Connaissance, Développement, division internationale du travail. Quelle place pour les pays émergents? Le cas de la Chine et l'Inde( Télécharger le fichier original )par Erick ATANGANA Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master Economie de l'industrie et des services 2006 |
1.2.3.1. Les déterminants de la localisation de la R&D des firmes multinationales- Les décisions de localisation des activités de R&D en fonction des territoires A ce sujet, (Kuemmerle, 1997) étudie les facteurs qui permettent la valorisation de la R&D à l'étranger. Il conclut que la concentration de l'activité de R&D n'est pas efficiente pour les firmes dans le long terme. Parce-que le stock de connaissances mondiales est dispersé et en perpétuelle augmentation. Les firmes doivent être présentes dans une large palette de territoires afin de bénéficier des connaissances issues de la recherche des universités étrangères et celles des concurrents. De même, une firme qui vend ses produits au niveau mondial à la possibilité de développer beaucoup plus rapidement son potentiel commercial. L'auteur distingue deux types de localisation de R&D : HBA (Home-base augmenting) et HBE (Home-base exploiting) (Kuemmerle, 1999). HBA consiste à créer un laboratoire à l'étranger qui permettra à la firme d'augmenter son capital de connaissances par l'acquisition des connaissances issues de la dynamique d'innovation locale, et ensuite les transférer dans le site d'origine. HBE consiste à valoriser les connaissances scientifiques de la firme à l'étranger. Pour l'auteur, le choix du type de R&D sera fonction des caractéristiques du pays étranger. Les laboratoires voués à l'HBE seront implantés dans des pays offrant de fortes opportunités de marchés. L'objectif est d'adapter la production à la demande locale. Par contre l'HBA sera plutôt implanté dans des pays qui possède un nombre élevé d'ingénieurs et scientifiques et dont le niveau de recherche scientifique est élevé. L'auteur admet que ces deux types de laboratoires se retrouvent à la fois dans les pays les plus avancées et les pays en développement. Même si dans le cas de ces derniers cela semble être exceptionnel et serait l'apanage de pays ayant des dotations spécifiques particulières ou une politique de recherche soutenue ou alors des politiques économiques basées sur le long terme et les pressions politiques locales. La Chine dont la spécialisation dans les secteurs intensifs en travail est indiscutable, pourrait très bien se coller à cette analyse de Kuemmerle. Bien sur si on admet qu'aujourd'hui la Chine compte plus d'étudiants que les Etats-Unis et presque autant de chercheurs (Sachwald, 2006). On peut aussi analyser l'attractivité des territoires en fonction des facteurs de dispersion internationale et de centralisations dans le pays d'origine. Sachwald (2006) distingue les facteurs liés à la demande et ceux liés à l'offre de scientifiques et techniciens15(*) Tableau 6. : Déterminant de la localisation des centres de R&D des multinationales
Dans ce contexte, la motivation principale de la dispersion est soit l'adaptation à la demande locale, soit ce que Kuemmerle (1999) appelle « Home-Base exploiting ». Les pays émergents peuvent se situer dans ce phénomène d'internationalisation de la R&d au niveau de l'offre vaste de scientifiques et techniciens, et/ou au niveau des coûts salariaux bas. La qualité de la main d'oeuvre constitue un critère fondamental (Sachwald, 2004). Cependant, l'auteur distingue de manière plus fine selon le type d'activité concerné. Pour la R&D fondamentale, les principaux critères seront l'accès aux pôles d'excellence de niveau international, la qualité des chercheurs scientifiques, les possibilités de coopération avec la recherche publique et universitaire. Pour les centres de développement et de rationalisation, seront davantage privilégiés la proximité au marché, les coûts globaux de fonctionnement, et la disponibilité de main d'oeuvre de recherche appliquée (ingénieurs et techniciens). Pour Sachwald (2006), la Chine est logiquement spécialisé dans des activités intensives en main d'oeuvre, mais grâce à la mondialisation elle s'intègre à la chaîne de valeur de secteurs intensifs en R&D. Ce qui veut dire qu'effectivement les pays émergent pourraient participer à des activités intensives en connaissances, mais le motif d'adaptation à la demande resterait essentiel. Hatem (2006) ne partage pas du tout cet avis, pour cet auteur, les laboratoires de recherche implantés dans les pays émergeants ne seraient pas seulement des centres d'adaptation de produits. Il s'agirait, de plus en plus, de véritables centres de recherche, chargés de concevoir des innovations destinées au marché mondial. Il prend pour exemples, les cas de la firme Motorola avec ses centres de R&D en Chine, de Microsoft et de General Electric en Inde, de Toyota en Thaïlande, qui font partie du « noyau dur » du réseau mondial d'innovation de ces entreprises. Des laboratoires pharmaceutiques comme Pfizer, Eli Lily, Astra Zeneca, qui réalisent une part croissante de leurs tests cliniques en Inde. En plus 30 % des nouveaux circuits intégrés sont désormais conçus en Asie du sud-est. « Il faut dire que cette région offre des conditions attractives : des marchés en croissance rapide ; un environnement local favorable à l'innovation grâce à une bonne collaboration entre les mondes de la recherche et de l'entreprise ; une protection de la propriété intellectuelle un peu mieux assuré que par le passé. Et surtout, une abondance de jeunes chercheurs qualifiés, créatifs et à bas coûts salariaux : la Chine, l'Inde et la Russie représentent ainsi aujourd`hui le tiers des étudiants mondiaux en sciences et techniques. Confrontés à la pénurie de jeunes chercheurs dans leur pays d'origine (notamment en Europe), désireuses de réduire leurs coûts de R&D, il est naturel que les multinationales s'intéressent de plus en plus à ces destinations » (Hatem, 2006). L'OCDE (2005) dans son rapport sur la recherche et développement dans le monde, apporte sa contribution à cette question. L'organisme estime que l'internationalisation de la R&D en dehors des pays de la triade est le résultat de l'interaction complexe de facteurs négatifs et positifs (au regard des pays de la Triade). Du côté des facteurs négatifs, l'intensification de la concurrence, la hausse des coûts de R&D dans les pays développés et la pénurie d'ingénieurs et de scientifiques ainsi que la complexité croissante de la R&D rendent plus nécessaires la spécialisation et l'internationalisation des activités de R&D. Du côté des facteurs positifs, la disponibilité croissante d'ingénieurs et de scientifiques à des coûts compétitifs, la mondialisation des processus de fabrication ainsi que l'existence de marchés importants et porteurs dans certains pays en développement renforcent l'attrait de nouveaux sites. - Principaux facteurs qui déterminent la localisation des activités de R&D En définitive, si on assiste effectivement à une internationalisation de la R&D, qui modifie les cartes des spécialisations traditionnelles, il serait donc intéressant d'identifier les principaux facteurs qui déterminent la localisation des activités de recherche dans les territoires. La plupart des études récentes (Harfi, 2004 ; Hatem, 2006 ; OCDE, 2005 ; Sachwald, 2006) identifient quatre principaux facteurs qui déterminent la localisation de la R&D (par ordre décroissant en fonction du degré d'importance) dans le monde : · L'existence des centres d'excellence C'est la possibilité pour la firme d'intégrer des pôles d'excellence technologiques mondiaux de haut niveau et de bénéficier efficacement des spillovers technologiques · La qualité des scientifiques et des chercheurs Ce critère prend de plus en plus de l'importance avec la montée en puissance des pays émergents comme la chine l'inde et les pays d'Europe de l'Est qui sont très performants dans ce domaine. · La proximité entre les pôles de recherches académiques et les laboratoires de R&D des entreprises Cela facilite la circulation des informations et des connaissances dans un espace restreint regroupant de grandes universités, les centres de recherche de renommée internationale et les laboratoires de recherche et développement des firmes. Ce facteur peut effectivement être relié au premier. · Les coûts de production Les pays émergents jouent encore ici un très grand rôle vu le vivier de talents scientifiques qu'on peut retrouver dans ces pays et la pénurie d'ingénieurs et de scientifiques dans les pays développés. Non seulement leur niveau de qualification est de plus en plus comparable à celui des scientifiques issus des grands pays industriels, mais ils sont également employables à des coûts moindres. · L'attractivité du marché Il s'agit particulièrement du niveau élevé de la demande et des consommateurs potentiels. Ce facteur permet de développer de nouveaux débouchés et de produire des rendements d'échelles croissants par une plus large expansion du marché. Finalement, à travers cette revue critique de la littérature, nous avons dans un premier temps essayé de montrer en quoi et de quelle manière peut-on parler de polarisation des activités intensives en connaissance au sein de la triade. Puis nous avons présenté les éléments qui pourraient amener à relativiser la thèse d'une polarisation absolue. La deuxième partie qui suivra sera consacrée à deux grands pays émergents qui sont la Chine et L'Inde. Nous allons donc par la suite essayer de dégager quelques enseignements concernant les tendances qui structurent l'évolution de la DIT et éclaircir les termes ce cette controverse à la lumière de l'expérience chinoise et indienne. * 15 cf tableau 6 |
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