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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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B. Les institutions de la justice au Rwanda : une organisation pyramidale

Le gouvernement d'Union nationale mis en place le 19 Juillet 1994 s'est immédiatement attaqué au problème de restructuration de la justice et à celui de l'impunité. 120 000 prisonniers de génocide devaient être pris en charge par ces institutions. Or le système judiciaire de ce pays avait déjà du mal à fonctionner en tant de paix65(*).

La Cour suprême est la plus haute institution judiciaire du Rwanda. Ses arrêts sont insusceptibles de recours, excepté en cas de grâce et de révision. Elle est organisée par la loi n° 01/2004 du 29/01/2004. Elle a en son sein un Département chargé de l'inspection des cours et des tribunaux. Elle connaît des arrêts rendus par la Haute Cour de la République. Elle règle de la constitutionnalité des lois, des affaires liées au contentieux des élections présidentielles, référendaires et législatives. Elle reçoit le serment prononcé par le PR, etc.

En second lieu la Haute Cour de la République a sa base à Kigali et une compétence nationale. Elle comprend quatre Chambres qui siègent hors de son quartier général. Elle connaît des Appels rendus par les juridictions inférieures. Elle juge les crimes de guerre, de génocide, les meurtres et atteintes à la sûreté de l'Etat.

Parmi les autres institutions les plus notables, il y a le Conseil Supérieur de la magistrature. Deux années après le génocide, ce dernier n'était pas toujours reconstitué66(*). Selon les proposions de la Constitution, ses membres sont élus par les représentants de l'ensemble du système judiciaire des tribunaux de tous les cantons à la Cour suprême. C'est en effet ce Conseil qui statue en matière de nomination des magistrats des différents tribunaux. La solution trouvée par le gouvernement était de faire nommer le Président et le vice-Président de cette cour par le parlement, sur sa proposition.

Les Cours d'Appels, qui connaissent des appels des jugements rendus en première instance, sont au nombre de quatre au Rwanda. A côté de ces institutions, se trouve le Parquet. C'est une structure chargée de mener des enquêtes et de déférer les auteurs des infractions devant les tribunaux. Douze parquets existent dans ce pays dans la mesure où un est créé dans chaque chef-lieu de préfecture et un à Nyamata et Rushashi. Les parquets travaillent pour le compte des tribunaux de première instance67(*).

La loi n° 08/96 du 30/08/1996 créé des Chambres spécialisées au sein de chaque Tribunal de première instance, Cour d'Appel, et Cour militaire. Il en existe 13 qui ont rencontré des problèmes pratiques notamment les renvois des audiences, l'éloignement des témoins des lieux des audiences, la question des preuves. Cela aboutissait généralement à des acquittements. Il existe des tribunaux de district et de ville, des tribunaux de province et de la ville de Kigali.

Les Comités de conciliateurs ont été créés par la loi n° 2004/ du 20 juin 2004. Leur rôle vise à désengorger les tribunaux en connaissant des tentatives obligatoires de conciliation préalables entre les parties. Ils sont compétents en matière pénale et civile. Après règlement, ils dressent des procès verbaux cosignés par les parties. L'affaire est transmise au greffe du tribunal compétent dans l'unique cas où une partie n'est pas satisfaite par le jugement rendu.

Les Commissions de triage préfectorales connaissent des demandes en libération provisoire ou définitive des personnes poursuivies pour génocide. Leur composition intègre les représentants des différents ministères  et structures de l'Etat: Défense, Intérieur, Renseignements et Parquet.

Sans être exhaustif citons la Commission nationale de lutte contre le génocide dont la loi organique définissant le cahier de charge n'intervient que le 16 février 200768(*). Toutefois, sa création est insérée dans le texte constitutionnel du 14 juin 2003.

Le ministère de la justice a aussi joué un rôle déterminant. C'est en effet lui qui fut chargé d'encadrer les différentes réformes du secteur de la justice, et de veiller à l'application des décisions prises au niveau politique par le gouvernement d'unité nationale, dans le volet judiciaire69(*).

Les infrastructures de ces institutions ayant été complètement détruites, le gouvernement et ses partenaires extérieurs70(*) vont entreprendre de les remettre sur pied. C'est ainsi que les bâtiments, le mobilier et le matériel de bureau sont réhabilités. La mémoire institutionnelle est renforcée par l'octroi du matériel documentaire. Les moyens de communication et de déplacement sont renforcés : téléphone, courrier, dons de véhicules71(*) et de motos72(*). Il s'agissait là des éléments du dedans. Il nous revient à présent d'introduire une deuxième dimension de notre analyse, consistant notamment à ressortir les dynamiques des acteurs et institutions du dehors.

* 65 Celui-ci était miné par des problèmes tels que la corruption, l'insuffisance des effectifs, l'incompétence des acteurs, la main mise de l'exécutif. Voir le Rapport dressé par les professionnels de ce secteur : La place de la justice et le rôle du magistrats dans l'édification d'un Etat démocratique, Ed Ministère de la justice, Kigali, 1992.

* 66 Voir Martiens Schostmans, Rapport d'évaluation mi- parcourt du projet Appui au développement de l'Etat de droit et de la démocratie au Rwanda, mars-mai 2004.

* 67 Dans une perspective plus large, lire Eric Gillet, « Le génocide devant la justice », Temps modernes, n° 583, juillet-Août 1995 ; Alphonse Marie Nkubito, « Le rôle de la justice dans la crise rwandaise », in André Guichaoua, Les crises politiques au Burundi et au Rwanda (1993-1994), Paris, Karthala, 1995.

* 68 Loi n° 09/2007 du 16/02/07 portant attribution et fonctionnement de ladite Commission.

* 69 Pour d'amples détails, voire la loi n° 07/2004 du 25/04/2004 portant code d'organisation, fonctionnement et compétence judiciaires (J.O n°14/2004 du 15 juillet 2004).

* 70 Jean-François Dupaquier, op.cit ; pp.39-40. Parmi ces partenaires, le RC ou réseau des citoyens, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme.

* 71 Ces derniers ont été offerts à chaque chef de parquet (Pick up Toyota). L'Unicef a donné un second au Parquet de Kigali.

* 72 122 motocyclettes furent octroyées par le PNUD et le HCR au bénéfice des inspecteurs de police judiciaire. Voir Jean François Dupaquier, op.cit ; pp. 39-43.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld