Investissement public et croissance économique au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Florentin DJIENGOUE ISSEA - Ingénieur d'application de la statistique 2008 |
CHAPITRE II : CADRE THÉORIQUE«La croissance » est de nos jours un des mots clés dans la plupart des discussions économiques. Mais très loin dans le passé, SMITH, A. (1776) dans « La Richesse des nations » mettait en relief le fait que la spécialisation, la division du travail et l'échange se traduisent par une grande efficacité productive, sans toutefois présenter un modèle de croissance. Il faut donc attendre HARROD (1939) pour avoir une formulation explicite d'un modèle de croissance. Le modèle de HARROD (1939) repose sur l'existence de trois taux de croissance (le taux de croissance effective , le taux de croissance « nécessaire » pour satisfaire les entrepreneurs-investisseurs et le taux naturel de croissance qui définit le taux auquel l'économie doit croître pour éviter le chômage). Il y a croissance équilibrée de plein emploi quand la croissance effective est telle que les entrepreneurs sont satisfaits () et qu'il n'y a pas de chômage (). Selon HARROD (1939), la vérification de ne peut être que par le fruit du hasard19(*). Après les travaux de HARROD, se sont succédés plusieurs modèles de croissance parmi lesquels le modèle de SOLOW et SWAN (1956) qui servira de base à la plupart des études récentes sur la croissance (BARRO, 1990,1992). II.1.1 L'analyse néoclassique de la croissance : le modèle de Solow-Swan (1956) À la question « qu'est ce qui fait croître la production ? », les néoclassique répondent : les facteurs de production. « L'on peut, selon la conception néoclassique, rapporter à trois sources distinctes la croissance de la production, à savoir : croissance de la main d'oeuvre, croissance du capital, enfin l'innovation technique en elle-même » (SAMUELSON, 1969). La relation qui unit ces facteurs est la fonction de production. À l'aide de cette fonction, SOLOW (1956, 1957) a formalisé le modèle néoclassique. Dans ce modèle, le rôle de l'investissement peut se résumer à l'aide de deux équations familières : la première est la relation entre la production () et les facteurs capital (), travail (), et technologie (neutre au sens de Hicks)20(*)(), décrite à l'aide d'une fonction de production agrégée : (2)
et la seconde est l'équation d'accumulation du capital (inventaire permanent), qui régit la relation entre l'investissement en biens matériels, I, et le stock de capital : (3) ?Kt = It-?K t *, où ? représente un changement discret, est la dépréciation et I t l'investissement brut qui peut soit être déterminé de façon endogène par l'entreprise qui cherche à maximiser ses bénéfices, soit être fixé par hypothèse à une proportion donnée de la production. En considérant une fonction de production de type Cobb-Douglas21(*), la production peut s'énoncer comme suit : (4) où est le « résidu de Solow », et les élasticités de la production par rapport respectivement au capital et au travail, les hypothèses néoclassiques supposent que += 1. La simplicité intuitive de ce cadre néoclassique est à la base de plusieurs travaux empiriques et théoriques sur la productivité et la croissance économique. Cependant, en dépit de sa popularité, le modèle néoclassique engendre certains résultats troublants : la technologie est habituellement décrite par une quelconque fonction ad hoc, telle que, où est un paramètre non expliqué de l'économie, autrement dit le progrès technique est exogène. De plus les données internationales ne semblent pas corroborer le modèle néoclassique de base pour ce qui a trait aux propriétés de convergence22(*). Ces lacunes ont donné l'impulsion à plusieurs pistes de recherche sur la relation entre l'investissement et la croissance de la productivité. Une école de pensée (qui demeure fermement ancrée dans la tradition néoclassique), qui remonte à JORGENSON et GRILICHES (1967) et dont les travaux ont été résumés par JORGENSON (1990, 1996), a tenté de mettre au point de meilleures mesures de l'investissement, du capital, du travail et d'autres intrants négligés en vue de réduire l'importance du résidu inexpliqué23(*). Une deuxième école de pensée est allée au-delà du modèle néoclassique pour tenter d'élaborer un mécanisme endogène tenant compte de l'évolution du progrès technique, demeuré inexpliqué dans les travaux antérieurs. En modélisant explicitement les rouages de la concurrence, de l'innovation et des retombées de la production, ces travaux de recherche ont abouti aux modèles de croissance endogène de la nouvelle théorie de la croissance. Cette nouvelle théorie repose en effet sur quatre facteurs de la croissance. II.1.2 Les facteurs de la croissance endogène Il ya croissance endogène lorsque « les principaux déterminants de la croissance sont endogène au modèle » (BARRO, R et SALA-I-MARTIN, X., 1996). Selon les théoriciens de la croissance endogène, il existe quatre facteurs de croissance endogène à l'économie : 1. L'accumulation de capital. Ces modèles font des rendements croissants le fondement de la croissance. En effet, sans rompre totalement avec l'hypothèse des rendements constants24(*), ils considèrent qu'il existe des rendements d'échelle croissants liés aux externalités positives des investissements. 2. La recherche-développement développée dans des travaux de ROMER25(*). Elle est considérée comme une activité à rendement croissant du double fait que la connaissance est un bien « non rival » et que le coût de son appropriation est minimal pour chaque chercheur. La croissance économique résulterait ainsi d'une activité d'innovation, engagée par des agents qui espèrent en tirer profit. Cette analyse permet d'incorporer dans le capital physique le seul progrès technologique et non l'ensemble des investissements directs. 3. L'accumulation du capital humain fut mise en valeur par LUCAS (1988). Ce capital est défini comme le stock de connaissances valorisables économiquement et incorporées aux individus (qualification, état de santé, hygiène, ...). LUCAS développe dans son analyse, le capital humain qui est volontaire (accumulation de connaissances (schooling)) et involontaire (learning by doing). En outre, la productivité privée du capital humain a un effet externe positif car, en améliorant son niveau d'éducation et de formation, chaque individu augmente le stock de capital humain de la nation et par la même occasion contribue à améliorer la productivité de l'économie nationale. 4. L'investissement de l'État dans les infrastructures, car selon ces théoriciens, les infrastructures publiques constituent aussi un facteur de croissance qui engendre des rendements croissants à long terme en raison des économies internes qu'elles permettent pour les producteurs privés. II.2 EXTENSION DE L'APPROCHE THÉORIQUE DE L'INVESTISSEMENT Le modèle néoclassique décrit ci-dessus peut facilement être étendu au-delà de l'investissement en biens matériels pour rendre compte de tout facteur accumulé contribuant à la production. Cela englobe la substitution qu'opère l'investissement entre des biens matériels hétérogènes, l'investissement en capital humain lié à l'éducation et à la formation des travailleurs, l'effort de recherche-développement et les dépenses publiques en infrastructures. Cette dernière se fait dans le cadre global de l'action publique dont le fondement peut éclairer les analyses. II.2.1 Fondement de l'action publique Le marché privé répond aux quatre questions de base qui se posent en économie : à la question de savoir « quels biens sont produits et en quelles quantités ?» les économistes répondent que c'est l'interaction entre l'offre et la demande qui détermine à la fois les biens désirés par les consommateurs et le coût supporté par les entreprises pour les produire ; à celle de savoir « comment la production a-t-elle lieu ? », Ils répondent que c'est la concurrence qui incite les entreprises à produire à un coût aussi bas que possible afin de rester compétitives26(*) ; la troisième question est celle de savoir « en faveur de qui la production a-t-elle lieu ? », à celle-ci, ils répondent que le revenu est un facteur déterminant en ce sens que ceux qui ont plus de revenus acquièrent plus de biens que ceux qui ont moins ; la dernière question est celle de savoir « qui prend les décisions ? », tout le monde prend les décisions, car selon STIGLITZ (1993), « la nature des biens et services produit est le résultat de millions de décisions prises par les particuliers et les entreprises dans l'ensemble de l'économie ». Si donc l'économie fonctionne si bien, quel est le rôle assigné au secteur public ? À cette question, les avis sont divergents au sein des économistes : on distingue ainsi ceux pour qui l'État doit tout simplement d'une part édicter et faire respecter les lois fondamentales de la société et d'autre part mettre en place un cadre au sein duquel les entreprises pourront se livrer à une concurrence loyale27(*) ; ceux pour qui l'État doit stimuler l'activité économique en agissant sur ses composantes (création d'emploi public, baisse des taux d'intérêt, investissements publics) ; et enfin ceux pour qui l'action publique se justifie principalement par la présence des biens publics. II.2.1.1 La conception orthodoxe Pour les classiques, l'État doit tout simplement assurer la bonne marche de la cité. SMITH, A. (1776) identifiait à cet effet trois devoirs fondamentaux à la charge de l'État : protéger la société et la nation contre l'extérieur, ce qui inclut dans le budget les charges de l'armée ; protéger les individus, la justice doit être rendue afin que l'économie fonctionne selon les règles précises ; construire et maintenir les institutions publiques. En outre, l'État doit se plier à la conjoncture et non être actif. À cet effet, il doit ajuster ses dépenses et ses recettes aux mouvements conjoncturels. Quand l'activité baisse, dans une phase descendante d'un cycle économique, les revenus peuvent baisser, les rentrées fiscales vont se faire plus rares car il y a un lien direct entre les rentrées fiscales et les revenus sur lesquels ils sont assis. En conséquence, l'État doit pour équilibrer son budget, ralentir ses dépenses en période de crise et augmenter son train de vie en période d'expansion. En quelque sorte, le budget de l'État doit suivre l'évolution économique et non l'infléchir. La conception orthodoxe ne soutient pas le déséquilibre budgétaire durable, car selon SMITH, A. (1776), l'État ne peut durablement dépenser plus qu'il n'a de recettes, le déficit se traduit par les tensions inflationnistes, des montées artificielles des taux d'intérêt qui décourage l'investissement et réduit le profit. II.2.1.2 La conception keynésienne Selon KEYNES, du fait que la « demande effective »28(*) est au coeur des décisions de production et du niveau de l'emploi, et qu'il n'existe pas de mécanismes autorégulateurs automatiques comme le pensent les néoclassiques, l'État doit intervenir pour soutenir et réguler l'activité économique. Il intervient pour stimuler la demande en agissant sur ses composantes : demande de biens de consommation, demande de biens d'équipement. Pour ce faire, il dispose de plusieurs moyens : création d'emplois publics (qui permettent d'améliorer le bien être social), la baisse du taux d'intérêt qui stimule les investissements privés. KEYNES, J.M. va à l' encontre de l'orthodoxie classique et soutient que le budget peut être actif. Selon lui, l'économiste doit rejeter le bon sens qui veut que le niveau des dépenses de l'État doive se calquer sur les fluctuations de ses recettes. Il assigne à l'État le rôle de réaliser une politique budgétaire qui selon SAMUELSON29(*) est « le processus consistant à manipuler les impôts et les dépenses publiques aux fins de :
contribuer à amortir les oscillations économiques ;
favoriser le maintien d'une économie progressive, assurant un degré d'emploi élevé, affranchi de toutes poussées excessives d'inflation ou de déflation. ». II.2.1.3 La conception de l'école du « public choice » À la différence de la logique keynésienne, l'école du « public choice » va partir d'une approche microéconomique et se posera alors la question de savoir « quant l'État doit-t-il intervenir ?». L'État doit intervenir quand le bien de par sa nature est indivisible (la défense nationale, la radio, la télévision...) et dont l'utilisation par une personne de plus a un coût nul. L'indivisibilité engendre une véritable rationalité de la prise en charge collective. L'existence d'effets externes est une deuxième cause d'intervention publique car créer par exemple une route entraîne automatiquement des effets externes : pour les uns cela peut être négatif (bruit de l'autoroute...) et positif pour d'autres (transport moins cher pour les entreprises près de l'autoroute). Individuellement, il est donc difficile de se mettre d'accord pour financer des biens qui apportent une utilité difficilement quantifiable pour les uns et les autres. Selon MUSGRAVE, chacun a une préférence concernant le niveau des dépenses publiques, la part à consacrer à l'école, l'aide à réaliser pour les plus démunis... le pouvoir central doit construire une véritable fonction d'utilité collective agrégeant les préférences de tous. Les théoriciens de la croissance endogène sont également en faveur de l'action publique, à ce sujet, BOYER, R. (1998) dit «qu'en l'absence de coordination organisée par l'État ou des organisations collectives, un pays initialement peu favorisé peut être durablement bloqué dans une trappe à pauvreté. À contrario, une synchronisation de l'investissement ou de l'innovation peut surmonter cet obstacle et aboutir à une croissance plus forte, bénéficiant à l'ensemble de la société. Ainsi l'État peut être à l'origine d'une création de richesses supplémentaires »30(*). Ceci illustre bien le fait que, selon les théoriciens de la croissance endogène, l'État est au centre de l'activité économique car il est fournisseur des biens publics. Ces types de biens comprennent entre autres les infrastructures publiques. II.2.2 Infrastructures publiques La vision néoclassique décrite précédemment met l'accent sur l'investissement privé d'entreprises comme principale source de croissance. L'introduction du capital public dans la liste des facteurs de production date de 1952. À cette époque, MEADE identifiait deux principales représentations susceptibles de rendre compte d'une éventuelle contribution productive du capital public : Dans la première, qualifiée de modèle « d'atmosphère », les services induits par les infrastructures publiques sont supposés augmenter la productivité d'un ou plusieurs facteurs privés à la façon d'un facteur « environnemental ». Dans le cas particulier où le capital public affecte de façon symétrique la productivité de l'ensemble des facteurs privés, il peut être représenté comme une source de progrès technique neutre au sens de HICKS31(*). Dès lors, la productivité totale des facteurs privés peut se décomposer en une composante autonome et une composante croissante de la contribution des infrastructures publiques. La seconde représentation proposée par MEADE (1952), qualifiée de modèle de « facteur impayé », consiste à supposer que les services des infrastructures mises à la disposition de l'entreprise privée représentative, constituent un facteur de production direct, mais non rémunéré. Ces représentations proposées par MEADE (1952) n'ont pas fait l'objet d'une formalisation. Le premier modèle de croissance endogène faisant du capital public le moteur de la croissance est développé par BARRO (1990), ce modèle est la base de plusieurs études empiriques des années récentes32(*). II.2.2.1 L'approche de BARRO (1990) BARRO (1990) part du principe relativement simple que des dépenses visant à créer les infrastructures telles qu'une autoroute, une ligne de chemin de fer ou encore un réseau de télécommunications rendent plus efficace l'activité du secteur productif. Dans son modèle, il considère que ce sont des biens collectifs purs (non rivaux, non excluables). Il se pose alors le problème traditionnel de leur financement par le secteur privé. La sphère privée ne peut se substituer au gouvernement pour le financer. C'est la raison pour laquelle l'État prélève un impôt de façon à produire ce type de bien. Les entreprises privées utilisent33(*) donc deux types de facteurs pour produire: le capital privé et le « capital public ». Le capital privé a des propriétés usuelles : il connaît des rendements décroissants, à dépenses publiques constantes, sa productivité marginale décroît. On est dans le cas classique d'un modèle à la SOLOW (1956) où un seul facteur est accumulable et où la croissance « s'étouffe ». Le capital public est en fait une dépense financée par l'État, les dépenses sont intégralement financées par l'impôt, que l'on suppose proportionnel au revenu. Selon BARRO (1990), la dépense publique a deux effets opposés. Le premier est que le capital public rend le capital privé plus productif et évite que sa productivité marginale s'annule progressivement quand le revenu augmente. Cependant, l'impôt a un effet dépressif sur cette productivité, puisqu'il réduit son rendement privé en ôtant aux entreprises une part du revenu tiré de leur activité. BARRO (1990) montre que pour une petite taille du gouvernement (des dépenses publiques), le premier effet l'emportera. Puis, il montre que de moins en moins, l'on peut déterminer une dépense publique optimale. À ce point, un dollar de dépense publique supplémentaire coûte plus en productivité que ce qu'il rapporte. BARRO (1990) fait quelques remarques sur la nature des dépenses publiques. Tout d'abord, il fait remarquer que, si les dépenses qui représentent une prestation de services aux consommateurs ont un impact en termes d'utilité, elles découragent la croissance. En effet, elles n'accroissent pas la productivité du capital privé, mais leur financement par l'impôt pèse sur la rentabilité du capital. Seul l'effet négatif joue au niveau des entreprises. L'imposition liée à ces dépenses décourage l'épargne et l'investissement. On peut remarquer que la nature de la croissance liée aux dépenses publiques d'investissement est effectivement une externalité. L'activité d'un agent (l'État en l'occurrence) a des effets sur celle d'un autre agent (les entreprises privées). Le Modèle de BARRO (1990) se base sur les travaux de SOLOW et SWAN (1956) présentés ci-dessus et ses hypothèses34(*) viennent en plus des hypothèses Néoclassiques. La spécificité de ce modèle consiste donc à faire apparaître les dépenses publiques d'investissement dans le processus de production, et par conséquent à mettre en évidence un lien explicite entre la politique gouvernementale et la croissance économique de long terme dans un cadre de croissance endogène. La production est représentée par une fonction de type COBB DOUGLAS définie par35(*) : (5) = Les termes et désignent respectivement le niveau de l'emploi et le stock de capital privé à la date . Les paramètresetcorrespondent respectivement aux élasticités de la production par rapport au stock de capital privé et public. Lorsque l'on suppose que les rendements sont constants par rapport aux facteurs K et G ( +=1), on aboutit à une situation de croissance endogène. Soit la production de la firme représentative. Les dépenses publiques sont financées par un impôt proportionnel à la production à taux constant : (6) Si l'on note le taux de dépréciation du capital privé et la population active totale, le taux de croissance équilibrée de l'économie, noté , est défini par : (7) En utilisant la contrainte budgétaire du gouvernement, ce taux de croissance peut se réécrire sous la forme36(*) : (8) . Cette relation nous permet d'observer les deux effets opposés du taux d'imposition sur le taux de croissance de long terme. L'augmentation des dépenses publiques conduit d'une part à une augmentation de la productivité des facteurs et favorise ainsi l'accumulation du capital privé, mais d'autre part elle induit une hausse des ponctions sur les ressources des agents et donc une éviction des investissements privés. La croissance de long terme sera ainsi le résultat de l'interaction de ces deux forces opposées. En particulier, pour un niveau sous optimal de dépense publique, on peut montrer que toute dépense additionnelle engendre une amélioration de la croissance de long terme. En effet : (9) si et seulement si L'effet net de l'intervention publique dépend de la différence entre le taux marginal de prélèvement public ô et l'élasticité du produit par rapport aux dépenses publiques 1- . Dès lors si le gouvernement adopte la maximisation de la croissance comme objectif de sa politique fiscale, il choisira un taux d'imposition égal à l'élasticité des dépenses publiques. Une seconde approche de la mesure de l'impact des investissements publics à été réalisée par FEDER (1983) et RAM (1986) et étendue par HERRERA (1997). Une présentation simplifiée de cette approche a été faite par BEN JELILI (2000). II.2.2.2 L'approche de Herrera (1997) Pour résoudre le problème lié au caractère productif des dépenses publiques d'investissement, HERRERA (1997) intègre aux côtés du secteur privé, trois secteurs publics distincts (formation du capital humain, production de capital d'infrastructures et consommation), de manière à en dériver une équation de croissance permettant d'estimer les effets respectifs de productivité factorielle relative et d'externalité des dépenses publiques, désagrégées par catégorie fonctionnelle37(*). L'économie est supposée se composer de quatre secteurs : un secteur privé (), un secteur public de formation de capital humain (), comprenant l'éducation et la santé publique, un secteur public de production de capital physique ou d'infrastructures () et un secteur public non productif ou de consommation publique (). La production du secteur privé est obtenue par la combinaison des facteurs de production suivants : le travail simple (), le capital physique privé (), le capital physique d'infrastructures publiques (), le capital humain ou encore le travail qualifié () et le bien public () représentant l'externalité du bien public sur le secteur privé. Ainsi : (10) De même, on considère que les productions des trois secteurs publics , et sont décrites par les trois fonctions de production respectives : , , . Où les dépenses budgétaires correspondant aux trois services publics de consommation, d'infrastructures et de capital humain sont considérées comme proxies de leur produit respectif, et . En outre, l'agrégation des quatre facteurs de production primaires donne : ,,,, avec . La production totale est définie par : (11) La dynamique du modèle est déterminée par les formations de capital privé, public et humain où les dépenses publiques en capital humain et en capital physique s'interprètent comme des flux d'investissement conditionnant les dynamiques d'accumulation dans les deux secteurs publics : , , , où . Par la suite, il suppose que : les productivités marginales des facteurs primaires, , , , et pour peuvent différer entre le secteur privé et les trois secteurs publics. les différentiels de productivité sont identiques pour les quatre facteurs entre le secteur privé et les trois secteurs publics (RAO, 1989 ; RAM, 1989) : , il en va de même pour les deux autres secteurs, les représentent le différentiel de productivité marginale factorielle entre le secteur privé et le secteur public ; la productivité marginale du travail dans le secteur privé est une proportion du rapport entre le produit privé et le travail, c'est à dire, . Compte tenu de ce qui précède, il exprime le taux de croissance38(*) de l'économie sous la forme suivante : (12) Le caractère productif du capital public est tributaire des différentes formes de sources de financement dont dispose l'État. Ce financement passe entre autres par les recettes fiscales et douanières. Si cette dernière ne réussit pas à combler le déficit budgétaire, l'État peut recourir à un financement intérieur (financement bancaire par émission monétaire, financement non bancaire par recourt au crédit intérieur) ou extérieur (emprunt à l'extérieur). II.3 LES SOURCES DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT Les réponses concernant la finalité de l'impôt varient selon la conception de l'État retenue. Presque tous les théoriciens admettent que l'impôt a pour fonction de permettre à l'État d'assurer l'ordre public, la défense nationale (GÉLÉDAN, A. 1991). Cette fonction est justifiée par le fait que nul n'a intérêt individuellement à dépenser pour défendre l'ensemble du pays bien que chacun ait besoin de sécurité. De même éclairer les rues, assurer l'entretien des voies navigables et des routes ... n'a de sens que d'un point de vue collectif à moins de réaliser un péage non seulement sur autoroutes mais encore en tous lieux. L'impôt permet donc d'assurer les dépenses publiques concernant les biens collectifs nécessaires à tous. Les oppositions commencent lorsque l'on décompose les dépenses publiques souhaitables. On se pose alors la question de savoir s'il faut inclure les dépenses d'éducation et l'aide sociale (allocation familiale, indemnité chômage ...) dans les dépenses financées par les impôts, et si oui à quel niveau ? La fiscalité doit-elle être utilisée pour orienter l'activité économique ? Pour quels objectifs et dans quelles limites ? Dans la mouvance keynésienne, nombre d'économistes voient dans la fiscalité un instrument d'intervention économique ; Ainsi, aux objectifs sociaux de la fiscalité, se conjugueraient les perspectives d'action économique qui justifierait un niveau de fiscalité relativement élevé. Cette analyse s'oppose à l'approche néoclassique pour laquelle le meilleur impôt est toujours le plus faible, une forte fiscalité entraînant du point de vue économique des effets pervers importants : désintéressement pour le travail sous-rémunéré par suite de la pression fiscale, réduction de l'épargne. Certains marxistes analysent la fiscalité en termes de régulation. Ils distinguent alors trois fonctions principales39(*) : éviter les tensions sociales excessives en prenant en charge les dégâts de la croissance et des crises (les aides au logement atténuent les effets de l'urbanisation) ; l'impôt est une façon de socialiser certaines dépenses qui ne sont pas à la charge de l'économie privé et contribue à restaurer les taux de profit ; l'impôt permet aussi de transférer vers l'investissement ou vers les dépenses indispensables au bon fonctionnement du système économique des sommes considérables qui, autrement, seraient restées dans la sphère de l'économie privé rendant impossible certains développements de l'appareil productif (construction des routes...). II.3.2 les autres sources de financement de l'État On distingue les sources de financement intérieur des sources de financement extérieur. Les sources de financement intérieur sont liées au territoire économique alors que les sources extérieures font intervenir les autres États et Organismes. Parmi les sources de financement intérieur, on distingue le financement bancaire et le financement non bancaire. Par financement bancaire, on entend la création monétaire auprès de la banque centrale, cette technique est à l'origine de l'inflation. En effet, l'émission de la monnaie pour financer le déficit entraîne un excès d'offre de monnaie par la banque centrale, et donc une augmentation de la quantité de monnaie disponible dans l'économie. Pourtant, le niveau de richesse ne change pas. Toute chose égale par ailleurs, les prix grimpent à leur tour jusqu'à absorption totale du surplus de monnaie ainsi injecté dans l'économie. Le financement non bancaire concerne l'emprunt réalisé par l'État sur le territoire économique. En effet, pour résorber le déficit, l'État peut recourir au crédit intérieur, cette seconde technique a pour effet d'évincer le secteur privé du fait d'une demande forte du crédit intérieur par l'État40(*). Les financements extérieurs de l'État sont constitués principalement par les emprunts auprès des autres États et Organismes Internationaux. Ce financement, malgré le fait qu'il permet de résoudre le problème du déficit, a un impact sur la balance des paiements et en outre hypothèque le bien-être des générations futures. Tout au long de ce chapitre, il était question de présenter les modèles théoriques qui sont en faveur de la contribution de secteur public à la croissance. Nous nous sommes ainsi appesanti sur deux modèles : un modèle qui attribue à l'État le rôle principal de la fourniture des infrastructures publiques (BARRO, 1990) et un second modèle beaucoup plus spécifique41(*) (HERRERA, 1997). Notons en outre que la problématique de la contribution de l'investissement public à la croissance n'a pas fait uniquement l'objet des études théoriques. En effet, à la fin des années 1980, plusieurs chercheurs se sont attelés à démontrer de façon empirique le caractère productif de l'investissement public, que ce soit dans l'infrastructure physique ou dans l'investissement sociale (éducation, santé). On distingue ainsi plusieurs approches empiriques qui, dans l'ensemble, cherchent à résoudre les problèmes statistiques posés par les précédentes. * 19 ABRAHAM-FROIS, G. (1984). * 20 Le progrès technique est neutre au sens de Hicks lorsqu'il améliore à la fois l'efficacité des facteurs travail et capital. * 21 Cette fonction a été introduite en 1929 par deux économistes américains COBB, C. et DOUGLAS, D. sa formulation (en considérant les facteurs de production travail et capital) est la suivante : . * 22 Sur un échantillon de « 17 pays de l'Afrique sub-Saharienne de la période 1965-75, l'effet de convergence net est proche de 0 » (BARRO, R.et SALA-I-MARTIN, X. 1996.) * 23 Voir STIROH, K.J (2000). * 24 Ils considèrent les rendements constants pour chaque entreprise. * 25 HENIN, P.Y et HURLIN, C. (1999) * 26 STIGLITZ, J. (1993) * 27 GÉLÉDAN, A. (1984). * 28Pour KEYNES, J.M. la « demande effective » correspond à la demande anticipée par les entrepreneurs, autrement dit, les entrepreneurs anticipent à la fois ce que les consommateurs vont décider de consacrer à la consommation et ce que les entreprises et l'État vont décider d'investir. * 29Citez par GÉLÉDAN, A. (1984). * 30 Cite par BEN JELILI, R. (2000) * 31 Le progrès technique est neutre au sens de Hicks lorsqu'il y a accroissement simultané de l'efficacité des facteurs capital et travail. * 32VEGANZONES (2000) * 33 L'utilisation du capital public ici ne suppose pas une substituabilité avec le capital privé mais tout simplement le fait pour l'entreprise de l'exploiter. * 34 Les Hypothèses du modèle sont présentées en annexe I du document. * 35 Nous présentons ici une synthèse de la représentation du modèle développé par HURLIN (1999) * 36 Un développement théorique est proposé par HURLIN, C. (1999). * 37 Cette approche est présentée par BEN JELILI, R. (2000) * 38 Cette dernière approche semble se prêter assez facilement à l'analyse empirique, car les données sur l'investissement sont généralement disponibles par rapport aux données de stock. * 39 Tiré de GÉLÉDAN, A. (1984) * 40 Pour plus de détails se référer au mémoire de NGOUANA, S. (2007) * 41Car intégrant trois secteurs publics distincts (de formation du capital humain, de production de capital d'infrastructures et de consommation) |
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