Fiscalité et Domination Coloniale: l'exemple du Sine: 1859-1940( Télécharger le fichier original )par Cheikh DIOUF Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2005 |
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU SINECHAPITRE I: L'HOMME ET SON MILIEUI- Le cadre physiqueA- Les sols et l'hydrographieLe Sine est une étroite bande de terre enserrée entre l'océan atlantique, les royaumes du Baol et du Saloum. Du nord au sud, ce pays s'étendait de la rivière de la Fasnah jusqu'à la pointe de Sangomar.12(*) Il était limité à l'ouest par l'océan atlantique, à l'est par une « ligne imaginaire et mal définie qui coupe l'immense forêt servant de pâturage aux Peulhs du Baol, du Djolof, du Sine et du Saloum »13(*). Sa limite méridionale était définie par la « rivière Saloum jusqu'à sa confluence avec la rivière Sine par le travers de Tiombi et par une ligne imaginaire qui partage la forêt située entre le Sine et le Saloum »14(*). Au nord, sa limite est constituée par les provinces du Mbadane et du Diéguème. Sur le plan orographique, le Sine est un « pays plat avec de très faibles ondulations de terrains ».15(*) Cependant son sol n'est pas homogène. Dans sa partie occidentale, on rencontre des sols entrecoupés de nombreux marigots salins appelés bolong. Elle est dominée par les tannes dont le trait frappant est sa composition en vases séchées recouverte d'une mince couche de sable et de sel cristallisé. Ces terrains sont incultes et n'offrent aucune possibilité aux activités agricoles. La forte salinité des sols interdit toute végétation dense. C'est le domaine de la savane herbacée, avec ses espèces halophiles. En hivernage, ces terres forment d'immenses marécages qui, en saison sèche, se durcissent au point de constituer un sol assez ferme dominé de sel et de limons.16(*) A l'Est et au Nord, on retrouve un sol qui se dessine en pente douce très peu sensible allant des tannes vers les plateaux du Baol et du Djolof. Ici domine le sable siliceux. Ces sols sont très fertiles et très favorables à la culture arachidière. Ce régime orographique est complété par un réseau hydrographique abondant. D'importants bolong jalonnèrent les terres du Sine. Ils servaient à la fois de lieux de pêche et de voie de communication.17(*) Les plus importants furent le Mammangeej, le bolong de Fadiouth, le Goussa prés de Joal qui s'attachaient directement à l'océan. A l'intérieur des terres se projète une série de bras de mer qui sont autant de chenaux ouverts aux cotres et aux pirogues. Le plus important de ces chenaux est le Sine qui prend naissance à Foundiougne, se dessine en nombreuses sinuosités et se lance en direction de Fatick. Ce bras de mer était ouvert aux cotres et permettait même à des navires à vapeur de fort tonnage de s'amarrer aux wharfs de Niamnoroh, point d'accès des régions du Sine et du Baol occidental. La partie voisine de l'océan donnait l'aspect d'un vaste réseau fluvial enserrant des îlots de terres basses argileuses ou sablonneuses, bordées de grands palétuviers. Cette région, réputée par la fertilité de ses sols, offre d'immenses potentialités agricoles au monde paysan, d'où un défrichement précoce dont l'oeuvre dévastatrice arrachait à la nature son charme et sa générosité. B- Le climatLe Sine appartient à la zone soudanienne. Son climat est chaud et sec. La moyenne thermique varie entre 28 et 30°. Ce climat a été décrit comme pénible à l'européen avec des températures qui ne descendent jamais au-dessous de 12° centigrades la nuit. Les températures diurnes peuvent atteindre 45 et parfois même 48°. Ici, comme dans l'ensemble du Sénégal, se distinguent deux saisons principales. Une saison sèche qui dure de novembre en juin et pendant laquelle le ciel, balayé par le vent d'est brûlant et desséchant, donne une allure sereine. Cette saison est caractérisée par une opposition entre la zone côtière, de Joal à Sangomar, marquée par une atmosphère humide avec des températures modérées et l'intérieur des terres soumis aux rigueurs de l'harmattan qui donne au climat une allure insupportable. La saison des pluies ou hivernage s'étend de juin en novembre. Elle se caractérise par d'abondantes précipitations pouvant aller jusqu'à un mètre d'eau. Cette saison est dite malsaine pour l'européen car étant une période « où règnent des fièvres paludéennes ».18(*) Ce découpage de l'année en deux saisons doit être complété par la vision temporelle découlant de l'expérience paysanne qui discerne tout au long des mois quatre principales saisons, chacune correspondant à un type d'activité. Le ciid (ou noor) qui se situe au coeur de la saison sèche va de février en avril. On note pendant cette période une élévation progressive des températures avec l'alizé qui souffle sur la côte.19(*) Le sarandam (ou cooron) de la fin avril à la fin juin se caractérise par des températures insupportables pouvant atteindre 45° à l'ombre mais qui, en se conjuguant « avec l'arrivée de filets d'air humide [fait] éclore un véritable printemps ».20(*) Le ndiig (ou nawet), de juillet en octobre, est la saison des pluies, pendant laquelle se déroulent les activités culturales. Cette période est celle de la mousson ou alizé austral qui apporte de l'air humide pour adoucir les rigueurs de la chaleur. Le seek (ou lolli) est, selon l'expression de Pelissier « une véritable arrière saison » qui se situe entre décembre et janvier. Il est surtout marqué par des ondées de heug, souvent qualifiées de pluies hors saison, qui donnent à l'atmosphère des températures d'une douceur appréciable. Ces saisons qui renvoient au calendrier agricole des paysans sénégalais sont déterminantes dans la constitution du tapis végétal. * 12 Noirot E., « Notice sur le Sine-Saloum », in Journal Officiel du Sénégal, 1892. * 13 Noirot E., op. cit. * 14 Noirot E., op. cit. * 15 Aujas L., « La région du Sine-Saloum. Le port de Kaolack », in B.C.E H.S.A.O.F., Tome XII, 1929, p. 93. * 16 Aujas L., op. cit. p. 94. * 17 Guèye Mb., op. cit. p. 29. * 18 Aujas L., op. cit. p. 100. * 19 Pelissier P., Les Paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à la Casamance, Paris, Saint Yrieux, 1966, p. 3. * 20 Ibid. |
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