et la fin de la
captivité
On analysera d'abord la vie quotidienne du prisonnier de
guerre avant de terminer avec la fin de la captivité.
· La vie quotidienne du
captif
Elle se traduit par des droits et devoirs relatifs au
traitement, aux conditions matérielles et morales de l'internement, au
secours et à la discipline que nous allons analyser tour à
tour.
- droits et devoirs
En ce qui concerne les droits des prisonniers de guerre, il
faut rappeler le principe selon lequel les prisonniers de guerre sont au
pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupes
qui les ont faits prisonniers. Les prisonniers de guerre ont droit en toute
circonstance au respect de leur personne et de leur honneur. Remarquons enfin
que les prisonniers de guerre conservent leur pleine capacité civile
telle qu'elle existait au moment où ils ont été faits
prisonniers. Dans les limites imposées par la captivité, ils
continuent donc de jouir de leurs droits civils selon la loi de leur pays
d'origine. Ils peuvent notamment se marier par procuration.
Quant aux devoirs des prisonniers, ils découlent d'une
manière générale des lois de la guerre et des
règles de la discipline militaire. Certains de ces devoirs sont
énoncés formellement par la IIIe Convention; c'est
ainsi que l'art. 17, relatif à l'interrogatoire du prisonnier,
précise que celui-ci est tenu de déclarer ses noms,
prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule
ou, à défaut, une indication équivalente. Le même
article ajoute toutefois qu'aucune torture physique ou morale ni aucune
contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre
pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit. La
Convention prévoit encore le cas, qui n'est pas exclu, (si les lois de
la Puissance dont dépendent les prisonniers le permettent), la mise en
liberté sur parole ou sur engagement. L'art 21 de la même
convention déclare, en effet, que «les prisonniers mis en
liberté dans ces conditions seront obligés, sur leur honneur
personnel, de remplir scrupuleusement, tant envers la Puissance dont ils
dépendent qu'envers celle qui les a faits prisonniers, les engagements
qu'ils auraient contractés». Cette référence est
importante, car elle montre que la loyauté est indispensable à
une bonne application des règles humanitaires.
- protection et assistance.
Le Protocole I interdit de déclarer qu'il ne sera pas
fait de quartier, d'en menacer l'adversaire et de conduire les
hostilités de telle manière qu'il n'y ait pas de survivants.
L'ennemi hors de combat, celui qui s'est rendu ou qui manifeste l'intention de
se rendre, celui qui a sauté en parachute de son aéronef en
perdition ne feront pas l'objet d'une attaque. La Convention dispose d'une
manière générale, à son art. 13, que «les
prisonniers de guerre seront traités en tout temps avec
humanité ...» et que sous réserve de tout
traitement privilégié qui serait fondé sur le grade, le
sexe, l'état de santé, l'âge ou les aptitudes
professionnelles, ils seront tous traités de la même
manière. Elle précise, en particulier, qu'aucun prisonnier ne
pourra être soumis à une mutilation physique ou à une
expérience médicale et scientifique, de quelque nature qu'elle
soit, qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du
prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son
intérêt. Sont toutefois réservés par le P.A I les
dons de sang en vue de transfusion ou les dons de peau destinés à
des greffes, à la condition que ces dons soient volontaires. Parmi les
principes généraux qui protègent les
prisonniers de guerre, on relèvera encore les suivants: ils ne seront
pas inutilement exposés au danger en attendant leur évacuation
d'une zone de combat. Lorsqu'ils sont capturés dans des conditions
inhabituelles qui empêchent de les évacuer comme prévu, ils
seront libérés et toutes précautions utiles seront prises
pour assurer leur sécurité. Les prisonniers de guerre ne pourront
être internés que dans des établissements situés sur
terre ferme et présentant toutes garanties d'hygiène et de
salubrité. Aucun prisonnier de guerre ne pourra, à quelque moment
que ce soit, être envoyé ou retenu dans une région
où il serait exposé au feu de la zone de combat, ni être
utilisé pour mettre par sa présence certains points ou certaines
régions à l'abri des opérations militaires.
· Conditions matérielles de
l'internement.
La Puissance détentrice assume, d'une manière
générale, la responsabilité de la vie et de l'entretien
des prisonniers de guerre, qui doivent être maintenus en bonne
santé. Les femmes, et les enfants moins de quinze ans, feront, s'ils
sont prisonniers de guerre, l'objet d'un respect particulier et seront
protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur.
D'autres précisions concernant l'application de ces principes sont
données sur les points suivants:
- Le logement
- L'alimentation
- L'habillement
- Hygiènes et soins médicaux
- Transferts
· Conditions morales de l'internement.
La Convention ne s'est pas préoccupée que des
conditions matérielles de l'internement. Un grand nombre d'articles sont
consacrés aux conditions morales de celui-ci. Ils concernent non
seulement la religion et les activités intellectuelles ou sportives,
mais aussi le travail considéré comme propre à maintenir
la dignité des personnes et leur équilibre de santé en les
protégeant de l'ennui et du désoeuvrement. En application de ces
principes, la Convention déclare que dans le respect des mesures de
discipline courantes prescrites par l'autorité militaire, toute latitude
sera laissée aux prisonniers de guerre pour l'exercice de leur religion,
y compris l'assistance aux offices de leur culte. En outre, des lieux
convenables seront réservés aux offices de culte. De
même, afin que le travail des captifs ne dégénère
pas en exploitation inhumaine ou en participation immorale à l'effort de
guerre de la Puissance détentrice, il est limité par une
série de règles très strictes. Les
prisonniers de guerre seront autorisés à expédier ainsi
qu'à recevoir des lettres et des cartes en franchise de toute taxe.
· Secours
La Convention consolide, pour les prisonniers de guerre, le
droit aux secours.
Les secours prévus sont soit individuels, soit
collectifs, mais la Convention donne une nette préférence aux
envois de secours d'un modèle uniforme, destinés à
l'ensemble des prisonniers d'un camp et répartis entre eux par les
hommes de confiance.
Tous les envois de secours sont exempts de tous droits
d'entrée de douane et autres, et l'expérience acquise par le CICR
et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge au cours des deux
guerres mondiales est pleinement reconnue.
· Discipline
Afin d'assurer la discipline dans le cadre de l'honneur
militaire, chaque camp de prisonniers de guerre est placé sous
l'autorité directe d'un officier responsable appartenant aux forces
armées régulières de la Puissance détentrice. Cet
officier possédera le texte de la Convention et en aura une
pleine connaissance, de même que des dispositions correspondantes du
Protocole. En outre ces textes seront affichés dans chaque camp, dans la
langue des prisonniers de guerre, à des emplacements où tous les
prisonniers pourront les consulter. Conformément aux exigences de la
dignité des personnes, le port des insignes de grade et de
nationalité, ainsi que des décorations, sera autorisé. Les
commandants militaires doivent veiller à ce que les membres des forces
armées placés sous leur commandement connaissent leurs
obligations aux termes des Conventions et du Protocole. Il leur appartient
d'empêcher toute infraction à ces dispositions, de les
réprimer et, au besoin, de les dénoncer aux autorités
compétentes.
- Evasions ou tentatives
d'évasion : la Convention attache une
importance particulière aux évasions ou tentatives
d'évasion. Celles-ci sont admises comme conformes à l'honneur
militaire et au courage patriotique. Les peines encourues à l'occasion
d'évasions sont en conséquence limitées. Sans doute, il
est permis de faire usage des armes contre les prisonniers qui s'évadent
ou tentent de s'évader, mais cet usage ne doit constituer qu'un moyen
extrême, qui sera toujours précédé de sommations
appropriées aux circonstances.
- Hommes de
confiance : l'art. 79 stipule que «dans tous les lieux
où se trouvent des prisonniers de guerre, à l'exception de ceux
où se trouvent des officiers, les prisonniers éliront librement
et au scrutin secret, tous les six mois et de même en cas de vacance, des
«hommes de confiance», chargés de les représenter
auprès des autorités militaires, des Puissances protectrices, du
CICR et de tout autre organisme qui leur viendrait en aide. Ces hommes de
confiance sont rééligibles. Dans les camps d'officiers et
assimilés ou dans les camps mixtes, l'officier prisonnier de guerre le
plus ancien dans le grade le plus élevé sera reconnu comme
l'homme de confiance... » Cette institution est très
importante. Bénéficiant de prérogatives et de
facilités nombreuses énumérées à l'art. 81,
l'homme de confiance est l'intermédiaire apte à contribuer au
bien-être physique, moral et intellectuel des prisonniers de guerre. Il
intervient non seulement pour la distribution des secours, mais pour
adoucir autant que possible les rigueurs de la discipline, assister les
prisonniers dans leurs difficultés avec l'autorité
détentrice et, le cas échéant, dans les différends
pouvant entraîner des sanctions pénales ou disciplinaires.
Soulignons enfin que les prisonniers auront, sans restriction, le droit de
s'adresser, soit par l'entremise de l'homme de confiance, soit directement
s'ils l'estiment nécessaire, aux représentants des Puissances
protectrices, pour leur indiquer les points sur lesquels ils auraient des
plaintes à formuler à l'égard du régime de la
captivité.
· Sanctions :
le principe admis par la Convention est que les prisonniers de guerre
seront soumis aux lois, règlements et ordres généraux en
vigueur dans les forces armées de la Puissance détentrice. Une
clause générale d'indulgence protège les prisonniers de
guerre contre l'interprétation trop rigoureuse des lois et
règlements. Lorsqu'il s'agira de savoir si une infraction commise par un
prisonnier de guerre doit être punie disciplinairement ou judiciairement,
la Puissance détentrice veillera à ce que les autorités
compétentes usent de la plus grande indulgence dans
l'appréciation de la question et recourent à des mesures
disciplinaires plutôt qu'à des poursuites judiciaires, chaque fois
que cela sera possible. Les sanctions disciplinaires ne pourront
être prononcées que par le commandant du camp ou un officier
désigné par lui, à l'exclusion de tout prisonnier de
guerre. Certains tempéraments sont, en outre, prévus pour
l'exécution des peines disciplinaires (autorisation de prendre chaque
jour de l'exercice et d'être en plein air pendant au moins deux heures,
autorisation de lire et d'écrire, ainsi que d'expédier et de
recevoir des lettres). Enfin, en aucun cas, les peines disciplinaires ne seront
inhumaines, brutales ou dangereuses pour la santé des prisonniers de
guerre et la durée d'une même punition ne dépassera jamais
trente jours. En ce qui concerne les sanctions judiciaires, ce sont
les tribunaux militaires qui peuvent juger un prisonnier de guerre. En outre,
les prisonniers de guerre ne pourront être frappés par les
autorités militaires et les tribunaux de la Puissance détentrice
d'autres peines que celles qui sont prévues pour les mêmes faits
à l'égard des membres des forces armées de cette
Puissance, et sont interdites toute peine collective pour des actes
individuels, toute peine corporelle, toute incarcération dans des locaux
non éclairés par la lumière du jour et, d'une
manière générale, toute forme quelconque de torture ou de
cruauté. Il est important de noter que les prisonniers qui feront
l'objet de poursuites judiciaires resteront, même s'ils sont
condamnés, au bénéfice de la présente Convention.
La peine de mort peut être infligée, en principe, pour
des infractions passibles de la peine capitale dans les forces armées du
détenteur. Mais une telle condamnation ne saurait être
automatique. Le prévenu, n'étant pas un ressortissant de la
Puissance détentrice, n'étant lié à elle par aucun
devoir de fidélité et se trouvant en son pouvoir à la
suite de circonstances indépendantes de sa volonté, il a droit
aux circonstances atténuantes correspondantes et le tribunal est
appelé à en tenir compte. Dans la mesure du possible, la peine de
mort ne sera pas prononcée contre les prisonniers qui n'avaient pas
dix-huit ans au moment de l'infraction. Si elle est prononcée, elle ne
sera pas exécutée. L'art. 101 étend à 6 mois au
moins le délai entre le prononcé de la peine de mort et
l'exécution de cette peine. En outre, l'art. 107 prévoit et
organise l'intervention de la Puissance protectrice en cas de condamnation
à mort. Les garanties de procédure judiciaire font partie des
garanties fondamentales, ce qui signifie qu'elles doivent être
assurées même aux prisonniers auxquels le statut de prisonnier de
guerre ne serait pas reconnu. La procédure judiciaire doit être
régulière, c'est-à-dire comporter au moins les garanties
suivantes: information sans délai du prévenu sur les
détails de l'infraction qui lui est imputée, laquelle doit
constituer un acte délictueux au moment où elle a
été commise, présomption d'innocence, absence de
contrainte pour obtenir des aveux, jugement rendu en présence de
l'accusé et en principe publiquement. Le prisonnier ne peut être
puni qu'une seule fois en raison du même fait ou du même chef
d'accusation si c'est sur la base du même droit et de la même
procédure judiciaire. Les droits de la défense sont reconnus et
garantis et, en ce sens, le prisonnier de guerre aura le droit
d'être assisté par un de ses camarades prisonniers, d'être
défendu par un avocat qualifié de son choix, de faire citer des
témoins et de recourir, s'il l'estime nécessaire, aux offices
d'un interprète compétent. Il aura le droit, dans les mêmes
conditions que les membres des forces armées de la Puissance
détentrice, de recourir en appel, en cassation ou en révision
contre les jugements rendus à son endroit et ceux-ci seront
immédiatement portés à la connaissance de la Puissance
protectrice.
· la fin de la
captivité.
- Rapatriement direct et hospitalisation en pays
neutre : la Convention prévoit le
rapatriement direct au cours même des hostilités et
l'hospitalisation en pays neutre pour les blessés et les malades dont
l'aptitude intellectuelle ou physique paraît avoir subi une diminution
considérable. Un projet d'accord type, annexé à la
Convention (Annexe I, voir art. 110), énumère de nombreux cas qui
peuvent donner application à ce principe. La compétence de
commissions médicales mixtes constituées dès le
début du conflit est requise. Les Parties au conflit seront tenues de
renvoyer dans leur pays, sans égard au nombre ni au grade et
après les avoir mis en état d'être transportés, les
prisonniers de guerre grands malades et grands blessés. Aucun prisonnier
de guerre blessé ou malade ne pourra être rapatrié contre
sa volonté pendant les hostilités.
- Libération et
rapatriement à la fin des hostilités : les
situations qui peuvent se présenter à la fin d'une guerre ont
montré que la façon dont était énoncé le
principe du Code des prisonniers de guerre de 1929, requérant le
rapatriement des prisonniers à la conclusion de la paix, risquait de
leur être défavorable, car l'expérience a montré
qu'un temps fort long peut s'étendre entre la cessation des
hostilités et la conclusion de la paix. Afin d'y remédier, la
IIIe Convention de 1949 dispose que le rapatriement aura lieu
«sans délai après la fin des hostilités
actives», c'est-à-dire après le cessez-le-feu. Une
exception au rapatriement immédiat est prévue en ce qui concerne
les prisonniers condamnés ou poursuivis pour délit de droit
pénal qui pourront être retenus jusqu'à la fin de la
procédure et, le cas échéant, jusqu'à l'expiration
de la peine.
Ø Décès
Les prisonniers de guerre sont habilités à faire
leur testament. A cette fin, la Convention prévoit que les testaments
des prisonniers de guerre seront établis de manière à
satisfaire aux conditions de validité requises par la législation
de leur pays d'origine, qui prendra les mesures nécessaires pour porter
ces conditions à la connaissance de la Puissance détentrice.
La Convention précise les conditions d'inhumation (ou en
certains cas d'incinération) propres à assurer le respect
dû aux morts et à réserver l'intérêt des
familles, et le Protocole complète ces dispositions. En cas de
décès dont la cause serait suspecte, une enquête est
prescrite, afin de situer les responsabilités, en vue notamment des
indemnités éventuelles à percevoir par les ayants droit.
Les certificats de décès seront adressés, dans le plus
bref délai, aux Bureaux officiels de renseignements sur les prisonniers
de guerre.
Chapitre II : Les règles de protection
spécifiques
La nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus
fragiles que d'autres et par conséquent plus exposées que
d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des
belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de
l'âge, c'est le cas des enfants, tantôt du sexe dans la mesure ou
la femme est désignée à tort ou à raison
«sexe faible». En effet, il est d'un constat
général que les formes de violence qui caractérisent les
conflits armés actuels ont pour résultat d'augmenter le nombre de
victimes parmi les populations civiles, notamment les femmes et les enfants
qui, en raison de leur vulnérabilité, sont les plus
touchés.
Les conclusions d'une étude du CICR sur «Les
femmes face à la guerre» montrent que les femmes font des
conflits armés une expérience multiforme qui implique
séparations, perte de membres de la famille, insécurité
physique et économique, risques accrus de violence sexuelle, blessures,
détentions, privations et même la mort.
Dans tous les conflits les femmes souffrent de manière qui
leur sont propres. Elles sont aussi trop fréquemment les victimes
privilégiées de violations spécifiques et graves du DIH
comme le viol, sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation
sexuelle, fécondation forcée). De telles atteintes à leurs
droits fondamentaux ont eu lieu dans toutes les guerres, de manière
sporadique et incontrôlée du fait de la négligence coupable
des chefs de forces ou de bandes armées. Mais de tels actes de barbarie
se sont également produits de manière
répétée, voire systématique. Dans certaines
situations, les femmes deviennent ainsi de véritables cibles pour les
hommes en armes qui cherchent, par ces pratiques, à terroriser, humilier
ou détruire des communautés toutes entières. L'exemple le
plus touchant a été noté lors du «génocide
rwandais» ou les femmes ont été les principales
victimes d'un théâtre d'atrocités et de terreur.36(*)
De plus les enfants qui sont confrontés à la
guerre, pris au piège d'une zone de conflit, bien trop souvent, sont les
témoins directs et impuissants des atrocités commises contre
leurs parents ou d'autres membres de leur famille. Ils sont tués,
mutilés, recrutés, pour combattre, emprisonnés ou
séparés de leur famille. L'enfant qui participe aux
hostilités est non seulement placé en danger de mort, mais
également les personnes deviennent des cibles, à cause de son
comportement immature et passionné. Arrachés à
l'environnement qui leur est familier, même ceux qui réussissent
à s'échapper n'ont aucune certitude quant à leur avenir et
à celui de leurs proches. Ils sont souvent forcés de fuir,
livrés à eux même et rejetés sans identité.
Ce sont là des expériences qui risquent de les marquer à
jamais, de briser leur enfance...En guise d'illustration le rapport 2002 du
Secrétaire Général de l'ONU sur les enfants et les
conflits armés cite, dans la liste des forces ou groupes armés
qui recrutent ou utilisent des enfants-soldats, les parties aux conflits en
RDC, au Burundi, au Liberia, en Somalie...
Cette situation qui devient un phénomène de plus
en plus inquiétant et dont la gravité ne cesse de
s'accroître, justifie la préoccupation croissante de la
Communauté Internationale. Fort conscient de ce fléau, le DIH en
sus de la protection internationale générale qui accorde aux
femmes et aux enfants par le biais de textes éparses une protection
assez spéciale, prévoit dans son dispositif en l'occurrence les
quatre Conventions de Genève et leurs PA de 1977, une protection
spécifique à l'enfant (Section 1) et à
la femme (Section 2).
Section 1 : Les règles de protection
spécifiques aux enfants
C'est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale que des
travaux ont été entrepris par le CICR en vue de
l'élaboration de dispositions spéciales relatives à la
protection des enfants. Ces dispositions furent incluses dans la
IVème Convention de Genève de 1949 qui reconnaît
une protection générale aux enfants en tant que personnes civiles
ne prenant pas part aux hostilités - comme on l'a précisé
dans nos développements précédents - ainsi qu'une
protection spéciale contenue dans non moins de dix-sept dispositions.
Marquant un progrès important dans la protection de
l'enfant en temps de conflit armé, les PA de 1977 aux Conventions de
Genève de 1949 non seulement accordent aux enfants une protection accrue
contre les effets des hostilités mais pour la première fois
réglementent leur participation aux hostilités fait qui constitue
une réalité préoccupante dans les conflits
modernes37(*).
Cependant force est de préciser que la protection
reconnue par le DIH a été réaffirmée dans la
Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par les Nations
Unies le 20 Novembre 1989. Cette convention, qui est l'aboutissement d'une
longue négociation lancée par le gouvernement polonais en 1978,
protège la dignité, l'égalité et les droits
fondamentaux des enfants. Elle compte 54 art. qui couvrent l'ensemble des
droits de l'enfant ; soit ses droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels. Elle contient aussi une disposition,
l'art. 38, relative aux enfants dans les conflits armés, qui pour
l'essentiel renvoient aux règles du droit international humanitaire
protégeant les enfants dans ces situations.38(*)
Nous analyserons d'une part la protection particulière
des enfants contre les effets des hostilités (Paragraphe
1) et d'autre part l'existence de mesures
préférentielles dont bénéficient les enfants au
sein de la population civile (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La protection
particulière des enfants contre les effets des hostilités
En raison de sa qualité particulièrement
vulnérable, cette protection spéciale se traduit par
l'interdiction de l'enrôlement et de la participation des enfants aux
hostilités (A). Mais malgré cette interdiction
on se rend compte de l'existence des enfants-soldats, d'où l'attention
particulière que le DIH leur accorde en temps que combattants
(B).
A-L'interdiction de
l'enrôlement et de la participation des enfants aux hostilités
Le DIH ne donne pas une définition précise de
l'enfant39(*). Il se
réfère cependant à plusieurs reprises à l'âge
de quinze ans comme âge limite au dessous duquel l'enfant doit jouir
d'une protection spéciale. Il est généralement admis qu'au
dessus de quinze ans le développement des facultés de l'enfant
sont telles que les mesures spéciales ne s'imposent pas
systématiquement avec la même nécessité40(*). L'âge de quinze ans est
toutefois un plancher minimum à partir duquel, suivant le type d'actes
ou d'intérêts à protéger, certaines dispositions
exigent ou encouragent de prendre en considération un âge
supérieur. L'âge au dessous duquel il est interdit aux enfants de
participer aux hostilités est le suivant :
Ø En situation de conflit armé
international
C'est l'art. 77, Paragraphe 2 du PA I qui fixe la limite
à quinze ans en encourageant les Etats, en cas de recrutement des
personnes entre quinze et dix huit ans, à commencer par les plus
âgés.
Aux termes de cette disposition :
«Les parties au conflit prendront toutes les mesures
possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne
participent pas directement aux hostilités, notamment en s'abstenait de
les recruter dans les forces armés. Lorsqu'elles incorporent des
personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix huit ans, les parties au
conflit s'efforceront de donner la priorité aux plus
âgées.»
La formule «les patries au conflit prendront toutes
les mesures possibles dans la pratique...» est moins contraignante
que la proposition du CICR qui avait suggéré que les Parties au
conflit «prennent toutes les mesures nécessaires». Si
les gouvernements qui ont négocié cet article ont opté
pour le libellé actuel, c'est parce qu'ils n'ont pas voulu contracter
des obligations absolues en ce qui concerne la participation spontanée
des enfants aux hostilités.
L'art. 77 paragraphe 3 du P.A I contient en revanche une
obligation très importante imposée aux Etats parties de ne pas
recruter dans leurs forces armées des enfants de moins de quinze ans. Le
texte anglais est plus explicite que le libellé français :
« ...they shall refrain from recruiting them into their armed
forces... » . Par recrutement, on entend non seulement
l'enrôlement de force mais également les engagements volontaires.
Dans ces conditions, recruter signifie aussi incorporer, ce qui implique que
les parties doivent s'abstenir d'enrôler les enfants de moins de quinze
ans qui volontairement voudraient faire partie des forces armés.
Le libellé de ce paragraphe a aussi l'avantage
d'encourager une élévation de la limite d'âge à
partir de laquelle les enfants peuvent être recrutés. Lors de la
négociation de cette disposition, une délégation avait
proposé que la limite du non-recrutement soit portée de quinze
à dix huit ans. La majorité était opposée à
étendre l'interdiction du recrutement au delà de quinze
ans ; néanmoins pour tenir compte de cette proposition, on a
prévu en cas de recrutement de personnes entre quinze et dix huit ans
on commencerait par les classes les plus âgées41(*). Ce compromis est très
important puisqu'il montre bien le souhait de certains gouvernements
d'accroître la protection reconnue aux enfants.
C'est cette recommandation qui permet au CICR d'insister
auprès des Parties au conflit sur l'importance humanitaire que les
adolescents de moins de dix huit ans ne participent pas aux hostilités
et d'accroître de cette manière la protection qui leur est
reconnue. Il va sans dire que, par ailleurs, le CICR ne cesse de rappeler aux
belligérants que le DIH interdit de recruter et d'accepter
l'enrôlement volontaire des enfants de quinze ans et que celui-ci demande
aux Etats de prendre toutes les mesures possibles afin d'empêcher que les
enfants ne prennent pas directement part aux hostilités.
Ø En situation de conflit armé non
international
C'est l'art. 4, paragraphe 3, alinéa c) du protocole
qui se réfère a l'âge au dessous duquel les enfants n'ont
pas le droit de participer aux hostilités ; aux termes de cette
disposition :
«Les enfants de moins de quinze ans ne devront pas
être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni
autorisés à prendre part aux hostilités.»
Il s'agit en l'occurrence d'une interdiction absolue, en ce
qu'elle vise une participation directe ou indirecte aux hostilités,
telle que la collecte de renseignements, la transmission d'ordres, le transport
de munitions et de vivres, ou encore des actes de sabotage.42(*) L'obligation imposée
aux Etats Parties est dès lors plus stricte que lors des conflits
armés internationaux.
Dans les situations de conflits armés non
internationaux, il n'est pas formellement recommandé de ne pas recruter
des enfants de moins de dix huit ans. Cependant, conformément à
son mandat d'institution humanitaire, Le CICR peut toutefois également
intervenir auprès des Parties au conflit pour lesquelles les enfants
combattent, afin de signaler encore l'indépendance que ces adolescents
ne participent pas aux hostilités. Il rappelle aussi aux Parties pour
lesquelles les enfants combattent que le DIH interdit de recruter et d'accepter
l'enrôlement volontaire des enfants de moins de quinze ans, et que cette
interdiction absolue couvre la participation directe ou indirecte aux
hostilités.
Par ailleurs la Convention relative aux droits de l'enfant
vient renforcer ces dispositions du DIH notamment en son art. 38. En effet,
l'art. 38 reprend le libellé de l'art. 77, paragraphe 2 du P.A I. Cette
disposition interdit la participation directe aux hostilités des enfants
de moins de quinze ans. Elle est cependant plus faible que le droit existant
dans la mesure où comme nous venons de le voir, le DIH, applicable aux
conflits armés non internationaux interdit toute participation directe
et «indirecte» de ces enfants aux hostilités.
L'art. 38, paragraphe 1 contient toutefois une clause de
renvoi aux règles du DIH, dont la protection s'étend aux enfants.
En raison de cette clause, ainsi que du caractère de lex specialis du
DIH, en cas de doute, c'est l'art. 4 paragraphe 3, alinéa c) du P.A II
qui s'applique. Cette dernière disposition accorde à l'enfant,
comme on l'a vu plus haut, une protection plus grande.
En outre, en application du Statut de la CPI, le fait de
procéder à la conscription ou à l'enrôlement
d'enfants de moins de quinze ans ou de les faire participer activement à
des hostilités est un crime de guerre, que ce soit dans le cadre d'un
conflit armé international ou non international (art. 8)
Quand bien même malgré la recommandation et
même l'interdiction d'enrôler ou de recruter les enfants dans les
hostilités, il n'est pas garanti que les parties au conflit tiennent
compte de cette limitation. Il est donc nécessaire de protéger
ceux qui auraient pris part, volontaire ou de force, aux hostilités.
B - La protection
particulière des enfants-combattants
Etant donné la vulnérabilité
particulière de l'enfant, les Conventions de Genève de 1949 (CG
III et IV) et leurs P.A de 1977 (PA, I et II) prévoient en sa faveur un
régime de protection spéciale. Ainsi, l'enfant qui prend
directement part aux hostilités ne perd pas cette protection
spéciale. Aussi, les PA, la Convention de 1989 relative aux droits de
l'enfant ainsi que son récent Protocole facultatif, notamment, fixent
des limites à sa participation aux hostilités.
- Statut et traitement des enfant-combattants
capturés dans un conflit armé international
Les enfants de moins de quinze ans qui, malgré les
injonctions contenues dans l'art. 77, paragraphe 2 du P.A I, sont
recrutés ou engagés volontaires dans les forces armés,
auront aussi la qualité de combattants et bénéficieront en
cas de capture du statut de prisonniers de guerre. Même si la
participation de ces enfants aux hostilités est interdite, il a bien
fallu veiller à ce qu'une protection leur soit quand même
octroyée en cas de capture. Il n'y a d'ailleurs aucune limite
d'âge pour bénéficier du statut de prisonnier de
guerre43(*), l'âge
pouvant être seulement un facteur justifiant un traitement
privilégié.
Les enfant-combattants capturés, de moins de quinze
ans, ne pourront toutefois pas être condamnés pour avoir pris les
armes. Leur participation aux hostilités n'entraîne aucune faute
de leur part, étant donné que l'interdiction visée par
l'art. 77, paragraphe 2 du PA I s'adressant aux Parties au conflit et non aux
enfants. La responsabilité d'une telle violation incombe aux
autorités de la Partie au conflit ayant recruté et
enrôlé les enfants.
Ainsi les enfants qui ont le statut de prisonnier de guerre
sont protégés par la IIIe Convention de Genève
et ne peuvent pas être poursuivis en justice du fait de leur
participation aux hostilités. Les enfants, considérés
comme des internés civils ont droit à la protection que leur
confère le DIH.
Par ailleurs pendant une guerre, les enfants soldats peuvent
commettre des atrocités. Peuvent- ils être tenus pour responsables
de leurs actes devant la loi ? Les adultes qui obligent ou autorisent un
enfant à participer aux hostilités portent la
responsabilité de son recrutement et devraient donc répondre des
conséquences. Cependant, les enfants soldats sont responsables, comme le
serait tout soldat, de violations du DIH dont ils peuvent devoir
répondre.
Enfants combattants détenus lors de conflits
armés non internationaux
Les dispositions juridiques du P.2 sont réalistes en ce
qui concerne l'éventualité du port d'armes par les enfants. En
effet l'art. 4 par.3 al. (d) stipule que :
«La protection spéciale prévue par le
présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera
applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en
dépit des dispositions de l'alinéa c et sont
capturés».
Pour être appliquée cette disposition très
positive en soi, suppose en effet un changement dans la pratique des conflits
voire une modification de la législation interne de certains Etats. Les
enfants dont il s'agit sont en effet parfois traités avec la même
sévérité que les combattants adultes capturés, soit
par tradition guerrière, soit en conformité ave la loi.
Il convient de rappeler que dans les conflits armés
internes, il existe ni statut de combattant ni celui qui en découle,
soit le statut de prisonnier de guerre. Dès lors l'enfant-combattant,
qu'il fasse ou non partie des forces armées, peut être puni en
vertu de la législation interne du pays concerné pour le seul
fait d'avoir pris part aux hostilités. L'étendue de sa
responsabilité doit toutefois être appréciée en
prenant en considération sa capacité restreinte de discernement,
inhérente à son jeune âge. De plus, des mesures
éducatives devraient être imposées et non de
véritables peines.
Un cas peut se présenter, c'est celui de l'enfant de
moins de quinze ans capturé sans avoir véritablement était
recruté par les forces ou groupes armés, mais qui aurait pris
volontairement part aux hostilités. Dans ce cas l'enfant devrait
être traité comme une personne civile protégée,
compte tenu des circonstances atténuantes qui excluent sa
responsabilité notamment en raison de son jeune âge ou de son
manque de discernement.
L'art. 6 par. 4 du PA 2 interdit aussi de prononcer la peine
de mort contre une personne âgée de moins de dix huit ans au
moment de l'infraction. Ici encore, comme en ce qui concerne la limite
d'âge au-dessous de laquelle les enfants ne peuvent pas participer aux
hostilités, l'obligation va plus loin que celle applicable aux conflits
armés internationaux, qui vise seulement l'interdiction
d'exécuter une telle condamnation à leur encontre.
D'une manière générale, le CICR aborde le
problème de la protection des enfants combattants en situation de
conflit interne en mettant l'accent sur l'intérêt des enfants. Si
les enfants sont détenus, le CICR insiste pour obtenir leur
libération, lorsque des garanties peuvent être données pour
que ces enfants ne retournent pas au combat. Dans la pratique, le CICR demande
aussi aux Parties la prise en compte de la capacité de discernement
restreinte des enfants de moins de quinze ans. Il oeuvre notamment pour qu'un
traitement différencié, adapté à leur âge,
soit accordé aux enfants détenus. Il veille aussi au respect des
règles spéciales de protection prévues en leur faveur dans
le P.A II.
Dans tous les cas, que l'enfant soit prisonnier de guerre ou
interné civil, qu'il s'agisse d'un conflit armé international ou
non international, les deux protocoles additionnels interdisent d'appliquer la
peine capitale aux enfants qui étaient âgés de moins de
dix-huit ans au moment ou ils ont commis le délit.
En plus de ces garanties, les enfants doivent faire l'objet
d'un traitement particulier au sein de la population civile (paragraphe
2).
Paragraphe 2 : L'existence de
mesures préférentielles pour les enfants
Cela se traduit par la protection spéciale dont
jouissent les enfants lorsqu'ils sont internés (A) mais
également par le dispositif de la Convention relative aux droits des
enfants dûment acceptée par le DIH (B).
A- La protection spéciale des
enfants internés
Le P.A II en son art. 4, déclare en substance que les
enfants feront l'objet d'un respect particulier et seront
protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Ils
recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou
pour toute autre raison. Toutes mesures possibles dans la pratique seront
prises pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas
directement aux hostilités et, s'ils sont devenus orphelins ou sont
séparés de leur famille du fait de la guerre, pour qu'ils ne
soient pas laissés à eux-mêmes et que soient
facilités, en toutes circonstances, leur entretien, la pratique de leur
religion et leur éducation. En cas d'arrestation, les enfants seront
gardés dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf
dans le cas de familles logées en tant qu'unités familiales.
Le droit international autorise une Partie à un conflit
armé international à prendre, à
l'égard des personnes protégées, des mesures
destinées à assurer sa propre sécurité.
L'internement constitue une de ces mesures. En outre, la Puissance occupante
peut inculper des personnes protégées, pour infraction à
la législation nationale en vigueur dans le territoire occupé, ou
pour infraction aux dispositions qu'elle aura édictées pour
assurer sa propre sécurité. L'enfant, comme n'importe quelle
personne protégée, peut être interné. Il peut
également être inculpé, comme il pourrait l'être en
temps de paix, pour avoir commis, sur un territoire occupé, une
infraction au droit pénal, ou s'être livré à des
actes portant atteinte à la sécurité de la Puissance
occupante. Il peut, enfin, contrairement au DIH, avoir été
enrôlé dans les forces armées et être capturé
en tant que combattant de ces forces. Le DIH, en tenant compte de ces
situations, prévoit des dispositions particulières en faveur de
l'enfant privé de liberté. En vertu du PA I, l'enfant
arrêté, détenu ou interné doit être
gardé dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf
dans les cas où il loge avec sa famille (art. 77, ch. 4). La
IVe Convention prévoit le regroupement des enfants avec leurs
parents internés (art. 82), tandis que le PA II l'étend à
toutes les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie en conflit (art. 75 par.
5).
La IVe Convention de Genève prévoit
l'instruction des enfants et des adolescents internés, ainsi que des
emplacements spéciaux pour le jeu et le sport (art. 94). Des
suppléments de nourriture (art. 89) sont prévus. Enfin, cette
Convention encourage la libération, le rapatriement, le retour au lieu
de domicile ou l'hospitalisation en pays neutre des enfants et des mères
avec nourrissons et enfants en bas âge internés (art. 132). Selon
la IVe Convention de Genève, il sera tenu compte, pour les
mineurs inculpés, du régime spécial prévu par la
législation en vigueur avant l'occupation (art. 76). Aux termes du
Protocole additionnel I, les enfants participant directement aux
hostilités alors qu'ils n'ont pas quinze ans révolus restent,
s'ils tombent au pouvoir d'une partie adverse, au bénéfice de la
protection spéciale accordée par l'art.77 (art. 77, par. 3) Pour
le conflit armé non international, le PA II contient une
stipulation identique en faveur des enfants de moins de quinze ans participant
aux hostilités (art. 4, par. 3, litt. d).
- Droit aux soins et à l'aide
Comme il a été mentionné auparavant, le
PA II impose aux Parties à un conflit armé international,
l'obligation d'apporter des soins et de l'aide aux enfants. Dans la
IVe Convention de Genève, plusieurs dispositions prennent en
considération les besoins particuliers des enfants.
En vertu du PA I, priorité sera donnée, entre
autres, aux enfants et aux femmes en couches lors de la distribution d'envois
de secours (art. 70, par. 1).
Enfin, l'évacuation temporaire des enfants aux termes
de l'art. 78 de ce Protocole est prévue également dans le cas
où des raisons tenant à la santé ou à un traitement
médical des enfants l'exigent (art. 78, par. 1).
En ce qui concerne le conflit armé non
international, le PA II, comme il a été mentionné
auparavant, énonce le droit aux soins et à l'aide des enfants
(art. 4, par. 3).
- L'enfant et la peine de mort
Les auteurs de la IVe Convention de Genève
que des PA ont fixé à dix-huit ans l'âge limite au-dessous
duquel aucune condamnation à mort ne doit être
exécutées.
Selon le Commentaire de la IVe Convention:
«Il s'agit d'une limite absolue qui s'oppose
à l'exécution de la peine capitale, même si toutes
les conditions qui rendent cette peine applicable se trouvent
réunies. Elle correspond à des dispositions que l'on retrouve
dans le code pénal de nombreux pays, et procède de
l'idée qu'avant dix-huit ans l'individu n'est pas entièrement
capable de discernement, qu'il ne mesure pas toujours la portée
de ses actes et agit souvent sous l'influence d'autrui, si ce n'est
sous la contrainte»44(*).
En ce qui concerne le conflit armé international,
le PA I interdit l'exécution d'une condamnation à mort pour
une infraction liée au conflit armé contre les personnes qui
n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 77, par. 5). La
IVe Convention de Genève interdit de prononcer la peine de
mort contre une personne protégée d'un territoire occupé
âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 68).
Pour le conflit armé non international, le PA
II interdit également de prononcer la peine de mort contre les personnes
âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 6,
par. 4).
B- Règles protégeant les
enfants en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989
A moins de raisons impérieuses, aucune Partie au
conflit ne procédera à l'évacuation, vers un pays
étranger, d'enfants autres que ses propres ressortissants. Lorsque
l'évacuation a lieu, toutes mesures seront prises pour faciliter le
retour des enfants dans leur famille et dans leur pays. Le respect de ces
dispositions semble possible eu égard aux circonstances et aux
caractéristiques militaires et territoriales qui sont celles des
conflits armés auxquels le PA II est applicable. Selon la Convention
relative aux droits de l'enfant, les États doivent respecter et faire
respecter les règles du DIH dont la protection s'étend aux
enfants, et ils doivent prendre «toutes les mesures possibles dans la
pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit
armé bénéficient d'une protection et de
soins»45(*). On
trouve des dispositions similaires dans la Charte africaine des droits et du
bien-être de l'enfant46(*).
Dans une résolution adoptée en 1999 sur les
enfants dans des situations de conflit armé, le Conseil de
sécurité de l'ONU a demandé aux parties à des
conflits armés «de prendre des mesures concrètes lors
des conflits armés afin de réduire au minimum les souffrances
infligées aux enfants».
Le Comité des Nations Unies pour les droits de l'enfant
a également rappelé que les dispositions essentielles pour
permettre la réalisation des droits des enfants touchés par le
conflit armé comprenaient : la protection du milieu familial, la
garantie de l'assistance et des soins fondamentaux, la garantie de
l'accès à la santé, à l'alimentation et à
l'éducation; l'interdiction de la torture, des brutalités et de
la négligence; l'interdiction de la peine de mort; la
préservation de l'environnement culturel des enfants; la protection dans
les situations où ils sont privés de liberté, et la
garantie d'une assistance et des secours humanitaires aux enfants dans les
situations de conflit armé47(*).
Les enfants de moins de quinze ans et les mères
d'enfants de moins de sept ans font partie des catégories de la
population civile qui peuvent être accueillies dans les zones sanitaires
et de sécurité établies par les Parties à un
conflit armé international conformément à
l'article 14 de la IVe Convention de Genève. De même, les enfants
et les femmes en couches entrent dans la catégorie des personnes civiles
qui, en vertu de la IVe Convention, devraient être
évacuées d'un lieu assiégé ou encerclé (art.
17).
Le PA I prévoit, à des conditions toutefois
très strictes, l'évacuation temporaire des enfants, si celle-ci
est rendue nécessaire pour des raisons impérieuses tenant
à leur sécurité (art. 78).
Pour le conflit armé non international, le PA
Il encourage, sous certaines conditions, l'évacuation temporaire des
enfants d'un secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur
plus sûr du pays (art. 4, par. 3, litt. e).
La protection du lien familial a été prise en
considération pour l'évacuation temporaire des enfants aux termes
de l'art. 78 du PA I. Cette opération est soumise à des
conditions très strictes. Le consentement des parents, des tuteurs ou
des personnes à qui la loi ou la coutume attribue principalement la
garde des enfants est requis (art. 78, par. 1). En outre, toutes les mesures
devront être prises pour conserver l'identité des enfants
évacués (art. 78, par. 3).
En vertu du principe de l'intangibilité du statut
personnel de l'enfant, énoncé dans la IVe Convention
de Genève, il est interdit à une Puissance occupante de modifier
la situation de famille ou l'état civil des enfants (art. 50). En ce qui
concerne la protection de la famille, citons également l'art. 51 de la
IVe Convention de Genève, qui interdit à une Puissance
occupante d'astreindre au travail des personnes protégées
âgées de moins de dix-huit ans.
Enfin, l'exposé de
toutes les mesures prévues par le DIH pour préserver les liens
entre l'enfant et sa famille serait incomplet si l'on ne mentionnait pas, d'une
part, les dispositions qui ont pour but de garder la trace des personnes
protégées, d'autre part, celles qui permettent aux membres de
leur famille de connaître le sort des personnes protégées.
Au vu de la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit
doivent s'efforcer de prendre des mesures pour que tous les enfants de moins de
douze ans soient identifiés, notamment par le port d'une plaque
d'identité (art. 24). Une Puissance occupante doit faciliter
l'identification des enfants et l'enregistrement de leur filiation, et
créer, au sein de son bureau de renseignements sur les personnes
protégées, une section spéciale chargée de
rechercher l'identité des enfants qui serait restée incertaine
(art. 50). Il faut insister sur l'extrême importance d'un système
d'identification des enfants et notamment des enfants en bas âge. C'est
le seul moyen d'éviter que des milliers d'enfants ne soient
abandonnés par suite des événements de la guerre: exodes,
bombardements, destructions de villes, déportations, etc. Pour le
conflit armé non international, le PA Il dispose que toutes
les mesures appropriées doivent être prises pour faciliter le
regroupement des familles momentanément séparées (art. 4,
par. 3, litt. d). L'évacuation des enfants est subordonnée
«au consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde
à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume» (art.
4, par. 3, litt. e).
- L'environnement culturel de l'enfant
Lorsque l'enfant reste au sein de sa famille, il
bénéficie de l'environnement culturel auquel il est
habitué. En protégeant le milieu familial de l'enfant, le droit
international humanitaire protège également les valeurs morales,
la religion, la culture et les traditions dans lesquelles l'enfant a
été élevé. Si l'enfant est orphelin, ou
séparé de ses parents, cet environnement culturel peut être
affecté par le conflit. Il ressort des dispositions du DIH relatives
à cette catégorie d'enfants, que les auteurs de la IVe
Convention de Genève et du PA I se sont tenus au principe selon lequel
les enfants, en cas de conflit armé international, doivent
bénéficier d'un environnement aussi proche que possible de celui
auquel ils sont habitués. Ainsi, dans la IVe Convention de
Genève, les Parties en conflit doivent en toutes circonstances
faciliter, pour les enfants séparés ou orphelins, «la
pratique de leur religion et leur éducation. Celle-ci sera si possible
confiée à des personnes de même tradition
culturelle» (art. 24).
Dans le PA, l'article relatif à l'évacuation des
enfants vers un pays étranger dispose que «l'éducation
de chaque enfant évacué, y compris son éducation
religieuse et morale telle que la désirent ses parents, devra être
assurée d'une façon aussi continue que possible» (art.
78, par. 2).
- L'enfant et sa famille
Au regard des conclusions d'une étude de l'UNESCO sur
l'enfant et la guerre, les dispositions du DIH qui ont pour objet de
préserver l'unité familiale dans les conflits armés
revêtent une importance particulière. Selon cette étude en
effet:
«Lorsqu'on approfondit la nature de la
souffrance psychique chez l'enfant victime de la guerre,
on découvre que ce ne sont pas les faits de guerre
eux-mêmes - tels que bombardements, opérations militaires qui
l'ont affecté émotionnellement. Son sens de l'aventure, son
intérêt pour la destruction et le mouvement peuvent
s'accommoder des pires dangers, et il ne prend pas conscience du
péril s'il garde auprès de lui le protecteur qui, dans
son coeur d'enfant, incarne la sécurité, et s'il peut en
même temps serrer dans ses bras quelque objet familier.
C'est la répercussion des événements sur ses liens
affectifs familiaux et la séparation d'avec le cadre coutumier
de sa vie qui affectent l'enfant et, par-dessus tout, l'arrachement
brutal à sa mère»48(*). Le PA I énonce le devoir
général des Hautes Parties contractantes et des Parties en
conflit de favoriser le regroupement des familles qui se retrouvent
dispersées après l'éclatement d'un conflit armé
international (art. 74).
-L'éducation des enfants
Outre les dispositions qui viennent d'être
mentionnées sur l'éducation des enfants orphelins ou
séparés, la IVe Convention de Genève impose
certains devoirs généraux en matière d'éducation
des enfants à une Partie à un conflit armé
international. La Puissance occupante doit faciliter le bon
fonctionnement des établissements consacrés à
l'éducation des enfants (art. 50). La Puissance détentrice doit
assurer l'instruction des enfants et des adolescents internés, qui
peuvent fréquenter des écoles (art. 94).
Pour le conflit armé non international, le PA
II prévoit que les enfants «devront recevoir une
éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle
que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes
qui en ont la garde» (art. 4, par. 3, litt. a).
- Les droits personnels de l'enfant
La IVe Convention de Genève interdit
à la Puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants
(art. 50). Leur nationalité et leur état civil ne devront donc
pas subir de changements du fait de l'occupation qui complète, en faveur
des enfants, les principes essentiels du respect de la personne et des droits
familiaux proclamés à l'art. 27 de cette Convention. D'autre
part, la Puissance occupante ne doit pas enrôler les enfants dans des
formations ou des organisations dépendant d'elle (art. 50). Cette
interdiction est destinée à empêcher le renouvellement des
massives incorporations forcées qui se sont produites au cours de la
seconde guerre mondiale, où de nombreux enfants avaient
été enrôlés d'office dans des organisations et
mouvements consacrés principalement à des fins politiques.
- Le respect du traitement préférentiel
de l'enfant
Si la IVe Convention de Genève
n'énonce pas le principe de la protection spéciale qui doit
être accordée à l'enfant, deux de ses dispositions
stipulent en revanche expressément que le régime de faveur
accordé aux enfants par les législations nationales doit
être respecté en cas de conflit armé international.
En effet, bien souvent, les pays en guerre promulguent des dispositions en
faveur des personnes dont la vulnérabilité appelle des mesures
spéciales : octroi de cartes d'alimentation supplémentaires,
facilités pour les soins médicaux et hospitaliers, assistance
sociale, mesures de protection contre les effets de la guerre, etc. Les enfants
de moins de quinze ans et les mères d'enfants de moins de sept ans qui
sont ressortissants de la Partie adverse doivent bénéficier de
tout traitement préférentiel qui est accordé aux
ressortissants nationaux des catégories correspondantes (art. 38). De
même, la Puissance occupante ne devra pas entraver l'application des
mesures préférentielles prises en faveur de ces personnes avant
l'occupation (art. 50).
- L'enfant orphelin ou
séparé
Les dispositions que les Parties à un conflit
armé international doivent prendre à l'égard des enfants
orphelins ou séparés du fait de la guerre ont déjà
été évoquées dans les paragraphes consacrés
à l'enfant et sa famille et à l'environnement culturel de
l'enfant. La IVe Convention de Genève accorde une
importance particulière à la situation des enfants orphelins ou
séparés de leur famille. Les Parties en conflit ont le devoir de
prendre les mesures nécessaires pour que l'entretien et
l'éducation des enfants de moins de quinze ans devenus orphelins ou
séparés du fait de la guerre soient assurés, et qu'ils ne
soient pas laissés à eux-mêmes et que leur accueil en pays
neutre soit prévu (art. 24). Les auteurs de la Convention ont choisi la
limite d'âge de quinze ans, parce qu'ils ont estimé que le
développement des facultés à partir de cet âge
n'imposait plus avec la même nécessité des mesures
spéciales49(*). De même, la Puissance
occupante doit veiller à ce que l'entretien et l'éducation des
enfants orphelins ou séparés en territoire occupé soient
assurés (art. 50).
Reconnaissant également les besoins et les
vulnérabilités spécifiques des femmes, le DIH leur accorde
un certain nombre de mesures de protection et de droits spécifiques
(Section 2).
Section 2 : Les règles particulières de
protection des femmes
Le principe fondamental qui régit les droits dont
jouissent les femmes en période de conflit armé est celui de la
non-discrimination. Hommes et femmes civils ont des droits
égaux50(*). Mais
pour assurer aux femmes la jouissance de droits équivalents à
ceux des hommes, il faut parfois leur accorder une protection spéciale,
tenant compte de leurs spécificités physiologiques et
psychologiques, de leur vulnérabilité accrue dans certaines
circonstances, de leurs besoins, etc. Il existe donc DIH un devoir de
différenciation. Il incombe aux Etats parties aux Conventions de
Genève et, partant, à tous les combattants d'accorder aux femmes
le respect qui leur est dû. La protection spéciale que les Etats
ont accordée aux femmes, et particulièrement à certaines
catégories d'entre elles, vient donc s'ajouter à la protection
générale dont bénéficie l'ensemble de la population
civile.
Faisant partie des personnes vulnérables en raison de
leur sexe qualifié de «faible» dans une certaine
mesure, mais aussi compte tenu du fait que les femmes ont des besoins plus
spécifiques en temps de guerre car ce sont elles qui font l'objet
d'agressions, de mutilations et beaucoup d'insanités lors des conflits
armés. C'est ainsi que le DIH, pour pallier à ce
phénomène et pour répondre aux besoins spécifiques
des femmes en temps de guerre a mis en place tout un dispositif tendant
à accorder aux femmes, en plus d'une protection spéciale, une
protection supplémentaire dans certaines circonstances. De ce fait,
elles sont protégées de manière générale, en
tant que femmes, contre toute atteinte à leur intégrité
physique et à leur dignité. D'autres dispositions du DIH tendent
à assurer par leur biais la protection de leur enfant à
naître ou en bas âge. A travers la protection des femmes enceintes,
en couches, de celles qui allaitent ou qui sont mères de jeunes enfants,
c'est donc la maternité et l'unité familiale qui doivent
être sauvegardées.
L'économie de ces dispositions fait ressortir la
nécessité de protéger les femmes contre les abus sexuels
(Paragraphe 1). Une autre catégorie de femmes aussi
seront prises en compte, compte tenu de leur situation ; il s'agit des
femmes enceintes ou en couches, des mères d'enfants de bas âge et
des femmes poursuivies pénalement qui elles, bénéficient
d'une protection encore plus favorable (Paragraphe B).
Paragraphe 1 : La protection
contre les abus sexuels
Elle se matérialise par la protection des femmes contre
toute atteinte à leur honneur (A) mais également
lorsqu'elles sont enceintes, en couches ou mères d'enfants de
bas-âge (B).
A - Protection des femmes contre
toute atteinte à leur honneur
Toutes les femmes sont protégées contre toute
atteinte à leur honneur, notamment le viol, la prostitution
forcée et tout attentat à la pudeur.
L'OMS définit la violence sexuelle comme «tout
acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaires ou avances de
nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés
contre la sexualité d'une personne utilisant la coercition, commis par
une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout
contexte, y compris, mais s'en s'y limiter, le foyer et le
travail.»
Le conflit en Bosnie-Herzégovine a amené le
monde à reconnaître que le viol des femmes est utilisé
comme un moyen de guerre. Le monde a été horrifié en
entendant les récits de femmes détenues pour être
violées et rendues enceintes.
Le viol, la prostitution forcée, l'esclavage sexuel et
la grossesse forcée sont des violations du DIH et font aujourd'hui
incontestablement partie du vocabulaire de la guerre. Ce ne sont pas des crimes
« nouveaux». Qui oserait nier n'avoir pas
été au courant des armées en maraude qui entraient dans
les villes conquises pour se livrer au pillage et au viol? Mais rares sont ceux
qui ont appris que le «viol» est un crime et ne peut jamais
être justifié en tant que moyen de guerre, démonstration de
puissance, récompense pour l'armée victorieuse, ou leçon
pour les vaincus, incapables de protéger leurs femmes. Dans nombre de
conflits, les femmes ont été systématiquement la cible de
la violence sexuelle - parfois dans l'objectif politique plus large de
procéder au nettoyage ethnique d'une région ou d'anéantir
un peuple. Du Bangladesh à l'ex-Yougoslavie, de Berlin pendant la
Seconde Guerre mondiale à Nankin sous l'occupation japonaise, du Vietnam
au Mozambique, de l'Afghanistan à la Somalie, des femmes et des jeunes
filles ont été les victimes de la violence sexuelle dans les
conflits armés (cela est vrai aussi pour les hommes et les
garçons, mais le problème est encore plus méconnu).
L'une des conséquences du principe de traitement humain
réside dans la nécessité de fournir une protection
renforcée aux catégories de personnes civiles qui subissent,
d'une façon particulièrement grave, les conséquences des
conflits armés et qui se retrouvent, de ce fait, dans une situation de
grande détresse; tel est le cas des femmes, surtout par rapport à
la violence sexuelle. À cet égard, la multiplication des actes de
cette nature perpétrés à l'encontre des femmes, lors de
conflits comme ceux de l'ex-Yougoslavie ou du Rwanda, a entraîné
une prise de conscience évidente de ce problème. Elle a
supposé une évolution significative du DIH, qui attribue
désormais une importance de plus en plus grande à la protection
des droits humains de la femme51(*). Les actes de violence sexuelle sont ainsi
qualifiés, dans les Statuts du TPIR et du TPIY, de crimes contre
l'humanité (art. 3 et 5 respectivement), et même, dans celui du
TPIR (art. 4), de violations de l'art. 3 commun aux Conventions de 1949 et du
PA II. L'inclusion de ces références prouve la volonté des
rédacteurs de ces textes de punir les attentats à la
dignité des femmes. Quoique ces derniers n'aient pas été
inclus dans le Statut du TPIY, en tant qu'infractions graves ou violations des
lois et des coutumes de la guerre, cela ne l'a pas empêché le
Tribunal de suivre la position du TPIR, en considérant le viol comme
«un acte abject, qui porte atteinte au plus profond de la
dignité humaine et de l'intégrité physique»52(*). En ce qui concerne la
répression des actes de violence sexuelle, le jugement du TPIR, dans
l'affaire Akayesu, est d'une importance primordiale pour le
développement du DIH. En effet, pour la première fois, il a
été reconnu que le viol systématique de femmes constituait
un crime contre l'humanité, et même une forme de génocide.
Par ailleurs, le même Tribunal a affirmé, au cours de l'affaire en
question, que la «violence sexuelle était une étape dans
le processus de destruction du groupe tutsi, destruction de son moral, de la
volonté de vivre de ses membres, et de leurs vies
elles-mêmes». De surcroît, il a estimé que le viol
pourrait être considéré comme une forme de torture, ce qui
a été confirmé et développé par le TPIY dans
l'affaire Celebici, ce dernier ayant déclaré que, du
moment que les actes de violence sexuelle réuniront les
éléments constitutifs de la torture, ils pourront être
qualifiés de tels [46]. Cette reconnaissance revêt une importance
capitale, puisqu'elle permet de condamner les responsables de viols ou d'autres
actes de violence sexuelle pour la perpétration d'infractions graves aux
Conventions de Genève de 1949. L'importance du jugement dans l'affaire
Akayesu réside également dans le fait que le TPIR s'est
vu dans l'obligation d'élaborer une notion de viol en application du
droit international, qui a servi de référence à des
jugements ultérieurs du TPIY. En empruntant ce chemin, il a opté
pour une définition large, étant donné que «si le
viol s'entend traditionnellement en droit interne de rapports sexuels non
consensuels, il peut en ses diverses formes comporter des actes consistant dans
l'introduction d'objets et/ou l'utilisation d'orifices du corps non
considérés comme sexuels par nature». De cette
façon, il a identifié le viol à d'autres actes de violence
sexuelle, ce qui a également été confirmé par des
jugements postérieurs du TPIY.
La jurisprudence des deux Tribunaux a donc joué un
rôle essentiel dans la sanction des viols commis au cours de conflits
armés, vu qu'à partir de ce moment-là, il a
été estimé que ces conduites donnaient lieu à une
responsabilité internationale de l'individu impliqué, les
considérant comme crimes de guerre contre l'humanité ou
génocide. On a ainsi mis fin à une situation où la
répression de ces conduites s'avérait trop incertaine.
Les femmes bénéficient d'une protection
spéciale, conformément au principe défini à l'art.
14, paragraphe 2, selon lequel «les femmes doivent être
traitées avec tous les égards dus à leur sexe».
Ce principe est repris dans un certain nombre de dispositions qui font
expressément référence aux conditions de détention
des femmes dans les camps pour prisonniers de guerre et imposent, par exemple,
l'obligation de prévoir des dortoirs séparés pour les
femmes et les hommes, ainsi que des installations sanitaires distinctes. En
application du principe du traitement différencié, les femmes
subissant une peine disciplinaire doivent être détenues dans des
locaux distincts de ceux des hommes et placées sous la surveillance
immédiate de femmes.
Paragraphe 2 : La protection en tant que
mère ou future mère
Ø En ce qui concerne les femmes enceintes ou en couche,
le Protocole I consacre le principe selon lequel «les cas des femmes
enceintes, arrêtées ou détenues ou internées pour
des raisons liées aux conflits armés doivent être
examinés en priorité absolue»53(*). Par-là, il est
question que les femmes enceintes arrêtées soient
libérées le plutôt possible54(*). Ce traitement favorable s'étend à
l'offre supplémentaire de nourriture en fonction des besoins
physiologiques nécessités par leur état55(*). Pour des raisons de
santé, leur transfert est suffisamment limité et ne serait
possible que si des raisons impérieuses de sécurité
l'exigent56(*).
Ø En ce qui concerne les mères d'enfants de bas
âge, elles doivent aussi être traitées en priorité
lorsqu'elles sont détenues ou arrêtées.
Si la question de l'âge reste en suspens dans ce texte,
la formule couramment employée est celle de la IVème
Convention de Genève qui traite généralement du cas des
mères d'enfants de moins de 7 ans. Cet âge est donc celui en
principe retenu dans l'application de l'art. 76 du PA I
précité.
· L'assistance
Les mesures préférentielles sont les
dispositions promulguées dans les pays en guerre en faveur des personnes
dont la vulnérabilité justifie une sollicitude spéciale.
Par exemple, nous pouvons citer cartes d'alimentation supplémentaires,
facilités pour les soins médicaux, assistance sociale
spéciale, dispense de certains travaux, etc. Le principe
d'impartialité oblige le CICR à privilégier les victimes
de la guerre ayant les besoins les plus urgents. En vertu du DIH, la protection
spéciale des femmes occupe une place importante dans les actions de
protection et d'assistance que mène le CICR.
Elle passe par de nombreuses actions :
· Secours:
Le ravitaillement des zones assiégées ou faisant
l'objet d'un blocus et des camps de personnes déplacées en
médicaments, nourriture et autres denrées indispensables à
la survie. Les femmes enceintes ou en couches, les mères qui allaitent,
ainsi que les enfants sont les bénéficiaires prioritaires des
distributions.
· Hygiène publique : construction de
puits permettant aux femmes, dans certaines régions du monde,
d'éviter de faire des longs, et parfois dangereux, déplacements
pour aller chercher de l'eau potable.
· Médical: les femmes sont des
interlocutrices prioritaires du CICR pour les questions touchant à la
santé de leurs enfants. Le CICR a par ailleurs réalisé des
programmes de vaccination de femmes sur le point d'accoucher pour
prévenir le tétanos néonatal. Il assure
également souvent la fourniture de suppléments en iode aux femmes
enceintes pour lutter contre certaines maladies des enfants à
naître, comme le crétinisme.
Par ailleurs, les cas des femmes enceintes ou mères
d'enfants en bas âge, arrêtées pour des raisons liées
au conflit armé, seront examinées en priorité absolue et
au cas où une condamnation à mort serait prononcée, elle
ne sera pas exécutée.
En ce qui concerne la peine de mort le PA I et le PA II
recommandent que la peine de mort ne soit retenue contre une femme enceinte et
en tout cas, ne soit pas exécutée contre celle-ci et contre les
mères d'enfants de bas âge dépendant d'elles pour une
infraction commise en relation avec le conflit armé. En outre, une
condamnation à mort pour de telles infractions ne peut être
exécutée contre ces femmes. L'art. 6, paragraphe 4 du P.A 2
interdit totalement que la peine de mort soit exécutée contre les
femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.
L'interdiction d'exécuter la peine de mort contre des
femmes enceintes est aussi inscrite dans le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et dans la Convention américaine relative
aux Droits de l'Homme.
La mise en oeuvre couvre toutes les mesures qui doivent
être prises pour assurer le plein respect des règles du DIH.
Ainsi, une bonne application des garanties fondamentales consacrées
à la protection des personnes fragiles par nature requiert la mise en
place d'un système composé de l'ensemble des procédures,
moyens et mécanismes auxquels les Parties aux Conventions de
Genève et de leurs PA doivent exécuter pour une meilleure
effectivité de la protection. A cet effet, le DIH présente un
ensemble de mécanismes de mise en oeuvre par le biais d'instruments et
de moyens spécifiés. Mais on se rend compte que,
malgré les efforts déployés par la Communauté
Internationale pour une efficacité de la protection juridique
humanitaire des personnes fragiles par nature, le système de protection
est toujours en quête d'effectivité. En fait on assiste de plus en
plus, lors des conflits armés la multiplication d'actes consistant en
des violations graves aux garanties fondamentales que le DIH accorde aux
personnes fragiles par nature. C'est la raison pour laquelle des efforts
doivent être consentis pour une mise en oeuvre substantielle et
significative des règles du DIH. En d'autres termes il s'impose à
la Communauté Internationale de traduire autant que faire se peut, les
règles en action.
Nous allons étudier d'abord le système de
protection instituant les moyens de mise en oeuvre (Chapitre I)
avant de voir que ce système de protection est en quête
d'effectivité (Chapitre II).
Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre
Ils peuvent se subdiviser en moyens préventifs d'une
part (Section 1) et en moyens répressifs d'autre part
(Section 2).
Section 1 : Les moyens préventifs
La prévention ne signifie nullement ici la
prévention des conflits mais l'ensemble des mesures pratiques que
doivent adopter les Etats en temps de paix, afin d'assurer la protection des
populations civiles en cas de conflit interne. Comme que la mise en oeuvre
couvre toutes les mesures qui doivent être prises pour assurer le plein
respect des règles du DIH. Ainsi, il est non seulement nécessaire
d'appliquer ces règles lorsque les combats ont commencé mais
aussi de prendre certaines mesures, en temps de paix comme en temps de guerre,
pour s'assurer que :
· toutes les personnes, civiles et militaires,
connaissent les règles du DIH,
· les structures, les dispositions administratives et le
personnel nécessaires à l'application du DIH soient en place;
· les violations du DIH soient prévenues et, le
cas échéant, réprimées.
Il va sans dire alors que cette tâche incombe aussi bien
aux Etats (Paragraphe 1) qu'au CICR en tant que promoteur et
gardien du DIH (Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Le rôle
des Etats
Il se résume en l'obligation qu'ont les Etats de
respecter et de faire respecter le DIH conformément à l'art.
Premier commun aux quatre Conventions de Genève qui stipule que
«les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et
à faire respecter la présente Convention «en toutes
circonstances»». Dans le but de satisfaire
cette exigence les Etats doivent insérer le DIH dans l'ordre interne
(A) mais aussi ont l'obligation de diffuser le DIH
(B).
A- L'insertion du DIH dans l'ordre
interne
Les traités du DIH obligent les Etats à adopter
une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures
répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la
législation nationale. Pour commencer, il faut que les traités de
DIH soient, si nécessaires, traduits dans la ou les langues du pays. La
traduction peut s'avérer déterminant surtout en Afrique,
où la majeure partie des militaires ne sont pas instruits. En outre,
lorsqu'un militaire agit sur le terrain, c'est plutôt un manuel militaire
qu'il a entre les mains. D'ou l'intérêt d'intégrer le DIH
dans la doctrine militaire et de vérifier qu'il n'y a pas de
contradictions entre ce que l'on demande à un militaire de faire et le
DIH. Ce dernier interdit les armes qui causent des maux superflus. Mais comment
s'assurer que les armées n'utilisent pas de telles armes ? Si cette
dimension n'est pas prise en compte dans le choix et la conception des
armements, on risque de se rendre compte trop tard que les armements à
disposition ou utilisés ne répondent pas aux critères du
droit de la guerre. D'où encore l'intérêt de mettre en
place des procédures qui intègrent les préoccupations
humanitaires dans le processus de prise de décision. De même, le
DIH impose un certain nombre d'obligations de désignation et de
signalisation de sites dangereux ou protégés tels que certains
biens culturels. Ces obligations nécessitent qu'il soit
procédé à des choix et à des ajustements
règlementaires en temps de paix.
Le DIH ne prévoit pas toutes les mesures d'application
jusque dans leur moindre détail. Certaines mesures types qui doivent
être prises sont suggérées mais le choix des moyens est
laissé aux Etats. C'est à l'exécutif et à
l'administration que revient la responsabilité de prendre la plupart des
mesures, généralement par le biais de règlementations.
Certaines mesures exigeront l'adoption de dispositions
législatives ou réglementaires. D'autres nécessiteront
l'élaboration de programmes d'éducation, le recrutement et/ou la
formation de personnels, la mise en place de structures, l'introduction de
procédures de planification et administratives. Les adaptations
requises pour préparer l'application du DIH ne sont pas infinies.
A cet égard il convient de souligner le rôle que
doit jouer le parlement. En tant qu'institution qui incarne le plus directement
l'intérêt de la population, il revient au Parlement de veiller
tout particulièrement à sa protection en mettant en place,
déjà en temps de paix, une législation et un ensemble de
dispositions garantissant au mieux cette protection dans
l'éventualité d'un conflit armé. Il en est ainsi par
exemple de la responsabilité pénale individuelle de celui qui a
recruté l'enfant ou qui l'a utilisé pour participer aux
hostilités. Pour que la responsabilité pénale individuelle
soit mise en cause, il est nécessaire d'établir l'existence non
seulement des règles primaires, qui interdisent le comportement, mais
aussi des règles secondaires, qui criminalisent les violations. Pour
pouvoir réprimer les violations du DIH, il faut qu'existent des lois
pénales qui prévoient la définition des crimes et leur
sanction. C'est en effet un principe du droit pénal que nul ne peut
être condamné pour un crime qui n'existait pas en droit au moment
où il a été commis.
Quant au parlementaire, en sa qualité de gardien et de
porte-parole des citoyens, il lui revient non seulement de contribuer à
la mise en place de ces droits et garanties, mais aussi de promouvoir une
conscience aussi généralisée que possible du DIH.
Pour être respecté le DIH doit également
être connu, d'où l'obligation de diffusion du DIH par les
Etats.
B- L'obligation de diffusion du DIH
En devenant parties aux conventions de Genève et
à leurs protocoles, les Etats se sont engagés à diffuser
le plus largement possible les dispositions de ces instruments, de telle
manière qu'elles soient connues des forces armées et de
l'ensemble de la population. Ainsi l'art. 19 du PA II stipule
que : « le présent Protocole sera diffusé
aussi largement que possible ». Même si le PA II ne
distingue pas la diffusion aux forces armées de la diffusion aux
populations civiles, il n'en demeure pas moins que cette distinction est
fondamentale.
Ø L'instruction du DIH aux forces armées
Cette règle constitue une norme de droit international
coutumier applicable aux États en temps de paix, ainsi qu'aux parties
aux conflits armés internationaux ou non internationaux. L'expression
«forces armées» doit être entendue dans son
sens usuel. La pratique ne fait apparaître aucune distinction, en ce qui
concerne l'instruction en DIH, entre le droit applicable dans les conflits
armés internationaux et le droit applicable dans les conflits
armés non internationaux.
Le devoir des États d'enseigner le DIH à leurs
forces armées a été codifié pour la première
fois dans les Conventions de Genève de 1906 et de 1929. Il a
été réaffirmé par la suite dans les Conventions de
Genève de 1949 et dans leurs Protocoles additionnels, dans la Convention
de La Haye pour la protection des biens culturels et son deuxième
Protocole, ainsi que dans la Convention sur les armes classiques. Tous ces
textes spécifient que l'obligation d'enseigner le DIH aux forces
armées s'applique en temps de paix comme en temps de conflit
armé.
L'incorporation de l'étude du DIH dans les programmes
d'instruction militaire constitue la mesure de base prévue par les
traités pour le faire connaître aux forces armées, premiers
responsables de son application. Le P1 précise que les autorités
militaires doivent avoir une pleine connaissance de son texte (art.83, par.2).
L'obligation est renforcée par le fait que d'une part, les Etats doivent
veiller à ce que des conseillers juridiques soient formés pour
assister les commandants quant à l'application des conventions de
Genève et du protocole et quant à l'enseignement approprié
à dispenser aux forces armées à ce sujet (art. 82).
D'autre part les commandants doivent s'assurer que les militaires qui leurs
sont subordonnés connaissent leurs obligations (art. 87).
Néanmoins, il n'est pas nécessaire que les
membres des forces armées soient parfaitement informés du moindre
détail du DIH, mais bien qu'ils connaissent les règles
essentielles du droit qui sont pertinentes au regard de leurs fonctions
concrètes.
Pour être effectifs, les programmes d'instruction
militaire devraient inclure l'adoption de directives sur l'enseignement du DIH
et l'introduction de ses règles dans les manuels, manoeuvres et
exercices militaires, ainsi que dans les règles d'engagement des membres
des forces armées. Aussi, les Etats qui fournissent des troupes pour les
opérations de maintien de la paix menées par les Nations Unies ou
sous son égide devraient s'assurer que les militaires appartenant
à leur contingent soient instruits des dispositions de ce droit.
Le problème se pose maintenant de savoir, si les
groupes d'opposition armés sont tenus de diffuser le DIH à leurs
combattants. En effet ces derniers sont eux aussi tenus de respecter et de
faire respecter le DIH, et la diffusion est généralement
considérée comme un outil indispensable à cette fin, mais
aucune pratique n'a été constatée qui exigerait que ces
groupes disposent de conseillers juridiques. L'absence de conseillers
juridiques ne peut cependant en aucun cas excuser une violation du DIH par une
partie quelconque à un conflit armé de quelque nature que ce
soit.
Ø La diffusion du DIH au sein de la population
civile
Cette règle constitue également une norme du
droit international coutumier. La pratique ne montre aucune distinction entre
l'enseignement du DIH applicable dans les conflits armés internationaux
et celui du droit applicable dans les conflits armés non
internationaux.
Les Conventions de Genève de 1906 et de 1929 exigeaient
des États qu'ils prennent les mesures nécessaires pour porter les
conventions à la connaissance des populations57(*). Les Conventions de
Genève de 1949 et la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels exigent des États qu'ils incorporent «si
possible» l'étude du DIH dans les programmes d'instruction
civile58(*). Les mots
«si possible» ne sont pas là pour suggérer que
l'inclusion dans les programmes d'instruction civile est facultative, mais pour
tenir compte du fait que dans les pays à structure
fédérale, le pouvoir central n'a pas compétence en
matière d'éducation. Le P.AI exige des États qu'ils
diffusent le DIH le plus largement possible, et notamment qu'ils «en
[encouragent] l'étude par la population civile» (art. 83).
La diffusion à la population civile n'est pas moins
impérative que celle aux forces armées. Une plus grande marge
d'appréciation est toutefois laissée aux Etats dans ce
domaine.
Une formation en DIH devrait premièrement être
dispensée auprès des autorités publiques responsables de
son application. Aussi, son enseignement devrait être intensifié
dans les universités et l'enseignement de ses principes
généraux devrait être introduit dans les écoles
secondaires. A ce propos il faut noter l'insuffisance ou plutôt l'absence
de programme d'enseignement du DIH dans les universités africaines.
Enfin les professionnels du corps médical et des medias devraient aussi
pouvoir bénéficier d'une formation adaptée à leurs
activités. Les commissions nationales de droit humanitaire devraient
s'assurer que l'obligation de diffusion du DIH est respectée par leur
gouvernement, et que la matière est inscrite dans les programmes
nationaux d'instruction. Mais on remarque que la plupart des Etats africains ne
se sont dotés pas de ces commissions.
Dans la pratique, de nombreux États encouragent
l'organisation de cours de DIH, souvent en fournissant des fonds à des
organisations telles que la Société nationale de la Croix-Rouge
ou du Croissant-Rouge. Selon les Statuts du Mouvement international de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales
«diffusent et aident leur gouvernement à diffuser le DIH ;
elles prennent des initiatives à cet égard».
D'où la nécessite d'aborder le rôle que joue le CICR dans
la diffusion du DIH.
Paragraphe 2 : Le rôle
du CICR
C'est le CICR, fondé en 1863, qui a été
le moteur du développement du DIH. C'est lui qui mit en branle le
processus qui conduisit à l'adoption des Conventions de Genève
pour la protection des victimes de la guerre de 1864, de 1906, de 1929 et de
1949. C'est lui aussi qui prit l'initiative de compléter les Conventions
de Genève, qui déboucha sur l'adoption en 1977 de deux Protocoles
additionnels. Le CICR a tout à la fois encouragé la
rédaction de nombreux autres traités et participé aux
négociations les concernant.
Le CICR ayant pour mission de protéger la vie et la
dignité des victimes de conflits armés et de situation de
violence interne, de porter assistance aux personnes qui souffrent des
conséquences de la guerre et d'agir en temps que gardien et promoteur du
droit international humanitaire ; reconnaissant que les conflits ont un
impact différent sur les femmes et les enfants, et profondément
préoccupé par la nature et l'ampleur des conflits commises
à l'encontre des femmes au cours des récents conflits, s'est
engagé en 1999 à évaluer les besoins des femmes et des
filles, et à promouvoir le respect qui leur est du en mettant notamment
l'accent sur la prévention des violences sexuelles.
Parallèlement à ses activités
d'assistance et de protection (A) le CICR déploie
également une diplomatie humanitaire active pour promouvoir et
développer le DIH (B).
A- Le rôle d'assistance et de
protection
Organisation impartiale, neutre et indépendante, le
CICR a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la
dignité des victimes de la guerre et de la violence interne, et de leur
porter assistance.
Ø L'action du CICR en faveur des enfants victimes
de conflits
Le CICR a toujours travaillé activement à la
promotion de la protection juridique de l'enfant. C'est ainsi que, en 1939
déjà, le CICR et l'Union internationale de protection de
l'enfance présentèrent un projet de Convention pour la protection
de l'enfant, qui ne vit pas le jour en raison du début de la seconde
guerre mondiale. Lors des Conférences diplomatiques de 1949 tout
d'abord, puis de 1974-1977, le CICR s'est employé à promouvoir,
puis à développer et à compléter la protection
juridique de l'enfant.
Conformément à sa tradition d'institution
humanitaire et à son mandat, le CICR n'a cependant pas attendu la
création de dispositions légales protégeant l'enfant dans
les conflits armés pour entreprendre, sur le terrain, des actions
destinées à la protection des enfants. Tout au long des conflits,
les initiatives du CICR précèdent la protection juridique de
l'enfant, et cherchent à la compléter ou à y
suppléer, lorsque les mécanismes d'application du DIH font
défaut.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, au milieu de tant
d'horreurs et malgré les difficultés qu'il a rencontrées
dans ses activités en faveur des civils, notamment en raison de
l'absence de toute base juridique, le CICR a pu organiser certaines actions,
telles que le placement des jeunes au-dessous de dix-huit ans dans des camps
spéciaux, l'organisation d'émissions radiophoniques en vue de
faciliter la réunion d'enfants séparés de leurs parents,
la création de homes d'accueil dans les pays dévastés par
la guerre.
Il y a un domaine dans lequel le CICR a apporté et
continue d'apporter une contribution d'une importance primordiale pour les
enfants: la recherche de personnes disparues, l'échange de messages
familiaux et le regroupement des familles séparées des deux
côtés du front. Depuis plus d'un siècle, l'Agence centrale
de recherches du CICR recueille et transmet des renseignements sur les
personnes disparues, capturées, réfugiées,
libérées ou rapatriées et informe les familles; lorsque
les canaux normaux de communication sont coupés, elle assure la
transmission des messages familiaux. Dans le cadre de ces tâches, les
délégués du CICR s'occupent en priorité de
retrouver les enfants disparus, de les mettre en contact et de les
réunir avec leur famille. Parmi les tâches de l'Agence centrale de
recherches du CICR accomplies ces dernières années en faveur des
enfants séparés de leurs parents du fait de la guerre, on peut
mentionner, entre autres, l'identification des enfants khmers non
accompagnés installés dans les camps de réfugiés en
Thaïlande à la suite du conflit du Kampuchéa. C'est ainsi
que, en 1980, 3500 cas de mineurs non accompagnés ont été
enregistrés par le CICR, en collaboration avec le Haut Commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés et certaines Agences volontaires,
dans la perspective de réunir des familles séparées par
suite du conflit. En matière d'assistance, les enfants
bénéficient des actions de secours que le CICR entreprend en
faveur des populations civiles affectées par un conflit. Dans certains
cas, les bénéficiaires principaux des programmes d'assistance du
CICR sont les enfants et les adolescents. Il en a été ainsi, par
exemple, en Zambie, lors du conflit en Rhodésie/Zimbabwé,
où, sur 29 000 réfugiés de
Rhodésie/Zimbabwé, 18 000 étaient des jeunes gens et des
jeunes filles de moins de seize ans, et 300 des jeunes femmes avec leurs
bébés. Le CICR, jusqu'à la fin du conflit (1980), fournit
en faveur de ces personnes une importante aide médicale et
matérielle. Il arrive également au CICR de décider
d'entreprendre une action destinée spécialement aux enfants. On
peut citer, à cet égard, le programme d'assistance aux
orphelinats que le CICR a entrepris au Kampuchéa, en 1981.
Le CICR cherche à protéger toutes les victimes
des conflits armés, et les enfants, à ce titre, sont inclus dans
les interventions du CICR lors de ces conflits. C'est dire que les enfants
seront visités par le CICR s'ils sont au pouvoir d'une Partie en conflit
et seront, de manière générale, compris dans les
démarches ou les interventions du CICR en faveur des victimes des
conflits armés. Les enfants peuvent cependant faire l'objet d'une mesure
particulière de protection du CICR. C'est ainsi que, par exemple, le
lendemain de la première visite du CICR au camp d'Al-Ansar au Sud-Liban,
où furent détenus principalement des prisonniers palestiniens,
212 enfants de moins de seize ans ont été libérés
sous les auspices du CICR. Le groupe d'enfants a été pris en
charge par les délégués du CICR, qui se sont
assurés de leur retour dans leurs familles dans les différentes
régions du Liban (septembre-octobre 1982).
Ø L'action du CICR en faveur des femmes
C'est dans le cadre de son mandat général,
consistant à protéger et à assister toutes les victimes de
conflit, que le CICR vient en aide aux femmes victimes de conflit. Toutefois
les femmes ayant des besoins spécifiques en terme de protection, de
soins de santé et d'assistance, le CICR veille à ce que ceux-ci
soient suffisamment et convenablement pris en compte dans l'ensemble de ses
activités. Le CICR met notamment l'accent sur la protection qui doit
être accordée aux femmes et aux jeunes filles, et fait savoir
à tous ceux qui portent les armes que la violence sexuelle sous toutes
ses formes est interdite par le DIH et qu'il convient de tout faire pour
prévenir de tels actes.
B- Le rôle de promoteur du DIH
La diffusion et la formation font partie des activités
menées par le CICR pour faire connaître les règles du droit
humanitaire et construire une base de discussion sur le respect du droit. Ces
activités sont notamment destinées aux personnes ou aux groupes
dont les actions et le comportement peuvent avoir des répercussions sur
les victimes de conflits armés ou qui peuvent faciliter l'action du
CICR. Elles font intervenir les forces armées, la police, les forces de
sécurité et d'autres porteurs d'armes, ainsi que les
décideurs et les guides d'opinion aux niveaux local et international. La
reconnaissance de ce rôle du CICR se reflète dans le mandat qui
lui a été confié par la communauté internationale,
à savoir de travailler «à l'application fidèle du
DIH applicable dans les conflits armés» et «à
la compréhension et à la diffusion du DIH applicable dans les
conflits armés et d'en préparer les développements
éventuels»59(*). Il dispose à cette fin d'une structure
de délégués spécialement affectés aux taches
de diffusion dans les différentes régions du monde et
élabore des programmes de diffusion et de matériels didactiques
spécifiques aux forces armées et de sécurité, aux
milieux académiques et à la jeunesse, ou encore des campagnes de
sensibilisation du grand public. Les services consultatifs en DIH du CICR
tiennent à jour une collection de documents relatifs à la mise en
oeuvre nationale de ce droit. Les sociétés nationales ont le
mandat de diffuser et d'aider leur gouvernement à diffuser le DIH, en
leur fournissant des conseils techniques en vue de l'adoption de lois et
règlements nationaux d'application. Elles doivent prendre des
initiatives à cet égard, recruter, former et affecter le
personnel nécessaire.
Le CICR demande souvent aux groupes armés
d'élaborer ou d'adopter des codes de conduite ou des
«règles d'engagement» pour leurs membres. Le code de
conduite fait fonction d'engagement exprès vis-à-vis du droit,
sur la base duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant le respect
du droit, mais il peut aussi avoir un impact direct sur la diffusion des
règles et sur la formation des membres du groupe armé. Le fait
que la hiérarchie d'un groupe armé élabore ou accepte un
code de conduite, révèle son degré d'adhésion et
d'engagement, s'agissant de faire respecter le droit. Cela risque d'influencer
davantage le comportement des membres du groupe armé que quelque chose
qu'ils pourraient percevoir comme leur ayant été imposé de
«l'extérieur».
La période de négociations et de discussions
concernant un code de conduite, peut servir à informer la direction du
groupe armé sur le DIH, et aussi à comprendre la volonté
politique et les attitudes du groupe armé concernant le respect du
droit. Si un groupe armé a fait une déclaration
unilatérale, il peut lui être suggéré
d'élaborer un code de conduite comprenant le DIH comme « prochaine
étape » logique. En apportant son soutien à
l'élaboration d'un code de conduite ou à l'incorporation du DIH
dans un code en vigueur, on peut également aider le groupe à
mettre en pratique les engagements qu'il a pris dans la déclaration
unilatérale.
Alors que le CICR agit le plus souvent sur une base
bilatérale et confidentielle, d'autres acteurs peuvent lancer de tels
appels publiquement.
Il serait certes souhaitable que le DIH soit respecté
d'emblée par les belligérants, mais l'expérience de la
guerre montre qu'il est illusoire de penser que la connaissance des
règles du DIH et la bonne volonté suffisent. Le jugement et la
punition des personnes ayant commis des violations du DIH, notamment des crimes
de guerre, ne sont donc pas seulement une obligation juridique et morale : ils
sont aussi un moyen dissuasif efficace (Section 2).
Section 2 : Les moyens répressifs
L'action répressive dont le principe s'exprime par
l'obligation qu'ont les Parties en conflit de prévenir et de faire
cesser toute violation On relèvera notamment :
· l'obligation qu'ont les tribunaux nationaux de
réprimer les infractions graves considérées comme des
crimes de guerre (pour les tribunaux internationaux);
· la responsabilité pénale et
disciplinaire des supérieurs et le devoir qu'ont les commandants
militaires de réprimer et de dénoncer les infractions ;
On analysera dés lors cette action répressive,
aussi bien au niveau national (Paragraphe I) qu'au niveau
international (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'action
répressive au niveau national
La répression des violations du DIH, s'exprime dans
l'obligation qu'ont les parties à un conflit de prévenir et de
faire cesser toute violation. En règle générale, les Etats
ne peuvent exercer de sanctions qu'a l'égard de leurs propres nationaux
ou pour des crimes ayant été commis sur leur territoire, c'est la
compétence fondée sur le lien de rattachement
(A). Les Etats ont cependant décidé, que
certains crimes étaient si graves qu'une exception devait être
faite à ce principe. Certaines conventions obligent donc les Etats
à juger les criminels de guerre quelle que soit leur nationalité
et quel que soit le lieu où ils ont commis leur crime c'est le principe
dit de la compétence universelle (B).
A- La compétence classique des juridictions
nationales
Classiquement, la compétence d'une juridiction d'un
Etat à l'égard d'un crime ne peut s'exercer que s'il y a un lien
de rattachement. Ce dernier est marqué par le principe de la
territorialité de la loi pénale, et celui de la
personnalité.
Le principe de la
territorialité
Il découle des règles classiques d'exercice de
la souveraineté étatique. Il ressort de ce principe, que l'Etat
sur le territoire duquel une infraction a été commise exercera
une compétence prioritaire par rapport aux autres Etats qui pourrait se
considérer compétents. Le droit pénal a toujours
reposé sur ce principe, en vertu duquel les crimes doivent être
punis où ils ont été commis. Ce principe a
été soutenu par une grande partie de la doctrine, mais aussi il a
été rappelé par plusieurs conventions internationales,
telle que la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide qui stipule en son art. 6 que : «les
personnes ayant commis le génocide (...) seront traduites devant les
tribunaux compétents de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a
été commis...».
Ce principe peut cependant soulever quelques problèmes
dans le cadre d'infraction pluri territoriale. Conscient des problèmes
que peut soulever ce genre d'infraction, les participants, en 1927, à la
première conférence pour l'unification du droit pénal, ont
adopté un texte de référence en ce sens. L'art. premier
prévoit que : «l'infraction est
considérée comme ayant été commise sur le
territoire de l'Etat, quand un acte d'exécution a été
tenté ou accompli sur le territoire ou quand le résultat de
l'infraction s'est produit sur ce territoire».
Le principe de la
personnalité
Le principe de la compétence personnelle se
défini comme étant le pouvoir de l'Etat à incriminer et
juger les faits commis à l'extérieur de ses frontières.
L'Etat qui exerce une compétence personnelle fonde celle-ci non sur un
titre territorial, mais sur la nationalité de l'auteur d'une infraction
grave, c'est à dire la compétence personnelle active, ou de la
victime, dans le cadre de la compétence personnelle passive.
Ce principe a fait l'objet d'une illustration dans l'affaire
du Lotus. Dans cette affaire, la France contestait le droit de la
Turquie d'engager des poursuites après un abordage survenu en haute mer.
La France soutint que l'absence de poursuites de ce type démontrait
l'existence d'une règle de droit international coutumier interdisant de
poursuivre, sauf pour l'État du pavillon du navire à bord duquel
l'acte illicite avait été commis. Mais la CPJI refusa cette
argumentation en dégageant un principe autorisant les Etats à
étendre leur compétence hors du territoire national. C'est ainsi
que la Turquie qui invoquait la nationalité passive (loi de la victime)
contre la loi du pavillon (par extension du principe de la
territorialité invoqué par la France), fut autorisée
à juger le capitaine français.
Le principe de la compétence personnelle permet
à tout Etat de juger ses ressortissants pour des crimes graves commis
à l'étranger. Son application risque cependant d'être
utopique, car on verrait mal des juridictions internes
déclenchées des poursuites contre des dirigeants de leur propre
pays pour réprimer des infractions commises par eux à
l'étranger. A titre d'exemple, les tribunaux libériens n'ont
jamais pu déclencher de telles poursuites contre l'ex chef d'Etat
Charles Taylor, pour sa complicité dans les massacres et les crimes en
Sierra Leone. Par contre la compétence personnelle passive s'est
développée récemment.
Les principes de la territorialité et de la
personnalité ne sont pas très efficaces pour pouvoir
inquiéter les grands criminels. S'il existe un principe qui a retenu
l'attention ces dernières années, c'est sûrement celui de
la compétence universelle.
B- La
compétence universelle des juridictions nationales
La compétence pénale d'une juridiction nationale
est dite universelle, quand elle s'étend en principe à des faits
commis n'importe où dans le monde, et par n'importe qui. Elle
découle du principe selon lequel, les Etats ont le droit de
conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence
universelle en matière de crime de guerre.
Il convient de préciser les fondements d'une telle
règle, ainsi que les obstacles relatifs à son exercice.
Les fondements de la
compétence universelle
Selon la pratique des États, cette règle
constitue une norme de droit international coutumier en ce qui concerne les
crimes de guerre commis dans des conflits armés tant internationaux que
non internationaux.
Le droit des États de conférer à leurs
tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de
crimes de guerre est aussi étayé par le droit conventionnel.
Le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye
pour la protection des biens culturels dispose qu'il n'affecte pas
«l'exercice de la compétence en vertu du droit international
coutumier», ce qui signifiait, pour les délégués
au moment de la négociation du Protocole, le droit des États de
conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence
universelle en matière de crimes de guerre60(*).
La Convention sur le génocide, qui mentionne
explicitement la compétence territoriale, a été
interprétée comme n'interdisant pas l'application au crime de
génocide du principe de la compétence universelle61(*).
Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les PA ont
prévu une compétence universelle des juridictions nationales
à l'égard des violations graves du DIH. Tout Etat partie à
ces conventions est compétent pour juger toute personne
présumée coupable d'infractions graves se trouvant sur son
territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le lieu
où elle a commis les infractions.
Pour être effective, la compétence universelle
doit être incorporée dans la législation nationale des
Etats. Cette incorporation, si elle n'est pas considérée comme
nécessaire par un certain nombre de pays pour lesquels les
traités font automatiquement partie du droit national, est au contraire
une condition requise par la plupart des législations. De par les
différentes législations, on note une différence entre
pays maximalistes et pays minimalistes.
Les Etats minimalistes ne mettent aucun dispositif en place
pour la rendre effective. A titre d'exemple la Russie et la plupart des pays
islamiques, n'ont pas mis un dispositif spécifique introduisant la
compétence universelle pour la torture.
Au Sénégal une telle lacune a
empêché la plainte déposée contre l'ancien
président tchadien Hissène Habré d'aboutir à son
jugement, puisque le titre XII du code de procédure pénale qui
traite des crimes et délits commis à l'étranger, ne
prévoyait pas une telle compétence.
D'autres Etats par contre ont instauré une
compétence universelle plus large. La Belgique apparaît dans ce
cadre comme un pionnier notamment avec la loi du 16 juin 1993 relative
à «la répression des infractions graves aux Conventions
internationales de Genève du 12 août 1949 et aux protocoles I et
II du 8 juin 1977, additionnels à ces conventions»,
révisée par la loi du 10 février 1999 relative
à «la répression des violations graves du
DIH». La loi de 1999 a donné compétence universelle aux
juridictions belges pour poursuivre les violations graves du DIH. Ainsi, le 17
avril 2001 s'est ouvert devant la Cour d'assises de Bruxelles le procès
de quatre Rwandais accusés d'avoir participé au génocide
de 1994. C'est en outre la première fois qu'un jury populaire est
amené à se prononcer sur des faits commis à l'occasion
d'un génocide.
La pratique n'est pas cependant uniforme en ce qui concerne la
question de savoir si le principe de la compétence universelle exige un
lien particulier avec l'État qui engage les poursuites. L'exigence de
l'existence d'une relation entre l'accusé et l'État qui poursuit
- en particulier la présence de l'accusé sur le territoire ou sa
capture par l'État qui poursuit - est reflétée dans la
législation nationale de nombreux États. C'est le cas de la
France qui conditionne la compétence universelle pour la torture, par la
présence du suspect sur le territoire français. Il existe aussi
des législations qui n'exigent pas l'existence d'un tel lien; les
Conventions de Genève ne l'exigent pas non plus.
En 2000, la RDC a engagé une procédure devant la
CIJ pour contester un mandat d'arrêt international émis par un
juge belge, contre le ministre congolais des affaires étrangères.
Dans ses exposés devant la Cour en 2001, la RDC n'a pas
présenté d'objection de principe contre le droit des États
de conférer la compétence universelle à leurs tribunaux
nationaux en matière de crimes de guerre, mais a argué du fait
que la personne inculpée devait se trouver sur le territoire de l'Etat
exerçant cette compétence.
Paragraphe 2 : L'action
répressive au niveau international
La question du respect du DIH par les belligérants dans
les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance
capitale pour la Communauté Internationale. Elle est inscrite à
l'ordre du jour de l'assemblée général de l'ONU, de la
conférence internationale de la Croix-Rouge et des sessions annuelles
des organes délibérants des institutions régionales. Cette
mobilisation de la communauté internationale face aux atrocités
commises dans l'impunité la plus totale, traduit la nécessite
pour les Etats d'adopter au niveau international des mesures de mise en oeuvre
du DIH. Ces mesures visent, d'une part à instaurer des procédures
de contrôle international (A), et d'autre part à
réprimer par les juridictions internationales, les personnes
responsables de violations graves du DIH (B).
A- Le contrôle du respect des
garanties de protection
Des procédures d'enquête ont été
développées au sein du droit humanitaire. Il s'agit de la
procédure prévue par les art. commun 52-53-132-145 aux
Conventions de Genève, et de l'enquête institutionnelle de la
Commission Internationale Humanitaire d'établissement des Faits (CIHEF).
C'est ce dernier qui retiendra notre attention parce qu'elle constitue le seul
organe permanent rapidement mobilisable aux fins d'enquête sur des
allégations de violations graves du DIH . Il faut cependant noter que le
CICR peut signaler directement aux Parties concernées, en principe
à titre confidentiel, les infractions au DIH qu'il constate
lui-même. Pour ne pas se mêler de polémiques qui pourraient
être nuisibles à son action, Il n'accepte qu'en dernier ressort
de participer à une commission d'enquête s'il est sollicité
par les parties intéressées. D'autres procédures ont
également été prévues en dehors du DIH.
L'enquête
institutionnelle de la CIHEF
L'art. 90 du P.A prévoit l'établissement d'une
CIHEF. Créée officiellement en 1991, la Commission est un organe
international permanent dont la fonction essentielle consiste à
enquêter sur tout fait prétendu être une infraction ou
violation grave du DIH. La Commission est donc un mécanisme
indispensable pour aider les Etats à veiller à l'application et
à l'observation du droit humanitaire en temps de conflit armé.
La compétence de la
commission
Le but de la Commission est de protéger les victimes
des conflits armés en obtenant le respect des principes et des
règles de droit international applicables dans les conflits
armés. La Commission est notamment compétente pour :
1. Enquêter sur tout fait prétendu être une
infraction grave au sens des Conventions et du Protocole ou une autre violation
grave des Conventions ou du Protocole,
2. Faciliter, en prêtant ses bons offices, le retour
à l'observation des dispositions des Conventions et du Protocole.
La Commission a cette compétence si les Etats parties
à la procédure ont accepté sa compétence en
déposant les déclarations appropriées. Dans un tel cas,
aucune autre manifestation du consentement n'est nécessaire pour fonder
la compétence de la commission.
De même, dans d'autres situations, la Commission peut
ouvrir une enquête à la demande des Etats aux conflits, mais
uniquement avec le consentement de l'autre ou des autres parties
intéressées. Dans ce contexte, la Commission a fait part de sa
volonté d'enquêter sur les violations alléguées du
droit humanitaire, y compris sur celles qui surviennent dans des conflits
armés à caractère non international, aussi longtemps que
les parties au conflit y consentent.
De plus, elle a exprimé sa conviction qu'il est
nécessaire de prendre toutes les initiatives appropriées, le cas
échéant en coopération avec d'autres organismes
internationaux, en particulier avec les Nations Unies, pour exercer ses
fonctions dans l'intérêt des victimes de conflits armés.
Cette conviction est partiellement fondée sur les articles 89 et 1er,
paragraphe 1, du P.1 et sur l'article 1er commun aux Conventions de
Genève.
La procédure
d'enquête
Lorsqu'une requête est déposée,
l'enquête doit être effectuée, à moins que les
parties n'en disposent autrement, par une chambre composée de sept
membres nommés comme suit: après consultation des parties au
conflit, le Président de la Commission nomme, sur la base d'une
représentation équitable des régions géographiques,
cinq membres de la Commission, qui ne doivent être ressortissants
d'aucune partie au conflit, et deux membres ad hoc, qui ne doivent être
ressortissants, eux non plus, d'aucune des parties au conflit, sont
nommés respectivement par chacune de celles-ci.
La Chambre doit inviter les parties à l'assister et
à produire des preuves. La Chambre peut rechercher les autres preuves
qu'elle juge pertinentes et elle peut procéder à une
enquête sur place. La Chambre doit communiquer tous les
éléments de preuve aux parties, qui ont le droit de
présenter des observations et de les discuter.
Une fois achevée la procédure
d'établissement des faits, la Chambre doit en établir les
résultats. Il appartient toutefois à la Commission
elle-même de soumettre aux parties un rapport sur ces derniers, avec les
recommandations qu'elle juge appropriées. Si la Commission n'est pas en
mesure de rassembler des preuves qui suffisent à étayer des
conclusions objectives et impartiales, elle doit faire connaître les
raisons de cette impossibilité.
La Commission ne peut pas communiquer publiquement ses
conclusions, à moins que toutes les parties au conflit n'y
consentent.
Par principe, la mission première de la Commission est
d'établir les faits, non pas pour définir des
responsabilités individuelles, mais en vue de favoriser une meilleure
mise en oeuvre des dispositions du DIH. Il se pourrait néanmoins, que
les conclusions de la Commission puissent se révéler utiles pour
des poursuites pénales, nationales et internationales, y compris dans le
cadre des actions de la CPI.
Malgré les efforts déployés par les Etats
pour mettre en place cette commission, il est à constater que ces
mécanismes n'ont jamais fonctionnés réellement.
L'instauration de la CIHEF comme mécanisme appelé à
inciter au respect du DIH par l'établissement des faits et l'exercice de
bons offices, ne peut être efficace en ce qui concerne les conflits
armés internes. En effet la compétence de la commission est
subordonnée ici au consentement des parties au conflit or, ces
dernières se gardent toujours d'en faire usage : un Etat qui commet
des crimes de guerre, ne va évidemment jamais saisir la commission pour
qu'elle enquête sur ses faits. C'est pourquoi nous pensons que les
mécanismes de contrôle développés au sein de l'ONU
et des organisations internationales régionales, peuvent contribuer
à un meilleur respect du DIH.
A- Les
procédures développées en dehors du droit humanitaire
La mise en oeuvre du droit humanitaire déborde
aujourd'hui le strict cadre des procédures développées par
les conventions de Genève. En effet, le rapprochement entre droit de
l'homme et droit humanitaire a poussé l'ONU, ainsi que les organisations
régionales à jouer un rôle déterminant dans le
contrôle du respect du DIH.
· .Les procédures
développées au sein des Nations Unies
Pendant longtemps les Nations Unies ne se
préoccupèrent pas du droit humanitaire. Le développent
normatif de ce domaine du droit international avait toujours été
l'apanage du CICR. L'ONU quant à elle, avait pour tache principale de
veiller au respect de l'interdiction du recours à la force dans les
relations internationales. Par contre, l'ONU se réservait la tâche
de codifier, au niveau mondial, les règles protégeant
l'intégrité et la dignité humaine en temps de paix. Mais
la proximité normative entre droit de l'homme et droit humanitaire,
entraîna un intérêt croissant de l'ONU pour le droit
humanitaire. Le moment décisif de se rapprochement fut la
conférence des Nations Unies de Téhéran sur les droits de
l'homme en 1968. Ce forum international examina la question du respect du
statut des droits de l'homme en cas de conflit armé et adopta une
résolution qui invitait le secrétaire général de
l'ONU à se pencher sur les problèmes posés par le
développement et l'application de ce domaine. Le DIH faisait
désormais parti des domaines de réflexion et d'action des
institutions onusiennes. Quelques années plus tard, un rôle
spécifique fut reconnu à l'ONU dans un instrument relatif au
droit de la guerre. L'art. 89 du PA.I dispose en effet que, en cas de
violations graves des Conventions de Genève ou du P1,
« les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir
(...), en coopération avec l'ONU et conformément à la
charte des Nations Unies ».
Cette tendance visant à associer l'ONU dans la mise en
oeuvre du DIH n'a jamais cessé de se confirmer au fil du temps. Tous les
principaux organes des Nations Unies ont participé, avec plus ou moins
d'intensité et chacun à son niveau, à l'action de
l'organisation dans le domaine du contrôle du respect droit humanitaire
dans les conflits armés. Mais l'oeuvre la plus significative et la plus
innovatrice en la matière est sans conteste celle que bâtissent,
dans leur complémentarité, le conseil de sécurité
et la commission des droits de l'homme.
· L'action du conseil de
sécurité
Le conseil de sécurité est un organe politique
qui détient la «responsabilité principale du maintien de
la paix et de la sécurité internationale»62(*). Dans le cadre de cette
fonction, il peut faire office de conciliateur entre les Etats en leur
recommandant de recourir à l'une des méthodes de règlement
des différends que prévoit la Charte63(*). De plus dans des situations
extrêmes où la paix est menacée ou rompue, il a le droit
d'adopter des mesures contraignantes à l'encontre d'un Etat
agresseur.
Les premières préoccupations humanitaires du
conseil de sécurité se sont concentrées sur l'assistance
portée aux victimes de la guerre. Il en est ainsi par exemple de sa
résolution 733 du 23 janvier 1992 sur le conflit somalien, où il
exprima sa volonté de soutenir les actions de secours humanitaires.
C'est avec la guerre yougoslave que le conseil de
sécurité adopta une attitude nouvelle. Son action fut cette fois
motivée non plus seulement par son désir de porter secours
à des personnes en détresse, mais aussi par sa volonté
d'identifier et de punir les individus responsables d'exactions. Dans sa
résolution 780 du 6 octobre 1992, il demanda en effet au
secrétaire général de constituer une commission d'experts
chargée d'enquêter sur les violations du droit humanitaire
commises en ex Yougoslavie. La commission fut créée et
réunie en l'espace d'un an et demi, 65000 pages de documents
écrits et 300 heures d'enregistrements visuels faisant état de
crimes perpétrés d'une manière particulièrement
brutale et féroce. L'ensemble de cette documentation a été
transmis au procureur du tribunal constitué en application de la
résolution 808 du conseil de sécurité et chargé de
juger les individus responsables de violations graves du droit humanitaire en
Ex Yougoslavie.
Avec cette démarche en deux temps (création
d'une commission d'enquête, puis mise en place d'un tribunal
pénal), le conseil de sécurité concrétisait pour la
première fois sa volonté d'étendre son action à
l'identification et à la répression des criminels de guerre.
Un peu plus tard, une procédure identique fut
engagée à propos des massacres perpétrés au Rwanda.
Dans sa résolution 935 du 1e juillet 1994, il demanda au
secrétaire général de constituer d'urgence une commission
d'enquête chargée de réunir des éléments de
preuve « concernant les violations graves du DIH, y compris
d'éventuel acte de génocide ». La commission fut
créée, et elle adopta deux rapports qui furent transmis au
TPIR.
Ce qui est intéressant ici c'est que ces commissions
d'enquête ont été constituées en vertu de la seule
autorité du conseil de sécurité, sans que l'accord des
belligérants n'ait été suscité.
· L'action de la commission des droits de
l'Homme
Parmi les tentatives d'intégration du droit humanitaire
au sein des activités des Nations Unies, l'oeuvre de la Commission des
droits de l'homme est certainement la plus développée. La
Commission des droits de l'homme est un organe subsidiaire du Conseil
économique et social. Elle a été créée en
1946 en application de l'article 68 de la Charte.
Les fonctions de la Commission sont essentiellement de trois
ordres. C'est elle qui élabore des rapports, des recommandations et des
projets d'instruments internationaux à l'intention de l'assemblée
générale et du conseil économique et social. Elle assiste
aussi ce dernier dans son travail de coordination des activités
onusiennes relatives aux droits de l'homme. Enfin, la part la plus importante
de son activité actuelle consiste à créer et à
faire fonctionner des mécanismes de protection des droits de l'homme.
C'est dans ce cadre que la Commission a su développer progressivement
plusieurs procédures d'établissement des faits, destinées
à entretenir ses débats annuels. Il en est ainsi des
enquêtes menées sur les violations des droits de l'homme en
relation avec des conflits armés internes notamment au Liberia et en
Sierra Leone. Certaines de ces procédures ont été mises en
place pour examiner en général la situation des droits de l'homme
dans des régions particulières. C'est ainsi qu'en 1997 les pays
faisant l'objet d'une procédure publique devant la Commission
étaient au nombre de seize, dont le Burundi, le Cambodge, la RDC, le
Rwanda, la Somalie, le Soudan... D'autres, au contraire traitent de
thèmes spécifiques en étudiant tous les pays du monde. Les
organes ainsi établis sont de nature variée. Tantôt
individuels, tantôt collectifs, ils peuvent être
indépendants ou intergouvernementaux.
L'extension du droit humanitaire aux instances de l'ONU se
double d'un développement similaire à l'échelle
régionale.
L'apport des systèmes
régionaux de protection des droits de l'homme
A l'instar de ce que nous avons déjà
constaté dans le cadre de l'ONU, le droit humanitaire s'intègre
encore, au niveau régional, au domaine de la sécurité
collective. Toutes les instances internationales reconnaissent aujourd'hui
qu'on ne peut se désintéresser du comportement des acteurs d'un
conflit armé, sans risquer de voir ce conflit s'étendre à
des régions encore en paix. Au sein des organisations régionales
que sont le Conseil de l'Europe, l'Union africaine et l'Organisation des Etats
américains, une commission indépendante de leurs Etats membres,
chargée spécialement de la promotion et de la protection des
droits de l'homme dans leur région respective a été
constituée. Ces commissions ont entre autres pour fonction
d'enquêter sur le comportement d'Etats soupçonnés
d'infractions aux droits de l'homme.
Ces commissions ont une compétence limitée au
domaine d'application des instruments auxquels elles doivent leur existence.
Leur approche est donc en principe celle des droits de l'homme, quelque soit le
contexte dans lequel elles exercent leur contrôle. Ne faisant que
rarement une distinction, du point de vue de leur analyse de fond, entre les
situations de paix et celles de guerre, elles n'envisagent presque jamais
d'utiliser le droit humanitaire à l'appui de leurs activités.
Cette possibilité n'est pourtant pas absolument exclue à la
lecture des textes conventionnels. En intégrant le droit humanitaire
à leurs références juridiques, ces procédures le
feraient bénéficier de leur expérience en matière
d'établissement des faits et de leur relative efficacité. Il vaut
dés lors la peine de chercher sur quel fondement juridique une telle
évolution pourrait être consacrée. Nous traiterons de
l'apport du Conseil de l'Europe et les potentialités de l'Union
africaine.
· L'apport du Conseil de l'Europe
Si l'on se penche sur la Convention européenne des
droits de l'Homme (CEDH), il semble que cet instrument ne prévoit pas
d'autres violations que celles de ses propres dispositions, lorsqu'il
détermine la compétence matérielle de la commission qu'il
institue. Il parait donc normal de conclure que le contrôle DIH ne fait
pas partie des fonctions de cette dernière.
Cette réalité n'est cependant pas absolument
immuable. La doctrine dans sa majorité soutien en effet que la
compétence matérielle de la commission peut être
élargie. Pour soutenir cette affirmation, il faut se
référer à l'art. 15 de la CEDH qui fixe quelques unes des
conditions que doivent respecter les Etats, lorsqu'ils veulent adopter, en cas
d'urgence, des mesures dérogatoires. En particulier ces mesures doivent
rester conformes aux «autres obligations découlant du droit
international». Parmi celles-ci, il est légitime d'admettre
que figurent celles qui relèvent du DIH. Celui-ci a été
créé en effet pour s'appliquer précisément dans les
situations envisagées par l'art. 15 de la CEDH. Si ces situations,
à cause de leur gravité, justifient une suspension de certains
principes des droits de l'homme, c'est que bien souvent, le seuil minimum
d'applicabilité du droit des conflits armé est atteint. De plus,
les Conventions de Genève rappellent d'emblée que leurs
dispositions doivent être respectées «en toutes
circonstances».
Il serait donc juridiquement faux de prétendre que les
«autres obligations découlant du droit
international», que préserve l'art. 15, n'incluraient pas le
DIH. Ainsi il faut admettre qu'en veillant au respect de l'art. 15 paragraphe 1
de la CEDH, les organes du système européen des droits de l'Homme
sont habilités à contrôler le comportement des Etats
vis-à-vis des normes humanitaires.
Malgré cette argumentation, il faut se rendre à
l'évidence que ces organes ne manifestent pas une volonté d'aller
aussi loin dans leurs interprétations. Il est de ce fait fort improbable
de les voir appliquer directement les conventions de Genève et leurs
protocoles, en tant droit conventionnel.
Par contre, il est intéressant de remarquer que dans
l'affaire Irlande contre Royaume-Uni, la commission européenne a tenu
compte des standards du droit humanitaire pour concrétiser
l'interdiction prescrite par l'art. 3 de la CEDH. Tout en admettant que les
conventions de Genève sont inapplicables en l'espèce, la
Commission affirme que certaines de leurs normes peuvent «être
pertinentes ici en ce sens qu'elles constituent l'expression des principes
généraux du droit international quant au traitement des
prisonniers en général ».
La Commission ne se sert pas ici du droit humanitaire en tant
que source juridique direct, mais elle s'y réfère pour les
besoins de l'interprétation de l'art. 3, pour étayer simplement
son argumentation.
C'est donc par une pénétration progressive,
plutôt que par une adjonction pure et simple, que le DIH profitera de la
rigueur des mécanismes mise en oeuvre spécifiques aux droits de
l'homme.
· Les potentialités de l'Union
africaine
Quant à la Commission africaine des droits de l'Homme,
il est beaucoup plus facile d'envisager quelles sont ses compétences en
matière de DIH que dans le cas de son homologue européen.
Même si la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP)
n'aborde pas directement cette question, elle est en revanche suffisamment
explicite à ce sujet pour suggérer certaines déductions.
Elle prévoit en effet que, dans l'exercice de son mandat, la commission
«s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des
peuples (...)»64(*) et «qu'elle prend aussi en
considération, comme moyens auxiliaires de détermination des
règles de droit, les autres conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Union
africaine».65(*)
Deux solutions s'offrent ainsi à la commission, au cas
où elle envisagerait de se référer au droit des conflits
armés pour qualifier le résultat de ses enquêtes. Elle le
fera en vertu de l'art. 60 de la CADHP, si elle accepte d'interpréter
largement la notion de droits de l'Homme en y intégrant le corpus
juridique humanitaire. Dans le cas contraire, elle basera sa compétence
sur l'art. 61 en considérant que les Conventions de Genève font
parties «des moyens auxiliaires de détermination des
règles de droit» dont parle cette disposition. Cette
interprétation s'impose d'autant plus que tous les Etats membres de l'UA
ont adhéré à ces conventions.
Le contrôle du respect du DIH à travers les
différents mécanismes d'établissement des faits que nous
venons d'analyser, doit permettre la répression des violations graves du
DIH au niveau international.
Paragraphe 2 : La répression internationale des
violations graves du DIH
Aujourd'hui le consensus s'est clairement dégagé
dans la Communauté Internationale, sur la nécessité de
poursuivre et de punir, en tant que criminels, les auteurs des graves
infractions au droit des conflits armés.
L'émergence de la prise de conscience collective de la
nécessité de poursuivre et de punir, au niveau international, les
crimes les plus graves perpétrés à l'encontre de la
personne humaine et des populations civiles, remonte à la fin de la
seconde guerre mondiale. En effet, le 8 août 1945, le Tribunal militaire
international de Nuremberg est institué pour juger les crimes de guerre
et les crimes contre l'humanité commis par les Nazis. Le 19 janvier
1946, le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient
était créé à Tokyo pour juger les responsables de
la guerre du Pacifique. Ces juridictions auront contribué à jeter
les bases du droit pénal international moderne, en définissant
notamment les crimes contre la paix, les crimes de guerre et contre
l'humanité et donner le signal de l'adoption, dans le cadre des Nations
Unies, d'une base juridique nouvelle, intégrée dans des
conventions internationales.
Il convient donc d'analyser ici le cadre de répression
des violations graves du DIH dans le contexte des conflits internes
(A), ainsi que les obstacles à cette répression
(B).
A- Le cadre de
répression des violations graves du DIH
La répression des violations graves du DIH, passe
nécessairement par l'établissement d'une juridiction
pénale internationale, mais auparavant il faudra situer les
responsabilités.
La situation des
responsabilités
Il faut faire la distinction entre la responsabilité
imputable à l'Etat ou aux groupes d'opposition armés, de la
responsabilité pénale individuelle.
La responsabilité de
l'Etat et des groupes d'opposition armés pour les violations du
DIH
Plusieurs situations peuvent se présenter qui
entraînent la responsabilité de l'Etat pour les violations du DIH
qui lui sont attribuables. Il s'agit notamment de :
«La responsabilité de l'État en ce qui
concerne les violations commises par ses propres organes, y compris ses forces
armées».
Cette règle est une application particulière de
la règle générale sur la responsabilité des
États pour fait internationalement illicite, qui stipule qu'un
État est responsable du comportement de ses organes66(*). Les forces armées sont
considérées comme un organe de l'État, à l'instar
de toute autre instance exerçant des fonctions exécutives,
législatives ou judiciaires.
L'application de cette règle générale
d'attribution de responsabilité au DIH est reflétée dans
les quatre Conventions de Genève, qui stipulent l'existence de la
responsabilité de l'État, en plus de l'exigence de poursuivre les
personnes qui commettent des infractions graves67(*). Le principe selon lequel la responsabilité
des États existe en sus de la responsabilité pénale des
individus est aussi réaffirmé dans le Deuxième Protocole
à la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels68(*).
Il existe aussi de la jurisprudence à l'appui de cette
règle. Le TPIY a considéré dans son jugement relatif
à l'affaire Furundúija en 1998, comme dans son arrêt en
appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, qu'un État
était responsable du comportement de ses forces armées.
Un État est aussi responsable des omissions commises
par ses organes lorsqu'ils ont le devoir d'agir, comme dans le cas des
commandants et autres supérieurs hiérarchiques qui ont la
responsabilité d'empêcher les crimes de guerre et d'en punir les
responsables. Ce principe est reflété à l'art. 2 du Projet
d'articles sur la responsabilité de l'État, qui dispose qu'un
fait internationalement illicite peut consister «en une action ou une
omission».
Les États sont aussi responsables des actes commis par
d'autres personnes ou entités qu'ils ont habilitées,
conformément à leur droit interne, à exercer des
prérogatives de puissance publique69(*). Cette règle se fonde sur l'idée que
les États peuvent avoir recours à des entités
paraétatiques, plutôt qu'à des organes de l'État,
pour effectuer certaines activités, mais qu'ils n'échappent pas
pour autant, ce faisant, à leur responsabilité en tant
qu'État. Les États sont responsables des actes des
sociétés ou des personnes privées qui sont
employées par les forces armées pour accomplir des tâches
qui incombent habituellement aux forces armées : les mercenaires ou les
sociétés militaires privées sont des exemples de ces
personnes ou entités.
Un État peut aussi être tenu responsable des
actes commis par des personnes ou des groupes qui ne sont ni ses organes, ni
habilités, en droit national, à exercer des prérogatives
de puissance publique, si ces personnes ou ces groupes agissent en fait sur les
instructions ou les directives, ou sous le contrôle, de cet
État.
Dans l'arrêt rendu en appel dans l'affaire
Tadiæ en 1999, le TPIY a indiqué que le degré
requis de contrôle de l'État pouvait être variable. Selon le
Tribunal, le comportement d'une personne privée ou d'un groupe sans
organisation militaire n'est attribuable à l'État que si des
instructions spécifiques concernant ce comportement ont
été données. Toutefois, le comportement des forces
armées, milices ou unités paramilitaires subordonnées est
attribuable à l'État si celui-ci exerce un contrôle
«global». Selon le Tribunal, un tel contrôle existe
lorsque l'État non seulement assure le financement, la formation et
l'équipement de ce groupe ou lui apporte un soutien opérationnel,
mais encore lorsqu'il joue un rôle dans l'organisation, la coordination
ou la planification des actions militaires du groupe en question. Cependant,
l'exigence du «contrôle global» ne va pas
jusqu'à inclure «le fait pour l'État de donner des
ordres spécifiques, ni la direction par l'État de chaque
opération individuelle».
Dans des cas où les groupes armés opèrent
sur le territoire d'un autre État, le Tribunal a considéré
que «des éléments de preuve plus complets et plus
convaincants sont nécessaires pour démontrer que l'État
exerce effectivement le contrôle des unités ou des groupes, non
seulement par leur financement et leur équipement, mais aussi par une
direction générale ou une aide à la planification de leurs
actions».
Comme l'indique le commentaire sur le Projet d'articles sur la
responsabilité de l'État, «c'est au cas par cas qu'il
faut déterminer si tel ou tel comportement précis était ou
n'était pas mené sous le contrôle d'un État et si la
mesure dans laquelle ce comportement était contrôlé
justifie que le comportement soit attribué au dit Etat».
La responsabilité de l'Etat pour violation du DIH, est
une responsabilité civile. Ce dernier est donc tenu de réparer
intégralement la perte ou le préjudice causé. Ceci
découle directement du principe juridique de base selon lequel toute
infraction de la loi entraîne une obligation de réparer, ainsi que
de la responsabilité de l'État à l'égard des
violations qui lui sont attribuables.
La pratique varie en ceci qu'elle fait parfois mention du
devoir de réparation en termes généraux, tandis que dans
d'autres cas elle mentionne des formes spécifiques de réparation,
y compris la restitution, l'indemnisation et la satisfaction. Des
réparations ont été fournies dans certains cas parce que
le gouvernement reconnaissait sa responsabilité de réparer, et
parfois parce qu'il reconnaissait qu'il devrait le faire. Cependant, en raison
de la nature des conflits armés non internationaux, les
procédures qui ont été instituées pour apporter
réparation dans les conflits armés internationaux ne sont pas
nécessairement pertinentes dans ce cadre. Dans un conflit armé
non international, en particulier, les victimes subissent des violations
à l'intérieur de leur propre État, et elles ont
généralement accès aux tribunaux internes pour demander
réparation conformément au droit interne.
La possibilité pour une victime d'une violation du DIH
de demander réparation à un État peut se déduire de
l'art. 75, paragraphe 6 du Statut de la CPI, qui stipule que «les
dispositions du présent article s'entendent sans préjudice des
droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux
victimes». L'art. 38 du Deuxième protocole à la
Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, qui mentionne
expressément l'obligation de réparation des États,
s'applique dans tous les types de conflit armé.
Par ailleurs, les groupes d'opposition armés sont tenus
de respecter le DIH et doivent opérer «sous la conduite d'un
commandement responsable»70(*). On peut donc considérer qu'ils sont
responsables des actes commis par leurs membres, mais les conséquences
de cette responsabilité ne sont pas claires. L'art. 14, paragraphe 3 du
Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, tel
qu'adopté provisoirement en première lecture en 1996, disposait
que le fait que le comportement d'un organe d'un mouvement insurrectionnel ne
devait pas être considéré comme un fait de l'État
«est sans préjudice de l'attribution du comportement de
l'organe du mouvement insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas
où une telle attribution peut se faire d'après le droit
international». Bien que cet article ait été
supprimé par la suite, parce qu'il était considéré
comme étranger à l'objet en discussion, le rapporteur
spécial avait relevé que «la responsabilité de
tels mouvements, à raison par exemple de violations du DIH, peut
certainement être envisagée». Du fait de l'exclusion de
ce sujet du projet d'articles, l'art. 10 se limite à affirmer que le
comportement d'un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement
doit être considéré comme un fait de cet État
d'après le droit international.
Outre la pratique qui indique l'obligation des groupes
d'opposition armés de respecter le DIH, il existe quelques exemples
d'attribution de responsabilité à des groupes d'opposition
armés. Ainsi, dans un rapport sur la situation des droits de l'homme au
Soudan, le rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies pour
les droits de l'homme a déclaré que l'Armée populaire de
libération du Soudan était responsable des meurtres et
enlèvements de civils, pillages et prises en otage d'agents des
organismes de secours commis par «des chefs militaires locaux issus de
ses propres rangs».
A l'instar des Etats, les groupes d'opposition armés
doivent également réparer les préjudices causés par
les violations du DIH.
Il existe des exemples de pratique des Nations Unies à
l'appui de l'obligation des groupes d'opposition armés de fournir des
réparations appropriées. Dans une résolution sur le
Libéria adoptée en 1996, le Conseil de sécurité de
l'ONU a demandé «aux chefs des factions» d'assurer la
restitution immédiate des biens pillés.
Même si l'on peut faire valoir que les groupes
d'opposition armés sont responsables des actes commis par leurs membres,
les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. En
particulier, la question de savoir dans quelle mesure les groupes d'opposition
armés ont l'obligation de fournir des réparations
complètes n'est pas claire, même si, dans de nombreux pays, les
victimes peuvent engager une procédure civile pour préjudices
subis contre les responsables.
Outre la responsabilité des Etats et des groupes
d'opposition armés, la responsabilité civile ou pénale
individuelle pour violation des règles du DIH peut être
engagé. Toutefois nous n'aborderons ici que la responsabilité
pénale individuelle.
La responsabilité
pénale individuelle
La responsabilité pénale individuelle pour les
crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux a
été explicitement incluse dans trois traités
récents de DIH, à savoir le Protocole II à la Convention
sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, le
Statut de la CPI et le Deuxième Protocole à la Convention de La
Haye pour la protection des biens culturels71(*). Il est implicitement reconnu dans deux autres
traités récents : la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des
mines antipersonnel et le Protocole facultatif se rapportant à la
Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants
dans les conflits armés, qui exigent des États que les
comportements interdits, y compris dans les conflits armés non
internationaux, soient passibles de poursuites pénales72(*). Les Statuts du TPIR et du
TSSL stipulent explicitement que les personnes physiques sont responsables
pénalement pour les crimes de guerre commis dans des conflits
armés non internationaux73(*).
Les procès de personnes accusées de crimes de
guerre commis dans des conflits armés non internationaux devant le TPIY
et le TPIR confirment la responsabilité pénale des personnes
physiques à l'égard de ces crimes. L'analyse faite par la Chambre
d'appel du TPIY dans l'affaire Tadiæ en 1995 est à cet
égard particulièrement pertinente; le Tribunal a conclu à
cette occasion à l'existence d'une responsabilité pénale
individuelle pour les crimes de guerre commis dans les conflits armés
non internationaux.
Les personnes physiques sont pénalement responsables
non seulement lorsqu'elles commettent un crime de guerre, mais aussi
lorsqu'elles tentent de commettre un tel crime, ainsi que lorsqu'elles
apportent leur aide, leur concours ou toute forme d'assistance à la
commission d'un crime de guerre. Elles sont aussi responsables si elles
planifient ou incitent à commettre un crime de guerre74(*).
Les comandants et autres supérieurs
hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre
commis sur leurs ordres. Cette règle est inscrite dans les Conventions
de Genève ainsi que dans la Convention de La Haye pour la protection des
biens culturels et dans son Deuxième Protocole, qui exigent des
États qu'ils poursuivent non seulement les personnes qui commettent des
infractions ou des violations graves, respectivement, mais aussi les personnes
qui donnent l'ordre de les commettre75(*). Les Statuts de la CPI, des TPI pour l'ex-Yougoslavie
et pour le Rwanda et du TSSL76(*).
Pour ce qui est des actes accomplis par des subordonnés
conformément à un ordre de commettre des crimes de guerre, il
convient de distinguer deux situations. Premièrement, lorsque les crimes
de guerre ont effectivement été commis, la pratique
étatique est claire : les supérieurs sont responsables, comme
l'affirme cette règle. Deuxièmement, lorsqu'il n'y a pas eu
commission des crimes de guerre, mais seulement tentative, la pratique
des États tend à indiquer qu'il y a aussi responsabilité
des supérieurs. Le Statut de la CPI spécifie que la
responsabilité des supérieurs hiérarchiques est
engagée lorsqu'il y a commission ou tentative de crime77(*).
Les commandants et autres supérieurs
hiérarchiques sont aussi pénalement responsables des crimes de
guerre commis par leurs subordonnés s'ils savaient, ou avaient des
raisons de savoir, que ces subordonnés s'apprêtaient à
commettre ou commettaient ces crimes et s'ils n'ont pas pris toutes les mesures
nécessaires et raisonnables qui étaient en leur pouvoir pour en
empêcher l'exécution ou, si ces crimes avaient déjà
été commis, pour punir les responsables.
Il faut préciser, que le fait d'obéir à
un ordre d'un supérieur hiérarchique n'exonère pas le
subordonné de sa responsabilité pénale s'il savait que
l'acte ordonné était illégal ou s'il aurait dû le
savoir en raison du caractère manifestement illégal de l'acte
ordonné. La règle selon laquelle les ordres donnés par des
supérieurs hiérarchiques ne peuvent exonérer la personne
ayant commis un crime de sa responsabilité est affirmée dans les
Statuts de la CPI, des Tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL78(*).
Néanmoins, le fait d'obéir à des ordres
peut être pris en considération pour atténuer la peine.
Dans son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU sur le projet de
Statut du TPIY en 1993, le Secrétaire général de l'ONU a
évoqué la possibilité que l'obéissance à des
ordres donnés par des supérieurs soit considérée
comme une circonstance atténuante.
Une fois les responsabilités pénales
situées, il convient de faire juger les auteurs de violations graves du
DIH par des juridictions pénales internationales.
L'établissement
d'une juridiction pénale internationale
C'est à partir de 1993, que des juridictions
pénales internationales vont voire le jour dans le cadre des conflits
internes au cours desquelles allaient être commis les crimes les plus
graves depuis la seconde guerre mondiale, sur les territoires de
l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. Le 1e juillet 2002, ce fut
l'entrée en fonction symbolique de la CPI. Toutefois,
L'éloignement excessif des tribunaux ad hoc et de la CPI n'offrant en
effet pas la meilleure garantie de réconciliation nationale sur le
terrain, a récemment conduit à la mise sur pied de juridictions
mixtes.
Les tribunaux pénaux
internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda
En l'absence d'une juridiction pénale internationale
permanente, le Conseil de sécurité crée, dans le cadre du
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l'«action en
cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte
d'agression», deux tribunaux ad hoc. Le 25 mai 1993, la résolution
827 instituait le TPIY, avec pour mission de poursuivre les personnes
responsables de violations graves du droit international sur ce territoire
depuis le 1er janvier 1991. Le 8 novembre 1994, la résolution 955
créait le TPIR, chargé de poursuivre les personnes responsables
d'actes de génocide et d'autres violations graves du DIH commis sur le
territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire des Etats
voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre1994.
C'est l'ampleur des crimes perpétrés - avec,
d'un côté, plus de deux cent mille morts, des dizaines milliers de
réfugiés et de disparus, l'épuration ethnique et les viols
érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie et, de l'autre, la
liquidation physique systématique de près d'un million de
Rwandais en raison de leur appartenance ethnique ou de leur opposition au
régime en place - qui a, dans les deux cas, contraint la
communauté internationale à l'action.
Les deux tribunaux ont été créés
par une décision politique, pour rechercher et punir les individus
responsables des crimes, quelles qu'aient été leurs fonctions
à l'époque des faits. Leur existence est limitée tant dans
le temps - 2008 étant la date théorique prévue par les
Nations Unies pour mettre un terme à l'action de ces tribunaux - que
dans l'espace et tous deux ont une primauté sur les juridictions
nationales des pays concernés et sur celles de tout autre Etat.
Le TPIY et TPIR ont une procédure identique :
Le Procureur ouvre une information d'office ou «sur
la foi des renseignements obtenus de toutes sources». Il est
habilité à interroger les suspects, les victimes et les
témoins, à réunir des preuves et à procéder
sur place à des mesures d'instructions. S'il décide qu'au vu des
présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur
établit un acte d'accusation. L'acte d'accusation est transmis à
un juge d'une chambre de première instance.
S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi
décerne sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats
d'arrêts, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres
ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.
Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a
été confirmé est, conformément à une
ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal
international, placée en état d'arrestation, immédiatement
informée des chefs d'accusation portés contre elle et
déférée au Tribunal international.
La Chambre de première instance prononce des sentences
et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues
de violations graves du DIH.
La sentence est rendue en audience publique à la
majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est
établie par écrit et motivée, des opinions individuelles
ou dissidentes pouvant y être jointes.
Malgré les obstacles rencontrés dans leur
fonctionnement (lenteur de procédure, encombrement du greffe,
arrestation difficile des inculpés...), les TPI se sont imposés
comme des organes juridictionnels vivants et opérationnels. Le fait que
le 24 mai 1999, pour la première fois dans l'histoire, un chef d'Etat en
activité, Slobodan Milosevic, ait été mis en accusation
pour les crimes commis au Kosovo par le TPIY, en est un exemple. En montrant
qu'une justice pénale universelle était possible et faisable, ils
ont d'une certaine façon aidé à la mise en oeuvre d'un
organe judiciaire plus permanent à savoir la CPI.
La Cour pénale
internationale
Les négociations en vue de la création d'une CPI
permanente ayant compétence à l'égard des crimes les plus
graves qui touchent la communauté internationale, ou qu'ils aient
été commis, ont débutées en 1994 et ont aboutit
à l'adoption du Statut de la CPI en juillet 1998 à Rome, lequel
Statut est entré en vigueur le 1e juillet 2002.
La nouvelle juridiction permanente à vocation
universelle est l'émanation d'un traité multilatéral et
est donc indépendante des Nations Unies, même si, en application
de l'article 2 de son statut, elle est liée à celles-ci par un
accord approuvé par l'Assemblée des Etats-parties lors de sa
première session de septembre 2002.
· Les domaines de compétence de la Cour
Les domaines de compétence de la CPI touchent les
crimes de génocide, les crimes contre l'humanité ainsi que les
crimes de guerre 79(*)commis à partir du 1er juillet 2002, date
d'entrée en vigueur de son statut. Une définition consensuelle du
crime d'agression par l'ensemble des Etats n'ayant pas été
trouvée lors des négociations du statut de la Cour, c'est
à une commission préparatoire qu'a été
confiée la mission de la consigner dans un article, qui devrait
être adopté par la suite par le biais d'un amendement.
Toute personne âgée de dix-huit ans
révolus lors des faits incriminés peut théoriquement
être poursuivie et, ce, indépendamment de son statut et des
fonctions occupées : aucune exonération de responsabilité
pénale n'est en effet prévue pour des actions menées dans
le cadre de responsabilités officielles (chef d'Etat ou de gouvernement,
membre d'un gouvernement ou d'un parlement, etc.). Selon le statut, cette
compétence ne saurait s'exercer que si l'Etat sur le territoire duquel
un crime a été commis ou dont le responsable du crime est
ressortissant, est partie au Traité. Cependant, au cas où une
situation est déférée au Procureur par le Conseil de
sécurité, en cas de menace ou d'atteinte à la paix et
à la sécurité internationale, aucune condition
préalable n'est exigée et la Cour est toujours
compétente.
Un Etat qui n'est pas partie au Statut peut, par
déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa
compétence.
· Les modes de saisines de la Cour
Trois modes de saisine de la Cour sont prévus par le
statut :
- tout Etat partie peut déférer au Procureur une
situation dans la quelle un ou plusieurs crimes relevant de la
compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;
- le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la
compétence de la Cour ; dans ce cas il doit obtenir une autorisation de
la Chambre préliminaire pour ouvrir une enquête ;
- enfin, le Conseil de sécurité des Nations
unies peut également déférer au Procureur une situation
dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été
commis.
C'est sur cette base d'ailleurs que le conseil de
sécurité va exercer pour la première fois son pouvoir de
saisine en déferant au Procureur de la CPI la situation au Darfour
depuis le 1er juillet 2002, par la résolution 1593,
adoptée le 31 mars 2005, par 11 voix pour et les absentions de
l'Algérie, du Brésil, de la Chine et des Etats-Unis.
· La procédure devant la Cour
Trois phases peuvent être distinguées dans la
procédure devant la Cour : l'enquête, la confirmation des charges,
le procès.
- L'enquête
La décision d'ouvrir une enquête est prise, sous
le contrôle de la chambre préliminaire, par le Procureur, qui peut
également conclure qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des
poursuites. Le Procureur «enquête tant à charge
qu'à décharge». Il peut notamment recueillir et
examiner des éléments de preuve, convoquer et interroger des
personnes faisant l'objet d'un enquête, ainsi que des victimes et des
témoins, demander la coopération de tout Etat ou organisation ou
dispositif gouvernemental.
Il est possible de voir dans cette disposition une influence
des systèmes juridiques latins. Ce contrôle interne des poursuites
paraît légitime. Compte tenu de la gravité des infractions
à l'égard desquelles la Cour aura compétence, l'ouverture
des poursuites peut difficilement être laissée à la
discrétion d'une seule autorité.
La chambre préliminaire est appelée à
prendre les principales décisions pendant l'enquête. Ainsi,
lorsqu'il souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative, le
Procureur doit obtenir l'autorisation de la chambre préliminaire.
De même, lorsqu'il considère qu'une enquête
offre l'occasion, qui ne se représentera pas par la suite, de recueillir
un témoignage ou une déposition, ou d'examiner, recueillir ou
vérifier des éléments de preuve aux fins d'un
procès, le procureur en avise la chambre préliminaire, qui peut
alors prendre toutes mesures propres à assurer l'efficacité et
l'intégrité de la procédure, en particulier nommer un
expert ou prendre toute mesure nécessaire pour recueillir ou
préserver les éléments de preuve.
La chambre préliminaire peut délivrer les
mandats nécessaires aux fins d'une enquête, autoriser le Procureur
à prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat
partie sans s'être assuré la coopération de cet Etat
lorsque celui-ci est incapable de donner suite à une demande de
coopération.
A tout moment, après l'ouverture d'une enquête,
la chambre préliminaire peut délivrer sur requête du
procureur, un mandat d'arrêt contre une personne.
- La confirmation des charges
L'art. 61 du statut prévoit que «dans un
délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour
ou sa comparution volontaire, la chambre préliminaire tient une audience
pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour
requérir le renvoi en jugement». Cette audience peut se tenir
en l'absence de l'intéressé, notamment lorsqu'il a pris fuite.
Au cours de l'audience, le Procureur étaye chacune des
charges avec des éléments de preuve suffisants pour
établir l'existence de raisons sérieuses de croire que la
personne a commis le crime qui lui est imputé.
A l'issue de l'audience, la chambre préliminaire peut
confirmer les charges et renvoyer la personne devant une chambre de
première instance pour y être jugée, ne pas confirmer les
charges, enfin ajourner l'audience en demandant au Procureur d'apporter des
éléments de preuve supplémentaires ou de modifier une
charge.
- Le procès
Le procès se déroule publiquement devant une
chambre de première instance en présence de l'accusé. La
chambre de première instance peut prononcer le huis clos, notamment pour
protéger la sécurité des victimes et des témoins ou
pour protéger des renseignements confidentiels ou sensibles
donnés dans des dépositions.
L'accusé a la possibilité de plaider coupable.
Dans ce cas, si la Cour est convaincue que l'accusé comprend la nature
et les conséquences de l'aveu, qu'il a fait cet aveu volontairement,
qu'enfin cet aveu est étayé par les faits de la cause, elle peut
reconnaître l'accusé coupable du crime. Dans le cas contraire,
elle ordonne que le procès se poursuive selon les procédures
normales.
Le statut contient des règles relatives à
l'administration des personnes, à la protection et à la
participation au procès des victimes et des témoins, à la
protection de renseignements touchant à la sécurité
nationale.
L'art. 74 prévoit que les juges s'efforcent de prendre
leur décision à l'unanimité, faute de quoi ils la prennent
à la majorité. La décision est présentée par
écrit et contient l'exposé complet et motivé des
constatations de la chambre de première instance sur les preuves et les
conclusions. S'il n'y a pas d'unanimité, la décision contient les
vues de la majorité et de la minorité.
Les difficultés rencontrées par la CPI,
notamment son éloignement, ont récemment conduit à la mise
sur pied de juridictions mixte.
Les juridictions
mixtes
L'objectif recherché à travers ces juridictions
est d'impliquer la justice nationale, sous supervision internationale. Cela
permettrait la reconnaissance symbolique pour les victimes des crimes commis et
l'acceptation de leurs souffrances; selon les experts, ce nouveau
«modèle» de tribunal mixte devrait en outre permettre de
rendre une justice plus rapide, plus efficace et moins coûteuse.
C'est au Sierra Leone qu'a été pour la
première fois inaugurée cette formule originale. Répondant
à une demande du gouvernement sierra-léonais de juin 2000, le
Conseil de sécurité, dans sa résolution 1315, a
demandé à l'ex secrétaire général de l'ONU
Kofi Annan, d'engager des négociations avec ce dernier afin de mettre
sur pied un tribunal spécial pour la Sierra-Leone, chargé de
juger les «principaux responsables de crimes contre l'humanité,
de crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra
léonais commis depuis le 30 novembre 1996».
Ce tribunal, officiellement créé en juillet 2002
à la suite d'un accord intervenu entre les Nations Unies et les
autorités nationales et ratifié par le Parlement, fait partie du
système judiciaire sierra-léonais. Il reçoit
néanmoins un fort soutien international, via un
« Management Committee » qui réunit les
représentants de nombreux Etats, dont le Nigeria voisin et les
Etats-Unis. En vertu de l'accord, le Secrétaire général
des Nations Unies a nommé cinq juges sur les huit que comptent les deux
chambres, de même que le procureur - le procureur adjoint et les trois
autres juges étant quant à eux désignés par les
autorités gouvernementales. Quoiqu'il soit encore trop tôt pour
juger du bilan de ce tribunal spécial, on notera qu'une quinzaine de
personnes ont d'ores et déjà été inculpées
par le procureur.
Au Cambodge, où plus du quart de la population a
été décimée sous les Khmers rouges entre 1975 et
1979, des négociations difficiles ont débuté avec les
Nations Unies dès 1999 pour trouver une formule permettant de juger
leurs auteurs par la justice nationale, avec une implication forte de la
communauté internationale. Après le rejet par le gouvernement de
la création d'un tribunal international, au motif que celui-ci
constituerait une atteinte inadmissible à sa souveraineté, un
accord est enfin trouvé avec les Nations Unies en mars 2003 portant
création de «chambres extraordinaires» qui doivent
être mises sur pied par une loi cambodgienne et être
intégrées aux tribunaux existants. Là aussi est
prévue une mixité d'origine des juges au sein des deux chambres
extraordinaires - chambre de première instance et chambre de la Cour
suprême (au total cinq juges internationaux choisis sur une liste de sept
noms proposée par le Secrétaire général des Nations
Unies et sept Cambodgiens) - de l'accusation et de l'administration.
Chapitre II : Un système de protection en
quête d'effectivité
Qui oserait nier que les personnes fragiles par nature ont
terriblement souffert au cours des innombrables guerre que le monde a connues
depuis 1945, que des mauvais traitements ont été infligées
à différentes catégories de captifs, que ce soit le fait
de régimes tyranniques ou d'individus incontrôlées, et que
différents actes de guerre ont non seulement provoqué des pertes
en vies humaines et des destructions de bien, mais ont également fait
voler en éclats l'espoir et la foi en un monde meilleur ? Un grand
nombre de ces horreurs auraient pu être évitées si le droit
humanitaire en vigueur avait été respecte par toutes les
parties.
La violence du contraste entre le foisonnement de dispositions
normatives et le comportement des hommes ne peut donc échapper à
un observateur objectif. Le fossé entre le droit et la
réalité parait plus important que ce ne soit
généralement le cas, même dans le domaine du droit
international. Nous devons nous demander franchement pourquoi il en est ainsi.
Il ne pourra pas être dit que le droit humanitaire est trop difficile
à appliquer, car nous avons vus qu'il s'agit d'un droit pragmatique qui
tient compte des réalités militaires. Ce qui est clair,
cependant, c'est que, bien qu'il prévoie des méthodes de mise en
oeuvre spéciales, celles-ci n'ont pas été suffisamment
appliquées. D'où l'existence d'un système de protection
déficient (Section 1) qui nécessite
impérativement des correctifs tant du point de vue juridique que dans le
cadre de l'application (Section 2).
Section 1 : Un système déficient
Cette déficience remarquée s'analyse tant du
point de vue juridique c'est-à-dire au niveau des textes garantissant la
protection (Paragraphe 1) que du point de vue de la pratique
c'est-à-dire dans l'application de cette protection
(Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Les lacunes
d'ordre juridique
Elles se manifestent tout d'abord par la rigidité des
textes assurant la protection (A) mais également par
l'insuffisance des dispositions consacrées aux personnes fragiles par
nature (B).
A- La rigidité des textes assurant
la protection
La pratique montre que la mise en oeuvre du droit
international humanitaire s'accommode mal de mécanismes rigides. Au
contraire, ce sont les procédures les moins contraignantes qui
paraissent avoir permis les succès les plus probants dans ce domaine. Le
rôle accru joué par le C.I.C.R. au l'action modératrice
d'un tiers, étranger aux objectifs de cours des années,
particulièrement lors des conflits armés non internationaux, en
est la démonstration, comme il démontre que «la lutte et
aux impératifs du combat», reste indispensable. Il serait
erroné, cependant, d'en tirer la conclusion que l'argumentation
strictement juridique doit être écartée. Bien au contraire,
elle doit rester présente dans le cadre d'une telle action, parce
qu'elle la situe et place le débat à son véritable niveau.
L'expérience démontre toutefois qu'elle n'est pas suffisante.
Dans un monde sans véritable tribunal ou force supranationaux, la
persuasion fondée sur l'honnêteté, la neutralité et
l'efficacité constituent probablement l'arme essentielle de ceux qui
veulent contribuer à la mise en oeuvre du droit international
humanitaire. Le succès de cette branche du droit international --
indiscutable même s'il est relatif -- est dû pour une très
grande part au fait qu'elle est utile à chacun et qu'elle reste en
dehors de la querelle politique. Quiconque prétend jouer un râle
dans sa mise eu oeuvre ne saurait oublier cette donnée. On a souvent
insisté, et à juste titre, sur l'importance de l'art. 1er des
quatre Conventions, repris à l'art. 1er, § 1 du PA I, selon lequel
«les Hautes Parties Contractantes s'engagent à respecter et
à faire respecter la présente Convention [le présent
Protocole] en toutes circonstances». Cette
disposition s'est révélée riche en potentialités.
Elle est complétée dans le PA I par l'art. 80 «Mesures
d'exécution». En revanche, on ne trouve pas trace d'une telle
disposition dans le PA II. On peut se demander s'il s'agit d'une omission
volontaire ou bien si une référence implicite est susceptible
d'être dégagée du texte.
Les Conventions et les Protocoles contiennent aussi des
dispositions concernant la diffusion de leurs stipulations
ainsi que l'institution de conseillers juridiques dans les forces armées
(art. 82 du PA II).
Le système de la puissance protectrice (art. 8
Convention I et articles analogues dans les autres Conventions) (avait suscité de grands espoirs. Le commentaire
publié sous la direction de J. Pictet souligne la nouveauté des
dispositions adoptées en 1949, l'art. 8 renforçant «le
contrôle d'une saine application de la Convention, et par
conséquent l'efficacité de celle-ci».
L'expérience n'a cependant pas vérifié cette
prédiction et le recours à la puissance protectrice est
demeuré extrêmement limité. Il est pourtant toujours
prévu dans le PA I à l'art. 5. Certains Etats avaient même
proposé un renforcement de cette institution pour lui donner plus
d'efficacité. Ainsi l'Egypte, comme l'a rappelé le professeur
Ashmaoui, avait suggéré plusieurs amendements. En revanche, le
système de la puissance protectrice n'est pas mentionné dans le
PA II. Une autre innovation a été introduite dans le PA I
à l'art. 90 qui instaure une Commission internationale
d'établissement des faits. Celle-ci devait rendre plus efficaces les
dispositions succinctes en matière d'enquête prévues dans
les Conventions de 1949. La procédure est réglementée de
manière très détaillée. La Commission devait
être constituée lorsque vingt Hautes Puissances contractantes au
moins auraient accepté sa compétence. Elle est maintenant
entrée en fonction, mais jusqu'à présent elle n'a jamais
été saisie par une partie contractante ou une partie au conflit.
Ses membres déploient actuellement des trésors
d'ingéniosité pour essayer de débloquer la situation et de
donner vie à ce mécanisme. Récemment, le 15 octobre 1999
lors du colloque du CREDHO qui s'est tenu à Rouen sur le thème :
«Un siècle de droit humanitaire», le professeur Luigi
Condorelli, membre de la CIEF, a expliqué avec beaucoup d'enthousiasme,
mais aussi de réalisme, les efforts déployés par la CIEF
pour que les Etats s'intéressent à cette institution. Celle-ci
pourrait en effet rendre de grands services, la constatation des faits
constituant souvent une étape capitale dans le processus de
contrôle ou de répression des violations du droit en
général et du droit international humanitaire en particulier.
Les Conventions de Genève contiennent aussi des
dispositions bien connues, mais peu ou mal utilisées, concernant la
répression pénale (art. 49 et suivants de la 1ère
Convention et articles analogues pour les autres Conventions, ainsi que les
art. 85 et s. du PA I) . Ces mécanismes (infractions
graves et autres infractions) reposent sur les Etats, même si la
possibilité d'une Cour pénale internationale avait
été envisagée en 1949. Ils visaient à
établir l'universalité de la juridiction pour les violations
graves et l'universalité de la répression. Les
discussions actuelles à propos de la compétence universelle,
montrent que le résultat est loin d'avoir été atteint. Le
président Sommaruga a rappelé que pour le CICR la
compétence universelle est reconnue dans les Conventions de
Genève. Mais les Etats hésitent à
exercer cette compétence et il demeure des ambiguïtés sur le
sens exact à attribuer à cette notion. En France, par exemple, il
y a eu beaucoup de discussions à ce sujet dans les milieux juridiques,
politiques et humanitaires, au moment de l'adoption de la loi prise pour
l'application et la mise en oeuvre de la résolution du Conseil de
sécurité relative à la création du Tribunal
international pour le Rwanda.
A cela s'ajoute l'insuffisance des textes assurant la
protection des personnes fragiles par nature.
B- L'insuffisance des
dispositions assurant la protection
Même si plusieurs dispositions dans le corpus des normes
du DIH ont été consacrées à la protection
spéciale des femmes et des enfants, force est de reconnaitre que
celles-ci demeurent insuffisantes compte tenu des besoins spécifiques de
ces derniers en temps de conflit armé. En effet, la
vulnérabilité de ces personnes est telle qu'il faudrait penser
à tout bout de champ accroitre les mesures visant à les
protéger car des centaines de milliers d'enfants sont associés
aux forces armées ou aux groupes armés dans des conflits
armés dans plus de 20 pays à travers le monde. Filles et
garçons sont utilisés de diverses manières, depuis des
rôles annexes, comme la cuisine ou le portage, jusqu'au combat actif,
à poser des mines ou espionner, tandis que les filles sont souvent
utilisées à des fins sexuelles.
Cette utilisation impitoyable et brutale des enfants viole
leurs droits et leur cause un préjudice physique, de
développement, affectif, mental et spirituel. Il faut chercher en tout
temps à obtenir la libération, la protection et la
réintégration des enfants enrôlés ou utilisés
par les forces ou les groupes armés, même pendant un conflit
armé. Tous les acteurs humanitaires et des droits de l'homme doivent
prendre des mesures de prévention dès le début des
opérations humanitaires, d'une manière coordonnée et
stratégique. De plus, les femmes subissent les atrocités des plus
inimaginables, surtout lorsqu'elles sont en couche ou mères d'enfant de
bas âge. Nous estimons que ce phénomène est du non
seulement par la carence des mesures de protection qui ne prennent pas toujours
en compte l'ensemble des besoins spécifiques de ces personnes
fragiles.
Par ailleurs, cette insuffisance est d'autant plus
remarquée du point de vue des mesures répressives aux violations
éventuelles des garanties accordées aux personnes fragiles. En
effet, les violations qualifiées de crimes de guerre sont insuffisantes
par rapport aux atrocités que peuvent subir ces personnes surtout
lorsqu'elles sont aux mais de l'ennemi. Toutes ces considérations ne
font que rendre le système de protection déficient.
A coté de ces obstacles juridiques, on note
également la présence des lacunes relevées dans la
pratique.
Paragraphe 2 : Les obstacles
d'ordre pratique
Ils se situent d'une part au niveau de la défaillance
remarquée dans l'application des garanties de protection (A)
et d'autre part dans l'observance des violations
répétées de ces garanties (B).
A- La timide application
des normes de protection
Le point faible du Droit international humanitaire dans
l'opinion publique réside dans son peu d'efficacité : les
violations graves des règles les plus élémentaires du
droit humanitaire sont légion et chaque année de nouveaux
conflits s'ajoutent aux conflits anciens qui se poursuivent ou resurgissent (en
1999 : Kosovo, Timor oriental et Tchétchénie, par exemple). Ce
point de vue pessimiste est partagé par les juristes les plus avertis.
Selon Eric David, « le droit des conflits armés... est
probablement la branche la moins respectée, et par conséquent
aussi la plus théorique, sinon la plus utopique du droit international
et même du droit tout court ! ».80(*) Et il consacre tout un
chapitre à la question : « Pourquoi le droit des
conflits armés est-il si souvent violé ? ».
Quant à Luigi Condorelli, il affirme « La
vérité est que le droit international humanitaire existant refuse
d'organiser efficacement sa propre mise en oeuvre. La vérité est
que la communauté internationale, au-delà d'éventuelle
mesures sélectives et au coup par coup, refuse de s'acquitter de
façon systématique du devoir d'assurer le respect des
règles humanitaires».
Il n'entre pas dans notre propos de répondre à
ces interrogations, d'approuver ou de désapprouver de telles
appréciations, mais il convient d'en tenir compte car elles sont
révélatrices des difficultés que rencontre le droit
international humanitaire. On lui reproche, ou du moins on peut lui reprocher,
de s'être trop préoccupé de définir et de poser des
règles de comportement pour les parties à un conflit afin
d'essayer d'humaniser la guerre, selon le message d'Henry Dunant,
bouleversé par le spectacle de la bataille de Solférino, et
d'avoir négligé les mesures à prendre afin d'assurer le
respect effectif de ces règles. Pourtant le CICR s'est toujours
préoccupé d'améliorer l'observation des prescriptions du
DIH. Les Conventions de Genève de 1949 et les PA de 1977 contiennent en
effet des dispositions, certes limitées, mais qui ont le mérite
d'exister. Malheureusement, ces mécanismes ont mal fonctionné
parce qu'ils n'ont pas été utilisés ou ne l'ont pas
été suffisamment. Toutefois, certaines évolutions
récentes autorisent un certain optimisme et permettent d'insuffler une
nouvelle vigueur aux mécanismes destinés à assurer le
respect des principes et des règles du droit international
humanitaire.
La conséquence majeure liée à la
défaillance observée dans la cadre de l'application des
garanties fondamentales de protection constitue nécessairement les
violations répétées de celles-ci.
B- Les violations
répétées des garanties fondamentales de protection des
personnes fragiles
Il peut découler du contexte de conflit armé,
favorable à leur violation mais aussi de facteurs sociologiques tel que
la formation de l'agent susceptible de favoriser de tels comportements.
Le conflit armé :
un contexte favorable aux violations des règles humanitaires
Il semble que les conflits armés favorisent
« per se » des comportements illicites, induisent
chez les acteurs de tout repère sur les limites du permis et de
l'interdit favorisent des comportements psycho-pathologique. En effet, le
conflit armé est situation de chaos, désordre et de confusion
telle que toute règle semble abolie et ou il devient difficile pour les
acteurs de conserver le sens du permis ou de l'interdit et de situer les
repères juridique qu'ils aperçoivent d'ordinaire parfaitement
dans leur vie quotidienne en temps de paix. Comme l'écrit C.R.
Browning : «la guerre a toujours été
génératrice d'atrocité. Les haines de guerre provoquent
des crimes de guerre. Dans le fait même d'envoyer des hommes armés
tuer d'autres hommes armés, il y a déchaînement de la
violence qui risque de mettre en lambeau le tissu fragile des convictions et
des règles censées humaniser les champs de bataille.»
La guerre est donc fondamentalement criminogène. P.
Meney, un journaliste français qui a essayé de comprendre
l'itinéraire d'un soldat libanais ayant commis les pires
atrocités au cours des conflits qui ont déchirer son pays entre
1975 et 1990, «L'homme hésite à abattre les lois
séculaires garantissant la convivialité. Mais dès que
l'obstacle est franchi, tout va très vite. Plus rien ne le censure. Le
processus de régression n'est qu'une question de temps : celui
nécessaire à la chute des conventions sociales et morales. Ainsi
abandonne- t- on son bagage de civilisation.»81(*)
Par ailleurs, le risque de violation semble aussi directement
proportionnel à la durée de la lutte et à la
résistance de l'adversaire : plus celui-ci résiste et plus
la tentation est grande de recourir à tous les moyens, y compris des
méthodes et des moyens illicites, pour en parvenir à bout. Ainsi
s'explique la transformation d'une guerre dite «propre » en une
guerre «sale» ou en une guerre totale.
Aussi des facteurs sociologiques subit par l'agent peuvent
expliquer le non respect des du droit humanitaire.
Ø Les facteurs
sociologiques : la formation, phénomène pouvant
prédisposer le combattant à des violations du droit
humanitaire
Parmi ces facteurs sociologiques il faudrait citer celui subit
par l'agent : sa formation.
En effet, à l'origine des violations du droit des
conflits armés, il peut y avoir une formation ou une éducation de
leur auteur susceptible de favoriser un tel comportement. Cette formation peut
résider dans l'éducation générale de l'auteur ou
dans une formation spécifique.
S'agissant de l'éducation général, et
parmi les facteurs éducatifs qui peuvent prédisposer à la
violation du droit des conflits armés, on retiendra d'une part
l'apprentissage de l'obéissance, d'autre part la culture du
mépris de l'autre. En effet ne faut-il pas voir dans les vertus
d'obéissance militaire si jalousement cultivées par la plus part
des armées, ou le soldat doit exécuter les ordres sans pouvoir
les discuter, une entreprise d'infantilisation des hommes?
Lors des procès faits aux criminels de guerre à
l'issue de la 2e GM, un des moyens de défense le plus souvent
invoqué par les accusés pour justifier les faits qui leur
étaient imputés était l'excuse de l' ordre
supérieur. Si juridiquement cette exception n'a guère de
succès, il demeure que la propension d'un individu à
l'obéissance peut expliquer, sans les justifier, les abominations qu'il
commet. L'obéissance et le milieu ne sont cependant qu'un facteur
d'explication, parmi d'autres des violations du droit des conflits
armés.
La culture du mépris ou du rejet de l'autre, de
l'étranger ou de toute forme d'altérité s'observe
fréquemment dans les phénomènes de violation du droit des
conflits armés.
Par ailleurs l'appartenance à un groupe, la
cohésion interne de ce groupe, la haute estime qu'il a de
lui-même, et par opposition, sont autant d'éléments qui
dans une situation de violence grave telle qu'une guerre favorise les
violations du droit des conflits armés commises à des gens qui
sont non seulement extérieurs au groupe, mais qui en outre, en sont les
adversaires déclarés. Le brevet de supériorité que
le groupe se décerne et l'infériorité corrélative
dans laquelle il tient l'ennemi abouti à dévaluer ce dernier,
à le réifier et le déshumaniser, celui-ci n'est plus
vraiment une créature humaine, c'est un animal nuisible qu'il faut
supprimer, une maladie qu'il faut éradiquer.
S'agissant d'autre part de la formation spécifique, et
comme on a l'habitude de dire, «on ne naît pas violent,
inhumain, ou (tortionnaire, on le devient)». La formation du
tortionnaire vise à modifier complètement sa personnalité,
à le déstructurer en quelque sorte afin de lui inculquer de
nouvelles valeurs au nom desquelles il sera prêt à faire tout ce
qu'on lui demande.
Comte tenu de l'impact de ces insuffisances et lacunes
constatées dans la mise en oeuvre de la protection des personnes
fragiles par nature, il s'impose la tâche fondamentale de redynamiser
leur protection dans le but de le rendre plus effectif voire efficace.
Section 2 : Pour une redynamisation de la protection des
personnes fragiles par nature
Au regard de la multiplicité des règles
conçues et édifiées par le droit humanitaire pour limiter
les souffrances que peuvent endurer les populations civiles et les personnes
fragiles lors des conflits armés, notamment en essayant de mettre en
place un système de protection adapté, il s'avère
nécessaire de reconnaitre et de louer les efforts qui ont
été déployés dans ce sens. Toutefois si on
opère une analyse critique du bilan de la mise en oeuvre de cette
protection et une certaine synthétisation des résultats fournis,
force est de constater que le système de protection est à
reconsidérer et a améliorer dans le but de rendre plus effectif
et plus efficace la protection des personnes fragiles par nature lors des
conflits armés. Nous estimons de ce point de vue que cela doit
nécessairement passer par un renforcement de la
spécificité de la protection (Paragraphe1) mais
aussi par une meilleure coordination de l'action des acteurs dans la mise en
oeuvre du système de protection (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un
renforcement de la spécificité de leur protection
Pour mieux répondre aux besoins spécifiques des
personnes fragiles par nature, le DIH se doit d'accroître et de renforcer
la spécificité de la protection aussi bien pour les femmes
(A) que pour les enfants (B).
A- Pour les femmes
Les améliorations à la protection offerte aux
femmes par le droit international humanitaire devraient être
fondées sur l'observation des conséquences de la guerre sur les
femmes dans un vaste éventail de situation et de conflits, tant civils
qu'internationaux82(*).Les
opinions divergent de façon considérable quant à ce que le
droit peut offrir en fait d'atténuation de ces
conséquences83(*).
Il existe aussi des doutes quant à la capacité du droit
d'apporter des changements fondamentaux pour les femmes. Tout ce qu'on arrivera
peut-être à réaliser, comme l'avance Christine Chinkin,
pourrait n'être que le «triomphe de la forme sur le
fond». Par contre, le droit sert généralement à
donner plus de poids aux structures sociétales, dans le cas qui nous
intéresse, à la discrimination envers les femmes. Le droit doit
par conséquent et à tout le moins, jouer un important rôle
symbolique quant à l'amélioration de la position des femmes en
temps de guerre.
L'une des possibilités consisterait à refondre
les règles du DIH pour redresser les aspects foncièrement
discriminatoires. Toutefois, dans le climat politique international actuel, une
réforme du DIH pourrait représenter une menace au maintien de
règles actuelles qui ont leur utilité. Une autre
possibilité consisterait à favoriser la
réinterprétation des dispositions actuelles du DIH pour tenir
compte de la perspective sexospécifique et modifier
l'interprétation des règles.
La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les
femmes recommande dans son rapport que les conventions de Genève soient
revues et réévaluées «afin d'y incorporer les
normes naissantes relatives à la violence contre les femmes en temps de
guerre». À la lumière des travaux des tribunaux
pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la question de
la place dans ce contexte.
La prépondérance de la reconceptualisation des
règles existantes est conforme à l'idée de
généralisation des sexospécificités avancée
dans le Programme d'action découlant de la Conférence de Beijing.
Ainsi, le paragraphe 141 du programme d'action stipule:
«S'agissant des conflits, notamment des conflits
armés, il faudrait promouvoir une politique active qui vise
ostensiblement à généraliser la prise en compte des
sexospécificités dans toutes les initiatives et tous les
programmes, de façon que toute décision soit
précédée d'une analyse des répercussions sur les
intéressés en fonction de leur sexe».
Ce processus, déjà entamé dans le domaine
des droits de la personne, pourrait être également appliqué
de nombreuses manières aux dispositions du droit international
humanitaire. Par exemple, une révision des commentaires du CICR sur les
conventions de Genève et leurs protocoles pourrait être entreprise
afin d'obtenir une perspective sexospécifique de leurs dispositions et
de tenir compte de l'évolution de l'interprétation des
règles. Ces commentaires sont considérés comme une
importante source d'interprétation des conventions et de leurs
protocoles. Les commentaires sur les conventions ont toutefois
été rédigés il y a une quarantaine d'années
et contiennent des idées et des concepts qui sont désormais
révolus. À titre d'exemple, prenons le commentaire sur l'art. 12
de la Deuxième Convention de Genève - «les femmes seront
traitées avec tous les égards particuliers dus à leur
sexe» -, qui dit : «quels égards particuliers? Nul doute
ceux qu'on accorde dans tous les pays civilisés aux êtres plus
faibles que soi et à ceux dont l'honneur et la pudeur commandent le
respect. Par ailleurs, les commentaires, dans certains cas, ne
reflètent plus avec exactitude les interprétations des
dispositions telles qu'elles ont été adoptées par les
États parties.
Une autre méthode d'intégration des perspectives
sexospécifiques au droit international humanitaire consiste à
adopter une initiative visant à mieux faire connaître les
règles relatives aux femmes, que devront entreprendre les États
parties aux Conventions de Genève et aux PA en consultation avec le
CICR. La dissémination est d'ailleurs une obligation faite aux
États parties en vertu des traités. La formation des gardiens de
la paix au droit international humanitaire et le traitement
réservé aux femmes en temps de guerre est un sujet qui requiert
l'attention à la fois les Nations Unies et des États qui
fournissent des forces de maintien de la paix. De telles entreprises de
dissémination sont d'ailleurs conformes à l'art. 33 de la
Déclaration de Beijing, qui fait référence à la
nécessité de «faire respecter le droit international,
notamment le droit humanitaire, afin de protéger les femmes et les
petites filles en particulier».
Par ailleurs, on constate un certain progrès du
côté des initiatives de reconstruction et d'instauration de la
paix après la fin des hostilités. Ainsi, l'art. 134 du Programme
d'action de Beijing fait référence à la
nécessité de veiller à :
«L'égalité d'accès et la pleine
participation des femmes aux structures de pouvoir et leur contribution
à tous les efforts déployés pour prévenir et
régler les conflits... Pour pouvoir jouer un rôle égal
à celui des hommes, dans l'établissement et le maintien de la
paix, les femmes doivent avoir plus de pouvoir politique et économique
et être suffisamment représentées à tous les niveaux
de la prise de décisions.»
Plusieurs États et organismes poursuivent de telles
initiatives; par exemple, le gouvernement du Canada, la Division de la
promotion de la femme des Nations Unies et le Haut- Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR).
La simple inclusion des femmes aux initiatives de
résolution après-conflit et d'établissement de la paix
peut être perçue comme une solution simpliste («ajoutez
quelques femmes et mélangez le tout») qui n'a pas encore
réussi à réaliser la transformation des structures
actuelles. Anne Gallagher écrit entre autre que «la nouvelle
approche de l'intégration des perspectives sexospécifiques au
domaine des droits de la personne constitue ce qu'on appelle une
«intégration transformative», soit un processus qui vise
à accomplir un changement fondamental. À la base des initiatives
d'intégration des femmes à des fonctions publiques, se trouve
l'hypothèse selon laquelle les femmes sont plus pacifistes et plus
coopératives. Cette hypothèse pose un problème puisqu'elle
accorde foi à des images stéréotypées de la femme,
qui finissent par limiter ses possibilités et oublient de tenir compte
de la diversité du potentiel des femmes. L'intégration des femmes
à ces activités pour une simple question de justice serait en
fait une justification moins litigieuse. Il est ici question de la vie
même des femmes : les femmes devraient par conséquent avoir leur
mot à dire dans la prise de décisions.
Il pourrait être avantageux de continuer de concentrer
l'attention particulièrement sur les femmes, mais d'une façon qui
tiendrait compte de leurs divers rôles au sein de la
société et non seulement de leur condition de mère ou
d'objet sexuel. Par conséquent, il faudrait que des directives
complètes portant sur le traitement des femmes en temps de guerre soient
adoptées sous les auspices du CICR.
Enfin, il faudrait instaurer une tribune où l'on
pourrait discuter de la voie à suivre pour mieux protéger les
femmes en temps de guerre. De plus en plus, le sujet fait partie de l'ordre du
jour d'un vaste éventail d'organismes, tant gouvernementaux que
non-gouvernementaux. Toutefois, leurs activités restent
fragmentées et nécessitent un rapprochement.
Ces mesures doivent également s'appliquer à
l'enfant.
B- Pour les enfants
Aujourd'hui, on estime à trois cent mille (300000) le
nombre de personnes de moins de dix huit ans qui participent à des
hostilités à travers le monde84(*). Mais ce chiffre est une estimation qui n'est
vraiment pas vérifiable dans la mesure où ces enfants sont le
plus souvent invisibles. Invisibles, car ils sont cachés par ceux qui
les engagent ou parce que leur âge est falsifié sur les documents
officiels. Invisibles, car ces enfants, le plus souvent combattent dans des
zones qui ne font pas l'objet d'une couverture médiatique. Invisibles,
enfin car ces enfants, paraissent très rapidement beaucoup plus vieux
que leur âge en raison de leur condition de vie déplorables.
Compte tenu de ces paramètres, il convient de renforcer
et de particulariser la protection de l'enfant au coeur de l'action
humanitaire. Pour cela,
Paragraphe 2 : Une meilleure
coordination du rôle des acteurs intervenant dans la mise en oeuvre
Elle doit s'accentuer d'abord par une adaptation de l'action
aux besoins des victimes (A) mais également par
l'implication des autres acteurs pour la rendre plus efficace
(B).
A- Une adaptation de l'action aux
besoins des victimes
Quelle assistance pour quelles victimes ? Telle est la
question que le CICR doit se poser en permanence dans les conflits
armés. Il est évident que les besoins humanitaires des
populations victimes des conflits sont immenses. L'action humanitaire ne peut
pas tous les satisfaire. Il y a donc un fossé profond entre les besoins
des victimes et ce que le CICR peut concrètement offrir.
L'évolution récente des conflits a mis en évidence une
baisse du nombre de victimes directement affectées par les
hostilités ; dans l'ensemble, il y a moins de blessés de guerre,
mais il y a plus de personnes déplacées et de résidents
dont les besoins se situent aussi bien au niveau de l'urgence qu'à celui
de l'aide structurelle. Le CICR se doit d'adapter son action aux besoins les
plus importants, en tenant compte de l'analyse politique et économique
et de l'action des autres intervenants sur le terrain. Ce défi est
majeur pour sa politique d'assistance et de protection. Cette politique doit en
outre être portée à la connaissance des victimes, des
autorités et des autres acteurs, afin qu'ils sachent ce que le CICR fait
et ne fait pas et les raisons de ses choix. L'action que le CICR a menée
en Ethiopie ces dernières années est, à ce titre,
illustrative : elle a non seulement, et une fois encore, mis en évidence
les compétences du CICR en matière de distributions alimentaires
dans une situation de conflit, mais aussi et surtout, démontré la
capacité du CICR d'effectuer une évaluation indépendante
et de définir une approche originale, par exemple la distribution de
semences et de vivres dans un environnement où la plupart des autres
acteurs se sont concentrés sur la seule distribution de nourriture.
L'action a aussi montré l'importance de connaître les politiques
agricoles et leurs effets négatifs ainsi que la nécessité
de faire des questions structurelles l'objet de discussions avec ceux qui en
sont responsables.
Pour mieux adapter son action aux besoins des populations
victimes des conflits armés, le CICR doit rester auprès des
victimes tout en assurant la sécurité de son personnel. Le
Libéria a constitué un test dans cette politique de
proximité. En 2003, le CICR a fait le choix d'assurer une
présence dans les situations extrêmes aussi longtemps que
possible.
Ce choix suppose non seulement l'acceptation du risque, mais
aussi l'amélioration constante des dispositifs de sécurité
dans les délégations. Toute organisation humanitaire a besoin de
se doter de politiques opérationnelles qui assurent à la fois une
action décisive pour les victimes de sécurité acceptable
pour son personnel85(*).
L'anticipation du danger et des risques est une
priorité absolue dans la grande majorité des opérations.
Cette priorité est désormais reconnue et mise en oeuvre par tous.
Dans ce domaine, les éléments de défi concernant l'analyse
indépendante de l'environnement dans lequel le CICR doit évoluer
; l'établissement et le maintien des contacts fiables et suivis avec
tous les acteurs d'une crise ; l'évaluation, en tout temps, de
l'acceptabilité de l'action du CICR. La définition d'une
politique opérationnelle et des modes d'action doit répondre
effectivement aux besoins des victimes.
Le CICR se doit aussi de faire une analyse politique, à
travers les contacts directs avec les belligérants, le dialogue avec les
Parties au conflit et l'établissement de contacts informels avec des
personnes dignes de confiance, avant de prendre les décisions
opérationnelles appropriées. Dans ce domaine, le CICR doit
remettre en cause les analyses journalistiques et académiques qui sont
parfois assez distantes de la réalité du terrain. Le CICR se doit
de développer les compétences qui lui garantissent les analyses
politiques les plus proches du terrain et la prise en compte des influences
externes.
Cependant la définition d'une politique
opérationnelle du CICR pour une effectivité de son action dans
les conflits étatiques internes doit impérativement s'accompagner
d'une bonne entente entre le CICR et les auteurs acteurs sur le terrain.
B- Une coordination plus efficace avec
les autres organismes
La complexité accrue des crises humanitaires, la
diversification des acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits
exigent une coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR
s'efforce en permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des
populations touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à
l'ensemble des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est,
pour le CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à
ceux d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le
CICR doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins
des populations affectées par un conflit grâce au rôle
complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles
emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du
CICR.
Pour être efficace, la coordination doit être
axée vers l'action et tenir compte des réalités sur le
terrain, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des capacités
existantes sur le terrain en termes de ressources humaines, de capacités
professionnelles disponibles et de moyens logistiques. Les organisations,
parties prenantes à une coordination fondée sur la
réalité, doivent également être claires sur les
zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une indépendance
crédible n'est toutefois pas conciliable avec une participation à
des initiatives où l'organisation ne garde pas sa propre capacité
décisionnelle ou lorsque la perception de son identité risque
d'être bafouée si elle s'associe à d'autres entités
dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.
Le CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations
internationales et non gouvernementales travaillant dans les mêmes
contextes que lui et coordonne son action avec elles. Il doit mener son action
humanitaire tout en veillant particulièrement à ce que l'ensemble
des organisations comprennent son approche et son rôle, l'objectif
étant de favoriser une coopération harmonieuse et la
complémentarité des actions menées sur le terrain. Le CICR
s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire aussi
bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but d'améliorer
directement ou indirectement le sort des personnes touchées par les
conflits étatiques internes. En effet, des efforts ont été
entrepris afin d'harmoniser une approche commune de l'action humanitaire. Par
exemple, le CICR bénéficie du statut d'observateur auprès
des NU et il coopère avec le Bureau de la Coordination des Affaires
Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant qu'invité permanent, aux
réunions du Comité permanent inter institutions, un
mécanisme de coordination composé de principales institutions des
NU ayant un mandat humanitaire, de la Fédération internationale
et de plusieurs ONG.
Le CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de
l'action humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de
l'action humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de
coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres
organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces
organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles
d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la
protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide
alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).
Par un processus de coordination humanitaire ancré dans
le réel et orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le
plus d'impact possible à ses initiatives, en veillant à la
satisfaction totale des besoins des populations victimes des conflits
étatiques internes. Dans sa volonté de compléter et
d'élargir l'éventail des acteurs humanitaires, le CICR
fidèle à son approche neutre et indépendante, doit
s'efforcer de mener une action impartiale, pertinente, opportune et
efficace.
L'actualité médiatise sous le feu des
projecteurs des scènes présentant des atrocités et des
souffrances causées par des belligérants lors des conflits
armés. Dans ce contexte, les civils et de manière plus accru les
personnes fragiles par nature sont les principales victimes. En effet, en
raison de leur vulnérabilité, elles sont souvent cible d'attaques
injustifiées, de massacres, de viol etc et tant d'autres souffrances
qu'elles endurent. On se rend compte ainsi que malgré les garanties
fondamentales qui leur sont accordées par le DIH, dans la
réalité elles sont souvent violées voire même non
respectées.
Cependant les fins du DIH sont trop importantes pour qu'il
puisse se permettre des règles inefficaces. L'histoire de son
développement démontre que ce droit ne s'est pas
élaboré à partir de concepts préétablis,
mais en prenant en compte, au plus près, les réalités de
la guerre, que ses textes éclairent d'ailleurs d'une lumière
tragique, pour peu qu'on veuille bien la voir. Les obligations doivent
être imposées à ceux qui dirigent la lutte armée,
qu'il s'agisse des autorités étatiques ou de ceux qui luttent
dans le cadre d'un conflit armé. L'articulation entre les droits et les
obligations doit pouvoir être agréée par l'ensemble de la
Communauté Internationale. Car l'adhésion de tous aux
règles du DIH constitue une garantie absolument nécessaire de sa
mise en oeuvre et seule l'égalité sur le plan des devoirs
humanitaires assure que le droit ait sa place dans la guerre.
Fidele à son statut de gardien et de promoteur du DIH,
le CICR continue de mettre son expérience et son expertise au service du
développement du droit. Il n'en demeure pas moins que les vrais acteurs
étatiques doivent être au premier rang dans l'accomplissement de
cette tache. Ils en portent la responsabilité principale. Toutefois il
convient de mettre l'accent sur les violences de nature sexuelle
infligées aux femmes, et qui sont trop souvent passées sous
silence. Le viol, sous toutes ses formes et quelle que soit son appellation
(prostitution forcée, esclavage sexuel, fécondation
forcée...) est historiquement frappé du sceau de
l'impunité. Or, lorsqu'il est commis dans le cadre d'un conflit
armé, il s'agit d'un crime de guerre, que les Etats ont le devoir
légal et moral de réprimer. En effet, le viol a des
conséquences irrémédiables sur la victime survivante.
Conséquences physiques et psychologiques d'abord : la victime est
affectée dans son intimité la plus profonde et dans sa
capacité à donner le jour. Conséquences sociales ensuite :
de nombreuses sociétés rejettent le blâme sur la victime
qui peut se voir mise à l'écart par sa famille et dans
l'incapacité de trouver un mari ou même un travail. Enfin, il faut
également prendre en compte la perspective d'un enfant à
naître comme une conséquence douloureuse du traumatisme, de
même que le déroulement de la grossesse, les conditions de
l'accouchement, voire d'un avortement, la prise en charge de l'enfant et les
rapports difficiles qui pourront exister par la suite entre lui et sa
mère.
Il faut donc avant tout souligner la nécessité
pour les Etats de faire cesser toute violence et surtout les violences
sexuelles infligées aux femmes, par le biais de la répression
pénale notamment, comme ils ont le devoir de le faire pour toute autre
violation du DIH. Il s'agit ensuite d'assurer une assistance aux victimes
survivantes d'agressions sexuelles, prenant en compte le caractère et
les conséquences spécifiques de telles exactions sur ces
personnes.
Enfin, en toile de fond, il convient de faire connaître
à la population civile comme aux forces armées les règles
de droit relatives à la protection spéciale des enfants et des
femmes en période de conflit armé, contribuant ainsi à
conforter le principe du respect de la dignité de ces derniers qui
prévaut dans toutes les cultures.
Le CICR, une organisation très conservatrice, a une
responsabilité particulière envers le développement du DIH
et risque de perdre l'initiative dans de nombreux domaines où il devrait
occuper l'avant-garde de l'évolution. Le CICR reconnaît enfin la
nécessité de tenir compte des besoins particuliers des femmes et
des enfants en temps de guerre. Toutefois, il lui faut encore montrer une
réelle détermination à réaliser le changement. En
tant que gardien traditionnel du DIH, le CICR doit prendre des mesures
concrètes pour que le droit ait une utilité dans la vie de la
majorité de la population. Un nouveau type de juridictions
chargées de réprimer des violations graves du DIH pourrait
bientôt voir le jour au Cambodge et en Sierra Leone.
Deux projets de création de tribunaux spéciaux
sont à l'étude et font l'objet de négociations entre les
Nations unies et les gouvernements cambdogien et sierra leonais.
Le but n'est pas de mettre en place des tribunaux
spéciaux sur le modèle des tribunaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda mais des instances nationales soumises à
un contrôle international des Nations unies: des juridictions mixtes qui
devraient appliquer partiellement le droit international et le droit national
des pays concernés.
On constate en définitive que le DIH est un domaine du
droit international qui est ancien, conservateur et qui manque relativement de
souplesse. Les nombreuses remises en question de sa pertinence et de son
efficacité au cours du dernier demi-siècle sont
déconcertantes. Il doit désormais répondre aux exigences
des femmes et des enfants afin de véritablement refléter leurs
expériences.
Bibliographie
Ø Ouvrages
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Paris : La Découverte, 1996.
- DJENA WEMBOU, Michel-Cyr et FALL, Daouda. Droit
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- HENCKAERTS, Jean Marie et DOSWALD-BECK Louise, Le droit
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- DAVID, Eric. Principes de droit des conflits
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- TORELLI, Maurice. Le droit international humanitaire,
Que sais-je .
Ø Manuels
- Respecter et faire respecter le Droit International
Humanitaire, Guide pratique à l'usage des parlementaires
N°1, 1999
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février 2004
- Découvrez le CICR, CICR, Septembre 2005
- VERRI, Pietro. Dictionnaire du droit international des
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- Encyclopédie juridique de l'Afrique, Droit
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- FLECK, D. La mise en oeuvre du DIH :
problèmes et priorités
- LINDSEY C., Les femmes face à la guerre,
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- La protection juridique des enfants lors de conflits
armés. CICR, 2006
- Revue Générale Internationale de Droit
Public
- Revue Internationale de la Croix- rouge
- Répondre aux besoins des femmes affectées
par des conflits armés, Un guide pratique du CICR
- GARDAM, Judith et CHARLESWORTH, Hilary. La protection
des femmes lors des
Conflits armés.
- LA ROSA, Anne Marie. La sanction dans un meilleur
respect du droit humanitaire :son efficacité scrutée.
CICR
- Revue d'analyse juridique de l'actualité
internationale
- Annexe au guide pratique, la protection
générale et la protection spécifique des femmes dans le
droit international humanitaire
Ø Conventions et traités
- Les quatre Conventions de Genève du 12 Aout 1949
- Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève
de 1977
- Convention relative aux droits de l'enfant de 1989
- Protocole facultatif à la Convention de 1989 de
2000
- Charte africaine des droits et du bien être de
l'enfant de 1990
- Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre. La Haye, 29 juillet 1899.
- Règlement concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.
- Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.
- Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg,
conclu par le Gouvernement Provisoire de la République Française
et les Gouvernements des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni et
de l'Irlande du Nord et de l'Union des Républiques Socialistes
Soviétiques, agissant dans l'intérêt de toutes les Nations
Unies, annexé à l'Accord de Londres, 8 août 1945.
- Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide. Adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 9 décembre 1948.
- Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires
des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale.
Rome, 17 juillet 1998.
Ø Webogaphie
- www.cicr.org
-
www.operations-paix.net
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
1
Première Partie: Les garanties fondamentales de protection
humanitaire des personnes fragiles par nature dans les conflits armés
15
Chapitre I : Les règles
générales de protection
17
Section1 : Les personnes fragiles en tant que
personnes civiles
17
Paragraphe 1 : La préservation des
personnes fragiles contre les attaques
18
A- Le principe de la distinction entre civils et combattants
19
B- Le principe de la proportionnalité
21
Paragraphe 2 : Le droit au secours et à l'assistance
24
A-L'admission du principe
25
B-Les modalités de l'assistance
26
Section 2 : La protection des personnes fragiles au
pouvoir de l'ennemi
28
Paragraphe1 : La protection des personnes fragiles
civiles détenues
28
A-L'interdiction des traitements arbitraires
28
B - La réglementation de l'internement
32
Paragraphe 2 : La protection des personnes
fragiles combattantes capturées
36
A- L'admission au statut de prisonnier de guerre
37
B- La vie quotidienne du captif et la fin de la captivité
39
Chapitre II : Les règles de protection
spécifiques
46
Section 1 : Les règles de protection
spécifiques aux enfants
47
Paragraphe 1 : La protection particulière
des enfants contre les effets des hostilités
48
A-L'interdiction de l'enrôlement et de la participation des
enfants aux hostilités
48
B - La protection particulière des enfants-combattants
51
Paragraphe 2 : L'existence de mesures
préférentielles pour les enfants
53
A-La protection spéciale des enfants internés
54
B-Règles protégeant les enfants en vertu de la
Convention relative aux droits de l'enfant de 1989
56
Section 2 : Les règles particulières
de protection des femmes
61
Paragraphe 1 : La protection contre les abus
sexuels
62
A - Protection des femmes contre toute atteinte à leur
honneur.
62
Deuxième Partie: La mise en oeuvre de la protection des
personnes fragiles par nature 67
Chapitre I : Les moyens de mise en oeuvre
69
Section 1 : Les moyens préventifs
69
Paragraphe 1 : Le rôle des Etats
69
A-L'insertion du DIH dans l'ordre interne
70
B-L'obligation de diffusion du DIH
71
Paragraphe 2 : Le rôle du CICR
74
A-Le rôle d'assistance et de protection
74
B-Le rôle de promoteur du DIH
76
Section 2 : Les moyens répressifs
78
Paragraphe 1 : L'action répressive au niveau
national
78
B-La compétence universelle des juridictions nationales
80
Paragraphe 2 : L'action répressive au niveau
international
82
A-Le contrôle du respect des garanties de protection
83
A-Les procédures développées en dehors du
droit humanitaire
85
Paragraphe 2 : La répression internationale
des violations graves du DIH
91
A-le cadre de répression des violations graves du DIH
91
Chapitre II : Un système de protection en
quête d'effectivité
104
Section 1 : Un système déficient
104
Paragraphe 1 : Les lacunes d'ordre juridique
104
A-La rigidité des textes assurant la protection
105
Paragraphe 2 : Les obstacles d'ordre pratique
108
Section 2 : Pour une redynamisation de la protection des
personnes fragiles par nature
111
Paragraphe 1 : Un renforcement de la
spécificité de leur protection
112
A-Pour les femmes
112
B-Pour les enfants
115
Paragraphe 2 : Une meilleure coordination du rôle des
acteurs intervenant dans la mise en oeuvre
115
A-Une adaptation de l'action aux besoins des victimes
115
B-Une coordination plus efficace avec les autres organismes
117
CONCLUSION GENERALE 119
BIBLIOGRAPHIE
122
* 1 Convention de
Genève de 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et
les malades dans les armées des campagnes ; Xe
convention de la Haye de 1907 pour l'adaptation à la guerre maritime des
principes de la convention de Genève ; convention de 1929 sur le
traitement des prisonniers de guerre
* 2Cf. Les démarches du
CICR en cas de violation du DIH, RICR no728, mars-avril 1981, pp.
79-86
* 3 J. J. Rousseau, op. Cit.
p.7
* 4 Résolution de
l'institut de droit international, session de Neufchâtel, 1900, art. 4
et, loc. Cit.
* 5 Protocole additionnel II,
art. 1, par. 1.
* 6 Statut de la CPI, art. 8,
par. 2 f : « Il s'applique aux conflits qui opposent de manière
prolongée sur le territoire d'un Etat les autorités du
gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des
groupes armés organisés entre eux ».
* 7 Cf. Les démarches du
CICR en cas de violation du DIH, RICR no728, mars-avril 1981,
pp.79-80
* 8 Cf.
* 9 Article 50 Chapitre II du
Protocole additionnel I
* 10 Dictionnaire du Droit des
conflits international des conflits armés
* 11 Traité sur
l'interdiction de l'emploi de certains projectiles en temps de guerre
adopté en 1868
* 12 Voir article 43 du
protocole I
* 13 Aux termes de l'art. 3
commun et du Protocole Additionnel II, il est interdit de tuer,
d'exécuter sommairement, de torturer physiquement et mentalement, de
procéder à des mutilations, de condamner à des peines
corporelles, de violer, de contraindre à la prostitution, d'attenter
à la pudeur, de piller, d'infliger des peines collectives, de prendre
des otages, de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de
tuer, de menacer d'exécuter sommairement, de menacer de torturer
physiquement ou mentalement, de menacer de procéder à des
mutilations, de mener de peines corporelles, de menacer de viol, de menacer de
commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de prendre des
otages, de menacer de piller
* 14
* 15
* 16 Voir article 51
Chapitre II du protocole I et article 13 du Titre IV du protocole II
* 17 cf. mémoire de
M. Daouda Mbaye « Le droit humanitaire dans les conflits
armés »
* 18 Voir les art 42 à
56 du Règlement annexé à la IVe Convention de la Haye des
versions de 1899 et de 1907
* 19 Art 69 P.A I et art 70 P.A
II
* 20 Art. 59 IVème
Convention de Genève. Ces travaux nécessaires à la
survie ne devront en aucun cas avoir trait avec les opérations
militaires.
* 21 Art. 59 et s de la
IVème Convention de Genève
* 22 Art. 68 et s P.A I
* 23 Procureur c. Delalic
et consorts, loc. cit. (note 9), p. 523-524.
* 24 TPIY, Chambre de
Première Instance II, Procureur c. Anto Furundzija, Affaire no
IT-95-17/1-T, Jugement, 10 décembre 1998, p. 183.
* 25 Le TPIY a reconnu, lors de
l'affaire Blaskic, que cette conduite constituait un traitement cruel
et inhumain et, en conséquence, une infraction grave aux Conventions de
Genève. Procureur c. Tihomir Blaskic, loc. cit. (note 9), p.
716.
* 26 G. Abi-Saab met l'accent,
d'une manière générale, sur l'importance de ce travail
d'éclaircissement et de systématisation des divers crimes
étant de sa compétence. Georges Abi-Saab, «International
criminal tribunals and the development of international humanitarian law and
human rights law», dans E. Yakpo, T. Boumedra (éd.), Liber
Amicorum Judge Mohammed Bedjaoui, Kluwer Law International, The Hague,
1999, p. 651.
* 27 Voir p. ex. circulaire du
secrétaire général de l'O.N.U. (1999), art. 8 al. c.
* 28 Ensemble de règles
minima pour le traitement des détenus (1955), règles 9 à
20.
* 29 Conseil de
sécurité de l'O.N.U. res. 770.
* 30 TPIY, affaire Le
Procureur c. Zlatko Aleksovski, jugement.
* 31 Ensemble de
règles minima pour le traitement des détenus (1955), Règle
7 ; Règles pénitentiaires européennes (1987), règle
8 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement (1988),
principe 16 ; Circulaire du Secrétaire général de l'ONU
(1999), art. 8, al. a).
* 32 Statut du TPIY, art. 3,
al. 1 e) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 f) ; Statut du TSSL, art. 3, al. 1,
f).
* 33 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 2. Voir également
Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement,
principes 10, 11, 12, par. 2, paragraphe 1 a et paragraphe 2, et
principe 14 - Assemblée générale des Nations Unies,
résolution 43/173 du 9 décembre 1988.
* 34 Ensemble de principes,
principe 32. Voir également Comité des droits de
l'homme,Commentaire général N° 29, par. 11.
* 35 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 4.
* 36 Voir documentaire sur le
génocide rwandais avec le témoignage des victimes Hutu
* 37 Platner, Denise,
« La protection de l'enfant dans le droit international
humanitaire », RICR, N° 747, mai-juin 1984, pp148-161
* 38 Krill, Françoise
« Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant . Art
38 sur les enfants dans les conflits armés
contesté »
* 39 La Convention des nations
unies définit en son article premier l'enfant comme
« ...tout être humain, âgé de moins de dix
huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la
législation qui lui est applicable »
* 40 Cf. commentaire des
protocoles additionnels du 8 juin 1977
* 41 Cf. commentaire des
protocoles additionnels, op. cit pp. 925-926
* 42 Cf. commentaire des
protocoles additionnels, op.cit pp1403-1404
* 43 Ce statut leur est
conféré en vertu de l'article 4A ; chiffres 1 et 6 de la
IIIe convention de Genève
* 44 Commentaire de la IVe
Convention de Genève, Comité international de la
Croix-Rouge, Genève, 1956, ad article 68, p. 372.
* 45 Convention relative aux
droits de l'enfant (1989), art. 38.
* 46 Charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant (1990), art.22.
* 47 Comité des
Nations Unies sur les droits de l'enfant, rapport sur la deuxième
session, doc.
Nations Unies CRC/C/10, 19 octobre 1992,
* 48 Extrait de L'enfance,
victime de la guerre, une étude de la situation européenne,
par le docteur Thérèse Brosse, UNESCO, 1949, Paris, pp. 11-12,
cité dans le « Rapport sur les travaux de la Conférence
d'experts gouvernementaux », vol.II, CICR, 1972, p. 98.
* 49 Ibid., ad article 24,
p. 201.
* 50 Convention IV, art. 27,
§1; Protocole I, art. 75, §1
* 51 La IVe Convention de
Genève de 1949 (art. 27, par. 2) et ses Protocoles additionnels de 1977
(art. 76 du Protocole I et 4, par. 2 e) du Protocole II) interdisent
expressément le viol et tout autre forme de violence sexuelle. Ces
conduites n'ont toutefois pas été considérées, en
tant que telles, comme des infractions graves, ce qui empêchait qu'elles
puissent être sanctionnées
* 52 Procureur c. Delalic
et consorts, loc. cit. (note 9), par. 495. Quant à l'affaire
Furundzija, le TPIY a admis que la violence sexuelle pouvait
constituer une infraction grave aux Conventions de Genève ou une
violation des lois et coutumes de la guerre: Procureur c. Anto Furundzija,
loc. cit. (note 20), par. 172.
* 53 Article 76 Protocole
I
* 54 Art 132 IVe
CVG 25-Art 89 IVeme CVG
* 55 Art 127 IVe
CVG
* 56 Art 76 Al PI
* 57 Convention de
Genève de 1906, art. 26 ; Convention de Genève de 1929, art.
27.
* 58 Ie Convention de
Genève (1949), art. 47 ; IIe Convention de Genève (1949), art. 48
; IIIe Convention de Genève (1949), art. 127; IVe Convention de
Genève, art. 144 ; Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels, art. 25.
* 59 Statuts du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par la
XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge à Genève,
23-31 octobre 1986, art. 5, par. 2al. c) et g) respectivement.
* 60 Deuxième protocole
à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels, art.
16 par.2, al. a).
* 61 Convention sur le
génocide (1948), art.6.
* 62 Charte des Nations Unies,
art. 24, par. 1.
* 63 Charte des Nations Unies,
art. 36 à 38.
* 64 Charte africaine des
droits et des peuples, art. 60.
* 65 Carte africaine des droits
de l'homme et des peuples, art. 61.
* 66 Voir art. 4 du Projet
d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), adopté
en 2001 après plus de 40 années de travail. Ces articles
«ont pour objet d'énoncer (...) les règles fondamentales du
droit international relatives à la responsabilité de
l'État pour fait internationalement illicite»
* 67 Ie Convention de
Genève, art. 51; IIe Convention de Genève, art. 52 ; IIIe
Convention de Genève, art. 131; IVe Convention de Genève, art.
148.
* 68 Deuxième Protocole
à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art.
38.
* 69 Voir Projet d'articles sur
la responsabilité de l'État (2001), art. 5 (la
responsabilité de l'État vis-à-vis de telles personnes ou
entités est limitée à leur comportement aussi longtemps
qu'elles sont habilitées à exercer des prérogatives de
puissance publique et qu'elles agissent en cette capacité).
* 70 Protocole additionnel II,
art.1, par.1
* 71 Protocole II à la
Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié, art. 14; Statut de la CPI, art. 8 et 25; Deuxième
Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels, art. 15 et 22.
* 72 Convention d'Ottawa,
art. 9; Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux
droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits
armés, art. 4
* 73 Statut du TPIR, art. 4 et
5 ; Statut du TSSL, art. premier.
* 74 Voir, p. ex., Statut de la
CPI, art. 25 ; Statut du TPIY, art. 7; Statut du TPIR, art. 6 ; Statut du TSSL,
art. 6.
* 75 Ire Convention de
Genève, art. 49 ; IIe Convention de Genève, art. 50 ; IIIe
Convention de Genève (1949), art. 129; IVe Convention de Genève,
art. 146; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 28
; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la
protection des biens culturels, art. 15
* 76 Statut de la CPI, art. 25,
par. 3; Statut du TPIY, art. 7, par. 1; Statut du TPIR, art. 6, par. 1 ; Statut
du TSSL, art.6
* 77 Statut de la CPI, art.
25, par. 3, al. b)
* 78 Statut de la CPI, art. 33
; Statut du TPIY, art. 7, par. 4 ; Statut du TPIR, art. 6, par. 4 ; Statut du
TSSL, art. 6, par. 4
* 79 Statut de la CPI, 6, 7 et
8.
* 80 Cf. Principes de
droit des conflits armés, Bruxelles : Bruylant, 1999, 2e
éd., p. 553
* 81 cf. P Meney,
« Même les tueurs ont une mère », Paris, La
Table ronde, 1986, p. 213
* 82 L'étude de
Graça Machel sur l'effet des conflits armés sur les enfants est
un précédent. Voir
Machel, op. cit. note 18.
* 83 Voir p. ex. le
Programme d'action de Beijing, op. cit. note 1, 1[131 (reconnaissant
qu'il
arrive que le droit international humanitaire soit
systématiquement ignoré).
* 84Global report on child
soldiers, Londres 2001 p.21
* 85 Christoph HARNISH, le
CICR en Afrique : contexte et défis