Dédicace
A grand-mère, KOULAMA Suzanne
A tonton, OUSSEINI David
Qui, de là haut, me protègent et veillent sur
moi.
A toi mère, DJABOU Lucrèce
Ton amour pour moi, est ma première source de
motivation.
A toi père, YANOU Richard
Tu m'as inculqué le sens du travail et de la
discipline.
Remerciements
Mes remerciements vont à l'endroit de tous ceux et
celles, qui ont contribué d'une quelconque manière à
l'édification de ce travail et particulièrement :
v A notre directeur, le Docteur Yves-Alexandre CHOUALA qui,
malgré ses multiples occupations, a tenu à guider ce travail de
recherche et y a apposé sa rigueur scientifique de grande
renommée ;
v Aux enseignants du Master Gouvernance et Politiques
Publiques, notamment les Docteurs Xavier KITSIMBOU, Claude-Ernest KIAMBA et
Chantal BELOMO qui nous ont si souvent poussés dans nos derniers
retranchements, et qui aujourd'hui, nous servent de modèles ;
v A notre grande famille pour son soutien sans cesse
renouvelé ;
v A nos camarades de la deuxième promotion de Master
Gouvernance et Politiques Publiques, et ceux de la 15eme promotion de
1ère année licence, avec qui nous avons
traversé de manière solidaire ce fastidieux cursus ;
v A nos amis, avec qui nous avons partagé
délires, joies et peines pendant nos courts moments de
répits ;
v Au mouvement des jeunes de l'Eglise Evangélique
Luthérienne au Cameroun qui nous a accueilli et fructifié notre
foi en DIEU.
Qu'ils veuillent bien recevoir l'expression de notre profonde
gratitude.
Liste des sigles et abréviations
APE : Accords de Partenariat Economique
ARPII : Agence Régionale de Promotion des
Investissements et des Infrastructures
BDEAC : Banque de Développement des Etats de
l'Afrique Centrale
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale
BNT : Barrières Non Tarifaires
BOAD : Banque Ouest Africaine de Développement
BRVM : Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
BVMAC : Bourse des Valeurs Mobilières de l'Afrique
Centrale
CAE : Communauté de l'Afrique de l'Est
CEA : Commission Economique des Nations unies pour
l'Afrique
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
CJ : cour de justice
CIMA : Conférence Interafricaine des Marchés
d'Assurance
CIPRES : Conférence Interafricaine de
Prévoyance Sociale
COBAC : Commission bancaire de l'Afrique centrale
COPAX : Conférence de paix et de
sécurité en Afrique centrale
COSUMAF : Commission de Surveillance du Marché
Financier
FCFA : Franc de la Coopération Financière en
Afrique
FODEC : Fonds de Développement de la
Communauté
FOMAC : Force Multinationale d'Afrique Centrale
ITIE : Initiative de Transparence des Industries Extractives
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation du Droit des
Affaires en Afrique
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
PER : Programme Economique Régional
PIB : Produit Intérieur Brut
PRI : Programme de Réformes Institutionnelles
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
SADC : Communauté de développement d'Afrique
australe
TCA : Taxe sur le Chiffre d'Affaire
TCI : Taxe Communautaire d'Intégration
TEC : Tarif Extérieur Commun
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
UDEAC : Union Douanière et Économique de
l'Afrique Centrale
UE : Union Européenne
UEAC : Union Economique d'Afrique Centrale
UEMOA : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de
l'Ouest
UMAC : Union Monétaire d'Afrique centrale
Liste des tableaux, graphiques et encadrés
Tableau 1 : Principales sources de revenus des pays de la
CEMAC ...........................53
Tableau 2 : Répartition des recettes de la CEMAC
Montants en milliards de F CFA.......54
Tableau 3 : Réseau routier en zone
CEMAC........................................................57
Tableau 4 : Etat des routes en zone
CEMAC.......................................................57
Tableau 5 : Evolution des indicateurs économiques
et financiers de la CEMAC
1998-2008........................................................................................................63
Tableau 6 : Total des arriérés des Etats membres
de janvier 2002 à octobre 2005 .........65
Graphique 1 : Budgets des organes et institutions
spécialisées de la CEMAC 2005........30
Graphique 2 : Evolution de l'indice d'intégration
des communautés économiques régionales
africaines.................................................................................................33
Graphique 3 : Part relative en pourcentage du PIB de la CEMAC
et de la contribution des Etats
(2004)..............................................................................................42
Graphique 4 : évolution des arriérés
de 2002 à 2005.............................................43
Encadré 1 : Les objectifs de la première
étape du plan de Malabo..............................20
Encadré 2 Panorama du dispositif
juridico-institutionnel pour favoriser la libre
circulation..................................................................................................21
Encadré 3 : objectifs de la deuxième
étape du plan d'action de Malabo........................35
Encadré 4 : Quelques décisions non
appliquées ou projets en retard............................36
Encadré 5 : calcul de la valeur réelle du
TCI destiné au financement des projets
intégrateurs................................................................................................50
Sommaire
Introduction Générale
1
LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE
L'OPERATIONNALISATION DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES
EN ZONE CEMAC
17
Chapitre
1.
Le cadre
juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des
avancées tangibles
19
Section I. Le renforcement du dispositif
juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation
21
Section II. Le développement de la
coopération entre Etats membres de la CEMAC
26
Chapitre
II.
L'opérationnalisation
de la libre circulation en zone CEMAC à l'épreuve des
défaillances avérées.
32
Section I. La non réalisation des
objectifs fondamentaux de la CEMAC
34
Section II. La faiblesse de l'esprit
communautaire
38
DEUXIEME
PARTIE :
PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE EN
OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE
CEMAC
45
Chapitre
3.
Les
pesanteurs de la libre circulation en zone CEMAC :
prééminence des obstacles majeurs
47
Section I. La faisabilité politique des
réformes en Zone CEMAC
49
Section II. La conjoncture en Afrique centrale,
une source de déstabilisation du processus d'intégration
sous-régionale en CEMAC.
59
Section III. Les entraves socio
anthropologiques à la libre circulation en zone CEMAC.
66
Chapitre
4.
Les
perspectives d'évolution de la libre circulation en CEMAC
72
Section I. Les scénarios possibles de
l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC
73
Section II. Les défis à relever
en vue de la libre circulation en zone CEMAC
79
Conclusion Générale
85
Bibliographie
88
ANNEXES
93
Résumé
Dès le lancement officiel des activités de la
CEMAC le 25 juin 1999 en Guinée Equatoriale, les Etats membres se sont
fixés comme objectif majeur de construire un marché commun
compétitif et concurrentiel, basé sur la libre circulation des
biens et des personnes, en vue de se doter d'une meilleure capacité de
création de richesse et d'insertion dans l'économie mondiale. En
dépit des progrès réalisés, force est de constater
que la libre circulation des biens et des personnes est très peu
effective. Cette défaillance met en évidence un bilan
mitigé qui se traduit par la non réalisation des objectifs
fixés par la nouvelle institution sous-régionale et la faiblesse
de l'esprit communautaire. De même, l'existence des
velléités protectionnistes et les dysfonctionnements du
mécanisme de financement ont considérablement réduits
l'ampleur des projets intégrateurs. Les observateurs du processus
d'intégration sous-régionale en Afrique Centrale ont tendance
à indexer l'absence de volonté politique pour expliquer les
retards accusés. Loin de réfuter cette thèse, ces
dernières années, la CEMAC a pris des engagements forts pour
rendre effective la liberté de circulation des biens et des personnes.
Cependant, il existe des pesanteurs qui s'imposent à la volonté
politique des Etats membres de la CEMAC et entravent de ce fait l'effort
consacré à la libre circulation. Concrètement, ces
obstacles sont d'ordre structurel et se manifestent par un déficit de
bonne gouvernance dans un contexte de corruption
généralisé. Ces entraves sont également
liées à la conjoncture qui a contribué soit à
fragiliser les Etats de l'Afrique Centrale soit à favoriser les
rivalités et querelles au sein de la communauté. En outre, des
facteurs socio-anthropologiques contribuent à retarder la dynamique
d'intégration sous-régionale.
Dans ce contexte, certains scénarios peuvent être
envisagés quant à l'effectivité de la libre circulation
des biens et des personnes en zone CEMAC. Le scénario
« pessimiste » de la libre circulation en panne ; le
scénario « réaliste » qui met en exergue une
effectivité progressive de la libre circulation ; le dernier
scénario, optimiste qui donne lieu à une effectivité de la
libre circulation. Aussi, le scénario réaliste qui est le plus
plausible, ne peut se réaliser que si les Etats de la zone CEMAC
relèvent certains défis. Le premier de ces défis est
surtout de réhabiliter l'esprit communautaire dans la sous-région
afin de mieux cerner les bienfaits de l'intégration. Ensuite, il est
question de multiplier les pratiques de bonne gouvernance à travers la
mise en oeuvre des mécanismes probants et l'harmonisation des politiques
budgétaires. Enfin, la suite logique est de replacer les peuples au
coeur du processus d'intégration, cela passe par une meilleure
implication du secteur privé et de la société civile dans
les initiatives communautaires.
Mots clés :
intégration sous-régionale, libre circulation, communauté,
marché, biens, personnes, pesanteurs, perspectives, conjoncture
mondiale, bonne gouvernance.
Abstract
From the official launching of the activities of the CEMAC on
the 25th of june 1999, in equatorial guinea, the states members fixed
themselves the major goal of building a common and competitive market
based on the free circulation of persons and goods in order to give
themselves a better capacity to create riches and get inserted into the world's
economy. Despite the progress made, it is important to note that the free
circulation of persons and goods is not very effective. This failure puts to
light a mitigated balance, that can be seen through the non realization of the
fixed objectives by the new sub regional institution and the weakness of the
community spirit. Also, the existence of a protectional vague desire and of
the malfunctions of the financial mechanism have considerably
reduced the depth of the interrogatory projects.
The observers of the sub regional integration process in
central Africa have the tendency to point a finger at the absence of political
will the explain the backwardness. Far from refusing this thesis, in the past
years, CEMAC has taken strong engagements to make free circulation of persons
and goods effective. In the mean time, nevertheless the are some heaviness on
the political will of the states members of the CEMAC and goes against the
efforts made for the free circulation. Concretely, these obstacles are
structural and manifest themselves by a deficit in of good governance in a
context of generalised corruption. These odds are equally linked to conjuncture
that contributed either to weaken the states of central Africa or to enhance
competitions and quarrels in the community. On the other hand,
socio-anthropological factors are contributing to draw back the sub regional
integration dynamism.
In this light, some scenarios can be made as to if effective
or not the free circulation in the CEMAC zone is. The «pessimistic»
scenario of the free circulation on the «break down»; the
«realistic scenario» which shows a progressive
effective circulation and the «optimistic» scenario, which gives
way to an effective free circulation. In addition, the «realistic»
scenario, which is the most plausible, can only be realised if the states
members of the CEMAC zone overcome some defies. The first of these
challenges is about rehabilitating the community spirit in the sub region in
order to get a better overview of the benefits of integration. Next, the
obvious following point is about multiplying the practice of good governance
trough the building up and the use of convincing mechanisms and the
harmonization of the budgetary policies. Last but not the least, it will just
be logical to replace the people at the heart of the integration process, this
can be made through a better implication of the private sector and of the civil
society in the community initiatives.
Key words: Sub regional integration,
free circulation, community, market, goods, persons, heaviness, perspectives,
world «conjuncture» good governance
Introduction Générale
Au lendemain de leurs accessions à
l'indépendance, les Etats africains se donnent pour objectif de
s'inscrire résolument dans un processus de développement
économique. Regroupés au sein de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA), les chefs d'Etat africains décident de mettre en oeuvre
une intégration régionale à travers une coopération
politique, juridique et économique afin de parvenir à un
développement collectif et harmonieux. De manière
concrète, cet objectif ambitieux se traduit par la création des
organisations sous-régionales constituées de dispositifs
institutionnels et des mécanismes juridiques garantissant
l'harmonisation des politiques nationales et l'élaboration des
stratégies de développement communes. A ce titre, les pays de
l'Afrique centrale, notamment, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la
République Centrafricaine (RCA) et le Tchad sont les précurseurs
de cette nouvelle approche. Ils signent le 08 décembre 1964 le
Traité instituant l'Union Douanière et Économique de
l'Afrique Centrale (UDEAC)1(*). La Guinée Equatoriale, quant à elle,
adhère à l'UDEAC le 1er janvier 1985, devenant ainsi
le sixième et dernier pays à faire son entrée dans
l'institution sous-régionale.
Cependant, la difficile conjoncture économique du
début des années 1990 a sonné le glas de l'UDEAC.
Après trente (30) ans de collaboration, les pays de l'union n'ont pas
réussi à mener à bien des politiques convergentes
favorisant la complémentarité des économies. Plus encore,
les Etats de l'UDEAC, marqués par des disparités
économiques à l'époque, étaient
préoccupés par le souci de consolider les unités
nationales en construction confrontées aux velléités
démocratiques. De même, l'insuffisance des moyens financiers a
conduit à la quasi inexistence d'un réseau de transport
transfrontalier. Autant de paramètres qui ont contribué à
la chute de l'UDEAC.
Née des cendres de l'UDEAC le 5 Février
19982(*), après la
ratification de ses instruments par les six Etats membres, la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) est
instituée par le traité du 16 Mars 1994 signée à
Ndjamena par les Chefs d'Etat des Républiques du Cameroun, du Congo, de
la Guinée Equatoriale, du Gabon, de la RCA et du Tchad. La nouvelle
institution sous-régionale a pour objectifs fondamentaux de rendre
effectives : l'harmonisation des politiques et l'élaboration d'un cadre
juridico-économique favorable à la relance de
l'investissement et surtout la réalisation d'un marché
commun.
Au regard de ces enjeux, la CEMAC est confrontée
à de nombreux défis et dans ce cadre, l'effectivité de la
liberté de circulation des biens et des personnes constitue un passage
obligé pour une intégration réussie, c'est-à-dire
facteur de développement pour les différents Etats. Seulement,
plus de 15 ans après le lancement de cette nouvelle initiative, force
est de constater que les objectifs initiaux sont loin d'être atteints. Au
contraire, l'ombre de l'échec de l'UDEAC plane sur la CEMAC, car les
résultats escomptés sont peu visibles. Aujourd'hui, plus que
jamais, il convient de jeter un regard à la fois rétrospectif, en
identifiant les raisons du retard accusé comparativement aux autres
entités du même type comme l'Union Economique et Monétaire
de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA), et perspectif en proposant quelques
orientations sur la façon de surmonter les obstacles inhérents
à la mise en place de la liberté de circulation des biens et des
personnes en zone CEMAC.
1. Contexte
Depuis la création de la CEMAC, le 16 mars 1994, les
pays de l'institution ont connu chacun des fortunes diverses. Cela s'est
traduit par des périodes de relative stabilité politique et/ou de
croissance économique soutenue et un environnement social acceptable.
Seulement la majeure partie du temps, les pays de la CEMAC se sont
confrontés à des crises politiques et socioéconomiques
conduisant à des conflits importants. Ce contexte a contribué
à pérenniser la pauvreté au sein d'une frange
considérable de la population de façon à la rendre
vulnérable. Aujourd'hui encore, des poches de tensions existent un peu
partout au sein de la zone CEMAC et les indicateurs socioéconomiques ne
sont pas toujours rassurants. Plusieurs paramètres, aussi bien internes
qu'externes, expliquent ce contexte. De même, pris
séparément, les situations se traduisent différemment au
Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, en RCA et au
Tchad. Afin de mieux saisir la réalité en zone CEMAC, il convient
de dissocier le contexte politique du contexte socio-économique.
a.
Contexte politique
Les pays de la sous-région Afrique centrale sont
réputés pour leurs climats politiques plutôt instables. Les
membres de la CEMAC n'échappent pas à cette
caractéristique et ce d'autant plus que la création de
l'institution n'a pas véritablement modifié cette tare, à
quelques rares exceptions près. De manière
générale, depuis 1994, le climat politique en zone CEMAC se
caractérise par des coups d'Etats ou des tentatives, des conflits
internes et transfrontaliers, des mutineries à répétition,
des élections sources de violences et de contestations, la situation des
droits de l'homme sujette à controverses. Ce contexte ne favorise pas
l'essor de la sous-région mais contribue à alimenter les craintes
des investisseurs et de la communauté internationale. Ainsi globalement
présentée, cette instabilité politique au sein de la zone
CEMAC se manifeste diversement dans chaque pays.
En ce qui concerne la situation politique au Tchad, le pays
est en proie à une guerre civile persistante dans la partie nord du
pays, et à une relation plus qu'hostile avec son voisin Soudanais. Ces
deux sources de conflits sont la résultante d'une lutte intestine pour
la conquête du pouvoir opposant principalement des entités
internes3(*). La situation
aurait été beaucoup plus périlleuse, fusse le soutien
indéfectible de la France au régime d'Idriss DEBY, notamment en
2006, pour repousser les assauts répétés de la
rébellion et les contenir au-delà de la frontière avec le
Soudan. Ainsi, l'essentiel des ressources internes du pays est destinée
à couvrir les frais de sécurisation du territoire,
d'approvisionnement des troupes et d'entretien de la garde républicaine.
La RCA elle, a amorcé en décembre 2008, un processus de paix par
la tenue d'un « dialogue national inclusif » sous
l'égide du Président de la République du Gabon de
l'époque, Omar BONGO. Aujourd'hui, le défi majeur est
l'organisation d'élections générales crédibles. Il
s'agit également de reconstruire une administration en totale
déliquescence depuis une décennie, minée par une
insécurité galopante, des mutineries, un coup d'Etat, et de
tensions politiques croissantes4(*). Ce pays est celui qui a le plus
bénéficié du soutien de l'institution
sous-régionale en matière de maintien de la paix par le moyen des
médiations ou de la mise à disposition des troupes pour la
sécurisation du territoire5(*).
Le Congo a connu pratiquement la même situation à
la fin des années 1990. En cause, une guerre civile en 1997
occasionnée par des élections présidentielles
contestées sur fonds d'enjeux économiques notamment,
l'exploitation des gisements pétroliers. Depuis lors, le pays est
relativement stable et semble sortir la tête de l'eau même si la
communauté internationale dénonce constamment des pratiques
électorales irrégulières et des « manipulations
constitutionnelles » permettant au régime de SASSOU NGUESSO de
se maintenir. Au Cameroun, les risques de guerres civiles sont moindres.
Néanmoins, des tensions persistent lors des consultations
électorales et le pays n'est pas à l'abri d'un
« dérapage à la congolaise ». D'ailleurs il
est important de préciser qu'après avoir connu un
« conflit » avec le Nigeria sur le différend
frontalier de la presqu'île de Bakassi, le Cameroun est confronté
à la menace des groupes rebelles et des milices armées qui
sévissent dans le golfe de Guinée et y installent un climat
d'insécurité. Quoiqu'il en soit, le pays est de manière
systématique indexé par les organisations de la
société civile (notamment Transparency International) pour la
corruption qui gangrène l'administration.
La situation politique au Gabon est l'une des plus stable de
la sous-région. Depuis, 1967 le pays a été maintenu en
paix par le régime de Omar BONGO ONDIMBA, et la transition
démocratique houleuse des années 1990 n'a pas eu d'impact majeur
sur la stabilité du pays. Aussi, depuis l'instauration de la CEMAC, le
Gabon fait figure d'épouvantail en matière de paix et ne se
montre pas réticent à accorder son aide auprès des autres
pays de la sous-région et même du continent. Malgré tout,
le pays est critiqué pour la gestion clanique du pouvoir et par la quasi
instauration d'un parti unique (le Parti Démocratique Gabonais) qui
empêche toute véritable transition démocratique.
Ce contexte est semblable à celui de la Guinée
équatoriale. Seul pays non francophone de la sous région, le pays
est contrôlé d'une main de fer par le régime du
président OBIANG NGUEMA et entretient des relations souvent difficiles
avec ses voisins, notamment le Cameroun (concernant la question du traitement
des immigrés) et le Gabon (à propos de l'île de MBAME). Ce
contexte politique des différents membres de la CEMAC a un impact
considérable sur le développement économique de ces pays
et de l'institution.
b.
Contexte socio-économique
Prises dans leur ensemble, les économies des pays de la
région présentent un paradoxe : d'une part la très forte
disponibilité des ressources naturelles et d'autre part, un rythme de
croissance économique atone. Cela est dû à la
médiocrité des infrastructures mais également à une
politique d'attraction des investissements peu efficace aussi bien dans les
différents pays de la zone, qu'au sein de l'organisation
sous-régionale. De même, la circulation des flux de biens et de
capitaux entre pays de la zone est quasi inexistante et les économies,
essentiellement agricoles et minières, sont concurrentes.
« Le transport de marchandises entre Douala et
N'Djamena coûte six fois plus cher qu'entre Shanghai, en Chine, et le
port de Douala. Il dure également deux fois plus longtemps :
soixante jours, contre trente jours »6(*).
De ce fait, l'intégration est peu avancée et la
compétitivité de la zone CEMAC est faible. A titre
d'illustration, le commerce intracommunautaire ne représentait,
entre 1994 et 2003, que 3,3% du volume des échanges des pays de la
sous-région7(*). La
majeure partie des échanges se fait avec l'Union Européenne (UE)
et avec la France, même si le poids de l'ancienne métropole tend
à se décliner progressivement et lentement au profit d'autres
pays de l'UE et des pays émergents (Chine, Brésil, Inde,
Turquie).
Pour autant, depuis 1994, c'est-à-dire après la
dévaluation du FCFA, le Gabon a connu le rythme le plus soutenu et le
plus uniforme de croissance économique de l'ensemble de la zone et ce
malgré un certain tassement en 1998 et une forte dépression dus
essentiellement aux fluctuations des cours du pétrole8(*). Moins dépendant du
pétrole, le Cameroun a connu un rythme de croissance plus
homogène et moins impressionnant9(*). En revanche le Congo10(*), eu égard à la dépendance
vis-à-vis du pétrole, en raison d'un contexte politique
agité a connu une période de récession durant la seconde
moitié des années 1990 et s'en remet tant bien que mal. Le
Tchad11(*) et la
RCA12(*) connaissent une
alternance de périodes de croissance et de forte récession durant
la même période. Enfin, la Guinée Equatoriale13(*) a été le pays
qui a connu la plus forte croissance de la sous-région en raison
notamment du démarrage de la production pétrolière.
Toutefois, il faut noter que la zone CEMAC subit également les effets de
la crise financière internationale de 2007 qui s'est muée en
crise économique internationale en 2008. Les partenariats
économiques en baisse, les investissements privés et publics
rares et les transferts de capitaux quasi-inexistants entraînent le
ralentissement des activités et du retard dans l'avancée des
chantiers économiques.
Quoiqu'il en soit, le principe de la libre circulation des
personnes et des biens, l'un des piliers de la communauté, est loin
d'être vécu dans les faits. Jusqu' à une période
récente14(*),
Où qu'ils se rendaient, Gabonais, Equato-guinéens devaient
obtenir un visa. D'ailleurs, l'entrée sur le territoire du Gabon ou de
la Guinée Equatoriale était soumise à la même
formalité. En revanche, par des décisions unilatérales
prises dans le cadre de la communauté économique des Etats de
l'Afrique Centrale (CEEAC), dont ils sont membres, le Cameroun, la
République Centrafricaine et le Congo avaient décidé en
Août 2004, de supprimer les visas pour les titulaires d'un passeport de
service ou diplomatique. Les autorités camerounaises et congolaises sont
allées plus loin en supprimant purement et simplement cette
formalité pour leurs ressortissants respectifs. Ainsi, entre le Cameroun
et le Congo, une pièce d'identité suffisait aux voyageurs des
deux pays pour passer les frontières. L'instauration du passeport
biométrique le 16 mars 2010 a permis d'harmoniser la législation
de libre circulation en zone CEMAC.
2. Délimitation de
l'étude
Cette étude sur la mise en oeuvre de la liberté
de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en CEMAC
doit nécessairement être délimitée par souci de
faisabilité et surtout d'efficacité. A cet effet, la
délimitation revêt trois dimensions : spatiale, temporelle et
matérielle.
a. Délimitation
spatiale
La CEMAC couvre un vaste territoire, une étendue de
près de 3 millions de Km2 15(*) qui contient six pays : le Cameroun, le Gabon,
la République Centrafricaine, le Congo, la Guinée Equatoriale et
le Tchad. Parmi ces pays, seuls le Tchad et la République Centrafricaine
ne disposent pas de façade maritime et sont enclavés. Le Cameroun
lui, est le seul pays qui dispose des frontières communes avec tous les
autres pays membres de la CEMAC. Il joue également le rôle
d'interface avec l'espace ouest africain. Par ailleurs, historiquement, il est
considéré comme la locomotive économique et politique
(à travers Douala et Yaoundé) de l'institution
sous-régionale, même si ce leadership est de plus en plus
contesté. Pour ces deux raisons au moins, il est le lieu indiqué
pour observer l'effectivité de la liberté de circulation des
biens et des personnes en Zone CEMAC. C'est également dans une zone
frontalière de ce pays qu'a été effectuée une
enquête de terrain pour mesurer l'état de la circulation des
biens, des personnes, des services et des capitaux en zone CEMAC. A cet effet,
nous avons choisi la ville de Kye-Ossi pour recueillir ces informations. Petite
bourgade frontalière du Cameroun avec le Gabon et la Guinée, elle
est au centre de nombreux échanges économiques mais
également culturels avec l'ethnie Béti (Ntumu) de par et d'autre
des frontières. Cela n'empêche que des enquêtes et des
recherches soient menées au sein des différentes
représentations diplomatiques des pays de la CEMAC au Cameroun.
b. Délimitation
temporelle
La mise en place de la libre circulation est un objectif
fondamental des pays de la sous-région depuis la création de
l'UDEAC jusqu'à ce jour. Seulement, par souci de faisabilité et
d'efficacité il nous apparaît nécessaire de restreindre
cette étude à la période allant de la création de
la CEMAC, le 16 mars 1994 au 16 mars 2010, date de l'instauration du passeport
communautaire biométrique. Cette période est marquée par
deux points d'ancrage : la date du 25 juin 2008, qui constitue un tournant
majeur avec la signature à Yaoundé du traité
revisité ainsi que les différentes conventions unissant les pays
de la zone ; le 17 Janvier 2010, avec l'aboutissement effectif au sommet de
Bangui de la première étape du programme de réformes
institutionnelles consacrant la fin du consensus de Fort-Lamy16(*). Autrement dit, nous nous
intéressons spécifiquement à l'impact de
l'avènement de la CEMAC sur la mise en place de la libre circulation au
sein de l'institution sous régionale.
c. Délimitation
matérielle
Afin de mieux cerner cette étude dont l'objet est de
faire une évaluation de l'intégration sous-régionale en
Afrique centrale et particulièrement en zone CEMAC, un détour par
certaines disciplines a semblé nécessaire. Essentiellement, il
s'agit du droit international, et notamment du droit communautaire qui nous a
permis de dégager les mécanismes juridiques et institutionnels
mis en place afin d'opérationnaliser la libre circulation des personnes
et des biens en zone CEMAC. En outre, les champs de la politique africaine, de
la géopolitique africaine, des politiques publiques, des sciences de
gouvernement comparé, et de la gouvernance économique, ont permis
d'avoir une approche évaluative de ce dispositif.
3. Définition des
concepts
Tout au long de notre étude, un certain nombre de
concepts qui peuvent susciter une incompréhension seront
utilisés. Aussi, il est donc approprié de définir le sens
qui leur sied dans le cadre de cette étude. Ainsi, nous avons
recensé deux concepts
majeurs : « l'intégration
sous-régionale », et « la liberté de
circulation » des biens et des personnes.
a. Intégration
sous-régionale
L'intégration sous-régionale a pour but de
mettre en place un espace économique supra-étatique. Il s'agit de
créer, faire fonctionner, maintenir et approfondir cet espace aux fins
de renforcer la solidarité économique et politique entre des
Etats. Sur le plan économique, les économies (structures et
comportements) doivent être intégrées, les ressources du
sol et du sous-sol, les facteurs de production doivent être
exploités de manière coordonnée et, pourquoi pas, commune.
Au niveau politique, il faut instituer un pouvoir de régulation commun
et acquérir un esprit communautaire.
« De manière synoptique, quand on parle
d'intégration, on vise un processus qui conduit à un plus grand
degré de concertation entre les acteurs, d'interconnexions entre les
unités et de diversification entre les activités créant un
processus de relative irréversibilité et permettant une plus
grande maîtrise des problèmes qui se posent à
l'échelle régionale. II suppose un transfert de
souveraineté et des structures institutionnelles »17(*).
Ainsi, l'intégration doit faire disparaître
progressivement entre deux ou plusieurs pays les discriminations qui existent
aux frontières nationales puisque celles-ci constituent
« l'origine de discontinuités dans les échanges
commerciaux, dans les mouvements des facteurs de production ou dans les
politiques économiques générales : on vise des
engagements plus poussés »18(*).
Selon la théorie de l'intégration19(*), on classe les
différentes étapes de l'intégration en fonction du type de
barrières supprimées. Au regard de la construction
européenne, l'exemple le plus courant, l'on distingue divers
degrés dans le processus d'intégration. La première
étape est l'institution d'une zone de libre échange qui est
l'intégration économique la moins intensive.
« Elle vise l'abolition des obstacles tarifaires
dans les échanges commerciaux, c'est-à-dire la suppression des
restrictions quantitatives et des droits de douane, mais chaque pays membre
demeure maître de sa politique douanière avec les pays
tiers »20(*).
L'étape suivante est l'instauration d'un tarif
extérieur commun, unique envers les pays tiers, à travers une
union douanière. « C'est la renonciation de toute
souveraineté en matière de politique
douanière »21(*). Il s'en suit la mise en place d'un marché
commun qui implique les deux premiers critères et s'étend
à la libre circulation des facteurs de productions mobiles
(travailleurs, capital, entreprise) en adoptant des politiques
économiques communes via des interventions gouvernementales
unilatérales22(*).
La quatrième étape est l'union économique qui vise
l'élimination de toute discrimination et l'harmonisation de certaines
législations nationales, des politiques économiques,
monétaires, fiscales, et sociales. Enfin, l'étape finale est
l'union politique, une renonciation des pays à une parcelle de leur
souveraineté en faveur d'une instance commune.
Dans le cadre de cette étude, l'intégration est
donc perçue comme le résultat d'un processus qui tisse des liens
sociaux, économiques et politiques dans un espace géographique
regroupant plusieurs Etats. A titre d'illustration, l'UE constitue un
modèle de construction d'un marché commun. Cette
intégration réussie n'est le fruit que d'un processus mené
de façon judicieuse23(*).
b. Libre
circulation
Le concept de « libre circulation » tire
son origine en France au 18e siècle, avec la
formulation de la première théorie du libre échange par un
groupe d'économistes, appelés les physiocrates, disciples de
l'économiste François Quesnay24(*). Les physiocrates affirmaient que la croissance d'une
nation passe par le libre jeu des lois naturelles du marché, sans aucune
intervention extérieure. La libre circulation des marchandises allait
donc de pair avec le principe de la liberté naturelle. Grâce au
libre-échange, chaque pays pourrait accroître ses richesses en
exportant sa production aux tarifs les plus bas et en achetant des biens
produits ailleurs à bon marché. Depuis, le concept a
évolué et s'assimile désormais à un droit
établissant la mobilité des biens, des investissements, des
travailleurs, des offres de service, et même la reconnaissance des
diplômes et des qualifications dans une zone géographique
précise. L'idée sous-jacente étant qu'on circule pour un
objectif précis.
Dans le cadre de notre étude, la libre circulation,
s'entend comme la faculté qu'ont les citoyens des Etats de la CEMAC
à aller et venir au sein de la zone, sans contraintes ni restrictions
particulières. Il s'agit plus de déterminer ce degré de
liberté, c'est-à-dire, identifier les facteurs qui entravent la
libre circulation des biens, et des personnes (voire des services et des
capitaux). Toutefois, le principe de libre circulation n'inclut pas forcement
le droit d'établissement ou de résidence qui permet à un
individu étranger de s'installer durablement dans un pays. Le droit
d'établissement s'érige donc comme l'aboutissement du principe de
la libre circulation.
4. Intérêt de
l'étude
L'étude sur les défis de l'intégration
sous-régionale en Afrique Centrale à travers la liberté de
circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en zone
CEMAC revêt un double intérêt.
a. Intérêt
scientifique
La CEMAC est issue de l'« échec »
de l'UDEAC, aussi, l'essentiel des oeuvres scientifiques aborde la question de
l'intégration sous-régionale en Afrique centrale sous l'angle de
la nécessité de la transition entre les deux institutions.
Concrètement, il s'agit pour la plupart de déceler et d'analyser
les différences, les avancées majeures, la mutation juridico
institutionnelle mise en oeuvre et l'opérationnalité de la
nouvelle institution. Peu d'ouvrages réalisent une évaluation de
la CEMAC, c'est-à-dire identifier les objectifs de départ et
constater s'ils sont en voie de réalisation ou non, quelles sont les
obstacles rencontrés et quelles solutions qui peuvent y être
implémentées.
Pour ces raisons, l'intérêt scientifique de
notre étude réside dans l'approche évaluative que nous
faisons de l'intégration sous-régionale en zone CEMAC. Elle
contribuera à déblayer le chemin des incertitudes et des
incompréhensions que peut susciter le retard accusé dans la mise
en place de la libre circulation des facteurs de production en zone CEMAC. Cela
dit, il y existe également un intérêt social.
b. Intérêt social
A considérer, comme beaucoup d'observateurs, que
l'intégration sous-régionale est une condition indispensable pour
le développement des Etats africains, et dont de leurs ctoyens, la
dimension sociale de notre étude se trouve ainsi justifiée. Dans
un contexte de lutte contre la pauvreté, notre étude, telle que
conçue, permettra aux populations de mieux saisir les
opportunités qu'offre l'instauration de la libre circulation en zone
CEMAC afin de satisfaire leurs besoins vitaux. Ce travail permettra
également aux décideurs de l'institution sous-régionale de
mieux saisir les enjeux et d'ajuster si nécessaire, les politiques et
mécanismes mis en oeuvre afin de les optimiser et atteindre les
objectifs initialement fixés dans le but d'opérer un
véritable changement social.
5. Revue de littérature
D'entrée, il convient de préciser que les
aspects liés à la liberté de circulation des biens et des
personnes en zone CEMAC sont très peu développés par la
communauté scientifique. La majorité des oeuvres abordent
l'intégration sous-régionale sous l'angle de la transition entre
l'UDEAC et la CEMAC. Elles s'attèlent à relever les raisons de
l' « échec » de l'UDEAC et la
nécessité de refonder les bases du processus d'intégration
sous régionale.
Toutefois, si l'on tente de procéder à une
brève description de la liberté de circulation en Afrique
centrale, nous nous accordons à la suite de Philippe HUGON pour dire
que, malgré une intégration sous-régionale
institutionnalisée, la zone CEMAC connaît un processus de
stagnation économique, de marginalisation internationale et de faible
intégration, tant au niveau des flux des marchandises, de capitaux, des
mouvements de facteurs que des transferts technologiques25(*). D'ailleurs, la mise en place
des désarmements douaniers avant les structures de production et les
infrastructures, constitue une raison de l'échec de ces unions
douanières. Pour Marc louis ROPIVIA, l'intégration
sous-régionale ne procède pas d'une volonté
intérieure partagée par tous les acteurs, elle n'est que
décrétée, d'où son échec lamentable en
Afrique centrale26(*).
Ainsi, la liberté de circulation prônée par les discours et
les politiques implémentées sont de véritables leurres qui
cachent une volonté politique balbutiante et des aspirations
divergentes.
En plus de remettre en question les progrès
occasionnés par l'institution sous- régionale, ces points de vue
tout à fait pertinents disposent néanmoins quelques limites. La
première consiste à penser que la création d'une
institution sous-régionale, notamment en Afrique centrale, ne serait que
le résultat d'une approche impérialiste. Certes, le
mimétisme institutionnel et des accords privilégiés avec
des anciennes puissances colonisatrices peuvent justifier cette thèse.
Il n'en demeure pas moins que l'initiative de créer une institution
sous-régionale reste l'expression d'un choix
délibéré, pris dans un contexte d'indépendance
nouvellement acquise. En ce sens, le paternalisme occidental et le
mimétisme n'auraient servi qu'à se doter d'une expertise,
quasi-inexistante, et d'une certaine crédibilité au sein de la
communauté internationale. D'autre part, le dispositif juridique et
institutionnel en faveur de la libre circulation, même s'il a
tardé à se mettre en place, répond aux standards de
l'intégration régionale27(*) et matérialisent de ce fait, la volonté
des dirigeants des Etats membres d'induire un processus irréversible
conduisant à la dissolution des frontières en zone CEMAC.
C'est dire que la mise en oeuvre de la libre circulation en
CEMAC ne se limite pas à la densification des instruments
légalo-institutionnels, mais doit également procéder
à la prise en compte d'autres paramètres moins sensibles à
la volonté politique des Etats membres. Pour Béatrice HIBOU, ces
facteurs se traduisent par le fait que les projets d'intégration, quels
qu'ils soient, ne mettent pas, par définition, l'accent sur les
principales sources de revenus des pays de la zone : les exportations de
produits primaires (miniers ou agricoles) à destination du reste du
monde. Etant donné leur niveau de développement et
l'étroitesse de leur marché, le dynamisme de ces économies
ne peut en effet provenir, dans un premier temps, que d`une reprise des
exportations et d'une bonne gestion de leurs revenus28(*).
Cette posture se vérifie d'autant plus que
l'hétérogénéité des intérêts
économiques de ces pays, due au nouveau contexte mondial enclin aux
enjeux pétroliers/miniers, ôte beaucoup de la pertinence
économique des projets d'intégration sous-régionale et
notamment de la mise en oeuvre de la libre circulation. Cette dernière
suppose l'existence d'intérêts communs entre les pays. Or ce sont
plutôt les divergences d'intérêts qui frappent
l'observateur.
Outre ces paramètres qui font obstacles à la
libre circulation en zone CEMAC, l'oubli des pays ayant un marché plus
significatif (comme la République Démocratique du Congo29(*)) n'est, ici, qu'un point
relativement secondaire. En revanche, le fait de négliger les
influences, sur les pays de la zone, de leurs voisins hors zone franc (et
particulièrement du Nigeria) et des autres institutions (notamment la
CEEAC30(*) et la
CEDEAO31(*)) remet en
cause la viabilité même de la libre circulation dans le contexte
actuel. Or, les flux d'échanges informels lient principalement les pays
de 1'ex UDEAC à des pays n'appartenant pas à ces unions (Nigeria,
RDC, Soudan, voire Afrique du Sud via les pays limitrophes).
Aujourd'hui, malgré un revirement de philosophie et de
stratégie, il ne serait pas hâtif de présager à la
CEMAC le même destin que l'UDEAC et ce, d'autant plus que la mise en
oeuvre de la libre circulation est heurtée à beaucoup
d'obstacles.
6. Problématique du
sujet
Compte tenu de toutes les difficultés inhérentes
au processus de mise en oeuvre de l'intégration sous-régionale en
Afrique Centrale depuis l'UDEAC jusqu'à la création de la CEMAC
en 1994, peut-on penser que les pays de la zone soient à même
d'aboutir à la libre circulation des facteurs avec les moyens et les
mécanismes dont ils disposent ? En d'autres termes, il est
question d'envisager une problématique de l'inadéquation entre
construction institutionnelle de la liberté de circulation des biens,
des personnes, des services et des capitaux en zone CEMAC et mise en oeuvre de
celle-ci.
7. hypothèses
Au regard de cette problématique, il en ressort un
certain nombre d'hypothèses : une hypothèse principale et
plusieurs hypothèses secondaires.
Ainsi, l'hypothèse principale est la suivante :
Ø La mise en place de la libre circulation en
Afrique centrale depuis la création de la CEMAC présente des
difficultés. Celles-ci sont liées à la prédominance
des pesanteurs structurelle, conjoncturelle et sociologique qui mettent
à l'épreuve la volonté politique brandie par les pays de
la sous région.
Afin de mieux cerner cette hypothèse principale, il en
découle des idées sous jacentes qui constituent des
hypothèses secondaires :
Ø L'existence des carences (normatives,
institutionnelles et infrastructurelles) relatives aux aspects fondamentaux du
processus d'intégration sous-régionale tant au niveau de
l'institution communautaire que des différents pays membres, fait
obstacle à la mobilité des biens et des personnes en zone
CEMAC ;
Ø Le poids économique de certains pays de la
zone CEMAC est sans cesse revalorisé du fait, notamment, de la
découverte et l'exploitation des nouveaux gisements miniers et
pétroliers. Ce nouveau contexte économique laisse place à
des pratiques protectionnistes et des querelles de leadership qui affectent la
libre circulation en zone CEMAC ;
Ø Certains traits socioculturels, voire
anthropologiques, des populations de la CEMAC constituent des obstacles
à l'effectivité de la libre circulation des biens, des personnes,
des services et des capitaux.
La vérification de nos différentes
hypothèses nécessite l'édification d'un cadre
méthodologique approprié.
8. Cadre méthodologique
Pour analyser de façon pertinente les informations que
nous avons recueillies sur le terrain, lors de nos différents
enquêtes, entretiens ou recherches, deux modèles
d'analyses ont été utilisé : la méthode
juridique et le structuro fonctionnalisme
La méthode juridique vise à donner une meilleure
interprétation des textes juridiques. Elle est donc appropriée
dans le cadre de cette étude qui sera traitée sous l'angle du
droit international et du droit communautaire. Ce modèle d'analyse
nous a permis de déceler le dispositif normatif relatif à la
circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux afin de le
confronter aux principes de la bonne gouvernance. En ce sens, le traité
de la CEMAC et la convention établissant l'Union Economique en Afrique
Centrale, ont constitué les principales sources de cette analyse.
L'analyse structuro fonctionnaliste est liée à
l'étude de la bureaucratisation, travaux de Max WEBER.
« Ce dernier avait mis en évidence trois types
d'autorités, s'incarnant dans des organisations diverses. Sur la base de
ses modèles théoriques (le triptyque autorités rationnelle
légale, traditionnelle et charismatique), il a tenté de cerner
les réalités empiriques des
organisations »32(*). TALCOTT PARSONS lui, décrit les organisations
comme des sous systèmes d'un système social environnant et
global. Chaque organisation reproduisant une structure sociale commune se
distinguant de ses voisines par les fonctions qu'elle met en oeuvre. Il
distingue spécifiquement quatre fonctions générales que
toute organisation assure : « une fonction de
stabilité normative (par laquelle elle guide l'action de ses membres),
l'adaptation par laquelle elle mobilise les ressources en vue d'objectifs),
l'exécution (par laquelle elle mène la réalisation des
objectifs) et l'intégration (par laquelle elle harmonise ses propres
éléments internes) »33(*). Dans ce cadre, la CEMAC est
une institution sous-régionale qui se distingue des autres par ses
règles, ses objectifs et leur réalisation. Mais le fonctionnement
de celle-ci est soumis à des contraintes liées à son
environnement économique, politique ou social. Cette analyse a donc
décrit l'attitude de la CEMAC face aux différents obstacles
rencontrés.
9.
Techniques de collecte de données
Pour parvenir à la réalisation de cette
étude, nous avons décelé les données et
informations nécessaires par le truchement des recherches approfondies,
des enquêtes, et dans une moindre mesure par l'observation. De ce fait,
le principal outil de collecte de données a été le guide
d'entretien que nous avons administré à un échantillon
précis. Compte tenu de la délimitation que nous avons
précédemment opérée, notre échantillon a
été constitué essentiellement des ambassadeurs (ou de
leurs représentants) des pays de la CEMAC au Cameroun, ainsi que le
service chargé de l'intégration régionale du
Ministère des relations extérieures du Cameroun. Ces derniers
nous permettront de dégager le point de vue des acteurs institutionnels
sur la liberté de circulation des facteurs. Une autre partie de cet
échantillon a été consacrée aux acteurs
économiques à travers les commerçants rencontrés au
marché frontalier de KYE OSSI. De même, dans la même
localité, nous nous sommes entretenus avec les différentes
autorités administratives afin de recueillir les impressions des
principaux concernés par les enjeux liés à la mise en
oeuvre de la libre circulation.
10. Articulation et justification
du plan
Notre étude s'étale sur deux parties.
Après une brève analyse des raisons de l'échec de l'UDEAC,
la première partie est consacrée à
l'opérationnalisation de l'intégration sous-régionale en
zone CEMAC et met en exergue un bilan mitigé. Aussi, cette partie se
décline en deux chapitres : le premier est consacré à
mettre en évidence le cadre juridique de la libre circulation en
CEMAC ; le second chapitre lui, évalue dans la pratique,
l'état de mise en oeuvre de la libre circulation en CEMAC.
La seconde partie quant à elle, traite des pesanteurs
et perspectives d'évolution de la liberté de circulation des
biens et des personnes en zone CEMAC. Aussi, dans un premier chapitre, il est
question de poser un diagnostic en analysant les obstacles majeurs du processus
de mise en oeuvre de la libre circulation. Par le même
procédé, dans un second chapitre, nous procédons au
décryptage des défis majeurs à réaliser de
façon à accélérer l'implémentation de la
libre circulation en zone CEMAC.
Quoiqu'il en soit, à travers une conclusion
générale, et à la lumière de nos enquêtes et
de nos recherches, nous mettrons en exergue les principales découvertes
sur les raisons du retard constaté dans la dynamique
d'intégration sous régionale en zone CEMAC. En outre, dans une
posture scientifique et sociale, nous dégagerons quelques solutions
concrètes et réalisables pour résorber les obstacles que
nous auront pu déceler.
PREMIERE PARTIE :
LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE L'OPERATIONNALISATION
DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE
CEMAC
L
e Traité instituant la CEMAC en 1994 marquait une
volonté des chefs d'Etats des six (06) pays de la zone de
réaffirmer l'ambition de l'intégration sous-régionale tout
en donnant une nouvelle impulsion au processus amorcé avec l'UDEAC.
Ainsi, la nouvelle initiative est basée sur les acquis d'une trentaine
d'années d'expérimentation de l'intégration en Afrique
centrale. En effet, l'UDEAC avait permis quelques avancées dans la
marche vers l'intégration. Dès décembre 1965, avait
été adoptée la convention commune sur les investissements
dans les pays de l'UDEAC (fondement des codes des investissements). Ensuite,
plusieurs dispositions fiscales ont été harmonisées
notamment : l'impôt sur le chiffre d'affaires intérieur
(1969), l'impôt sur les sociétés (1972), l'impôt sur
le revenu des personnes physiques (1977), l'assiette et le champ d'application
de l'impôt sur les revenus de capitaux et valeurs mobilières
(1977).
En réalité, depuis 1999, l'intégration
paraît avancée sur le papier en raison des multiples
décisions prises, mais la réalité en est toute autre du
fait de la faible application des décisions et de l'inefficacité
de certaines institutions sur les secteurs prioritaires nécessaires
à la libre circulation. Quoiqu'il en soit, de manière synoptique,
la coopération entre les Etats a progressé durant les quinze
dernières années mais le socle de la CEMAC, encore fragile, ne
permet pas ni la libre de circulation des biens et des personnes ni
d'accroître et d'optimiser les échanges :
« les acquis sont peu visibles par les citoyens
et restent réversibles et la comparaison avec l'UEMOA montre les retards
pris au sein de la CEMAC dans la marche vers
l'intégration »34(*).
En ce sens où en est l'intégration au sein de la
CEMAC ? Comment se compare le niveau d'avancement de cette intégration
par rapport à d'autres entités parties sur les mêmes bases
comme l'UEMOA, confrontées quasiment aux mêmes difficultés
et dotées des mêmes moyens, sinon moins ? Cette première
partie répond à ces interrogations, en s'appuyant sur l'examen du
bilan à mi-parcours de la CEMAC nécessaire pour comprendre la
situation actuelle de la dynamique d'intégration en Afrique centrale.
Chapitre 1.
Le
cadre juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des
avancées tangibles
L
a convention de l'UEAC adoptée le 05 juillet 1996 avait
développé un programme d'intégration sous-régionale
à mettre en oeuvre dès le lancement effectif des activités
de la CEMAC de façon à atteindre les objectifs économiques
majeurs que la communauté s'était fixée. Il s'agissait de
:
· Renforcer la compétitivité des
activités économiques et financières en harmonisant les
règles qui régissent leur fonctionnement ;
· Assurer la convergence vers des performances
soutenables par la coordination des politiques économiques et la mise en
cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique
monétaire commune ;
· Créer un marché commun fondé sur
la libre circulation ;
· Instituer une coordination des politiques sectorielles
nationales, mettre en oeuvre des actions communes et adopter des politiques
communes, notamment dans les domaines suivants : l'agriculture,
l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les
transports et les télécommunications, l'énergie,
l'environnement, la recherche, l'enseignement et la formation professionnelle.
Afin d'optimiser la réalisation de ces objectifs,
l'union économique a établit un programme échelonné
en trois étapes. Les deux premières étapes de cinq (05)
ans chacune seraient consacrées à développer les secteurs
prioritaires de l'intégration sous-régionale et la
troisième étape aurait été destinée à
résorber d'éventuels retards accusés. L'encadré 1
présente les objectifs de la première étape, qui visait
à renforcer le dispositif institutionnel et à initier les
réformes prioritaires.
Encadré 1 : Les objectifs de la première
étape du plan de Malabo : extrait de la Convention du 05 juillet
1996 régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC).
« Article 4 -Au cours de la première étape,
d'une durée de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur
de la présente convention et dans les conditions prévues par
celle-ci, l'Union Economique :
a) harmonise, dans la mesure nécessaire au
fonctionnement du marché, les règles qui régissent les
activités économiques et financières et élabore
à cet effet des règlementations communes ;
b) engage un processus de coordination des politiques
nationales, dans les secteurs suivants : l'agriculture, l'élevage, la
pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les transports et les
télécommunications ;
c) initie le processus de mise en place des instruments de
libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes,
notamment par une harmonisation de la fiscalité des activités
productives et de la fiscalité de l'épargne ;
d) développe la coordination des politiques
commerciales et des relations économiques avec les autres régions
;
e) prépare des actions communes dans les domaines de
l'enseignement, de la formation professionnelle et de la recherche ».
Source : Textes organiques, CEMAC, 1998.
A ce jour, seule la première étape s'est
déroulée de juin 1999 à janvier 2004, et un vaste
programme de réforme a été mis en place de juin
200535(*) à juin
2008 pour combler les lacunes déjà apparentes. Quoiqu'il en soit,
cette période a mis à jour quelques améliorations dans la
libre circulation notamment en ce qui concerne le dispositif institutionnel et
juridique de la CEMAC (Section I). Cette période a également
permis le développement de la coopération entre Etats membres de
la CEMAC (Section II).
Section I. Le renforcement du dispositif
juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation
Depuis le lancement des activités de la CEMAC en 1999,
des changements notables se sont manifestés par la création de
nouvelles institutions, le renforcement des entités existantes,
l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions juridiques notamment dans
le domaine fiscalo-douanier, tous en faveur de la libre circulation des biens
et des personnes.
Paragraphe 1. Le développement de la
réglementation communautaire sur la libre circulation
Le cadre juridique global de la CEMAC est défini dans
le Traité du 16 mars 1994, complété le 5 juillet 1996 par
un additif, et entièrement révisé le 25 juin 2008. Pendant
cette période, plusieurs conventions, actes, règlements,
décisions et déclarations ont participé au processus de
mise en oeuvre de la libre circulation. Deux textes majeurs marquent la
volonté des Etats de la sous région d'établir la libre
circulation. Il s'agit de l'acte additionnel de 2005, relatif à la libre
circulation des personnes en zone CEMAC, puis la mise en oeuvre, le 16 mars
2010, du Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 portant institution et
conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC.
A. l'adoption des accords bilatéraux sur la
libre circulation des personnes et des biens
En ce qui concerne l'acte additionnel du 29 juin 2005, relatif
à la libre circulation des personnes en zone CEMAC, la convention sur la
libre circulation des personnes et le droit d'établissement en zone
UDEAC en 1972 avait balisé le chemin. A la suite de multiples
concertations et d'accords, l'acte additionnel a permis, officiellement,
à une grande majorité des citoyens de la CEMAC de circuler
librement munis uniquement d'une pièce d'identité et/ ou d'une
carte de séjour. Ainsi, dans le cadre de la dite convention les citoyens
camerounais, centrafricains, congolais et tchadiens ont la possibilité
de se mouvoir dans l'espace géographique de ces quatre pays sans se
soumettre aux formalités nécessaires à l'obtention d'un
visa. Dans le même sens, une importante réglementation
fiscalo-douanière, des textes sur les pratiques commerciales et
anticoncurrentielles ont été mis en place pour assurer
l'égalité entre les entreprises de la zone, favoriser la
concurrence et le dynamisme du secteur économique.
Au demeurant, pour plus d'efficience, la convention sur la
libre circulation s'articule autour d'un certain nombre de mesures
destinées à établir un climat de confiance favorable aux
échanges dans la sous-région. Il ressort que depuis le lancement
des activités de la CEMAC, un important dispositif
juridico-institutionnel a été mis sur pieds pour
opérationnaliser la libre circulation. L'encadré 2, montre
quelques aspects de cette mutation.
Encadré 2 Panorama du dispositif
juridico-institutionnel pour favoriser la libre circulation.
Convention
Inter-états de transport routier de marchandises diverses
Règlement n °
9/99/UEAC-019-CM-02 relatif au traitement national à accorder
aux étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté
Directive n°
1/99-CEMAC-028-CM-03 portant Harmonisation des Législations des
États membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée
(TVA) et du Droit d'Accises (DA)
Règlement n°
17/99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la Charte des Investissements de
la CEMAC
Règlement N°
9/00/CEMAC-067-CM-04 portant adoption du réseau routier
intégrateur et prioritaire de la CEMAC
Règlement
N°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant Institution et Conditions
d'attribution du Passeport CEMAC
Règlement n °
4/99/UEAC-CM-639 portant Réglementation des Pratiques
Étatiques Affectant le Commerce entre les États membres
Décision
n° 03/CB/2000 du 24 Novembre 2000 portant fixation du prix de
vente des cartes roses
Acte Additionnel N°
11/00-CEMAC- CCE 02 fixant le Siège de la Bourse des Valeurs
Mobilières
Déclaration
sur la Banque de Développement des États de l'Afrique
Centrale relative aux moyens pour atteindre les objectifs du
développement des États membres et de l'intégration de la
Communauté
Acte
Additionnel N° 01/01-CEMAC-046-CE-03 portant modification de
l'Acte Additionnel n° 3/00/CEMAC-046-CE-03 du 14 Décembre 2000
instituant un Mécanisme Autonome de Financement de la
Communauté
Acte
Additionnel n° 02/01-CEMAC-066-CE-03 portant création d'une
Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC
Acte
Additionnel n° 03/01-CEMAC-CE-03 portant création de la
Commission de Surveillance du Marché Financier de l'Afrique Centrale
Directives
n° 02/06-UEAC-019-CM-14 portant organisation des Etudes
universitaires dans l'espace CEMAC dans le cadre du Système LMD
(Licence, Master, Doctorat)
Décision
n° 059/06-CEMAC-019-SE
Directives
n° 01/06-UEAC-019-CM-14 portant application du Système LMD
dans les Universités et Etablissements d'enseignement supérieur
de l'espace CEMAC
Décision
n°12/06-UEAC-160-CM-14 portant création d'un Comité
de Suivi de la mise en oeuvre du Programme régional de facilitation des
transports et du transit en zone CEMAC
Recommandation n° 04/07-UEAC-046 U-CM-16 Relative
à l'amélioration du fonctionnement du FODEC
Directive
n° 04/07-UEAC-070 U-042-CM-16
Relative
au Suivi-évaluation des mesures adoptées dans le cadre de la
Libre Circulation en zone CEMAC
Décision
n° 99/07-UEAC-070 U-042-CM-16
Portant création d'un comité de suivi et d'évaluation dans
le cadre de la Libre Circulation en zone CEMAC
Source : journal officiel de la CEMAC.
B. La libéralisation du passeport
communautaire
Lorsqu'en 1999, l'idée du passeport CEMAC avait
été évoquée, les objectifs étaient de
faciliter la circulation d'une catégorie de citoyens (Diplomates,
fonctionnaires de la communauté, hommes d'affaires, responsables de
cultes religieux et étudiants). Depuis 2000, il a été
décidé de son extension à tous les citoyens de la
sous-région, sans exclusion. Cette ultime étape devait, selon les
économistes, permettre non seulement de créer une vaste aire
économique, mais surtout une intégration régionale, qui
à terme devrait conduire vers la création d'une union
économique et d'un marché commun.
Depuis l'adoption le 20 juin 2008 du règlement
n°01/08-UEAC-042-CM-17 portant institution et conditions de gestion et de
délivrance du passeport communautaire, le processus s'est
accéléré. Selon ce règlement, il est
institué au sein de la communauté, un passeport
biométrique CEMAC dans ses trois composantes : ordinaire, de
service ou diplomatique. L'article 02 affirme que : « le
passeport CEMAC confère à son titulaire le droit de circuler
librement, sans visa, au sein de l'espace CEMAC. A cet effet, il tient lieu
également de pièce d'identité. Le passeport CEMAC est un
document de voyage international pour les ressortissants des Etats
membres ». Avec l'instauration de ce règlement, le 16 mars
2010, les chefs d'Etats de la sous-région ont voulu rendre effectif le
principe de la libre circulation à travers la multiplication des
échanges économiques et culturels.
Un processus qui parait d'autant plus facile que la
sous-région bénéficie de la parenté des populations
de différents pays, mais aussi de la transnationalité de nombreux
groupes ethniques (FANG au Cameroun et au Gabon, BAYA et BOUM en RCA et au
Cameroun, TOUPOURI et MOUNDANG au Cameroun et au Tchad...). Une
spécificité qui fait que de part et d'autres des
frontières, les populations parlent quelquefois la même langue,
ont quasiment les mêmes cultures traditionnelles, patrimoniales,
alimentaires, et même religieuses.
Dans la même dynamique, le renforcement du dispositif
juridique en faveur de la mise en oeuvre de la libre circulation s'est
accompagné d'une densification institutionnelle.
Paragraphe 2. Densification du panorama institutionnel pour la
libre circulation : la consécration de la nouvelle philosophie de
la CEMAC
A la différence de l'UDEAC, la CEMAC consacre un
dispositif institutionnel renforcé pour faciliter la mise en oeuvre de
la libre circulation des biens et des personnes. Celle-ci se matérialise
par la création d'organes dits
« spécialisés » auxquels ont
été assignés des échéances et objectifs
précis. Les Etats membres entendent ainsi impulser une dynamique
irréversible aboutissant à une intégration
sous-régionale effective à moyen terme.
A. Création des institutions
« spécialisées »
Dès le lancement effectif des activités de
l'institution sous-régionale, les Etats membres de la CEMAC ont voulu
affirmé leur volonté de procéder à une
réelle mise en place de la libre circulation des biens et des personnes.
Au-delà du dispositif normatif, des organes consacrés à la
planification, l'assainissement et le suivi des politiques et instruments
destinés à l'effectivité de l'intégration
sous-régionale, ont été mis en place.
Il s'agit notamment de la Commission Bancaire de
l'Afrique Centrale (COBAC) qui a été créé pour la
construction d'un marché financier et surtout l'assainissement des
pratiques bancaires au sein de la communauté, dans un contexte de pleine
expansion des entreprises de microfinance et des dispositifs juridiques
nationaux défaillants. L'action de la Commission de Surveillance du
Marché Financier (COSUMAF) s'inscrit dans le même ordre
d'idée. Elle est spécialisée dans la surveillance des
pratiques anticoncurrentielles au sein de la zone de façon à
accroitre la compétitivité des produits CEMAC, et à
augmenter l'importance de la circulation des flux des biens de production.
Deux autres organes ont été mis en place pour
opérationnaliser le principe de la libre circulation à travers
des projets concrets et visibles. Ainsi dans ce cadre, le Programme Economique
Régional (PER) s'affirme que l'organe sur lequel repose la politique
globale d'intégration sous-régionale en zone CEMAC. Ce programme,
initialement prévu pour la période 2008-2015 s'inscrit dans le
cadre d'une vision à l'horizon 2025. Date qui constitue l'étape
ultime de la construction du marché unique africain. Par ailleurs, le
Fonds de Développement de la Communauté (FODEC)36(*) a été
créé afin de faciliter le financement des projets
intégrateurs prioritaires. S'il est plus un dispositif qu'un organe, le
FODEC est constitué de soixante dix (70)% de la Taxe Communautaire
d'Intégration qu'il repartit entre la compensation des pertes
douanières et le financement des chantiers favorisant
l'intégration sous-régionale.
B. Assignation d'objectifs ciblés
La nouvelle vision de la CEMAC projette de créer entre
les six Etats membres, un espace communautaire cohérent, plus solidaire,
plus attractif et compétitif qui s'insère dans l'économie
mondiale et procure aux populations un niveau de vie plus satisfaisant. Aussi,
au-delà des politiques globales à long termes prévus dans
les textes fondateurs desdits organes spécialisés, plusieurs
objectifs concrets ont été assignés. En ce qui concerne la
mise en oeuvre de la liberté de circulation, il a été
requis par la conférence des chefs d'Etat, une construction des voies de
communication communautaires.
Il s'agit notamment du bitumage d'un réseau routier
régional de huit (08) tronçons :
· Maroua (Cameroun) - Ndjamena (Tchad) 280 km ;
· Sangmelima (Cameroun) - Souanké/Ouésso
(Congo) 650 km ;
· Yaoundé/Bertoua (Cameroun) - Berbérati
(RCA) 313 km ;
· Bata (Guinée Equatoriale) - Kribi/Douala
(Cameroun) 280 km ;
· Mouila/Ndendé (Gabon) - Dolisie/Brazzaville
(Congo) 601 km ;
· Libreville/Medouneu (Gabon) - Akurenam/Evinayong
(Guinée Equatoriale) 280 km ;
· Bossembélé/Bossangoa/Békay (RCA) -
Mbaïkoro (Tchad) 483 km ;
· Ouesso/Bomassa (Congo) - Bayanga/Nola/Mbaïki (RCA)
700 km.
Le coût total de réalisation (construction,
réhabilitation ou renforcement) de ce vaste chantier a été
estimé à 1272 milliards de FCFA37(*). Le projet s'inscrit dans le cadre du PER
élaboré à la conférence de Bata de 2005. C'est
également dans cette perspective, qu'il a été mis en
oeuvre le projet de création d'une compagnie aérienne
communautaire (Air CEMAC) ainsi que la densification du réseau
ferré (axe Yaoundé-Ndjamena). Ainsi, au prix de nombreuses
réformes, la CEMAC a multiplié la création des
institutions et a renforcé les capacités de celles
préexistantes, toutes participent à l'opérationnalisation
de la libre circulation des biens et des personnes.
Section II. Le développement de la
coopération entre Etats membres de la CEMAC
La CEMAC a considérablement amélioré le
cadre conceptuel, institutionnel et les réglementations communautaires
de la sous-région. Au delà de cette évolution, nous avons
pu constater une multiplication des concertations traduisant le
développement de la coopération entre les Etats membres de
l'institution sous-régionale. Ces efforts sont également dus
à la participation d'autres acteurs au projet communautaire tels que
parlementaires, et le secteur privé. Ainsi, a t-on pu noter
l'aboutissement de la réforme fiscalo douanière qui a
été réalisée avec succès et qui permet un
allégement de la fiscalité dans la zone CEMAC par la suppression
de plusieurs taxes intermédiaires et l'instauration au sein de la zone
d'une taxe unique sur le chiffre d'affaires (TCA) et sur la valeur
ajoutée (TVA). Les pays de la CEMAC ont aussi, depuis quelques
années, mis en place un dispositif de surveillance multilatérale
qui a pour objectif la coordination des politiques économiques
(budgétaires et monétaires) afin de favoriser la convergence
nominale des économies de la zone. Au demeurant, deux aspects majeurs
permettent d'apprécier ladite évolution : il s'agit du
renforcement de l'intégration économique par la mise en place
d'un marché commun et de l'institution d'un mécanisme autonome de
financement des projets communautaires.
Paragraphe 1. La mise en place des bases d'un marché
commun
En plus des acquis de l'UDEAC, la CEMAC s'est attelée
à mettre en oeuvre un marché commun fondé sur la libre
circulation. L'UDEAC avait permis de jeter les bases de la création
d'une zone de libre échange qui est l'intégration
économique la moins intensive38(*). L'adoption d'un Tarif Extérieur Commun (TEC)
et unique envers les pays tiers en 1993 a établit une véritable
union douanière. C'est-à-dire la renonciation de toute
souveraineté des pays membres en matière de politique
douanière et le premier pas vers le marché commun.
A. Le renforcement de l'union douanière :
l'adoption du Tarif Extérieur Commun
L'expression Tarif Extérieur Commun traduit
l'application au sein des Etats membres de la CEMAC d'une union
douanière, c'est-à-dire un même tarif aux marchandises
originaires des pays tiers. Il ressort de cette définition deux
conséquences d'une part, les Etats membres de l'union douanière
adoptent une même nomenclature tarifaire et statistique
c'est-à-dire, un même système de désignation et de
codification des marchandises et d'autre part, ces Etats appliquent aux
marchandises originaires des pays tiers, les mêmes droits d'entrée
(ou droit de porte ou droit de douane) selon une classification
prédéfinie. La classification est une tâche technique qui
consiste à répartir les produits en différentes
catégories suivant des critères préalablement
définis, à chaque catégorie correspond un niveau de
fiscalité bien déterminé :
· Catégorie 0 (biens sociaux relevant d'une liste
limitative) ;
· Catégorie 1 (biens de première
nécessité, matières premières de base, biens
d'équipement, intrants spécifiques) ;
· Catégorie 2 (produits intermédiaires
c'est-à-dire des produits ayant subi un début de transformation
et nécessitant un apprêt avant tout usage) ;
· Catégorie 3 (biens de consommation finale et les
autres produits non repris ailleurs).
En UEMOA ce tarif est de 1% pour la catégorie 0, 6%
pour la catégorie l, 11% pour la catégorie 2, 21% pour la
catégorie 3. En CEMAC, il est actuellement de 5.10, 20 et 30% mais en
passe de se cantonner à 0, 2, 10 et 20%39(*). Quoiqu'il en soit, le taux du tarif des douanes
applicable aux produits d'origine communautaire est de zéro. Le TEC de
la CEMAC a quatre composantes. Il s'agit :
· du droit de douane ;
· du droit d'entrée ;
· de la taxe sur le chiffre d'affaire à
l'importation ;
· de la taxe complémentaire.
Les trois premiers sont communs aux Etats et le dernier
dépend de chaque pays où elle constitue un moyen de protection
supplémentaire. Cette politique commune en matière de
tarification externe vise entre autres : la promotion et la protection de
la production communautaire ; l'ouverture de l'union vers
l'extérieur ; la lutte contre le détournement de trafic.
Néanmoins, le TEC peut être assoupli selon deux modalités
principales : les régimes de préférences (à
l'instar des accords de partenariats économique entre l'UE et les Etats
de l'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique) et les contingents
tarifaires40(*) (à
l'exemple des politiques entreprises par la CEMAC pour limiter les effets de la
crise alimentaire en 2008).
B. Valorisation des
produits CEMAC et amorce d'un marché financier
Depuis décembre 2000, l'UEAC est officiellement une
zone de libre échange et la révision du TEC en 2001, puis en 2002
a entériné l'union douanière et
accéléré l'intégration économique. En effet,
l'union douanière a établit des conditions favorables permettant
la croissance des échanges intra-régionaux grâce au
désarmement douanier et à la mise en place d'une protection
commune à l'égard des pays tiers. Par cette discrimination face
aux pays tiers, les produits locaux sont valorisés et les investisseurs
des pays membres bénéficient d'une grande mobilité au sein
de la communauté. De cette manière, les échanges se
développent et le tissu économique devient homogène, se
densifie et surtout se diversifie. Cela est d'autant plus vrai que des
règles communes ont été adoptées en matière
d'investissement et de concurrence (charte d'investissement41(*) et OHADA42(*)). Une autre conséquence
de cette évolution est la création du label « produit
CEMAC »43(*) qui
a donné une certaine visibilité des produits de la
sous-région dans le marché mondial.
En ce qui concerne le secteur financier, Les Etats membres ont
consenti d'importants sacrifices pour l'assainissement du système
bancaire. La mission de contrôle confiée à la
COBAC44(*) a pu assainir
le secteur bancaire. En outre, la charte des investissements a mis un place un
marché financier pour renforcer la mobilisation de l'épargne en
faveur de l'investissement. De même, l'assainissement de la gestion dans
le secteur des assurances et de la sécurité sociale en les
soumettant au contrôle des organismes régionaux, tels que la
Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance (CIMA) pour les
assurances et la Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale
(CIPRES) pour les organismes de sécurité sociale, a fournis des
résultats considérables en faveur de la libre circulation tel que
l'adoption de la Carte rose (carte d'assurance en zone CEMAC).
Paragraphe 2. L'institution d'un mécanisme autonome de
financement
Que l'on se trouve en Europe, aux Amériques ou en Asie,
le financement constitue la problématique fondamentale de
l'efficacité des communautés d'intégrations
régionales. En effet, le fonctionnement des institutions communautaires,
les investissements dans les projets et chantiers intégrateurs, la
compensation des pertes de ressources financières pour les Etats membres
qui accompagnent souvent la mise en oeuvre des politiques communautaires (comme
le tarif extérieur commun), exigent une source de financement suffisante
et pérenne. Tirant leçon de l'échec des mécanismes
antérieurs45(*), le
principe de la Taxe Communautaire d'intégration (TCI) a
été adopté pour asseoir le financement des
activités de la CEMAC sur une garantie d'autonomie financière. En
effet, l'implémentation d'un mode de financement stable s'imposait
à la CEMAC compte tenu de l'envergure de ses objectifs. La TCI a
été adoptée par l'Acte additionnel du 14 décembre
2000, pris à Ndjamena et reprécisée par l'acte additionnel
du 8 décembre 2001 pris à Yaoundé. Elle a
été consolidée par l'acte additionnel du 28 janvier 2004,
pris à Brazzaville.
A. La Taxe Communautaire d'Intégration :
un mécanisme de financement simple
Le mécanisme de la TCI est fondamentalement simple
à mettre en oeuvre. Le principe est le suivant : toutes les
importations de produits en provenance de pays tiers (hors Communauté),
n'ayant pas conclus des accords privilégiés avec un membre de la
communauté ou ne faisant pas l'objet d'une disposition fiscale
spéciale (comme les produits pétroliers), sont soumis à
une taxe dont le taux est de 1%. Le produit annuel de cette taxe est
entièrement reversé dans un compte spécial ouvert à
la BEAC. Les ressources de la TCI sont destinées, d'une part, à
couvrir les dépenses de fonctionnement de la CEMAC (Commission, organes
et institutions spécialisées) et, d'autre part, à financer
les compensations et à constituer des dotations au FODEC.
En ce qui concerne le FODEC, institution qui a pour objectif
majeur de faciliter la libre circulation, l'essentiel des ressources de la TCI
y est destinée. En effet, selon les dispositions en vigueur, 30% de la
TCI devraient servir à la couverture des dépenses de
fonctionnement des institutions de la CEMAC et 70% de la TCI devraient
alimenter les comptes du FODEC. De manière précise, 40% des fonds
FODEC doivent servir à financer la compensation des pertes de recettes
douanières par certains Etats, du fait de l'application du tarif
extérieur commun et 60% des fonds FODEC doivent aller au financement des
projets intégrateurs comme le réseau routier régional.
B. l'impact de la TCI dans le processus de mise en
oeuvre de la libre circulation
L'adoption de la TCI correspond à une nette
amélioration du financement des institutions, par rapport à la
période d'exercice de l'UDEAC. Qui plus est, la prise en charge des
fonctionnaires de la CEMAC et des institutions spécialisées est
mieux organisée46(*). A titre d'illustration,
« en 2004, les ressources collectées par
les Etats, au titre de la TCI étaient estimées à 14.579,8
millions FCFA. Les dépenses de fonctionnement des organes et des
institutions de la CEMAC étaient évaluées à 9.269,0
millions FCFA. Le rendement du mécanisme TCI permet ainsi, s'il
fonctionne correctement, de garantir la couverture des charges de
fonctionnement de la CEMAC. Depuis 2002, le total des contributions (y compris
les arriérés) s'élève à 32 milliards F
CFA »47(*).
Comme le montre le graphique 1, la quasi-totalité des
institutions de la CEMAC est financée par la TCI (environ 15
institutions en novembre 2005) hormis les institutions de l'UMAC et de la
BDEAC.
Graphique1: Budgets des organes et institutions
spécialisées de la CEMAC 2005 : montant total
12.781.965.976 FCfa
Source : Agence comptable de la CEMAC : Contribution des
Etats aux budgets des organismes de la CEMAC Décembre 2005.
Toutefois, bien que le cadre conceptuel, les
réglementations communautaires, la coopération entre les Etats
membres soient assez développés et complets, le processus
d'intégration sous-régionale n'a pas produit à ce stade
les résultats attendus. Les synergies utiles n'ont pas toujours
été mobilisées avec la volonté suffisante pour
organiser une véritable complémentarité des outils et
moyens d'assurer une libre circulation effective. L'application des
dispositions communautaires par les Etats Membres est imparfaite, qui plus est,
les velléités protectionnistes actuelles de certains pays membres
ont sapé les efforts consentis depuis des décennies.
Chapitre II.
L'opérationnalisation de la libre circulation en zone
CEMAC à l'épreuve des défaillances
avérées.
E
n dépit des progrès réalisés
depuis l'institution du traité CEMAC, force est de constater que la
libre circulation des biens et des personnes est très peu effective et
son application reste confrontée à de nombreux obstacles. Cette
défaillance met en évidence un bilan mitigé qui se traduit
par deux indicateurs majeurs : la non réalisation des objectifs
fixés par la nouvelle institution sous-régionale et la faiblesse
de l'esprit communautaire entre pays membres. Ces deux paramètres
concourent de manière significative au retard accusé dans le
processus de mise en oeuvre de la libre circulation comparativement à
d'autres communautés comme celle de l'Afrique de l'Ouest (l'UEMOA)
où l'intégration progresse plus vite et se met en oeuvre à
pas de géants. Concrètement, la mauvaise implémentation du
plan d'action de Malabo et la non application des décisions
communautaires ont participé à la limitation de la libre
circulation. De même, l'existence des velléités
protectionnistes et les dysfonctionnements du mécanisme de financement
ont considérablement réduits l'ampleur des projets
intégrateurs. En ce sens les perspectives de l'intégration
sous-régionale en Afrique centrale ne sont pas très
reluisantes.
Le graphique 2 compare par exemple les indices
d'intégration48(*)
entre 1994 et 1999 de différentes communautés mesurés par
la Commission Economique des nations unies pour l'Afrique (CEA). Par rapport
aux autres institutions sous-régionales du continent, l'on
s'aperçoit que la CEMAC a régressé comparativement
à d'autres communautés.
Graphique 2 : Evolution de l'indice
d'intégration des communautés économiques
régionales africaines (Indice 1994 = 100)
Source : Commission Economique pour l'Afrique, Etat de
l'intégration régionale en Afrique, 2004
Quoiqu'il en soit, ces chiffres s'expliquent car les objectifs
initiaux fixés par la convention établissant l'union
économique n'ont pas été atteints (Section I) et l'esprit
communautaire en zone CEMAC se réduit à une peau de chagrin
(Section II).
Section I. La non réalisation des objectifs
fondamentaux de la CEMAC
L'un des objectifs majeurs fixé par l'union
économique à l'occasion du sommet de Malabo en juillet 1996
était la création d'un marché commun fondé sur la
libre circulation. Manifestement jusqu'au 16 mars 2010, cet objectif a
tardé à s'appliquer. En cause, le dévoiement du plan
d'action de Malabo et la non application des décisions de la
communauté qui ont suivi.
Paragraphe 1. Le plan d'action de Malabo
dévoyé
Le plan d'action de Malabo avait envisagé
l'effectivité de l'intégration sous-régionale en zone
CEMAC à l'horizon 2010. En ce sens le nouvel espace
socioéconomique devait participer à la réduction de la
pauvreté et à l'insertion de la zone CEMAC dans le marché
mondial à travers la production de richesses et l'accroissement des
échanges. Quelques temps avant l'échéance que le sommet de
Malabo s'était fixé, les objectifs ambitieux sont loin
d'être atteints. En fait, le plan d'action de Malabo a montré ses
limites bien plus tôt.
A. Echec de la première étape du plan
d'action
La première étape de cinq (05) ans à
compter du lancement des activités de la CEMAC (c'est-à-dire de
1999 à 2004) n'a pas pu être menée à terme.
Même si plusieurs mesures favorisant la libre circulation ont
été prises dans le sens des objectifs de cette première
étape comme précédemment démontré,
très vite des difficultés sont apparues. Concrètement il
s'agissait notamment de la multiplication des pratiques commerciales
anticoncurrentielles, de la détérioration des relations
économiques entre pays membres (leurs économies sont devenues
concurrentielles au lieu d'être complémentaires), le retard pris
dans la mise en oeuvre des instruments de libre circulation des biens, des
services, des capitaux et des personnes, notamment par la non
effectivité de l'harmonisation de la fiscalité des
activités productives et de la fiscalité de l'épargne.
Avec le bilan négatif de la première
étape, la CEMAC a retardé de façon judicieuse
l'opérationnalisation de la seconde étape couvrant la
période 2004-2009, dont les objectifs sont présentés par
l'encadré 3.
Encadré 3 : objectifs de la deuxième
étape du plan d'action de Malabo
« Article 5 : Au cours de la deuxième
étape, d'une durée de cinq ans à compter de la fin de la
première étape, et dans les conditions prévues par la
présente Convention, l'Union Economique :
a) établit, entre ses Etats membres, la libre
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ;
b) met en oeuvre des actions communes dans les domaines
cités à l'article 4 alinéa b de la présente
Convention ;
c) engage un processus de coordination des politiques
sectorielles nationales en matière d'environnement et d'énergie
;
d) renforce et améliore, en vue de leur interconnexion,
les infrastructures de transport et de télécommunications des
Etats membres. »
Source : Textes organiques, CEMAC, 1998.
B. l'implémentation d'un Programme de
Réformes Institutionnelles
Après plusieurs missions d'audit organisationnel et
institutionnel, les autorités de la CEMAC ont établi en juin 2004
un bilan mitigé de la première étape du plan d'action de
Malabo et ont initié un Programme de Réformes Institutionnelles
(PRI) de trois (03) ans, sous la direction du président de la
république de Guinée Equatoriale, ayant pour but de mettre en
place les mécanismes permettant d'assurer la libre circulation. Deux
axes majeurs de réforme ont été identifiés : le
premier étant consacré au réaménagement
institutionnel en vue du renforcement de la cohérence du dispositif
communautaire, avec trois grands pans. Il s'agit notamment du renforcement des
rôles, des pouvoirs et des capacités des instances communautaires
(véritables mécanismes d'injonction et de sanction mis en
place) ; de l'élaboration d'un Programme Economique Régional
(développement des infrastructures régionales) ; la
transformation, à l'horizon 2008, des institutions
spécialisées en centres d'excellence régionaux (avec
financement autonome). Cet axe a aboutit à la transformation du
Secrétariat Exécutif en Commission en 2008. Le second axe du PRI
avait pour objectif de mener à une répartition plus
équilibrée des postes de responsabilité au sein des
grandes institutions. Cette phase supposait la nomination d'un Commissaire par
Etat membre dans la Commission de la CEMAC, la généralisation
progressive des principes de concurrence et de rotation dans la nomination
à tous les postes de responsabilité et un gouvernement de la BEAC
où chaque pays nomme un représentant. Cette phase a aboutit le 17
janvier, au sommet de Bangui, à l'adoption du principe de rotation des
dirigeants des institutions spécialisées.
Quoiqu'il en soit, la mise en oeuvre de ces réformes
institutionnelles exige l'application stricte des décisions
communautaires. Ce qui n'est pas chose acquise.
Paragraphe 2. La non application des décisions
communautaires
Depuis l'instauration du traité CEMAC, il est
indéniable que le dispositif règlementaire pour la libre
circulation au sein de la communauté s'est densifié. En ce sens,
l'on ce serait attendu à ce que les résultats soient probants. La
réalité en est autre. Contrairement à la période
UDEAC, des mesures adéquates, innovantes et nécessaires ont
été prises pour mettre en oeuvre la libre circulation.
Semblablement à la période UDEAC, ces décisions ne se sont
pas appliquer du fait de lacunes institutionnelles. De ce fait, les changements
sont peu visibles par les populations. Il en résulte que la non
application des décisions communautaires constitue une entrave majeure
au processus d'intégration sous-régionale.
A. L'infertilité des instruments
d'intégration
Un conseil extraordinaire des ministres en charge de
l'intégration a été organisé en juin 2005 lors de
la conférence de Bata, uniquement pour faire le point sur la non
application des textes par les Etats Membres. Il en ressort que le champ des
décisions non appliquées couvre un large spectre des instruments
d'intégration dont se sont dotés les Etats, mettant en
péril le processus de mise en oeuvre de la libre circulation.
D'ailleurs, dans son rapport bilan de l'année 2004, le
Secrétariat Exécutif de la CEMAC (devenu commission), affirme que
« Les entorses à l'application des codes et
règlements fiscalo-douaniers, les entraves tarifaires et non tarifaires
au commerce intra-régional, l'observation insuffisante des règles
d'origine et des dispositions communautaires sur la réglementation de la
concurrence, constituent des dérives dangereuses qui, si l'on y prend
garde, peuvent entraîner l'effondrement de tout l'édifice en
construction »49(*).
A titre d'illustration l'encadré 07 montre quelques
décisions dont la non application au 25 juin 2008, porte un
préjudice au processus de mise en oeuvre de la libre circulation.
Encadré 4 : Quelques décisions non
appliquées ou projets en retard
Textes/Décisions
|
Etat d'application
|
Conséquences
|
Règlement N°1/00-CEMAC-042CM-04 portant
Institution et
Conditions d'attribution du Passeport CEMAC
|
· Démarches entreprises par la commission de
la CEMAC.
· Non mise en oeuvre par les Etats.
|
· Persistance de besoins de visa entre certains Etats
Membres.
· Difficulté de libre circulation des
ressortissants de la communauté dans la zone.
· Retard dans la construction du marché
commun
|
Acte Additionnel n° 3/00 CEMAC046-CM 05 instituant un
mécanisme autonome de financement de la Communauté
Acte Additionnel N° 01/01-CEMAC046-CE-03 portant
modification de l'Acte
|
· Mise en oeuvre tardive au niveau des Etats
(2002).
· Respect partiel des
engagements et exécution
très différenciée dans le
reversement de la Taxe
Communautaire
d'Intégration (TCI).
|
· Difficultés de fonctionnement du
Secrétariat Exécutif de la CEMAC.
· Difficulté de financement des projets
communautaires due à la faiblesse du FODEC.
|
Règlement N° 7/00/CEMAC-062CM-04 adoptant l'Accord
Intergouvernemental portant création du Centre Sous-Régional de
Maintenance des Télécommunications des pays d'Afrique Centrale
Membres de la CEEAC.
|
·Non encore opérationnel.
· Coût de maintenance
des équipements de
télécommunications.
|
· Difficulté de formation
du personnel à la maintenance.
|
AIR CEMAC
Acte Additionnel n° 02/01-CEMAC066- CE-03 portant
création d'une Compagnie Communautaire de Transports Aériens en
zone CEMAC.
|
· De nombreuses démarches entreprises.
· Mise en oeuvre tardive du projet du fait des
discussions des Etats à propos de la forme juridique, du partenaire
privé. et du siège social de la structure.
|
· Difficulté de transport entre les Etats ;
Freine les relations commerciales intracommunautaires.
· mauvaises performances des
Compagnies nationales, manque de réseau ferroviaire, de
routes bitumées inter-états et d'interconnexion de réseau
des télécommunications.
|
Source : Secrétariat Exécutif de la CEMAC,
Février 2004.
L'ampleur de ces décisions communautaires non
appliquées ou de manière tardive met en évidence des
lacunes dans leur processus d'implémentation. Responsabilité qui
incombe à l'organe administratif de l'institution, le secrétariat
exécutif devenu commission, mais aussi aux gouvernements des Etats
membres de la CEMAC.
B. Les carences institutionnelles de la
CEMAC
La non application des instruments d'intégration est en
grande partie due à la défaillance des autorités en charge
de les implémenter. De façon concrète, les
décisions majeures sont prises à l'occasion des sommets
ordinaires (une fois l'an par la conférence des chefs d'Etats) et
extraordinaires (en cas d'extrême nécessité et sur demande
du tiers de la conférence des chefs d'Etats soit deux présidents)
mais le principe de l'immédiateté de la décision
communautaire est très peu respecté. A titre d'illustration, l'
Acte
Additionnel n° 02/01-CEMAC-066-CE-03 portant création d'une
Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC a
été pris en 2001, et jusqu'en janvier 2010, la CEMAC n'a pas
pu s'accorder sur la forme juridique de « Air CEMAC », ni
sur l'identité du partenaire privé investisseur, ni sur le taux
de participation des Etats membres et encore moins sur le siège social
de la future entreprise. De même, le
Règlement
N°9/00/CEMAC-067-CM-04 portant adoption du réseau routier
intégrateur et prioritaire de la CEMAC pris en 2000, est pour l'instant
demeuré au stade de projet pour la majorité des tronçons
routiers. Certes pour ces cas sus évoqués, la mobilisation de
l'expertise technique et des moyens financiers conséquents
nécessite une certaine marge de manoeuvre.
Pourtant, d'autres décisions qui n'exigent pas autant
d'investissement mais plus une bonne méthode (étude d'impact,
réalisation du projet, suivi et évaluation) et une volonté
certaine, sont tout aussi difficiles à s'appliquer. Exemple : la
Directive
n° 04/07-UEAC-070 U-042-CM-16 de 2007,
relative
à la création d'un comité de suivi-évaluation des
mesures adoptées dans le cadre de la libre circulation en zone CEMAC
n'est intervenue que deux ans après l'adoption de la convention sur la
libre circulation. En outre d'autres décisions prises semblent
inopportunes. Ainsi, a t-on pu assister à la création d'un
comité de suivi de la mise en oeuvre du programme régional de
facilitation des transports et du transit50(*) en zone CEMAC alors que le transport
inter-états est quasi inexistant. Il aurait été plus
judicieux de créer d'abord des infrastructures de transport avant de
créer un comité en charge de faciliter la circulation des
flux.
Dans tous les cas, les décisions communautaires prises
trouvent très peu d'échos au sein des citoyens de la CEMAC. Le
processus de prise de décision est très lent, et l'application y
est tardive. C'est dire que le suivi des décisions par le
secrétariat exécutif ou la commission est déficient. Il en
va surtout de la responsabilité des gouvernements des Etats membres de
concrétiser leurs propres volontés en appliquant simplement les
actes pris à l'occasion des rencontres communautaires.
Au-delà de la mauvaise implémentation du plan
d'action de Malabo et de la non application des décisions communautaires
qui ont participé à la limitation de la libre circulation,
d'autres indicateurs permettent également de relativiser le bilan de la
CEMAC, il s'agit en l'occurrence de la faiblesse de l'esprit communautaire.
Section II. La faiblesse de l'esprit communautaire
L'esprit communautaire s'apparente à un sentiment
d'appartenance à un groupe social, économique, culturel et/ou
politique. Bien plus, il traduit le besoin de partager les mêmes
intérêts, d'avoir des objectifs communs et faire face à des
défis de manière solidaire tout en consentant des sacrifices
réciproques. Dans le cadre de la CEMAC, cet esprit communautaire a
montré ses limites à bien des égards. La non
effectivité de la libre circulation a mis à jour des pratiques ou
des comportements, de la part des Etats membres de la communauté, sujets
à enfreindre la dynamique d'intégration. Aussi, la persistance
des velléités protectionnistes et le dysfonctionnement du
mécanisme de financement constituent les principaux indicateurs de ce
déficit d'esprit communautaire.
Paragraphe 1. De l'existence des velléités
protectionnistes51(*)
La construction des institutions sous-régionales, que
l'on soit en Afrique ou ailleurs, a pour conséquence inéluctable
d'entamer les souverainetés des Etats membres, même dans les
secteurs stratégiques tels que la défense ou la justice. Aussi,
jaloux de cette souveraineté, certains pays ont tendance à
recourir à des pratiques protectionnistes pour conserver une certaine
marge de manoeuvre dans la gestion de leurs Etats. A titre d'illustration, nous
pouvons relever en UE : les pratiques de la France concernant la politique
agricole commune ; les pratiques de l'Allemagne en ce qui concerne la
politique industrielle de l'Europe ; le refus du Royaume-Uni d'adopter la
politique monétaire de l'union.
Tout comme en UE, les pratiques protectionnistes persistent en
zone CEMAC. En soit, ces pratiques sont considérées comme
« courantes» dans les moeurs des institutions supranationales et
il suffit juste d'en limiter les risques d'implosion et de les réguler.
Le problème en CEMAC est que ces velléités
protectionnistes ont touché les secteurs prioritaires et indispensables
de la dynamique d'intégration comme la libre circulation. Il s'agit en
l'occurrence de la persistance des visas entre Etats membres jusqu'en mars
2010, et l'apparition de querelles de leadership au sein de l'institution.
A. Persistance des visas en zone CEMAC
Jusqu'en mars 2010, certains pays membres de la CEMAC
exigeaient l'obtention d'un visa pour entrer sur leurs territoires, à
savoir le Gabon et la Guinée Equatoriale. En effet, avec l'exploitation
de leurs ressources minières et pétrolières, le Gabon et
la Guinée équatoriale sont certainement les deux pays qui ont les
populations les plus aisées si l'on tient compte du PIB/habitants Ces
performances macro-économiques n'ont cessé d'attirer les
populations voisines souvent à la recherche d'emploi, provoquant de
temps en temps des actes de xénophobie. L'exemple
équato-guinéen est patent sur cet aspect quant on sait que des
milliers de Camerounais ont été expulsé à plusieurs
reprises dans des conditions parfois inhumaines. Ces pays ont longtemps
évoqué le déficit de sécurité comme
principale raison de leur réticence à lever le verrou des visas
à l'entrée de leur territoire. En réalité, d'autres
raisons peuvent expliquer ce choix. Il s'agit essentiellement du souci de
préserver le tissu socio-économique de leurs populations.
En soi, il n'existe pas de problème à ce qu'un
pays exige l'obtention d'un visa pour y séjourner, c'est un attribut de
sa souveraineté et il en va de sa pérennité. Cette
situation devient un obstacle lorsqu'elle perdure dans une zone où les
frontières créées ne retranscrivent pas les
véritables moeurs des populations. Or, celles-ci devraient plutôt
jouer un rôle intégrateur important dans la zone. Dans un espace
ayant vocation à être un marché commun, la persistance des
visas, de par son aspect procédurier, a nuit gravement à la
mobilité et surtout à la fluidité des facteurs de
productions (personnes, biens, services et capitaux). Dans ces circonstances,
la production des richesses a été fortement compromise et a
entamé le spectre du développement. Les textes relatifs à
la mise en place de la libre circulation sont déjà en place avec
notamment l'adoption du passeport communautaire. C'est dire simplement que la
libre circulation ne se limite pas qu'à ces aspects
juridico-institutionnels.
B. Apparition de querelles de leadership
Les questions économiques sont le terreau des querelles
de leadership au sein de la zone CEMAC. Pour illustrer ces divergences, nous
avons immédiatement à l'esprit l'existence de deux bourses
sous-régionales de valeurs en CEMAC, l'une à Douala et l'autre
à Libreville, autrement dit dans les deux puissances économiques
de la sous-région. Douala Stock Exchange (DES) a été
créée le 1er décembre 2001 à la suite d'une
décision du président camerounais Paul Biya, la bourse des
valeurs de Douala a été inaugurée le 23 avril 2005. D'un
capital de 1,2 milliard de francs CFA, cette bourse a enregistré sa
première cotation fin mai 2006. Pour sa part, la bourse de Libreville au
Gabon, connue sous le nom de Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique
centrale (BVMAC), a débuté ses activités en février
2006, alors qu'elle avait été créée le 27 juin
2003. Elle est encore à l'emprunt obligatoire de l'Etat gabonais,
estimé à 100 milliards de francs CFA, tandis que la Douala Stock
Exchange compte trois sociétés cotées. La création
de ces deux organismes serait la résultante d'une querelle entre le
président camerounais et son homologue gabonais de l'époque, sur
le motif que le siège de la bourse régionale aurait
été attribué à Libreville a l'issu d'une
conférence de chefs d'Etat (où le président camerounais
était absent) sans tenir compte de l'envergure du secteur privé
du Cameroun. Quoiqu'il en soit, cette situation ubuesque démontre
à quel point les divergences handicapent fortement le processus
d'intégration à travers la libre circulation des services et de
capitaux puisque les deux bourses n'ont pas véritablement pris
d'ampleur. Ainsi, le projet d'unification de la bourse de valeur
régionale à l'issu du sommet de janvier 2010 peut s'avérer
salvateur, encore faut-il que les leaders de la sous-région s'accordent
sur les modalités pratiques. Dans le même sens, tous les pays de
la CEMAC qui disposent une façade maritime, ont des infrastructures
portuaires en concurrence qui attirent les mêmes types de produits et se
disputent les parts de marché de l'import-export sous
régional.
Outre la bourse de valeur régionale et les
infrastructures portuaires, les pays de la CEMAC n'ont pas
« parlé » d'une même voie dans le cadre des
négociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE). Le
Cameroun a signé un accord intermédiaire de façon
séparée en décembre 2007. Les autres pays sont en
négociation individuelle. Or les retombés de cet accord
influencerons radicalement l'environnement économique de la
sous-région quant on sait que les APE ont pour principal effet de
réduire considérablement les avantages concurrentiels en Europe
des produits CEMAC entre autres.
Paragraphe 2. Des dysfonctionnements du mécanisme de
financement de la CEMAC
L'effectivité de la libre circulation des personnes,
des biens, des services et des capitaux tient en grande partie à la
réalisation des projets intégrateurs. Il en va de soit que la
réussite du processus d'intégration est conditionnée par
une source de financement suffisante, pérenne et équitable. Par
la mise en place du mécanisme de la TCI, les pays de la CEMAC ont
marqué leur ambition de disposer d'un mode de financement adapté
à leurs objectifs définis dans le plan de Malabo. Seulement, si
le principe de la TCI apparait adéquat, elle n'a pas produit les effets
escomptés. Trois principales raisons expliquent ce dysfonctionnement. En
premier lieu, il s'avère que le principe de collecte, de
prélèvement de la TCI soit inadapté et laisse
l'opportunité aux Etats de ne pas s'y conformer. En deuxième
lieu, le reversement de la taxe lorsqu'il est effectif, est partiel et tardif.
Enfin, l'essentiel de la taxe communautaire est destinée au financement
du fonctionnement des organes et institutions spécialisées au
détriment des projets intégrateurs.
A. Un principe de collecte inadapté
Depuis la mise en oeuvre de la taxe communautaire
d'intégration en décembre 2000, plusieurs manquements ont
été constatés, au niveau des Etats Membres, dans le
prélèvement de la TCI. Ceci se traduit par plusieurs
phénomènes, notamment :
· Le refus de prélever
séparément la TCI au cordon douanier ;
· Le refus de reverser les prélèvements
de TCI effectués ;
· Le refus d'autoriser et d'effectuer le débit
automatique du produit de la TCI ;
· La distraction d'une partie de la TCI
collectée.
La TCI constitue un levier pour l'intégration, en
pénalisation les importations au profit des échanges
intra-communautaires. En ce sens, le mécanisme de la taxe communautaire
repose sur un principe essentiel, celui de la richesse et du poids
économique de chaque pays, à travers leur PIB. Ainsi,
l'équité est à la base du système de
prélèvement de la TCI. Cependant ces principes sacrosaints
d'équité et de solidarité sont remis en cause du fait des
exonérations sur les produits destinés au secteur
pétrolier, qui constituent une part prépondérante de
l'économie des Etats membres. Cela est d'autant plus important que tous
les Etats membres de la CEMAC, au-delà de leur qualité de pays
producteurs, sont également de grands importateurs de produits
pétroliers du fait de leur incapacité de transformation. Ainsi,
la prise en compte de toutes les exonérations sur les importations dans
la détermination de la TCI fausse l'esprit d'équité de ce
mécanisme de financement, et oblige à des
rééquilibrages par des contributions supplémentaires pas
toujours évidentes à mettre en oeuvre.
A cet effet, le graphique 3 montre que la TCI reversée
par certains pays (notamment la Guinée Equatoriale et le Tchad)
apparaît relativement faible au regard de leur poids économique,
ceci étant dû aux exonérations sur les produits
pétroliers et les biens destinés au secteur pétrolier.
Graphique 3 : Part relative en pourcentage du PIB de
la CEMAC et de la contribution des Etats (2004)
Source : Diagnostic organisationnel et
institutionnel de la CEMAC février 2006 Performances Management
Consulting - ECDPM
B. Le reversement partiel et tardif des contributions
des Etats membres
La difficile mise en oeuvre de la
libre circulation en zone CEMAC est également imputable au reversement
partiel et tardif par les Etats membres de leurs contributions. Le reversement
de la TCI collectée par les Etats, à la commission de la CEMAC,
est effectué de manière anachronique et en deçà des
prévisions budgétaires. A titre d'illustration, les recettes TCI
non reversées à la CEMAC au 30 juin 2006 s'élevaient
à 33,9 milliards de FCFA52(*). En réalité, le versement des
contributions en retard est devenu la règle. En fait, les
régularisations s'effectuent le plus souvent à la veille des
sommets afin d'éviter d'éventuelles sanctions et de
réaffirmer son « idéal communautaire ». De ce
fait, l'essentiel des contributions des Etats membres se fait sous forme de
régularisations. La conséquence inéluctable est que
l'institution ne dispose pas en temps opportun des ressources
nécessaires à son bon fonctionnement, et encore moins au
financement des projets intégrateurs. Ainsi, pour les onze premiers mois
de l'année 2005, les institutions de la CEMAC ont reçu pour
environ 8,2 milliards FCFA de TCI, pour des dépenses
budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA53(*).
Quoiqu'il en soit, il faut noter que le leadership non
assumé du Cameroun en matière de reversement de la TCI constitue
un blocage majeur pour la CEMAC. Sur les 32,8 milliards
d'arriérés accumulés de 2002 à octobre 2005, 20
milliards, c'est à dire 61,7% du montant, serait du seul fait du
Cameroun. Tous les autres pays de la zone sont dans la même dynamique
à l'exception du Congo, pays qui s'avère être le seul
respectant scrupuleusement le mécanisme de financement depuis 2002. Ce
qui est à indexer est que les arriérés n'ont cessé
d'augmenter alors que la CEMAC nourrissait plein d'ambitions par la mise en
oeuvre de la première étape du plan d'action de Malabo.
D'ailleurs, le graphique 4 montre avec plus de lisibilité, l'ampleur du
phénomène.
Graphique 4: évolution des
arriérés de 2002 à 2005 (en milliards de FCFA)
Source : Audit organisationnel et institutionnel de
la CEMAC
C. La dotation de l'essentiel des contributions au
fonctionnement des institutions
La conséquence directe d'un mécanisme de
collecte inadapté et du reversement tardif et partiel de la TCI est
certainement l'affectation des ressources disponibles au fonctionnement des
organes et institutions spécialisées au détriment de
l'alimentation du FODEC. Le Secrétariat Exécutif est donc
amené à effectuer des versements au fur et a mesure des
contributions des Etats, avec des ressources souvent inférieures aux
besoins de trésorerie des différentes institutions de la CEMAC.
Le Secrétariat Exécutif est ainsi obligé d'effectuer des
arbitrages au quotidien sur les actions à maintenir et celles à
décaler, ce qui rend extrêmement difficile la mise en oeuvre
cohérente du plan d'activité et du budget de la CEMAC. Ces graves
dysfonctionnements au niveau du mécanisme de la TCI remettent en cause
la raison d'être même de la CEMAC, le seul financement du
fonctionnement des institutions ne pouvant être une finalité.
A titre de comparaison, le financement des organes et
institutions de l'Union Européenne en 2006 ne représentait que
5,4% du budget de l'institution. L'UEMOA étant plus proche de la CEMAC,
la comparaison des deux zones peut paraître plus pertinente que celle
faite avec l'Union Européenne, pour des raisons de différence
d'échelles des bases sur lesquelles sont assis les mécanismes de
contribution aux budgets communautaires et surtout de différence de
niveau de développement. A l'UEMOA donc, le financement effectif des
organes et institutions en 2005 ne représentait que 41% des 50 milliards
de F CFA du budget de 2005, 43% étant consacré au fonds de
compensation et 17% au Fonds d'Appui à l'Intégration
Régionale (FAIR, équivalent du FODEC). Or, la même
période, comme précédemment démontré, le
reversement de la TCI suffit à peine pour le budget de fonctionnement
des institutions de la CEMAC (8,2 milliards FCFA de TCI, pour des
dépenses budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA).
Cette deuxième comparaison permet d'avoir une idée du gouffre qui
sépare la CEMAC et l'UEMOA en ce qui concerne l'esprit communautaire. De
même, elle permet de réaliser l'importance des efforts à
faire et du chemin à parcourir en vue d'aboutir à la libre
circulation.
DEUXIEME PARTIE :
PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LIBERTE
DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE CEMAC
D
urant ces quinze dernières années, la CEMAC a,
tant bien que mal, densifié son dispositif juridique et son panorama
institutionnel afin de favoriser l'effectivité de la libre circulation
des biens, des personnes, des services et des capitaux en Afrique centrale.
Seulement, si à ce jour le bilan est mitigé malgré la
récente entrée en vigueur du passeport communautaire et d'autres
mécanismes en ce sens, c'est dû à la
prééminence de certains obstacles. Ces pesanteurs
conjoncturelles, structurelles voire socio anthropologiques mettent à
mal la volonté politique affichée par les six (06) Etats de la
zone CEMAC. Ceci, n'exonère pas pour autant ces pays de la
responsabilité de la lenteur du processus d'intégration
sous-régionale sous le prisme de la libre circulation des facteurs de
production.
En réalité, en Afrique centrale, l'on a toujours
pensé que le processus d'intégration sous-régionale ne se
réduisait qu'à des entraves juridiques ou institutionnelles.
Certes, sa réussite est liée non seulement à la
volonté des Etats mais également à la faculté de
ces derniers à mettre en oeuvre des politiques communes. Ce qui suppose
des institutions fortes tant à l'échelle nationale qu'au niveau
de l'organisation communautaire. Mais au-delà de ces mesures, il est
également important de replacer les populations au coeur du processus
d'intégration car ce sont elles les principales concernées par
cette dynamique. Autant de défis qui s'imposent à ce jour
à la CEMAC. Quoiqu'il en soit, opérer un diagnostic de la libre
circulation des biens et des personnes en zone CEMAC, consiste à
étayer les causes de la prééminence des obstacles à
l'effectivité de l'intégration sous-régionale en Afrique
centrale. Cette démarche permet d'envisager de manière efficace
les perspectives d'évolution de la libre circulation et les défis
à relever afin de parvenir au mieux à une intégration
effective et harmonieuse.
Au demeurant, quelles sont ces pesanteurs qui entravent la
mise en oeuvre de la libre circulation en zone CEMAC ? Comment expliquer
leur quasi-immuabilité face à la volonté politique brandie
par les Etats ? Quels défis pour la CEMAC ? La seconde partie
répond à ces interrogations afin de permettre une meilleure
perception des perspectives d'évolution de la dynamique
d'intégration sous-régionale en Afrique centrale.
Chapitre 3.
Les pesanteurs de la libre circulation en zone
CEMAC : prééminence des obstacles majeurs
L
'Afrique centrale, et plus précisément la zone
CEMAC est l'un des espaces communautaires où il y a le moins
d'échanges de facteurs de production54(*). Or, les pays de l'Afrique centrale sont de loin les
précurseurs des initiatives d'intégration sous-régionale.
Aujourd'hui, après plus de quarante (40) années
d'expérimentation, le tissu économique de la zone CEMAC est
encore distendu. De même, il ressort que la mobilité des personnes
et des biens entre pays de la CEMAC reste faible malgré
l'implémentation des mesures incitatives. L'actualité
récente nous en fournit quelques preuves notamment avec l'adoption du
passeport communautaire le 16 Mars 2010, et l'installation du parlement
communautaire le 14 Avril 2010.
Cette déroute du processus d'intégration
sous-régionale à travers la mise en oeuvre de la libre
circulation semble porter les gènes de l'UDEAC, ceci, majoré
à des éléments nouveaux et inédits. Même s'il
faut reconnaitre que la réévaluation des objectifs fixés
par les Etats membres de l'institution communautaire, du fait du passage d'une
union douanière à une union économique et
monétaire, a créé son lot de complications. Ces nouveaux
paramètres propres aux structures étatiques, à la
reconfiguration du contexte politique et socio-économique, ou à
l'érection d'autres critères jadis négligés, ont
tous contribué à restreindre l'effectivité des mesures
prises par les dirigeants de la CEMAC. Ce paradoxe révèle
simplement que la volonté politique, quand elle existe, peut être
assujettie à des variables qui réduisent son champ d'influence.
Il ne se pose plus un problème de volonté politique
défaillante mais bien une question d'opportunité politique des
décisions prises.
Quoiqu'il en soit, l'examen approfondi de la libre circulation
des biens et des personnes, en zone CEMAC met en exergue plusieurs obstacles
qui entravent le processus amorcé depuis une quinzaine d'années.
Aussi, ces blocages affectent la faisabilité politique des
réformes en zone CEMAC (Section I). De même, la conjoncture en
Afrique centrale constitue une source de déstabilisation du processus
d'intégration sous-régionale (Section II). Enfin, des
critères socio-anthropologiques, qui ont longtemps été
écartés des préoccupations des dirigeants,
s'érigent en de véritables obstacles (Section III).
Section I. La faisabilité politique des
réformes en Zone CEMAC
Dans le cadre de cette étude, nous avons
analysé la lenteur de la dynamique d'intégration
sous-régionale sur d'autres aspects que ceux qui incriminent
systématiquement la volonté politique des dirigeants. Pour
autant, les acteurs politiques, depuis la naissance de l'UDEAC jusqu'à
ce jour, ont opéré des choix, par laxisme ou par ignorance, qui
ont entrainé cet état de fait. Ainsi, la faisabilité
politique des réformes en CEMAC est fortement édulcorée
car toutes les conditions n'ont pas été réunies. Au
demeurant, depuis le lancement officiel de la CEMAC, les Etats membres de
l'institution sous-régionale font preuve d'un déficit de bonne
gouvernance et d'une incapacité à mettre en place des
économies complémentaires afin d'affronter sereinement les
défis de la mondialisation.
Paragraphe 1. Un déficit de bonne gouvernance
A l'instar de BEKOLO EBE55(*), nous pouvons dire que, l'intégration
régionale n'est pas uniquement un simple acte de construction d'un
espace politique ou économique, encore moins d'un marché, mais un
profond processus de modification et de transformation structurelle qui
s'opère au sein d'un espace régional formé de plusieurs
pays, et qui est en mesure de déclencher le développement social
et économique de ces pays de manière durable. Ceci suppose des
efforts concertés, l'implémentation des mécanismes et
réformes adéquats dans un climat propice au développement
économique.
« Pour réussir, les initiatives
d'intégration régionale doivent s'accompagner d'une gestion
publique de qualité et de mesures d'application au niveau national. Sans
une volonté ferme de mise en oeuvre au niveau national, il ne peut
guère y avoir de progrès au niveau sous-régional. Ne rien
faire, ou ne pas faire assez, pour exécuter au niveau national les
programmes convenus peut sérieusement compromettre l'entreprise
d'intégration »56(*).
En CEMAC, les réformes initiées tardent à
produire leurs effets d'autant plus qu'elles s'intègrent dans un
contexte de corruption généralisée. La liberté de
circulation des biens et des personnes s'en trouve donc fortement
compromise.
A. L'initiation des
réformes sans résultats probants
Depuis 1994, la CEMAC a profondément
réformé ses institutions, ses organes et son fonctionnement pour
redynamiser le processus d'intégration sous-régionale. Ces
réformes visant la densification du panorama institutionnel, à
travers le réaménagement des organes de base ou la
création des institutions spécialisées, en faveur de la
libre circulation des biens et des personnes n'ont pas produits les effets
escomptés à ce jour.
En réalité, aussi bien le comité
ministériel (UMAC), le conseil des ministres (UEAC) que la Commission
qui a remplacé le secrétariat exécutif, n'ont aucun
pouvoir réel d'injonction et restent assujettis à
l'autorité et aux désidératas de la Conférence des
chefs d'Etat. Ils ne se limitent qu'à mettre en oeuvre des
décisions prises et dans une moindre mesure, à proposer des
pistes d'orientation des activités de la CEMAC. Pourtant, leur
proximité et leur haute technicité, même
présumée, les place au coeur des enjeux de la dynamique
d'intégration sous-régionale. C'est par eux que peuvent survenir,
les mécanismes intégrateurs probants. Encore faut-il qu'ils aient
les moyens de les réaliser. C'est le cas de la TCI dont, à
regarder de plus près, le financement permet principalement le
traitement des frais de fonctionnement des institutions de la CEMAC et la
compensation des pertes douanières à travers le FODEC.
Encadré 5: calcul de la valeur réelle du
TCI destiné au financement des projets intégrateurs
On l'a dit 70% de la TCI est destinée au financement du
FODEC et 30% aux frais de fonctionnement des institutions de la CEMAC.
Soit X = montant alloué au FODEC
X=70%TCI
40% du FODEC est destiné à la compensation des
pertes douanières des Etats (Y).
40 x 70 TCI
10000
Soit Y = 40%X = = 28 % TCI
60% du FODEC est destiné au financement des projets
intégrateurs ainsi qu'aux frais de fonctionnement de la dite structure
(Z).
60 x 70 TCI
10000
Soit Z = = 42% TCI
TCI enregistrée année 2004 = 14 579 800
F CFA
Z= 14 579 800 x 42% =
6 123 516 F CFA
Source : Nos propres recherches
Cet encadré montre l'impact réel du FODEC dans
l'implémentation des projets intégrateurs. Comment peut-on
aboutir à une libre circulation effective avec un budget propre de moins
de 7 milliards de FCFA par an lorsque la seule la construction d'un
réseau routier communautaire nécessite déjà 1272
milliards de FCFA ? Ceci ajouté au fait que les
arriérés de contribution des Etats membres sont souvent
considérables.
Outre le fait que le mécanisme de financement des
projets intégrateurs de la CEMAC ne soit pas assez efficace, il faut
souligner que l'institution sous-régionale n'a pas
intégré, dans ses réformes, l'impact
socioéconomique des voisins comme le NIGERIA, la RDC, ou l'ANGOLA et n'a
pas défini clairement le champ de ses relations avec la CEEAC.
« En plus du manque
ou du retard dans l'application des décisions, s'ajoutent la multitude
d'accords auxquels font face les pays. On pourrait prioritairement citer la
coexistence de la CEEAC qui se veut non seulement plus large et plus englobant
dans la grande Afrique centrale, mais qui n'est pas très
différente de la CEMAC vu ses missions, ses institutions et ses projets.
La CEEAC ne viendra redynamiser le processus d'intégration en Afrique
centrale que s'il n'existe pas de conflits d'objectifs ou de
projets »57(*).
En réalité, l'effectivité de la libre
circulation aurait été plus probante si d'autres organes avaient
été plus dynamiques. Tandis que la COBAC ne se limite qu'à
exercer une fonction d'assainissement et ne contribue pas à accroitre
l'accessibilité et les services des banques, la BEAC et la BDEAC sont en
proie à des scandales de malversation et de mauvaise gestion. A ceci, la
corruption qui gangrène l'administration publique n'a contribué
qu'à pérenniser les tares de la libre circulation en zone
CEMAC.
B. Un contexte de
corruption généralisée
La corruption est l'un des phénomènes
socioculturels observés dans la plupart des administrations publiques
(police, impôts, santé, douane, transport, etc.), mais aussi
privées des pays du continent. Elle a pris de l'ampleur dans la
sous-région avec la montée de la pauvreté et la
clochardisation du personnel administratif à la suite de
l'implémentation des Programmes d'Ajustement Structurels (PAS) et la
dévaluation économique du milieu des années 1990. La
corruption a eu pour conséquences, de réduire les ressources des
Etats, d'amoindrir les revenus des populations et surtout, de nuire aux climats
des affaires et donc, de la libre circulation des facteurs de production de
richesses.
Ce phénomène qui gangrène pratiquement
toute l'Afrique, a plus d'ampleur en zone CEMAC, dont les pays membres
partagent les dernières places du classement de l'Indice de Perception
de la Corruption avec les pays en perpétuel
conflictualité58(*). Comme en témoigne le Baromètre
mondial de la corruption 2009 publié par Transparency International en
juin dernier. Selon cette enquête réalisée dans 69 pays
auprès de plus de 73?000 personnes, dans le classement africain, le
Gabon occupe la 14e place (97e mondial), mais arrive tout de même en
tête du tableau pour la sous-région d'Afrique centrale. Viennent
ensuite le Cameroun (32e africain)59(*), la République centrafricaine (34e africain),
l'Angola (36e africain), le Burundi (37e africain), le Congo (38e africain), la
RDC (43e africain), la Guinée équatoriale (44e africain) et le
Tchad (45e africain) juste devant la Guinée Conakry, le Soudan et la
Somalie60(*). Avec 48 pays
examinés sur le continent, le classement est peu glorieux pour l'Afrique
centrale.
Nous avons pu l'observer, cette corruption lors de notre phase
d'enquête à KYE OSSI. En effet, ayant fait le voyage au
départ avec deux ressortissants gabonais et des commerçants des
produits agricoles dans une agence de transport inter urbain, nous avons
remarqué que ces derniers étaient soumis à des pratiques
de corruption à chaque poste de contrôle de la police ou de la
gendarmerie. Même les postes douaniers exigeaient « leur
billet » (2000 FCFA en général) de la part des citoyens
gabonais qui étaient pourtant en règle avec des visas
dûment établis. Ces tracasseries rencontrées, à la
quinzaine des postes de contrôles (barrières non tarifaires, BNT)
sur à peine 300 km de routes ont considérablement retardé
notre arrivée et ont contribué à augmenter le ressentiment
des passagers « étrangers » et des
commerçants de la CEMAC.
Quoique, les commerçants ou les camerounais qui se
rendaient en Guinée équatoriale ou au Gabon, nous ont
assuré que les BNT sont certainement moins nombreux dans ces pays, mais
ils étaient nettement plus couteux, avec des bakchichs (ou
« enregistrements » là bas) d'au moins
5 000 FCFA pour les simples citoyens, et 20 000 FCFA pour les
commerçants. Aussi, si l'on constate que les produits CEMAC sont plus
chers au Gabon ou en Guinée équatoriale, ce n'est pas simplement
dû au pouvoir d'achat ou à l'indice de parité prix, c'est
également parce que le coût d'acheminement des biens
périssables est élevé.
Cette généralisation des pratiques de la
corruption tant aux zones frontalières qu'à l'intérieur
des pays de la CEMAC, nuit gravement à l'effectivité de la libre
circulation des facteurs de production de richesses.
Paragraphe 2. Des économies concurrentielles
plutôt que complémentaires
Parvenir à une intégration réelle dans la
sous-région Afrique centrale nécessite l'interconnexion des
territoires. Une telle perspective encourage l'interaction entre les secteurs
privés des divers territoires de l'espace sous-régional qui
deviennent ainsi les principaux acteurs du processus d'intégration par
la multiplication des échanges. Il est également
nécessaire de construire, au niveau communautaire et au sein de chaque
pays, un seuil considérable de capacités productives pour
développer le tissu économique entre les pays membres. Si ce
principe est admis, la CEMAC a, encore une fois, fait preuve de
défaillance. Les pays se sont attelés à mettre en oeuvre
des politiques économiques propres et non concertées qui ont
contribué à réduire les échanges entre eux, et
à instaurer la concurrence au sein des Etats de la communauté
sans pour autant améliorer leurs performances.
A. Absence
d'infrastructures ou structures de productions identiques
Les pays de la sous-région Afrique Centrale disposent
des ressources naturelles des plus convoités du continent. Elles vont
des richesses minières (pétrole, manganèse, or, diamant,
bauxite, charbon...), forestières (bois, agriculture) ou encore
énergétiques (cours d'eaux) à la situation
géographique (forêt équatoriale et sahel, ouverture sur
l'océan atlantique). Ce potentiel énorme aussi bien en termes de
quantité, de variétés et de qualités se retrouve
dans l'espace couvert par les pays de la CEMAC. Seulement, outre le
pétrole qui constitue la principale source de revenus à
coté des recettes fiscales, les autres matières premières
sont délaissées. D'ailleurs les tableaux 01 et 02 en fournissent
l'illustration.
Cameroun
|
Congo
|
Gabon
|
Guinée Equatoriale
|
RCA
|
Tchad
|
Produits agricoles et forestiers, pétrole
|
Pétrole, produits forestiers
|
Pétrole, Manganèse
|
Pétrole
|
Or, Diamant, produits forestiers
|
Coton, Pétrole
|
Tableau 01 : principales sources de revenus des pays
de la CEMAC
Source : RAMSES IFRI 2004
Tableau 02 : Répartition des recettes de la
CEMAC Montants en milliards de F CFA
Agrégat
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005 Est.
|
2006 Prév.
|
RECETTES TOTALES ET DONS (en milliards)
|
3682.8
|
3878.6
|
4413.5
|
6212.5
|
7716.0
|
RECETTES TOTALES (en milliards)
|
3536.0
|
3687.6
|
4245.6
|
6030.4
|
7394.7
|
Recettes pétrolières
|
1737.5
|
1748.6
|
2287.6
|
3864.8
|
4964.6
|
Recettes non
pétrolières
|
1798.5
|
1939.1
|
1957.9
|
2165.6
|
2430.1
|
Recettes fiscales
|
1656.3
|
1780.0
|
1794.6
|
1983.4
|
2203.7
|
Recettes non fiscales
|
142.2
|
159.0
|
163.3
|
182.2
|
226.4
|
Sources : BEAC, Secrétariat Exécutif
de la CEMAC, Comité de convergence de la zone franc, Avril 2007
Ce potentiel qui paraît un atout indéniable en
faveur de la croissance, constitue aujourd'hui une sorte de frein au processus
d'intégration sous-régionale. Dans la mesure où les pays
de la CEMAC ont tendance à les exploiter de manière individuelle
et non concertée avec les voisins. Les sources d'énergie, les
facteurs de production, les capitaux et encore moins les ressources ne sont pas
utilisées de manière collective et harmonisée. De ce fait,
il n'existe pas une chaîne de production à l'échelle
sous-régionale dans un secteur quelconque et le tissu économique
est fortement édulcoré. Au contraire, les nouveaux enjeux
liés à la mondialisation ont accentué les rivalités
dans les secteurs stratégiques comme le pétrole. En
réalité, cette situation est liée à l'absence d'un
capital spatial en zone CEMAC.
« Le capital spatial se définit comme la
somme des capacités productives localisées qui concourent
à accroître la productivité des autres facteurs de
production. Il est constitué des facteurs de croissance (communications,
services à la production) localisés dans l'espace et
générateurs d'externalités d'agglomération
(coûts de transaction, effets de taille de marché,
externalités de connaissances) »61(*).
La mise en oeuvre d'un capital spatial, tant au niveau
national que régional, contribue à des effets de diffusion ou de
contagion de la croissance en réduisant les coûts de transport, en
favorisant les transferts de technologie ou en baissant les coûts de
transaction. Cela suppose, qu'il existe un pays au sein de l'entité
sous-régionale qui dispose d'un capital spatial plus riche et d'un
avantage comparatif important par rapport aux autres. Seulement, tout doit
être mis en oeuvre afin de limiter la polarisation des activités
qui créent des divergences en termes de croissance entre les pays qui
participent à un effort de coopération régionale. C'est
dans cette perspective que se situe le couple Franco-germanique en Europe.
Or, en zone CEMAC, depuis l'exploitation des gisements
pétroliers qui coïncide avec le lancement effectif de l'institution
sous-régionale en 1999, à peu près tous les pays se sont
considérés comme des potentiels leaders économiques,
exceptés le Tchad et la RCA. En revanche, ils se sont attelés
à se doter des infrastructures de production pétrolière
sans diversifier leurs sources de revenus. Le Cameroun, leader naturel à
l'époque de l'UDEAC, voit son leadership contesté ou ne l'assume
plus62(*). De ce fait, il
manque une véritable force d'impulsion de la densification et de la
diversification du tissu économique de la CEMAC.
« L'exemple de la coopération entre le
Cameroun et le Tchad dans l'exploitation du pétrole Tchadien est
à cet égard riche d'enseignement pour les pays de la
région. Le pipe-line Doba-Kribi pourrait, à brève
échéance, transporter les productions d'autres champs tchadiens
et camerounais, qui ne sont pas encore mis en exploitation. On pourrait
même imaginer des dérivations qui desserviraient la RCA, le nord
du Congo qui est éloigné de l'océan et même
au-delà le nord et le nord-est de la RDC. La coopération dans
l'exploitation des ressources, dans la sous-région, pourrait
s'étendre à l'exploitation des ressources forestières dont
regorgent le Cameroun, le Congo et le Gabon
également »63(*).
Le capital spatial en zone CEMAC reste à construire. On
peut admettre avec HUGON64(*) que, ce mécanisme permet la convergence des
économies et génère des « effets de contagion »
de croissance ou de crise. Par exemple un ou plusieurs pays membres d'une
communauté régionale auraient autant d'opportunités de
connaître une croissance rapide et soutenue de leurs économies
qu'ils ont des voisins présentant un fort potentiel économique et
une croissance forte. A ce titre, on peut parler de transmission «
d'énergie économique » au sein de l'espace
intégré.
B. Un réseau de
transport communautaire en total déliquescence
Le réseau de transport est un élément
essentiel pour la facilitation de la libre circulation des facteurs.
Constitué du transport routier, du transport aérien, maritime ou
fluvial, de voies ferrées, le réseau de transport de la CEMAC est
médiocre et sa modernisation ne fait pas l'objet d'une politique
communautaire harmonisée.
En ce qui concerne le transport routier, il est le principal
moyen de communication dans la sous-région et ce d'autant plus qu'il
demeure le mode de déplacement le plus dominant en Afrique aussi bien
à l'intérieur de chaque pays, qu'à l'intérieur des
espaces intégrés. De plus, il est accessible à toutes les
catégories sociales. Dans l'espace CEMAC, trois pays sur six n'ont
d'autres infrastructures terrestres de transport que les routes. Le Tchad et la
RCA ne sont accessibles que par route terrestre (exception faite du transport
aérien).
« Le transport routier constitue alors le
moyen de communication le plus approprié et le mieux
intégrateur »65(*).
Seulement, contrairement à d'autres communautés
régionales, notamment l'UEMOA où toutes les capitales sont
reliées par voies bitumées, la quasi totalité du
réseau routier de la CEMAC n'est pas en bon état66(*). Les rapports de la CEA (2003,
2004) sur l'état de l'intégration en Afrique centrale indiquent
que le réseau routier principal de la CEMAC est long de 57858 Km, dont
12% seulement sont bitumés, et sa densité routière pour
l'ensemble du réseau est de 1,9 Km/100 Km, dont 0,24 Km/100 Km pour les
routes bitumées. Les tableaux 3 et 4, présentent respectivement
les estimations de la situation et de l'état du réseau routier de
la CEMAC.
Tableau 03: Réseau routier en zone CEMAC
Pays
|
Superficie Km2
|
Réseau Routier principal (RPP) Km
|
Réseau Routier Bitumé (RRB)
|
taux de revêtement RRB/RRP
|
Densité Routière Totale
Km/Km2
|
Densité en Routes revêtues
km/100km2
|
Cameroun
|
475500
|
26434
|
4048
|
15
|
5,6
|
0,85
|
RCA
|
623000
|
9307
|
692
|
7
|
1,5
|
0,11
|
Congo
|
342000
|
5047
|
1000
|
20
|
1,5
|
0,29
|
Gabon
|
267670
|
7670
|
629
|
8
|
2,9
|
0,23
|
Guinée Eq.
|
28050
|
2880
|
291
|
10
|
10,3
|
1,04
|
Tchad
|
1284000
|
6200
|
389
|
6
|
0,5
|
0,03
|
Total
|
3020220
|
57538
|
7049
|
66
|
22,3
|
2,55
|
Source : CEA, rapport annuel, 2003.
Tableau 04: Etat des routes en zone CEMAC
Etat des routes
|
Réseau routier bitumé %
|
Réseau routier non bitumé %
|
Bon
|
Moyen
|
Mauvais
|
Bon
|
Moyen
|
Mauvais
|
Zone CEMAC
|
32
|
34
|
34
|
20
|
25
|
55
|
Source : Revue du secteur des routes dans l'UDEAC.
Document SSATP n°43 (1999). Citée par la CEA (rapport annuel
2003)
Dans l'ensemble, le constat est que les pays membres de la
zone sont reliés par des axes routiers en piteux état, ne pouvant
permettre une circulation aisée des biens et des personnes. A la suite
de l'adoption en 1993, d'un réseau d'itinéraires de transits
appelés « axes structurants » visant à
développer à moyen terme un réseau de routes
bitumées reliant les pays de la zone, la CEMAC a adopté en 2000,
« un réseau routier prioritaire intégrateur » d'un
coût de 1272 milliards de FCFA. Certes, le développement
d'infrastructures de transport routier (construction, entretien et gestion)
nécessite un coût initial très important et l'ensemble des
pays de la CEMAC ont une situation économique et financière
plutôt atone. En réalité, les efforts en ce sens sont
diffus.
« En effet, il y a lieu de constater qu'au
niveau de la zone, les politiques sectorielles nationales s'opposent parfois
aux politiques sectorielles communautaires, en terme de priorités ou
d'objectifs. Par exemple, au regard des défis internes à relever
par chaque pays, les Etats membres sont parfois amenés à
opérer un arbitrage utile entre un projet national et un projet
communautaire. Un Etat peut choisir de consentir son effort d'investissement
sur les problèmes d'éducation ou de santé, alors que dans
la même période, la sécurité ou l'énergie
constitueraient les principales priorités pour un autre membre de la
communauté, et cela au détriment d'un projet communautaire, telle
que la construction d'un tronçon de route
intégré »67(*).
En ce qui concerne les chemins de fer, à
l'intérieur de la CEMAC, les voies ferrées ne sont pas
interconnectées et répondent à des objectifs purement
nationaux : désenclavement de Brazzaville pour le chemin de fer
Congo Océan ; désenclavement de Yaoundé et du Nord
Cameroun depuis le prolongement du transcamerounais jusqu'à
Ngaoundéré dans les années 1970, exportation du
manganèse et du bois par le transgabonais, la plus récente des
infrastructures ferroviaire d'Afrique centrale achevée en 1987. Ainsi,
il n'existe pas de transnational à l'instar du Bamako-Dakar, qui
favoriserait les échanges entre deux axes de la CEMAC. D'ailleurs, aucun
projet d'envergure ne va en ce sens, excepté le chemin de Fer
Ngaoundéré -Ndjamena.
Quant au transport aérien, il faut dire que les
compagnies nationales des pays de la CEMAC, quand elles fonctionnent, peinent
à investir l'espace aérien international et même
sous-régional. Les vols sont peu réguliers et les normes de
sécurité ne sont pas toujours conformes aux exigences
internationales.
« Le transport aérien international,
représente un indicateur du niveau de l'intégration
régionale. Il est généralement plus facile et rapide de
passer par Paris, Bruxelles ou Johannesburg que de relier deux villes d'Afrique
centrale »68(*).
Ces compagnies se contentent de desservir quelques
agglomérations de leur pays quant elles ne sont pas submergées
par la concurrence ou par les dettes69(*). Le projet de création de « Air
CEMAC », compagnie vouée à relier les principales
villes de la communauté ainsi que les principales destinations des
populations, tarde à être effectif. C'est à l'occasion du
sommet de Bangui de janvier 2010, que les Etats de la CEMAC, ont pu s'accorder
sur la forme juridique du capital, son siège social (Brazzaville) et sur
le site du hub70(*)
(Douala). Le décollage effectif n'a pas encore été
annoncé.
Le constat général est que les Etats sont
difficilement reliés par des réseaux de transport viables du fait
de la défaillance des infrastructures. De plus, les services de
transport sont entièrement dominés par les opérateurs
privés peu structurés, dont la qualité des prestations et
les conditions de transport ne répondent pas toujours aux exigences
légales, quand elles existent. D'après ce qui
précède, on peut affirmer que « l'absence et/ou la
mauvaise qualité d'infrastructure, combinées aux mauvais services
de transport et à son coût très élevé
expliquent en grande partie les mauvais résultats économiques
(faiblesse des échanges commerciaux, faible productivité, faible
croissance, etc.) et le ralentissement de l'intégration régionale
observés au sein de la CEMAC »71(*).
Section II. La conjoncture en Afrique centrale, une
source de déstabilisation du processus d'intégration
sous-régionale en CEMAC
« Des institutions nationales faibles
représentent un sérieux obstacle à une coopération
et à une intégration efficaces »72(*), encore faut-il que
l'environnement direct, la conjoncture politique et socioéconomique
soient propices à la mise en oeuvre des mécanismes
nécessaires. Cependant, un constat s'impose lorsqu'on observe la
sous-région Afrique Centrale et notamment les pays de la CEMAC, c'est
que des éléments ont contribué à fragiliser les
Etats. Dans le même temps, la conjoncture économique mondiale a
opéré une reconfiguration des forces en présence du fait
de l'exploitation des gisements miniers et pétroliers, de manière
à créer des tensions entre Etats et de conflits de leadership
à peine déguisés.
Paragraphe 1. De la fragilité des Etats en Afrique
centrale à la neutralisation des initiatives communautaires
L'époque des conférences nationales en Afrique
subsaharienne (1990-1994) pour l'avènement de la démocratie
coïncide avec l'initiative CEMAC. Aujourd'hui encore, la consolidation
démocratique dans les Etats membres de l'institution
sous-régionale est à l'épreuve des systèmes
politiques rigides souvent sources de conflits et d'instabilités
sécuritaires. Ce qui constitue des obstacles majeurs à la libre
circulation des facteurs.
A. Ancrage
démocratique et légitimité des dirigeants des Etats de la
zone CEMAC
Avant la mort de l'ex président gabonais, Omar Bongo
ONDIMBA, les six chefs d'Etats de la CEMAC constituaient plus de 147 ans de
mandats présidentiels cumulés. Cinq de ces six chefs d'Etats ont
passé au moins 15 ans au pouvoir pendant la même période.
Ces chiffres, certes de manière caricaturale, traduisent la situation
démocratique des pays de la CEMAC. Depuis la mise en oeuvre du processus
de démocratisation, quasiment aucun pays n'a opéré une
réelle transition politique sans heurts ou contestations. En cause, le
verrouillage de l'appareil et du système politique qui a
contribué, non plus à une personnalisation du pouvoir, mais bien
plus à une personnification du pouvoir, c'est-à-dire
l'assimilation du pouvoir à une personne, le chef de l'Etat.
Au-delà de cet argumentaire qui conforte les
théories de la construction de l'Etat en Afrique, notamment celle de
l'Etat néo-patrimonial, l'important ici est de constater que du fait, de
pressions occidentales, les Etats de la CEMAC se sont attelés à
mettre en place des régimes
« démocratiques », qu'ils ont su domestiquer au
détriment des populations et des projets d'intérêt
général comme l'instauration de la libre circulation. Ainsi,
l'effort sans cesse renouvelé de construction démocratique pour
les uns (société civile, organisations internationales,
opposition dans une certaine mesure), ou de maintien au pouvoir pour les autres
(régime en place, militaires, multinationales...) est une
préoccupation accaparante, coûteuse qui empêche toute vision
transnationale élaborée. L'instabilité des institutions
politiques retarde les projets d'investissements, réduisent
l'attractivité des bailleurs de fonds et des organisations de
développement.
La mise en oeuvre effective de la libre circulation est donc
difficilement envisageable tant que les Etats de la CEMAC ont du mal à
se démocratiser réellement. De plus, la crise de
légitimité dont souffre la plupart des chefs d'Etat de la
sous-région quand elle ne constitue pas un frein à
l'intégration du fait de l'insuffisance des soutiens, elle est factrice
d'instabilité sécuritaire.
B. Les
instabilités sécuritaires et simplification des échanges
économiques en zone CEMAC
Depuis le début de la décennie 90, les pays de
la CEMAC sont affectés par des conflits civils récurrents. De
nouvelles formes de conflictualités qui n'opposent plus les Etats entre
eux, mais les Etats à des groupuscules, rebellions ou objets politiques
non identifiés. Cette tragique réalité affaiblit
considérablement les institutions des pays, fragilise fortement les
économies et neutralise bien souvent les efforts de
développement. En cause, une lutte effrénée pour la
conquête du pouvoir, source des rivalités politiques
électorales, qui se mue en affrontements meurtriers et paralysants,
à l'instar des mouvements de rebelles au Congo (de 1990 à 2000),
au Tchad et en RCA. Bien plus, ces conflits font intervenir d'autres
entités totalement étrangères à la raison
principale du conflit. C'est notamment le cas des milices du Soudan dans le
conflit tchadien et réciproquement dans la zone du Darfour, les milices
de la RDC dans les conflits du Congo, et récemment de la RCA. Encore
plus inquiétants, les Etats voisins, quand ils ne sont pas en conflits
(RDC, Soudan, Nigéria, Angola...) sont de véritables bases de
retranchement aux frontières. Ce qui contribue à créer une
atmosphère d'insécurité en Afrique centrale. Il est donc
logique que les échanges soient réduits.
« Des régions entières du
continent se présentent aujourd'hui sous la forme de continuums
conflictuels transétatiques... La région frontalière entre
le Tchad et la Centrafrique est une zone d'affrontements entre des forces se
réclamant des armées nationales ou des
rébellions »73(*).
En outre, la criminalité transfrontalière
constitue également une source importante d'instabilité
sécuritaire. Premièrement le phénomène des
« coupeurs de routes » qui se traduit par une attaque de
convoi de véhicules et des populations par des bandits armés. Ce
phénomène est courant au Cameroun, au Tchad et en RCA, et
présente des risques d'expansion dans les autres pays de la
communauté. Les coupeurs de routes, encore appelés «
Zarguinas », rançonnent les transporteurs, les commerçants,
les voyageurs et paysans. Il arrive souvent que ces attaques se soldent par des
pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants.
Ce phénomène occasionne parfois la fermeture de certains axes
routiers, ce qui plonge les populations dans l'isolement. En second lieu, l'on
assiste à la multiplication des attaques rapides de groupes armés
encore non identifiés. Ceux-ci se sont spécialisés en
braquage, enlèvements, prise en otages et rançonnages des
commerçants (marchands de troupeaux de vaches) et de pêcheurs de
haute mer. Ces brigands mercenaires sévissent dans le golfe de
guinée, et certains observateurs les lient au conflit qui touche le
Delta du Niger. Le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon en
sont des victimes récurrentes.
Quoiqu'il en soit, la fragilisation des économies
réduit sans conteste les ressources budgétaires, entraîne
une mauvaise utilisation des ressources financières disponibles. Ces
ressources sont généralement employées pour financer
l'effort sécuritaire au détriment des investissements de
développement socioéconomique. A cela, il faut ajouter les
destructions massives d'infrastructures existantes74(*).
Paragraphe 2. Nouveaux gisements miniers/pétroliers en
zone CEMAC : pomme de discorde et reconfiguration des forces en
présence
Au début des années 2000, la guerre en Irak,
les tensions entre l'Iran et des acteurs majeurs de la communauté
internationale (USA, UE), les besoins importants en matière
énergétique des Etats asiatiques, l'effondrement des
réserves américaines en pétrole, l'annonce de
« l'épuisement » des puits saoudiens, ont
favorisé l'augmentation en flèche des cours mondiaux du
pétrole. Dans le même temps le potentiel du golfe de
guinée, dont les pays de la CEMAC font partie, s'est
révélé. Seulement, l'exploitation de ces nouveaux
gisements, si elle a augmenté les richesses et la croissance des pays
bénéficiaires, au niveau sous-régional, les effets
positifs de cette manne sont peu visibles. Au contraire, ils ont
favorisé l'émergence des obstacles à l'effectivité
de la libre circulation.
« La malédiction de l'or noir qui semble
inexorablement se décliner en souci de protectionnisme renforcé
en Afrique centrale, a-t-elle un lien direct entre la prospérité
économique subite et la résurgence des élans de
xénophobie ?...on serait tenté de répondre par
l'affirmative »75(*).
A. La multiplication
des crises diplomatiques entre Etats : le règne de la philosophie
du soupçon
Le Congo, le Tchad, le Gabon et surtout la Guinée
équatoriale ont vu leurs indicateurs économiques sensiblement
s'améliorer depuis 2000 de manière à installer la
sous-région CEMAC dans une dynamique de croissance abrupte comme le
montre le tableau 05 suivant.
Tableau 05 : Evolution des indicateurs
économiques et financiers de la CEMAC 1998-2008
|
1998
|
1999
|
2000
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007 Estim
|
2008 Prév
|
Taux de croissance (PIB réel)
|
4,6
|
-0,3
|
3,2
|
4,1
|
4,2
|
6,6
|
3,7
|
3,1
|
4,2
|
6,2
|
Recettes totales
|
-7
|
7
|
38,7
|
-0,6
|
4,3
|
15,1
|
42
|
31,9
|
6,2
|
20,8
|
Dépenses totales
|
12,2
|
-14,9
|
9,6
|
2,6
|
-7
|
13,8
|
12,8
|
29,4
|
8,3
|
7,6
|
Avoirs extérieurs nets
|
-64,7
|
-64,7
|
1713,8
|
7,2
|
-3,9
|
84,3
|
103
|
59,8
|
26,8
|
36,5
|
Crédits à l'économie
|
14
|
4,4
|
11,8
|
6
|
4
|
-1,9
|
11,2
|
9,3
|
11,3
|
8,7
|
Exportations, fob
|
-19,6
|
24,9
|
52,8
|
0,2
|
7
|
35
|
36,6
|
15,5
|
4,7
|
24,7
|
(Variation annuelle en pourcentage sauf indication contraire)
Sources : BEAC, Secrétariat Exécutif de
la CEMAC, Comité de convergence de la zone franc, Avril 2007.
La plupart de ces pays ayant bénéficié
d'une manne financière considérable, ont entrepris des chantiers
en vue de la modernisation de leurs infrastructures sociales (hôpitaux,
écoles...), politiques76(*) (ministères, parlements...) et
économiques (routes, ponts, ports, barrière
hydroélectrique, télécommunications). Le Gabon et la
Guinée équatoriale ont même décidé
d'accueillir des événements d'envergure comme la Coupe d'Afrique
des Nations (2012). Ce dynamisme des activités a, non seulement
suscité les convoitises des autres pays de la CEMAC, mais aussi
attiré des individus en quête de meilleures conditions de vie.
Tous ne remplissant pas forcément les conditions d'accès. Parmi
ces migrants économiques, des investisseurs, des travailleurs
qualifiés ou non, des opportunistes, des commerçants,
débrouillards et également des personnes de moralités
douteuses (escrocs, bandits, usurpateurs...). L'essor de la situation
économique et sociale avec l'apport manifeste des étrangers, a
également entrainé des frustrations des populations locales, une
hausse vertigineuse du taux de criminalité et une
insécurité galopante. Très vite, les populations
immigrées ont été indexées, sans toutefois
opérer une identification formelle des véritables sources
d'insécurités. Aussi, au Gabon et en Guinée
équatoriale, a-t-on pu assister à des refoulements des
étrangers même ressortissants de la CEMAC au delà des
frontières terrestres en méconnaissance des principes des droits
de l'Homme.
Cette situation a occasionné une multiplication des
crises ouvertes entre ces pays, « nouveaux riches » et
d'autres Etats comme le Cameroun, détenteurs de facteurs de production,
notamment une main d'oeuvre qualifiée et bon marché. Bien plus
inquiétant encore, on a assisté à une montée de la
xénophobie et des pratiques visant à décourager les
migrants légaux ou pas. Il en ressort notamment de notre enquête
à Kye Ossi, que plusieurs ressortissants camerounais font l'objet de
chantages de la part de leurs employeurs ou de leurs bailleurs. L'un deux,
rapatrié manu militari avec une dizaine de compatriotes alors qu'ils
travaillaient dans un chantier a Ebébéyin (G.
équatoriale), nous a confié l'avoir été parce
qu'ils auraient réclamé leurs dus. L'employeur, dans
l'impossibilité de satisfaire ses engagements, aurait contacté un
proche à la police de l'immigration. Celui-ci a procédé
à la destruction des permis de travail des camerounais et a
initié leur rapatriement immédiat. Le commandant de Brigade de
Kye Ossi nous a confirmé que ces pratiques étaient
récurrentes (au moins trois fois par semaine selon ses dires), et font
l'objet de plaintes sans suite. De même, le sous préfet nous
affirmé être au courant de ces pratiques, qu'ils transmettaient
à chaque fois à son autorité de tutelle. Celles-ci font
l'objet des crises diplomatiques lorsqu'elles sont jugées scandaleuses
et disproportionnées et surtout lorsqu'elles sont
révélées par la presse.
« Le point d'orgue de ce voisinage sulfureux
résulte bien évidemment des facteurs économiques et
accessoirement des relations émotionnelles. Dans la première
rubrique, il faut citer la compétition pour l'accès aux
ressources naturelles, l'insolvabilité de Malabo, la feymania des
camerounais ; et dans la seconde rubrique, la peur quasi obsessionnelle du
réfugié considéré comme une épée de
Damoclès suspendue sur la tête des régimes en mal de
légitimité »77(*).
Cette atmosphère entre le Gabon, la Guinée
équatoriale et le Cameroun tire ses sources d'un passé historique
tumultueux. En cause, le litige qui oppose ces trois pays quant à la
délimitation des frontières maritimes et terrestres
héritées de la colonisation. D'ailleurs le Cameroun et la
Guinée équatoriale ont été en conflit ouvert entre
1968 et 1979. Litige encore latent, dans la mesure où aucune
décision de justice n'a été prise pour définir
clairement les frontières. Toutes les commissions techniques n'ont
jamais pu investir le terrain depuis 1979.
Quoiqu'il en soit, il existe un protectionnisme à
peine déguisé, un climat hostile qui empêche toute
mobilité et épanouissement des ressortissants étrangers de
la CEMAC. En réalité, cette situation est tolérée
parce que les gisements pétroliers ont créé des
« échanges de bons procédés » entre
pays de l'entité sous-régionale.
B. Echanges de bons
procédés et dissémination des projets
intégrateurs
Au-delà des retombées socioéconomiques
des nouveaux gisements pétroliers et miniers, la principale
conséquence a été la reconfiguration des forces en
présence au niveau des institutions sous-régionales. Certains
pays, notamment la Guinée équatoriale, jadis réduits
à des rôles infimes, ont milité pour une répartition
des postes tributaires du poids économique et des apports financiers ou
actifs.
Tableau 06 : Total des arriérés des Etats
membres de janvier 2002 à octobre 2005 (en milliards F CFA)
États TCI Con
Etats
|
TCI
|
contribution égalitaire
|
Total arriérés
|
Pourcentage
|
Cameroun
|
20,2
|
0
|
20,2
|
61,7%
|
Tchad
|
1,4
|
3,3
|
4,7
|
14,4%
|
Gabon
|
4,1
|
0
|
4,1
|
12,4%
|
RCA
|
0
|
3,2
|
3,2
|
9,8%
|
G. Equat
|
0
|
0,6
|
0,6
|
1,8%
|
Congo
|
0
|
0
|
0
|
0,0%
|
Total
|
25,7
|
7,1
|
32,8
|
100%
|
|
|
|
|
|
Source : Diagnostic organisationnel et institutionnel
de la CEMAC février 2006 Performances Management Consulting - ECDPM
Ainsi, le P.R.I qui a été initié et
confié au chef d'Etat équato-guinéen visait non seulement
à corriger les manquements du plan de Malabo, mais également et
surtout à renforcer le rôle des autres pays malgré les
réticences du Cameroun et du Gabon. D'ailleurs ce programme a abouti
à la fin du consensus de Fort Lamy au sommet de Bangui, le 17 janvier.
Aujourd'hui, les postes de responsabilités au sein des organes de base
et des institutions spécialisées sont rotatifs. Le Cameroun et
surtout le Gabon ont dû céder quelques privilèges à
la suite de cette réforme et ce dans un contexte de scandale financier
de la BEAC et des détournements à la BDEAC78(*).
En réalité, ces réformes, qui paraissent
justes dans une certaine mesure, n'auraient pas posé des
difficultés au processus d'intégration sous-régionale
à travers la libre circulation si, ces cinq dernières
années (2005-2010), les Etats de la CEMAC n'avaient pas passé
autant de temps et consacré autant d'efforts et de consensus à
l'aboutissement de la nouvelle configuration de l'entité
sous-régionale. La preuve c'est, après l'aboutissement du PRI,
que le passeport communautaire a été rendu effectif et que la
forme juridique de « Air CEMAC » a été
clairement définie. A vouloir ménager les susceptibilités
et satisfaire tout le monde, les efforts d'intégration
sous-régionale se sont dissipés et aucun chantier d'envergure n'a
abouti.
Section III. Les entraves socio anthropologiques
à la libre circulation en zone CEMAC
A la suite d'Etienne KOULAKOUMOUNA, on constate que les
études sur les avantages de l'intégration régionale
mettent l'accent sur ses retombées économiques et politiques, et
ignorent les effets socioculturels qui la caractérisent79(*). La culture constitue un
facteur intrinsèque à prendre en compte dans la formulation des
politiques de développement. En se référant à la
dimension socioculturelle, on admet sans contours que, l'intégration
régionale est un processus qui permet le brassage des cultures et
favorise la cohésion sociale dans un espace intégré. Ce
patrimoine culturel, s'il est mis à profit peut être le facteur le
plus déterminant d'une « intégration
sous-régionale par le bas » c'est-à-dire par les
populations elles mêmes. Paradoxalement, quand il n'est pas bien
jugulé, il constitue une entrave fondamentale à la libre
circulation.
Paragraphe 1. Espace géographique et
sédentarisation des populations en zone CEMAC
L'Afrique centrale, et notamment la zone CEMAC,
présente deux particularités. D'une part, l'espace
géographique est occupé en grande partie par la forêt
équatoriale (Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Sud du
Cameroun et Sud Ouest de la RCA) bordée au nord par une zone
sahélienne (Nord RCA, Nord Cameroun, Sud Tchad). D'autre part, il existe
des peuples traits d'union, c'est-à-dire des groupements ethniques qui
se trouvent de part et d'autres des frontières et partagent le
même patrimoine anthropologique, culturel, historique ou religieux. Ces
traits caractéristiques, ont participé dans une certaine mesure
à la difficile mise en oeuvre de la libre circulation zone CEMAC.
A. Une faible culture
de mobilité des peuples de la forêt équatoriale.
La deuxième grande forêt mondiale
est la forêt tropicale dense, appelée aussi
équatoriale80(*),
car son centre de gravité se trouve à proximité de
l'équateur. Cette forêt couvre une grande partie des espaces
transfrontaliers des Etats de la CEMAC. Aussi, l'immense richesse (faune et
flore) donne la possibilité aux autochtones d'y vivre sans
véritablement se déplacer sur de longues distances pour
s'alimenter ou se soigner. Dans le même temps, la densité de la
forêt réduit tout nomadisme, et les peuples n'ont aucune
visibilité sur le voisinage direct. Les pistes et routes sont difficiles
à pratiquer et sont très souvent entrecoupées par des
grand cours d'eaux. Ainsi, les populations transfrontalières qui ont
toujours vécu dans cet environnement qui répondait à leurs
besoins immédiats ont intégré cette dimension. Dimension
qui est devenu ensuite naturelle, fruit d'un habitus81(*) que les
générations antérieures ont longtemps abrité.
Aussi, l'on comprend que dès les origines, les peuples
de la CEMAC, du fait d'un environnement riche et hostile à la
mobilité, sont beaucoup moins aptes à se déplacer que les
peuples d'Afrique occidentale (UEMOA) par exemple. Ces derniers, ont
évolué dans un environnement plutôt favorable
composé de forêt herbacée, de savanes, vastes
étendues de plaine ou de déserts. Ici, l'environnement rude, les
pistes facilement réalisables ont dicté le vécu des
populations et favorisé les rencontres et les échanges.
De même, dans cette zone géographique, l'histoire
nous montre qu'il existe une multiplication d'invasions et de conquêtes
(l'empire du mali, empire songhaï, royaume du Ghana, Kanem Bornou82(*), empire Sokoto83(*)) ayant favorisé le
brassage des peuples et une culture de mobilité. Or, en Afrique centrale
équatoriale, seul l'empire Kongo peut servir d'équivalant (encore
que cet empire a existé dans les savanes de l'actuelle République
démocratique du Congo). Tout compte fait, l'environnement ou plus
exactement la nature en Afrique centrale est très peu propice aux
échanges.
B. Un nomadisme
culturel plutôt qu'économique
La conséquence inéluctable de la faible
mobilité des populations d'Afrique centrale, et surtout de l'opulence
qu'offre la nature, est que les échanges entre peuples transfrontaliers
ne se sont réduits qu'à des pratiques et moeurs culturelles au
détriment des relations économiques. Ainsi, les rites
d'initiation (exemple du Labi84(*) chez les Gbaya), les cérémonies
traditionnelles (mariage, naissance, enterrement, funérailles), les
pratiques religieuses sont les principaux motifs de déplacement d'un
pays à l'autre. Malgré, la colonisation qui a instauré des
frontières artificielles, ces pratiques ont perduré malgré
les entraves « administratives ».
Ici, les questions économiques, notamment en
matière de commerce ou troc sont reléguées au second plan.
Aussi, avons-nous observé et à la suite de nos entretiens, que la
plupart des commerces transfrontaliers à KYE OSSI (avec
Ebébéyin et Bitam), sont tenus par des ressortissants de l'Ouest
(Bamilékés, Bamouns) et du Nord Cameroun (peuls, foulbés).
Seuls les restaurants et quelques produits vivriers étaient tenus en
majorité par les populations autochtones (Ntumus). La dimension
socioculturelle prime donc sur les retombés économiques que
pourraient susciter les échanges avec ses voisins. Or, malgré
tout, la liberté de circulation des biens, des personnes et des services
ne saurait se départir de sa dimension économique, factrice de
création des richesses et de développement. Il n'existe donc pas
de lien entre la culture et l'économie au sein des « peuples
traits d'union ».
« L'existence de ces peuples traits d'union
constitue le premier jalon pour une intégration régionale par la
base, c'est-à-dire une intégration qui se fait au niveau des
populations. En effet, le Cameroun, qui est situé au centre de cette
région d'Afrique centrale, a avec chacun des autres pays voisins, des
peuples traits d'union. Il se partage les Fang avec le Gabon et la
Guinée, les pygmées avec le Congo. Les Gbayas se trouvent de part
et d'autre de la frontière entre le Cameroun, la RCA et le Congo. Le
Cameroun se partage les Moundang, les Massa et autres avec le Tchad. Ces
peuples qui servent de jonction entre ces pays, peuvent continuer cette liaison
avec les autres populations de l'intérieur. Il suffit que les
gouvernements les laissent circuler librement avec leurs
biens »85(*).
Dans ce contexte, « les peuples traits
d'union » ne sont pas mis à profit. Cette difficulté
s'exacerbe lorsque des préjugés émergent de manière
à réduire les possibilités d'une réelle
effectivité de la libre circulation en zone CEMAC.
Paragraphe 2. Emergence des préjugés en zone
CEMAC : une cohabitation devenue difficile
Au sens strict, les préjugés sont des jugements
formés ou adoptés sans examen sur un individu ou un groupe. Dans
l'usage moderne, le terme dénote presque toujours une attitude
défavorable ou hostile envers d'autres personnes en raison de leur
appartenance à un autre groupe social ou ethnique. Le
préjugé repose donc sur des stéréotypes,
des généralisations simplificatrices relatives à des
groupes humains. Lors de notre phase d'enquête de terrain, nous avons pu
aisément découvrir que des préjugés tenaces donnent
naissance à différentes formes de discrimination. Et ce,
malgré le contact prolongé des populations distinctes. Dans ce
contexte, il va de soi que la libre circulation soit éprouvée
dans la mesure où la volonté de se mouvoir est freinée par
la peur d'être discriminé et mal perçu.
A. Le paradoxe de
l'hospitalité camerounaise
L'histoire et l'actualité récente nous montre
que le Cameroun passe pour le pays de l'Afrique centrale le plus hospitalier.
Dans un contexte de relative stabilité politique et de
préservation de la paix entre les populations, phénomène
devenu rare dans la sous-région, le Cameroun a toujours ouvert ses
frontières aux populations en détresse. Depuis la guerre du
Biafra (1967-1970)86(*),
le génocide rwandais (1994), en passant par les guerres civiles en RCA
(2002-2010) et au Tchad (2003-2010), le pays s'est montré hospitalier et
abrite plusieurs camps de réfugiés au nord à l'Est du
pays. De même, les populations ne manifestent pas d'animosité ou
de xénophobie particulière à l'endroit des
étrangers qui y sont pourtant nombreux (Nigérians,
Nigériens, Maliens, Sénégalais, Centrafricains, Tchadiens,
Rwandais...). L'une des raisons fondamentales de cette hospitalité est
certainement l'immense diversité ethnique (près de 300) qui
peuple le pays et le brassage culturel qui en découle.
Paradoxalement, autant le peuple camerounais est accueillant,
autant lorsqu'un ressortissant camerounais est dans un autre pays du continent
et surtout de la sous-région, les populations locales ont tendance
à être méfiantes. En cause, son aptitude à s'adapter
à tout milieu, à trouver de quoi survivre ou s'enrichir
coûte que coûte. En réalité, c'est surtout sa
capacité à user des moyens dolosifs et douteux qui est mis en
exergue (faux et usage de faux, corruption, prostitution, escroquerie, vols,
proxénétisme...). Ces abus perpétrés certainement
par quelques citoyens en mal de situation convenable, ont été
retranscrit dans les moeurs des camerounais par les autres pays comme s'il
s'agissait des traits socioculturels spécifiques à
l'identité camerounaise. Des idées préconçues qui
subsistent chaque fois que l'on est en face d'un camerounais et ce, quelles que
soient ses motivations ou les raisons de son séjour : un expert ou
un scientifique est facilement assimilé à un
« feyman »87(*) jusqu'à ce qu'il fasse la preuve du
contraire.
Quoiqu'il qu'en soit, même si le phénomène
est manifeste pour les camerounais, il existe aussi, à moindre
échelle certes, pour les autres citoyens de la zone CEMAC. Aussi a-t-on
vite assimilé un Centrafricain ou un Tchadien à un agresseur, un
coupeur de route ; un Congolais, à quelqu'un d'apparence charmante
mais imprévisible et d'une violence d'une rare intensité ;
un gabonais, à un prétentieux paresseux : un
Equato-guinéen, à un insolvable qui n'a pas de parole. Ces
préjugés érigés en traits culturels ou
anthropologiques entrainent une réticence à côtoyer
l'autre. Peut-être s'agit-il simplement des différences
culturelles qui se révèlent au grand jour à la faveur de
la mondialisation.
B. Les cultures en
apparence semblables aux structures mentales différentes
Des observateurs ont présenté l'Afrique centrale
comme un espace socioculturel unique. « Les études
paléontologiques, historiques, géographiques et linguistiques
disponibles concourent pour présenter l'Afrique centrale-encore
appelé monde bantou- comme un grand ensemble territorial soudé
par l'histoire et la géographie. De ce fait, l'apparente
hétérogénéité des paysages naturels et
culturels de cet espace masque en réalité une réelle
unité fondée sur de grands traits communs, dont le climat, la
faune, la flore, les sols les industries lithiques, la famille linguistique, le
langage ou les arts du feu constituent des éléments
visibles »88(*). Seulement, au sein de l'espace CEMAC, les structures
mentales des peuples culturellement unis jadis, ont évolué
différemment depuis la colonisation. A observer de plus près, les
processus de décolonisation, la construction des Etats, le processus de
démocratisation, les crises économiques et les multiples conflits
ont contribué à forger des mentalités propres et
différenciées. Aussi le Moundang du Tchad qui a connu plusieurs
régimes, des guerres civiles récurrentes et des crises
alimentaires majeures n'est plus le même Moundang du Cameroun qui a
évolué au rythme d'une trajectoire sociopolitique totalement
différente. Cet exemple vaut également pour tous les autres
peuples traits d'union (Laka, Massa, Toupouri, Fang, Kakau, Mboum, Kotoko,
Gbaya...). L'évolution en question a créé des traits
spécifiques, des différences qui se sont accentuées avec
les brassages ethniques et culturels. Aujourd'hui, les points de jonction entre
ces peuples, dont l'essence s'est décliné au fil du temps et des
expériences, se réduit à la langue, des rites ou des
croyances.
De même, les rapports avec l'Etat (système
politique), le contexte économique (les plans d'ajustements structurels,
l'explosion du secteur informel, les gisements pétroliers, la crise
financière) a eu des impacts différents dans chaque pays membres
de la zone CEMAC. L'unicité historique n'est plus le fondement essentiel
de l'intégration en zone CEMAC. A force de toujours la considérer
comme le ciment de l'intégration, l'on a tendance à oublier que
les structures mentales de ces peuples traits d'union ne sont plus identiques
et encore moins, aptes à cohabiter aisément. Il est
peut-être judicieux de constater que l'intégration n'est pas
forcement géographique et que ce n'est pas parce qu'on est voisin que
l'on a nécessairement des affinités intégratives.
Il en résulte que les facteurs qui déterminent
l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes sont
nombreux, complexes et variés. La réussite, de ce chantier
d'envergure, nécessite que tous les éléments tant
structurels, conjoncturels que socio-anthropologiques soient pris en compte
dans la formulation et l'opérationnalisation des mécanismes
intégrateurs. Autant de défis à relever qui laissent
envisager clairement les perspectives d'évolution de la libre
circulation en zone CEMAC.
Chapitre 4.
Les perspectives d'évolution de la libre
circulation en Zone CEMAC
E
n adoptant, le PER, les Etats de la CEMAC envisageaient
aboutir à un marché commun, une intégration
régionale à l'horizon 2025.Compte tenu de l'ampleur et de la
diversité des obstacles à l'effectivité de la libre
circulation en zone CEMAC précédemment mis en évidence, il
apparait que l'institution sous-régionale devra trouver des
réponses appropriées si elle veut atteindre ses objectifs. Dans
un contexte où la mondialisation est un processus irréversible,
les économies sont plus concurrentielles que complémentaires, et
que certains privilèges s'amenuisent (à l'instar des accords de
partenariats économiques et l'aide public au développement),
l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes
s'érige comme un déterminant de la survie de la CEMAC dans
l'espace mondial.
Aujourd'hui, quarante six (46) ans après son lancement,
l'urgence est d'établir une institution sous-régionale
fondée sur des relations saines, pérennes, solidaires en vue de
la construction d'un développement collectif et harmonieux. Cependant,
les indicateurs de l'évolution de la communauté laissent
envisager plusieurs hypothèses qui dépendent entièrement
de la capacité qu'ont les Etats et les peuples de la CEMAC à
s'inscrire dans une dynamique d'intégration. De ce fait, le spectre de
l'échec de l'UDEAC ne s'est véritablement pas
éloigné de la vocation de la CEMAC.
Au demeurant, les mécanismes intégrateurs qui
font face aux obstacles à l'effectivité de la libre circulation
des facteurs de productions en zone CEMAC, nous permettent de déceler
quelques scénarii possibles (section I). Aussi, pour parvenir au
scénario le plus opportun pour une intégration
sous-régionale aboutie, les pays de l'Afrique centrale devront relever
plusieurs défis (section II).
Section I. Les scénarios possibles de
l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC
Le diagnostic organisationnel et fonctionnel de la CEMAC
réalisé en février 2006 avait mis en exergue trois
scénarios possibles de l'intégration régionale en zone
CEMAC : scénario 1, la CEMAC en
panne caractérisée par la persistance des obstacles :
scénario 2, l'intégration graduelle dans laquelle les Etats
s'appliquent à lever les obstacles de façon progressive : le
scénario 3, le bond en avant : les obstacles sont levés
rapidement et les politiques sont harmonisées. Ces perspectives
envisagés il y'a quatre (04 ans) restent d'actualité aujourd'hui
en ce qui concerne la libre circulation. Cependant des réajustements
sont nécessaires du fait de la terminaison du PRI. Celui-ci ayant abouti
à la répartition des postes de responsabilité par
rotation, la libéralisation du passeport communautaire et un accord sur
la forme juridique de « Air CEMAC ».
Paragraphe 1. Le scénario pessimiste : La libre
circulation « en panne »
La libre circulation en panne traduit le fait que les
mécanismes et instruments intégrateurs ne produisent pas les
effets escomptés. La libre circulation décrétée ne
se reflète pas dans les faits. Les échanges ne se densifient pas
et les relations entre Etats restent au stade de coopération
intergouvernementale. On assiste à une poussée de la
xénophobie qui rend difficile la cohabitation entre peuples. De ce fait,
l'esprit communautaire s'essouffle à la faveur des intégrations
nationales.
A. Persistance de
l'infertilité des mécanismes intégrateurs
Le FODEC et le PER, les principaux mécanismes qui ont
été implémentés, n'ont effectué aucun
chantier intégrateur d'envergure à ce jour. Les capitales
politiques et économiques des pays de la sous région restent
enclavées, et ne sont pas reliées par un réseau routier de
qualité. C'est dire que le financement des projets actuels a
été défaillant du fait des lacunes de la TCI. Ainsi, le
prélèvement de la TCI s'effectue toujours par les pays et non la
communauté elle-même. Ce qui occasionne une opacité de la
redistribution de la TCI auprès de la CEMAC. De même, la
persistance des arriérés de paiement et des contributions
tardives réduisent la quintessence du financement disponible. De ce
fait, les prévisions budgétaires sont difficilement atteignables
et les projets restent bloqués. Cette situation crée une sorte
d'usure combinée à un pessimisme ambiant chez les fonctionnaires
et employés de l'institution sous-régionale. Ce qui empêche
toute production d'idées et contribue à accélérer
les lenteurs administratives.
Dans le même ordre d'idée, le passeport
communautaire ne densifie pas les échanges parce que cet instrument
n'est pas accompagné des mesures nécessaires comme la
sensibilisation des opérateurs économiques et des populations,
l'ouverture des marchés, la diversification des économies, la
construction des voies de liaison, ou la réduction de la corruption.
Aussi peut-on également envisager que le financement des actifs de Air
CEMAC par les Etats membres soit défectueux du fait des divergences et
de réticences. La majorité du capital est confiée à
une structure privée préoccupée par des profits
pécuniaires au détriment de la finalité intégrative
de la compagnie aérienne sous-régionale.
B. Peur de
l'envahissement et éloignement des populations
L'autre penchant du scénario pessimiste est
l'émergence de la peur de l'envahissement qui contribue à
l'éloignement des populations en Afrique centrale. Cette
hypothèse repose sur le fait que les mécanismes et instruments
intégrateurs peuvent avoir un effet contreproductif. En effet,
l'ouverture des frontières entrainera certainement son lot de
complications et de facteurs de déstabilisation de la sphère
politique et socio-économique des Etats. Il s'agit notamment des
mouvements de migrations de masse des populations les plus pauvres, vers les
pays plus riches en termes de Produit Intérieur Brut/habitant89(*) ou d'Indice de
Développement Humain90(*). Ensuite, l'on assistera à une reconfiguration
du marché de l'emploi par le développement du secteur de
l'informel et des petits métiers, et surtout l'emploi d'une main
d'oeuvre étrangère de qualité au détriment des
produits locaux. Dans le même temps, des communautés vont se
créer dans chaque pays, du fait du nécessaire repli identitaire
des ressortissants étrangers dans un espace géographique et
social dans lequel ils ne sont pas intégrés. Ce, sans omettre la
montée de la délinquance et du grand banditisme.
Aussi, afin d'éviter ce scénario dont certains
des pays membres de la CEMAC, notamment le Gabon et la Guinée
Equatoriale, ne sont pas toujours prêts à subir comme dommage
collatéral du processus d'intégration sous-régionale, des
réticences et des frustrations vont naître au sein de la
population. Celles-ci vont émerger dans le milieu politique, quand elles
ne sont pas instruites par celui-ci, et s'exprimer clairement au niveau
communautaire. Cette tendance va se matérialiser par une
hostilité à tout ressortissant étranger y compris ceux de
la CEMAC, dans les marchés publics, dans les services administratifs,
les contrôles de police et même dans les transactions
économiques. Un sentiment de xénophobie va donc naître sur
fond de protectionnisme. Les populations se trouvant être le socle de la
libre circulation, une mauvaise cohabitation ne pourra que plonger le processus
dans une panne difficile à réparer. Les pays qui ont,
jusque-là, essayé de respecter au mieux les règles du jeu
vont se décourager car ils n'auront pas retrouvé les
bénéfices attendus de l'intégration et seront
tentés de s'orienter vers d'autres communautés.
Paragraphe 2. Le scénario réaliste : mise
en oeuvre progressive de la libre circulation
Tout comme le scénario de l'intégration graduelle,
l'hypothèse d'une mise en oeuvre progressive de la libre circulation au
sein de la zone CEMAC, établit que les Etats membres s'appliquent
résolument à lever les blocages et définissent des
objectifs prioritaires réalistes. Le résultat immédiat est
un dynamisme politique et économique affranchi de toute suspicion, mais
conforté par des outils techniques et des ressources mis à
profit.
A. Prise de
conscience et émergence des projets fédérateurs
Compte tenu du retard accusé dans la mise en oeuvre de
la libre circulation et surtout face à la nécessité de
s'intégrer dans l'espace mondial en étant outillé pour
pouvoir répondre aux différents défis, les Etats membres
de la CEMAC s'emploient à lever progressivement les barrières
à l'intégration physique de la sous-région. Cela passe par
un dialogue franc au sein des instances décisionnaires des institutions
de la CEMAC. Les réticences et peurs longtemps exprimées par
certains pays sont jugulées par d'autres mesures qui limitent les effets
négatifs des instruments intégrateurs dans le schéma
politique et socioéconomique des Etats. Ainsi, à titre
d'illustration, le passeport communautaire serait dans un premier temps
délivré à certaines catégories pour une
durée bien précise. Aussi les diplomates, fonctionnaires, les
opérateurs économiques, les étudiants ressortissants d'un
autre Etat en seront les premiers bénéficiaires. Ensuite, les
passeports pourront être ouverts à d'autres catégories
lorsque cela ne représenterait aucun risque de déstabilisation
majeur.
Dans le même temps, certains obstacles d'ordre
structurel seront levés progressivement par une volonté politique
forte confortée par les pratiques de bonne gouvernance. Aussi, les BNT,
seront réduits au strict minimum et les pratiques de corruption seront
peu à peu enrayées. Egalement, les services administratifs
communautaires seront rendus de manière équitable sans
discrimination liée à l'appartenance à un Etat ou à
un autre. Aussi, l'ancrage démocratique et la légitimité
des dirigeants vont s'accroitre progressivement. Cela traduit une
efficacité des organes de base et des institutions
spécialisées capables d'implémenter des projets
fédérateurs, qui rassemblent aussi bien les Etats que les peuples
de la CEMAC, autour d'une même visée réalisable dans le
temps et dans l'espace. Ce qui suppose également que les moyens
techniques et financiers destinés à l'effectivité desdits
projets soient pérennes (compensations des pertes des recettes
douanières liées au TEC, prélèvement et
redistribution effective de la TCI).
B. Acquis solides,
visibles et irréversibles
Conséquence de la prise de conscience et de
l'émergence des projets fédérateurs, la CEMAC va
s'inscrire dans une dynamique irréversible destinée à
l'effectivité totale de la libre circulation à moyen terme (cinq
à dix ans). Cela sera conforté par des chantiers visibles par les
populations tels que le bitumage des axes transfrontaliers, un trafic
aérien communautaire avec des vols réguliers, la mise en place
des réseaux de télécommunication communautaires, ainsi que
l'amélioration de l'hospitalité et de la cohésion sociale
entre les différents peuples. Cette stratégie se traduit par une
avancée significative dans le domaine de la libre circulation des biens,
des personnes, des services et des capitaux et une amorce des politiques
communes de solidarité et de développement.
Pour y parvenir, les mécanismes intégrateurs
comme le FODEC et le PER vont accroître leur capacité à
réaliser des projets d'envergures. Les moyens financiers, de plus en
plus disponibles, vont dynamiser l'intégration régionale de
manière à densifier les infrastructures nécessaires. Cette
action sera coordonnée par les différents Etats qui, sur la base
des indicateurs économiques positifs, vont initier des projets
intégrateurs tant sur le plan national que communautaire. Cela passe
également par la diversification du tissu économique, une
politique efficace d'attraction des investissements direct étrangers.
Mais au-delà de ces mesures, l'avancée la plus importante sera
sans doute le renforcement de la sécurité de l'espace
intégré de la CEMAC. Les mécanismes d'alertes rapides de
la COPAX91(*)
renforcés, la FOMAC et les forces nationales vont contribuer à
réduire considérablement la criminalité
transfrontalière ainsi que les attaques répétées
des bandes armées et les foyers de tensions. Au demeurant, cela suppose
également la poursuite de la consolidation démocratique à
travers des Etats de droit, des processus électoraux transparents et
neutres, un dialogue politique poussé, la fin des mouvements de
rébellions et la mise en oeuvre des processus de démobilisation,
démilitarisation et réinsertion efficaces.
Paragraphe 3. Le scénario optimiste :
effectivité de la libre circulation
A court terme, les barrières à la libre
circulation sont surmontées aisément. Bien plus, les Etats ne
s'attardent plus qu'à réaliser les projets latents depuis 1994,
d'autres chantiers bien plus ambitieux sont menés. A terme, les pays de
la CEMAC créent un espace totalement intégré et une
véritable union économique. Ainsi, Ce scénario correspond
non seulement à l'effectivité de la libre circulation mais aussi
à une avancée significative dans l'ensemble des domaines de
l'intégration.
« Il requiert des changements profonds
d'attitude, y compris l'acceptation d'un transfert réel de
compétences à des instances communautaires de type
supranational »92(*).
A. Changements
profonds et initiation de projets ambitieux
Les changements profonds s'étendent non seulement aux
structures étatiques et communautaires mais s'appliquent
également et surtout aux mentalités des dirigeants et des
populations. Ici, la mise en oeuvre de la libre circulation s'impose comme un
impératif catégorique. Cette démarche peut intervenir
à la suite de la survenance d'un choc ou d'une défaillance totale
des projets communautaires. Ce qui occasionne, une remise en question du
fonctionnement des organes et institutions communautaires, l'instauration de
nouvelles règles de gestion, et la délégation de
responsabilités. A cet égard, les récents scandales de la
BEAC et de la BDEAC peuvent servir de tremplin et produire le même
effet.
Quoiqu'il en soit, les changements profonds impliquent
également une vaste campagne de sensibilisation des populations ainsi
que l'offre des opportunités de service dans tous les secteurs
économiques de la communauté (transports, énergie,
télécommunications, industrie, agriculture...). De même, la
stabilité sociopolitique, la multiplication des infrastructures et
l'assainissement de l'environnement des affaires vont drainer les
investissements et accroître la compétitivité de la
sous-région.
B. Harmonisation
des politiques et diversifications des acteurs
Afin d'éviter de dissiper les efforts individuels, de
réduire les coûts, d'atteindre des résultants visibles et
probants à travers un développement collectif et harmonieux, les
Etats de la CEMAC décident d'harmoniser toutes les politiques qui
peuvent améliorer l'intégration sous-régionale. Ainsi, les
politiques budgétaires, fiscales, monétaires, d'éducation
publique, de défense, commerciales, énergétiques,
d'exploitation des matières premières et produits de base (coton,
cacao, café, pétrole, bois...) concourent au développement
de la sous-région. Ce qui suppose que la majorité d'entre elles
soient implémentées au niveau supranational en tenant compte de
l'intérêt collectif de la sous-région. À titre
d'illustration, c'est ce à quoi tend l'UE avec sa politique agricole
commune ainsi que les règles qui régissent les déficits
budgétaires.
En outre, l'effectivité accélérée
de la libre circulation, voire de l'intégration régionale, est
également le fruit de l'implication du secteur privé de la
société civile dans la proposition, la réflexion, la
réalisation et l'évaluation des politiques
implémentées et les chantiers ambitieux. Les Etats (au sens
institutionnel du terme) ne sont plus les seuls acteurs du développement
communautaire en zone CEMAC. Seulement, ce scénario optimiste qui
paraît idyllique à ce jour, nécessite que des défis
majeurs soient relevés.
Section II. Les défis à relever en vue
de la libre circulation en zone CEMAC
L'effectivité de la libre circulation des biens et des
personnes est un défi qui requiert une transversalité des
approches et des démarches. Il convient de préciser que c'est la
libre circulation en soi qui constitue le véritable défi.
Seulement, il en découle d'autres défis qui permettent
également d'apporter des réponses à la question plus
globale de l'intégration sous-régionale en CEMAC. Ces
défis ont l'avantage de proposer à chacun des rôles
spécifiques dans le dispositif communautaire. C'est dire que le
défi de la libre circulation ne se renferme plus dans les carcans
institutionnels mais s'érigent en un effort collectif sans
discriminations liées aux compétences, aux prérogatives ou
à l'appartenance à une sphère quelconque.
Paragraphe 1. La réhabilitation de l'esprit
communautaire
La peur de l'envahissement a été clairement
exprimée par les autorités des Etats membres de la
communauté sous-régionale. Ce syndrome de l'envahissement n'est
pas propre aux pays de la CEMAC. Son appréciation correcte doit se faire
en rapport avec la nécessité d'élaborer au
préalable des politiques idoines en matière d'immigration,
conformément à ce qui est prévu par le Traité de la
CEMAC. Au-delà de cette mesure, une compréhension des bienfaits
de l'intégration est aujourd'hui nécessaire au niveau de chaque
Etat membre de la CEMAC pour pouvoir lever les blocages. De façon
primordiale, il convient de définir une identité communautaire
qui fasse émerger un esprit de fraternité, de solidarité
et le sentiment d'appartenance au groupe social, économique, culturel
et/ou politique qu'est la CEMAC.
Ainsi les axes suivants permettraient de favoriser le
développement de l'esprit Communautaire. Il s'agit notamment de :
· Définir et développer une identité
communautaire : au-delà de la monnaie commune, les symboles, le
drapeau ou un hymne, il s'agit également d'identifier les valeurs
morales, culturelles et républicaines qui sont amenées à
prévaloir dans la sous-région ;
· consolider la légitimité de la
communauté : il s'agit de s'assurer que le but et les valeurs
de la CEMAC et la manière de mettre en oeuvre sont partagés par
les individus membres de la CEMAC (élections démocratiques du
parlement communautaire, consultations populaires par
référendums, implication des acteurs de la société
civile...) ;
· Avoir une répartition équilibrée
des postes de responsabilités des institutions de la CEMAC ;
· Promouvoir la CEMAC à ses membres (diffusion
publique de rapports d'activités, des textes, de brochures, organisation
de débats, de conférences, chaine
radiotélévisée sous-régionale, cours de droit
communautaire, ...) ;
· Renforcer les liens culturels entre pays membres de la
CEMAC (tournois sportifs, tours cyclistes, foires communautaires, concerts...)
;
· Renforcer la cohabitation des peuples par la
multiplication des grandes écoles de formation, des marchés
transfrontaliers, et des entreprises à capitaux
sous-régionaux ;
· Réfuter sans cesse les préjugés et
les idées préconçus qui entrainent les réticences
à la cohabitation des peuples ;
· Assurer un dialogue permanent afin de travailler de
manière solidaire (chaque Etat membre assure son financement de l'effort
communautaire, chaque individu membre de la Communauté est prêt
à faire des concessions à la faveur de l'intérêt
communautaire).
Il est ressorti de notre enquête de terrain que le
principal obstacle à la libre circulation est un blocage mental.
« Cette mentalité de fermeture doit
progressivement laisser place à une mentalité d'ouverture et de
solidarité pour que les freins à l'intégration soient
levés. Bâtir cet esprit communautaire prend du temps, et
s'avère souvent plus accessible à une jeunesse désireuse
d'ouverture qu'à ceux dont les perceptions (notamment vis-à-vis
des voisins) ont déjà été façonnées.
Ces jeunes de la CEMAC seront également les premiers
bénéficiaires de ce processus d'intégration et sa non
matérialisation ne fait que les pénaliser et compromettre les
opportunités que peut leur offrir un monde de plus en plus ouvert et
intégré »93(*).
Cette réhabilitation de l'esprit communautaire, pour
être efficiente, doit être opérée dans un contexte
où les peuples sont placés au coeur de la dynamique
d'intégration sous-régionale.
Paragraphe 2. Replacer les peuples au coeur de la dynamique
d'intégration sous-régionale
Le patrimoine historique et culturel met en évidence
un héritage encore affecté par les vestiges de la colonisation.
Replacer les peuples d'Afrique centrale au coeur du processus
d'intégration sous-régionale, signifie également
départir la libre circulation de sa dimension juridico-institutionnelle.
Ainsi, il n'est pas sûr que l'adoption du passeport communautaire voire
l'hypothétique droit d'établissement, favorisent les
échanges économiques et culturels entre peuples. De cette
démarche, il en découle trois (03) axes fondamentaux.il s'agit
de :
· Mettre à profit les peuples traits
d'union :
Les peuples frontaliers qui ont cette vocation à
s'intégrer plus facilement doivent pouvoir, à l'occasion des
multiples brassages culturels et métissages ethniques qui ont eu lieu,
favoriser l'insertion et la familiarisation d'autres peuples. Ce qui suppose
également une attention particulière des dirigeants qui dans les
zones concernés, mettent un accent à dynamiser les
activités économiques et culturels qui mobilisent les
populations.
· Renforcer le partenariat avec le secteur
privé
Le secteur privé joue un rôle croissant dans
l'intégration régionale. Les pouvoirs publics n'étant plus
responsables au premier chef de la production, il incombe au secteur
privé de mettre en oeuvre les changements issus des accords
d'intégration.
« Un des domaines dans lequel le secteur
privé peut avoir une contribution positive est celui de la prise de
décisions politiques aux niveaux national et régional. Un secteur
privé bien organisé peut participer à la formulation des
politiques, prodiguer des conseils aux pouvoirs publics et exercer des
pressions pour la poursuite des réformes positives. En éliminant
les principaux obstacles à la croissance en taille et en
efficacité du secteur privé, l'intégration
régionale favorise la formation de marchés élargis,
grâce à la libéralisation et à l'harmonisation des
échanges, et accroît le volume potentiel des affaires et les
possibilités de profit »94(*).
Pour promouvoir le dialogue avec le secteur privé, les
pays utilisent divers mécanismes, notamment des réunions et des
séminaires périodiques de consultation. L'organisation de foires
commerciales et de voyages d'études sont aussi des moyens courants pour
stimuler la participation du secteur privé au processus
d'intégration.
· Accroître la participation de la
société civile dans le domaine de l'intégration
sous-régionale
La société civile qui, depuis le processus de
démocratisation du continent au début des années 1990, a
connu une croissance fulgurante et a accru son pouvoir d'influence, ne s'est
limitée qu'a défendre et promouvoir les intérêts des
Nations. Très peu d'organismes de la société civile
s'intéressent aux problèmes qui se posent à
l'échelle de la sous-région CEMAC. Bien des pays tirent parti de
la tenue de séminaires et de réunions périodiques avec les
organisations de la société civile pour débattre des
questions d'intégration. L'organisation d'un débat national sur
l'intégration est une pratique rare, et les discussions sont
généralement circonscrites aux enceintes parlementaires, et
ouvertes au public à l'occasion des « journées
CEMAC ». Or il existe de nombreux axes qui peuvent être
investis comme les droits de l'homme, la citoyenneté, les droits des
minorités, la gouvernance et la participation politique, le renforcement
des capacités...
« Ce sont les pouvoirs publics et les
organisations intergouvernementales qui, en général, monopolisent
le débat sur l'intégration. Néanmoins, l'on
reconnaît de plus en plus la nécessité d'associer la
société civile au processus afin d'en accroître les chances
de réussite. Il faut sensibiliser le public à
l'intégration régionale et l'intéresser à sa
réussite si l'on veut qu'il la soutienne et se
l'approprie »95(*).
Il faut donc également une dimension
sous-régionale de la société civile qui n'est pas
seulement accaparée par les organisations non gouvernementales mais
également par les entreprises citoyennes des ressortissants de la CEMAC.
Paragraphe 3. La multiplication des pratiques de bonne
gouvernance
Au-delà des approches de sensibilisation et de
plaidoyer ci-dessus évoqués, des actes concrets et visibles
doivent être appliqués principalement par les Etats à
travers leurs responsables politiques. Un ancrage profond du projet
d'intégration à travers la libre circulation n'est cependant
envisageable qu'avec un approfondissement de l'ancrage démocratique dans
les Etats membres. Le renforcement du processus d'intégration
dépendra également de l'évolution politique,
économique et sociale des Etats membres. Toute une série de
conditions sont nécessaires tant au niveau national que communautaire
pour assurer l'ancrage d'un projet d'intégration
La prise en compte de l'intégration régionale
dans les plans de développement et les budgets nationaux est
nécessaire pour créer le sentiment d'appropriation du processus
et susciter un engagement en sa faveur. Il convient, à cet effet, de
conformer systématiquement les politiques et les stratégies de
développement national avec les plans, les objectifs et les instruments
de l'intégration nationale.
« Pour y parvenir, les pays
devront :
· Ratifier sans délai les traités,
protocoles et décisions ;
· Fournir et mobiliser des ressources suffisantes
pour faire fonctionner le ministère chargé de la coordination et
l'exécution effective des programmes d'intégration ;
· Créer des comités nationaux
comprenant l'ensemble des parties prenantes, notamment la société
civile, le secteur privé, le secteur judicaire et le monde
universitaire, pour susciter un consensus et un soutien en faveur du processus
d'intégration ;
· Conformer les lois et règlements
nationaux aux accords et programmes régionaux (soit en remplaçant
les instruments nationaux par les instruments régionaux, soit en
adoptant des instruments identiques pour tous les partenaires) ;
· Enfin, inclure l'intégration
régionale dans les programmes scolaires à tous les
niveaux »96(*).
Concrètement, il s'agit de consolider la bonne
gouvernance par la mise en oeuvre des réformes institutionnelles et le
renforcement des capacités des institutions communautaires (comme la
sécurisation de la TCI) à travers l'amélioration de la
gouvernance des organes et institutions communautaires (BEAC, BDEAC, COBAC,
Cour de Justice, Parlement). Cela passe également par l'harmonisation
des secteurs économiques stratégiques comme les marchés
publics et la fiscalité à travers l'élaboration du cadre
de mise en oeuvre de la réforme des marchés publics et la mise en
oeuvre du programme d'harmonisation de la fiscalité. En outre,
l'amélioration de l'environnement des affaires et la promotion de
l'investissement est un autre penchant de cette nouvelle démarche.
Aussi, plusieurs réformes sont appelés à être
implémentées :
· Réforme et harmonisation des cadres
institutionnel et réglementaire des services financiers et des secteurs
publics marchands (énergie, transport,
télécommunications) ;
· Mise en place d'un cadre institutionnel et
réglementaire régional pour l'investissement et le partenariat
public privé ;
· Mise en place d'un cadre juridique et
réglementaire régional de référence pour
l'harmonisation des différents codes sectoriels (mines, gaz,
pétrole) ;
· Mise en place d'une Agence Régionale de
Promotion des Investissements et des Infrastructures (ARPII) ;
· Définition d'une législation
communautaire du travail des ressortissants étrangers de la
CEMAC ;
· Renforcement du cadre réglementaire et de la
transparence des transactions dans le secteur des Matières
Premières en Afrique Centrale (REMAP-CEMAC) ;
· Renforcement de la transparence dans la gestion des
matières premières par la politique régionale de suivi et
d'évaluation de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives
(ITIE).
Enfin, il convient également de développer les
nouvelles technologies et la transformation des facteurs de
compétitivité des Etats membres de la CEMAC.
« Les économies les plus riches ne sont
plus celles qui possèdent le plus de matières premières.
Ce sont, de plus en plus, celles qui possèdent le savoir faire et la
technologie pour exploiter et transformer ces matières
premières. 97(*)
Il en ressort qu'en tant pôle pétrolier de rang
mondial, la CEMAC est confrontée au défi de diversifier ses
sources de croissance, de se doter d'infrastructures économiques et
sociales nationales et surtout régionales. Il s'agit également de
bâtir progressivement une économie du savoir, d'améliorer
son attractivité pour les investissements extérieurs. Bref, de se
positionner durant ce siècle comme une région émergente et
d'assurer ainsi à près de quarante (40) millions de citoyens un
développement durable, en vue de lutter contre la pauvreté et
d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD).
Conclusion Générale
L
e présent travail visait le décryptage des
enjeux liés à la mise en oeuvre de l'intégration
sous-régionale en zone CEMAC à travers la libre circulation des
biens et des personnes. Il s'agissait de comprendre pourquoi les Etats membres,
précurseurs du processus d'intégration sous-régionale en
Afrique dès 1954 avec l'union douanière équatoriale,
tardent à rendre effectives, plus de cinquante (50) ans après,
les échanges des facteurs de productions et de créations de
richesses. Aujourd'hui encore, malgré la consécration d'un
dispositif juridique et institutionnel favorable, et une volonté
politique réelle longtemps décriée, l'état de la
libre circulation des biens et des personnes suscite des interrogations. Aussi,
pour nous, il a été question d'envisager une problématique
de l'inadéquation entre la construction institutionnelle de la
liberté de circulation des biens et des personnes, en zone CEMAC et mise
en oeuvre de celle-ci.
Cette étude, à travers une analyse juridique et
structuro-fonctionnaliste, a permis de comprendre que la zone CEMAC regorge
plusieurs instruments d'opérationnalisation de la libre circulation des
biens et des personnes matérialisés par l'institution du
passeport communautaire et la signature de plusieurs accords
privilégiés. De même, un appareil institutionnel
inédit notamment à travers le FODEC et le PER, rend compte de la
volonté des Etats de la sous-région d'aboutir de manière
collective et harmonieuse à une intégration sous-régionale
construite sur des bases solides de solidarité et de partage.
Pour autant, l'état
d'opérationnalisation de la libre circulation des biens et des personnes
en zone CEMAC, qui met en évidence un bilan mitigé à
travers le faible taux d'échanges, les velléités
protectionnistes et des querelles de leadership, permet de dégager
plusieurs axes de réponses aux interrogations suscitées. Ainsi,
dans un premier temps, les difficultés inhérentes au processus de
mise en oeuvre de la liberté de circulation des biens et des personnes
sont imputables à la faisabilité politique des reformes
initiées au sein des Etats membres et de la communauté
elle-même. Concrètement, dans un contexte de corruption
généralisée, la faiblesse du réseau de transport et
des infrastructures de productions, traduit des économies
concurrentielles et un déficit de bonne gouvernance.
En deuxième lieu, la récente reconfiguration
des forces en présence, due à la polarisation de
l'économie mondiale autour des produits miniers et pétroliers
favorables aux industries extractives, caractérielles de la
majorité des pays de la sous-région, favorise l'augmentation
nette des ressources de certains Etats. Cette manne contribue à
alimenter les réticences des Etats « riches »
à ouvrir leurs frontières et crée même une certaine
« animosité » envers les autres Etats
dépourvus de ces retombées. Aussi, l'instabilité
sécuritaire de la sous-région du fait de la criminalité
transfrontalière et de l'émergence des rebellions et groupes
armés non identifiés, constituent la porte ouverte à la
justification des politiques visant à réduire la mobilité
des biens et des personnes. C'est ainsi, que l'on a assisté à la
persistance des visas dans la zone durant le processus de mise en oeuvre de la
libre circulation.
En réalité, ces pistes d'analyses qui ne sont
pas propres aux Etats de la zone CEMAC, cachent un paramètre longtemps
marginalisé. Le patrimoine commun ethnique et culturel des Etats de la
zone CEMAC, jadis érigé en facteur d'intégration, s'est
fragmenté aux prix des trajectoires politiques et
socio-économiques différenciés. Ainsi, la mobilité
des personnes et des biens s'est dégradée d'autant plus que les
traits anthropologiques caractériels des peuples de la forêt
équatoriale n'ont jamais été favorables aux
échanges économiques. Ceci, conforté par
l'émergence des préjugés ayant rendu la cohabitation
difficile des différents peuples de la CEMAC.
Toutes ces pesanteurs structurelles, conjoncturelles et
socio-anthropologiques qui entravent l'effectivité de la libre
circulation des biens et des personnes en zone CEMAC corroborent parfaitement
nos hypothèses initiales. Celles-ci rendent compte des défis que
les Etats membres doivent relever dans l'optique de l'intégration
sous-régionale et l'insertion à l'économie mondiale. Il en
résulte que la multiplication des pratiques de bonne gouvernance
à travers l'initiative des réformes probantes et le respect des
engagements pris (notamment sur la TCI) est la première étape de
ce chantier d'envergure. Ensuite, il convient d'intégrer les acteurs du
secteur privé ainsi que la société civile, qui ont une
vocation sous-régionale avérée, dans les projets
intégrateurs et notamment le premier, celui de la libre circulation des
facteurs de production. Cette démarche traduit le fait que pendant
très longtemps, les populations ont été
écartées de la dynamique communautaire au profit des
sphères politico-administratives. D'où le constat d'échec
de l'effectivité de la libre circulation. Il convient donc de replacer
les peuples de la CEMAC au coeur du processus d'intégration
sous-régionale. Aussi, dans la même logique la
réhabilitation de l'esprit communautaire s'impose comme un
impératif catégorique de façon à inciter les
peuples à vouloir se connaitre et à cohabiter. Ce la passe par le
partage des valeurs et la définition d'une identité
communautaire.
Dans cette optique, les perspectives de la libre circulation
en zone CEMAC sont vastes et dépendent entièrement de l'effort de
concertation et de mobilisation des ressources de la part des pays membres de
l'institution sous-régionale. Ainsi, l'émergence des projets
fédérateurs, matérialisés par des acquis solides,
visibles et irréversibles va contribuer à la mise en oeuvre
progressive de la libre circulation des biens et des personnes.
Bien plus, l'état de à la mise en oeuvre de la
liberté de circulation des biens et des personnes en zone CEMAC est
symptomatique des difficultés liées à la construction de
l'intégration sous-régionale en Afrique centrale. Peut être
a t- on très vite conclu que les pays membres de la CEMAC étaient
voués à cohabiter de manière harmonieuse du simple fait de
leur proximité géographique et du partage des frontières.
Quoiqu'il en soit, notre étude, telle qu'elle a été
menée, participe à une meilleure compréhension d'un
domaine relativement épargné par les développements de la
communauté scientifique. Ainsi, elle contribuera, sans doute à
alimenter les réflexions visant à décrypter les processus
d'intégration régionale en Afrique en général, et
en Afrique centrale en particulier.
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Yaoundé, 25 juin 2008, 10 pages.
Acte additionnel n°05/CEMAC portant
adoption du 3ème rapport d'étape du PRI de la CEMAC
(2006-2008) et adoption d'une deuxième phase dudit PRI
(2009-2010)dédiée à la mise en oeuvre des conclusions et
recommandations issues du 3ème rapport d'étape, 20
février 2009, 2 pages.
Acte additionnel n°08/CEMAC relatif
à la libre circulation des personnes en zone CEMAC. 29 juin 2005, 2
pages.
Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17
modifiant le règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution
et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC,
Yaoundé, 20 juin 2008, 5 pages.
Convention régissant le parlement communautaire
CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 12 pages.
Convention régissant l'union économique
de l'Afrique centrale CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 37
pages.
Convention régissant l'union monétaire
de l'Afrique centrale CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 15 pages
Convention régissant la cour de justice
CEMAC, Libreville, 05 Juillet 1996, 9 pages.
Décision
n°12/06-UEAC-160-CM-14 de juin 2006 relatif à la
création du comité de suivi de la mise en oeuvre du programme
régional de facilitation des transports et du transit.
Décision n°99/07-UEAC-070
U+42-CM-16 portant création du comité de
suivi-évaluation de la libre circulation en zone CEMAC, Yaoundé,
18 décembre 2007, 2 pages.
Règlement N°
17/99/CEMAC-020-CM-03 du 17 décembre 1999 relatif à la
Charte des Investissements de la CEMAC, 9 pages.
Règlement portant harmonisation de la
réglementation des changes dans les Etats de la CEMAC,
Douala, 29 avril 2000, 53 pages.
B. Rapports et communications
Commission économique pour l'Afrique,
bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « rapport sur
l'Etat de l'intégration régionale en Afrique
centrale », 2003, 53 pages.
Commission économique pour l'Afrique,
bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « rapport sur
l'Etat de l'intégration régionale en Afrique
centrale », 2004, 48 pages.
Commission économique pour l'Afrique,
bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « prospectus
intégration régionale », 25ème
session du comité inter-état, Libreville 2007, 8 pages.
Commission économique pour l'Afrique,
bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, sixième session du
Comité du commerce, de la coopération et de l'intégration
régionales, « prise en compte de l'intégration au
niveau national », Addis-Abeba, 13-15 octobre 2009, 21 pages.
LIMAO N. et VENABLES A.
« Infrastructure, geographical disadvantage and transport
costs », Document de travail n°2257, Recherche sur les
politiques, Banque Mondiale, Washington DC, 1999.
C. Autres documents
http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/afri2005_chouala.pdf
http://www.gaboneco.com/show_article.php?IDActu=15579
ANNEXES
I. Guide d'entretien
Les avancées de la CEMAC par rapport à l'UDEAC
dans le cadre de la libre circulation
La comparaison de la libre circulation entre la CEMAC et
d'autres organisations sous-régionales
Les obstacles à l'effectivité de la libre
circulation
Les opportunités économiques et sociales de la
mise en oeuvre de la libre circulation des biens et des personnes en
CEMAC
Les projets en cours et leur impact sur le
développement de la sous-région
Les solutions qui s'imposent dans la mise en oeuvre de la
libre circulation des biens et des personnes
Les perspectives d'évolution de la libre circulation en
zone CEMAC
II. Administrations
ressources
· La sous-préfecture de KYE OSSI ;
· La sous-préfecture d'AMBAM ;
· Bureau principal des douanes de KYE OSSI ;
· Commandement de brigade de KYE OSSI ;
· Commandement de brigade d'AMBAM ;
· Mairie de KYE OSSI ;
· Service des traités du Ministère des
Relations extérieures ;
· Direction Logistique, Etat Major des Armées.
III. Carte géographique des Etats de la zone CEMAC
III. Kye Ossi : Notre
zone d'enquête
GABON
G. Equatoriale
CAMEROUN
IV.
Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 modifiant le règlement
n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de
délivrance du passeport CEMAC
Table des
matières
Dédicace
i
Remerciements
ii
Liste des sigles et
abréviations
iii
Liste des tableaux, graphiques et
encadrés
iv
Sommaire
v
Résumé
vi
Abstract
vii
Introduction Générale
1
1. Contexte
2
a. Contexte politique
2
b. Contexte socio-économique
4
2. Délimitation de
l'étude
6
a. Délimitation spatiale
6
b. Délimitation temporelle
7
c. Délimitation
matérielle
7
3. Définition des concepts
8
a.
Intégration sous-régionale
8
b. Libre
circulation
10
4. Intérêt de
l'étude
10
a. Intérêt scientifique
11
b. Intérêt social
11
5. Revue de littérature
11
6. Problématique du sujet
13
7. hypothèses
14
8. Cadre méthodologique
15
9. Techniques de collecte de
données
16
10. Articulation et justification du
plan
16
PREMIERE
PARTIE :
LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE
L'OPERATIONNALISATION DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES
EN ZONE CEMAC
17
Chapitre
1.
Le cadre
juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des
avancées tangibles
19
Section I. Le renforcement du
dispositif juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation
21
Paragraphe 1. Le développement
de la réglementation communautaire sur la libre circulation
21
A. l'adoption des accords bilatéraux
sur la libre circulation des personnes et des biens
21
B. La
libéralisation du passeport communautaire
23
Paragraphe 2. Densification du panorama
institutionnel pour la libre circulation : la consécration de la
nouvelle philosophie de la CEMAC
24
A. Création des institutions
« spécialisées »
24
B. Assignation d'objectifs
ciblés
25
Section II. Le développement de
la coopération entre Etats membres de la CEMAC
26
Paragraphe 1. La mise en place des
bases d'un marché commun
26
A. Le renforcement
de l'union douanière : l'adoption du Tarif Extérieur
Commun
26
B. Valorisation des
produits CEMAC et amorce d'un marché financier
28
Paragraphe 2. L'institution d'un
mécanisme autonome de financement
28
A. La Taxe Communautaire
d'Intégration : un mécanisme de financement simple
29
B. l'impact de la TCI dans le processus de
mise en oeuvre de la libre circulation
30
Chapitre
II.
L'opérationnalisation
de la libre circulation en zone CEMAC à l'épreuve des
défaillances avérées.
32
Section I. La non réalisation
des objectifs fondamentaux de la CEMAC
34
Paragraphe 1. Le plan d'action de
Malabo dévoyé
34
A. Echec de la première étape
du plan d'action
34
B. l'implémentation d'un Programme
de Réformes Institutionnelles
35
Paragraphe 2. La non application des
décisions communautaires
36
A. L'infertilité des instruments
d'intégration
36
B. Les carences
institutionnelles de la CEMAC
37
Section II. La faiblesse de l'esprit
communautaire
38
Paragraphe 1. De l'existence des
velléités protectionnistes
39
A. Persistance des
visas en zone CEMAC
39
B. Apparition de
querelles de leadership
40
Paragraphe 2. Des dysfonctionnements du
mécanisme de financement de la CEMAC
41
A. Un principe de
collecte inadapté
41
B. Le reversement
partiel et tardif des contributions des Etats membres
42
C. La dotation de
l'essentiel des contributions au fonctionnement des institutions
44
DEUXIEME
PARTIE :
PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE
EN OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE
CEMAC
45
Chapitre
3.
Les
pesanteurs de la libre circulation en zone CEMAC :
prééminence des obstacles majeurs
47
Section I. La faisabilité
politique des réformes en Zone CEMAC
49
Paragraphe 1. Un déficit de
bonne gouvernance
49
A. L'initiation des
réformes sans résultats probants
50
B. Un contexte de
corruption généralisée
51
Paragraphe 2. Des économies
concurrentielles plutôt que complémentaires
53
A. Absence
d'infrastructures ou structures de productions identiques
53
B. Un réseau
de transport communautaire en total déliquescence
56
Section II. La conjoncture en Afrique
centrale, une source de déstabilisation du processus
d'intégration sous-régionale en CEMAC.
59
Paragraphe 1. De la fragilité
des Etats en Afrique centrale à la neutralisation des initiatives
communautaires
59
A. Ancrage
démocratique et légitimité des dirigeants des Etats de la
zone CEMAC
60
B. Les
instabilités sécuritaires et simplification des échanges
économiques en zone CEMAC
60
Paragraphe 2. Nouveaux gisements
miniers/pétroliers en zone CEMAC : pomme de discorde et
reconfiguration des forces en présence
62
A. La
multiplication des crises diplomatiques entre Etats : le règne de
la philosophie du soupçon
62
B. Echanges de bons
procédés et dissémination des projets
intégrateurs
65
Section III. Les entraves socio
anthropologiques à la libre circulation en zone CEMAC
66
Paragraphe 1. Espace
géographique et sédentarisation des populations en zone CEMAC
66
A. Une faible
culture de mobilité des peuples de la forêt
équatoriale.
67
B. Un nomadisme
culturel plutôt qu'économique
68
Paragraphe 2. Emergence des
préjugés en zone CEMAC : une cohabitation devenue
difficile
69
A. Le paradoxe de
l'hospitalité camerounaise
69
B. Les cultures en
apparence semblables aux structures mentales différentes
70
Chapitre
4.
Les
perspectives d'évolution de la libre circulation en Zone CEMAC
72
Section I. Les scénarios
possibles de l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC
73
Paragraphe 1. Le scénario
pessimiste : La libre circulation « en panne »
74
A. Persistance de
l'infertilité des mécanismes intégrateurs
74
B. Peur de
l'envahissement et éloignement des populations
75
Paragraphe 2. Le scénario
réaliste : mise en oeuvre progressive de la libre circulation
76
A. Prise de
conscience et émergence des projets fédérateurs
76
B. Acquis solides,
visibles et irréversibles
77
Paragraphe 3. Le scénario
optimiste : effectivité de la libre circulation
77
A. Changements
profonds et initiation de projets ambitieux
78
B. Harmonisation
des politiques et diversifications des acteurs
78
Section II. Les défis à
relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC
79
Paragraphe 1. La réhabilitation
de l'esprit communautaire
79
Paragraphe 2. Replacer les peuples au
coeur de la dynamique d'intégration sous-régionale
81
Paragraphe 3. La multiplication des
pratiques de bonne gouvernance
82
Conclusion Générale
85
Bibliographie
88
I. Manuels, traités, recueils,
lexiques et cours
88
II. Ouvrages
88
III. Thèses, mémoires et
études
88
IV. Articles
89
V. documents
91
A. Textes officiels
91
B. Rapports et communications
92
C. Autres documents
92
ANNEXES
93
I. Guide d'entretien
A
II. Administrations ressources
A
III. Carte géographique des
Etats de la zone CEMAC
B
III. Kye Ossi : Notre zone
d'enquête
B
IV. Règlement
n°01/08-UEAC-042-CM-17 modifiant le règlement
n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de
délivrance du passeport CEMAC
C
Table des matières
a
* 1 Par la suite, les 22 et
23 novembre 1972, ces États paraphent deux conventions de
coopération monétaire, l'une entre eux, l'autre avec la France. A
travers la première convention, ces Etats se dotent d'une monnaie
commune : le FCFA (franc de la coopération financière en
Afrique) à ne pas confondre avec le Franc des Colonies
Françaises en Afrique, vestige de la colonisation. La seconde convention
à pour effet d'attribuer au FCFA une parité fixe par rapport au
Franc Français, lui confiant ainsi une valeur internationale.
* 2 Les Chefs d'État
et de gouvernement des pays membres, ont lancé officiellement les
activités de la Communauté Économique et Monétaire
de l'Afrique Centrale le 25 juin 1999, avec la nomination des responsables des
divers organes créés et l'adoption d'un plan d'action dit
« Déclaration de Malabo ».
* 3 Il s'agit de plusieurs
mouvements de rebellions [le Front Uni pour le Changement (FUC), le Mouvement
pour la Démocratie et la Justice au Tchad (MDJT)] et les milices
ZAGHAWAS réputés proches du pouvoir.
* 4 Le pays a connu plusieurs
coups d'Etats ou tentatives : mai 2001 par le général
KOLINGBA, octobre 2002 et le 15 mars 2003 par François BOZIZE.
L'élection de ce dernier à la présidence de la
république en mai 2005 avec 64.6% des voies a été source
de conflits et a contribué à l'émergence de mouvements de
rebelles. Source : « BOZIZE, François »
Microsoft Encarta 2009. Microsoft Corporation, 2008
* 5 La Force Multinationale
d'Afrique Centrale (FOMAC) s`est installée en fin juin 2008 avec pour
mandat de désarmer, démobiliser et réinsérer les
forces rebelles.
* 6 DOLOGUELE Anicet Georges,
ancien président de la Banque de Développement des Etats de
l'Afrique Centrale, in Jeune Afrique n°2518, du 12 au 19 avril
2009, p.25.
* 7 Source : RAMSES IFRI
2004 in
www.IZF.com consulté le 16 juin 2009
à 19h40.
* 8 Avec un PIB (2006) de
9 546 millions de dollars soit 7 283 dollars par habitant. Source BEAC
* 9 Avec un PIB (2006) de18 323
millions de dollars soit 1 008 dollars par habitant. Source BEAC
* 10 Avec un PIB (2006) de
7 385 millions de dollars soit 2 002 dollars par habitant. Source
BEAC
* 11 Avec un PIB (2006) de12.8
milliards de dollars soit 324 dollars par habitant. Source BEAC
* 12 Avec un PIB (2006) de1 500
millions de dollars soit 350 dollars par habitant. Source BEAC
* 13 Avec un PIB (2006) de 8
565 millions de dollars soit 17 281 dollars par habitant. Source BEAC
* 14 Avant l'entrée en
vigueur du passeport communautaire le 16 mars 2010.
* 15 SOUDAN François,
« où va l'Afrique centrale ? » in
Jeune Afrique, op.cit, p. 25
* 16 Cet accord, qui porte
l'ancien nom de la capitale tchadienne où il fut adopté en 1973,
fixait les règles de répartition des postes au sein de l'ensemble
sous-régional. Il a du s'adapter dès 1985 avec l'entrée de
la Guinée Equatoriale en UDEAC. Sous forme de « gentlemen's
agreement », c'est-à-dire, engageant la volonté de ceux
qui l'ont conclu et n'impliquant aucune responsabilité juridique, cet
accord prévoyait notamment que le gouvernorat de l'institut
d'émission revienne au Gabon, et le vice-gouvernorat au Congo ou au
Tchad. En contrepartie, le siège se trouverait à Yaoundé.
De la même manière, la répartition des institutions sur le
territoire communautaire était censée respecter des
critères d'équité.
* 17 COUSSY Jean, HUGON
Philippe (sous la dir. de), Intégration régionale et
ajustement structurel en Afrique subsaharienne, Paris : La
Documentation française, 1991, p.47.
* 18 BOGUIKOUMA Martin,
L'intégration régionale en Afrique Centrale comme
stratégie d'insertion dans le nouveau contexte de mondialisation,
thèse de sciences politiques, Université d'Ottawa, octobre 1999,
p.50.
* 19 Développée
par BOGUIKOUMA Martin, op.cit.
* 20 BOGUIKOUMA Martin, op.cit.
p.52.
* 21 Idem.
* 22 La mise en place d'un
véritable marché commun implique également une
intégration monétaire et une intégration
financière. L'intégration monétaire qui correspond
à la circulation parfaite des devises, c'est-à-dire la
possibilité d'utiliser n'importe quelle devise d'un pays membre à
un autre, exige un système de change fixe. L'intégration
financière correspond à la mobilité parfaite des capitaux
et peut se mesurer par l'égalité des taux d'intérêts
réels.
* 23 La France, l'Allemagne,
l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, et les Pays Bas ont créé en
1951, une union douanière pour le charbon et les produits
sidérurgiques, la communauté européenne du charbon et de
l'acier (CECA). En mars 1957, le traité de Rome instaure la
communauté économique européenne et la communauté
de l'énergie atomique (Euratom) entre ces pays. La disparition
progressive des droits de douanes entre les pays membres et la mise en place
d'un tarif douanier unique (le tarif extérieur commun) conduit à
la réalisation de l'union douanière européenne le
1er juillet 1968.
* 24 QUESNAY
François, (1694-1774), Economiste français, principal fondateur
de l'école physiocratique. Dans son Tableau économique
(1758), François Quesnay expose ce qu'il nomme l'ordre naturel de
l'économie. Sa théorie, est fondée sur l'idée que
le commerce et l'industrie sont essentiellement improductifs. Seule
l'agriculture est, selon lui, source de richesse.
* 25 SCHULDERS Guy,
S'unir, le défi des Etats de l'Afrique centrale, Paris :
l'Harmattan, 1990 pp. 87-88
* 26 ROPIVIA, Marc louis
« Institutions déliquescentes et espace
éclaté : quelle intégration en Afrique
centrale ? », in BACH Daniel,
Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique
subsaharienne, Paris : Karthala, 1998, p 178.
* 27 La CEMAC a le même
dispositif juridico-institutionnel que l'UEMOA et à quelques exceptions
près, de l'UE.
* 28 HIBOU Béatrice,
« Contradictions de l'intégration régionale en Afrique
centrale », Université de Versailles, 8pages
1994.
* 29 Avec une population
estimée en 2008 à 68 000 000 d'habitants. Source :
www.IZF.net consulté le 14 avril 2010
(17h50)
* 30 Communauté
Economique des Etats de l'Afrique Centrale
* 31 Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
* 32 Anonyme, Le structuro
fonctionnalisme,
http://fr.wikipedia.org/wiki/structuro-fonctionnalisme,
consulté le 29 décembre 2008 à 12h40.
* 33 GRAWITZ Madeleine,
Méthodes des sciences sociales, 8e édition,
Paris : Dalloz, 1990, p. 493.
* 34Performances Management
Consulting - ECDPM, Diagnostic organisationnel et
institutionnel de la CEMAC, tome 1, février 2006, p. 7.
* 35 Sur la base des
conclusions des différents audits réalisés sur la CEMAC,
et pour donner une dynamique nouvelle à l'intégration
sous-régionale dans la zone, les Chefs d'Etats ont décidé
lors de leur conférence de Bata de 2005 de réformer les
institutions de la CEMAC dans le cadre d'un Programme de Réformes
Institutionnelles (PRI).
* 36 La mise en place du
FODEC a été prévue par l'article 77 de la convention de
l'UEAC du 05 juillet 1996.
* 37 Source :
Secrétariat exécutif de la CEMAC, comptes BDEAC.
* 38 La zone de libre
échange vise l'abolition des obstacles tarifaires dans les
échanges commerciaux, c'est-à-dire la suppression des
restrictions quantitatives et des droits de douane, mais chaque pays membre
demeure maître de sa politique douanière avec les pays tiers
* 39 Source :
commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour
l'Afrique centrale, prospectus intégration régionale,
25ème session du comité inter-état, Libreville,
2007, p.7.
* 40 Les contingents
tarifaires instituent des droits réduits ou nuls pour des
quantités déterminées. Ils ne sont pas des restrictions
quantitatives ; les Etats membres peuvent importer des produits excédant
le contingent mais les produits excédant le contingent sont alors soumis
aux droits normaux du TEC.
* 41 Adoptée le 17
Décembre 1999 à N'djamena.
* 42 Organisation pour
l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
* 43 Est
considéré comme « Produit CEMAC », tout
produit fini ou matière première entièrement obtenu dans
les Etats membres de l'Union, les produits du cru et les produits
fabriqués dans le territoire. Précisément, il s'agit des
biens industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des
matières premières communautaires représentant en valeur
au moins 40% de l'ensemble des intrants utilisés ; des produits
industriels dont la valeur ajoutée obtenue localement est au moins
égale à 30% du prix sortie usine.
* 44 Selon l'article 24 de
la charte des investissements de la CEMAC, son rôle est de veiller au
respect des normes prudentielles par les banques.
* 45 Avant l'adoption du
mécanisme de la TCI, les pays budgétisaient les dépenses
au titre du fonctionnement des institutions communautaires. Ensuite, le
versement des contributions des Etats se faisait via leur Trésor public.
Ce système s'est révélé inadapté, les pays
membres n'ayant pas toujours honoré leurs engagements. Il en a
résulté de sérieuses difficultés qui ont
contribué à paralyser l'UDEAC.
* 46 Sous l'UDEAC, les
fonctionnaires ont pu rester près de quatorze mois sans salaire, ce qui
ne s'est plus vu depuis le démarrage de la CEMAC.
* 47 Performances Management
Consulting - ECDPM, op cit. p.15.
* 48 Les indices
d'intégration ont été estimés à partir de
l'intégration dans huit secteurs, à savoir le commerce, la
monnaie et les finances, le transport, les communications, l'énergie,
l'agriculture, l'industrie, le développement humain et les
marchés du travail. Une certaine attention a également
été accordée aux dossiers de l'eau et des mines ainsi
qu'aux questions transversales que sont la paix et la sécurité,
le VIH/sida et les inégalités entre les sexes.
* 49 Performances Management
Consulting - ECDPM, op.cit, p. 21.
* 50
Décision
n°12/06-UEAC-160-CM-14 de juin 2006.
* 51 A l'origine,
c'est-à-dire au début du 20eme siècle, le protectionnisme
est un système consistant à protéger l'économie
d'un pays contre la concurrence étrangère. Aujourd'hui, le
protectionnisme se conçoit plus comme toute politique, pratique ou
mesure visant à sauvegarder des intérêts et
considérée comme individualiste, prises dans une
communauté.
* 52 Source :
diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, op.cit, p. 30.
* 53 Idem, p.30.
* 54 Les échanges
entre pays membres dépassent à peine 3% à la faveur de
l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. De même la circulation des
services et des capitaux est quasi inexistante. A ce jour, l'unification des
deux bourses régionales révélera seulement cinq (05)
entreprises cotées.
* 55 BEKOLO-EBE Bruno,
« L'intégration régionale en Afrique :
caractéristiques, contraintes et perspectives», XVIIème
journées de l'Association Tiers-Monde mai 2001.
* 56 Commission Economique
pour l'Afrique, op.cit, p.1.
* 57 MIGNAMISSI Michel
Dieudonné, « Reformes macroéconomiques et
intégration par le marché dans la CEMAC »,
Université Yaoundé II, in
www.mémoireonline.com
* 58 Indice publié
chaque année dans un rapport nommé baromètre mondial de la
corruption par l'ONG Transparency International sur des avis recueillis
auprès des populations.
* 59 Après avoir
été classé 1er mondial en 1998 et en 1999, au
Cameroun cette enquête révèle que plus de 50 % des
sondés affirment avoir versé un bakchich sur les douze mois
écoulés.
* 60 Source :
http://www.gaboneco.com/show_article.php?IDActu=15579,
(consulté le 30 Octobre 2009 - 09h59).
* 61NKOA François
Colin, « Interconnexion des territoires en zone CEMAC et conditions
d'une croissance endogène sur le plan régional... »
www.ici-cemac.net, consulté le 18
avril 2010 à 16h10.
* 62Au Cameroun, la
fourniture de l'énergie s'est dégradée alors que le
potentiel hydroélectrique est insuffisamment exploité. Il est en
effet estimé à 800MW. Ce pays n'est cependant pas membre du Pool
Energétique de l'Afrique centrale qui a été
créé le 12 avril 2003 et qui regroupe le Gabon, la RCA, la RDC,
la Guinée équatoriale, Sao-Tomé et Principe, le Congo et
le Tchad.
* 63 NKOA François
Colin, op cit.
* 64HUGON Philippe,
« L'intégration régionale dans les économies en
développement au regard des nouvelles théories de la
régionalisation », CERED/FORUM, Université Paris X
Nanterre, 2001.
* 65KOULAKOUMOUNA Etienne,
« Transport routier et effectivité de l'intégration
régionale dans l'espace CEMAC : enjeux et contraintes pour le
développement durable du Congo », Centre d'Etudes et de
Recherche en Analyse et Politiques Economiques (CERAPE), 2005, p.9.
* 66 « Il
n'existe pas à l'heure actuelle de couple de pays, au sein de la Cemac,
dont les capitales sont reliées par une route bitumée même
si de nombreux projets allant dans ce sens existent. Ainsi, il faut encore
entre 7 et 10 jours pour aller de Douala à Bangui (1450 km), avec
près d'une vingtaine de points de contrôle de divers services
administratifs (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes,
municipalités) », François Colin NKOA,
« Le leadership économique du Cameroun en zone CEMAC :
obstacle ou atout à l'intégration régionale ? »
in
Enjeux n°22,
janvier-mars 2005, p.26.
* 67 KOULAKOUMOUNA Etienne,
op.cit., p. 14
* 68 NKOA François
Colin, op.cit
* 69 La Camair, compagnie
nationale détenue à plus de 96% par l'Etat camerounais croulait
sous une dette estimée à plus de 50 milliards de francs CFA. La
compagnie nationale Air Gabon n'était pas mieux lotie avec une dette
d'à peu près 60 milliards de francs CFA. Source.
www.rfi.fr, Didier Samson, « pourquoi
Air CEMAC ne volera pas », article publié le 16/06/05 à
10h49.
* 70 Aéroport à
fort trafic aérien qui aménage les horaires des avions pour
optimiser les correspondances.
* 71 LIMAO N. et VENABLES A.
« Infrastructure, geographical disadvantage and transport
costs », Document de travail n°2257, (1999), Recherche sur les
politiques, Banque Mondiale, Washington DC.
* 72 CEA, op cit. p.3.
* 73 Yves-Alexandre CHOUALA,
« Puissance, résolution des conflits et sécurité
collective à l'ère de l'Union africaine. Théorie et
pratique », in AFRI 2005, volume VI. P, 300.
* 74 Au Congo par exemple,
les conflits civils ont occasionné entre autre une destruction
importante des infrastructures portuaires, de transport ferroviaire et routier.
* 75 SAMNICK Emmanuel
Gustave, « De la difficulté de circuler librement en
Afrique Centrale », in
Enjeux n°24,
juillet-septembre 2005, p. 20.
* 76 En ce sens, la
Guinée fait figure d'épouvantail parce qu'elle a entrepris la
construction d'une autre capitale, siège des institutions politiques, et
des parlements dans chaque grande ville du pays.
* 77 KOUFAN MENKENE Jean,
TCHUDJING Casimir, « Un exemple de blocage du processus
d'intégration en Afrique centrale : la persistance des facteurs
conflictuels entre la Guinée équatoriale et ses voisins
francophones depuis 1979 ». in Dynamique d'intégration
régionale en Afrique centrale, p. 337.
* 78 Dans une enquête
exclusive de l'hebdomadaire Jeune Afrique, publiée lundi 14
septembre 2009, on apprend que trente millions d'euros (dix-neuf milliards de
francs Cfa) au minimum ont été détournés au sein du
bureau de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) à Paris entre
2004 et 2008. De 2004 à juillet 2008, 2400 chèques frauduleux ou
suspects ont été émis, 38 virements suspects ont
été repérés, 1298 retraits en liquides non
reversés et non enregistrés dans le livre de caisse ont
été effectués.
* 79 KOULAKOUMOUNA Etienne, op.
cit, p.16
* 80 Son architecture est
impressionnante par sa taille et la superposition de strates multiples
constituées d'arbres de différentes tailles
-- jusqu'à 50 m de haut -- de buissons, d'herbes et de
champignons. Parmi ses traits physionomiques majeurs, les plus
caractéristiques sont l'absence de lumière, la profusion des
lianes et des épiphytes, les cimes seulement visibles depuis des
observatoires élevés.
* 81
Concept fondamental de la sociologie de Pierre Bourdieu, l'habitus est le
système de dispositions durables et transposables dont sont dotés
les agents sociaux : c'est donc la façon dont
l'extériorité s'intériorise, c'est-à-dire la
manière dont les structures sociales s'inscrivent dans les esprits et
dans les corps des personnes. Microsoft ® Encarta ® 2009. (c)
1993-2008 Microsoft Corporation.
* 82 Au bord du Lac Tchad et du
Niger.
* 83 Fondé par Ousman
DAN FODJO dans le nord du Nigéria.
* 84 Passage à
l'âge adulte
* 85 MOKAM David,
« Les peuples traits d'union et l'intégration régionale
en Afrique centrale : le cas des Gbaya et des Moundang », in
Dynamique d'intégration régionale en Afrique centrale,
p.125.
* 86 Entre mai 1967 et
janvier 1970, la guerre du Biafra oppose le Nigeria au peuple Ibo, après
que celui-ci ait proclamé la république du Biafra à l'est
du pays. Cette guerre civile, qui se termine avec l'écrasement des
sécessionnistes par l'armée fédérale
nigériane, provoque la mort d'un million de personnes, victimes pour la
plupart de la famine et de la malnutrition.
* 87 Au Cameroun signifie
escroc, arnaqueur.
* 88 NIZESETE Bienvenu Denis,
« patrimoine culturel de l'Afrique centrale : fondement d'une
intégration régionale véritable », In
dynamique d'intégration régionale en Afrique centrale,
p. 31.
* 89 Évaluation
monétaire de la somme des valeurs ajoutées créées
en une année par toutes les entreprises nationales et
étrangères, implantées sur le territoire d'un pays Le
niveau de vie dans un pays a souvent pour indicateur le PIB par habitant, qui
est calculé en divisant le PIB du pays par le nombre d'habitants.
Source, Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft
Corporation.
* 90 Publié par le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), cet indice
tente de rendre compte du « bien-être » des
populations ; l'IDH englobe donc le PIB par habitant, mais
également le degré d'alphabétisation, l'accès
à l'enseignement, le taux de mortalité infantile et
l'espérance de vie à la naissance.
* 91 Conférence de paix
et de sécurité en Afrique Centrale
* 92 Performances Management
Consulting - ECDPM, op.cit. p.48
* 93 Performances Management
Consulting - ECDPM, op.cit. P.45.
* 94 Commission Economique
pour l'Afrique, Sixième session du Comité du commerce, de la
coopération et de l'intégration régionale, op.cit p.14
* 95 Commission Economique
pour l'Afrique, Sixième session du Comité du commerce, de la
coopération et de l'intégration régionale, op.cit p.15
* 96 Commission Economique
pour l'Afrique, op.cit p.15
* 97 Diagnostic organisationnel
et institutionnel, op.cit. P.45.
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