La participation des forces de défense camerounaise aux opérations de maintien de la paix en Afrique( Télécharger le fichier original )par Justine Nathalie NDZIE Institut des relations internationales du Cameroun - Master I en relations internationales option diplomatie 2009 |
iNTRODUCTION GENERALELe thème de notre choix est « la participation des Forces de Défense Camerounaises (FDC) aux opérations de maintien de la paix en Afrique ». Pour mieux présenter ce thème, nous parlerons d'abord des généralités sur le maintien de la paix, ensuite du contexte africain des opérations de maintien de la paix (OMP), et enfin du sujet proprement dit. A. LES GENERALITES SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX Il s'agit de plancher ici sur la genèse, le développement et la complexité du troisième mode de fonctionnement du chapitre VII de la charte des Nations Unies relatif aux OMP. En effet, la disparition des blocs après la guerre froide s'est accompagnée d'un relâchement des grandes tensions entre puissances. Cependant, si les conflits n'ont pas disparu, ils ont changé de nature et ont gagné en complexité. Les guerres classiques deviennent l'exception, celles dites « guerres moléculaires » et autres formes d'antagonismes devenant la règle. Entre 1990 et 2002, le monde n'a connu que trois conflits armés majeurs ayant opposé des Etats alors que 58 affrontements majeurs répartis dans 46 endroits ont opposé des factions au sein d'un même territoire national. Cette tendance affecte particulièrement l'Afrique 1(*), va inviter aux cotés des missions d'observation mises sur pieds dès 1948 pour des différends limités, une nouvelle forme d'action élaborée dès 1956 à savoir, la force d'interposition composée de contingents armés nationaux fournis de façon volontaire par les Etats membres2(*). Ce nouveau type d'intervention, dénommé « opérations de maintien de la paix », véritable invention onusienne ad hoc, n'est pas prévu par le texte de la Charte. Pour autant il est en conformité avec l'article 1 de cette charte. A priori, la construction de ce nouvel instrument de maintien de la paix est allée de pair avec l'incapacité de mettre en oeuvre les dispositions du chapitre VII3(*). L'ONU ne disposant donc pas de troupes permanentes, les OMP sont des forces destinées aux opérations entreprises au coup par coup et de façon plus ou moins empirique, sous le pavillon de l'Organisation. Dans ces conditions le terme OMP correspondra à un terme global comprenant à la fois le soutien militaire aux initiatives diplomatiques, l'engagement des observateurs et de moniteurs, les actions traditionnelles de maintien de la paix, le déploiement préventif, l'assistance humanitaire, la protection et la distribution de secours, la mise en oeuvre des sanctions et l'imposition de la paix. De même, sera également considérée comme opération de maintien de la paix, toute action qui consiste en la prévention, la limitation, la modération et la cessation d'hostilités internes ou entre Etats par l'intervention d'un tiers, dirigées par des éléments internationaux, utilisant des forces militaires, policières et civiles multinationales, pour maintenir, rétablir, consolider et le cas échéant imposer la paix.4(*) Au total, le maintien de la paix englobe des situations de prévention, de « rétablissement de la paix5(*) », « d'imposition de la paix 6(*)» et de « consolidation de la paix 7(*)». Dans ce cadre, la prévention militaire a pour mandat d'éviter que les différends ne surgissent entre les parties, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il ne s'étende pas. La relance de l'ONU observée lors de la crise du golf en 1990 par l'autorité nouvelle du Conseil de Sécurité (CS) s'est accompagnée d'une évolution rapide de la nature des OMP. Ce phénomène s'est traduit par l'utilisation du vocable de `' Générations d'OMP''. C'est ainsi qu'on distingue : · Les OMP dites de `'Première Génération'' encore appelées maintien de la paix traditionnel, instrument aux ambitions modestes qui a été rarement utilisé, à peine 13 fois au cours des 45 premières années d'existence de l'ONU8(*) ; et · les OMP de `'Deuxième génération'' apparues dès la fin des années 80 et caractérisées par une expansion remarquable tant sur le plan quantitatif (avec un accroissement de leur nombre dû aux multiplications des conflits dans le monde ayant caractérisé la période d'après guerre froide) que sur le plan qualitatif (avec une complexité de plus en plus grande des missions des soldats de la paix) qui intègre également des ambitions plus grandes et des risques (dangers) plus marqués9(*) B. CONTEXTE AFRICAIN DES OMP L'ONU a cessé d'exercer le monopole dans la conduite et la gestion des OMP. En effet l'Union Européenne (UE), l'UA et bien d'autres organisations régionales et sous régionales se sont dotées de capacités propres en matière de commandement et contrôle de contingents militaires pour des missions de paix. Les réalités profondes et anciennes du continent noir faisaient déjà dire à Frédérico Major, ancien Directeur Général de l'UNESCO, qu'il a la ferme conviction « que l'Afrique, avec la richesse de ses traditions et de sa culture, a un rôle fondamental à jouer dans le projet mondial d'instauration d'une culture de la paix »10(*). L'action des Forces de Défense Africaine en faveur de la paix dans le monde épouse les contours de l'évolution de l'histoire diplomatique. En effet, lorsqu'au lendemain de la guerre du Golfe de 1990, le Président Georges Bush proclame le nouvel ordre mondial devant le Congrès américain, lui-même préparé en amont par la fin de la guerre froide, l'ONU ne peut faire l'économie d'une reforme institutionnelle. C'est dans ce contexte qu'intervient la Déclaration du Conseil de Sécurité du 31 janvier 1992 chargeant le Secrétaire Général M. BOUTROS BOUTROS GHALI de réaliser une « étude et de faire des recommandations sur les moyens de renforcer la capacité de l'organisation dans les domaines de la diplomatie préventive, du maintien et du rétablissement de la paix et sur la façon d'accroitre son efficacité dans le cadre des dispositions de la charte ».11(*) Le 23 juillet 1992, le Secrétaire Général de l'Organisation publiait ses propositions sous le nom d' « agenda pour la paix ». Celui-ci reposait sur cinq piliers interdépendants : la « diplomatie préventive », le « rétablissement de la paix », le « maintien de la paix », la « consolidation de la paix » et la « coopération avec les organismes régionaux ». De tous ces cinq piliers, c'est celui portant sur la coopération entre l'ONU et les organisations régionales et sous-régionales qui balise l'action des Forces de Défense africaine en faveur de la paix sur leur continent. L'agenda pour la paix va ainsi concrétiser la nouvelle approche onusienne de la sécurité collective, fondée sur la décentralisation du maintien de la paix. Cette décentralisation accorde un rôle accru aux accords et organismes régionaux, ouvrant par conséquent la voie à une plus grande mobilisation des organisations sous régionales africaines dans la lutte contre la multiplication des conflits sur le continent. Aussi, les actions des Forces de Défense au service de la paix en Afrique ont elles pour cadre, l'UA et plus précisément, son Conseil de Paix Sécurité dont le protocole a été adopté par la première session ordinaire de la conférence de l'UA tenue à DURBAN en Afrique du Sud12(*). C. PRESENTATION DU SUJET PROPREMENT DIT Le choix du thème portant sur l'examen de : « La participation des forces de défense du Cameroun aux OMP en Afrique » résulte de plusieurs constats. Les OMP ne sont plus seulement l'affaire de l'ONU, leur régionalisation est déjà effective, les acteurs dudit domaine se sont multipliés. Par ailleurs l'Afrique est le continent le plus touché par une suite interrompue de guerres et de violences multiformes qui font des dizaines de milliers de morts et de blessés, ainsi que des nombreuses populations déplacées et refugiées. A ces conséquences humaines désastreuses, s'ajoute un chaos socio-économique qui a fait dire aux chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA réunis au Caire qu'« aucun facteur interne n'a autant contribué aux problèmes socio-économiques de notre continent que le fléau des conflits intra- et interétatiques. »13(*) Un autre constat est que la puissance aujourd'hui se mesure de plus en plus à l'aune des participations à la résolution des problèmes internationaux. C'est compte tenu de tout ce qui précède que nous avons voulu nous interroger sur la pertinence et/ou l'impact du rôle de nos forces de défense dans les opérations de maintien de la paix en Afrique. L'objet d'un travail de recherche selon Madeleine GRAWITZ répond à la question qu'est ce que je cherche ?14(*) Appliqué à notre thème de travail, il sera question pour nous de rechercher les buts de la politique étrangère ou intérieure visés par le Cameroun à travers la participation de ses forces de défense aux OMP en Afrique. Le sujet que nous avons choisi est d'un intérêt à la fois théorique et pratique. Sur le plan scientifique et donc théorique, parler de l'apport du Cameroun dans les OMP rappelle la sociologie même des relations internationales. C'est la dynamique de la recherche du positionnement et du rayonnement des Etats sur une scène internationale, qui est caractérisée par la concurrence et la compétition, les rapports de force et les alliances, les récupérations et l'opportunisme des acteurs. Sur un plan pratique, ce travail pourrait permettre de comprendre les enjeux et considérations qui président l'engagement du gouvernement quant à la participation des forces camerounaises aux OMP. De même, cette réflexion pourrait également être pour les décideurs politiques, un moyen d'évaluation des décisions prises dans la perspective de l'amélioration de la politique nationale en matière de participation aux OMP. La problématique qui se dégage de notre sujet peut être formulée ainsi qu'il suit : en quels termes comprendre l'investissement du Cameroun dans les OMP africaines ? Autrement dit, pourquoi et comment le Cameroun participe t-il aux OMP ? Quelle lecture peut-on faire de cette participation et quelles perspectives au regard des réalités actuelles ? Les réponses à ces multiples interrogations constitueront le noeud de toute notre réflexion qui sera présentée en trois chapitres traitant notamment du cadre de la participation des FDC aux OMP en Afrique (chapitre 1), les interventions proprement dites du Cameroun dans le champ des OMP (chapitre 2), et l'évaluation de la participation des FDC aux missions de paix sur le continent (chapitre 3). Mais avant nous aurons un chapitre préliminaire dans lequel nous parlerons du stage en lui-même. * 1 Patrice Emery Bakong et Mamoudou Gazibo, « les nouveaux conflits d'Afrique subsaharienne » in S/D Jocelyn Coulon, guide du maintien de la paix 2005, Athéna édition, 2004, page 99 à 100. * 2 Etats membres autres que les cinq grandes puissances, mais dont la conduite est déléguée au secrétaire général et à ses services * 3 Alexandra Novosseloff, « le chapitre VII, le recours à la force et le maintien de la paix » in S/D Jocelyn Coulon, guide du maintien de la paix 2005, Athéna édition,2008, page 86.
* 4 Lieutenant colonel Louis Marie Kouna, « les opérations de maintien de la paix genèse, développement et complexité » in honneur et fidélité numéro spécial `' force de défense au service de la paix en Afrique et dans le monde'', 20 mai 2005 * 5 Le rétablissement de la paix vise à rapprocher des parties hostiles, essentiellement par des moyens pacifiques prévues par la diplomatie classique visée dans le chapitre VI de la Charte des nations unies. * 6 L'imposition de la paix est une action collective, coercitive qui peut être déclenchée par le conseil de sécurité en vue de mettre fin à une menace à la paix et à la sécurité internationale ou à une rupture de la paix au moyen d'éventail de mesures allant de la démonstration de la force( mesure de blocus, sanctions économiques) à l'emploi effectif de la force(action armée). * 7 La consolidation de la paix définit l'action menée après les conflits, en vue de reconstituer des bases propres à affermir la paix. En effet le passage de la guerre à la paix, s'il constitue un soulagement évident est toujours chaotique et douloureux. Depuis la chute du mur de Berlin, la communauté internationale tente, à travers l'action humanitaire, la présence militaire et la promotion de la justice pénale internationale d'accompagner les pays qui sortent de la guerre, présageant que c'est le meilleur moyen pour que la paix soit durable. * 8 Louise Frechette, « grandeur et misère du maintien de la paix » in S/D Jocelyn Coulon, guide du maintien de la paix 2005, Athéna édition, 2008, page52 * 9 Les missions de paix sont appelées à aller au-delà de faire respecter un cessez-le feu. Leurs mandats comprennent généralement toute la gamme des activités nécessaires à la reconstruction des sociétés déchirées par la guerre. En termes de dangerosité il convient de tenir compte qu'on déploie les contingents dans des environnements peu réceptifs à leur présence. * 10 F Mayor, « préface du directeur général de L'Unesco » à l'ouvrage les fondements endogènes d'une culture de paix : mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits ( WWW.UNESCO.ORG./CPP/Publications/Mecanismes/edbah.htm), p2. * 11 Louise Frechette, « grandeur et misère du maintien de la paix » in S/D Jocelyn Coulon, guide du maintien de la paix 2005, Athéna édition, 2008, page 80 * 12 Alain Fogue Tedom, « cadre juridique de la participation des Forces de Défense aux opérations de maintien de la paix », in honneur et fidélité numéro spécial `'force de défense au service de la paix en Afrique et dans le monde'', 20 mai 2005 * 13 Jean du Bois de Gaudusson, « nouveaux conflits, solutions nouvelles » in questions internationales numéro 5 janvier-février 2004 p 4.
* 14 Madeleine Grawits, méthode des sciences sociales, 11è éd, Dalloz, 2001, P 83. |
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