Master Complémentaire en Economie
Internationale et du Développement
Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix,
Namur
Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
Les répercussions
de la crise
financière internationale
sur les pays émergents
Elie Chanson NJOUMENÉ
Promoteur : Professeur Paul REDING
Tuteur : M. François-Xavier DE MEVIUS
Travail présenté en vue de l'obtention du
Diplôme de Master Complémentaire
en Economie Internationale et
du Développement
Année Académique
2008-2009
Remerciements
Ce projet a été réalisé
grâce à la contribution remarquable d'un certain nombre de
personnes à qui nous tenons à exprimer notre gratitude. Nous
pensons:
· Au Professeur Paul REDING, notre
promoteur, pour n'avoir ménagé aucun effort pour diriger de bout
en bout ce travail malgré son agenda surchargé ;
· A M. François-Xavier DE
MEVIUS, notre tuteur, pour la lecture et tous ses conseils qui nous
ont fortement édifié et aidé dans l'orientation à
donner à ce travail ;
· A tout le personnel des Facultés
Universitaires Notre-Dame de la Paix,
particulièrement celui du Master
Complémentaire en Economie Internationale et du
Développement, pour avoir toujours répondu
à nos sollicitations. Nous pensons
notamment à Mesdames Pierrette NOEL
et Marie-Eve MULQUIN.
En bref, à tous ceux qui nous ont aidés dans
quelques circonstances que ce soit pour la conception, la réalisation et
la rédaction de ce document, qu'ils trouvent ici l'expression de nos
sincères remerciements.
Table des matières
Remerciements i
Table des matières ii
Listes des graphiques et tableaux iii
Introduction 1
Partie I : Un aperçu général de la
crise des « subprimes » et canaux de transmission
dans les pays émergents d'Afrique 2
A. Contexte et genèse de la crise
financière internationale des « subprimes »
2
A-1. Contexte international 2
A-2. Genèse de la crise financière des «
subprimes » 3
A-3. Les crises financières du XXe siècle et leurs
caractéristiques 6
A-4. Mécanismes de propagation de la crise 7
B. Canaux de transmission de la crise, état des lieux
et réactions dans les pays émergents
d'Afrique 9
B-1. Typologies des canaux de transmission de la crise 9
B-1.1 Canaux tributaires au système financier 9
B-1.1.1. Interdépendance entre le système
bancaire des pays africains et les banques internationales
9
B-1.1.2. Les Investissements Directs Etrangers (ou IDE) et les
autres flux financiers en
direction de l'Afrique 11
B-1.1.3. Les modifications des conditions d'emprunt
12
B-1.2 Canaux tributaires à l'économie
réelle 14
B-1.2.1 Les cours des produits de base 14
B-1.2.2 La demande d'exportation 15
B-1.3 Canaux tributaires aux finances publiques 16
B-2. L'Afrique face à la crise et les perspectives
d'avenir 16
Partie II : Une analyse du cas d'un pays émergent
d'Afrique subsaharienne : Le Cameroun 18
C. Bref aperçu sur le Cameroun 18
D. Répercussion de la crise financière
internationale sur le Cameroun 19
D-1 Analyse de l'exposition du secteur financier 19
D-1.1. Prédominance des banques étrangères
dans le secteur bancaire au Cameroun 19
D-1.2. Evolution du marché interbancaire et du
marché du crédit 20
D-1.3. Position extérieure nette du secteur bancaire
camerounais 23
D-1.4. Indicateurs de la solidité du secteur bancaire
camerounais 24
D-2 Impact de la crise sur l'économie réelle
camerounaise 25
D-3 Impact de la crise sur les finances publiques camerounaises
26
D-3.1. Impact sur le budget de l'Etat et les réserves
officielles de change 26
D-3.2. Impact sur la balance courante et la dette publique 27
E. Recommandations 28
Conclusion 30
Bibliographie I
Listes des graphiques et tableaux
Figure A. 1 : Croissance du PIB mondial et des
PIB par groupes de pays (en % annuel) 3
Figure A. 2 : Evolution (en pourcentage annuel)
du prix immobilier moyen 5
Figure A. 3 : Comparaison de quelques crises
récentes et celle des « supbrimes » 7
Figure B.1 : Part du capital des banques
domestiques détenues par les banques étrangères par
région (en % des capitaux totaux du secteur bancaire domestique) 10
Figure B.2 : Evolution des flux financiers vers
l'Afrique (en milliards de US $) 12
Figure B.3 : Ecart (en %) entre le taux 3 mois
interbancaire et le taux directeur des banques centrales 13
Figure B.4 : Chute des cours des matières
premières 15
Figure B.5 : Principales destinations des
exportations africaines (part en % du total) 15
Figure B.6 : Déficit budgétaire
16
Figure D. 1 : Evolution des transactions (axe de
droite, en millions de Franc CFA) et des taux
d'intérêt
interbancaires de la CEMAC (axe de gauche, en %), entre 2004 et 2009 21
Figure D. 2 : Evolution du total des
crédits intérieurs et des ressources collectées dans le
réseau bancaire camerounais entre 1999 et 2008 (en milliards de Franc
CFA) 22
Figure D. 3 : Evolution de la position
extérieure nette des banques camerounaises (en milliards de Franc CFA)
entre 1999 et 2008 23
Figure D. 4 : Evolution des exportations
camerounaises (en milliards de Franc CFA) entre 2005 et 2009 25
Figure D. 5 : Evolution des termes
d'échange du Cameroun (croissance en % annuel) entre 2006 et 2009 26
Figure D.6: Evolution du solde budgétaire
du Cameroun (en %PIB) entre 2007 et 2009 26
Figure D. 7: Evolution des réserves
officielles de change du Cameroun (en mois d'importation) entre 2006 et 2009
27
Figure D. 8: Evolution de la balance courante du
Cameroun (en % PIB) entre 2007 et 2009 27
Figure D.9:
Evolution de la dette publique du Cameroun (en % PIB) entre 2004 et 2009 28
Tableau A.1 : Taux de défaut sur les
« subprimes » et ses conséquences (en % annuel) 7
Tableau C. 1 : Fiche signalétique du
Cameroun 18
Tableau D. 1 : Structure du capital (en %) des
banques camerounaises selon la COBAC 20
Tableau D. 2 : Indicateurs de la solidité
financière des systèmes bancaires du Cameroun, de la CEMAC
(2005-2007), de l'Afrique du Sud et de la France (2005). 24
Introduction
Au courant de ces 30 dernières années, les
crises financières sont devenues de plus en plus fréquentes et
d'une plus grande ampleur. Entre 1973 et 1997, EICHENGREEN (2003) a
recensé 139 crises financières dont 95 ont éclaté
dans les pays émergents et 44 dans les pays développés.
Cet auteur fait remarquer que ces crises surviennent dans un contexte de
libéralisation et de mondialisation où la mobilité des
capitaux est de plus en plus accrue. Il montre en outre que cette
mobilité des capitaux a des effets non seulement positifs, mais aussi
négatifs. Elle peut en effet affecter positivement l'efficience de
l'allocation des ressources et le taux de croissance. Cependant, elle peut
également être une source de crise, spécialement quand les
institutions domestiques sont vulnérables et les reformes
inadéquates dans le processus de mondialisation. Son analyse à la
fois historique, théorique et empirique laisse voir à partir des
statistiques sur la répartition des crises entre les pays
développés et les pays émergents que ces derniers pour la
plupart, se sont exposés par le processus de l'intégration du
marché financier international au moment où leurs institutions
étaient encore vulnérables et les reformes peu
adaptées.
La crise des « subprimes » survient aux
Etats-Unis en août 2007 dans ce contexte de mobilité accrue des
capitaux et particulièrement des produits financiers qui sont
échangés avec une vitesse largement supérieure à
celle des marchandises. Des systèmes financiers de certains pays
émergents comme la plupart des pays d'Afrique étant peu
développés, d'aucuns ont cru qu'ils étaient moins
vulnérables à cette crise. On a même pensé que
certains pays émergents joueraient un rôle stabilisateur, capable
de freiner les désordres financiers, du fait de leur croissance soutenue
(AGLIETTA, 2008, P. 48). Pourtant, la crise qualifiée au
début des « subprimes » est devenue une crise globale
: « La propagation de la crise a donc infirmé l'espoir de
découplage des pays émergents » (AGLIETTA, 2008, P.
47).
Comment aurait-elle atteint l'Afrique, marginalisée
dans les flux financiers internationaux ? Afin d'apporter une tentative de
réponse à cette problématique, il nous paraît
judicieux de répondre aux deux principales questions suivantes : Quels
sont des canaux de transmission susceptibles de propager la crise aux
économies africaines ? Quelles sont les manifestations de ces canaux de
transmission dans ces économies ?
Pour aborder ces questions, nous avons organisé notre
travail en deux grandes parties. La première partie présente
d'abord un bref historique de la genèse de la crise des «
subprimes » avant d'examiner en détail les canaux de
transmission de la crise aux économies africaines en
général et de l'Afrique sub-saharienne en particulier. La
deuxième partie analyse le cas du Cameroun avec pour cadre d'analyse de
base, les canaux de transmission étudiés dans la première
partie.
Partie I : Un aperçu général de la
crise des « subprimes » et canaux de transmission dans les
pays émergents d'Afrique
Cette première partie présente le contexte dans
lequel la crise a éclaté, ses causes et ses mécanismes de
transmission aux économies émergentes d'Afrique. Elle est
divisée en deux sections. La section A présente le contexte et la
genèse de la crise financière internationale et la section B
analyse les canaux de transmission de la crise aux pays émergents
d'Afrique.
A. Contexte et genèse de la crise financière
internationale des « subprimes »
Cette première section a pour objectif de
présenter les contextes ex-ante et ex-post de la
crise. Elle est subdivisée en quatre sous-sections. Le titre A-1
présente l'évolution de la croissance mondiale avant et
après la crise. Il fait ressortir l'impact de la crise sur le secteur
financier mondial et le commerce international. Le titre A-2 explique
succinctement les causes et le déclenchement de la crise. Le titre A-3
quant à lui compare la crise des « subprimes » aux
grandes crises vécues au courant des deux dernières
décennies, ce qui permet de mesurer son ampleur relative. Enfin, le
point A-4 met en exergue les mécanismes de transmission de la crise aux
économies émergentes. Il introduit la section sur la typologie
des canaux de transmission de la crise dans les pays africains.
A-1. Contexte international
Pendant quatre années consécutives
précédant l'été 2007, l'économie mondiale
était en pleine expansion, tirée par les économies
émergentes. Ces dernières ont en effet enregistré une
croissance moyenne de 7 % tandis que les économies avancées
affichaient une croissance moyenne de 3% sur la même période. La
progression du PIB mondial s'est alors établie à 5 % en moyenne
par an.
Depuis août 2007, une crise du système bancaire
et financier enregistrée d'abord aux Etats-Unis et ensuite en Europe a
plongé l'économie mondiale dans une profonde récession. A
travers un ensemble de mécanismes, cette crise dite des «
subprimes » a affecté non seulement le secteur financier,
mais aussi l'économie réelle. Elle s'est propagée dans la
plupart des pays avancés et dans une série de pays
émergents. Nous y reviendrons dans les prochaines sous-sections (A.2 et
A.4) pour expliquer les mécanismes de déclenchement et de
propagation de la crise.
Un an et demi après le choc, les pertes
financières continuent de s'accumuler. Selon le FMI ((2008 a), P.
50), cette crise aurait déjà occasionné 945 milliards
de dollars de pertes au secteur financier mondial, et il estime le montant
total des pertes financières potentielles à environ 2.200
milliards de dollars1. D'autres manifestations observables de la
crise ont été la dépréciation des actifs
immobiliers, la faillite des institutions financières2, la
perte de milliers
1 Ces estimations sont effectuées sur les secteurs
public et privé et prennent en compte non seulement les créances
affectées par la crise (subprime, Alt A,
crédits à la consommation, prêts aux
sociétés, crédits à effet de levier, etc.) mais
aussi, celles détenues sous forme de titres adossés à des
prêts hypothécaires (par exemple, les « Collateralized
Debt Obligation » ou CDO).
2 Par exemple aux Etats-Unis, on dénombre 25
banques tombées en faillite en 2008 et 20 faillites déjà
enregistrées entre janvier er mars 2009. Le chiffre de 25 faillites en
2008 est supérieur au nombre cumulé des faillites des cinq
dernières années précédant 2008, ce qui pourrait
s'expliquer par l'effet de la crise actuelle sur le secteur bancaire aux
Etats-Unis.
d'emplois, le durcissement des conditions d'emprunt, etc. C'est
ainsi que les risques pesant sur la stabilité financière
internationale se sont intensifiés (FMI, (2009 b)).
En plus des pertes financières directement liées
aux « subprimes », on assiste à un ralentissement de
l'économie mondiale. En effet, l'économie mondiale a
enregistré une croissance de 3,4% en 2008, contre 5,2 % en 2007, et
devrait tomber à 0,5 % en 2009 (FMI, 2009 a). Dans les
économies émergentes, la croissance devrait tomber à 3,3 %
en 2009, contre 6,3 % en 2008, comme le montre la figure A.1.
Figure A. 1 : Croissance du PIB mondial et des
PIB par groupes de pays (en % annuel)
Source : FMI (Janvier (2009 a))
Dans les pays d'Afrique sub-saharienne, la croissance devrait
aussi fléchir considérablement et tomber à 3,5 % en 2009
contre 5,4 % en 2008 et 6,9 % en 2007 (FMI, (2009 a)). Cette chute de
croissance ralentira ces économies qui connaissaient depuis 2000, des
gains de croissance économique relativement élevés
(GUILLAUMONT (2007) et COLLIER (2008)).
La conséquence sur le commerce mondial a
été immédiate. Les volumes échangés sont en
diminution depuis le début de la crise. En effet, leur croissance
annuelle est passée de 7,2 % en 2007 à 4,1 % en 2008. Cette
baisse devrait s'intensifier et atteindre -2,8 % en 2009 (FMI, (2009
a)). La chute brutale de la croissance et l'une de ses conséquences
directes, le ralentissement des échanges mondiaux, ont aggravé la
crise.
En bref, la crise des « subprimes » a fait
chuter considérablement la croissance mondiale. Elle continue de secouer
la plupart des économies avancées et se transmet progressivement
aux économies émergentes. Une solution efficace, capable
d'atténuer significativement ces effets à moyen terme est encore
à trouver. Les perspectives de l'économie mondiale sont donc
entourées d'une incertitude exceptionnellement élevée dans
son ensemble.
A-2. Genèse de la crise financière des «
subprimes »
Les « racines » de cette crise dite des «
subprimes » remontent aux années 1990. En effet, les taux
d'intérêt américains avaient été maintenus
à un niveau très bas depuis le début des années
1990 pour lutter contre l'inflation. Cette mesure, couplée à la
dérégulation du marché du crédit, s'est traduit par
une augmentation des crédits hypothécaires octroyés par le
système financier américain (BERNAL, (2009 a)). Le prix
de l'immobilier était élevé alors
que le taux d'intérêt était bas, ce qui,
ajouté aux incitants3 des agents commerciaux du secteur de
crédit immobilier à produire des contrats, entretenait l'octroi
de nouveaux crédits hypothécaires. En bref, la hausse soutenue du
prix de l'immobilier peut être considérée comme l'un des
premiers éléments de la dynamique de la genèse de la
crise.
Le sous-secteur des crédits hypothécaires et
leurs titrisations jadis géré par les organismes parapublics
s'est révélé très rentable et a attiré la
concurrence d'autres institutions financières. Entre 2003 et mi-2006, la
part des émissions des titres adossés à des crédits
hypothécaires des organismes parapublics (Fannie Mae et
Freddie Mac), passaient de 76% à 43% tandis les émissions
privées augmentaient de 24% à 57%. Le marché immobilier a
connu en outre une forte croissance et on a assisté à une
montée des crédits hypothécaires à taux variables,
accordés à des personnes à la solvabilité fragile
et garantis par la valeur des actifs eux-mêmes. Parallèlement
à cet essor du marché immobilier et à la montée des
parts de marché des organismes privés, les critères et
normes d'octroi des crédits hypothécaires variaient. Alors que
les organismes publics n'accordaient en majorité que des crédits
de premier ordre, c'est à travers l'émission et la titrisation
des crédits hypothécaires à risque et des crédits
« Alt-A » que les sociétés privées ont
conquis leur part de marché (DODD, 2007). C'est ainsi que les
émissions de titres adossés à des crédits
hypothécaires à risque sont passées d'une croissance
annuelle de 37,4% en 2003 à 114,3% entre janvier et juin 2006. Sur la
même période, les « Alt-A » passaient d'un taux
de croissance de 15,8% à 76,5%.
A la recherche d'investisseurs sur le segment des titres
adossés à des crédits hypothécaires à
risque, Wall Street a trouvé une stratégie permettant de
les regrouper en un pool appelé « Collateralized Debt
Obligation » (ou CDO) ou encore obligations
structurées adossées à des emprunts; C'est ce qu'on a
appelé « regroupement des subprimes ». Ces titres
étaient ensuite divisés par tranches selon le risque: la tranche
« Senior » (la moins risquée), la tranche «
Mezzanine » (risque moyen) et la tranche « Equity
» (la plus risquée). Les taux d'intérêt
pratiqués sur ces différents types de titres étaient
respectivement bas, moyens et élevés, ce qui correspondait
également à leur priorité de remboursement. Ainsi la
tranche « Equity » ne devait être remboursée
que si les deux premières tranches étaient totalement
remboursées. Des sociétés ad hoc encore
appelées « Special Purpose Vehicule » (ou SPV)
avaient été préalablement créées pour
gérer ces CDO. Cette technique permettait non seulement de
transférer le risque de crédit aux investisseurs, mais aussi
d'extraire ce risque du bilan des institutions financières initiatrices
(c'est ce qu'on a appelé le modèle «Octroi puis
Cession »). Ces dernières, pour rendre les titres émis
par ces sociétés ad hoc plus attractifs, leur avaient
accordé des lignes de crédit garanties.
A la différence des autres titres cotés en
bourse et des contrats à terme négociés sur les places
boursières, les CDO ne se négociaient que sur les marchés
de gré à gré4. Aux transactions liées
à ces CDO, étaient associées des actifs financiers
dérivés dont les « Credit Default Swap » (ou
CDS). Ces derniers avaient pour objectif de garantir les défauts de
paiement sur les CDO. Echangés sur les marchés de gré
à gré, les CDS étaient de plus en plus utilisés
comme moyen de spéculation, c'est-à-dire émis sans
contreparties. Il était possible que le nombre de CDS en circulation ne
correspondait plus au nombre de CDO émis et
3 Les agents commerciaux du crédit
immobilier étaient rémunérés par contrat de
crédit signé, sans aucune supervision de sa qualité.
Naturellement, ce type de contrat de rémunération pousse les
employés à maximiser leur revenu, ce qui pose les
problèmes d'incitants ordinaires des « contrats de salaire
à la pièce ».
4 Ce sont des marchés peu transparents et
qui n'ont pas de véritables teneurs de marché pour fournir des
liquidités. Ici, les teneurs de marché sont les opérateurs
eux-mêmes. Ainsi, s'ils arrêtent de se comporter comme tels, les
transactions s'arrêtent. Sur ces marchés, les opérations
s'effectuent directement entre clients et opérateurs et leurs prix et
volumes ne sont pas diffusés.
personne n'était en mesure de vérifier cette
information à cause de l'opacité des marchés sur lesquels
ils étaient négociés. Mais, certes, le marché des
CDS a connu un grand succès.
Le risque crédit était ainsi redistribué
et restructuré au point où il n'était plus possible de
savoir où il se trouvait, ce qui a amplifié le risque
crédit hors bilan des institutions bancaires et financières
(comme Lehman Brothers ou AIG). Ce risque crédit hors
bilan résultait du fait que les institutions bancaires et
financières assuraient la liquidité des sociétés
ad hoc (prêteurs en dernier ressort). En résumé,
la titrisation des crédits hypothécaires à risque,
l'utilisation abusive des CDS à but spéculatif et
l'opacité des marchés de gré à gré sont des
éléments de la genèse de la crise.
Suite au relèvement des taux d'intérêt par
la Réserve Fédérale américaine, certains
ménages n'ont plus pu rembourser leurs crédits
hypothécaires et les spéculateurs des CDS ont commencé
à essuyer d'énormes pertes. Les impayés de la tranche
« Equity » se sont accumulés et le prix des titres
dans cette tranche a chuté, ainsi que celui de la tranche
supérieure « Mezzanine », ce qui a conduit les
investisseurs à réévaluer à la baisse les prix de
la tranche « Senior ». La demande des titres adossés
aux crédits hypothécaires s'est contractée. La
défaillance des emprunteurs ultimes (ménages) a
entraîné la saisie de leurs maisons car celles-ci constituaient
les garanties des crédits qui leur étaient accordés par
les banques. D'une part, la demande immobilière chutait en raison de la
diminution de l'octroi des crédits hypothécaires (qui entretenait
au fait cette demande). D'autre part, l'offre immobilière augmentait car
les maisons saisies étaient mises en vente. Ce double mécanisme a
contribué à la chute des prix immobiliers comme le montre la
figure A.2. La chute des prix s'est propagée aux marchés
immobiliers des autres pays avancés dont les investisseurs avaient
été attirés par les CDS et/ou les titres adossés
à des crédits hypothécaires à haut rendement. Le
marché immobilier s'est contracté de manière globale. En
bref, la défaillance des ménages et la chute brusque du prix de
l'immobilier ont donc contribué au déclenchement de la crise.
Figure A. 2 : Evolution (en pourcentage annuel) du
prix immobilier moyen
19 99 200 0 2 00 2 2 00 3 20 05 20 06 200 8
3 5
Average house price (% , Y oY )
3 0
2 5
2 0
1 5
1 0
5
0
-5
1 0
1 5
-2 0
USA U K Ireland Spain
Source : BERNAL (Janvier (2009 b))
Lorsque la crise a éclatée, les transactions sur
les marchés de gré à gré se sont
arrêtées. Ni les fonds spéculatifs, ni les
acquéreurs de billets de trésorerie, ni d'autres investisseurs
n'achetaient plus les billets de trésorerie adossés à des
actifs ou sous-jacents des crédits hypothécaires à risque.
De même, nombre d'initiateurs de crédits hypothécaires
n'ont plus pu vendre les prêts qu'ils avaient accordés. Cette
situation était aggravée par l'opacité des marchés
sur lesquels s'échangeaient les titres adossés à des
crédits hypothécaires. En effet, les investisseurs ne savaient
pas qui était exposé ou non aux crédits
hypothécaires à risque à cause de l'asymétrie
d'information. Ainsi, ces marchés de gré à gré
n'étaient plus liquides, ce qui asséchait en même temps les
sociétés ad hoc. Les banques et les autres institutions
financières initiatrices de ces prêts hypothécaires ont
dû honorer les billets de
trésorerie émis par les entreprises ad hoc
(DOOD, 2007). Ces actifs retournaient ainsi dans les bilans de ces
banques, détériorant leur taux de provision et leurs fonds
propres, ce qui a conduit à la dévalorisation des actions
bancaires. Le marché interbancaire a été affecté
à son tour car les banques ont commencé à refuser de se
prêter entre elles. Cette situation a crée un durcissement des
conditions d'emprunt sur le marché du crédit en
général.
En définitive, la crise des « subprimes
» a été principalement générée par un
boom du crédit immobilier rendu possible par le modèle «
Octroi puis Cession », lui-même entretenu par la
titrisation des crédits hypothécaires à risque et
l'émission des CDS. L'utilisation de ces CDS à but
spéculatif et l'opacité des marchés de gré à
gré sur lesquels ils étaient échangés ont
contribué à l'effondrement du marché du crédit
immobilier.
A-3. Les crises financières du XXe siècle et
leurs caractéristiques
L'économie mondiale a été soumise
à de nombreuses crises durant les deux dernières
décennies. On peut citer notamment la crise de la dette des
années 1980 survenue dans les pays émergents (Afrique
sub-saharienne, Amérique Latine, etc.). Elle a été
déclenchée sous l'effet conjugué du boom des
investissements (surtout gouvernementaux) financés par des emprunts
extérieurs, de la hausse des taux d'intérêts aux Etats-Unis
et de la baisse des cours des matières premières exportés
par ces pays. Ces derniers se sont retrouvés dans l'incapacité de
rembourser leurs dettes (le risque de défaut pays s'est
matérialisé).
Une autre vague de crises a encore éclaté dans
les pays émergents pendant les années 19905. Ces
crises ont été déclenchées par des mouvements de
sortie de capitaux et des attaques spéculatives contre les monnaies. Ces
crises étaient précédées par des périodes
d'entrées massives d'Investissements Directs Etrangers (ou IDE), de la
surévaluation des monnaies et de la détérioration des
balances commerciales des pays concernés. La correction fût
brutale et quand la crise a éclaté, les capitaux se sont
redirigés vers les centres financiers des pays développés
considérés comme plus sûrs. Les premières victimes
de cette série de crises furent les pouvoirs publics.
Contrairement aux crises passées,
déclenchées dans les pays émergents, la crise que nous
vivons actuellement a eu pour foyer la principale économie mondiale (les
Etats-Unis) et les premières victimes sont les privés
(ménages, banques, etc.). Toutefois, la bulle immobilière revient
pour la plupart des cas comme point commun de déclenchement de toutes
ces crises. Par exemple, l'entrée massive des capitaux qui a
précédé la Crise Asiatique (1997) a contribué
à former une bulle dans le secteur de la construction en Asie. Lorsque
la bulle a éclaté, la valeur de certaines constructions
était inférieure à celle des emprunts contractés
pour les réaliser, ce qui a contribué au déclenchement de
la crise. Cette composante immobilière est également à
l'origine de la Crise Japonaise (1990). La majorité de ces crises ont
été imprévisibles, hautement contagieuses et
particulièrement dévastatrices (voir figure A.3).
5 Parmi ces crises on peut noter, la Crise
Mexicaine (1994), la Crise Asiatique (1997) ayant touché la
Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie, la
Corée du Sud et Hong Kong. On se souvient aussi de la Crise Russe
(1998), de la Crise Brésilienne (1999) ou de la Crise Argentine
(2002).
Figure A. 3 : Comparaison de quelques crises
récentes et celle des « supbrimes »
Source : FMI (Avril (2008 a))
Ce graphique montre bien que la crise des «
subprimes » est pour l'instant la plus dévastatrice des
crises qu'a vécues le monde au courant des deux dernières
décennies. En moins d'un an, cette crise aurait causé une perte
évaluée à près de 5% du PIB américain, soit
945 milliards de dollars US. Une perte encourue (945 milliards de dollars US)
supérieure à celle occasionnée par la Crise Japonaise en 9
ans (750 milliards de dollars US) ou par la Crise Asiatique en un an (400
milliards de dollars US).
A-4. Mécanismes de propagation de la crise
La crise déclenchée dans les
sociétés financières aux Etats-Unis, s'est transmise aux
autres pans de l'économie. Il est donc intéressant de mettre en
exergue le mécanisme de propagation de la crise au sein d'un même
pays avant d'aborder les mécanismes de transmission à
l'international. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur le tableau A.1
suivant :
Tableau A.1 : Taux de défaut sur les «
subprimes » et ses conséquences (en % annuel)
Source : QUIGNON (Mai 2008)
Quand la crise a éclatée, le taux de
défaut sur les crédits « subprimes » (colonne 2 du
tableau A.1) dépassait les 15%. Les titres adossés à
ces crédits ne s'échangeaient plus. De plus, la majorité
des nouveaux crédits hypothécaires accordés par les
institutions financières n'était plus achetée par les SPV,
déjà en situation de liquidités difficiles. Par le double
mécanisme de la diminution de la demande et de l'augmentation de l'offre
immobilière
exposé plus haut (point A-2, P.5), les prix
immobiliers ont chuté (colonne 6 du tableau A.1). Tel que nous
l'avons montré au point A.2, les institutions financières
initiatrices de ces crédits ont essuyées des pertes
financières. La diminution des effectifs des employés a suivi
dans le secteur financier, amplifiée par les faillites de certaines de
ces institutions. Le durcissement des conditions d'emprunt aurait ralenti les
activités dans les secteurs qui avaient besoin de financement, ce qui
aurait abouti aux licenciements et donc, contribué à
l'augmentation du taux de chômage (colonne 4 du tableau A.1). La
dépréciation des actifs immobiliers, la dévalorisation des
actions et le chômage auraient eu pour conséquence
l'appauvrissement des ménages, ce qui les aurait contraints à
dépenser moins et à épargner plus. L'activité
économique globale aurait été affectée, ce qui
pourrait expliquer la chute de la croissance (colonne 5 du tableau
A.1).
En bref, les canaux de transmission de la crise au sein d'une
même économie ont été : la
dépréciation des actifs immobiliers, la dévalorisation des
actions et le durcissement des conditions d'emprunt, ce qui s'est traduit par
la diminution du patrimoine des agents. Cette situation aurait
occasionné la chute des investissements, de la consommation et une
relative hausse de l'épargne, les agents ayant une forte aversion pour
le risque.
La crise s'est propagée à la plupart des
économies d'Europe et à une série d'économies
émergentes. Quels ont donc été les canaux de transmission
de la crise à ces économies ? SANDRETTO (2007) et AYACHI (2008)
dénombrent plusieurs mécanismes de transmission de la crise d'un
ou plusieurs pays vers un ou plusieurs autres pays. Cependant, nous nous
intéresserons uniquement aux canaux susceptibles de transmettre la crise
aux économies émergentes. Il s'agit de passer en revue les
mécanismes suivants :
· L'engrenage de la « propagation commerciale
» qui est un canal de transmission lié à la demande
d'exportation ;
· L'« effet mousson » qui est un
canal de transmission dû au fait que les marchés sont
particulièrement intégrés pendant les crises (rendu
possible par la globalisation). Ainsi, un changement dans un pays industriel
peut provoquer des perturbations majeures dans les pays émergents ;
· L'effet « contagion pure » qui est un
canal non expliqué par les fondamentaux. Il s'agit par exemple des
crises auto-corrélées.
L'analyse des canaux de transmission liés à ces
trois mécanismes constituera la base de la suite de notre travail. Ils
seront regroupés en typologies et étudiés principalement
dans le cas de la transmission de la crise aux pays africains. Le champ
d'étude étant très large, et partant de l'hypothèse
que les mécanismes de transmission de la crise différeront d'un
pays à un autre, nous illustrerons notre analyse par l'étude du
cas du Cameroun.
B. Canaux de transmission de la crise, état des
lieux et réactions dans les pays émergents d'Afrique
Cette deuxième section a pour but de
répertorier et d'analyser les principaux canaux de transmission de la
crise aux économies africaines. Elle est divisée en deux
sous-sections. La sous-section B.1 présente la typologie des canaux de
transmission et analyse en détail chaque canal. Cette partie servira de
cadre de base d'application de notre étude sur le cas du Cameroun. La
sous-section B.2 aborde succinctement les préoccupations de l'Afrique
dans une perspective de résister face à la crise
financière internationale. Celles-ci apparaissent sous forme de
questions auxquelles devrait répondre chaque pays africain et que nous
essayerons de répondre dans l'étude du cas du Cameroun.
B-1. Typologies des canaux de transmission de la crise
Dans notre analyse, nous distinguerons trois principaux
groupes de canaux de transmission de la crise aux économies africaines.
Le premier groupe sera constitué des canaux de transmission liés
au secteur financier. Le deuxième groupe quant à lui rassemblera
les canaux de transmission liés à l'économie
réelle. Le dernier groupe sera celui des canaux de transmission
tributaires aux finances publiques.
B-1.1 Canaux tributaires au système financier
Trois canaux de propagation de la crise aux économies
africaines sont examinés dans cette rubrique. Il s'agit de
l'interdépendance entre le système bancaire des pays africains et
celui des banques occidentales, l'arrêt des flux financiers en direction
de l'Afrique et le resserrement du crédit.
B-1.1.1. Interdépendance entre le
système bancaire des pays africains et les banques
internationales
Depuis le début des années 1970, on assiste
à une expansion des institutions bancaires internationales dans les pays
émergents. Le nombre de banques d'origine étrangère
installées dans les pays émergents est passé de 575 en
1995 à 897 banques en 2006. Ces dernières représentaient
40% des avoirs des banques étrangères internationales en 2006
contre 20% en 1995. L'Afrique sub-saharienne possède 6% de ces avoirs
extérieurs des banques internationales (Banque Mondiale, 2008).
En moyenne, la part du capital détenue par les banques
étrangères dans le capital des banques installées dans les
pays d'Afrique subsaharienne6 a presque doublé entre 2000 et
2005 comme l'indique la figure B.1.
6 Ce groupe inclus les pays suivants : l'Angola, le Benin, le
Botswana, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la Côte d'Ivoire ,
l'Ethiopie, le Ghana, le Kenya, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, le Mali,
l'Île Maurice, le Mozambique, la Namibie, le Niger, le Nigeria, le
Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, le Sierra Leone, l'Afrique du
Sud, le Soudan, le Swaziland, la Tanzanie, l'Uganda, la Zambie et le
Zimbabwe.
Figure B.1 : Part du capital des banques
domestiques détenues par les banques étrangères par
région (en % des capitaux totaux du secteur bancaire
domestique)
60,0%
All
developped
Regions
South Asia Middle East & North Africa
East Asia &
Pacific
Latin
America &
Caribbean
Sub-Saharan
Africa
Eastern
Europe &
central Asia
1995 2000 2005
50,0%
40,0%
30,0%
20,0%
10,0%
0,0%
Source: La Banque Mondiale (2008), CULL R. et PERIA
M. (2007)
Il ressort de ce graphique que l'Afrique sub-saharienne
serait l'un des groupes de pays exposés aujourd'hui à la crise
à travers son système bancaire, les propriétaires
majoritaires étrangers détenant en moyenne plus de 50% du
capital7. On a des cas extrêmes comme celui de Madagascar, du
Mozambique, du Swaziland ou de la Zambie où les propriétaires
étrangers détiennent la quasi-totalité du capital
(c'est-à-dire plus de 90%).
La majorité de ces banques étrangères
sont d'origine européenne (73,4%), les autres étant le plus
souvent d'origine américaine (11,9%), japonaise (4,3%), ou canadienne
(1,5%). Cette diversification géographique des banques internationales
qui les exposaient hier au risque pays, expose aujourd'hui les pays
émergents à la crise. En effet, cette implantation abondante des
banques étrangères en Afrique est source de contagion, en temps
de crise, des défaillances du système bancaire des pays
avancés.
La première source de contagion est la perte
bancaire. En effet, l'interdépendance entre les banques
installées en Afrique et celles des pays avancés a
créé des marchés de gré à gré. La
surliquidité des banques en Afrique, due principalement à
l'imperfection du marché local du crédit, a amené ces
succursales à opérer des placements dans les banques des pays
avancés. Le solde de la position extérieure des banques d'Afrique
sub-saharienne vis-à-vis des banques étrangères est
resté créditeur et consistant après la crise (situation de
septembre 2008, (BRI, 2009)). Ainsi, si cette situation ne
change pas, une éventuelle faillite des banques « mères
» ferait perdre énormément de ressources aux banques
domestiques. Si aucune perte bancaire n'est annoncée explicitement en
Afrique, il ne fait guère de doute que par ce mécanisme, les
banques des pays d'Afrique sub-saharienne sont exposées aux
créances désormais douteuses des banques « mères
».
La deuxième source de contagion pourrait
être un bank run, causé par la panique des
déposants suite à l'augmentation du risque de faillite des
banques « mères ». En effet, la faillite d'une banque
européenne dont une filiale se trouve en Afrique pourrait
précipiter les déposants aux guichets. Le soutien des
gouvernements européens aux banques « mères » a,
jusqu'à présent, permis d'éviter la panique dans les
filiales en Afrique. Cependant, les menaces de faillite pèsent toujours,
car toutes les pertes dues aux « subprimes » n'ont pas
7 Les pays dans lesquels les banques
étrangères détiennent moins de 50% du système
bancaire sont le Burkina Faso (30,4%), le Burundi (21, 5%), l'Ethiopie (0,0%),
le Malawi (27,9%), l'Ile Maurice (24,7%), le Nigeria (11,2%), l'Afrique du Sud
(10,8%), le Soudan (4,7%) et le Zimbabwe (33,3%).
encore été répertoriées et
provisionnées. Le FMI a d'ailleurs déclaré que 75% des
banques européennes étaient exposées aux actifs toxiques,
ce qui les exposerait autant à la faillite que leurs homologues
américaines. En bref, un risque de bank run pèse sur les
banques d'Afrique sub-saharienne à cause de l'augmentation du risque de
faillite des banques « mères ».
La troisième source de contagion pourrait
être une crise de liquidité. En cas de panique conduisant à
l'assèchement des banques locales, ces dernières ne pourraient
pas reprendre leurs créances auprès de leurs banques «
mères ». En effet, en cherchant à restaurer leur
liquidité, les banques « mères » se trouveraient dans
l'incapacité de rembourser ou de prêter à leurs filiales
d'Afrique sub-saharienne. Dans cette situation, ces filiales se retourneraient
vers le marché interbancaire domestique. Or ces filiales des banques
étrangères y sont majoritaires, ce qui pourrait se traduire par
une demande de liquidités nettement supérieure à l'offre.
De plus, connaissant leur situation, les autres banques pourraient refuser de
leur prêter des liquidités. On pourrait ainsi arriver à une
situation où les banques refuseraient de se prêter entre elles, ce
qui aboutirait à un arrêt du marché interbancaire. Dans ce
cas, les banques centrales africaines devraient jouer leur rôle de
prêteur en dernier ressort et réguler plus que jamais les sorties
de capitaux pour éviter leur fuite (par exemple, les placements
extérieurs excessifs au moment où le marché interbancaire
ne fonctionne pas).
En résumé, l'interdépendance entre le
système bancaire domestique et les banques européennes et
américaines expose l'Afrique sub-saharienne à la crise. Les
sources de contagion sont : les probables pertes bancaires dues aux placements
dans les banques européennes, un bank run dont l'origine serait
l'augmentation du risque de faillite des banques « mères » ou
une crise de liquidité, conséquence du bank run et de la
rareté des ressources financières dans les banques «
mères » ou de l'arrêt du marché interbancaire.
B-1.1.2. Les Investissements Directs Etrangers (ou
IDE) et les autres flux financiers en direction de l'Afrique
Pour les pays émergents, les IDE sont des
entrées de capitaux susceptibles de créer des emplois productifs.
Ils facilitent aussi le transfert de technologie et de savoir-faire qui se
transforme en gains de productivité pour les entreprises locales. Enfin,
les IDE améliorent les possibilités d'exportation du
pays-hôte grâce au commerce international (ZIMMERMANN,
2008).
Selon la Conférence des Nations Unies sur le Commerce
et le Développement (ou CNUCED), l'Afrique ne reçoit qu'une
très faible part de flux mondiaux d'IDE (environ 3% en 2007, ce qui
représente quand même une nette amélioration par rapport
aux 1% reçus en 2001 par exemple). Cette situation est due à un
environnement économique, juridique et judiciaire « peu attractif
», caractérisé par une instabilité politique, des
guerres civiles, l'absence de transparence institutionnelle et des relations
contractuelles peu développées. Malgré cette part
relativement faible, ces flux de capitaux constituent un moteur
indéniable pour la croissance des pays africains grâce aux
mécanismes exposés ci-dessus, d'autant que l'épargne
locale nécessaire pour financer les projets à moyen ou long
terme, est presque nulle.
Or, après le déclenchement de la crise dans les
pays avancés, on a assisté à une stagnation des flux
d'entrée d'IDE, voire une raréfaction des flux financiers en
direction de l'Afrique (figure B.2). Sachant qu'il existe un risque de
crise financière suite à la décroissance des IDE
(FAOUZI, 2004), comme ce fût le cas pour la Crise Asiatique, on
se doit de s'interroger sur ce risque en Afrique.
Figure B.2 : Evolution des flux financiers vers
l'Afrique (en milliards de US $)
Source : FMI (Octobre (2008 b))
Globalement, le taux de croissance annuel des flux financiers
vers l'Afrique a baissé en 2008. Les flux de portefeuille sont devenus
négatifs tandis que les transferts des migrants, les IDE et les aides
ont stagnés. La Banque Mondiale ((2009 a), P. 3) prévoit une
contraction encore plus significative de ces transferts de capitaux en 2009. Ce
ralentissement des flux d'IDE et de portefeuille auront pour conséquence
la diminution des activités au niveau des entreprises. Quant aux
transferts des migrants, leur diminution aura un impact négatif sur la
pauvreté des ménages par le ralentissement de la consommation et
des activités informelles, principale source de revenu des
ménages pauvres. La situation est préoccupante dans certains
pays, par exemple le Lesotho, où les transferts de capitaux des migrants
représentent 29% du PIB. Le soutien financier ne pourra pas non plus
provenir de l'Aide Publique au Développement (ou APD), en faible
progression depuis plusieurs années (SOGGE, 2004). En outre,
l'objectif de consacrer 0,7% du PIB à l'APD annoncé par les pays
riches8 depuis le début des années 1970 n'a jamais
été atteint et ne le sera pas à fortiori avec la crise
actuelle.
En définitive, la raréfaction des flux
financiers et en particulier des IDE en direction de l'Afrique est l'un des
canaux de transmission de la crise à l'Afrique, et par lequel celle-ci
pourrait avoir un effet négatif sur la pauvreté.
B-1.1.3. Les modifications des conditions d'emprunt
Les pays avancés sont confrontés à un
resserrement des conditions d'emprunt depuis le début de la crise en
août 2007. Par exemple, le financement du commerce international a
baissé de 40% au cours du dernier trimestre de 2008, par rapport
à la même période en 2007 (Banque Mondiale, (2009 a),
P.6).
A l'origine, les montées des spreads de
crédit (high yield ou sur les CDS par exemple) ou de
l'écart entre les taux interbancaires et les taux objectifs des banques
centrales se sont amplifiées, et ce phénomène s'est
produit sur tous les marchés avancés, comme nous l'avons
représenté sur la figure B.3 pour le cas du marché
interbancaire à 3 mois:
8 En 1970, devant les Nations Unies, certains pays
riches (principalement ceux du G8) se sont engagés à consacrer
0,7% de leur PIB à l'APD. Cet objectif n'a pas été atteint
par plusieurs d'entre eux et leur part de contribution à l'APD reste
largement en deçà de cet objectif. C'est par exemple le cas des
trois pays du G8 (l'Italie, les Etats-Unis et le Japon) dont l'APD ne
dépasse pas 0,2% de leur PIB. Par contre, quelques pays du nord de
l'Europe à l'instar de la Norvège, du Luxembourg, du Danemark, de
la Suède ou des Pays-Bas ont atteint cet objectif de 0,7% du PIB
à l'APD. En 2005, certains pays de l'Union Européenne (la France
par exemple) ont avancé le chiffre de 0,56% d'ici à 2010, et 0,7%
d'ici à 2015 (TOUSSAINT et MILLET, 2005).
Figure B.3 : Ecart (en %) entre le taux 3 mois
interbancaire et le taux directeur des banques centrales
Source : ARTUS (Janvier 2009)
Les banques ont commencé à être de plus
en plus réticentes à se prêter entre elles, et à
d'autres types d'emprunteurs, même pour des prêts à court
terme. Malgré la baisse des taux directeurs des banques centrales, les
spreads sont restés élevés. Par
conséquent, les banques éprouvent des difficultés à
se refinancer sur le marché interbancaire.
CONWAY et FIELD (2008) pensent qu'il faut considérer
avec une grande attention les effets particuliers de ce phénomène
sur les marchés émergents. Ils ajoutent que les problèmes
rencontrés dans les marchés développés pourraient
se reproduire dans les pays émergents, surtout si le système
bancaire se trouve dans une situation fragile.
S'il est vrai que les banques opérant dans les pays
africains n'ont que peu d'actifs pouvant s'avérer toxiques dans leurs
comptes9, toutes ces économies peuvent être
profondément affectées par une raréfaction du financement
extérieur. En effet, ces pays sont exposés à la crise
à travers leur déficit de balance courante ou leur niveau de
dette extérieure élevé. Dans la plupart des pays
africains, la balance des paiements se caractérise par la
récurrence des déficits de la balance courante, qui ont parfois
été qualifiés d'excessifs (CEA, 2005, P.17).
Depuis le déclenchement de la crise, les comptes courants de la
majorité des pays d'Afrique sub-saharienne se sont
dégradés davantage. En effet, deux pays d'Afrique subsaharienne
sur trois ont connu une détérioration de leur compte courant.
Parmi eux, la moitié a souffert d'une dégradation de plus de 4%
de leur PIB entre 2007 et 2008 (FMI, octobre (2008 b)). Ainsi, ces
pays risquent de ne plus savoir financer leur déficit dû au
resserrement des conditions d'emprunt au niveau international, d'autant que la
prime de risque souverain des pays émergents s'est vue augmenter avec la
crise. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, dont la prime de risque
souverain a augmenté de 200 points de base entre le 1er juin
2007 et le 17 mars 2008.
Nombre de pays d'Afrique sub-saharienne étant
regroupés en zones monétaires10 (banques centrales
indépendantes), ils ne pourront pas non plus financer leur
déficit par de la création monétaire. Ne pouvant ni
facilement emprunter, ni créer de la monnaie, la seule
9 Par exemple, les prêts hypothécaires
représentent 0,1% du PIB en Egypte, 16% du PIB au Maroc, 7% du PIB en
Tunisie ou 28% du PIB en Afrique du Sud.
10 C'est par exemple le cas de l'Union Economique
et Monétaire Ouest Africain (ou UEMOA) qui regroupe les huit pays
suivant: le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la
Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo ou
de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
(ou CEMAC) qui regroupe six pays: le Cameroun, le Congo Brazzaville, le Gabon,
la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine (RCA) et le
Tchad.
solution restera sans doute la diminution des dépenses
gouvernementales. Or la volatilité des dépenses gouvernementales
risque d'entraîner la volatilité de l'activité
économique et donc de conduire à la réduction de la
croissance (FATAS et MIHOV, 2003). Les secteurs sociaux
pourront dans ce cas être les premières victimes, comme ce
fût le cas lors de la crise de la dette des années 1980, aggravant
ainsi la paupérisation sur le continent. Les pays ayant la
possibilité de financer leur déficit par création
monétaire et qui en abuseraient, s'exposeraient de ce fait à une
augmentation substantielle de l'inflation qui pourrait avoir des effets
néfastes sur l'économie.
Des pays présentant des niveaux élevés
de réserves de change devraient être en mesure d'éviter le
risque de défaut, mais seulement à condition que ces
réserves n'aient pas été bâties sur des flux de
capitaux à court terme (CONWAY et FIELD, 2008). Or, dans le cas
des pays africains exportateurs de ressources naturelles, ces réserves
ont été constituées à partir des recettes
émanant de ces ressources, dont les prix ont diminué de
manière importante depuis le début de la crise. De plus, les flux
de portefeuille sont devenus négatifs comme le montre la figure B.2, ce
qui couplé à la diminution des réserves de change issues
des exportations, dégradent de façon générale la
situation du pays. Déjà entre 2007 et 2008, les réserves
de change ont été sérieusement érodées par
la crise des denrées alimentaires, car ces denrées étaient
importées et payées en devise. Le choc a été plus
prononcé dans les pays non producteurs de pétrole qui en plus de
la facture alimentaire devaient supporter la facture énergétique.
La Banque Mondiale ((2009 a), P.2) analyse par exemple le cas du Malawi, dont
le déficit fiscal a augmenté de 13,6% du PIB en 2007/2008 et
devrait encore se creuser de 16,9% du PIB en 2008/2009. Ces
déséquilibres ont directement plongé le Malawi dans la
crise.
En bref, la crise actuelle pourrait se transmettre à
certains pays d'Afrique subsaharienne à cause du défaut de
financement de leur déficit courant dû au resserrement des
conditions d'emprunt à l'international. L'ampleur de la transmission de
la crise par ce canal dépendra de la position extérieure de
chaque pays.
B-1.2 Canaux tributaires à l'économie
réelle
Deux principaux canaux de transmission liés à
l'économie réelle sont présentés ici. Il s'agit de
la chute des cours des produits de base et de la baisse de la demande
d'exportation.
B-1.2.1 Les cours des produits de base
La baisse des cours des matières premières
(figure B.4) va faire diminuer les recettes d'exportation de la plupart des
pays africains. En effet, la majorité des pays africains exportent
principalement les produits de base; comme par exemple du
pétrole11, d'autres exportent du cacao12, du
café, du coton et/ou des métaux (comme le fer, l'aluminium,
l'étain, le cuivre, etc.). Nous y reviendrons au niveau de l'analyse des
canaux de transmission liés aux finances publiques, pour montrer que la
chute du cours du pétrole aura des effets opposés sur la balance
courante, selon qu'on est exportateur ou importateur de pétrole. Par
contre, les prix des biens importés par l'Afrique en
général (biens à haute valeur ajoutée comme les
voitures, les ordinateurs, les médicaments, etc.) ont conservé
leur niveau général de prix. Par conséquent, les termes de
l'échange des pays africains se seraient
détériorés.
11 Les exportations du pétrole
représentent 50% du PIB du Congo, de la Guinée Equatoriale, ou du
Nigéria.
12 C'est le cas par exemple de la Côte d'Ivoire
où les exportations du cacao représentent 20% du PIB.
Figure B.4 : Chute des cours des matières
premières
Source: FMI, (Octobre 2008 b)
En bref, la chute des cours des produits qu'exportent les
pays africains aura pour conséquence la diminution des recettes
d'exportation et la détérioration des termes d'échange.
Ainsi la chute des cours des matières premières est un canal
potentiel important de la transmission de la crise à l'Afrique.
B-1.2.2 La demande d'exportation
Les pays africains exportent principalement vers l'Union
Européenne, les Etats-Unis, l'Asie et le Japon comme le montre la figure
B.5.
Figure B.5 : Principales destinations des
exportations africaines (part en % du total)
Source : FMI, (Octobre 2008 b)
Les pays destinateurs des exportations africaines ont
été sévèrement touchés par la crise, ce qui
s'est traduit par une baisse drastique de leur demande d'importations. Les
importations de l'Union Européenne ont reculé de 5,5% en 2008 et
devraient continuer à baisser avec le même taux en 2009. La
situation des importations de l'Asie est identique à celle de l'Union
Européenne. Quant aux Etats-Unis, les importations ont reculé de
6,7% en 2008 et devraient continuer à reculer avec un taux annuel de 2%
en 2009 (FMI, 0ctobre (2008 b)). Cette diminution des importations des
principaux partenaires commerciaux de l'Afrique a apparemment affecté la
demande d'exportation africaine, celle-ci ayant aussi
chuté13.
De ce fait, la demande d'exportation est un canal de
transmission de la crise. Cette situation est d'autant plus alarmante que les
cours des principaux produits exportés ont fortement baissés
comme nous l'avons montré au point précédent.
1324 pays africains ont vu leurs exportations baisser
en 2008 et prévoient encore une baisse en 2009 (Voir :
http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20081205T183752Z/Index_Dossiers).
B-1.3 Canaux tributaires aux finances publiques
Divisés entre pays exportateurs de pétrole et
pays importateurs du pétrole, les pays africains ont été
affectés différemment par la chute du prix du pétrole.
Alors que les pays exportateurs de pétrole ont vu leurs recettes
d'exportation chuter drastiquement, les pays importateurs de pétrole ont
vu leurs factures pétrolières baisser significativement.
Cependant, principalement à cause de la chute des cours et de la demande
des autres produits de base, les recettes des gouvernements ne couvriront pas
leurs dépenses en 2009 dans aucun des deux groupes de pays comme le
montre la figure B.6.
Figure B.6 : Déficit
budgétaire
Source : FMI (Octobre 2008 b)
Des déficits budgétaires importants vont
être observés dans le groupe des pays exportateurs de
pétrole en 2009 après des excédents enregistrés
depuis 2007. Ces déficits importants risquent d'annuler progressivement
les réserves de devises accumulées pendant la période du
boom du prix de pétrole, d'autant qu'elles ont déjà en
partie été érodées suite à la crise
alimentaire de 2007/2008. Dans le groupe de pays importateurs de
pétrole, on assiste à une légère augmentation du
déficit budgétaire qui pourrait s'expliquer par le fait que ces
pays exportent principalement des produits de base (café, cacao, coton,
métaux, etc.) dont l'effet de la chute des prix l'aurait emporté
sur celui de la chute du prix de pétrole (importé).
En résumé, la diminution des recettes va
créer des déficits plus importants, ce qui affectera les finances
publiques. Ainsi, la crise pourrait se traduire par une augmentation
substantielle des déficits publics.
B-2. L'Afrique face à la crise et les perspectives
d'avenir
Il ressort des analyses effectuées que la crise
financière internationale n'épargnera pas la plupart des
économies d'Afrique sub-saharienne. Nous avons mis en évidence
plusieurs canaux de transmission de la crise aux économies africaines,
la plupart d'entre eux pouvant coexister pour amplifier la crise dans ces
économies. Certains de ces canaux sont la conséquence de la
faiblesse des économies africaines, notamment à assurer un
système bancaire relativement indépendant des grandes banques
européennes et américaines, à diversifier leurs
exportations ou à mobiliser une épargne locale suffisante pour
financer leur déficit courant.
Pour le moment, les canaux de transmission qui se manifestent
le plus sont ceux liés à l'économie réelle. Il
s'agit de la baisse des cours et de la demande des produits d'exportation.
Philippe-Henri DACOURY-TABLEY, le gouverneur de la Banque Centrale des Etats
d'Afrique de l'Ouest (ou BCEAO) estime que 24 pays africains prévoient
déjà une baisse de
leurs exportations14. C'est par exemple le cas du
Cameroun où la crise financière affecte déjà
certains secteurs de l'économie dont les produits d'exportation: le
bois, l'aluminium, le coton, le caoutchouc, la banane, etc. Concernant
spécifiquement le bois, le Syndicat des exploitants forestiers du
Cameroun constatait qu'en octobre 2008, 30% des commandes faites par les
Européens et les Américains étaient annulées (B.
ENDONG, 2009)15. Nous y reviendrons dans la prochaine partie qui
porte sur l'étude du cas du Cameroun. Cette forme de transmission de la
crise aux pays africains risque d'amplifier les déséquilibres
macroéconomiques, et le risque du retour de l'endettement, au moment
où la plupart de ces pays croyaient en sortir grâce à
l'annulation ou à la remise de leur dette.
Au vu des risques mentionnés ci-dessus qui
pèsent sur l'Afrique, il y a donc l'urgence de se poser la question
fondamentale suivante: quelle est la situation réelle dans les
économies africaines et comment s'organisent-elles? Autrement dit :
· Quelles sont les manifestations de la crise dans ces
économies?
· Ont-elles des moyens suffisants pour faire face
à la crise? Par exemple, les gouvernements seront-ils en mesure
d'injecter les liquidités dans le système bancaire ou dans le
secteur de l'économie réelle pour limiter les effets de la
crise?
· Si non, quelles sont les coordinations possibles à
effectuer pour faire face à cette crise? Et à quel niveau?
Des réponses générales à ces
questions ne pouvant être apportées, nous nous proposons
d'étudier le cas du Cameroun, pays d'Afrique centrale, ayant atteint
récemment le « Point d'Achèvement » de l'Initiative
Pays Pauvre Très Endetté (ou Initiative PPTE).
14 Voir :
http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20081205T183752Z/Index_Dossiers
15 Voir :
http://www.lanouvelleexpression.info/index.php?option=com_content&view=article&id=4062:crisefinanciere--six-secteurs-deja-affectes-au-cameroun&catid=36:economie&Itemid=53
Partie II : Une analyse du cas d'un pays
émergent d'Afrique subsaharienne : Le Cameroun
Cette partie sera essentiellement consacrée à
l'analyse de l'impact de la crise financière internationale sur
l'économie camerounaise et à la formulation de quelques
recommandations. L'étude des principaux canaux susceptibles de
transmettre la crise aux pays africains abordés dans la première
partie constituera notre cadre d'analyse de base. Avant d'aborder cette
analyse, nous allons d'abord présenter succinctement le Cameroun
à l'aide de quelques indicateurs socio-économiques.
C. Bref aperçu sur le Cameroun
Le Cameroun est un pays d'Afrique sub-saharienne
délimité au nord par le Tchad, au sud par le Congo (Brazzaville),
le Gabon et la Guinée Equatoriale, à l'ouest par le
Nigéria et à l'est par la République Centrafricaine (ou
RCA). Une présentation brève du Cameroun peut se résumer
dans le tableau C.1 suivant :
Tableau C. 1 : Fiche signalétique du
Cameroun
Superficie
|
475 442 Km2 (INS)
|
Densité
Population en 2005
|
34 habitants par Km2 (INS) 17 000 000
habitants (INS)
|
Taux de croissance de la population Espérance de
vie à la naissance
|
2,6% (annuel, 2000-2005, (INS)) 51 ans (hommes et
femmes, (INS))
|
Taux d'inflation en 2008 (IPC) 1 Taux de
pauvreté en 2007 (INS)
|
5,3% (INS)
39,9% (vivre avec moins d'un dollar par jour)
|
PIB/habitant en 2008 (PPA, $ US 2000) IDH 2
en 2006
|
2 094 (Banque Mondiale)
0,514 (150è/179 au classement mondial)
|
Taux de croissance du PIB en 2007 Principaux produits
d'exportations
|
3,6% (INS)
Pétrole, bois, cacao, aluminium, coton (INS)
|
Dette publique en 2007 Capitale politique
|
12,4% PIB (FMI, (2009c)) Yaoundé
|
Capitale économique Langues
officielles
|
Douala
Anglais et Français
|
Zone économique et monétaire
Monnaie
|
CEMAC3
Franc CFA4 (code ISO 4217 : XAF)
|
Institut d'Emission de la monnaie
|
BEAC5
|
|
1Euro = 655,957 F CFA (BEAC)
36% PIB et 47% population de la CEMAC
Taux de change (régime fixe)
Poids dans la sous-région
(BEAC)
1 Indice de prix à la consommation.
2 Indice de Développement Humain. Il est
calculé et publié par l'Organisation des Nations Unies (ou
ONU).
3 Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale. Elle est composée de 6 pays dont 5 sont
producteurs de pétrole.
4 Franc de la Coopération Financière
d'Afrique centrale.
5 Banque des Etats de l'Afrique Centrale.
|
|
Source: Banque Mondiale, BEAC (www.beac.int), FMI,
Institut National de la Statistique du Cameroun (ou INS,
www.statistics-cameroon.org),
2009.
D. Répercussion de la crise financière
internationale sur le Cameroun
Dans l'étude de l'impact de la crise financière
internationale sur le Cameroun, nous aborderons trois principaux points en
relation avec les trois grands groupes de canaux de transmission de la crise
aux pays africains analysés dans la première partie. Le point D-1
présentera une analyse de l'exposition du secteur financier camerounais
à la crise. Le point D2, quant à lui, fera une étude de
l'impact de la crise sur l'économie réelle du Cameroun. Enfin, le
point D-3 analysera l'impact de la transmission de la crise au Cameroun sur les
finances publiques.
D-1 Analyse de l'exposition du secteur financier
Le système financier camerounais est constitué
d'une bourse de valeurs16, d'un secteur de microfinance17
et d'un secteur bancaire. Dans notre analyse, nous nous limiterons
essentiellement au secteur bancaire, les deux autres secteurs financiers ayant
un poids négligeable. Cette analyse sera organisée autour de
trois points. Le point D-1.1 présentera le secteur bancaire et analysera
la prédominance des banques d'origine étrangère au
Cameroun. Le point D-1.2 analysera les transactions ainsi que
l'évolution des écarts entre les taux interbancaire et de
refinancement, pour voir si le marché interbancaire de la CEMAC s'est
comporté comme celui des pays avancés. Le point D-1.3 examinera
la position extérieure du secteur bancaire camerounais afin de voir si
celle-ci expose le pays à des pertes financières. Enfin, le point
D-1.4 présentera les indicateurs de la solidité du système
bancaire dans son ensemble.
D-1.1. Prédominance des banques
étrangères dans le secteur bancaire au Cameroun
Au 31 mars 2009, le marché bancaire camerounais
comptait 11 banques, dont 7 sont des filiales de banques
étrangères (voir tableau D.1). Parmi ces dernières, 3 sont
d'origine française18 et représentent l'essentiel des
parts de marché. Elles concentrent en effet 59,4% de part de
crédits octroyés à l'économie nationale et 55,8% de
part de ressources collectées. L'Etat reste néanmoins un
actionnaire non négligeable dans chacune de ces 3 banques (voir tableau
D.1). Les 4 autres sont d'origine anglo-saxonne19 et se
partagent des parts de marché
16 Appelée « Douala Stock Exchange » (ou
DSX), elle est la seule bourse de valeurs qui fonctionne dans la
sousrégion de la CEMAC. Elle a été inaugurée le 23
avril 2003 et ce n'est que quatre ans plus tard qu'elle a débuté
ses activités. Depuis l'inauguration et jusqu'en mars 2009, seules deux
sociétés y étaient cotées et les transactions
portant sur les actifs financiers de ces sociétés restaient
faibles.
17 L'essor de ce secteur au Cameroun est
récent et date des années 1990 suite à l' adoption des
lois n° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté
d'association, et n° 92/006 du 14 août 1992 relative aux
sociétés coopératives et aux groupes d'initiative commune.
Son développement a été surtout favorisé par la
crise du secteur bancaire camerounais à la fin des années 1980.
Tombées en faillite, nombreuses banques vont renaître sous forme
d'établissements de microfinance (ou EMF). Ce secteur est
organisé et réglementé par le Ministère des
Finances sous la surveillance de la Commission Bancaire d'Afrique Centrale (ou
COBAC). Au 31 décembre 2006, la COBAC a dénombré 490
institutions de microfinance en activité au Cameroun, soit 63% des EMF
de la CEMAC (BEAC, (2008 a), P.165). Malgré leur nombre, ses
parts de marché ne représentaient que 7,0% en termes des
ressources collectées et 6,2% en termes de réemplois au Cameroun
(BEAC, (2008 a), P.186).
18 Il s'agit de la Société Générale
de Banque au Cameroun (ou SGBC), la Banque Internationale du Cameroun pour
l'Epargne et le Crédit (ou BICEC) et le Crédit
Agricole-Société, Camerounaise de Banque (ou CA-SCB).
19 Ce groupe est formé de la Citibank, la
Standard Chartered Bank (ou STDBK), Ecobank et Union Bank of Africa (ou
UBA).
de 15,2% et 15,3% respectivement pour les crédits et les
dépôts. Enfin, il y a 4 banques locales20 qui se
partagent 29,0% de part de crédits et 25,3% de part de
dépôts.
Le tableau D. 1 suivant donne la ventilation du capital des
banques suivant l'origine des actionnaires.
Tableau D. 1 : Structure du capital (en %) des
banques camerounaises selon la COBAC
Banques
|
Etat
|
Etranger
|
Privés Nationaux
|
Banques
|
Etat
|
Etranger
|
Privés Nationaux
|
SGBC
|
25,60
|
58,08
|
16,32
|
Citibank
|
0,00
|
100,00
|
0,00
|
BICEC
|
37,25
|
62,75
|
0,00
|
First Bank
|
0,00
|
20,00
|
80,00
|
CA-SCB
|
35,00
|
65,00
|
0,00
|
CBC
|
0,00
|
15,00
|
85,00
|
STDBK
|
0,00
|
100,00
|
0,00
|
UBC
|
0,00
|
7,13
|
92,87
|
Ecobank
|
0,00
|
79,60
|
20,40
|
Amity Bank
|
0,00
|
0,00
|
100,00
|
UBA
|
0,00
|
100,00
|
0,00
|
|
|
|
|
|
Source : KAMGNA S. Y. et DIMOU L. (BEAC,
2008)
De plus, les 3 banques d'origine française constituent
également le trio de tête dans un classement suivant le total du
bilan. Le total des bilans cumulés de ces 3 banques représentait
39,4% de la situation bilantaire des banques du Cameroun au 31 décembre
2006. Globalement, la situation bilantaire des banques camerounaises
s'élevait à 20% du PIB du Cameroun au 31 décembre 2006, ce
qui lui octroie la deuxième place dans la CEMAC derrière le
système bancaire gabonais qui représente 22,6% du PIB du Gabon
(BEAC, (2006), PP.159-164, 270). Cependant, la situation bilantaire du
système bancaire camerounais représentait 45% du total des bilans
des banques de la CEMAC au 31 décembre 2006, ce qui lui donne un poids
non négligeable dans la sous-région.
Il ressort de ce qui précède que le
système bancaire camerounais est dominé par les banques d'origine
étrangère, ce qui pourrait l'exposer soit aux pertes bancaires,
soit à un bank run ou à une crise de liquidités
par l'ensemble des mécanismes que nous avons analysé dans la
première partie.
D-1.2. Evolution du marché interbancaire et du
marché du crédit
Le marché interbancaire est le marché sur
lequel les banques commerciales effectuent leurs opérations de
refinancement (BERNAL, (2009 c)). Les banques camerounaises ont
recours à deux sources de refinancement : le marché interbancaire
de la CEMAC (encore appelé « niveau 1 » par la BEAC)
et les appels d'offres de la BEAC (ou « niveau 2 »). Pour
suivre l'évolution du marché interbancaire de la CEMAC, nous nous
intéresserons particulièrement au taux d'intérêt
interbancaire (qui permet d'avoir une idée précise des conditions
de crédit), au taux directeur de la BEAC (taux de refinancement) et aux
transactions effectuées sur ce marché. Pour ce qui est du
marché du crédit, nous analyserons l'évolution du
crédit intérieur à l'économie camerounaise.
L'objectif de cette section est d'analyser les conditions de crédit tant
au niveau interbancaire qu'au niveau de l'économie nationale avant et
après le déclenchement de la crise financière
internationale.
Le marché interbancaire de la CEMAC correspond au «
niveau 1 » du système de refinancement de la BEAC. Les
intervenants sur ce marché sont les banques agréées des
pays
20 Ce sont: Union Bank of Cameroon (ou UBC), Afriland
First Bank (ou First Bank), Amity Bank et Cameroon Bank Corporation (ou
CBC).
membres21 de la CEMAC. Les taux, la durée
et éventuellement les garanties des transactions effectuées sont
librement débattues suivant la loi de l'offre et de la demande et sans
l'intervention de la BEAC. Ces transactions sont nationales et/ou
transnationales à l'intérieur de la Zone, et une exigence de ce
marché est que, les montants doivent être un multiple de millions
de Franc CFA. Selon l'échéance du prêt, il existe des taux
au jour le jour (ou à vue), de 2 à 30 jours, de 1 à 2 mois
et de plus de 2 à 3 mois. A cause de l'indisponibilité des
séries continues de ces différents taux, nous allons nous
intéresser à un taux d'intérêt composite
appelé le Taux Interbancaire Moyen Pondéré (ou
TIMP), calculé et publié par La BEAC. Il nous permettra de suivre
l'évolution sur le marché interbancaire. Ce taux a l'avantage
d'être pondéré par le volume des transactions
réalisées. Ainsi, un TIMP nul signifie qu'il n'y a pas eu de
transactions sur le marché interbancaire. Une autre
interprétation de ce TIMP quand il est nul est qu'il pourrait
correspondre à un taux d'intérêt infiniment grand et qui
empêcherait les échanges de liquidités.
Le « niveau 2 » correspond aux
interventions de la BEAC en faveur des établissements de crédits
éligibles. La BEAC intervient à travers ce niveau pour refinancer
le système bancaire selon les orientations de sa politique
monétaire et de crédit, d'une part, et de l'évolution de
la liquidité bancaire, d'autre part. Sur ce segment de marché
monétaire, nous nous intéresserons uniquement au principal taux
directeur de la BEAC, le Taux d'Intérêt des Appels
d'Offres (ou TIAO). Il est fixé par le Gouverneur de la BEAC en
fonction de la conjoncture tant interne qu'externe, et en tenant compte du
TIMP, car ce dernier résulte des forces du marché et
reflète au mieux la conjoncture.
L'évolution des activités du marché
interbancaire peut donc être caractérisée par
l'évolution du TIMP, du TIAO et des transactions qui y sont
effectuées. La figure D.1 montre l'évolution simultanée de
ces trois indicateurs.
Figure D. 1 : Evolution des transactions (axe de
droite, en millions de Franc CFA) et des taux d'intérêt
interbancaires de la CEMAC (axe de gauche, en %), entre 2004 et
2009
4
7
6
5
3
2
0
8
1
Transactions TIMP TIAO
40 000
70 000
60 000
50 000
30 000
20 000
0
10 000
Source : BEAC (2009), Rapports annuels 2004, 2005,
2006, Rapport zone franc 2007.
Il ressort de ce graphique que les transactions sur le
marché interbancaire de la CEMAC se raréfient depuis fin 2006, et
sont devenues quasi-inexistantes après le troisième trimestre
2007. En effet, les transactions interbancaires s'établissaient à
3,4 milliards de Franc CFA en moyenne mensuelle en 2007 contre 15,5 milliards
de Franc CFA en 2006. Les TIMP ont été volatiles, variant entre
1,95% et 6,87% en 2007. En août 2007, le TIMP (le plus
élevé depuis 2004) a dépassé le TIAO traduisant une
raréfaction d'offre de liquidités sur ce marché
21 Ils sont au nombre de six : le Cameroun, le
Congo Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad.
Le Cameroun et la Guinée Equatoriale sont les deux principaux acteurs
sur ce marché interbancaire avec une participation de 90% en moyenne sur
les trois dernières années.
au cours de la période août-septembre 2007.
Malgré ce TIMP élevé, les transactions sont restées
très faibles, ce qui pourrait s'expliquer par la méfiance des
banques de se prêter entre elles. Après septembre 2007, on assiste
à un arrêt presque total des transactions sur ce marché
interbancaire, ce qui se traduit par un TIMP nul. Cette situation aurait
amené les banques camerounaises à souscrire un peu plus aux
appels d'offres de la BEAC qu'auparavant. En effet, leur taux d'utilisation de
l'objectif de refinancement22 a légèrement
augmenté (quoique restant à un niveau très faible),
passant de 3,91% en moyenne trimestrielle en 2006 à 5,62% en 2007 et
à 5,73% en 2008 contre 6,16% en 2007 et 8,30% en 2008 pour l'ensemble de
la CEMAC. En termes réels, les montants sollicités par ce mode de
financement sont insignifiants au regard des montants habituellement
échangés sur le marché interbancaire.
La BEAC explique l'étroitesse de ce marché
interbancaire par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels l'importance
des opérations intra-groupe réalisées hors marché,
la surliquidité bancaires et « l'existence de risques
spécifiques liés à l'absence de cadre juridique et de
support (les certificats de placement émis en contrepartie des
dépôts spéciaux des banques auprès de la BEAC ne
sont pas utilisés comme collatéraux) » (Banque de
France, 2007). La BEAC explique la volatilité des TIMP par la
variabilité des niveaux de liquidité dans le temps et entre les
différents États de la CEMAC, les transactions sur ce
marché interbancaire étant essentiellement transnationales (85%
en moyenne sur les trois dernières années).
Il semble difficile de lier ce comportement du marché
interbancaire de la CEMAC au déclenchement de la crise financière
internationale car ce marché a connu de difficultés bien avant le
début de la crise. Mais, certes le déclenchement de la crise
pourrait avoir contribué à l'amplification de ce
phénomène. Quoiqu'il en soit, on assiste à une
raréfaction des transactions sur le marché interbancaire de la
CEMAC depuis fin 2006 et un arrêt quasi-total après le
déclenchement de la crise financière internationale.
Parallèlement, sur le marché du crédit au
Cameroun, on assiste depuis septembre 2007, à une décroissance
soutenue des montants du crédit à l'économie nationale,
comme le montre la figure D.2.
Figure D. 2 : Evolution du total des
crédits intérieurs et des ressources collectées dans le
réseau bancaire camerounais entre 1999 et 2008 (en milliards de Franc
CFA)
2 500
2 000
1 500
1 000
500
-
Total crédit à l'économie nationale
Total ressources collectées
Source : BEAC, situation bancaire consolidée
(2008)
22 Il représente la limite maximale des
avances que la BEAC peut accorder aux banques d'un pays de la CEMAC au «
niveau 2 » du marché monétaire. Cet objectif peut
néanmoins être dépassé si le taux de couverture
extérieure de la monnaie est supérieur à 20%, s'il existe
des collatéraux recensés au niveau des banques et que le pays
n'est pas soumis à un programme du FMI. Dans le cas contraire, c'est un
plafond rigide. Ces avances sont accordées au taux TIAO. Le plafond de
cet objectif de refinancement est de 8 milliards de Franc CFA pour le Cameroun
(BEAC, 2006 et www.beac.int).
Cette décroissance ne s'explique pas par les
contraintes des critères de surveillance du ratio de crédit sur
dépôt, car les ressources collectées (dépôts)
ont continué à croître. Ce phénomène s'est
accompagné de l'augmentation des dépôts et des placements
auprès de la BEAC, passant d'un taux de croissance de 22,6% entre le 31
décembre 2006 et le 30 juin 2007 à un taux de croissance de 63%
entre le 30 juin 2007 et le 31 décembre 2007 (BEAC, 2007).
En résumé à tout ce qui
précède, on peut dire qu'on assiste à un rationnement du
crédit tant au niveau du marché interbancaire qu'au niveau du
marché du crédit à l'économie nationale, qui ne
s'explique pas par une crise de liquidités, les banques étant
structurellement en position de surliquidité23. On pourrait
plutôt parler d'une méfiance des banques à
s'échanger de liquidités entre elles et même à
prêter aux agents économiques en période de crise. Plus que
jamais, les banques pratiquent une gestion à « la prudence ».
Comme nous l'avons vu dans la première partie (B-1.1.3), la modification
des conditions d'emprunt est un canal de transmission de la crise.
D-1.3. Position extérieure nette du secteur
bancaire camerounais
La position extérieure des banques camerounaises est
restée créditrice et consistante après le
déclenchement de la crise comme on peut le voir sur la figure D.3. Cette
situation pourrait s'expliquer par des échéances plus ou moins
longues de ces créances extérieures. Comme nous l'avons
montré dans la première partie, ce solde créditeur
pourrait être la source de pertes. C'est par exemple le cas de la BEAC
qui, en fin décembre 2008, a perdu 25 millions d'Euros dans un placement
total de 500 millions d'euros géré par la Société
Générale de France, du fait de l'effondrement
généralisé des valeurs boursières24.
Figure D. 3 : Evolution de la position
extérieure nette des banques camerounaises (en milliards de Franc CFA)
entre 1999 et 2008
350
300
250
200
150
100
-
50
Source : BEAC, situation bancaire consolidée
(2008) et nos calculs
Il ressort de cette figure que, les avoirs extérieurs
nets des banques camerounaises ont changé de tendance en mars 2008
même s'ils continuent à évoluer avec le même rythme,
ce qui pourrait traduire un léger repli des placements
extérieurs. Cependant, sa consistance reste inquiétante au regard
de la conjoncture mondiale et des pertes potentielles qui pourraient en
23 Cette situation de surliquidité
s'explique par la structure des dépôts. En effet, la majeure
partie des dépôts se font dans les comptes à vue, ce qui
rend difficile leur réemploi comme crédits, les clients pouvant
les réclamer à tout moment. C'est ce qui explique d'ailleurs
pourquoi la plupart des crédits octroyés par les banques
camerounaises sont de court terme et/ou moyen terme. Il est aussi à
noter que les dépôts de la clientèle ne sont pas
garantis.
24 Voir :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2509p057-059.xml0/-Banque-crise-financiere-BEACPhilibert-Andzembe-Les-dessous-de-l-affaire-BEAC.html
résulter. En bref, les pertes potentielles sur les
avoirs extérieurs sont une source de contagion de la crise car les
banques camerounaises jadis en surliquidités pourraient passer d'une
situation de surliquidités à une situation de besoin de
liquidités.
D-1.4. Indicateurs de la solidité du secteur
bancaire camerounais
Nous avons choisi cinq principaux indicateurs de la
solidité financière pour caractériser le système
bancaire camerounais. Il s'agit des indicateurs de la qualité des
portefeuilles de prêts (créances douteuses en pourcentage des
actifs ; créances douteuses en pourcentage des prêts), de la
profitabilité (Return On Equity (ou ROE)), de
solvabilité (capital en pourcentage des actifs) et de la couverture des
créances douteuses (provisions en pourcentage des créances
douteuses). Les données de 2008 et 2009 ne sont pas encore accessibles
pour le Cameroun et la CEMAC. Etant donné que le système bancaire
camerounais n'est pas en crise, les données de 2007 pourraient nous
donner des indications sur sa solidité financière d'aujourd'hui.
Les données de 2005 ont été choisies pour la France et
l'Afrique du Sud du fait que leurs systèmes financiers n'étaient
pas encore affectés par la crise à cette date. Ces
dernières données servent uniquement d'éléments de
comparaison. Le tableau D-2 suivant donne l'évolution des indicateurs de
la solidité financière pour le Cameroun et la CEMAC (2005-2007),
la France et l'Afrique du Sud (2005).
Tableau D. 2 : Indicateurs de la solidité
financière des systèmes bancaires du Cameroun, de la CEMAC
(2005-2007), de l'Afrique du Sud et de la France (2005).
|
|
Cameroun*
|
|
|
CEMAC*
|
|
Afrique du Sud**
|
France**
|
|
déc.06
|
déc.07
|
déc.05
|
déc.06
|
déc.07
|
déc.05
|
déc.05
|
Créances douteuses (en % des actifs)
|
7,0
|
6,4
|
6,1
|
6,7
|
5,8
|
4,6
|
1,3
|
1,3
|
Créances douteuses (en % des prêts)
|
12,5
|
12,2
|
12,5
|
13,6
|
12,3
|
11,1
|
1,5
|
3,5
|
Provisions (en % des créances dout.)
|
85,4
|
89,5
|
92,2
|
81,4
|
85,9
|
87,4
|
59,4
|
63,8
|
Capital (en % des actifs)
|
8,2
|
8,1
|
8,2
|
9,8
|
9,3
|
9,6
|
8,0
|
3,5
|
Return On Equity (ou ROE en %)
|
14,1
|
15,3
|
14,1
|
16,7
|
18,4
|
17,6
|
19,3
|
14,4
|
|
Source : *BEAC (rapport annuels 2006, 2007) et
**FMI (L'Exercice Coordonné Compilation (CCE, 2005))
Il ressort de ce tableau que la solidité
financière du système bancaire camerounais dans son ensemble, n'a
pas été significativement différente de celle de la CEMAC
de 2005 à 2007, et ceci pour tous les indicateurs calculés. Les
indicateurs de la solidité financière du système bancaire
camerounais ont été stabilisés à un niveau
acceptable25 sur la période étudiée. En bref,
la solidité financière du système bancaire camerounais ne
serait pas remise en question pour l'essentiel.
En conclusion à cette section sur le secteur financier
camerounais, nous pouvons dire que malgré les risques (pertes
financières, bank run, crise de liquidités) qui
pèsent sur le secteur bancaire camerounais, sa surliquidité et
l'objectif de son financement par la BEAC ou les plafonds statutaires du
Cameroun (financement public qui vaut 318 milliards de Franc CFA) très
faiblement utilisés peuvent jouer en sa faveur pour sauver le secteur.
La BEAC qui est le prêteur en dernier ressort de ce système
bancaire dispose en outre de réserves de change
25 Malgré la qualité de portefeuille
du système bancaire camerounais moins reluisante comparativement
à celle de la France ou de l'Afrique du Sud, les indicateurs de la
solidité étudiés ici sont satisfaisants au regard des
comparaisons et des objectifs généralement visés par les
entreprises (par exemple, ROE = 15%).
confortables. De plus, les indicateurs de la solidité
financière montrent que le système bancaire camerounais a
été assez solide sur la période étudiée et
le resterait aujourd'hui. Cependant, une surveillance particulière
devrait être accordée à ce secteur pour pouvoir intervenir
en temps opportun (par exemple, éviter la fuite de capitaux hors de la
zone CEMAC qui pourrait ouvrir « la porte » à la crise).
D-2 Impact de la crise sur l'économie réelle
camerounaise
Nous examinerons les exportations et les termes d'échange
afin d'évaluer l'impact de la crise sur l'économie réelle
camerounaise.
Le FMI en accord avec les autorités camerounaises
prévoit une chute des exportations de près de 23,5% en 2009 par
rapport à 2008 et de 35,4% par rapport aux prévisions initiales
de 2009 (prévues dans le « Country Report » de 2008,
N° 08/279). La figure D.4 montre la chute des exportations par rapport aux
prévisions initiales. Cette chute serait la conséquence de la
chute des prix des produits exportés et de la demande d'exportation. On
recense cinq produits particulièrement touchés : l'aluminium, le
bois, le caoutchouc, le coton et le pétrole brut. Les exportations de
ces produits sont affectées à la fois par la baisse de leurs prix
et de leurs demandes26.
Figure D. 4 : Evolution des exportations
camerounaises (en milliards de Franc CFA) entre 2005 et 2009
2500
2000
1500
1000
500
0
2005 2006 2007 2008 2009
Programmation initiale Révision
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
Comme nous l'avons analysé dans la première
partie, la chute de la demande d'exportations est un canal de transmission de
la crise aux économies africaines et en particulier au Cameroun.
La chute des prix des produits exportés a
détérioré les termes d'échange du Cameroun. Alors
qu'on s'attendait à une amélioration des termes d'échange
en 2008 de l'ordre de 15,7%, on a plutôt assisté à une
faible amélioration de 6,7%. La détérioration
anticipée de -3,8% devrait plutôt s'amplifier à -30,7%
selon le FMI et les autorités camerounaises comme le montre la figure
D.5.
26 Voir :
http://www.cameroononline.org/2009/03/24/cinq-secteurs-de-l%E2%80%99economie-camerounaisesecoues-par-la-crise-internationale/
Figure D. 5 : Evolution des termes
d'échange du Cameroun (croissance en % annuel) entre 2006 et
2009
-15
-25
-35
15
-5
5
2006 2007 2008 2009
Programmation initiale Révision
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
En résumé, la chute des prix et la baisse de la
demande des produits exportés sont des canaux de transmission de la
crise à l'économie camerounaise.
D-3 Impact de la crise sur les finances publiques
camerounaises
Dans cette section, nous allons examiner l'impact de la crise
sur le budget de l'Etat, les réserves officielles de change, la balance
courante et la dette publique.
D-3.1. Impact sur le budget de l'Etat et les
réserves officielles de change
La chute des prix et de la demande des produits
exportés (et en particulier la chute du prix de pétrole,
principal produit d'exportation (46% en 2008)) a fait diminuer les recettes de
l'Etat en 2008 et devrait encore les faire chuter en 200927. Le FMI
et les autorités camerounaises ont convenu que si le prix du
pétrole continuait de baisser, il faudrait réduire les
dépenses non prioritaires et mobiliser davantage des ressources
additionnelles ne provenant pas du pétrole (FMI, (2009 c),
P.9). La figure D.6 montre que le solde budgétaire a baissé
de 1,6% du PIB entre 2007 et 2008 et devrait chuter de 4,8% du PIB entre 2008
et 2009, par rapport aux prévisions initiales (effectuées en
début d'année 2008).
Figure D.6: Evolution du solde budgétaire
du Cameroun (en %PIB) entre 2007 et 2009
4
5
3
2
0
1
2007 2008 2009
Programmation initiale Révision
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
27 Le budget 2009 du Cameroun avait
été établi sous l'hypothèse de 68$ US le baril de
pétrole au moment même où le prix du baril avait atteint
les 150$ US. Mais depuis fin juillet 2008, le prix a fortement baissé
jusqu'à atteindre les 36$ US en février 2009 et se trouver
à 49 $ US en mi-avril.
Les réserves officielles de change quant à
elles stagnent après leur croissance soutenue depuis quelques
années grâce aux recettes pétrolières
principalement. Elles sont en baisse par rapport aux prévisions
initiales comme le montre la figure D.7.
Figure D. 7: Evolution des réserves
officielles de change du Cameroun (en mois d'importation) entre 2006 et
2009
10
4
2
0
9
8
7
6
5
3
1
2006 2007 2008 2009
Programmation initiale Révision
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
En bref, la chute des recettes Etatiques est un canal de
transmission de la crise au Cameroun lié aux finances publiques. Elle
aura pour conséquence la diminution des réserves officielles de
change.
D-3.2. Impact sur la balance courante et la dette
publique
Comme nous l'avons analysé dans la première
partie, l'une des conséquences de la chute des prix et de la demande des
produits d'exportation sera la détérioration de la balance
courante, comme le montre la figure D.8 suivante :
Figure D. 8: Evolution de la balance courante du
Cameroun (en % PIB) entre 2007 et 2009
-1
-2
-3
-4
2
0
1
2007 2008
Programmation initiale Révision
2009
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
Une autre conséquence serait une légère
remontée de la dette publique du Cameroun entre 2008 et 2009 qui avait
drastiquement chuté après l'atteinte du Point d'Achèvement
de l'Initiative PPTE en 2006 suivie de la remise et/ou de l'annulation de la
majeure partie de ses dettes comme le montre la figure D.9.
Figure D.9: Evolution de la dette publique du
Cameroun (en % PIB) entre 2004 et 2009
40
70
60
50
30
20
10
0
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Révision Programmation initiale
Source : Rapport FMI N°09/65
(février2009)
En résumé, la chute des recettes Etatiques,
conséquence de la chute des prix et de la demande d'exportation, est un
canal de transmission de la crise avec des impacts négatifs sur le solde
budgétaire, les réserves officielles de change, la balance
courante et la dette publique.
En définitive, il ressort de cette analyse d'impact
que, la prédominance des banques étrangères au Cameroun,
la raréfaction des transactions sur le marché interbancaire, le
rationnement du crédit à l'économie nationale, la
consistance de la position extérieure nette des banques, la chute des
prix et de la demande des produits exportés sont des potentiels canaux
de transmission de la crise au Cameroun. Ils pourraient se manifester par des
pertes bancaires, un bank run, une crise de liquidités, une
chute importante des recettes Etatiques, d'importants déficits courants
ou une remontée de la dette publique.
E. Recommandations
Face aux risques qui pèsent sur les pays
émergents, « les investisseurs privés fuient les
marchés émergents, et seulement un quart des pays les plus
vulnérables dispose des ressources pour empêcher une hausse de la
pauvreté », déclare la Banque Mondiale (2009 b) dans
son Communiqué de presse n°: 2009/245/EXC tenu à Washington
le 8 mars 2009.
Le Cameroun fait partie des trois quart des pays qui ne
disposent pas de ressources nécessaires pour faire face à la
crise et empêcher une paupérisation croissante. En effet, le
gouvernement camerounais ne dispose pas de base taxable solide et
diversifiée ou d'investissements suffisamment importants et par
conséquent, ne pourrait pas avoir la même capacité
d'intervention (recapitalisation des banques et entreprises en
difficulté, par exemple) que les gouvernements des pays avancés.
Au vu des taxes déjà très élevées et des
tensions sociales observées depuis février 2008, les
autorités camerounaises ont exprimé leurs intensions de ne pas
augmenter les taxes (FMI (2009 c), P. 10). Pour faire face à la
crise, le Cameroun devra mobiliser des ressources supplémentaires non
issues du pétrole et non issues aussi des taxes sur les produits de
première nécessité en particulier. En bref, il
apparaît que le Cameroun ne dispose pas d'une grande marge de manoeuvres
financières pour faire face à la crise. Il lui reste donc
à trouver des voies et moyens pour éviter que les risques qui
pèsent sur le pays ne se réalisent.
Sur le plan financier, nous avons montré qu'il
existait des risques de pertes bancaires, d'un bank run, et d'une
crise de liquidités. On observe déjà le resserrement des
conditions de crédit à l'économie nationale. Or, il
n'existe aucune réelle politique de sauvetage du système
financier camerounais en cas de problèmes. Pour
atténuer les risques qui pèsent sur le système financier
camerounais, le gouvernement pourrait:
· en partenariat avec les autres pays de la CEMAC,
initier un projet visant à réaménager le cadre juridique
du marché interbancaire de la CEMAC afin de minimiser les risques de
contrepartie et permettre ainsi la reprise et le bon fonctionnement de ce
marché interbancaire (la mise sur pied d'un système «
repo » (ou « cession-rétrocession »)
par exemple) ;
· garantir les dépôts des clients, ce qui
pourrait à terme changer la structure des dépôts (de
dépôts à vue aux dépôts à terme) et
permettre d'atténuer le risque d'un bank run. Cette
résolution doit être accompagnée d'une
réglementation préventive pour éviter que les banques
n'adoptent un comportement opportuniste (aléa moral) ;
· améliorer le climat des affaires, ce qui
pourrait avoir pour effets l'attrait de plus d'investissements et inciter
à terme les banques à augmenter la part de crédit à
l'économie nationale et minimiser ainsi les risques de concentration
(placements extérieurs).
Au niveau de l'économie réelle, la chute des
prix et de la demande de produits exportés ou la
détérioration des termes d'échange sont des canaux par
lesquels la crise pourrait se transmettre au Cameroun. Il paraît
difficile de trouver des solutions à court terme pour influer les prix
ou la demande extérieure, le Cameroun étant un « petit
pays »28 au sens du commerce international. Cependant,
à moyen terme, le Cameroun pourrait :
· conquérir de nouveaux marchés pour
augmenter sa demande extérieure et surtout assurer ses recettes
Etatiques. Par exemple, la conquête du marché de la
sousrégion ou d'autres pays africains avec ses produits vivriers
(banane, tubercules, farine, maïs, etc.) est un atout à exploiter
;
· éviter la « pro-cyclicité »
entre les recettes fiscales et les recettes budgétaires en diversifiant
la source de ses recettes (par exemple, augmenter ses investissements de
portefeuille dans les grandes entreprises tant nationales
qu'internationales).
Au niveau des finances publiques, la chute des prix et de la
demande des produits exportables aura des conséquences néfastes
sur le budget de l'Etat, les réserves officielles de change, la balance
courante et la dette publique. Le risque ici est celui de la remontée de
la dette publique. Seule une utilisation avec prudence les marges
budgétaires apparaît comme une solution adéquate.
28 C'est un pays qui n'a aucune influence sur les
cours mondiaux de ses produits exportés et considère les prix
comme données du marché.
Conclusion
L'objectif de notre travail était d'examiner l'impact
de la crise financière internationale sur les pays émergents. Le
champ d'étude de notre sujet étant très vaste et au regard
des exigences académiques sur la taille limitée de notre travail,
nous nous sommes restreints aux pays émergents d'Afrique et nous avons
illustré notre étude par le cas du Cameroun. Pour ce faire, nous
avons d'abord présenté le contexte international avant et
après le déclenchement de la crise ainsi que ses causes, ensuite,
nous avons dégagé les canaux de transmission de la crise aux pays
émergents d'Afrique et enfin, nous avons analysé le cas du
Cameroun à travers ces mécanismes de transmission.
Il ressort de notre étude que la plupart des pays
africains n'échapperont pas à la crise globale. Ils sont
exposés à la crise par leur système bancaire relativement
lié à celui des pays avancés, par la baisse des flux de
capitaux vers l'Afrique, par le durcissement des conditions d'emprunt et par la
chute des prix et de la demande des produits exportés. Ces canaux de
transmission pourraient conduire à l'aggravation des déficits
publics, suivie d'un manque de source de financement. L'impact dans chaque pays
dépendra de sa position extérieure (dette extérieure,
réserves de changes, déficit courant, etc.) et de sa
capacité à faire face à cette crise (base taxable,
politique de gouvernance, etc.).
Pour le cas du Cameroun, les effets de la crise restent encore
limités. Cependant, de nombreux risques pèsent sur son
système bancaire, son budget, sa balance courante, sa dette publique et
le financement de son économie. Des actions devraient être mises
sur pied pour éviter que ces risques ne se réalisent. Par
exemple, le gouvernement camerounais, en partenariat avec les autres pays de la
CEMAC pourrait initier un projet visant à réaménager le
cadre juridique du marché interbancaire de la CEMAC afin de minimiser
les risques de contrepartie et permettre la reprise et le bon fonctionnement de
ce marché interbancaire. Il pourrait également assurer les
dépôts de la clientèle, ce qui pourrait avoir pour effet le
passage d'une structure de dépôts à vue aux
dépôts à terme, permettant à la fois
d'atténuer le risque d'un bank run et d'octroyer davantage des
crédits à l'économie nationale. Améliorer le climat
des affaires pourrait avoir un triple effet : plus d'investissements nationaux,
davantage de crédit à l'économie nationale et
réduction des risques de concentration de placements à
l'extérieur. Le gouvernement devra aussi diversifier la source de ses
recettes (par exemple, augmenter ses investissements de portefeuille ou
favoriser la conquête de nouveaux marchés pour les exportations
camerounaises, etc.). Il devra enfin utiliser avec prudence les marges
budgétaires en insistant sur le financement des secteurs prioritaires
comme l'éducation, la santé, l'agriculture, l'énergie ou
les infrastructures routières. En bref, le challenge auquel est
confronté le Cameroun aujourd'hui, est de faire face à la crise
dans une perspective de la poursuite de son désendettement, de la lutte
contre la pauvreté et de son développement.
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