Résumé
En haut de pente, on observe des volcans de boue en
association directe avec les glissements. Les volcans de boue pourraient
être responsables du déclenchement des glissements. Selon le cas,
la couverture est fracturée ou destructurée.
A mi-pente, les débrites du haut de pente reposent sur
la couverture en reptation. Cette couverture permet l'échappement massif
de fluides en fond de mer (nombreux pockmarks). Latéralement, des
sorties de fluides semblent être guidées par les failles de
croissance (fluides thermogéniques ?) d'origine salifère.
En base de pente, les déformations s'amortissent
lentement. Certaines structures compressives ont été reconnues.
Les sorties de fluides sont nombreuses.
I.3. Eléments de chronologie relative
On observe au niveau du haut de pente des débrites
initiées en association avec des volcans de boue. Tout est
entièrement déstabilisé entre 500 et 1700m de fond mis
à part « un îlot » plus stable que le reste : c'est le
faciès lités hâché. Cet ensemble de débrites
(1MT ou 2MT) vient recouvrir la masse en creeping de la mi-pente. La mi-pente
est un domaine de creeping avec des sorties de fluides dans les zones amincies
(Bayon et al., accepté). Les séries y sont litées, donc
non destructurées comme plus haut. La couverture sédimentaire
semble plus stable. Elle semble stable à l'Est sous les dernières
débrites du haut de pente. On y note aussi de nombreuses structures
d'échappement de fluides qui semblent être guidées par les
failles de croissance. Au niveau de la base de pente, le contact avec le
domaine déstabilisé de la mi-pente est difficile à voir
sur les profils chirps, mais on note quelques indices de compression.
I.4. Calibration sédimentaire avec les données in
situ I.4.1 Les carottes
I.4.1.a Origine des carottes
La thèse de E. Ducassou (Ducassou, 2006) a permis pour
la première fois de proposer une vue d'ensemble sur des
répartitions sédimentaires récentes pour la presque
totalité du delta profond du Nil. Pour la province centrale, on dispose
d'une quarantaine de carottes prélevées repertoiriées dans
le tableau 3 provenant des campagnes Noé en 1984, fanil, Nautinil,
Vanil, Mimes Bionil et Medeco. De toutes ces carottes, seulement cinq d'entre
elles ont été analysées dans la province centrale qui nous
concerne (une au niveau du haut de pente et quatre à la mi-pente). Cette
analyse inclus pour chaque carotte la description lithologique, l'analyse des
images RX et des lames minces des sédiments indurés, de la
granulométrie laser, la mesure des teneurs en carbonates et l'analyse
des constituants pour la majorité des carottes grâce à des
techniques développées à l'Université Bordeaux1
(Ducassou, 2006).
Tableau 1 : Synthèse des données
et outils utilisés lors des campagnes sur la province centrale de
l'éventail profond du Nil
Un nombre important de méthodes, non destructrices ou
destructrices, permet d'étudier les carottes (Bouma, 1969 in Ducassou,
2006). Les développements techniques très récents
réalisés pour quelques-unes de ces méthodes ont permis de
décrire avec une grande précision les séquences
sédimentaires de dépôt et d'y associer des
mécanismes dynamiques de dépôt.
I.4.1.b Résultats des analyses
Description de la carotte du haut de pente
Une douzaine de carottes ont été
prélevées au niveau du haut de pente dont cinq sur des volcans de
boue. Seule la carotte 84MD654, prélevée lors de la campagne NOE
en 1984 dans un domaine de glissement de grande ampleur pluri-métrique,
a été analysée par E. Ducassou (fig. 26). Cette carotte
est localisée sur la figure23b.
Figure 26: Log de la carotte 84MD654 et le zoom
de la section 4 (E. Ducassou, 2006)
Ce log (fig. 26) montre un faciès microfaillé.
Le faciès transparent que nous avons interprété comme des
débrites peuvent donc être faits de radeaux plus ou moins
cohérents microfracturés.
Description de carottes à mi-pente
Au niveau de la mi-pente, treize carottes ont
été prélevées, mais seulement quatre ont
été analysées pour l'heure. Il s'agit des carottes FKSO4
réalisée lors de la campagne FANIL, NLK11 réalisée
lors de la campagne NAUTINIL, 84MD652 et 84MD653 réalisées lors
de la campagne NOE. Ces carottes sont localisées sur la figure 23b.
Figure 27 : Comparaison des logs des carottes de
la mi-pente (Ducassou, 2006)
La particularité de ces carottes (fig. 27) est que
chaque log montre un dépôt des sapropèles au sommet et sont
toutes carbonatées avec une bioturbation marquée. On note la
présence des coulées de débris dans les trois
dernières carottes, au-delà de 7 mètres pour la NLK11 et
84MD652, et avant 1 mètre pour la 84MD654. Des slumps sont
observés entre 8 et 9 mètres sur le log NLK11. Seule la
débrite de la carotte NLK11 est assez profonde pour correspondre
à la base du corps en creeping.
Description de la carotte de la base de pente
Dans cette partie de la province centrale, aucune carotte n'a
été répertoriée, mais pour comprendre ce qui se
passe à cet endroit, on va présenter une carotte qui a
été prélevée à l'est de la province
occidentale, la MD042729 (fig. 28, et fig. 23b pour la localisation). Ce
secteur présente le même faciès acoustique que la base de
pente de la province centrale. A grande échelle de temps, on peut avoir
de très grandes débrites sous les zones stables.
Figure 28: Log de la carotte MD042729 (Est de
la province occidentale)
Comme les autres carottes, ce log est riche en carbonates avec
une bioturbation marquée jusqu'à environ 18,5 m en profondeur. On
note une importante épaisseur de coulées de débris (5m
environ) en profondeur puis la présence des slumps à la base du
log.
I.4.1.c Calibration écho-faciès/carotte et
processus de dépôts
J'ai essayé dans ce paragraphe, de mettre en relation les
processus sédimentaires et les faciès observés dans les
logs décrits ci-haut.
Les carottes montrent des dépôts dominés
par des boues carbonatées ou pélagiques, les vases
hémipélagiques et les sapropèles. C'est une
sédimentation pélagique et hémipélagique
influencée uniquement par des modifications en apports terrigènes
provenant de la marge et biogenèses liés à la
productivité biologique de surface. Le zoom fait sur la section 4 de la
carotte 84MD654 (fig. 26) montre des micro-failles, preuve d'un glissement ou
d'une destructuration de la couverture sédimentaire en haut de pente.
Les carottes ne présentent pas toujours des
faciès caractéristiques des glissements de grande ampleur
(Ducassou, 2006), suggérant que certaines parties des glissements
identifiées contiennent des « radeaux » peu
déstructurés. Les carottes NLK11, 84MD652 et 84MD653 montrent une
alternance de lits carbonatés, ce qui correspond au faciès
lité mamelonné. Ces hémipélagites ont donc
simplement été déformées ; elles montrent des
intercalations fines de types débrites et reposent sur une
débrite plus massive (observé sur les données 3-5 kHz)
dont le sommet a été atteint dans NLK11.
Le haut de pente est le siège des écoulements
laminaires et turbulents donnant naissance à des débrites, des
séquences turbiditiques massives et organisées, d'où la
présence des débrites et des turbidites.
Dans les zones distales qui ne sont pas
caractérisées par des corps sédimentaires particuliers
(chenal, lobe ou levée) on observe l'écho-faciès
lité continu qui peut représenter des successions des
turbiditiques (assez fines) et/ou hémipélagites.
L'écho-faciès transparent lité s'observe dans les lobes,
les chenaux ou des zones de remplissage où il est également
courant d'enregistrer des courants de turbidité associés à
des coulées de débris.
I.5. Les plongées ROV et
Nautiles
I.5.1 Les plongées ROV
I.5.1.a Les plongées ROV
Les plongées ROV de la campagne Medeco étaient
effectuées principalement sur une zone de pockmarks, entre le haut de
pente et la mi-pente, marquée par des encroûtements
carbonatés fissurés par endroit.
Dédié à la recherche scientifique dans le
domaine de l'océanographie, le ROV (Remotly Operated Vehicule)
appelé encore Victor 6000 est un système
téléopéré grande profondeur, instrumenté et
modulaire, capable d'effectuer de l'imagerie optique de qualité,
d'emporter et opérer divers équipements et outillage
scientifique. Sa profondeur d'intervention est de 6000m. Il est doté
d'un module de mesure en route (MMR) qui permet de dresser des cartes
bathymétriques avec des résolutions de 25 à 50 cm à
partir des levées effectuées entre 30 et 50m au-dessus du fond.
Grâce à ce module, les scientifiques peuvent visualiser les
réseaux de petites failles et fissures qui jouent un rôle
important dans la perméabilité des sédiments, la
remontée et l'émission des fluides. Cet engin a été
utilisé lors de la campagne Medeco en 2007 pour la cartographie et la
photographie du fond marin afin de faire un état des lieux de la
biodiversité de ces écosystèmes profonds et de mettre en
évidence l'évolution temporelle du milieu sur certains sites
connus.
Quatre plongées ont été effectuées
au niveau de la province centrale lors de la campagne Medeco au niveau d'un
pockmark situé au point N32°30- N32°32 et
E30°16-E30°21. Cet ensemble de plongées avait pour but
l'exploration d'une zone de pockmarks où différents objectifs ont
été définis lors des précédentes
plongées (Bionil en 2006) (fig. 29).
Figure 29: Carte de la navigation du ROV au
niveau de la province centrale (Bayon et al., 2006)
Figure 30: Des photographies de la
plongée ROV
a : des escarpments; b
: un bouquet garni ; c :des faunes associées
à des croûtes carbonatées entre les wp1 et p4 ; d :
encoûtrement carbonaté ( zone fissurée entre wp1
et wp2) ; e : intense activité faunique aux alentours
des encoûtrements carbonatés; f : une couche des
bactéries; g et h: des pockmarks. A
gauche, une partie colmatée de pockmark.
Ces plongées ont montré que le domaine de haut
de pente était le lieu d'échappement de fluides associés
à des encoûtrements carbonatés (Medeco report). Ces
croûtes sont apparues très fracturées.
Notons que ces fissures, apparaissant comme des crêtes
sur la bathymétrie, sont liées au mouvement des masses
glissées. Ces principales fissures entre wp1 et wp2, de direction SW-NE
(fig. 29), ont été explorées vers l'ouest au cours de la
récente plongée (Bionil). Parfois récentes, elles
affectent des sédiments hémipélagiques drapées par
des encroûtrements carbonatés. Le long de ces encroûtrements
carbonatés, on observe des sorties de fluides et certaines
espèces comme de oursins, gastéropodes, des coquillages,
lamellibranches se développent.
Plusieurs dépressions ont été
explorées. Probablement issus des récents effondrements, les
pockmarks semblent être remplis des débris qui seraient
concentrés par des courants. Ils ont des formes circulaires dans
certains endroits avec des diamètres qui varient entre 5 et 6
mètres et une profondeur d'environ 2 mètres.
I.5.1.b Les plongées Nautiles
Le Nautile et un sous-marin conçu pour
l'observation et l'intervention jusqu'à 6000 mètres de
profondeur. Lors de la campagne Nautinil, 22 plongées scientifiques ont
été réalisées par des profondeurs variant de 700
à 3 000 mètres dans deux régions de
Méditerranée orientale, l'une au sud de la Crête, au sein
de la Ride méditerranéenne, l'autre au niveau du delta profond du
Nil dont trois dans la province centrale. Ces plongées ont permis de
localiser les volcans de boue, les cheminées gazeuses et les pockmarks
(fig. 31).
Figure 31: Photographie des structures
d'échappement des fluides dans le fond marins
fond réalisées avec le submersible Nautile (Bayon et
al., 2006)
Ces plongées Nautiles ont cette fois-ci été
opérées dans le domaine de mi-pente.
Un capteur de méthane a été
installé sur le submersible Nautile permettant de
détecter la présence de méthane et de tracer des profils
microbathymétriques d'une plongée à une autre (fig. 32)
(Bayon et al., 2006).
Figure 32: Cartes bathymétriques des
deux sites explorés dans la province centrale du Nil et
le tracé de la position du Nautile et le profil 3-5 kHz
NL2-6 A.
B : Plongée NL7 à 1700 m de
profondeur ;
C : Plongées NL6 et NL14 à 2100 m
de profondeur (Bayon et al., 2006)
La figure 32 présente la carte de
réflectivité du fond marin, les profils bathymétriques, la
carte des ècho-faciès et la présence de la croûte
carbonatée le long de chaque plongée obtenue grâce au
sondeur multifaisceau.
Figure 33: Carte de réflectivité
de la zone explorée lors des plongées NL6 et NL14 obtenue avec
le sondeur multifaisceaux EM300 et les profils bathymétriques, la carte
des ècho-faciès et les graphes montrant les quantités
du méthane et la présence de la croûte carbonatée
(Bayon et al. et al., 2006)
En combinant les données géophysiques, des
observations in situ et les profils bathymétriques, on peut
identifier quatre structures qui sont :
- des croûtes carbonatées superficielles de 500m de
long et 5 m de hauteur (fig. 30 A,B,C et D);
- des larges dépressions sédimentaires d'environ
100 m de long et 3 m de profondeur montrant une intense activité
biologique (fig. 30G) ;
- des zones carbonatées en creeping
présentées en blanc sur la carte de réflectivité
(fig. 32) ;
- des Pokmarks correspondant à des dépressions
sub-circulaires à des tailles variables (fig. 30E, F)
- des carbonates fracturés ont été aussi
observés au niveau des zones de scarpement (Fig. 30B).
Les plongées in-situ ont montré que les
sorties de fluides étaient favorisées dans les zones amincies de
la masse en reptation lente. (fig. 32). Des pics de méthanes y ont en
effet été enregistrés.
Chapitre 4 : Synthèse et discussion
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