UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA MASTER MENTION
« GEOSCIENCES ET ENVIRONNEMENTS MARINS » SPECIALITE
PROFESSIONNELLE « GEOSCIENCES MARINES APPLIQUEES
Caractérisation géophysique des glissements et
sorties de fluides Pleistocènes-Actuel de la province
centrale de l'éventail profond du Nil
|
Rédigé et présenté par :
I.1. Aristarque Martin
NGUENGO
I.1.1 Année universitaire 2007-2008
Sous la direction de :
I.2. Lies LONCKE,
Maître de Conférence à
l'Université de Perpignan Via
Domitia
Institut de Modélisation
et d'Analyses des
GéoEnvironnements et
Santé (IMAGES)
Sommaire
Sommaire 0
Liste de figures 2
Remerciement 3
Introduction 4
Chapitre 1 : Rappels sur les relations
glissements/circulations de fluides 5
I. Glissements sous-marins. Définition et
classifications 5
I.1. Définition et identification 5
I.2. Le glissement sous-marin 6
II. Pockmark, volcans de boue et hydrates de gaz
6
II.1. Définition et identification des pockmarks 6
II.2. Définition et identification des volcans de boue
8
II.3. Définition et identification des hydrates de gaz ou
clathrates 9
II.3.1 Les hydrates de gaz 9
III. Type d'interactions glissements/fluides
12
Chapitre 2 : Présentation régionale et
données disponibles 15
I. Localisation de la zone d'étude et processus
sédimentaires récents au large de l'Egypte15
II. Données analysées 16
II.1. I.1. Les campagnes océanographiques 17
II.1.1 I.1.1. Campagne Prismed II 17
II.1.2 I.1.2. Campagne Fanil. 17
II.1.3 I.1.3. Campagne Nautinil 17
II.1.4 I.1.4. Campagne Vanil 17
II.1.5 I.1.5. Campagne Mimes 18
II.1.6 I.1.6. Campagne Medeco II 18
II.2. Bathymétrie et imagerie multifaisceau 19
II.2.1 Définitions 19
II.2.2 Principe et méthodes 19
II.2.3 ILes mesures 19
II.2.3.a Mesure de bathymétrie 19
II.2.3.b Mesure de l'imagerie acoustique 20
II.3. Données 3-5 kHz 20
II.3.1 Traitements effectués dans le cadre de ce stage
20
II.3.1.a Traitement et visualisation de la bathymétrie et
de l'imagerie 20
II.3.1.b Importation et traitement des données 3-5 kHz
20
Chapitre 3 : Processus sédimentaires
récents : apports de l'analyse des données multifaisceau et 3-5
kHz 22
I. Morphostructure de la province centrale de
l'éventail profond du Nil 22
I.1. Analyse morphostructurale 22
I.1.1 Le haut de pente (500 à 1700 m) 22
I.1.2 La mi-pente (1700 à 2300 m) 23
I.1.3 La base de pente (2300 à 2900 m) 23
I.2. Cartographie des écho-faciès 3-5 kHz 24
I.2.1 Identification et classification des
écho-faciès 3-5 kHz 24
I.2.2 Répartition des écho-faciès 26
I.2.2.a Les différents écho-faciès
identifiés 26
Haut de pente 28
La mi-pente 28
La base de pente 28
Résumé 32
I.3. Eléments de chronologie relative 32
I.4. Calibration sédimentaire avec les données in
situ 32
I.4.1 Les carottes 32
I.4.1.a Origine des carottes 32
I.4.1.b Résultats des analyses 33
Description de la carotte du haut de pente 33
Description de carottes à mi-pente 33
Description de la carotte de la base de pente 34
I.4.1.c Calibration écho-faciès/carotte et
processus de dépôts 35
I.5. Les plongées ROY et Nautiles 36
I.5.1 Les plongées ROY 36
I.5.1.a Les plongées ROY 36
I.5.1.b Les plongées Nautiles 37
Chapitre 4 : Synthèse et discussion
41
I. Evolution Amont-Aval des structures et chronologie
des évènements 41
II. Facteurs de contrôle des glissements.
43
III. Perspectives 43
References bibliographiques 44
Liste de figures
Figure 1: Un glissement de terrain (La Conchita, Californie)
5
Figure 2: Schéma montrant les différentes
parties d'un 5
Figure 3 : La naissance d'une turbidite 6
Figure 4: Des Pockmarks de la marge continentale en Afrique
de l'ouest (Gabon) 7
Figure 5: Modèle de formation des pockmarks 8
Figure 6 : Des volcans de boue 8
Figure 7 : Echantillons des hydrates de gaz 9
Figure 8: Localisation des gisements d'hydrates de gaz dans
le monde 10
Figure 9: Domaine de stabilité des hydrates de gaz (le
méthane) 10
Figure 10 : Diagramme de phase des HG (Hyndman and Davis,
1992) 11
Figure 11: Identification d'un BSR sur un profil sismique
12
Figure 12: Localisation du glissement de Storegga (a) et le
profil sismique 2D (b) 13
Figure 13: Un profil sismique montrant les
chéminées de gaz (zones verticales) au niveau du haut de la pente
du
plateau de Vøring. (Bouriak et al., 2000) 14
Figure 14: Situation géodynamique de la
méditerranée orientale. La zone d'études est 15
Figure 15: Le plan de position des campagnes
océanographiques menées sur l'éventail profond du Nil
(domaine
central) et dont les données géophysiques ont
été analysées dans le cadre de ce mémoire
18
Figure 16: Schéma de la technique des faisceaux
croisés 19
Figure 17: Schéma synthétique avec
différentes étapes de la chaîne 21
Figure 18: Carte morphostructurale superposée sur la
carte de 22
Figure 19: Zoom du haut de pente 23
Figure 20: Zoom sur quelques parties de la mi-pente et de la
base de pente 24
Figure 21: Tableau mettant en relation les
écho-faciès, les types sédimentaires 26
Figure 22: Carte des écho-faciès de la province
centrale du Nil 27
Figure 23: Des profils de haut de pente montrant les
relations 29
Figure 24: Profil de la mi-pente montrant les relations
30
Figure 25: Profils montrant le contact entre les zones
instables et 31
Figure 26: Log de la carotte 84MD654 et le zoom de la section
4 (E. Ducassou, 2006) 33
Figure 27 : Comparaison des logs des carottes de la mi-pente
(Ducassou, 2006) 34
Figure 28: Log de la carotte MD042729 (Est de la province
occidentale) 35
Figure 29: Carte de la navigation du ROV au niveau de la
province centrale 36
Figure 30: Des photographies de la plongée ROV
37
Figure 31: Photographie des structures d'échappement
des fluides dans le fond marins fond réalisées avec le
submersible Nautile (Bayon et al., 2006) 38 Figure 32: Cartes
bathymétriques des deux sites explorés dans la province centrale
du Nil et le tracé de la
position du Nautile et le profil 3-5 kHz NL2-6 A.
38 Figure 33: Carte de réflectivité de la zone
explorée lors des plongées NL6 et NL14 obtenue avec le sondeur
multifaisceaux EM300 et les profils bathymétriques, la carte des
ècho-faciès et les graphes montrant les
quantités du méthane et la présence de
la croûte carbonatée 39
Figure 34: Evolution Amont-aval des structures
observées de la province centrale 42
Remerciement
Voilà enfin arrive la fin de cette période de
stage. C'est grâce à Lies Loncke que cette
période est rentrée dans l'histoire de mon existence. Sans elle
je ne saurai pas ce que c'est qu'un pockmark, ni un volcan de boue. Deux mots
qui n'ont jamais sorti de ma bouche avant le début de ce stage. Je
voudrai par là, lui témoigner ma gratitude, surtout pour un suivi
caractérisé par une exigence professionnelle hautement
qualifiée qui m'a beaucoup aidé à mieux connaître la
province centrale du delta du Nil et aussi pour la réalisation de ce
document. Je tiens aussi à remercier toute l'équipe du
laboratoire IMAGES pour leur disponibilité, l'ambiance entre midi et
deux était bonne mais je suis souvent absent. Je ne terminerai pas ce
paragraphe sans remercier ma très chère Néomie
Réale qui a pu supporter cette absence. Noémie, sans toi
je ne pourrais pas y arriver, tu ne m'as pas lâché une seconde.
Introduction
Le cône sous-marin du Nil est le plus important des
deltas profonds de la méditerranée et compte parmis les plus
importants appareils détritiques profonds du globe.
L'intérêt de la communauté scientifique et surtout du monde
pétrolier pour ce domaine sous-marin a engendré à partir
de 1998 (la campagne Prismed II) différentes explorations de cette zone
de la méditérannée qui était encore
inexplorée. Dès la première campagne, qui avait mis en
oeuvre des méthodes modernes d'investigation (bathymétrie
multifaisceaux associée à la sismique et aux sondages à
haute résolution), dans le delta profond du Nil, d'étranges
structures ont été détectées sur le fond de la mer
: volcans de boue, cheminées gazeuses et <<pockmarks>>.
On se propose dans le cadre de ce mémoire
d'étudier les relations fluides-glissements en domaine de pente
continentale le long d'une marge passive grasse tout en cherchant à
connaître les typologies et les relations spatiales entre ces deux objets
(fluides-glissements). Ce qui permettrait d'établir une chronologie
relative des évènements à l'échelle de la pente
Egyptienne et qui servira de base à l'analyse et au choix d'exploration
de nouvelles carottes. Ces études permettraient notamment de mieux
comprendre la récurrence des glissements et les forçages qui
agissent sur le déclenchement de ces instabilités d'une part, et
d'autre part, une bonne caractérisation des objets permettant une
réalisation de meilleures modélisations analogiques et
numériques de ce type de systèmes afin de répondre
à la question importante qui est de savoir si ce sont les fluides qui
sont les facteurs déclenchant des glissements ou bien ce sont les
glissements qui favorisent la sortie des fluides (l'oeuf et la poule ?). Ce
travail s'inscrit dans les programmes de recherche Français <<
Groupe De Recherche >>, GDR Nil et Actions Marges qui sont des programmes
scientifiques axés sur l'étude de l'évolution des reliefs
sous-marins, stabilité des pentes et dissipation de méthane dans
l'atmosphère.
Concrètement, ce travail a consisté à
traiter, compiler et analyser une importante base de données
géophysiques disponible le long de la marge Egyptienne (6 campagnes
à la mer) dans un domaine particulièrement instable et riche en
suintements de fluides froids. Ces analyses ont été
limitées à la partie la plus récente de l'édifice
(derniers 100 mètres soit des âges pléistocène
moyens à actuels).
Ce mémoire est organisé de la façon suivante
:
- Un premier chapitre est dédié à une
synthèse bibliographique concernant les
relations classiquement observées entre glissement et
circulation des fluides ;
- Le second chapitre permet de dresser l'état des lieux
des connaissances dans ce
domaine le long de la marge Egyptienne, les données
disponibles sur site et les
méthodes de traitement et analyse mises en oeuvre ;
- Un troisième chapitre correspond au corps de ce
mémoire et présente les traitements et analyses que j'ai
effectués le long de la zone d'étude ;
- Le dernier chapitre est enfin consacré à la
synthèse et la discussion des résultats obtenus
Chapitre 1 : Rappels sur les relations glissements/circulations
de fluides
|
I. GLISSEMENTS SOUS-MARINS. DEFINITION ET
CLASSIFICATIONS
I.1. Définition et identification
Définis comme étant un phénomène
géologique où une masse de roche descend une pente (fig.1 et 2),
le long d'un de plan de glissement (plus ou moins continu, plan ou
incurvé), les glissements de terrain sont des mouvements qui affectent
les talus et versants naturels. Ils peuvent provoquer des dommages importants
aux ouvrages et constructions, avec un impact économique sensible, et
parfois causer des victimes.
Les glissements de terrain (ou landslides) ne sont
qu'un type de mouvement gravitaire (ou mouvement de masse). Ce sont des
déplacements lents (de quelques millimètres par an à
quelques mètres par jour) et sont toujours reconnaissables, ce qui
permet de les différencier des coulées de boue qui n'ont pas de
forme propre.
Figure 1: Un glissement de terrain (La
Conchita, Californie) (source :
www.ulg.ac.be )
Figure 2: Schéma montrant les
différentes parties d'un glissement de terrain (cours L. Loncke).
I.2. Le glissement sous-marin
Dans le domaine sous marin, le phénomène du
glissement de terrain affecte beaucoup plus les marges continentales, plus
précisément la pente. Les instabilités le long des marges
océaniques sont souvent détectées soit par les masses
glissées elles-mêmes, soit par les cicatrices qu'elles ont
laissées derrière elles (Jacques Locat, 2000). Ils peuvent
résulter des processus géologiques variés comme
l'érosion, la sédimentation excessive, la fuite de gaz (hydrates
de gaz), le tremblement de terre qui modifient le comportement des strates, le
diapirisme, et les variations climatiques. Le produit du glissement se retrouve
souvent dans la plaine abyssale et peut parfois donner lieu à des
turbidites. (fig. 3)
Figure 3 : La naissance d'une
turbidite (source :
www.ulg.ac.be)
Un glissement de terrain se produisant dans la partie
supérieure du talus continental mobilise une grande masse de
sédiments. Au début du glissement, le sédiment est
simplement déstructuré par des failles rotationnelles ou
transtationnelles. Progressivement, la masse de sédiments va incorporer
des fluides pour devenir une coulée de débris (debris-flow) en
descendant le talus continental. Cette masse érode et incorpore par
ailleurs les sédiments rencontrés sur son chemin, puis sa
densité et sa vitesse peuvent augmenter. Ensuite, par incorporation
d'eau, la cohésion entre les particules de sédiment diminue, des
tourbillons commencent à se former: le courant de turbidité se
développe. A un certain moment, le debris-flow "gèle" et le
courant de turbidité continue seul à se déplacer (fig.
3).
Des glissements de terrain sous-marins ont été
localisés au niveau de nombreuses pentes continentales dans le monde
parmi lesquelles on citera les glissements de Storegga au large de la
Norvège, au Gabon et dans le Golfe de Guinée, le Golfe du Nil, au
large de l'Afrique du Nord, etc ....
II. POCKMARK, VOLCANS DE BOUE ET HYDRATES DE GAZ
II.1. Définition et identification des pockmarks
Le terme Pockmark ou « un
relief en cuvette » a, au départ, été employé
pour désigner les dépressions sous-marines peu profondes (de
quelques dizaines de mètres de diamètre et quelques mètres
de profondeur associées à des échappements de gaz)
(fig. 4 et 5). Mais il existe aussi des gigantesques pockmarks
(Giant Pockmark) pouvant faire 800 m environ de diamètre avec
une profondeur de 15 à 20 m (Gay et al., 2003). Ce type de
Pockmark a été étudié en
détails durant le programme scientifique de recherche de l'IFREMER et
ELF (TOTAL E&P), ZaïAngo (1998-2000) sur la marge Gabon-CongoAngola
(A. Gay et al., 2005). Les pockmarks affectent généralement des
sédiments fins des fonds sous-marins et sont la manifestation d'une
fuite de fluide (gaz ou eau, mais principalement du méthane).
Dans certaines conditions, on peut avoir des pockmarks
allongés par des courants sous marins profonds (Boe et al., 1998).
Le problème de la formation de ces pockmarks reste
entier aujourd'hui. La formation de dépressions dans des
sédiments meubles des fonds marins a été attribuée
à deux phénomènes majeurs, une érosion et une
explosion (fig. 5).
La première hypothèse invoque une interaction
entre les échappements de fluides et des courants de fond (Josenhans
et al., 1978): le flux de fluides montant érode les
sédiments qui sont remis en suspension et balayés par les
courants de fond (Fig. 5a). Le flux de fluides sortants peut être
dévié par ces courants, induisant une érosion
différentielle sur les bordures des pockmarks, ce qui peut expliquer la
différence de pente observée sur de nombreux pockmarks. La
morphologie des pockmarks pourrait alors servir d'indicateur de la direction
des courants de fond.
Figure 4: Des Pockmarks de la marge continentale
en Afrique de l'ouest (Gabon)
a - Des mega pockmarks au fond de la mer
b - Profil sismique des trois mega pockmarks
(Plicher & Argent, 2007)
La deuxième hypothèse considère que les
fluides sont d'abord piégés sous les pockmarks faisant augmenter
la pression interstitielle et induisant un bombement de la
Couverture (Hovland and Judd, 1988). Lorsque la pression
atteint le seuil de rupture, il y a explosion, puis expulsion des fluides et
effondrement des sédiments sus-jacents (Fig. 5b) (Milkov, 2000 ; Hovland
and Judd, 1988). Cet effondrement créerait une dépression sur le
fond dont le diamètre et la profondeur sont proportionnels à la
quantité de fluides expulsés.
Figure 5: Modèle de formation des
pockmarks
a- Modèle de formation des pockmarks d'après
Josenhans (Josenhans et al., 1978). Les courants de fond sont
déviés par le flux sortant de fluides et érodent le fond
en remettant en suspension les sédiments.
b- Modèle de formation des pockmarks d'après
Hovland (Hovland and Judd, 1988).
II.2. Définition et identification des volcans de
boue
Par définition, le volcan de boue ou
<< marée de boue » est une accumulation
boueuse (contenant souvent de l'eau acide ou salée), de forme conique,
engendré par une éruption des gaz (principalement du
méthane, mais également du CO2 et de l'Azote) (fig. 6). Les
volcans de boue peuvent être observés sur le continent et dans les
fonds marins, surtout au niveau des zones tectoniquement actives, mais aussi
dans des zones où l'on observe une accumulation importante de
sédiments terrigènes (8-22 km d'épaisseur)
présentant des niveaux plastiques sous compactés (Kvenvolden et
al., 1993). Leur identification n'est pas facile et nécessite la
combinaison des méthodes géophysiques et géologiques.
Selon ce même auteur, on doit tenir compte de deux critères pour
bien identifier les volcans de boues :
a. La topographie locale doit présenter un cratère
et une ou des coulées de boue.
b. Les sédiments associés à ces volcans
doivent être désorganisés, riches en clastes
arrachés à l'encaissant et éventuelle empreints de traces
de gaz (structure en << mousse », odeur de méthane).
Les plus grands volcans de boue peuvent atteindre 10 km de
diamètre et atteignent 700 mètres de hauteur.
Depuis plus de trois siècles, le volcan de boue (Fig. 6)
était le seul moyen permettant de comprendre le volcanisme d'origine
géodynamique.
Figure 6 : Des volcans de boue
a - Eruption Du Volcan Merapi (île de
Java, Indonosie) en Juin 2006
(De la boue à haute température jaillit du sol,
accompagnée de gaz Toxiques)
b - Volcan de boue (Wyoming) (source :
www.futura-sciences.com)
c - Volcan de boue d'Azeri, Azerbaijan (source :
news.bbc.co.uk)
II.3. Définition et identification des hydrates de
gaz ou clathrates
II.3.1 Les hydrates de gaz
Ce sont des molécules de gaz (comme le méthane)
entourées par un réseau de molécules d'eau
disposées en cage, d'où le nom de clathrate, du latin
clatatrus qui veut dire encapsulé.
Les clathrates sont des structures solides, stables,
ressemblant à de la glace et qui en fondant libèrent à la
fois de l'eau et du méthane qui peut alors s'enflammer (fig. 7b). En
d'autres termes, ce sont des composés de molécules de glace
organisées en cages, qui piègent des molécules de gaz
(Sloan, 1998). Sur cette photographie prise à bord de L'Atalante
(campagne ZaïROV), on observe le 'dégel' de l'hydrate. A l'approche
de l'allumette, le méthane libéré s'enflamme. Ces hydrates
de gaz se forment sous forte pression et à basses températures.
Ils pourraient notamment avoir été engendrés par la
décomposition de matière organique enfouie dans les
sédiments.
Figure 7 : Echantillons des hydrates de gaz
Dans la nature, les hydrates de gaz (HG) sont stables dans
certaines conditions de température et de pression, qui sont celles de
l'offshore profond (au-delà de 300 mètres de profondeur d'eau)
pour les marges continentales situées à moyenne ou basse
latitude, comme c'est le cas pour la marge atlantique de l'Europe ou de
l'Afrique. Sous des conditions de pression et de température
appropriées, ces molécules de méthane peuvent se trouver
emprisonnées dans des cages cristallines de glace, et leur dissociation
semble être à l'origine d'importants glissements sous-marins
(Bouriak et al., 2000). D'importantes accumulations d'hydrates de gaz
sous-marines ont été identifiées au large du Japon, dans
la zone du Blake Ridge au large de la côte est des Etats-Unis, sur la
marge continentale de Cascadia au large de Vancouver en ColombieBritannique au
Canada, au large de la Nouvelle Zélande (Petersonn eet al., 2007) et
dans la marge atlantique de l'Europe ou de l'Afrique (fig. 8). Les hydrates de
gaz se forment également à proximité des terres, dans les
zones de pergélisol en raison des températures dominantes
très basses. Des gisements d'hydrates de gaz en pergélisol ont
été découverts en Sibérie occidentale et sur le
versant nord de l'Alaska (Sues et al., 1999).
Figure 8: Localisation des gisements d'hydrates
de gaz dans le monde
La zone de stabilité des hydrates s'étend du
fond de la mer à une profondeur maximale dans les sédiments qui
est dictée principalement par les conditions de température
ambiantes. Audelà d'une certaine profondeur, la température
devient trop élevée. En pratique, les hydrates de gaz sont
presque toujours rencontrés à partir des 300 premiers
mètres sédimentaires sous le fond de la mer (sauf en
Méditerranée où les températures de fond atteignent
13°C) et donc vers 2000 m de fond (fig. 9). Ils ont été mis
en évidence lors de nombreux forages du programme de forage scientifique
international ODP (Ocean Drilling program).
Figure 9: Domaine de stabilité des
hydrates de gaz (le méthane) (source:
www.ggl.ulaval.ca)
Deux modèles ont été proposés en ce
qui concerne l'origine du gaz qui constitue les hydrates : - il est
généré localement (in situ) ;
- il provient d'une zone plus profonde que la zone de
stabilité des hydrates.
Dans la première hypothèse il est
nécessaire qu'une quantité considérable de méthane
biogénique soit produite pour atteindre la concentration minimale (85
à 90 mmoles/L) qui permet la formation des HG, ce qui implique la
présence de gaz libre piégé sous la couche
d'hydrates. Dans la deuxième hypothèse des
fluides (eau+gaz) migrent d'une zone plus profonde vers la zone de
stabilité des hydrates, ce qui implique donc nécessairement la
présence du gaz en dessous de la couche d'hydrates. En effet, le
diagramme de phase des HG (fig. 7) permet de suivre la trajectoire d'un volume
de fluides qui remontent et qui se transforment en HG sans passer par la phase
gazeuse (Hyndman and Davis, 1992).
Figure 10 : Diagramme de phase des HG (Hyndman
and Davis, 1992)
Sur ce diagramme, la ligne continue montre la trajectoire
à pression constante (20 MPa) en utilisant l'équation
d'état de Trebble-Bishnoi. La ligne en pointillée
représente la décroissance de la solubilité du
méthane à la température qui permet la formation des
hydrates (18 °C environ).
Les critères de stabilité des hydrates de gaz se
rencontrent théoriquement au niveau de la plupart des pentes
continentales et rides sous-marines. Les hydrates de gaz, de par leurs
conditions de stabilité (faibles températures, hautes pressions),
sont les plus communs dans deux régions du globe : les régions
polaires et les régions océaniques profondes.
Dans les premières, ils sont souvent associés
aux pergélisols, dans les sédiments continentaux à terre
et dans les sédiments des plateaux continentaux en mer. Dans les
régions océaniques profondes, ils sont présents au niveau
des marges continentales externes, dans les sédiments de pentes et de
rides continentales où des eaux froides profondes sont présentes
(Lafoy et Auzende, 2000).
Les hydrates de gaz ont en outre été
décrits dans les sédiments marins depuis les années 1970
(Markl et al., 1970) par la présence d'un réflecteur sismique
particulier, situé à distance constante du fond et
parallèle et sous-jacent à ce dernier, appelé BSR (Bottom
Simulating Reflector) (fig. 11). C'est un réflecteur qui marque la base
du domaine de stabilité des hydrates de gaz. Il représente
l'interface entre les sédiments contenant des gaz libres et l'hydrate de
gaz. Il est aussi considéré comme le principal indicateur de la
présence des hydrates de gaz sur les marges continentales. Sur un profil
sismique, le BSR prend généralement l'allure du fond marin avec
une distance généralement constante et coupe les
réflecteurs sédimentaires (C. J. Peterson et al., 2007).
Figure 11: Identification d'un BSR sur un
profil sismique (source:
woodshole.er.usgs.gov)
La signature sismique de la base de la zone des hydrates de
gaz est caractéristique, avec une polarité inverse de
réflexion (l'inverse de celle du fond de l'océan). Elle
correspond à l'interface entre des formations à fortes vitesses
qui en surmontent d'autres à faibles vitesses de propagation. Une
quantité substantielle de gaz doit être présente sous les
hydrates pour expliquer le contraste de vitesse à l'origine du BSR.
Là où l'amplitude du BSR est faible, la zone d'accumulation de
gaz sous-jacente est peu épaisse à absente. Parfois, la
présence d'hydrates n'est pas soulignée par un BSR marqué,
lorsqu'une quantité minimum de gaz est absente sous la base de la zone
de stabilité des hydrates. Le BSR présente une forte
discontinuité latérale. Si les BSR ont été
observés sur beaucoup de marges continentales, les hydrates de gaz ont,
par contre, rarement été échantillonnés (Lafoy et
Auzende, 2000).
Il existe des cas où des BSR ne sont pas
observés : dans de nombreux exemples d'hydrates prélevés
lors de forages ou sur certains profils sismiques indiquant la présence
des hydrates, par conséquent, on ne peut pas conclure que l'absence de
BSR signifie l'absence d'hydrates. Lors de la campagne HYDRATECH en juin 2002
du navire océanographique « Le Suroît », la
présence d'hydrates de gaz (hydrates de méthane) est
révélée par l'observation de réflecteurs sismiques
BSRs (Bottom Simulating Reflectors) caractéristiques du fort contraste
d'impédance acoustique qui marque la limite hydrate solide (au-dessus) -
méthane gazeux (endessous).
III. TYPE D'INTERACTIONS GLISSEMENTS/FLUIDES
Les glissements de terrains sous-marins sont souvent
causés par la circulation des fluides
(hydrates de gaz) suite à une surpression. On distingue au
moins trois types d'interactions :
- Les hydrates de gaz déterminent les
propriétés physiques des sédiments qui les renferment : en
réduisant la perméabilité des sédiments, ils
facilitent le piégeage des hydrocarbures (en particulier des gaz) dans
les niveaux sédimentaires sous-jacents (Les méthanes dans
l'océan, Pour la science, N° 264, pp 86) : surpression de
fluides; et cette fragilisation mécanique des terrains induit des
risques de glissement sous-marins. D'une manière générale,
la combinaison de circulation de fluides et niveaux imperméables est
très favorable au déclenchement de glissement (Cobbold et al.,
2004).
- D'autre part, la dissociation des hydrates peut être
déclenchée par le réchauffement du climat terrestre, ce
qui, de nos jours, joue un rôle très important dans le
problème de la stabilité des pentes continentales. Les
changements de phaseet de volume des
sédiments contenant des hydrates faciliteraient le
déclenchement de glissements généralisés de la
pente continentale ;
- Enfin, les sédiments apportés du continent
déstabilisent parfois les pentes et provoquent des glissements de
terrain sous-marins ou d'importants effondrements. Ces surcharges induisent
alors une modification des conditions de pression et température du
milieu et peuvent générer la dissociation des hydrates de gaz. Le
glissement de storegga est typiquement un glissement dont l'origine est
attribuée à la présence d'hydrates de gaz.
L'un des glissements les plus spectaculaires identifié
en relation avec des sorties de fluides a eu lieu au large de Norvège il
y a 8000 ans. 5580 Km3 de sédiments ont glissé sur une
distance de 800 km environ (Bugge, 1983 ; Bouriak et al., 2000), du bord
supérieur du talus continental jusqu'au bassin norvégien, formant
l'avalanche sous-marine de Storegga, au large de la Norvège (fig. 12a).
Ce glissement, qui a dû provoquer des raz de marée
dévastateurs, a probablement été déclenché
par des hydrates de gaz accumulés à des profondeurs comprises
entre 400 et 1500 m (Mienert et al., 2005 ; H. Nouzé et al., 2004). A ce
jour, huit glissements récents, qui auraient fonctionné de
façon retrogressive et sur une courte durée (quelques heures),
ont été identifiés, alors que le glissement principal de
storegga a été daté à 7250-7300 ans, des datations
récentes sur le flanc nord ont fait état de glissement à
5000 #177;300 ans, ce qui pose la question du risque actuel
d'instabilité de cette zone (Haflidation et al., 2003).
Le glissement de Storegga a fait l'objet d'une étude
lors de la campagne Hydratech sur le N/O Le Suroît permettant d'imager en
détail l'extension et les propriétés du BSR, les
structures d'échappement de fluides et les déformations
sédimentaires. La combinaison des différentes données
acquises lors de cette campagne ainsi que leur qualité permet de mieux
comprendre les interactions encore mal contraintes entre fluides, hydrates de
gaz et glissement (H. Nouzé et al., 2004).
Figure 12: Localisation du glissement de
Storegga (a) et le profil sismique 2D
(b) sur le flanc septentrional (source : Ifremer)
Le profil sismique (fig. 12b) montre des zones
séparées latéralement caractérisées par la
présence des BSR localisés au niveau de la pente du plateau
Vøring qui se trouve au nord du glissement de Storegga. L'analyse des
données sismiques montre que ces réflecteurs représentent
la base du domaine de la stabilité locale des hydrates de gaz (H.
Nouzé et al., 2004). Donc une modification des propriétés
mécaniques de cette base aurait des conséquences sur le
comportement mécanique des sédiments du dessus.
La présence des hydrates de gaz dans le plateau de
Vøring et leur possible rapport avec le déclenchement du
glissement de Storegga a été un sujet discussion. Selon T. Bugge,
ce glissement a été déclenché
éventuellement par un tremblement de terre avec une possible
libération des gaz suite à une
décomposition des hydrates de gaz (Bugge et al., 1987). Pour J. Mienert,
il faut ajouter, en plus du changement climatique, un rechargement en
sédiments qui a exercé une forte pression (Mienert et al.,
1998).
Lors de la campagne Hydratech sur le N/O « Le
Suroît », de nombreuses structures subcirculaires ont
été mises en évidences. La plupart de ces structures sont
des pockmarks. On peut observer des structures en dômes, mais celles-ci
sont rares. Elles sont corrélées à des zones verticales
(cheminées) sur les profils de sondeur de sédiments (fig. 13) et
sur le profil sismique. Sur ce profil on voit que les réflecteurs sont
interrompus le long des cheminées. Donc on peut dire que le changement
climatique favorise une accumulation des gaz, induisant une surpression qui
pourra fragiliser les sédiments.
Figure 13: Un profil sismique montrant les
chéminées de gaz (zones verticales) au niveau du haut de la
pente du plateau de Vøring. (Bouriak et al., 2000)
Chapitre 2 : Présentation régionale et données
disponibles
|
I. LOCALISATION DE LA ZONE D'ETUDE ET PROCESSUS
SEDIMENTAIRES RECENTS AU
LARGE DE L'EGYPTE
Située entre N31°30'- N33°30 et E29° -
E32°, la province centrale, est une partie de delta profond qui s'est
installé dans le bassin méditerranée (oriental) sur la
marge Egyptienne. C'est l'une des trois provinces qui forment le cône
sous-marin du Nil.
Figure 14: Situation géodynamique de la
méditerranée orientale. La zone d'études est
indiquée par le cadre rouge (Mascle et al., 2000 ; et
auteur)
Au large de l'Egypte se développe le delta sous-marin
du Nil qui s'étale sur près de 100.000 km2. Ce delta
représente l'accumulation sédimentaire terrigène
récente la plus importante de la Méditerranée. Les
sédiments qui la constituent proviennent en grande partie de
l'érosion du continent africain et acheminés par
l'intermédiaire de l'immense bassin de drainage que le Nil. Le
cône sous-marin profond du Nil représente la plus grande
accumulation de sédiments clastiques dans la mer
Méditerranée, et il se trouve dans un complexe
géodynamique réglage (Loncke et al. 2000) (fig. 14). Les
données collectées lors de la campagne Prismed II ont
montré la présence d'un système de faille long de 200 km
environ et de direction NNW-SSE. L'analyse de cet important ensemble de
données a montré que le cône sous-marin profond est le lieu
de nombreuses des instabilités de pente à plusieurs
échelles. Trois principaux types d'instabilités ont
été définis, principalement sur la base de leur taille ou
leur origine (Loncke et al., 2008). Le Premier type d'instabilités
concerne la diffusion gravitaire généralisée du
Plio-Quaternaire en eau profonde sur l'éventail par la couche
salifère du Méssinien. Le Deuxième type
d'instabilités correspond à des mouvements de masse géant
probablement déclenché soit par des tremblements de terre, des
fluides, ou le climat et des variations eustatiques. Enfin, le troisième
type d'instabilités correspond soit à la fragilisation des
sédiments.
Les dépôts générés par ces
mouvements de pente ont largement participé à la construction du
delta profond du Nil (Loncke et al., 2008).
La surface du fond marin témoigne l'influence de la
tectonique gravitaire induite par la présence de couches épaisses
de Méssinien, période pendant laquelle l'évaporation d'eau
de l'ensemble du bassin méditerranéen a conduit au
dépôt d'une couche épaisse des évaporites (Ryan et
al., 1973 in Loncke et al., 2000) et la création d'un grand canyon qui
coupe profondément la pente continentale. Les couches
méssiniennes ont été progressivement couvertes depuis le
Pliocène à nos jours et en particulier au cours du
Quaternaire.
Le bassin de la méditerranée orientale a fait
l'objet des explorations géologiques et géophysiques qui ont
notamment porté sur les mécanismes sédimentaires qui sont
le contrôle de la géométrie et de l'évolution de ce
domaine de la marge continentale (Loncke et al., 2000). Trois processus de
dépôts, en ce qui concerne le Quaternaire récent, ont
contribué à l'évolution de ce système turbiditiques
(Ducassou, 2006). Il s'agit dune sédimentation pélagique et
hémipélagique, des glissements et les écoulements
gravitaires.
- La sédimentation pélagique et
hémipélagique sont influencées uniquement par des
modifications en apports terrigènes et biogènes fortement
liés aux conditions environnementales. Elle est
caractérisée par des dépôts des boues
carbonatées, des vases hémipélagiques et des
sapropèles. La province centrale est dominée par la
sédimentation hémipélagique.
- Les glissements résultent de la rupture de
sédiments souvent non consolidés qui sont des formations
liées à la remobilisation puis au dépôt. Les
faciès correspondant aux glissements sont caractérisés
uniquement par leur structure interne. On distinguera un faciès
microfaillé au niveau de la province centrale en plus des faciès
caractérisés par des plissements observés dans l'ensemble
du système turbiqitique profond du Nil (STPN).
- Enfin, les écoulements laminaires ou turbulents
engendrent des dépôts ayant une granularité et une
structure sédimentaire particulière. Tenant compte des
faciès et des séquences, on distinguera les débrites
(écoulement laminaire) observables dans les lobes distaux, les chenaux
et sur la pente (haut) de la province centrale avec une matrice
argilo-silteuse, et les turbidites (écoulement turbulent) pour
lesquelles on distingue des séquences argilo-silteuses typiques de
dépôts de débordements, et sablo-silteuses
caractéristiques des dépôts de remplissage de chenal et des
lobes (Ducassou, 2006). Les débrites ont donc pour origine des
écoulements qui se sont directement initiés sur la pente. Les
turbidites se retrouvent dans les environnements de levées
sédimentaires (séquences arigilo-silteuses).
II. DONNEES ANALYSEES
J'ai synthétisé dans le cadre de ce
mémoire des données de bathymétrie et imagerie
multifaisceaux et 3-5 kHz issues de différentes campagnes que je vais
rapidement présenter avant de détailler les principes
d'acquisition et de traitement de la bathymétrie et du 3-5 kHz. J'ai
synthétisé toutes les données de surface disponibles sur
les 24000 km2 que représente la province centrale de
l'éventail profond du Nil. J'ai traité moi-même les
données 3-5 kHz de la campagne Medeco.
Avant 1998, peu de choses étaient connues sur
l'éventail profond du Nil. Ce n'est qu'à partir de cette date que
le laboratoire Géosciences-Azur a décidé de consacrer une
partie de la campagne Prismed II à l'analyse de ce segment de la marge
passive de la méditerranée. Depuis la campagne Prismed II,
plusieurs campagnes océanographiques ont été menées
dans cette zone. De toutes ces campagnes, six ont retenu notre attention et
leurs données feront l'objet des analyses afin de mieux comprendre
l'interaction glissement/fluides au niveau de cette zone (fig. 15).
II.1. I.1. Les campagnes océanographiques
II.1.1 I.1.1. Campagne Prismed Ii
Réalisée en hiver 1998 à bord du N.O
l'Atlante, cette campagne est une campagne de bathymétrie multifaisceaux
et d'acquisition de données géophysiques en continu. Elle a
permis dans un premier temps de caractériser de façon
détaillée la Ride méditerranéenne qui avait
déjà été investiguée en 1995 au cours d'une
campagne de sismique multitrace Prismed et des campagnes de cartographie
multifaisceaux Médée etAnaxiprobe. La deuxième partie
avait pour but d'analyser, pour la première fois, le delta profond du
Nil dans son ensemble (Loncke, 2003). De toutes ces données, seules les
données de la bathymétrie, de la réflectivité
acoustiques et des enregistrements de sondeurs de sédiments sont
exploitées dans ce rapport.
II.1.2 I.1.2. Campagne Fanil.
Réalisée en octobre 2000, cette campagne s'est
réalisée en deux parties, à bord du N.O « Le
Suroît ». Elle avait pour but de compléter dans un premier
temps la couverture bathymétrique acquise lors de la campagne Prismed
II, de cartographier les bords occidentaux et orientaux du delta profond du
Nil, puis de prélever dans un second temps des sédiments par
carottage au sein de zones cruciales du point de vue du transfert
sédimentaire, ou dans les régions où des ascensions
argilo-cinétiques et des processus halo-tectoniques avaient
été mis en évidence (Loncke, 2003). Elle a donc
été dédiée à l'analyse des processus de
surfaces et subsurface opérant sur le delta profond du Nil. Ces
données ont permis la réalisation de la cartographie des
écho-faciès dans ce rapport.
II.1.3 I.1.3. Campagne Nautinil
Elle s'est déroulée du 3 septembre au 3 octobre
2003, à bord du navire de l'Ifremer, L'Atalante. L'objectif
était l'analyse des émanations de fluides froids et de
l'environnement profond associé, au sein des marges continentales
méditerranéennes. Cette campagne constitue un remarquable exemple
de coopération européenne (plusieurs laboratoires
français, néerlandais et allemands y ont participé).
Les profils chirps de cette campagne ont servi à la
réalisation de la cartographie des échofacies et les
plongées aussi ont servi à une observation directe de la vie
sous-marines et des structures associées aux émanations de
gaz.
II.1.4 I.1.4. Campagne Vanil
Réalisée à bord du navire Marion
Dufresnes en avril 2004, la campagne Vanil avait quatre objectifs principaux
parmi lesquels on citera l'obtention d'un enregistrement sédimentaire,
la précision de la nature, de l'origine et l'évolution dans le
temps des transferts sédimentaires affectant l'ensemble du delta profond
et la datation des différentes périodes de mise en place de
vastes glissements sous-marins mis en évidence par les études
géophysiques antérieures, ainsi que d'évaluer les
conditions mécaniques et, si possible, les facteurs forçant
à l'origine de telles déstabilisation en masse qui affectent
d'importants secteurs de la pente continentale actuelle.
Les profils chirps de cette campagne ont contribué
à la réalisation des la cartographie des
écho-faciès dans ce rapport.
II.1.5 I.1.5. Campagne Mimes
Conduite du 13 juin au 14 juillet 2004 à bord du navire
neerlandais Pelagia et dirigée par l'Université libre
d'Amsterdam, cette campagne avait pour but l'analyse à
mullti-échelle des suintements froids. Je ne dispose pas beaucoup
d'information sur cette expédition. Les profils chirps 3-5 kHz ont
également servi à la réalisation de la cartographie des
écho-faciès.
II.1.6 I.1.6. Campagne Medeco II
Réalisée dans le cadre du programme
européen HERMES (Hotspot Ecosystem Research on the Margins of European
Seas) à bord du navire << Pourquoi pas ? », la
deuxième partie de la campagne Medeco porte sur l'étude des
environnements de suintements froids dans la région du delta profond du
Nil et de l'arc calabrais. Certains sites du delta profond du Nil sont
étudiés depuis 2003. Ils seront revisités lors de Medeco
afin d'évaluer la variabilité temporelle de l'activité des
émissions de fluides et de la colonisation de ces sites par les
communautés benthiques. Les autres sites de la zone occidentale du delta
profond du Nil et de l'arc calabrais seront explorés pour la
première fois par un robot télé-opéré pour
une meilleure connaissances des écosystèmes de suintements froids
de la Méditerranée orientale. La campagne MEDECO est la
première campagne océanographique spécifiquement
dédiée à l'étude intégrée et
multiéchelles de plusieurs écosystèmes profonds de la
Méditerranée. Elle s'était organisée de
façon à suivre les objectifs du programme HERMES qui visent :
- la description et la quantification des << natural
drivers » (facteurs géologiques, hydrologiques et chimiques) qui
contrôlent les écosystèmes des marges ;
- la caractérisation et la quantification de la
biodiversité, des bactéries à la mégafaune et la
compréhension du fonctionnement de ces écosystèmes ;
- ainsi que la première étude de leur dynamique
incluant la biologie des espèces-clés. Les données de
cette campagne ont beaucoup servi dans le déroulement de ce stage. J'ai
entièrement dépouillé, traité,
interprété ls nouvelles données. Je les ai ensuite
intégrées aux données antérieures.
Il faut noter que quelques carottes de la campagne Noé en
1984 ont aussi servi pour la calibration dans ce mémoire.
Figure 15: Le plan de position des campagnes
océanographiques menées sur l'éventail profond du Nil
(domaine central) et dont les données géophysiques ont
été analysées dans le cadre de ce mémoire.
II.2. Bathymétrie et imagerie multifaisceau
II.2.1 Définitions
La bathymétrie est définie comme une science de
la mesure de profondeur des fonds marins. L'imagerie, par contre, repose sur la
mesure de la réflectivité (exploitation de l'amplitude du signal
reçu). Cette mesure fournit à la fois une vision de la
morphologie du fond et une indication concernant sa nature (C. Huguen,
2001).
II.2.2 Principe et méthodes
Le principe de mesure repose sur l'émission (suivant un
angle) et la réception des ondes sonores par un sondeur acoustique
installé sous un bateau (dans certains cas le sondeur peutêtre
tiré par le navire).
Après propagation dans le milieu marin, les ondes sont
réfléchies par le sol et retodiffusées en sens inverse.
Elles sont alors réceptionnées par le sondeur, qui mesure le
temps écoulé entre l'émission de l'impulsion sonore et sa
réception. Dès lors, grâce à la connaissance de la
durée du parcours des ondes et de leur vitesse dans l'eau, on peut
déterminer la profondeur à laquelle se trouve le fond marin par
rapport à la surface.
II.2.3 ILes mesures
II.2.3.a Mesure de bathymétrie
La mesure de la bathymétrie consiste à exploiter
les signaux de chaque faisceau pour déterminer l'instant de retour de
l'impulsion sonore. On obtient ainsi une mesure de profondeur par faisceau.
De nos jours on utilise de préférence les sondeurs
multifaisceaux car leurs mesures sont d'une bien meilleure résolution et
qu'on peut mesurer la profondeur dans plusieurs directions.
Le principe de mesure avec des sondeurs multifaisceaux repose
sur la technique des faisceaux croisés (fig. 16) pour laquelle une
impulsion sonore est émise au travers d'un lobe d'émission
étroit dans la direction longitudinale (de l'ordre de 1 à 5
degrés) et large transversalement (typiquement 150 degrés). La
réception se fait à l'aide de faisceaux étroits dans le
plan transversal (de l'ordre de 1 à 5 degrés). Pour chaque
faisceau de réception, la zone du fond explorée («pastille
insonifiée») est l'intersection entre le lobe d'émission et
le faisceau de réception. L'objectif de cette technique est de permettre
la compensation des mouvements du navire : roulis, tangage (C. Huguen,
2001).
Figure 16: Schéma de la technique des
faisceaux croisés
II.2.3.b Mesure de l'imagerie acoustique
L'imagerie acoustique est un outil relativement récent
qui fournit une information sur la texture des fonds marins à partir de
la restitution de l'énergie. L'amplitude du signal
réfléchi au voisinage de la verticale est très
élevée (signal spéculaire). Par ailleurs, le signal
s'atténue en fonction de la distance parcourue, donc du temps. Afin
d'éviter une saturation des amplificateurs et pour garder un niveau de
signal toujours à peu près stable, une loi de TVG (time varying
gain) est appliquée au signal reçu. La TVG est prédite
avant réception à partir des cycles précédents et
est construite de façon à optimiser le niveau moyen du signal par
rapport aux fluctuations aléatoires de la réverbération de
fond.
Une fois cette compensation établie, l'amplitude du
signal reçu est appelée réflectivité. Elle
s'exprime en décibels (dB) et est liée à la nature du
fond. Ainsi, la réflectivité est directement liée à
l'intensité du signal rétrodiffusé (Augustin et al.,
1996), elle-même étroitement contrôlée par la nature
et la structure du fond, l'angle d'incidence et la fréquence de la
source utilisée. La mesure de réflectivité est disponible
à la cadence d'échantillonnage (pas d'échantillonnage) du
sondeur. La distance inter-échantillon diminue avec l'incidence. Il est
à noter que lors de sa propagation dans l'eau, l'onde interéagit
avec ce milieu, ce qui peut entrainer une modification de sa trajectoire. Dans
le cas des domaines riches en fluides, l'imagerie est un outil très
adapté à leur détection.
II.3. Données 3-5 kHz
Les donnes 3-5 kHz sont des données acquises avec un
sondeur multifaisceaux dont la fréquence d'échantillonnage est
comprise entre 3 et 5 kHz. Ils sont un équivalent des données
« chirps ». La gamme de fréquences
d'échantillonnage d'un chirp varie entre 2 et 8 kHz. La
pénétration maximale pour ce type de données est de 100 m
environ avec résolution de l'ordre de mètre. Elles ont
été acquises lors des campagnes Prismed II, Nautinil, Vanil,
Mimes et Medeco. Ces données permettent d'imager les 100 premiers
mètres de sédiments sous le fond marin.
II.3.1 Traitements effectués dans le cadre de ce
stage
II.3.1.a Traitement et visualisation de la
bathymétrie et de l'imagerie
J'ai essentiellement utilisé caraïbes pour des
visualisations 3D de la bathymétrie, réalisation du plan de
position et vue de détails des données. Le traitement des
données bathymétriques a été effectué
à Géosciences Azur. Les principes de traitement sont
appelés en Annexe I.
II.3.1.b Importation et traitement des données 3-5
kHz
Lors de la campagne Medeco en novembre 2007, les
données 3-5 kHz ont été acquises grâce au logiciel
SUBOP. Les données ont été enregistrées au format
SEG rev1 standard. Une phase de traitement simple est appliquée sous
Matlab permettant entres autres :
- la lecture des données SEGY ;
- la corrélation avec le chirp émis ;
- la correction de divergence sphérique ;
- appliquer un gain linéaire à partir du fond de
l'eau ;
- la conversion en db de l'enveloppe du signal ;
- la compensation des mouvements de pilonnement ;
- l'application des délais d'enregistrement.
Précisons que ce prétraitement est
réalisé grâce à un ensemble de programmes
développés sous Matlab par Anne Paquaut (Ifremer). Ces programmes
permettent ;
- d'avoir une image des données qui peut être
enregistrée sous différents formats (jpeg, png, tiff, ...) et
imprimée ;
- d'enregistrer les données traitées au format SEGY
qui pourront être traitées de façon complémentaire
avec un logiciel comme le Seismic Unix (su) ou le Sisbise ;
- d'enregistrer les données de navigation au format
ascii.
Les données traitées sous Matlab montrent des
décalages des réflecteurs. Par la deuxième phase du
traitement, j'ai utilisé le logiciel Seimic Unix (su)
afin :
1- de corriger ce problème de décalage;
2- d'égaliser les amplitudes des traces;
3- d'appliquer un filtre amélirant la donnée ;
4- d'obtenir une image optimisée du profil.
5-
Figure 17: Schéma synthétique
avec différentes étapes de la chaîne de traitement
appliquée aux données 3-5 kHz
Chapitre 3 : Processus sédimentaires récents : apports de
l'analyse des données multifaisceau
et 3-5 kHz
|
I. MORPHOSTRUCTURE DE LA PROVINCE CENTRALE DE
L'EVENTAIL PROFOND DU
NIL
I.1. Analyse morphostructurale
La morphostructure de la province centrale du Nil est variable
depuis le haut de pente jusqu'à la base de pente. Selon l'allure du fond
marin et des structures observées dans cette zone, nous avons
divisé la pente continentale en trois domaines. On distinguera le haut
de pente, la mi-pente et la base de pente (fig. 18).
Figure 18: Carte morphostructurale
superposée sur la carte de la bathymétrie de la province
centrale du Nil
I.1.1 Le haut de pente (500 à 1700 m)
Le haut de pente est caractérisé par
différentes structures remarquables :
- d'un point de vue sédimentaire, ce domaine est le
lieu de nombreuses cicatrices d'arrachement et chenaux discontinus et
rectilignes (fig. 18 et 19). La topographie de ce domaine est relativement peu
rugueuse comparée au domaine plus profond. A l'Est entre les volcans
Atlon et Isis, de nombreux linéaments parallèles à la
direction de la pente affectent les sédiments. Ils pourraient être
des chenaux fossiles ou la trace de remobilisation récente de blocs.
Quelques tronçons de chenaux fossiles entaillent le haut de pente;
- d'un point de vue « tectonique »,
différentes failles de direction NW-SE et NE-SW entaillent la pente. Ces
failles, pour être visibles en bathymétrie, ont dû jouer
relativement récemment. Elles correspondent à des directions
structurales régionales ;
- enfin d'un point de vue des « fluides », de
nombreux volcans de boue ont été identifiés. Leur
diamètre varie de 500m à 5km. Ces volcans de boue s'agencent
préférentiellement le long du rebord de plate-forme et le long
des failles précédemment décrites (fig. 18).
Certains couloirs de glissement semblent associés au
fonctionnement de ces volcans de boue (fig. 19, North Alex).
Figure 19: Zoom du haut de pente
I.1.2 La mi-pente (1700 à 2300 m)
- D'un point de vue sédimentaire, on observe des
chenaux (disloqués par endroit) très marqués à
l'ouest et des rides sédimentaires perpendiculaires à la pente
(fig. 19, zoomB). Ces rides ont été interprétés
comme les témoins de la reptation de la couverture sédimentaire
vers l'aval (Loncke et al., 2002).
- D'un point de vue tectonique, la mi-pente est
caractérisée à l'est, par la présence des failles
de croissance de direction arquée E-W qui se présentent
sous-forme des escarpements sur la carte de la bathymétrie (fig. 19,
zoomC).
- Les volcans de boue sont plus rares mais les pockmarks
deviennent très présents. Ils ont été
identifiés essentiellement sur l'imagerie (fortes
réflectivités)
I.1.3 La base de pente (2300 à 2900 m)
La base de pente est aussi caractérisée par
quelques structures remarquables :
- d'un point de vue sédimentaire, on observe des rides
sédimentaires à l'ouest, des chenaux et des pockmarks (fig. 20)
;
- d'un point de vue tectonique, on observe des plis de faibles
longueurs d'ondes (Loncke, 2003) associés au glissement sur sel de la
couverture plio-quaternaire (tectonique gravitaire grande échelle).
C'est un domaine stable déformé par la tectonique
salifère, on y observe des rides de sel et des minibassins (fig. 18,
zoom D). Il n'y a pas de témoins dans ce domaine de dépôts
récents en masses ;
- Enfin, d'un point « fluides », des pockmarks sont
présents, surtout, du côté ouest de ce domaine.
Figure 20: Zoom sur quelques parties de la
mi-pente et de la base de pente
De cette analyse, on distingue trois domaines :
- le haut de pente est un domaine d'initiation. On y observe
des cicatrices multiples et des volcans de boue. Sa surface
bathymétrique est relativement lisse. Les chenaux y sont discontinus. Le
rebord du plateau continental qui montre probablement les zones d'initiation
les plus continues n'est malheureusement pas imagé.
- A mi-pente, il y'a apparition de nombreuses rides
sédimentaires perpendiculaires à la pente excepté vers
l'Est où des failles de croissance d'origine salifère entaillent
la pente. Des chenaux sous-marins, déconnectés du système
amont, parcourent ce domaine. Cette province est parsemée de dizaines de
tâches de forte réflectivité correspondant à des
pockmarks et encoûtrements carbonatées (comme l'ont montré
des plongées in-situ. Voir Bayon et al., soumis).
- En base de pente, les rides sédimentaires
disparaissent progressivement, ainsi que les témoins de sorties de
fluides.
I.2. Cartographie des écho-faciès 3-5
kHz
I.2.1 Identification et classification des
écho-faciès 3-5 kHz
Au niveau de la province centrale de l'éventail profond
du Nil, on a pu identifier au moins douze types d'écho-faciès sur
des critères de clarté acoustique, continuité des
réflecteurs du fond sous-marins. Ces types d'écho-faciès
peuvent être regroupés en quatre familles principales suivantes
(fig.21) :
- La famille des écho-faciès
lités L regroupant des écho-faciès à
faciès stratifié et à litage continu L1,
Lité hâché et lité hâché avec sorties
de fluides. Ces faciès lités sont typiquement
associés à des sédiments détritiques
déposés par des courants de turbidité ou des
hémipélagites. Les stratifications
observées sont attribuées à une succession de litages
sableux et silteux (Damuth, 1980a ; Pratson et Laine, 1989 in Loncke, 2003).
Dans la partie profonde du bassin, ces écho-faciès peuvent aussi
représenter des dépôts pélagiques ou
hémipélagiques isolés des apports détritiques
continentaux (Gaullier et Bellaiche, 1998 in Loncke, 2003). Les faciès
lités hâchés sont très spécifiques du haut de
pente des domaines glissés. Ils correspondraient à des
sédiments fracturés en passe d'être remobilisés.
- Les faciès L0 sont quant à eux
caractérisés par des sédiments lités
ondulés, soit par des processus dépositionels (courant de
contour, sédiments waves), soit par des processus de
déformation post-dépôt (creeping). La famille des
Lités ondulés Lo regroupe des
écho-faciès à faciès stratifiés avec une
ondulation bien marquée en surface Lo1, une ondulation
peu pénétrante Lo3, des transparents
ondulés Lo2 de fois avec des sorties de fluides
Lo4 . Ils sont associés à des
dépôts générés par des courants de
turbidité et de contour, donnant lieu à des turbidites ou des
hémipélagites.
Les faciès lités et lités ondulés
montrent parfois des zones de surdité acoustique
interprétées comme des sorties de fluides. Ces faciès
caractérisent essentiellement les domaines de mi-pente. Ils
correspondent en bathymétrie aux nombreuses rides sédimentaires
identifiées dans ce domaine
- La famille des transparents T est
constituée des écho-faciès transparents en surface
T1 et deux faciès mixtes : les
écho-faciès transparents perturbés Tp,
correspondant à des faciès hyperboliques en surface et
transparents en profondeur, et les écho-faciès
transparentslités TL correspondant soit à des
couches transparentes recouvertes par des faciès stratifiés, soit
l'inverse. Ces écho-faciès sont associés à des
dépôts sans cohérence interne, déposés par
des processus de glissement gravitaire ayant donné lieu à des
debris-flows. Ils peuvent dans certains cas correspondre à des
dépôts riches en gaz (Gaullier et Bellaiche, 1998 in Loncke, 2003)
;
- La famile des écho-faciès
hyperboliques réguliers H sont associés à
des dépôts générés par des processus de types
glissement ou fluage (creeping) (Damuth, 1980a, b, 1994 in Loncke,
2003). La présence de ces écho-faciès est
surtout liée au degré de rugosité du fond sous-marin,
classiquement amplifié par des mouvements en masse.
Figure 21: Tableau mettant en relation les
écho-faciès, les types sédimentaires et le processus de
dépôts associés.
I.2.2 Répartition des écho-faciès
I.2.2.a Les différents écho-faciès
identifiés
Ils ont été cartés et leurs limites ont
été extrapolées à l'aide de la bathymétrie
et de l'imagerie (figure 22).
Figure 22: Carte des écho-faciès
de la province centrale du Nil
Haut de pente
Le haut de pente est constitué majoritairement des
écho-faciès transparents à une ou deux masses, qui, dans
certains cas, repose(nt) sur des débrites à base érosive,
des faciès lités, lités perturbés et lités
hachés avec ou sans sorties de fluides. Des écho-faciès
hyperboliques sont aussi présents à l'ouest. Sur quelques profils
chirps 3-5 kHz (fig. 23) on peut observer des sorties de fluides dans les
faciès lités, lités hachés et transparents.
L'analyse des écho-faciès confirme donc que le haut de pente est
majoritairement déstabilisé (prédominance de faciès
transparents) et très riche en fluides. Le faciès lité
hâché pouvait correspondre à des domaines fracturés
remobilisés mais non déstructurés ou à des zones
stables en passe d'être remobilisées.
Le haut de pente est dominé par la famille des
écho-faciès transparents (1MT et 2MT et perturbés). On y
trouve aussi des faciès lité stable avec ou sans sortie de
fluides à l'est du domaine et des faciès hyperboliques
localisés un peu plus à l'ouest. C'est un domaine très
instable.
La mi-pente
On y trouve presque toutes les familles des
écho-faciès de la province centrale du Nil. De l'ouest à
l'est on la famille des transparents 1MT, des faciès ondulés, des
ondulés transparents, des transparents 2MT et la famille des
lités stables avec ou sans sorties de fluides qui reposent ou pas sur
des débrites. Ces sorties de fluides sont visibles sur quelques profils
chirps 3-5 kHz (fig.24). La constance à mi-pente concerne la
rugosité du fond marin qui est associée à des
faciès lités ondulés, probablement associés
à des processus de creeping comme suggère L. Loncke (Loncke et
al., 2002). C'est donc un domaine instable, mais très différent
du précédent. Les unités mamelonnées sont par
ailleurs recouvertes par les débrites transparentes du haut de pente.
Des failles de croissance présentes dans cette zone guideraient ces
fluides.
La base de pente
Ce domaine est occupé en grande partie par la famille
des faciès ondulés. On a des faciès ondulés
lités transparents, des faciès ondulés, des faciès
ondulés transparents avec ou sans sortie de fluides, des faciès
lités stables et des transparents 1MT. Dans cette partie avale de la
pente, on trouve aussi toute la famille des écho-faciès
lités non déformés, c'est-à-dire stables. On a des
faciès lités, lités ondulés peu
pénétrants, des lité ondulés transparents avec ou
sans sortie de fluides et des faciès transparents. C'est donc un domaine
stable. Les profils 3-5 kHz (fig. 25) montrent parfois le contact entre
domaines instables et stables (lités). Des indices de compression ont pu
être observés ainsi que des glissements pelliculaires qui marquent
probablement l'avancée du front de glissement.
Figure 23: Des profils de haut de pente
montrant les relations Spatiales entre les volcans de boue et
l'instabilité
Figure 24: Profil de la mi-pente montrant les
relations Spatiales entre les sortie de fluides et l'instabilité
Figure 25: Profils montrant le contact entre
les zones instables et les zones stables au niveau de la base de pente
Résumé
En haut de pente, on observe des volcans de boue en
association directe avec les glissements. Les volcans de boue pourraient
être responsables du déclenchement des glissements. Selon le cas,
la couverture est fracturée ou destructurée.
A mi-pente, les débrites du haut de pente reposent sur
la couverture en reptation. Cette couverture permet l'échappement massif
de fluides en fond de mer (nombreux pockmarks). Latéralement, des
sorties de fluides semblent être guidées par les failles de
croissance (fluides thermogéniques ?) d'origine salifère.
En base de pente, les déformations s'amortissent
lentement. Certaines structures compressives ont été reconnues.
Les sorties de fluides sont nombreuses.
I.3. Eléments de chronologie relative
On observe au niveau du haut de pente des débrites
initiées en association avec des volcans de boue. Tout est
entièrement déstabilisé entre 500 et 1700m de fond mis
à part « un îlot » plus stable que le reste : c'est le
faciès lités hâché. Cet ensemble de débrites
(1MT ou 2MT) vient recouvrir la masse en creeping de la mi-pente. La mi-pente
est un domaine de creeping avec des sorties de fluides dans les zones amincies
(Bayon et al., accepté). Les séries y sont litées, donc
non destructurées comme plus haut. La couverture sédimentaire
semble plus stable. Elle semble stable à l'Est sous les dernières
débrites du haut de pente. On y note aussi de nombreuses structures
d'échappement de fluides qui semblent être guidées par les
failles de croissance. Au niveau de la base de pente, le contact avec le
domaine déstabilisé de la mi-pente est difficile à voir
sur les profils chirps, mais on note quelques indices de compression.
I.4. Calibration sédimentaire avec les données in
situ I.4.1 Les carottes
I.4.1.a Origine des carottes
La thèse de E. Ducassou (Ducassou, 2006) a permis pour
la première fois de proposer une vue d'ensemble sur des
répartitions sédimentaires récentes pour la presque
totalité du delta profond du Nil. Pour la province centrale, on dispose
d'une quarantaine de carottes prélevées repertoiriées dans
le tableau 3 provenant des campagnes Noé en 1984, fanil, Nautinil,
Vanil, Mimes Bionil et Medeco. De toutes ces carottes, seulement cinq d'entre
elles ont été analysées dans la province centrale qui nous
concerne (une au niveau du haut de pente et quatre à la mi-pente). Cette
analyse inclus pour chaque carotte la description lithologique, l'analyse des
images RX et des lames minces des sédiments indurés, de la
granulométrie laser, la mesure des teneurs en carbonates et l'analyse
des constituants pour la majorité des carottes grâce à des
techniques développées à l'Université Bordeaux1
(Ducassou, 2006).
Tableau 1 : Synthèse des données
et outils utilisés lors des campagnes sur la province centrale de
l'éventail profond du Nil
Un nombre important de méthodes, non destructrices ou
destructrices, permet d'étudier les carottes (Bouma, 1969 in Ducassou,
2006). Les développements techniques très récents
réalisés pour quelques-unes de ces méthodes ont permis de
décrire avec une grande précision les séquences
sédimentaires de dépôt et d'y associer des
mécanismes dynamiques de dépôt.
I.4.1.b Résultats des analyses
Description de la carotte du haut de pente
Une douzaine de carottes ont été
prélevées au niveau du haut de pente dont cinq sur des volcans de
boue. Seule la carotte 84MD654, prélevée lors de la campagne NOE
en 1984 dans un domaine de glissement de grande ampleur pluri-métrique,
a été analysée par E. Ducassou (fig. 26). Cette carotte
est localisée sur la figure23b.
Figure 26: Log de la carotte 84MD654 et le zoom
de la section 4 (E. Ducassou, 2006)
Ce log (fig. 26) montre un faciès microfaillé.
Le faciès transparent que nous avons interprété comme des
débrites peuvent donc être faits de radeaux plus ou moins
cohérents microfracturés.
Description de carottes à mi-pente
Au niveau de la mi-pente, treize carottes ont
été prélevées, mais seulement quatre ont
été analysées pour l'heure. Il s'agit des carottes FKSO4
réalisée lors de la campagne FANIL, NLK11 réalisée
lors de la campagne NAUTINIL, 84MD652 et 84MD653 réalisées lors
de la campagne NOE. Ces carottes sont localisées sur la figure 23b.
Figure 27 : Comparaison des logs des carottes de
la mi-pente (Ducassou, 2006)
La particularité de ces carottes (fig. 27) est que
chaque log montre un dépôt des sapropèles au sommet et sont
toutes carbonatées avec une bioturbation marquée. On note la
présence des coulées de débris dans les trois
dernières carottes, au-delà de 7 mètres pour la NLK11 et
84MD652, et avant 1 mètre pour la 84MD654. Des slumps sont
observés entre 8 et 9 mètres sur le log NLK11. Seule la
débrite de la carotte NLK11 est assez profonde pour correspondre
à la base du corps en creeping.
Description de la carotte de la base de pente
Dans cette partie de la province centrale, aucune carotte n'a
été répertoriée, mais pour comprendre ce qui se
passe à cet endroit, on va présenter une carotte qui a
été prélevée à l'est de la province
occidentale, la MD042729 (fig. 28, et fig. 23b pour la localisation). Ce
secteur présente le même faciès acoustique que la base de
pente de la province centrale. A grande échelle de temps, on peut avoir
de très grandes débrites sous les zones stables.
Figure 28: Log de la carotte MD042729 (Est de
la province occidentale)
Comme les autres carottes, ce log est riche en carbonates avec
une bioturbation marquée jusqu'à environ 18,5 m en profondeur. On
note une importante épaisseur de coulées de débris (5m
environ) en profondeur puis la présence des slumps à la base du
log.
I.4.1.c Calibration écho-faciès/carotte et
processus de dépôts
J'ai essayé dans ce paragraphe, de mettre en relation les
processus sédimentaires et les faciès observés dans les
logs décrits ci-haut.
Les carottes montrent des dépôts dominés
par des boues carbonatées ou pélagiques, les vases
hémipélagiques et les sapropèles. C'est une
sédimentation pélagique et hémipélagique
influencée uniquement par des modifications en apports terrigènes
provenant de la marge et biogenèses liés à la
productivité biologique de surface. Le zoom fait sur la section 4 de la
carotte 84MD654 (fig. 26) montre des micro-failles, preuve d'un glissement ou
d'une destructuration de la couverture sédimentaire en haut de pente.
Les carottes ne présentent pas toujours des
faciès caractéristiques des glissements de grande ampleur
(Ducassou, 2006), suggérant que certaines parties des glissements
identifiées contiennent des « radeaux » peu
déstructurés. Les carottes NLK11, 84MD652 et 84MD653 montrent une
alternance de lits carbonatés, ce qui correspond au faciès
lité mamelonné. Ces hémipélagites ont donc
simplement été déformées ; elles montrent des
intercalations fines de types débrites et reposent sur une
débrite plus massive (observé sur les données 3-5 kHz)
dont le sommet a été atteint dans NLK11.
Le haut de pente est le siège des écoulements
laminaires et turbulents donnant naissance à des débrites, des
séquences turbiditiques massives et organisées, d'où la
présence des débrites et des turbidites.
Dans les zones distales qui ne sont pas
caractérisées par des corps sédimentaires particuliers
(chenal, lobe ou levée) on observe l'écho-faciès
lité continu qui peut représenter des successions des
turbiditiques (assez fines) et/ou hémipélagites.
L'écho-faciès transparent lité s'observe dans les lobes,
les chenaux ou des zones de remplissage où il est également
courant d'enregistrer des courants de turbidité associés à
des coulées de débris.
I.5. Les plongées ROV et
Nautiles
I.5.1 Les plongées ROV
I.5.1.a Les plongées ROV
Les plongées ROV de la campagne Medeco étaient
effectuées principalement sur une zone de pockmarks, entre le haut de
pente et la mi-pente, marquée par des encroûtements
carbonatés fissurés par endroit.
Dédié à la recherche scientifique dans le
domaine de l'océanographie, le ROV (Remotly Operated Vehicule)
appelé encore Victor 6000 est un système
téléopéré grande profondeur, instrumenté et
modulaire, capable d'effectuer de l'imagerie optique de qualité,
d'emporter et opérer divers équipements et outillage
scientifique. Sa profondeur d'intervention est de 6000m. Il est doté
d'un module de mesure en route (MMR) qui permet de dresser des cartes
bathymétriques avec des résolutions de 25 à 50 cm à
partir des levées effectuées entre 30 et 50m au-dessus du fond.
Grâce à ce module, les scientifiques peuvent visualiser les
réseaux de petites failles et fissures qui jouent un rôle
important dans la perméabilité des sédiments, la
remontée et l'émission des fluides. Cet engin a été
utilisé lors de la campagne Medeco en 2007 pour la cartographie et la
photographie du fond marin afin de faire un état des lieux de la
biodiversité de ces écosystèmes profonds et de mettre en
évidence l'évolution temporelle du milieu sur certains sites
connus.
Quatre plongées ont été effectuées
au niveau de la province centrale lors de la campagne Medeco au niveau d'un
pockmark situé au point N32°30- N32°32 et
E30°16-E30°21. Cet ensemble de plongées avait pour but
l'exploration d'une zone de pockmarks où différents objectifs ont
été définis lors des précédentes
plongées (Bionil en 2006) (fig. 29).
Figure 29: Carte de la navigation du ROV au
niveau de la province centrale (Bayon et al., 2006)
Figure 30: Des photographies de la
plongée ROV
a : des escarpments; b
: un bouquet garni ; c :des faunes associées
à des croûtes carbonatées entre les wp1 et p4 ; d :
encoûtrement carbonaté ( zone fissurée entre wp1
et wp2) ; e : intense activité faunique aux alentours
des encoûtrements carbonatés; f : une couche des
bactéries; g et h: des pockmarks. A
gauche, une partie colmatée de pockmark.
Ces plongées ont montré que le domaine de haut
de pente était le lieu d'échappement de fluides associés
à des encoûtrements carbonatés (Medeco report). Ces
croûtes sont apparues très fracturées.
Notons que ces fissures, apparaissant comme des crêtes
sur la bathymétrie, sont liées au mouvement des masses
glissées. Ces principales fissures entre wp1 et wp2, de direction SW-NE
(fig. 29), ont été explorées vers l'ouest au cours de la
récente plongée (Bionil). Parfois récentes, elles
affectent des sédiments hémipélagiques drapées par
des encroûtrements carbonatés. Le long de ces encroûtrements
carbonatés, on observe des sorties de fluides et certaines
espèces comme de oursins, gastéropodes, des coquillages,
lamellibranches se développent.
Plusieurs dépressions ont été
explorées. Probablement issus des récents effondrements, les
pockmarks semblent être remplis des débris qui seraient
concentrés par des courants. Ils ont des formes circulaires dans
certains endroits avec des diamètres qui varient entre 5 et 6
mètres et une profondeur d'environ 2 mètres.
I.5.1.b Les plongées Nautiles
Le Nautile et un sous-marin conçu pour
l'observation et l'intervention jusqu'à 6000 mètres de
profondeur. Lors de la campagne Nautinil, 22 plongées scientifiques ont
été réalisées par des profondeurs variant de 700
à 3 000 mètres dans deux régions de
Méditerranée orientale, l'une au sud de la Crête, au sein
de la Ride méditerranéenne, l'autre au niveau du delta profond du
Nil dont trois dans la province centrale. Ces plongées ont permis de
localiser les volcans de boue, les cheminées gazeuses et les pockmarks
(fig. 31).
Figure 31: Photographie des structures
d'échappement des fluides dans le fond marins
fond réalisées avec le submersible Nautile (Bayon et
al., 2006)
Ces plongées Nautiles ont cette fois-ci été
opérées dans le domaine de mi-pente.
Un capteur de méthane a été
installé sur le submersible Nautile permettant de
détecter la présence de méthane et de tracer des profils
microbathymétriques d'une plongée à une autre (fig. 32)
(Bayon et al., 2006).
Figure 32: Cartes bathymétriques des
deux sites explorés dans la province centrale du Nil et
le tracé de la position du Nautile et le profil 3-5 kHz
NL2-6 A.
B : Plongée NL7 à 1700 m de
profondeur ;
C : Plongées NL6 et NL14 à 2100 m
de profondeur (Bayon et al., 2006)
La figure 32 présente la carte de
réflectivité du fond marin, les profils bathymétriques, la
carte des ècho-faciès et la présence de la croûte
carbonatée le long de chaque plongée obtenue grâce au
sondeur multifaisceau.
Figure 33: Carte de réflectivité
de la zone explorée lors des plongées NL6 et NL14 obtenue avec
le sondeur multifaisceaux EM300 et les profils bathymétriques, la carte
des ècho-faciès et les graphes montrant les quantités
du méthane et la présence de la croûte carbonatée
(Bayon et al. et al., 2006)
En combinant les données géophysiques, des
observations in situ et les profils bathymétriques, on peut
identifier quatre structures qui sont :
- des croûtes carbonatées superficielles de 500m de
long et 5 m de hauteur (fig. 30 A,B,C et D);
- des larges dépressions sédimentaires d'environ
100 m de long et 3 m de profondeur montrant une intense activité
biologique (fig. 30G) ;
- des zones carbonatées en creeping
présentées en blanc sur la carte de réflectivité
(fig. 32) ;
- des Pokmarks correspondant à des dépressions
sub-circulaires à des tailles variables (fig. 30E, F)
- des carbonates fracturés ont été aussi
observés au niveau des zones de scarpement (Fig. 30B).
Les plongées in-situ ont montré que les
sorties de fluides étaient favorisées dans les zones amincies de
la masse en reptation lente. (fig. 32). Des pics de méthanes y ont en
effet été enregistrés.
Chapitre 4 : Synthèse et discussion
|
I. EVOLUTION AMONT-AVAL DES STRUCTURES ET CHRONOLOGIE
DES EVENEMENTS
De toutes ces études qui ont été faites
dans la zone de la province centrale du Nil et selon la figure de
synthèse (fig. 34), on peut décrire l'évolution amont-aval
des différentes structures observées de la manière
suivante :
- Du point de vue « sédimentaire », on
rencontre des cicatrices d'arrachement au niveau du haut de pente, des chenaux
discontinus et rectilignes y sont aussi observés, certains de ces
linéaments pourraient correspondre à des couloirs
d'éboulement. Au niveau de la mi-pente et de la base de pente, des
chenaux anciens sont disloqués par les masses glissées
initiées en haut de pente. L'Ouest de la mipente et de la base de pente
est caractérisé par des rides sédimentaires
vraisemblablement associées à des processus de reptation
lente.
- Du point de vue « tectonique », un ensemble de
failles de directions NW-SE et NE-SW entaillent le haut de pente, et semblent
guider les fluides thermogéniques vers la surface. Au niveau de la
mi-pente, ce sont des failles de croissances de direction E-W qui sont
observées à l'est de ce domaine. Des plis de faibles longueurs
d'ondes sont localisés à l'ouest de la base de pente. Ceux-ci
sont associés au glissement sur sel de la couverture
plio-quaternaire.
- Du point de vue « fluides », des volcans de boues
(500m à 5km de diamètre) sont localisés au niveau du haut
de pente. Ils sont associés à certains couloirs de glissement.
Ces volcans de boue sont rares au niveau de la mi-pente. Des pockmarks sont
observés dans pratiquement tout l'ensemble de la zone d'étude et
surtout dans les zones de creeping de la mi-pente et au droit des failles de
croissance d'origine salifère.
Le haut de pente est donc un domaine majoritairement
déstabilisé (entre 700 et 1500m) et très riche en fluides.
Cet ensemble (débrites) vient recouvrir les masses en reptation lente de
la mipente (caractérisé par un fond marin rugueux) et l'ouest de
la base de pente. La base de pente est un domaine stable déformé
uniquement par la tectonique salifère (fig 34).
Des datations effectuées par E. Ducassou ont permis de
dater certains des évènements identifiés par le biais de
notre analyse :
- La débrite soutenant la masse en reptation serait
âgée de 125000 ans. Son sommet est très compacté
(fig 34).
- La masse en reptation a ensuite été en partie
recouverte par une série de débrites de haut de pente dont l'une
a été datée de 73000 ans.
- Enfin, Bayon et al., ont évalué l'âge des
encoûtrements carbonatées développant sur la masse en
reptation à au moins 10000 ans.
Figure 34: Evolution Amont-aval des structures
observées de la province centrale (figure de synthèse)
Sur tout le domaine de la province centrale du delta profond du
Nil, outre la tectonique salifère, on peut distinguer deux
évènements majeurs identifiables sur les profils chirps. On
soulignera d'abord un domaine stable sur lequel se reposent des masses
glissées sur à des mouvements gravitaires qui auraient eu lieu
vers 125000 ans (Ducassou, 2006). Cette unité est très
remarquable au niveau de la mi-pente, caractérisé par des
ondulations en surface des faciès. On y observe des failles de
croissances qui seraient des conduits pour les sorties des fluides. Enfin, les
débrites du haut de pente ont été datées vers 73000
ans et ont entraîné des masses du haut de pente.
II FACTEURS DE CONTROLE DES GLISSEMENTS.
Trois facteurs seraient à l'origine du
déclenchement des glissements dans la province centrale du Nil :
- les fluides : des volcans de boue observés en haut de
pente sont semblent avoir déclenché certains glissements. La
perturbation mécanique associée à la mise en place de ces
édifices pourrait avoir déclenché le glissement d'une
partie de la couverture sédimentaire. D'autre part, les nombreuses
sorties de fluides cartées dans cette province suggèrent que des
mécanismes de surpression de fluide aient pu fragiliser la
stabilité de la pile sédimentaire ;
- les hydrates : De récents travaux (Praeg et al.,
2008) ont montré que les hydrates de gaz étaient présents
sur site entre 2000 et 2500m de fond (entre 220 et 330 ms sous le fond marin).
Il est possible que des variations d'épaisseur de cette zone à
hydrates entre les cycles glaciaires/interglaciaire aie pu perturber
considérablement la stabilité de la pente. Praeg et al. (2008)
estiment que le domaine de stabilité des hydrates a pu migrer en
période glaciaire jusqu'à 900m de fond. Les glissements
datés pour l'heure ne se sont pas déclenchés lors des
dernières transitions glaciaire/interglaciaire. Cet effet reste donc
encore à préciser, probablement par des datations
complémentaires ;
- le climat : le changement climatique a encore d'autres effets
sur la stabilité des pentes. Pendant les périodes pluviales
(régime de mousson). En effet, le taux de sédimentation
augmentent beaucoup et certains glissements semblent se mettre
préférentiellement en place, en particulier dans la province
occidentale du Nil, qui est aussi la plus sédimentée (Ducassou,
2006).
III PERSPECTIVES
La province centrale n'a pas été explorée
dans sa totalité. L'acquisition de données géophysiques
à la limite de la plate-forme continentale permettrait certainement de
mieux comprendre le système de glissements décrit dans ce
mémoire.
D'autre part certaines carottes prélevées lors
des campagnes Bionil et Medeco n'ont pas encore été
analysées. L'analyse de ces carottes devrait permettre de mieux
contraindre les processus de remobilisation des sédiments en haut de
pente et permettre des datations complémentaires. Des carottages au
niveau de la base de pente semblent nécessaires pour la connaissance de
la stratification de cette zone. Des nouvelles plongées permettraient
aussi de comprendre l'évolution de certaines structures en comparaison
avec celles déjà effectuées.
Le temps ne nous a pas permis d'exploiter les données
sismiques rapides acquises lors des campagnes Prismed II et Fanil. Or ce
travail pourrait permettre la compréhension de l'évolution de ces
structures à une autre échelle.
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