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Connaissance, Développement, division internationale du travail. Quelle place pour les pays émergents? Le cas de la Chine et l'Inde

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par Erick ATANGANA
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master Economie de l'industrie et des services 2006
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON SORBONNE

    UFR DE SCIENCES ECONOMIQUES

    MASTER ECONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DES SERVICES

    2006-2007

    CONNAISSANCE, DEVELOPPEMENT, DIVISION INTERNATIONALE DU TRAVAIL : QUELLE PLACE POUR LES PAYS EMERGENTS ? LE CAS DE LA CHINE ET L'INDE

    Directeur : Carlo VERCELONNE

    Présenté et soutenu par : Erick ATANGANA

    « L'université de paris 1 Panthéon - Sorbonne n'entend donner aucune approbation, ni désapprobation aux opinions émises dans ce mémoire ; elles doivent être considérées comme propres à l'auteur».

    Remerciements

    Je remercie tous le corps enseignant du Master recherche Economie de l`Industrie et des Services pour la qualité de leurs enseignements, et plus particulièrement M. Carlo Vercelonne, pour sa disponibilité, ses critiques et ses précieux conseils qui m'ont été d'une grande aide lors de la rédaction de ce mémoire.TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION............................................................................6

    PREMIERE PARTIE : UNE REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE....................................................................9

    UNE POLARISATION DES ACTIVITES INTENSIVES EN CONNAISSANCE AU SEIN DE LA TRIADE...........10

    ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DIVISION COGNITIVE DU TRAVAIL................................................................................10

    SPECIALISATION ET DIVISION INTERNATIONALE DU TRAVAIL : LA MARGINALISATION DES PAYS DU SUD DANS LES ACTIVITES INTENSIVES EN CONNAISSANCE.....................17

    QUELQUES PROBLEMES POSES PAR LE DEBAT SUR LA NOUVELLE DIT....................................................26

    LE MODELE NEO TAYLORIEN...................................................27

    LA QUESTION DU TRANSFERT DE TEHNOLOGIE.....................27

    UNE REELLE INTERNATIONALISATION DE LA R&D ?..............28

    DEUXIEME PARTIE : LA CHINE ET L'INDE A L'EPREUVE DES FAITS...........................................................35

    2.1. LA CHINE.....................................................................35

    2.1.1. LE SYSTEME NATIONAL D'INNOVATION CHINOIS...................35

    2.1.2 LA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT EN CHINE : DES PERFORMANCES REMARQUABLES MAIS CONTRASTEES...............41

    2.1.3. LA CHINE DANS LA DIVISION INTERNATIONALE DES PROCESSUS PRODUCTIFS ET L'ECHANGE DE BIENS TECHNOLOGIQUES..................................................................46

    2.1.4. QUELQUES FACTEURS CONTRIBUANT AU RENFORCEMENT DU POTENTIEL TECHNOLOGIQUE CHINOIS, LES OBSTACLES A L'AVANCEE TECHNOLOGIQUE ET LES PERSPECTIVES A VENIR.....52

    2.2. L'INDE...........................................................................60

    2.2.1. UNE POLITIQUE NATIONALE DE R&D AMBITIEUSE...............61

    2.2.2. LA PARTICIPATION DE L'INDE DANS LA PRODUCTION SCIENTIFIQUE MONDIALE.........................................................64

    2.2.3. QUELQUES POLES D'EXCELLENCE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE INDIENNE............................................................68

    2.2.4 LES ATOUTS POUR LE DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE ET ECONOMIQUE DE L'INDE........................................... ...............73

    2.2.5 LES CONTRAINTES LIEES AU RETARD DE L'INDE EN MATIERE DE TECHNOLOGIE ET D'INNOVATION........................................79

    CONCLUSION..............................................................................82

    BIBLIOGRAPHIE........................................................................85

    INTRODUCTION

    Pendant les trois dernières décennies, le capitalisme industriel a été affecté par plusieurs changements, dont l'un des plus marquants est la crise du Fordisme. De nombreux économistes ont tenté d'expliquer les mutations qui sont à l'origine de la crise du Fordisme : pour certains, la crise du Fordisme marque à la fois l'épuisement du capitalisme industriel et la transition vers un nouveau capitalisme fondé sur la connaissance ou encore capitalisme cognitif. C'est-à-dire que, la montée en puissance du capitalisme cognitif correspond à une modification des piliers du capitalisme industriel, dans laquelle le savoir, la connaissance et l'immatériel sont des éléments principaux de la valeur au niveau des facteurs travail et capital, mais aussi en termes d'innovations (Lebert, Vercellone 2004). Deux faits importants pour expliquer le passage du capitalisme industriel à l'économie de la connaissance doivent être retenus :

    - L'augmentation de la part du capital intangible (brevets, dépenses de r&d, éducation, formation...) par rapport au capital tangible dans le capital total ;

    - La montée en puissance des NTIC, qui a permis d'étendre le champ de diffusion de la connaissance, de faciliter son accessibilité, et aussi d'augmenter sa vitesse de diffusion et de transmission (Vercellone, 2003 ; Foray, 2000).

    Cette nouvelle économie de la connaissance à tendance à modifier la division internationale du travail notamment en ce qui concerne les logiques et les déterminants de la localisation des activités intensives en connaissance comme par exemple la R&D. Face à la montée du poids des pays émergents dans la production mondiale des biens et aussi des services, la R&D et l'innovation sont souvent présentées comme une réponse possible des pays développés pour conserver leurs avantages comparatifs et leurs écarts technologiques. Cependant on parle de plus en plus de la création de centres de R&D au sein des pays émergents et de transferts de technologies. Aussi, les pays émergents semblent-ils s'intègrent rapidement dans les réseaux mondiaux de R&D et d'innovation. Il se pose donc la question de savoir quelle est la place réelle des pays émergents dans le tableau de la R&D dans le monde ? Question à laquelle ce mémoire se propose d'apporter une réponse en prenant comme exemple le cas de la Chine et de l'Inde.

    La littérature économique est très partagée sur cette question, certains auteurs pensent que les activités d'innovation restent très largement concentrées dans les pays de la Triade (Union Européenne, USA, Japon) et celles qui sont délocalisés dans les pays émergents sont uniquement consacrées au développement et non à la recherche, ceci dans le but de d'adapter les produits à la demande locale (Mouhoud, 2003). D'autres développent plutôt une analyse basée sur une logique d'acquisition des savoirs mondiaux et d'accès aux centres d'excellences (Kuemmerle, 1997). Ainsi, la délocalisation de la R&D aurait surtout pour objectif de permettre aux entreprises de profiter de l'offre croissante en ingénieurs et scientifiques de qualité, employables à moindre coût dans les pays émergents (OCDE, 2005). Il ne s'agirait pas que d'un processus incrémenté d'adaptation à l'innovation pour des activités déjà existantes, mais aussi de mettre en place un programme d'innovation plus ambitieux qui consiste à créer et produire de nouvelles connaissances (Hatem, 2006).

    Ce mémoire sera composé de trois parties : la première sera consacrée à une revue critique de la littérature, où on présentera les différentes analyses et les critiques. Cette revue critique de la littérature permettra d'une part d'apporter des éclaircissements à des questions comme : Pourquoi et dans quelle mesure peut-on parler de polarisation au sein de la Triade ? Par quelles voies et de quelle manière cette polarisation s'effectue-t-elle ? Et d'autre part est - ce - que ce constat prend en compte tous les paramètres économiques ? N'est-il pas exagéré de parler de polarisation au sein de la Triade, alors que l'économie actuelle est globalisée ? Quels sont donc les éléments de la théorie économique que l'on peut apporter pour relativiser le constat selon lequel il existe une polarisation des activités de recherche et d'innovations au sein des pays de la Triade ? Dans la seconde partie, nous présenterons le cas de la Chine et de l'Inde, nous essaierons, à partir d'analyses théoriques et empiriques, de tirer les enseignements qui nous permettront d'évaluer de manière précise et objective la place de ces deux pays dans les réseaux mondiaux d'innovation et leur positionnement dans la division internationale du travail pour les activités intensives en connaissance. En effet, la Chine et l'Inde sont deux pays émergents qui essaient chacun à sa manière de s'insérer dans les réseaux mondiaux d'innovation. Ces deux pays possèdent des atouts qui leurs sont propres et ont amélioré leurs performances scientifiques ces dix dernières années de manière remarquable. Les politiques d'ouverture engagées dans les années 80 pour la Chine et 90 pour l'Inde ont permis à ces deux pays de développer des avantages comparatifs dans différents domaines technologiques. La Chine est reconnu aujourd'hui comme le premier exportateur de produits TIC (Technologie de l'Information et de la Communication) (Sachwald, 2007) et l'Inde comme le premier exportateur de logiciel et services informatiques (Chauvin et Lemoine, 2003) et de médicaments génériques.

    Malgré des faiblesses structurelles que l'on peut déplorer, il n'en demeure pas moins que la course est lancée pour le rattrapage technologique, et les réformes s'accentuent dans ce sens : amélioration des systèmes nationaux d'innovation, renforcement de la coopération entre les universités et les entreprises, augmentation considérable de l'effort de recherche, l'innovation est mise au centre de la politique économique, mise en place de politiques favorisant l'arrivée des investissements directs étrangers, renforcement des droits de propriété intellectuelle, mise en place de politiques d'incitation au retour des chercheurs expatriés dans les grands pays développés etc.

    La Chine et l'Inde ne disposant pas des mêmes spécificités (en termes d'ouverture et d'investissements directs étrangers) et des mêmes atouts, leur positionnement dans la division internationale du travail se situe à des degrés et à des niveaux différents (Chauvin et Lemoine, 2004). Le premier dispose d'une main d'oeuvre abondante, lui permettant de réaliser des économies d'échelles par l'exportation de biens technologiques. En effet, la Chine importe principalement de ses voisins asiatiques des pièces et composants de haute intensité technologique, destinés à l'assemblage, pour ensuite exporter les produits finis vers ses clients basés aux USA, en Europe et au Japon (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002). Le second à cause de son vivier de talents composés d'ingénieurs et scientifiques de hauts niveaux, attire des projets de R&D d'une grande intensité technologique. Cette présence de scientifiques et ingénieurs qualifiés est d'ailleurs à l'origine de son avantage comparatif créé de manière « accidentelle » (Singh, 2003) dans le domaine des logiciels et des services informatiques.

    L'Inde et la Chine ont pris conscience de leurs potentialités et souhaitent jouer un rôle de premier plan dans l'économie mondiale. La science et la technologie sont les deux axes privilégiés par chacun de ces deux pays pour favoriser leur montée en puissance technologique et concrétiser leur développement. Cependant, même si le rattrapage technologique est en cours, pour l'instant on ne peut pas affirmer qu'il pourrait être effectif dans le court terme.

    Cette deuxième partie consacrée à la Chine et l'Inde sera composée de deux chapitres, le premier portera principalement sur les performances de la Chine dans l'économie dite de la connaissance et sera composé de quatre sections : Dans la première nous présenterons le système d'innovations chinois : Ses évolutions, ses performances et ses faiblesses. Dans la seconde nous évaluerons la contribution de la Chine à la production scientifique mondiale et la place qu'elle occupe. La troisième section nous permettra de positionner la Chine dans la division internationale des processus productifs, principalement dans les activités intensives en connaissance. Et enfin la quatrième permettra de faire un bilan à la fois sur les facteurs permettant le renforcement du potentiel technologique chinois, les obstacles à l'avancée technologique et les perspectives à venir.

    Le deuxième chapitre examinera dans une première section les contours de la politique nationale de R&D indienne. La seconde évaluera comme pour la Chine, le niveau de participation de l'Inde dans les travaux d'ordre scientifique à travers des indicateurs comme les brevets, les publications, la coopération scientifique internationale etc. Dans la troisième section nous présenterons quelques pôles d'excellence de la recherche scientifique en Inde. Dans la quatrième qui sera consacré aux atouts qui pourraient permettre le développement technologique indien, nous établirons une analyse du secteur des TI (Technologie de l'Information) dans le but de dégager des voies et moyens par lesquels ce secteur pourrait jouer le rôle d'entraînement et élargir l'impact de son développement à d'autres secteurs de l'économie nationale. Et enfin la dernière section sera consacrée aux contraintes liées au retard de l'Inde en matière de technologie et d'innovation.

    PREMIERE PARTIE : UNE REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE

    Selon le modèle de Ricardo et Ohlin, les pays se spécialisent sur la production de biens pour lesquelles ils détiennent un avantage comparatif. Ils importent les produits pour lesquels ils détiennent un désavantage comparatif et arrêtent de les produire, et en même temps exportent ceux pour lesquels ils détiennent un avantage comparatif. Cette situation est préférable à une situation d'autarcie, parce-qu'elle permet de générer des gains de productivité qui résulte de l'économie ainsi réalisée en facteurs de production.

    A partir des années 80, on assiste à une réorganisation de la production sur une base mondiale, permettant une croissance rapide du commerce en biens intermédiaires. On remarque une fragmentation internationale des processus productifs. Les firmes multinationales sont les principaux acteurs de ce mouvement, elles se localisent dans différents pays, prenant part à la production de denrées locales, mais chacune à différentes étapes de la chaîne de valeur. L'objectif étant de mieux utiliser les avantages comparatifs offerts par différents pays. Un pays peut détenir un avantage comparatif seulement sur une étape du processus de production et détenir un désavantage dans d'autres phases. On parle de spécialisation verticale, contrairement à la spécialisation horizontale où un pays à la maîtrise totale en amont et en aval du processus de production.

    La fragmentation internationale des processus productifs est surtout motivée, par une logique de minimisation des coûts. L'objectif est de produire chaque fragment là où les coûts de production seront plus faibles. On parle de décomposition internationale des processus productifs (DIPP) (Lassudrie-Duchêne, 1985). Il existe aussi l'idée des rendements d'échelle croissants, rendus possibles par une plus grande expansion du marché.

    La mondialisation des échanges qui va de pair avec l'internationalisation des processus productifs est souvent associée à la baisse des coûts de transactions permise par les progrès des transports et la montée en puissance des technologies de l'information et de la communication (TIC). Ce qui donne la possibilité aux firmes d'exploiter tous les atouts et avantages que peuvent offrir les territoires et les pays. Cependant malgré cette planétarisation des échanges et des processus productifs, certains auteurs insistent plutôt sur une polarisation des activités productives spécifiques aux pays de la Triade. Cette polarisation serait d'autant plus marquée pour des activités productives intensives en connaissance (R&D, innovation, hautes technologies) (Mouhoud, 2003).

    1.1. UNE POLARISATION DES ACTIVITES INTENSIVES EN CONNAISSANCE AU SEIN DE LA TRIADE

    « En fait la globalisation signifie pour nous, l'aggravation de la polarisation des échanges de marchandises et de capitaux dans les pays développés de la Triade » (Mouhoud, 1995).

    1.1.1. ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DIVISION COGNITIVE DU TRAVAIL

    On peut citer plusieurs grandes mutations majeures qui caractérisent le passage d'un capitalisme industriel vers un capitalisme cognitif :

    - le capital intangible (savoir, immatériel, stock de connaissance...) est devenu la première source de valeur

    - un régime d'innovation permanent remplace un régime d'innovation incrémental et périodique propre au capitalisme industriel

    - Le lien de plus en plus étroit entre recherche fondamentale et recherche appliquée notamment dans les activités hautement « intensives en connaissance »

    - Le facteur travail prend de plus en plus de poids par rapport au facteur capital, ce qui conduit à des changements dans la décomposition des processus productifs, et dans les modes d'organisation de la production et d'internationalisation des firmes (Lebert et Vercellone 2004).

    Cette transition vers une économie basée sur la connaissance peut effectivement jouer un rôle essentiel dans l'économie globalisée, plus particulièrement dans le domaine de la R&D et l'innovation. C'est-à-dire qu'elle pourrait être à l'origine d'une polarisation plutôt qu'une dispersion des activités de R&D dans l'espace. Ceci peut être illustré entre autres sur deux points : la décomposition internationale des processus productifs et les déterminants de la localisation des activités intensives en connaissance.

    1.1.1.1 La décomposition internationale des processus productifs

    - Organisation de la production ou organisation et gestion des compétences et savoirs

    Le modèle classique de la firme taylorienne est basé essentiellement sur une division technique du travail. Le bureau d'études et des méthodes composé d'ingénieurs et de scientifiques a pour rôle la conception et l'innovation. Alors que dans les ateliers, les ouvriers sont réduits à la réalisation des tâches. Au niveau de l'atelier il existe une parcellisation des tâches définie sur un mode séquentiel, de manière à diminuer les délais d'ajustement. Les tâches sont parcellisées en séries d'opérations prescrites dès le départ, normées, additives et séquentielles. Bien entendu, dans ce modèle le socle de connaissance de l'ouvrier est sollicité au minimum.

    Sur le plan international, la logique de parcellisation des tâches prime également. Les activités productives sont localisées dans des territoires en fonction des avantages comparatifs qu'ils détiennent. L'objectif principal ici est la minimisation des coûts.

    Aujourd'hui, les changements structurels de l'environnement des entreprises et les nouveaux défis liés à la globalisation des échanges poussent les entreprises à développer des modèles organisationnels plus en phase avec leur environnement économique.

    Les faits les plus marquants en rapport avec les changements structurels dans l'environnement des entreprises sont la montée en puissance des nouvelles technologies, l'environnement fortement concurrentiel, l'instabilité de la demande et la volatilité des marchés. L'environnement fortement concurrentiel est basé sur la variété de l'offre, la qualité des produits, et la capacité d'innovation (Veltz, Zarifian, 1994). De ceci découle la naissance d'un nouveau modèle industriel d'organisation de la production qui se manifeste par une transformation du principe de la division du travail qui passerait d'une logique technique à une logique de compétences et d'apprentissages (Moati, Mouhoud 1994). Contrairement à l'entreprise traditionnelle issue de la théorie néoclassique où la compétitivité de l'entreprise réside dans sa capacité à déterminer la combinaison de facteurs de production optimale qui permet de maximiser son profit, l'entreprise confrontée aux nouvelles contraintes citées plus haut recherche plutôt l'efficience qualitative par l'innovation et la qualité, et l'efficience dynamique par la capacité à créer et l'adaptation1(*) (Moati, Mouhoud, 1994) . L'innovation est donc la principale source de compétitivité. Les entreprises mettent en place un contexte favorable à l'innovation et à la R&D. La mise en place d'un contexte favorable à l'innovation va de pair avec la capacité de mobiliser un bloc de compétences et de savoir capable d'apporter une réponse à l'obsolescence rapide des connaissances. Cette obsolescence des connaissances, quant à elle, est liée à l'augmentation à la fois du rythme de l'innovation et de la vitesse de circulation de l'information.

    Dans ce cadre, la logique de minimisation des coûts, bien que toujours présente devient de moins en moins prépondérante. Mais, laisse plutôt la place à une logique d'utilisation, d'acquisition (par l'apprentissage) et de création de nouvelles connaissances. La pertinence de ces nouvelles connaissances créées réside dans leur efficacité à répondre aux sollicitations du marché.

    Au total, les évolutions dans les formes organisationnelles mettant en avant une division cognitive du travail plutôt qu'une division technique du travail, peuvent remettre en question les déterminants classiques de décomposition, de fragmentation, et d'internationalisation des processus productifs. La logique pure d'exploitation des différences de coûts comparatifs selon les caractéristiques technologiques des modules ou fragments des processus de production tend à reculer au profit d'une logique d'accès au marché, à des compétences spécifiques et de proximité ou de centralité géographique (Moati et Mouhoud 2005).

    - DIPP et division cognitive du travail

    La DIPP peut être assimilée à une extension de la division internationale du travail à l'ensemble des pays selon l'idée d'avantage comparatif. Les firmes multinationales mettent en place une DIPP par la délocalisation de certains segments de la chaîne de valeur pour pouvoir profiter des avantages comparatifs que présentent certains territoires.

    La décomposition, en plusieurs segments correspond à la production séparée de plusieurs biens intermédiaires qui seront assemblées pour donner naissance au produit final. On appelle « bien intermédiaire » tout bien produit, réintroduit dans le cycle productif et disparaissant au cours de ce dernier (Fontagné et Al., 1996). La fragmentation des processus productifs est déterminée par deux types de facteurs : les facteurs techniques qui correspondent au principe de modularité des produits ou des procédés, et des facteurs économiques liés à la distribution des avantages comparatifs entre les pays ou les avantages de localisation entre les différents sites (Lassudrie-Duchêne, 1985).

    La DIPP a surtout été pratiquée dans des industries où les procédés techniques présentent une très grande modularité, c'est le cas de l'industrie automobile et des composants électroniques.

    Dans la DIPP, la modularité des techniques et des produits, permet la production de plusieurs biens intermédiaires, dont la finalité est l'assemblage de ces biens afin d'obtenir un bien final destiné à la consommation ; on parle de « réintégration» (Moati, Mouhoud 1994). La réintégration nécessite la coordination de toutes les parties prenant part à la chaîne de valeur. Coordination qui sera d'autant plus difficile que la DIPP suppose d'une part, un processus de production décomposable en fragments hétérogènes sur le plan des facteurs de production, et d'autre part, des nations caractérisées par des offres d'inputs différenciées ; on parle de « contrainte de différences » (Lassudrie-Duchêne, 1982). Cette  contrainte de différences  va bien sûr provoquer une dispersion spatiale des différents fragments de processus de production ; mais cette dispersion peut être tempérée par la coordination plus ou moins étroite de l'activité, nécessaire à la recomposition physique des fragments, qui en effet se rapportent à un même processus, on parle de « contrainte d'interdépendances ».

    La division cognitive du travail dont l'objectif associée est l'optimisation de la capacité d'apprentissage, favorisant le développement des compétences sera effectivement influencée à la fois par cette contrainte de différences et cette contrainte d'interdépendances. On entend par là le fait que la division cognitive du travail est guidée par le principe qui veut que la production de chaque segment tende à se localiser là où résident les compétences et les blocs de savoirs sous-jacents (Moati, Mouhoud 2005). Le processus de réintégration ne consistera donc pas à assembler des pièces, mais plutôt à réintégrer des savoirs hétérogènes. Ce qui nécessite une densité relationnelle entre les différentes parties prenant part aux processus de production. La contrainte d'interdépendance quant à elle, conduit à une coordination resserrée poussant les acteurs à rechercher la proximité.

    Ce principe de division cognitive du travail réclame une proximité géographique et/ou culturelle des activités de production compte tenu de l'exigence de réintégration et de coordination des fragments de processus de production (Mouhoud, 1995).

    Pour Mouhoud et Moati (2005), dans le cas des activités de R&D et d'innovation, les activités de recherche qui sont en amont du processus d'innovation nécessite une proximité physique, qui fait qu'elles sont plus concentrées géographiquement. Elles sont plutôt centralisées au sein des pays industrialisés, par contre les activités de développement quant à elles sont souvent plus dispersées géographiquement.

    Les mécanismes de coordination liés à une division cognitive du travail favorisent plutôt la concentration dans les espaces des acteurs de la DIPP.

    La division cognitive du travail pourrait être à l'origine des changements concernant les nouveaux déterminants de la localisation des activités intensives en connaissances.

    1.1.1.2 Les déterminants de la localisation des activités productives sur la base de la connaissance

    - Le rôle des firmes multinationales

    Comme mentionné en début de cette première partie, les coûts de transports et la montée en puissance des nouvelles technologies permettent aux firmes multinationales de répartir leurs unités productives dans une large palette de territoires. Elles sont les acteurs majeurs de la globalisation de l'économie, par des mécanismes classiques tels que les IDE (investissements directs étrangers), les fusions acquisitions, les partenariats industriels, l'externalisation...

    On peut remarquer que les flux d'IDE restent concentrés entre les Etats-Unis, l'Union Européenne et le Japon (60%). Mais leur part dans le total mondial tend à se réduire au profit des pays émergents. En 2006, l'Union Européenne totalise 421 milliards d'euros en IDE, les USA 136, la France 68, le Royaume Uni 131, la Chine 54, et L'Inde 7 milliards2(*).

    Les firmes multinationales jouent un rôle moteur dans la R&D. Elles sont à l'origine de près de la moitié des dépenses mondiales consacrées à la R&D et d'au moins deux tiers des dépenses de recherche des entreprises (évaluées à 450 milliards de dollars).

    En 2005, d'après un rapport de la CNUCED, les multinationales consacraient 28% de leurs investissements en R&D à l'étranger. On assiste à un mouvement d'internationalisation de la R&D des entreprises. Ce mouvement peut s'effectuer sous diverses formes : accords, alliances, cessions et acquisitions de licences, acquisitions de firmes étrangères à fort potentiel de R&D, financement de travaux de centre de R&D étrangers ou directement par l'ouverture de centres de R&D à l'étranger. Cependant ce phénomène touche essentiellement les pays d'Europe de l'Ouest, les USA et le Japon où restent concentrées le potentiel mondial de R&D. Si l'on retient l'indicateur de concentration mondiale des activités de R&D, on observe que les firmes américaines représentent à elles seules 43,3% des dépenses de R&D mondiales, suivi du Japon 18,3%, Allemagne 5,8%, Royaume-Uni 5,8%, France 4,3%3(*).

    Figure 1. : Répartition des budgets de R&D par pays en 2006

    La polarisation des activités de recherche et d'innovation est le reflet à la fois des inégalités régionales liées à la localisation des universités et des centres de recherche dans les grandes métropoles et des inégalités de développement entre les pays. Avec une concentration encore plus marquée pour les activités de haute technologie, (Mouhoud, 2003).

    - Pourquoi les activités productives se concentrent-elles dans l'espace ?

    · Les économies d'agglomération

    Marshall (1920) est l'un des premiers économistes à avoir analysé le concept d'économies d'agglomération. Son étude était basée sur le rôle de la coopération et les relations entre les firmes et l'agglomération. Pour Marshall, la coopération est la forme la plus avancée de l`agglomération. Par la suite de nombreuses contributions ont été apportées permettant d'enrichir ce thème. Becattini (1990) estime qu'un certain nombre de facteurs à la fois historiques, juridiques, politiques amènent les firmes à se concentrer dans un territoire. En plus de ces facteurs on peut citer le stock de connaissances accumulées et le haut degré de spécialisation industrielle.

    La nouvelle géographie économique met en exergue deux thèmes pour expliquer la concentration géographique des activités dans l'espace : les rendements croissants et les coûts de transactions.

    La polarisation concerne particulièrement les activités à rendement croissant qui peuvent bénéficier du regroupement des firmes, des travailleurs, et de la demande en un seul lieu. Ce regroupement peut encore plus s'intensifier lorsque l'on assiste à la baisse des coûts de transactions (coûts de transports, droits de douane, monnaie unique). Mais il est aussi possible que ce phénomène s'inverse, au profit d'une dispersion. C'est le cas où le poids des forces centrifuges (forte concurrence, hausse des coûts salariaux...) l'emporte sur celui des forces centripètes.

    Catin et Al. (2002) développent un modèle qui permet de dégager un ensemble de trajectoires de concentration spatiale des activités technologiques en fonction du stade de développement, de la diffusion des connaissances et des politiques d'ouverture et d'infrastructures des pays. Ils distinguent les PI (pays industrialisés), NPI (nouveaux pays industrialisés), PED (pays en développement).

    Le modèle de ces auteurs montre que le degré de concentration spatiale des activités technologiques dépend beaucoup du niveau de développement d'un pays. Ces auteurs considèrent quatre phases de développement pour un PED, une phase de départ, une deuxième phase où le PED s'engage dans une nouvelle étape de développement, la troisième phase où il passe au stade de NPI et la quatrième phase où il devient un pays industriel. La constitution d'une activité technologique dans un PED engagée dans la seconde phase de développement nécessite l'utilisation d'une main d'oeuvre qualifiée spécifique, et des consommations intermédiaires générées par les industries locales à main d'oeuvre peu qualifiée. C'est-à-dire que le PED doit atteindre un niveau d'intégration économique beaucoup plus élevé que dans la première étape pour que l'industrie technologique commence à se répartir dans les centres urbains. L'évolution des structures industrielles et les politiques d'ouvertures internationales conduisent globalement à une concentration puis à une diffusion progressive de l'agglomération vers les régions périphériques. Dans les deux premières étapes, les firmes technologiques restent totalement concentrées dans l'agglomération, après, à partir du stade de NPI, et au fur et à mesure que le pays se développe, le poids des forces centripètes augmente, par exemple : la part des biens consommés qui ont une haute valeur technologique, le niveau de développement des infrastructures ; mais cette augmentation est amoindrie et beaucoup plus compensée par l'augmentation du poids des forces centrifuges telles que la part des firmes multinationales technologiques dans l'industrie, le degré d'ouverture au commerce international, la baisse des coûts de transports due au développement des infrastructures nationales, l'intensité des externalités de connaissance. Ici, le rôle de l'intégration économique est important pour comprendre cette diffusion progressive des activités vers la périphérie. Au fur et à mesure que le pays devient plus intégré économiquement, le nombre de firmes multinationales s'accroît, ce qui tend à renforcer la concurrence avec les firmes locales. Cette concurrence va entraîner la baisse des coûts d'importation des produits technologiques finals, qui couplées à la baisse des coûts de transports va inciter les firmes multinationales à étaler leurs activités au-delà de l`agglomération.

    Le modèle proposé par Catin et Al. (2001) met en évidence deux étapes dans la trajectoire de concentration spatiale : dans un premier temps, l'apparition d'une industrie technologique et les effets d'entraînement inter-sectoriels viennent renforcer le processus de concentration existant en agglomération. Puis dans un second temps, l'intégration économique croissante, les investissements dans les infrastructures de transports, et l'évolution des structures économiques tendent à favoriser la diffusion des activités en région périphériques.

    La diffusion devient efficiente avec le développement d'une part du phénomène de congestion en agglomération, et d'autre part du fait de développer les infrastructures et les connaissances dans les régions périphériques (Henderson, 2000).

    Le modèle de ces trois auteurs montre que le seuil de retournement à partir duquel les activités commencent à se répartir sur le territoire semble largement déterminée par la nature et l'intensité des externalités de connaissances.

    · Externalités de connaissance et proximités

    Les firmes technologiques s'implantent à proximité des laboratoires de R&D et des universités pour pouvoir bénéficier des  spillovers technologiques et ainsi améliorer leur capacité d'innovation. Avec les NTIC le processus de circulation et de diffusion des connaissances est facilité, on pourrait même penser que dans ce cas une proximité géographique ou physique n'est plus nécessaire.

    Torre et Rallet (2005) étudient les relations qui existent entre proximité et localisation des activités économiques. Les auteurs distinguent deux types de proximités : la proximité géographique et la proximité organisationnelle. La proximité organisationnelle est en réalité la proximité relationnelle. C'est la capacité qu'à une organisation de mettre en relation les acteurs de la chaîne productive sans qu'ils ne soient proches géographiquement. Selon ces deux auteurs, la proximité relationnelle génère des mécanismes de coordination très puissants qui permettent de pallier les problèmes liés aux longues distances.

    Si l'on distingue la recherche fondamentale de la recherche appliquée, la proximité joue un rôle essentiel dans la phase de recherche amont (recherche fondamentale), en revanche dans la phase aval (recherche appliquée), l'obligation de proximité est plutôt relative (Autant-Bernard, 2000). L'accès à la recherche fondamentale nécessiterait une proximité plus importante que l'accès à la recherche appliquée. En effet, les connaissances nouvelles ou tacites4(*) issues de la recherche fondamentale ( Foray, 2000), nécessitent une proximité géographique pour être construites et diffusées. A l'inverse, les résultats issus de la recherche appliquée, considérés comme codifiés5(*), ont une diffusion plus large.

    La distinction entre connaissance tacite et connaissance codifiée est très importante, parce-que ces deux types de connaissances n'ont pas le même mode de diffusion, et la nature des acteurs appelés à échanger est différente. Au-delà de la proximité géographique et physique, la construction et la création de connaissances tacites nécessitent surtout une proximité organisationnelle et culturelle (Gilly et Torre, 2000). Le besoin de proximité physique s'avère plus important dans les phases préliminaires du développement technologique, qui mettent en jeu des connaissances de nature plutôt tacites que codifiées.

    Certains auteurs ont aussi essayé d'étudier les relations entre recherche publique et recherche privée, et leur impact dans la diffusion des externalités de connaissance. Les interactions entre secteur public et secteur privé sont traditionnellement liées à l'étroite complémentarité de ces deux secteurs. Le premier privilégiant la recherche fondamentale, le second la recherche appliquée. Pour Kline et Rosenberg (1986), il existe de fortes interactions entre ces deux activités. Chaque type de recherche renforcerait l'autre sans qu'il n'y ait pour autant de concurrence entre elles.

    Plusieurs autres études ont été effectuées comme par exemple celle de Mansfield, (1995) et celle de Beise et Tahl, (1999). Les auteurs observent un certain consensus  selon lequel il y aurait bien une diffusion de la recherche publique vers la recherche privée, et cette diffusion se fait principalement par le biais de la coopération. Les entreprises s'installent aussi dans des régions où la politique publique de recherche est efficace (systèmes nationaux d'innovations, subventions à la recherche...) afin de bénéficier des externalités. Aussi, les différences institutionnelles et culturelles qui existent entre les chercheurs publics et privés pourraient nécessiter une proximité géographique pour pallier la faiblesse de la proximité organisée par le souci de coopération (Gallié, Legros, 2005) .

    - Une localisation basée sur la recherche de compétences spécifiques

    Contrairement à la division technique du travail taylorienne, la division cognitive du travail ne repose pas sur un découpage bien défini et prescrit des opérations. Elle repose plutôt sur la capacité à produire de la connaissance à partir de l'information. C'est par le biais de l'apprentissage que cette production de nouvelles connaissances est possible. La compétence et le savoir jouent en quelque sorte ici un rôle de catalyseur dans le processus de création de connaissances. La politique de localisation de la R&D des entreprises sera donc nécessairement liée au niveau de compétences, de savoirs, et de spécialisations que peuvent apporter les territoires où elles veulent s'implanter (Mouhoud, 2003).

    Pour Mouhoud (2003), la délocalisation de la R&D repose beaucoup plus sur la recherche d'éléments favorables au développement des compétences que sur une logique de minimisation des coûts. Les territoires riches en compétences spécifiques seront beaucoup plus recherchés. La R&D est tournée vers l'excellence technologique.

    Les pays qui ont développé des compétences particulières et une haute spécialisation technologique vont concentrer toute l'activité de R&D. Cela entraîne une polarisation des activités de r&d au sein des grands pays industriels de la Triade, très riches en ressources cognitives. En d'autres termes, la division cognitive du travail dans les activités intensives en connaissance serait l'apanage des pays présentant des similarités en termes de niveaux technologiques et en stocks de ressources cognitives. Ce qui permet l'échange de biens similaires mais différenciés. C'est plutôt la logique des avantages absolus qui est prise en compte ici (Mouhoud, 1995).

    « Ainsi, les pays connaissent une structuration de leurs avantages comparatifs selon trois niveaux d'analyse souvent confondus :

    - la condition première de participation à la division internationale cognitive du travail réside dans la similarité de leurs niveaux des ressources cognitives (similarité de niveau ou de stock de R&D);

    - cette similarité dans le niveau des ressources cognitives n'empêche pas la spécialisation des pays sur des compétences issues de ces ressources en fonction des interactions entre les institutions, les entreprises et l'histoire des conditions de production et de reproduction des compétences ;

    - la différence dans les compétences peut ensuite se traduire par des similarités dans les produits échangés au niveau des biens finals. Cette similarité est en fait de même nature que la première puisque c'est la convergence des revenus par tête qui homogénéise les structures de consommation et qui engendre des demandes de biens similaires différenciés entre pays à niveau de développement comparable » (Mouhoud, 1995).

    En ce qui concerne les pays émergents comme la Chine par exemple, ils ne participent qu'à la phase aval qui correspond à la phase de développement. C'est le cas des laboratoires de soutien local qui ont pour objectif d'adapter les produits à la demande locale.

    1.1.2 SPECIALISATION ET DIVISION INTERNATIONALE DU TRAVAIL : LA MARGINALISATION DES PAYS DU SUD DANS LES ACTIVITES INTENSIVES EN CONNAISSANCE

    1.1.2.1 Spécialisations : Pays du Nord moteurs de l'innovation et pays du Sud suiveurs ou imitateurs

    Le développement de la DIPP, a facilité la montée en puissance du commerce en biens intermédiaires. On peut considérer que le commerce en biens intermédiaires est soit la conséquence ou la cause de la segmentation internationale des processus productifs. Elle est à l'origine des spécialisations. Les pays peuvent se spécialiser dans le ou les secteurs dans lesquels ils détiennent un avantage comparatif.

    Comme le montre le modèle HOS (Hicks, Ohlin, Samuelson), il est avantageux pour un pays de se spécialiser dans la production du bien utilisant le facteur dont il est relativement le mieux doté. Un pays se positionne sur un segment de la chaîne de valeur, dans lequel il détient un avantage comparatif. Cet avantage peut être soit une dotation factorielle intensive en capital (pays développés) soit une dotation intensive en travail (pays en voie de développement).

    Les différents stades de production d'un produit correspondent à différentes fonctions de production, de sorte qu'un pays peut avoir un avantage comparatif dans certains stades de fabrication d'un produit et des désavantages dans d'autres. On peut ainsi distinguer deux types de spécialisation : une spécialisation horizontale, quand un pays a un avantage comparatif sur l'ensemble du processus de production depuis les stades amont jusqu'aux stades avals ; et une spécialisation verticale quand un pays a un avantage seulement dans un (ou des) stades de fabrication d'un produit et des désavantages comparatifs dans les autres stades.

    La spécialisation verticale concerne essentiellement les pays émergents dotés d'une intensité factorielle riche en travail. Ils se spécialisent généralement dans les activités avals, c'est-à-dire les activités de finitions et d'assemblages qui sont devenues une phase cruciale de la segmentation internationale des processus productifs. Ils demeurent ainsi positionnés sur les stades intensifs en travail alors que les pays avancés fournissent les produits à fort contenu en capital et technologie. Ce qui amène Lemoine (2002) à penser que l'handicap des pays à fort contenu en travail réside surtout au niveau de leur positionnement sur la chaîne de valeur. En effet leur participation aux stades intensifs en travail ne produit pas les externalités technologiques nécessaires à améliorer rapidement leurs capacités technologiques. C'est la question du mode de transfert de technologie.

    Traditionnellement les pays du Nord jouent le rôle de meneur dans l'innovation et les pays du Sud, celui de suiveur ou imitateur. Les grands pays industriels disposent d'un avantage comparatif soutenu dans le domaine technologique (subventions publiques à recherche, ressources cognitives, DPI ...). Les transferts de technologie du Nord vers le sud, s'effectuent le plus souvent par les IDE ou les accords de partenariats, entraînant une diffusion internationale des savoirs et des compétences technologiques. Cette diffusion internationale banalise les innovations, et donc pour garder son avantage comparatif le pays innovateur est obligé de renouveler chaque fois sa capacité d'innovation par des dépenses de R&D.

    Mais ces investissements en R&D sont avant tout justifiés par l'existence d'un système de protection efficace de la rente d'innovation (Fontagné, 1990).

    Fontagné (1990) fait la différence entre services technologiques et biens technologiques. Pour cet auteur, les pays innovateurs se spécialisent sur des paquets technologiques ou plus simplement sur une technologie particulière dans laquelle ils détiennent un avantage comparatif, du fait de leur richesse en ressources cognitives. Et les pays suiveurs se spécialisent plutôt dans la production du bien technologique final (production intensive en travail) et non pas sur une technologie particulière. Ils disposent d'un avantage comparatif à cause de la main d'oeuvre abondante.

    Dans le long terme, on assiste à une croissance des dépenses de R&D du pays innovant dans le but de protéger son avantage comparatif. On arrive à une situation où l'économie innovante continue à exporter le paquet technologique et à importer le bien final.

    Cette analyse des spécialisations Nord-Sud rejoint le constat effectué par Lemoine (2005) au sujet de la chine : «  Les échanges de haute technologie de la Chine reflètent sa position dans la segmentation internationale des processus productifs. En effet, plus de la moitié de la haute technologie importée est incorporée dans des pièces et composants et/ou dans des inputs destinés aux opérations d'assemblage. Les quatre cinquièmes des exportations de produits de haute technologie sont issus des opérations d'assemblage et sous-traitance. L'intensité technologique des exportations chinoises résulte du contenu high-tech des inputs importés plus qu'elle ne reflète la capacité interne d'innovation ».

    1.1.2.2 La récupération d'avantages comparatifs et relocalisations

    La théorie du cycle de vie de Vernon (1966) identifie quatre étapes entre la création et la disparition d'un produit : la phase de lancement, la phase de croissance et de développement, la phase de maturité et la phase de déclin. La phase de lancement est le résultat de l'innovation. L'entreprise dispose d'un avantage compétitif et lance le produit sur le marché. Pendant la phase de développement de nouveaux concurrents apparaissent sur le marché en essayant d'imiter la technologie de l'entreprise leader dans la fabrication du produit. La phase de maturité correspond à la phase de banalisation. Elle est marquée par une pression fortement concurrentielle (baisse des prix, dépenses publicitaires...), dans laquelle les entreprises essayent de maintenir leurs parts de marché. Une fois de plus l'innovation pourrait être la réponse appropriée : l'entreprise va développer de nouveaux produits pour maintenir son avantage compétitif.

    Sur le plan de la division internationale du travail, les pays du Nord délocalisent la production vers le Sud lorsque le produit parvient à son stade de maturité. Ainsi les pays du Nord peuvent se consacrer au développement de nouveaux produits, qui arrivés à leur phase de  banalisation seront délocalisés à leur tour. Les pays du Nord innovent et les pays du Sud imitent avec peut-être l'espoir de combler leur vide technologique.

    Quelques contributions ont été apportées par les économistes au sujet de la récupération des avantages comparatifs. Des auteurs ont montré qu'il est possible de récupérer des avantages comparatifs perdus par le Nord, suite à une banalisation et une imitation d'un produit par le Sud.

    Grossman et Helpman (1991) proposent un modèle d'une économie mondiale avec deux pays à capacités technologiques différentes. Les producteurs du Sud sont des imitateurs des produits découverts par le pays du Nord, et les producteurs du Nord peuvent innover dans la fabrication de ces mêmes produits. Le produit arrive à maturité, et à ce niveau sa banalisation fait qu'il est parfaitement imité par le pays du Sud, alors qu'il a été inventé par le pays du Nord. On assiste à une perte d'avantage comparatif. Mais le modèle montre que le pays du Nord accomplit ses efforts d'innovation pour le récupérer et donc le rapatrier, car il possède les compétences initiales (ressources cognitives) et les activités de R&D très développées. Et aussi, les politiques de subvention à la recherche dans le pays du Nord augmentent le montant des ressources consacrées à cette activité et donc la probabilité d'innover. Ceci exerce un effet négatif sur l'activité d'imitation du pays du Sud. Le pays du Nord parvient alors à récupérer des avantages perdus sur les produits parvenus à maturité dans le cycle du produit et à consolider leurs avantages technologiques de long terme.

    L'analyse de Mouhoud (1993) permet de mieux percevoir le phénomène de récupération des avantages comparatifs. Il considère deux biens, et deux pays, l'un développé et l'autre en développement. La production du premier bien est intensive en capital, facteur abondant dans le pays développé. La production du second bien est intensive en travail, facteur abondant dans le pays en développement. On suppose que le pays développé maîtrise les nouvelles technologies et les introduit dans le processus de production, et le pays en développement ne pourra y accéder que dans le long terme. Il maintient donc les techniques anciennes dans son processus de production. Le pays développé se spécialisera dans le premier bien et le pays en développement dans le second.

    La maîtrise des nouvelles technologies par le pays développé fait que le pays en développement perd son avantage comparatif en termes d'abondance relative en travail pour le second bien. Puisque l'introduction et la diffusion des nouvelles technologies par le pays développé vont pallier son désavantage comparatif en travail. En effet, dans le pays développé, l'introduction du changement technique se diffuse dans les deux biens. Ce qui rend aussi la production du second bien intensive en capital. Le pays en développement ne peut se reporter sur le premier bien puisqu'on suppose qu'il demeure intensif en capital. Le pays développé grâce à l'introduction des nouvelles technologies à la possibilité d'innover et de produire différentes variétés du premier bien considéré comme intensif en capital. L'intensité capitalistique ne se modifie pas pour le premier bien, par contre pour le second bien, le rapport capital/travail s'inverse au profit du capital. L'inversion du rapport capital/travail sur le second bien, permet au pays développé de procéder aussi à une innovation de produit sur celui-ci. Le pays développé a alors la possibilité de produire différentes variétés du premier bien et différentes variétés du second bien. Le prix du second bien produit par le pays développé devient inférieur ou égal au prix du même bien importé en provenance du pays en développement. Le pays développé va donc arbitrer entre le retour de la production du second bien dans son territoire, et la délocalisation dans le pays du Sud. Si le gain de délocalisation est inférieur au coût d'introduction de nouveaux procédés technologiques, il décidera de cesser de l'importer, de le fabriquer lui-même et de l'exporter, on parle de relocalisation.

    Il est important de rappeler que, le retour de l'avantage comparatif du Sud vers le Nord est possible à la fois grâce aux innovations de produit et aux innovations de procédés. Ces innovations proviennent de l'avantage absolu en termes de ressources cognitives et de politique de subvention à la recherche que le Nord détient sur le Sud6(*). Le pays du Nord a donc une capacité d'innovation largement plus forte que le pays du Sud. Cette capacité d'innovation interne élevée rend un peu plus obsolète l'activité d'imitation du pays du Sud, et le pays du Nord parvient à récupérer des avantages perdus sur des produits parvenus à maturité dans le cycle de produit.

    Le Nord détient un avantage absolu qui lui permet de renouveler en permanence, le produit imité. En effet, les avantages issus de la spécialisation sur des blocs de compétences et des ressources cognitives, et ceux qui découlent des ressources naturelles ou de la disponibilité en main d'oeuvre abondante à faible coût ont des trajectoires différentes dans le temps. Les premiers sont appelés à se renouveler continuellement à cause de l'effort de recherche, les seconds ont une nature éphémère à cause du caractère permanent de l'innovation technologique dans le Nord, et du cycle innovation-imitation7(*). On parle d'avantages comparatifs longs et d'avantages comparatifs courts (Mouhoud, 1995).

    Ce phénomène de récupération d'avantages comparatifs a été surtout remarqué ces dernières années dans le secteur des biotechnologies8(*). Le renforcement des droits de propriété intellectuelle et l'extension du brevet dans le domaine du vivant ont joué un très grand rôle dans la reconquête par le Nord des avantages comparatifs même dans les secteurs intensifs en travail9(*).

    En effet, les DPI dont l'objectif principal est de combattre le « passager clandestin ». C'est-à-dire empêcher un agent n`ayant pas participé au financement d'un bien d'y bénéficier sans contrepartie, se présente comme un compromis nécessaire entre incitation à l'innovation et diffusion des connaissances.

    L'argument le plus mis en avant pour justifier les DPI dans le domaine scientifique est le niveau très élevé des dépenses de R&D par les entreprises dans la phase amont de la recherche. L'élargissement et le prolongement des DPI, en accordant pour les brevets une protection pour une période de temps limitée, seraient alors la condition essentielle pour permettre aux firmes d'amortir leurs coûts de R&D.

    Ce système participe de manière active à la marginalisation des pays du Sud, dans l'économie de la connaissance, il favorise un transfert de ressources du Sud vers le Nord. Les savoirs et connaissances du Sud qui ne bénéficient d'aucun système de protection sont captées par le Nord par l'intermédiaire des DPI. Il existe une appropriation gratuite des savoirs traditionnels du Sud. « Par ailleurs le brevetage des savoirs traditionnels et des ressources issues de la biodiversité se traduit par l'interdiction d'utiliser les semences agricoles brevetées. La propriété intellectuelle peut en fait permettre à une entreprise multinationale de s'approprier d'un savoir traditionnel non protégé, en imposant ensuite son monopole sur la commercialisation des semences, y compris aux agriculteurs qui pratiquaient cette culture depuis des siècles » (Vercelone, 2004)

    La relocalisation, c'est-à-dire le retour vers le Nord d'activités qui auparavant avaient été délocalisées vers des pays à faibles à coûts salariaux, est l'une des conséquences de ce phénomène de récupération d'avantages comparatifs. En effet des facteurs tels que : la diffusion rapide des nouvelles technologies, les régimes d'innovation, les changements organisationnels, la versatilité et l'instabilité de la demande, l'incapacité pour le pays hôte de fabriquer des produits adaptés à une demande de plus en plus exigeante, les comportements opportunistes des sous-traitants, les droits de propriété intellectuelle etc....sont des déterminants de la relocalisation des firmes multinationales.

    Le cas des firmes allemandes dans le milieu des années 80 est assez illustratifs : Grundig, notamment, qui avait délocalisé à Taiwan sa production de TV, hi-fi et autres produits de l'électronique grand public en 1977, a relocalisé en Allemagne en 1983. Idem pour Siemens, déménagement à Maurice en 1977, rapatriement en Allemagne en 1981(Mouhoud, 1992). Plus récemment encore, en septembre 2006, la société néerlandaise Samas, leader européen de l'ameublement de bureau a rapatrié à Noyon dans l'Oise son activité de fabrication de caisson de bureau. Cette activité avait été délocalisée en Chine en 2000. De même l'entreprise Atol a relocalisé dans le Jura la fabrication d'une gamme de produits précédemment fabriqués en Chine10(*).

    1.1.2.2 La marginalisation des pays du Sud dans les investissements intensifs en connaissance

    La figure 1 (page 13) nous montre que plus de 70% du budget de la R&D est répartie entre les Etats-Unis, le Japon et l'Union Européenne.

    En somme, les phénomènes cités plus haut tels que :

    - La recherche de compétences spécifiques liée à la division cognitive du travail, basée non pas sur une logique technique, mais sur une logique d'acquisition de nouvelles connaissances ;

    - Les spécialisations Nord-Sud dans la segmentation internationale des processus productifs, qui positionnent les pays émergents dans la phase aval, non propice à l'acquisition et au développement de nouvelles technologies ;

    - Le phénomène de récupération des avantages comparatifs qui entraîne les relocalisations. Ces relocalisations qui quant à elles s'expliquent (dans le cas des secteurs intensifs en connaissance) par la nécessité de réagir efficacement et rapidement à la demande de plus en plus versatile et instable. L'instabilité de la demande est le résultat du changement du régime du cycle de l'innovation qui est passé d'un régime incrémental à un régime continu favorisant l'obsolescence rapide des connaissances ;

    Conduisent à une polarisation des activités au sein de la Triade. L'étude des flux des IDE permet de mieux appréhender ce phénomène.

    Selon l'AFII11(*), Les projets de R&D sont essentiellement originaires de firmes nord-américaines et dans une moindre mesure ouest-européennes, la part des investisseurs asiatiques étant par contre extrêmement réduite. Les firmes US représentent à elles seules 44,6 % des projets d'investissement. L'Europe de l'Ouest arrive en seconde position des régions d'origine. Trois pays se détachant nettement, les sociétés d'origine allemande, française et britannique représentent à elles seules 24,5 % des projets.

    Le rapport de la CNUCED (2006), présente, les fusions acquisitions des firmes transnationales des pays développés comme l'un des principaux stimuli de l'IDE. Un nombre croissant d'opération sont également le fait des fonds communs de placement. Elles ont augmenté de 88% entre 2004 et 2005. La plupart des multinationales ayant des actifs à l'étranger sont également issus des pays développés.

    Tableau 1. : les 25 premières multinationales non financières classées selon leurs actifs à l'étranger (en millions de dollars)

    Source : CNUCED/Université Erasmus, World Investment Report 2006, tableau A.I.11 de l'annexe, (www.unctad.org/fdistatistics)

    Les firmes américaines et Européennes forment le peloton de tête, on peut quand même remarquer la présence de la firme coréenne Hutchinson Whampoa en dix-septième position.

    Tableau 2. : entrées et sorties d'IDE dans les vingt premiers pays ou territoires entre 2004 et 2005 (milliards de dollars).

    Source : World investment report 2006, tableau B1. de l'annexe, et base de données sur les IED/STN (www.unctad.org/fdistatistics)

    Le tableau 2 montre qu'en ce qui concerne, les entrées d'IDE, un pays comme la Chine se retrouve en très bonne position dans le monde. Troisième après le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Mais les sorties d'IDE sont l'apanage des grands pays industriels et la Chine est presque en dernière position.

    Les pays développés sont la principale source d'IDE, l'Union Européenne reste en tête, avec les Pays-Bas qui occupent la première place. Les entrées d'IDE dans les pays développés ont augmenté de 37% entre 2004 et 2005. La CNUCED (2006) les évalue à 544 milliards de dollars, soit environ 60% du total mondial. Sur ce chiffre, 78% sont allés à l'Union Européenne. Plus de 90% des IDE entrés dans les pays développés provenaient des pays développés. Mais les pays émergents semblent prendre de plus en plus d'ampleur dans ce mouvement puisqu'ils se situent aujourd'hui à 17% du total mondial.

    Si on se base essentiellement sur l'Europe en ce qui concerne les investissements en R&D, on observe que 80% (Tableau 4) des projets R&D sont issus des pays de la Triade, de même, la majeure partie des firmes contributives sont soit américaines, Japonaises ou Européennes (tableau 3). Même si les pays émergents présentent une certaine avancée, (0 à 5,6%), leur part dans les projets de R&D en Europe reste quand même minime.

    Tableau 3. Les principales multinationales investisseuse en R&D à l'étranger en Europe entre 2002 et 2005

    Source : AFII 2006 : les investissements internationaux dans les centres r&d en Europe

    Tableau 4. : Répartition des projets de R&D selon la région d'origine entre 2002 et 2005 en Europe (%)

    ZONES

    2002

    2003

    2004

    2005

    Amérique du Nord

    45,8

    45,2

    43,2

    50,8

    Japon

    9,2

    9,5

    8,1

    5,5

    Inde

    0

    1,6

    1,8

    2,8

    Chine

    0

    1,6

    1,8

    2,8

    Europe

    39,7

    41,4

    33,7

    37,9

    Source : AFII 2006 : les investissements internationaux dans les centres R&D en Europe

    L'internalisation de la R&D est un mouvement qui se fait encore pour l'essentiel à l'intérieur des pays de l'OCDE. Mais qui profite aussi, de manière croissante à une poignée de pays en développement d'Asie (Chine et Inde en tête) et d'Europe de l'Est. La part de l'Asie dans les dépenses de R&D à l'étranger des firmes US est ainsi passée de 3,4 à 10 % entre 1994 et 2002, tandis que celle de l'Europe déclinait de 69,6 % à 58,8 %. Le mouvement semble s'accélérer : entre 2002 et 2004, la moitié des projets internationaux de R&D dans le monde se serait ainsi localisée, selon la CNUCED (2005), dans les pays en développement.

    Au total dans cette section, nous avons essayé de développer un argumentaire qui pourrait permettre d'arriver à la conclusion selon laquelle il existe une polarisation des activités de R&D au sein de la Triade. Pour appuyer ce constat nous avons souligné précisément le rôle de la transition vers l'économie de la connaissance qui elle-même a permis le passage de la division technique du travail vers la division cognitive du travail. La division cognitive du travail est basée sur une logique d'acquisition et de créations de connaissances. Nous avons également spécifié la nature des spécialisations internationales dans la DIPP, qui en effet positionne plutôt les pays émergents dans les phases intensives en travail. C'est-à-dire en aval dans la chaîne de valeur.

    La forte intensité capitalistique des pays développés les amènent à se spécialiser sur des paquets technologiques. Et les pays émergents dotés d'une forte intensité en travail se situent plutôt au bout de la chaîne. C'est-à-dire dans la production des biens finals.

    Ce positionnement des pays en développement est plutôt un handicap dans leur processus d'acquisition et de développement des technologies (Lemoine et Unal-Kesenci 2002). Puisqu'il ne permet pas d'améliorer rapidement leur capacité technologique de sorte qu'ils puissent participer de manière active à l'économie de la connaissance.

    Cependant, il convient de préciser que ces analyses, malgré leur pertinence ne sont pas sans soulever un certain nombre de problèmes voire même de contradictions.


    1.2. QUELQUES PROBLEMES POSES PAR LE DEBAT SUR LA NOUVELLE D.I.T BASEE SUR LA CONNAISANCE

    En effet, le pilier central sur lequel se situe l'approche de Mouhoud (2003) est le passage d'une division technique du travail à une division cognitive du travail. Mais ce constat ne fait pas consensus chez les économistes. Pour certains la crise du Fordisme marque plutôt la naissance du modèle Néo-taylorien de la division du travail.

    De même, en ce qui concerne le transfert technologique, beaucoup d'auteurs (Grossman et Helpman, 1991 ; Coe, Helpman, et Hoffmaister, 1995 ; Keller, 2002 et Keller, 2007...) s'accordent pour dire que le commerce de biens intermédiaires pourrait être un canal important de transmission de technologie. Dans le cas des pays émergents, l'importation de composants pour assemblage peut être le moyen le plus facile d'acquérir de la haute technologie.

    En plus ces analyses ne prennent pas en compte, les critères de minimisation des coûts d'exploitation et de production. Quand on sait que les ingénieurs et scientifiques de certains pays émergents (Inde) présentent à peu près le même niveau de compétences que ceux des pays développés et sont employables à des salaires compétitifs.

    1.2.1. LE MODELE NEO-TAYLORIEN

    Pour les auteurs issus de cette thèse, la mutation principale née de la crise du Fordisme est le passage du modèle Fordien de la production de masse rigide au modèle Néo-Taylorien de la production de masse flexible. C'est le caractère de plus en plus instable et versatile de la demande qui expliquerait la transition vers un modèle de la production de masse flexible. Selon ces auteurs, la crise de Fordisme serait la conséquence de l'incapacité de la chaîne de production fordienne à satisfaire une demande de plus en plus diversifiée.

    Les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans cette approche parce-que leur introduction dans la division du travail a permis, grâce à l'automatique et la robotique, de rendre la production beaucoup plus flexible. C'est-à-dire un modèle capable d'associer à la fois économies d'échelles et économie de variétés (Vercelone, 2007). Ici l'efficacité ne se trouve pas dans la mobilisation des savoirs des travailleurs, elle se retrouve plutôt dans la capacité des firmes à respecter les contraintes de qualité et de délais.

    Cette logique Néo-taylorienne est basée sur des localisations fondées sur la minimisation des coûts. Même si certains pensent que les entreprises concernées par ce type de division du travail exercent leurs activités dans des secteurs de production de biens de consommation faiblement intensifs en connaissances (Mouhoud, 2003a), cela ne représente en rien un frein à l'extension de la logique taylorienne de minimisation des coûts à des secteurs intensifs en connaissances. Puisque Mouhoud (2003a) stipule que l'utilisation intensive des nouvelles technologies est propice à la mise en place d'une division technique du travail flexibilisée.

    En outre l'auteur admet en frôlant la contradiction que l'une des principales caractéristiques de la polarisation actuelle de l'économie mondiale est l'implication des nouveaux pays industriels à capacité technologique dans la dynamique des échanges entre les trois blocs de la Triade. Pour l`auteur la mondialisation même si elle n'est pas vraiment un véritable processus d'échanges de biens et de capitaux et de technologies à l'échelle planétaire, « Elle se traduit en réalité par un processus de polarisation de ces flux entre et à l'intérieur des pays riches de la Triade, selon une logique qui, tout en impliquant certains pays émergents, aboutit pour la plupart des pays à dotations naturelles à une déconnexion forcée, les seuls avantages de ces derniers résidant dans la disponibilité de ressources naturelles ou de main d' oeuvre à bas prix. » (Mouhoud, 2003a).

    1.2.2. LA QUESTION DU TRANSFERT DE TEHNOLOGIE

    Comme mentionnée en début de cette section, de nombreux auteurs ont étudié les relations entre transfert de technologie et avancée technologique.

    Grossman et Helpman, (1991) étudient le lien qu'il y a entre commerce, croissance et externalités de connaissances. Ils considèrent un pays dans lequel les flux de connaissances scientifiques et techniques venant de l'extérieur sont liés à l'ampleur et à l'étendue du commerce international. Les auteurs montrent que dans ces conditions, la majeure partie des externalités sont générées par le commerce extérieur. Et de plus toute politique de nature protectionniste aurait pour conséquence la baisse du niveau et du rythme de l'innovation.

    Plus tard, Coe et Helpman, (1995) présentent un modèle dans lequel ils considèrent une économie soumise à la fois à des dépenses de R&D locales, et à des dépenses de R&D issues de l'étranger. Dans ce modèle les efforts d'innovation sont considérés comme l'un des principaux moteurs de l'avancée technologique. Les auteurs estiment un modèle économétrique dans lequel les dépenses de R&D issues des firmes étrangères ont un effet positif sur la productivité, et cet effet peut être encore plus élevé si on est en économie ouverte. De plus les retombées technologiques sont très élevées à la fois en ce qui concerne les dépenses de R&D locales et les « spillovers » de R&D internationaux.

    Dans le même ordre d'idée Coe, Helpman, et Hoffmaister, (1995) approfondissent cette analyse. Cette fois-ci ils considèrent un modèle comprenant deux pays : le premier est un pays en développement dont l'intensité technologique est beaucoup plus le fait de son commerce en biens intermédiaires avec le pays développé que sa capacité interne d'innovation. Le second est un pays développé qui détient un stock important de connaissances (capital cognitif) accumulées grâce à l'intensité des activités de recherche et développement. Le pays en développement quant à lui acquiert des technologies grâce au commerce en biens intermédiaires incorporant des hauts paquets technologiques.

    Le modèle économétrique est estimé sous données de panels sous une période de 20 ans et un échantillon de 77 pays. Les estimations montrent que les retombées technologiques du pays développé vers le pays en développement sont importantes.

    La même analyse a été opérée par Keller (2002), il étudie le lien entre productivité et recherche et développement. Il analyse les effets de la R&D sur la productivité de l'industrie locale, aussi bien la R&D issue de l'intérieur comme celle issue de l'extérieur par le biais du commerce en biens intermédiaires différenciés. L'auteur estime un modèle économétrique basé sur les dépenses de R&D mondiales sous la période 1970-1991. Les coefficients estimés sont de l'ordre de 50% pour l'impact des dépenses de R&D sur la productivité, dont 30% pour les dépenses de R&D locales (quand l'effort de recherche est soutenu) et 20% pour les dépenses de R&D issues des industries étrangères.

    Plus récemment encore Keller (2007) fait le lien entre transfert de technologie et importations de composants à haute valeur ajoutée technologique. Pour cet auteur les importations sont souvent le canal principal du transfert de technologie.

    Au regard de ces différentes analysent qui nous permettent de relativiser la thèse d'une polarisation des activités de R&D au sein de la Triade, on pourrait penser que l'événement le plus important qui caractérise la nouvelle division du travail, est peut-être celui de la tendance à une réelle internationalisation de la R&D.

    1.2.3. UNE REELLE INTERNATIONALISATION DE LA R&D ?

    La globalisation de l'économie mondiale est un phénomène qui s'est étendu à tous les secteurs de l'économie, en passant par l'industrie et les services. La R&D quant à elle n'y est pas restée en retrait. La DIPP s'est également étendu à des activités de recherche et développement, modifiant ainsi la carte des spécialisations traditionnelles dans le monde. Les pays émergents tels que la Chine par exemple, plutôt orientés vers les industries d'assemblage et les secteurs intensifs en main d'oeuvre non qualifiée tentent de « côtoyer » les pays développés dans les secteurs intensifs en connaissances.

    Dans les cinq secteurs dits à haute technologie12(*), l'Europe qui assurait encore 39,4% des exportations mondiales de ces produits en 1980, n'en réalisait plus que 22% en 2003, les USA sont passés de 30,2% en 1980 à 16% en 2003. Or durant la même période, la Chine dont la part était inférieure à 1% en 1980 atteignait déjà 4,3% en 2003. Sous un autre angle, les efforts nationaux de r&d sont estimés à 2,7% du PIB pour les USA, 2,3% pour la France, et 1,2% pour la Chine. Quand on tien compte de la taille relative des pays, on voit que la France effectuait 4,2% de la R&D totale mondiale en 2002, les USA 35%, la part de la Chine s'élevait à 8,7%13(*).

    Nous rappelons ici quelques faits stylisés significatifs.

    1.2.3.1. Quelques faits stylisés

    La plupart des études économiques identifient quatre principaux faits stylisés pour rendre compte du processus d'internationalisation de la R&D pendant les deux dernières décennies.

    - La mobilité internationale de la recherche et des chercheurs

    On remarque depuis plus de 20 ans une migration internationale des chercheurs. Même si les flux d'entrées-sorties présentent une forte « asymétrie » en faveur des Etats-Unis. Les flux d'entrées sont dirigés en majeure partie aux USA comparé au reste du monde.

    Le cas de la « Silicon Valley » est assez illustratif. A partir des années 90, plus du tiers des ingénieurs et chercheurs étaient des immigrants et les deux-tiers étaient soit de nationalité Indienne ou Chinoise. Et en 2002, plus de la moitié des entreprises technologiques de la Silicon Valley ont été crées par des immigrants indiens et chinois14(*).

    - La valorisation internationale des acquis technologiques.

    Les firmes exploitent de manière croissante leurs savoir-faire technologiques à l'étranger. Par des accords et alliances, cessions et acquisitions de licences, acquisitions de firmes étrangères à fort potentiel de R&D, financement de travaux de centre de R&D étrangers....

    - L'internationalisation de la science

    L'augmentation du nombre d'étudiants étrangers dans les filières scientifiques, et de la collaboration internationale des institutions de recherche comme le montre le nombre de travaux en co-publication. Cette internationalisation de la science a modifié la carte géographique de création des connaissances et a réorganisé les réseaux coopératifs.

    - L'internationalisation de la R&D par les firmes multinationales

    La montée en puissance des pays émergents a contribué à une internationalisation de la R&D. On a assisté à la fois à une augmentation des dépenses de R&D dans ces pays et à celles des firmes multinationales. Selon, la CNUCED (2005), entre 2002 et 2004, la moitié des projets de R&D seraient localisés dans les pays en développement, plus particulièrement en chine et en inde. Les firmes multinationales qui consacraient 10% de leur budget de R&D à l'étranger en 1993 sont passées à 28% en 2005. Cette même année, on comptait 700 laboratoires de firmes étrangères en Chine et 100 en Inde. Le secteur pharmaceutique arrive en tête des secteurs dans l'internationalisation de la R&D.

    Tableau 5. : Les processus d'internationalisation de la R&D

    Source : (Arthur D. Little, 2005)

    Processus d'internationalisation

    Mécanismes

    Internationalisation de la science

    Mobilité internationale des étudiants et chercheurs aussi bien que la collaboration scientifique internationale (publications conjointes)

    Internationalisation par les firmes

    Les firmes développent les activités de R&D dans leurs pays d'origine et à l'étranger :

    - la R&D localisée dans le pays d'origine utilise les inputs technologiques issus de l'étranger à travers le recrutement des scientifiques et techniciens étrangers ou par l'acquisition des connaissances venues de l'étranger (licences ou acquisition informelle des connaissances)

    - la R&D conduite à l'étranger utilise les ressources humaines disponibles localement

    Collaboration internationale

    Les partenaires technologiques (firmes et institutions publiques de recherche) de pays différents s'associent pour développer l'innovation et des savoir-faire

    Valorisation des acquis technologiques

    Les firmes exploitent leurs innovations dans le marché mondial par des cessions de licences à l'étranger ou par la vente de leurs innovations à des marchés étrangers

    1.2.3.1. Les déterminants de la localisation de la R&D des firmes multinationales

    - Les décisions de localisation des activités de R&D en fonction des territoires

    A ce sujet, (Kuemmerle, 1997) étudie les facteurs qui permettent la valorisation de la R&D à l'étranger. Il conclut que la concentration de l'activité de R&D n'est pas efficiente pour les firmes dans le long terme. Parce-que le stock de connaissances mondiales est dispersé et en perpétuelle augmentation. Les firmes doivent être présentes dans une large palette de territoires afin de bénéficier des connaissances issues de la recherche des universités étrangères et celles des concurrents. De même, une firme qui vend ses produits au niveau mondial à la possibilité de développer beaucoup plus rapidement son potentiel commercial.

    L'auteur distingue deux types de localisation de R&D : HBA (Home-base augmenting) et HBE (Home-base exploiting) (Kuemmerle, 1999). HBA consiste à créer un laboratoire à l'étranger qui permettra à la firme d'augmenter son capital de connaissances par l'acquisition des connaissances issues de la dynamique d'innovation locale, et ensuite les transférer dans le site d'origine. HBE consiste à valoriser les connaissances scientifiques de la firme à l'étranger.

    Pour l'auteur, le choix du type de R&D sera fonction des caractéristiques du pays étranger.

    Les laboratoires voués à l'HBE seront implantés dans des pays offrant de fortes opportunités de marchés. L'objectif est d'adapter la production à la demande locale. Par contre l'HBA sera plutôt implanté dans des pays qui possède un nombre élevé d'ingénieurs et scientifiques et dont le niveau de recherche scientifique est élevé.

    L'auteur admet que ces deux types de laboratoires se retrouvent à la fois dans les pays les plus avancées et les pays en développement. Même si dans le cas de ces derniers cela semble être exceptionnel et serait l'apanage de pays ayant des dotations spécifiques particulières ou une politique de recherche soutenue ou alors des politiques économiques basées sur le long terme et les pressions politiques locales.

    La Chine dont la spécialisation dans les secteurs intensifs en travail est indiscutable, pourrait très bien se coller à cette analyse de Kuemmerle. Bien sur si on admet qu'aujourd'hui la Chine compte plus d'étudiants que les Etats-Unis et presque autant de chercheurs (Sachwald, 2006).

    On peut aussi analyser l'attractivité des territoires en fonction des facteurs de dispersion internationale et de centralisations dans le pays d'origine. Sachwald (2006) distingue les facteurs liés à la demande et ceux liés à l'offre de scientifiques et techniciens15(*)

    Tableau 6. : Déterminant de la localisation des centres de R&D des multinationales

    FACTEURS

    Caractéristiques de l'offre de scientifiques et techniciens

    Caractéristiques de la demande

    Facteurs de centralisation dans le pays d'origine

    - Réputation internationale des capacités technologiques du pays d'origine

    - Economies d'échelle en R&D

    Pays d'origine leader du marché

    Facteurs de dispersion internationale

    - Centres d'excellence à l'étranger

    - Scientifiques et techniciens employables à coûts bas ; augmentation rapide de l'offre de scientifiques et ingénieurs dans les pays émergents

    - Adaptation à la demande locale

    - Devenir leader du marché à l'étranger

    Source : (Sachwald, 2006)

    Dans ce contexte, la motivation principale de la dispersion est soit l'adaptation à la demande locale, soit ce que Kuemmerle (1999) appelle « Home-Base exploiting ».

    Les pays émergents peuvent se situer dans ce phénomène d'internationalisation de la R&d au niveau de l'offre vaste de scientifiques et techniciens, et/ou au niveau des coûts salariaux bas. La qualité de la main d'oeuvre constitue un critère fondamental (Sachwald, 2004). Cependant, l'auteur distingue de manière plus fine selon le type d'activité concerné. Pour la R&D fondamentale, les principaux critères seront l'accès aux pôles d'excellence de niveau international, la qualité des chercheurs scientifiques, les possibilités de coopération avec la recherche publique et universitaire. Pour les centres de développement et de rationalisation, seront davantage privilégiés la proximité au marché, les coûts globaux de fonctionnement, et la disponibilité de main d'oeuvre de recherche appliquée (ingénieurs et techniciens).

    Pour Sachwald (2006), la Chine est logiquement spécialisé dans des activités intensives en main d'oeuvre, mais grâce à la mondialisation elle s'intègre à la chaîne de valeur de secteurs intensifs en R&D. Ce qui veut dire qu'effectivement les pays émergent pourraient participer à des activités intensives en connaissances, mais le motif d'adaptation à la demande resterait essentiel.

    Hatem (2006) ne partage pas du tout cet avis, pour cet auteur, les laboratoires de recherche implantés dans les pays émergeants ne seraient pas seulement des centres d'adaptation de produits. Il s'agirait, de plus en plus, de véritables centres de recherche, chargés de concevoir des innovations destinées au marché mondial. Il prend pour exemples, les cas de la firme Motorola avec ses centres de R&D en Chine, de Microsoft et de General Electric en Inde, de Toyota en Thaïlande, qui font partie du « noyau dur » du réseau mondial d'innovation de ces entreprises. Des laboratoires pharmaceutiques comme Pfizer, Eli Lily, Astra Zeneca, qui réalisent une part croissante de leurs tests cliniques en Inde. En plus 30 % des nouveaux circuits intégrés sont désormais conçus en Asie du sud-est. « Il faut dire que cette région offre des conditions attractives : des marchés en croissance rapide ; un environnement local favorable à l'innovation grâce à une bonne collaboration entre les mondes de la recherche et de l'entreprise ; une protection de la propriété intellectuelle un peu mieux assuré que par le passé. Et surtout, une abondance de jeunes chercheurs qualifiés, créatifs et à bas coûts salariaux : la Chine, l'Inde et la Russie représentent ainsi aujourd`hui le tiers des étudiants mondiaux en sciences et techniques. Confrontés à la pénurie de jeunes chercheurs dans leur pays d'origine (notamment en Europe), désireuses de réduire leurs coûts de R&D, il est naturel que les multinationales s'intéressent de plus en plus à ces destinations » (Hatem, 2006).

    L'OCDE (2005) dans son rapport sur la recherche et développement dans le monde, apporte sa contribution à cette question. L'organisme estime que l'internationalisation de la R&D en dehors des pays de la triade est le résultat de l'interaction complexe de facteurs négatifs et positifs (au regard des pays de la Triade). Du côté des facteurs négatifs, l'intensification de la concurrence, la hausse des coûts de R&D dans les pays développés et la pénurie d'ingénieurs et de scientifiques ainsi que la complexité croissante de la R&D rendent plus nécessaires la spécialisation et l'internationalisation des activités de R&D. Du côté des facteurs positifs, la disponibilité croissante d'ingénieurs et de scientifiques à des coûts compétitifs, la mondialisation des processus de fabrication ainsi que l'existence de marchés importants et porteurs dans certains pays en développement renforcent l'attrait de nouveaux sites.

    - Principaux facteurs qui déterminent la localisation des activités de R&D

    En définitive, si on assiste effectivement à une internationalisation de la R&D, qui modifie les cartes des spécialisations traditionnelles, il serait donc intéressant d'identifier les principaux facteurs qui déterminent la localisation des activités de recherche dans les territoires. La plupart des études récentes (Harfi, 2004 ; Hatem, 2006 ; OCDE, 2005 ; Sachwald, 2006) identifient quatre principaux facteurs qui déterminent la localisation de la R&D (par ordre décroissant en fonction du degré d'importance) dans le monde :

    · L'existence des centres d'excellence

    C'est la possibilité pour la firme d'intégrer des pôles d'excellence technologiques mondiaux de haut niveau et de bénéficier efficacement des spillovers technologiques

    · La qualité des scientifiques et des chercheurs

    Ce critère prend de plus en plus de l'importance avec la montée en puissance des pays émergents comme la chine l'inde et les pays d'Europe de l'Est qui sont très performants dans ce domaine.

    · La proximité entre les pôles de recherches académiques et les laboratoires de R&D des entreprises

    Cela facilite la circulation des informations et des connaissances dans un espace restreint regroupant de grandes universités, les centres de recherche de renommée internationale et les laboratoires de recherche et développement des firmes. Ce facteur peut effectivement être relié au premier.

    · Les coûts de production

    Les pays émergents jouent encore ici un très grand rôle vu le vivier de talents scientifiques qu'on peut retrouver dans ces pays et la pénurie d'ingénieurs et de scientifiques dans les pays développés. Non seulement leur niveau de qualification est de plus en plus comparable à celui des scientifiques issus des grands pays industriels, mais ils sont également employables à des coûts moindres.

    · L'attractivité du marché

    Il s'agit particulièrement du niveau élevé de la demande et des consommateurs potentiels. Ce facteur permet de développer de nouveaux débouchés et de produire des rendements d'échelles croissants par une plus large expansion du marché.

    Finalement, à travers cette revue critique de la littérature, nous avons dans un premier temps essayé de montrer en quoi et de quelle manière peut-on parler de polarisation des activités intensives en connaissance au sein de la triade. Puis nous avons présenté les éléments qui pourraient amener à relativiser la thèse d'une polarisation absolue. La deuxième partie qui suivra sera consacrée à deux grands pays émergents qui sont la Chine et L'Inde. Nous allons donc par la suite essayer de dégager quelques enseignements concernant les tendances qui structurent l'évolution de la DIT et éclaircir les termes ce cette controverse à la lumière de l'expérience chinoise et indienne.

    DEUXIEME PARTIE : LA CHINE ET L'INDE A L'EPREUVE DES FAITS

    2.1. LA CHINE

    La chine dès le début des années 80 a engagé un certain nombre de réformes majeures pour ouvrir et moderniser son économie. L'objectif était de fournir un cadre favorable à l'investissement, à la recherche, à l'innovation, et au commerce international. Depuis elle a enregistré des performances économiques d'un très haut niveau. Le rapport de la CNUCED(2006) met la Chine au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, pour les destinations des IDE. Elle a également présenté un taux de croissance de 10,4% en 2006.

    Cette politique de réforme engagée dans les années 80 a modifié le cadre institutionnel des activités de R&D en particulier, et celles de l'innovation en général. A partir de 1985, le pays a également mis en place une série de réformes visant à développer un système national d'innovation compatible avec l'économie de marché. Il s'agissait de créer un contexte favorable à la création et à l'échange de connaissances entre les producteurs d'innovations et les utilisateurs d'innovations.

    La politique d'innovation de la chine va de pair avec la volonté de construire un système national d'innovations solide et efficace, comparable à ceux que l'on retrouve dans les grands pays industrialisés.

    2.1.1. LE SYTEME NATIONAL D'INNOVATION CHINOIS (SNI)

    2.1.1.1. Les transformations du SNI chinois

    - La tentative de réorganisation des interactions entre les acteurs de l'innovation (utilisateurs, producteurs, gouvernement)

    La Chine a commencé en réalité à organiser son modèle institutionnel de la science et de la technologie à partir des années 50. Sous l'initiative du parti communiste chinois, il a été question de mettre en place des institutions d'Etat à vocation scientifique et technologique.

    A cette époque l'idée principale était la séparation entre deux sphères de l'activité économique : l'activité d'innovation et de recherche et l'activité de production. La première entité est totalement sous l'autorité du régime communiste et la seconde est assurée par les entreprises. Tous les laboratoires et centres de R&D étaient organisés sous l'égide de l'autorité publique et toutes les décisions étaient à l'initiative de celle-ci, indépendamment des entreprises. Ce système était calqué sur le mode d'organisation soviétique, dans lequel l'activité de recherche se concentrait dans quelques institutions d'Etat, parmi lesquelles l'Académie de Sciences de la Chine (ASC) tenait une place prépondérante au détriment des universités.

    C'est à partir des années 80 que la Chine, va essayer de redéfinir un nouveau modèle structurel de gestion de l'activité scientifique. Le modèle organisationnel de séparation entre l'innovation et la production ayant montré son incapacité à s'adapter à l'économie de marché. La date cruciale est l `année 1985, date à laquelle le comité central du parti communiste chinois décide de réformer le modèle organisationnel de gestion de la science et la technologie en Chine. L'objectif central de la réforme était de réorganiser les relations entre les producteurs d'innovations, les utilisateurs d'innovations et le gouvernement (Lundvall et Gu Shullin, 2006). Ceci dans un contexte ou la nature de l'offre et la demande, et les modes de coordination sont en cours de changement. Il était donc essentiel de reformer un pilier essentiel de la croissance économique, qu'est l'innovation, par le biais de la science et la technologie.

    Cette réforme se concrétisera d'ailleurs par la création en 1986 de la Fondation Nationale Chinoise pour les Sciences de la nature (FNCS). Cet organisme est totalement conçu sur un modèle libéral, attribuant des subventions à des projets de recherche sélectionnés sur appels d'offres. Son but est de dépasser les cloisonnements ministériels et Etatiques et de développer les coopérations internationales. C'est la première fois en Chine que la recherche est financée sur une base compétitive, notamment par le biais de programmes incitatifs.

    - Organisation et redéploiement des compétences

    La réforme du système d'innovation chinois est axée sur deux grandes orientations : d'une part la mise en place d'un « marché technologique » (Lundvall et Gu Shullin, 2006) qui jouait le rôle de canal pour le transfert de technologie, en relation avec les centres de R&D. Et d'autre part, la mise en place d'un fond public d'allocations pour la recherche. L'objectif étant de fournir une plus grande autonomie aux centres de recherches, ce qui leur permet de réagir librement et efficacement aux sollicitations et aux contraintes du marché telles que les appels d'offres, et le recrutement du personnel engagé dans des projets.

    La réforme du système national d'innovation chinois, connaîtra un nouvel élan lorsque les autorités prendront conscience de la difficulté du « marché technologique » à jouer efficacement son rôle de canal de transfert de technologie. En effet, non seulement l'étroitesse du marché ne permettait pas de générer des revenus conséquents pour supporter les coûts de la recherche, mais aussi les utilisateurs d'innovation se trouvaient dans l'incapacité d'absorber les transferts de technologie. Le gouvernement chinois réagira à cette situation par le lancement en 1987 d'une politique de promotion des fusions entre les centres de R&D et les entreprises. Cette politique de fusion sera également affectée par des contraintes liées aux différences structurelles institutionnelles et organisationnelles entre les centres de recherche et les entreprises. Ce qui ne sera pas facile à surmonter.

    L'année suivante en 1988, le programme TORCH est lancé. C'est un programme de soutien à l'innovation initié par le Ministère des Sciences et Technologies chinois (MOST). Il a pour objectif de développer l'industrie des produits de haute technologie en vue en particulier de l'exportation. La mise en oeuvre de ce programme repose sur des moyens diversifiés allant des parcs technologiques, à l'aide aux sociétés innovantes en passant par les incubateurs. Ce programme est mis en oeuvre par le Torch Hi-Tech Industry Development Center qui dépend du MOST. Il est relayé au niveau provincial, par les bureaux pour la Science et la Technologie. Les domaines scientifiques prioritaires du programme TORCH sont l'électronique, l'informatique, la microélectronique (Micro Electro Mecanical Systems), la mise au point de nouveaux matériaux, la maîtrise de l'énergie et des nouvelles sources d'énergies, les biotechnologies, la protection de l'environnement et le développement de nouveaux médicaments.

    A partir des années 1990, les effets des réformes commencent à être visible. Grâce à une série d'initiatives qui ont permis la transformation du système d'innovation chinois.

    - le point sur les transformations du système d'innovation chinois

    A l'heure actuelle, le système d'innovation chinois a beaucoup évolué. Il est basé sur trois piliers : les acteurs de l'innovation (centre de R&D, les industries à fortes intensité capitalistique, qui apportent aux utilisateurs les technologies incorporées dans les biens produits), les flux technologiques (acquisition de machine(MP), acquisition de matériel technologiques (SMP), investissements directs étrangers (FDI), licences (TL), l'accès aux biens intermédiaires issus de l'innovation industrielle, pour assemblage (OEM)), l'interactivité entre les acteurs locaux et internationaux de la recherche (Lundvall et Gu Shullin, 2006). La figure 216(*) illustre les transformations du SNI chinois de la phase A à la phase B.

    Figure 2. : Les transformations du SNI chinois

    TL: Technology Licensing

    SMP: Sample Machine Procurement

    PE: Procurement of Equipment

    FDI: Foreign Direct Investment

    OEM: OEM Assembly

    B

    R&D Institutes and Universities

    Capital goods Industries

    Domestic Manufactures

    Domestic and International Markets

    TL, PE, FDI + academic exchange

    PE, FDI, TL

    OEM

    R&D Institutes

    Capital Goods Industries

    Domestic Manufactures

    Domestic Market

    A

    TL, SMP

    Source : (Lundvall et shulin Gu, 2006)

    Cette transformation a permis la mise en place d'une série d'initiatives qui ont favorisé la promotion de l'innovation. Nous résumons ici les cinq principales :

    · Création de centres d'innovation

    L'une des caractéristiques principales de ces centres est leur rôle de fournisseurs de services de base (essais, normes, informatisation). Ils sont aussi souvent associés à des clusters industriels.

    Mais parfois, ces centres d'innovation arrivent à dépasser leur rôle de simples fournisseurs de services d'appoint pour devenir fournisseurs de modèles et prototypes. Le centre de Xiqiao est un bon exemple avec son industrie des textiles de coton. Il y a 1670 entreprises dans les textiles (tissage, impression, broderie industrielle). On trouve à Xiqiao un total de 2600 machines à tisser. La taille des usines est petite et disparate et leur niveau technique est assez faible. Depuis, 1999, le centre a produit plus de 8000 motifs de textile conçus sur ordinateur dont la plupart sont utilisés par les entreprises. Un lien très fort existe entre le centre et les entreprises, notamment du fait que le centre sert d'intermédiaire pour tout ce qui concerne l'informatisation des entreprises. La clientèle du centre s'est aussi élargie au-delà du cluster industriel (Arvanitis, 2004).

    La deuxième caractéristique de ces centres d'innovation est leur adaptation aux conditions de l'industrie locale. Chaque centre d'innovation affronte des structures industrielles très différentes et la nature du secteur de production influence évidemment beaucoup leur fonctionnement. L'information est souvent au centre des préoccupations mais aucune expérience précédente de veille technologique ne permet aux employés des centres de vendre de l'information qui se limite dans la plupart des cas à des pages Internet et dans le meilleur des cas à des systèmes B2B. En fait, les demandes des entreprises en formation ou en gestion sont très au-delà de ce que ces centres peuvent fournir. La faiblesse des liens avec les universités et écoles techniques rend ce travail de connexion encore plus rare et difficile.

    · L'appui aux entreprises

    Ce sont les subventions et les aides qu'apportent les autorités aux entreprises pour faciliter leur entrée dans les marchés : financements directs, crédit d'impôts, facilitation de démarches, ouverture aux marchés publics. Ces appuis se décident surtout au niveau national et dans les domaines dits stratégiques et «sensibles».

    Au niveau local, les PME reçoivent non pas des financements directs mais des appuis en nature: paperasse administrative facilitée, autorisations d'exportations et d'importations, prix du terrain, aides à monter des collaborations avec des étrangers, promotion de l'information, promotion de la formation notamment des patrons de PME dans des domaines qui vont de la technique à la gestion. L'ensemble de ces mesures locales revient donc soit à promouvoir essentiellement l'infrastructure nécessaire au bon fonctionnement industriel, soit à faciliter les contacts avec les autorités.

    Une partie de cette politique est très visible et clairement affichée. Ce sont toutes les initiatives envers les entreprises de haute technologie, sous le chapeau du programme 86317(*) (initié en mars 1986) ou « super 863 » (en 1996). L'appui à certains domaines de haute technologie a permis de créer effectivement de nouvelles ressources technologiques.

    · Soutien à la création de clusters industriels ou systèmes productifs locaux

    La promotion des clusters industriels est l'une des formes principales de renforcement de la politique industrielle et technologique. Ce sont des secteurs industriels qui existaient auparavant et se consolident sur la base d'industries déjà installées. La plupart du temps, ces « clusters » industriels correspondent à des marchés assez anciens de pièces ou de produits spécialisés dans des secteurs traditionnels tels que le textile par exemple.

    Parfois, des clusters sont créés dans des secteurs modernes, sur la base d'industries d'assemblage. La dynamique initiale a surtout été le fait soit des investissements locaux (petites entreprises de village, entreprises d'état ou locales qui se sont reconverties) ou d'investissements de chinois de la diaspora, qui peuvent parfois être considérables.

    La nomination de clusters déjà existant en «clusters industriels» officiellement reconnus permet d'accéder à certaines ressources technologiques et à une priorité en termes politiques. Ce détail a une importance capitale pour les entreprises car elle ouvre l'accès à des ressources plus diversifiées (Arvanitis, 2004).

    · Redéploiement des anciens centres et unités de recherche

    Les anciens centres de recherche ou centres techniques sont transformés en entreprises. Cela passe par l'autofinancement et la nécessité de développer des ressources externes pour continuer à exister. Pour répondre à cette nouvelle donne, le moyen le plus simple est la vente de produits et parfois de services. Les centres mettent donc au point des séries de produits relativement faciles à concevoir et s'engagent dans la commercialisation. Cette attitude est la réponse à une injonction claire des tutelles. En outre elle vient après plus de vingt ans de réformes successives des danwei (unités) de recherche dans tous les domaines et particulièrement dans la métallurgie et la mécanique qui a été le pilier de l'industrialisation durant la période maoïste (Gu Shulin, 1999).

    · Création de parcs technologiques

    Les parcs technologiques ont joué un rôle important dans le développement de la communauté scientifique et technique chinoise. Ces parcs technologiques permettent aux sociétés de sciences et technologie de coopérer et d'interagir en les plaçant à proximité l'une de l'autre. 54 parcs technologiques ont été créés en Chine dans le cadre de ce programme.. Les parcs visent d'une part à faciliter le développement des entreprises domestiques, et à les aider à l'exportation, et d'autre part à attirer des entreprises étrangères et des investissements étrangers. Les entreprises installées dans les parcs bénéficient d'un système d'allègement fiscal avantageux. Ainsi, les sociétés high-tech ne paient aucune taxe sur les bénéfices pendant les trois premières années, 7% de 4 à 6 ans et 15% au-delà de 7 ans (le prélèvement habituel étant de 33%) (Arvanitis, 2004). Ces avantages fiscaux sont aussi valables pour les industries étrangères s'implantant sur les parcs. Leur imposition est moindre si les productions sont exportées. De plus, elles peuvent bénéficier d'aides à l'obtention de crédit, et des taux d'intérêt aménagés.

    En 2002, ces parcs technologiques employaient près de 3,5 millions de personnes, soit 25 fois plus qu'en 1991. Leur chiffre d'affaires annuel dépassait 1500 milliards de yuans, pour une augmentation annuelle moyenne de 60%, entre 1991 et 2002. Enfin, la valeur ajoutée des produits commercialisés atteignait 328,6 de milliards de yuans (Arvantis, 2004). Le parc de Zhongguancun à Pékin est le premier qui a été mis en place dans le cadre du programme. La chine a aussi développé la « Beijing Economic and Technology Development Area », considérée comme le principal centre de fabrication pour les multinationales. Le Central Business District et le parc technologique de Tianzhu devraient aussi attirer des investissements étrangers importants. Dans les autres régions, de nombreux parcs technologiques ont aussi été développés hors du cadre de ce programme. Dans les autres provinces, les parcs technologiques de Shanghai comptent parmi les plus avancés. Vient ensuite la zone de Xi'an, ayant généré 9.1 Milliards de yuans en 2001. La construction de la zone technologique de Xi'an prit 10 ans, mais à la fin de 2001, 4000 sociétés (dont 488 firmes étrangères) étaient en activité dans la zone (Arvanitis, 2004).

    Les réformes engagées par la Chine pour moderniser son système national d'innovation ont non seulement été un préalable pour répondre aux contraintes de marché liées à l'économie globalisée, mais elles ont aussi produit d'énormes résultats dont quelques-uns des plus significatifs viennent d'être énumérées. Cependant, malgré ces performances remarquables, le système d'innovation chinois présente encore quelques faiblesses dont il est important de rappeler.

    2.1.1.2. Les faiblesses du SNI chinois

    - Pas d'effet systémique

    Le degré des interactions et les effets d'apprentissage entre les acteurs locaux du SNI chinois restent d'un niveau très faible. La maîtrise et le transfert de technologie sont surtout dominés par les technologies incorporées dans les équipements, les machines et les composants importés. Il existe rarement ou presque pas de politique d'innovation orientée pour un secteur industriel précis. Que ce soit au niveau des centres d'innovation, des gouvernements locaux ou dans la mise en place des parcs technologiques, c'est l'entreprise qui est visée comme utilisateur final. L'industrie ne joue pas son rôle de centre d'innovation pour l'économie nationale en fournissant les méthodes nouvelles et les moyens de production appropriés bénéfiques à tous les acteurs de l'économie (Lundvall et Gu Shulin 2006). Les entreprises sont donc obligées elles-mêmes de trouver leurs sources d'approvisionnement technologique, elles s'orientent vers des clients étrangers qui deviennent de fait les véritables fournisseurs de technologie. Les Centres d'innovation sont souvent appelés à jouer ce rôle mais il est difficile à définir tant le niveau technologique des clients est faible. Leur manque d'expérience dans la gestion de l'information technologique rend difficiles les activités de veille technologique. Il paraît donc un peu prématuré de parler de systèmes régionaux d'innovation, moins encore d'un système national d'innovation (Arvanitis, 2004).

    - Pas assez de sources de financement de l'innovation

    Il y a assez peu de sources de financement de l'innovation. Les fonds servent plutôt à créer des centres de recherche, et des infrastructures. Quelques entreprises de capital-risque, se sont créées, principalement à Pékin et Shanghai mais pas dans les centres industriels du pays. De plus, les entreprises sont réticentes à s'engager dans le soutien d'activités de R&D de longue haleine (Arvantis, 2004). Le court terme est leur horizon et cela même pour des grandes entreprises. Les entreprises chinoises préfèrent plutôt s'insérer dans le marché de «  l'imitation », que d'investir dans des projets lourds de R&D, dont elles n'ont pas l'assurance que l'effort de recherche sera rentabilisé et suffisamment protégé par un système de propriété intellectuelle solide.

    - Une intégration verticale plutôt qu'horizontale sur la chaîne de valeur

    La Chine est intégrée verticalement sur la chaîne de valeur technologique, ce qui peut être un frein à la maîtrise totale du processus de production et à l'acquisition de technologies. Elle se positionne en effet sur une/ou plusieurs parties de la chaîne de valeur, mais pas en amont et en aval (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002). Les firmes chinoises sont également intégrées verticalement entre-elles.

    L'intégration verticale des firmes chinoises tire son origine de l'ancien système de planification soviétique, qui a survécu malgré les réformes. Principalement à cause de la volonté du gouvernement chinois de contrôler des secteurs industriels dits « sensibles ». L'objectif était en quelque sorte de contrôler la production et de la placer sous l'autorité du pouvoir central.

    2.1.2. LA RECHERCHE ET DEVELOPEMENT EN CHINE : DES PERFORMANCES REMARQUABLES MAIS CONTRASTEES

    2.1.2.1. Une augmentation rapide des dépenses de recherche et développement et un grand nombre de chercheurs

    Les efforts entamés depuis 20 ans par la Chine, pour améliorer les performances de son système d'innovation ont produit des résultats palpables. Elle a réussi à se positionner mondialement en bonne place des pays pour lesquels les dépenses de recherche et développement sont les plus élevées. La Chine serait devenu en 2006 le deuxième pays par l'effort de R&D en valeur absolue. De 0,6% de son PIB en 1995, ses dépenses de recherches se sont accrues pour atteindre 1,23% du PIB en 2004. Après une stabilité entre 1991 et 1998, les dépenses de R&D ont augmenté rapidement à partir de la fin des années 90, passant 0,7% à 1,07% en 2002 (Tableau 7).

    Le 10ème plan quinquennal en Chine avait pour objectif de booster les dépenses de R&D pour atteindre 1,5% en 2005. Même si l'effort de recherche en Chine est de loin comparable à celui d'un pays comme le Japon ou les USA, elle a quand même augmenté ses budgets de 10% entre 1997 et 2002.

    Mais en ce qui concerne la recherche fondamentale, les efforts de la Chine sont beaucoup plus modestes. Les grands pays industrialisés affectent entre 15 et 25% de leurs dépenses de R&D à la recherche fondamentale. Alors que la Chine est beaucoup plus engagée dans la recherche appliquée (Sachwald, 2007). En 2002, seulement 5,5% de ses dépenses en R&D étaient affectés à la recherche fondamentale comparée aux Etats-Unis où ce chiffre atteint 18%. En 2004, les USA ont consacré 0,5% de leur PIB à la recherche fondamentale contre 0,1% pour la Chine (OCDE, 2005).

    Le nombre de chercheurs a également augmenté de 77% entre 1995 et 2004. Avec 926 000 chercheurs, la Chine se situe derrière les Etats-Unis (1,3 millions), et l'Union Européenne (1,15 millions) et devant le Japon (650 000). Néanmoins, il faut reconnaître que lorsque ces chiffres sont présentés en valeur absolue,  « l'effet taille » (immensité de la population chinoise) de la Chine peut jouer un rôle important. Mais ce nombre devient beaucoup plus faible, si l'on considère plutôt le ratio du nombre de chercheurs pour 1000 emplois (Tableau 8).

    Tableau 7. : Dépenses de R&D (dépenses/PIB (%)) de la chine et quelques pays de la triade

     

    ANNEES

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    PAYS

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    Chine

    0,73

    0,74

    0,7

    0,64

    0,57

    0,57

    0,65

    0,65

    0,76

    0,9

    0,95

    1,07

    1,13

    1,23

    1,34

    USA

    2,71

    2,64

    2,52

    2,42

    2,51

    2,55

    2,58

    2,62

    2,66

    2,74

    2,76

    2,65

    2,68

    2,68

     

    EU

    1,86

    1,83

    1,83

    1,78

    1,77

    1,77

    1,77

    1,78

    1,84

    1,86

    1,89

    1,9

    1,9

     

     

    France

    2,33

    2,33

    2,37

    2,32

    2,29

    2,27

    2,19

    2,14

    2,16

    2,15

    2,2

    2,23

    2,18

    2,16

     2,1

    Allemagn

    2,47

    2,35

    2,28

    2,18

    2,19

    2,19

    2,24

    2,27

    2,4

    2,45

    2,46

    2,49

    2,52

    2,49

     2,5

    Japon

    2,76

    2,71

    2,63

    2,58

    2,69

    2,78

    2,84

    2,95

    2,96

    2,99

    3,07

    3,12

    3,15

    3,13

     

    GB

    2,07

    2,03

    2,06

    2,01

    1,95

    1,88

    1,81

    1,8

    1,87

    1,86

    1,87

    1,89

    1,88

     1,7

     

    Source : OECD factor book 2007, Economic Environmental and Social statistics, http://ocde.p4.siteinternet.com/publications/doifiles/302007011P1T068.xls

    Tableau 8. : Comparaison du nombre de chercheurs entre la Chine et quelques pays de la triade.

    PAYS

    Nombre de chercheurs

    Nombre de chercheurs pour 1000 emplois

    Etats-Unis

    1334628

    9,6

    Union Européenne

    1169633

    5,8

    Chine

    926252

    1,2

    Japon

    675330

    10,4

    Source : OEDC factor book 2007, Economic,Environmental and Social statistics, http://ocde.p4.siteinternet.com/publications/doifiles/302007011P1T069.xls

    2.1.2.2. Les brevets

    Les brevets peuvent être considérés comme l'indicateur de la créativité et du potentiel d'innovation d'un pays ou d'une région. Ils sont assimilables à tous les autres indicateurs de la science et de la technologie, ils nous permettent de comprendre le fonctionnement des systèmes nationaux d'innovation, et de mieux identifier les facteurs d'ordre scientifique et technique qui sont à l'origine de la croissance économique.

    Les brevets sont protégés par les DPI pour une durée limitée au-delà de laquelle, l'innovation est intégrée au domaine public.

    Comme tout indicateur de performance technologique, les brevets ne sont pas parfaits, et présentent quelques inconvénients. En premier lieu, toutes les inventions ne sont pas brevetées, et le niveau de protection des inventions n'est pas le même en fonction des pays et des secteurs. Le second inconvénient est lié aux différences de législation entre les pays, il n'existe pas pour l'instant une harmonisation des lois au niveau mondiale (Criscuolo et Martin, 2004).

    La plupart des grands pays industrialisés disposent d'une autorité dont le rôle est de protéger et de gérer les inventions. Au sein de l'Union Européenne, c'est l'office des brevets Européens EPO (Europan Patent Office), au Japon on a le bureau japonais des brevets JPO (Japanese Patent Office), et aux Etats -Unis la direction des brevets et des marques USPTO (US Patent and Trademark Office).

    La Chine elle aussi s'est dotée d'une structure similaire SIPO (State Intellectual Propriety Office). A partir du début des années 90, l'activité de cet organisme s'est fortement intensifiée. Dans sa politique d'ouverture, le pays avait besoin d'offrir aux investisseurs un cadre favorable à l'investissement et à l'innovation.

    Les chiffres présentés par le SIPO reflètent une augmentation exponentielle du nombre de brevets d'invention déposés en Chine (Figure 3).

    Les firmes étrangères sont le facteur principal qui a occasionné cette hausse dans le cas des brevets d'inventions (figure 4). La proportion des brevets déposés en Chine par les firmes étrangères et beaucoup plus élevées que dans les pays de la Triade (Criscuolo et Martin, 2004). Une grande partie des brevets d'inventions en Chine est surtout liée à l'importante présence d'investissements américains et à la moindre mesure de l'Union Européenne. De même la montée en puissance des inventions en Chine est aussi le résultat de la coopération scientifique internationale.

    Figure 3. : Evolution du nombre de brevets d'inventions déposées au SIPO entre 1990 et 2005

    Source : China's National Bureau of statistics 2006, www.stats.gov.cn

    Figure 4. : Evolution des brevets d'invention déposés en chine : comparaison entre les firmes étrangères et les firmes locales.

    Source : China's National Bureau of statistics 2006, www.stats.gov.cn

    L'entrée de la Chine dans l'organisation mondiale du commerce en 2001 et les réformes sur la propriété intellectuelle18(*) ont largement contribué à la croissance importante du nombre de dépôts de brevets dans ce pays. La mise en place d'un cadre juridique et économique favorable à l'innovation expliquerait 70% du boom du nombre de brevets observés entre 2000 et 2004 (Hu et Jefferson, 2005). L'ouverture de l'économie chinoise a favorisé la concurrence entre les firmes chinoises et les firmes étrangères, elles ont en réalité pris conscience de l'intérêt qu'il y avait à intégrer dans leur stratégie une politique d'innovation soutenue. L'intensité de la R&D et l'augmentation des dépenses de R&D pourraient aussi expliquer la croissance du nombre de brevets déposés en Chine. Mais les études et les indicateurs de l'OCDE présentent plutôt une élasticité très faible entre l'intensité de la R&D et l'évolution du nombre de brevets. Par contre cette élasticité est assez élevée lorsqu'il s'agit essentiellement des firmes locales chinoises (Sachwald, 2007). Ce qui renforce l'idée selon laquelle la délocalisation des centres de R&D vers la Chine à pour but l'adaptation des produits à la demande locale.

    Il faut cependant noter que les indicateurs de brevets dépendent en grande partie du pays d'origine de l'organisme dans lequel les données ont été fournies. Les indicateurs sont affectés par un biais appelé « home advantage bias» (Criscuolo et Martin, 2004). En effet, les institutions qui régissent la propriété intellectuelle dans les pays d'origine ont tendance à favoriser leur pays dans l'attribution des brevets. Pour les données du SIPO, on observera une large part de brevets d'origine chinoise, c'est le même cas pour l'EPO en Europe, et l'UPSTO aux Etats-Unis.

    Pour résoudre ce problème, l'OCDE a mis en place les brevets « Triadiques », ce sont des brevets reconnus à la fois par trois organismes nationaux de propriété intellectuelle : l'EPO, le JPO, et l'UPSTO. Ces brevets fournissent une base acceptable de comparaison au niveau international.

    Si on prend comme indicateur, les brevets triadiques, l'évolution des dépôts de brevets chinois, malgré une croissance rapide est beaucoup plus faible comparée à des pays comme les USA ou le Japon. Même si la Chine a doublé son nombre de brevets triadiques de 72 à 144 entre 1999 et 2002, ce chiffre reste toujours assez faible (Tableau 9). En 2003, l'UPSTO a classé la Chine au 21ième rang des brevets déposés aux Etats-Unis dont le détenteur était étranger, 0,3% des brevets étaient d'origine chinoises, alors que des pays comme Taiwan et la Corée détenaient respectivement 6% et 4,9% (Sachwald, 2007).

    Tableau 9. : Evolution du nombre de dépôts de brevets triadiques en fonction du pays d'origine

     

    ANNEES

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    PAYS

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    Chine

    13

    16

    15

    16

    19

    21

    40

    41

    72

    87

    128

    144

    177

    USA

    10183

    10554

    10362

    10920

    11990

    12842

    14431

    14868

    16296

    17554

    18064

    18954

    19222

    EU 25

    9106

    9419

    9841

    10815

    11318

    12549

    12941

    13942

    14998

    16044

    16168

    16001

    15990

    France

    1774

    1630

    1692

    1864

    1877

    2085

    2105

    2274

    2303

    2372

    2368

    2352

    2356

    Allemagne

    3655

    3851

    4005

    4351

    4727

    5323

    5463

    5901

    6389

    7144

    7275

    7244

    7111

    Japon

    8861

    8152

    8435

    8206

    9370

    10307

    10625

    10999

    12064

    12954

    12684

    12928

    13564

    GB

    1244

    1299

    1368

    1465

    1493

    1594

    1542

    1645

    1985

    2088

    2074

    2014

    2024

    Source : OEDC factor book 2007, Economic,Environmental and Social statistics, http://ocde.p4.siteinternet.com/publications/doifiles/302007011P1T068.xls

    2.1.2.3. Publications et coopération scientifique internationale

    Les publications scientifiques sont aussi des indicateurs fiables de comparaison de l'intensité de la recherche fondamentale entre pays.

    La part mondiale de la Chine dans les publications scientifiques s'est accrue de 88% en cinq ans de 1998 à 2007 (de 2,5 à 4,5%). A noter que 22,8% des travaux chinois donnent lieu à des co-publications avec des chercheurs à l'étranger : 1/3 avec l'Union Européenne ; 1/3 avec les Etats-Unis ; 17% avec le Japon19(*). En 1999, la Chine était au 10ième rang en terme de publications scientifiques mondiales, en 2004 elle a atteint la 5ième place. La coopération scientifique internationale permet aussi de mesurer le niveau d'internationalisation des activités de recherche. Elle a tendance à être plus intense dans les pays émergents que dans les pays de la Triade. Par exemple 43% des brevets d'inventions à Singapour sont le fruit de la coopération scientifique internationale, en Chine ce chiffre est de 18%, l'Union Européenne 7,3%, le Japon 2,9% et les Etats-Unis 11%. Les Etats-Unis sont le principal partenaire de la Chine avec une contribution de 60%, suivie de l'Union Européenne 40% et le Japon 7% (Criscuolo et Martin, 2004).

    Il existe une corrélation entre l'augmentation des dépenses de R&D en Chine et l'augmentation du nombre de publications scientifiques. Seong et Al. (2006) estime en outre que cette augmentation est principalement le fait de l'existence d'un large réservoir de talents (étudiants et chercheurs) et du stock de connaissances accumulées par le passé dans différents domaines de la recherche fondamentale. Les performances de la Chine sont particulièrement remarquables dans le domaine des Nanosciences et des Nanotechnologies. Bien qu'elle se soit lancée plus tardivement dans ces domaines que les grands pays industriels, elle a accompli des efforts considérables qui lui ont permis d'améliorer son classement mondial au niveau du nombre de publications scientifiques (Zhou et Leydesdorff, 2006).

    Cependant, malgré les bonnes performances de la Chine en matière de publications scientifiques, le taux de citation des articles chinois reste encore très faible (Tableau 10). Même s'il a augmenté de manière notable, il reste largement inférieur à celui des pays publiant le plus (Zhou et Leydesdorff, 2006).

    Tableau 10. : Classement des publications scientifiques et des citations de publications

    RANG

    PAYS

    NBRE DE PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES

    NBRE MOYEN DE CITATION PAR PUBLICATION

    1

    Etats-Unis

    2705652

    12

    2

    Japon

    713542

    7

    3

    Allemagne

    655586

    9

    4

    Royaume-Uni

    598470

    10

    5

    France

    484291

    9

    6

    Canada

    358007

    10

    7

    Italie

    310557

    8

    8

    Russie

    285856

    3

    9

    Chine

    236996

    3

    10

    Australie

    211549

    8

    Source : Seong et Al, 2005

    2.1.3. LA CHINE DANS LA DIVISION INTERNATIONALE DES PROCESSUS PRODUCTIFS ET L'ECHANGE DE BIENS TEHNOLOGIQUES

    La Chine est l'un des pivots les plus importants de la segmentation internationale des processus de production. La mondialisation des échanges, à permis aux firmes multinationales de tirer profit des avantages comparatifs qu'offrent différents pays. Elles ont ainsi pu signer des contrats de sous-traitance, d'approvisionnement ou d'outsourcing....

    Dans cette segmentation internationale des processus productifs, les pays en développement sont des fournisseurs à bas coûts pour les stades de production intensifs en travail, la Chine du fait de ses infrastructures, de la quantité et de la qualité de sa main d'oeuvre, est devenue la plus grande plate-forme mondiale pour l'exportation (Gaulier, et Al. 2006).

    En 2005, plus de la moitié des exportations chinoises provient d'opérations d'assemblage et de transformation de produits semi-finis et composants importés, menées pour l'essentiel (plus de 80%) par des filiales d'entreprises étrangères (Gaulier, et Al. 2006).

    Les exportations manufacturières de la Chine ont augmenté de 20 % par an au cours des années 80 et des années 90, et leur part dans les exportations mondiales est passée de 1,7% en 1990 à 7% en 2000 (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002). Cette expansion a été soutenue par des changements importants dans leur composition. Dans les années 80 les exportations chinoises ont été tirées par les industries traditionnelles (textile et habillement) et dans les années 90 par les produits électriques et électroniques. Entre 1980 et 1990, la part des produits de la filière textile dans les exportations chinoises a baissé de 32 à 26 %, tandis que celle de la filière électrique et électronique augmentait de 11 à 33 %. Ces évolutions se sont traduites par la percée chinoise sur de nouveaux marchés mondiaux au cours de la dernière décennie. En 2000, sa part dans les exportations mondiales a dépassé 10 % dans l'horlogerie, l'électroménager, l'électronique grand public, le matériel électrique (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002).

    Le commerce chinois en biens de haute technologie a également augmenté. Les importations chinoises de biens manufacturés à haute intensité technologique sont passées de 12 milliards de dollars en 1999 à 70 milliards en 2001, tandis que les exportations sont passées de 9 milliards de dollars à 64 milliards. Entre 2000 et 2001, la Chine a vu ainsi sa part dans les exportations mondiales de produits de haute technologie augmenter de 2% à 5% (Criscuolo et Martin, 2004). Ce pays est aussi devenu le premier exportateur mondial de produit TIC20(*) (Technologie de l'Information et de la communication) devant les Etats-Unis. Cette forte croissance contraste avec la stabilité des exportations japonaises sur les dix dernières années (Figure 5). L'Allemagne, la Corée du Sud et les États-Unis ont également augmenté leurs ventes, mais sans commune mesure avec la Chine, pour qui elles ont plus que triplé depuis 2000 (Sachwald, 2007).

    2.1.3.1. La Chine : premier exportateur mondial de biens TIC

    Aujourd'hui, la Chine est le premier exportateur mondial de produits TIC (Figure 6). Une grande part des industries de haute technologie en Chine sont des producteurs de biens TIC. Les biens TIC sont estimés à peu-près à trois-quarts des exportations chinoises de produits de haute technologie en 2001(Criscuolo et Martin, 2004).

    Figure 6. : Evolutions des exportations de TIC chinoises et de quelques pays de l'OCDE (Milliards de dollars)

    Source : OCDE, profils statistiques par pays, http://stats.oecd.org/wbos/viewhtml.aspx?queryname=338&querytype=view&lang=fr

    Depuis le début des années 80, les autorités chinoises ont multiplié les réformes économiques de promotion des exportations. On peut citer par exemple l'abaissement du niveau moyen des tarifs douaniers qui est passé de 41,3% en 1992 à 16,8% en 2001, et l'octroi d'exemptions tarifaires aux produits destinées à être transformés avant d'être réexportés (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002). Cette politique a segmenté le régime commercial chinois en plusieurs catégories tarifaires :

    -le commerce ordinaire qui recouvre les importations destinées au marché intérieur et donc soumises au tarif douanier normal, et les exportations essentiellement basées sur des inputs locaux ;

    -le commerce d'assemblage recouvre les importations destinées à être réexportées après assemblage ou transformation, qui bénéficient d'exemptions tarifaires, ainsi que les exportations issues de ces opérations ;

    - les importations de produits (équipement le plus souvent) réalisées par les investisseurs étrangers au titre de leur contribution au capital d'une filiale ou d'une joint venture. Elles bénéficient aussi de préférences tarifaires ;

    - diverses autres catégories de transactions qui bénéficient aussi de régimes douaniers préférentiels (compensation, commerce frontalier, etc.) (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002) .

    Cette politique de promotion des exportations a été très efficace. L'essor d'industries d'assemblage fondées sur des inputs importés a été au coeur de l'expansion du commerce extérieur chinois au cours des années 90.

    Depuis cette époque, l'assemblage des produits TIC a permis simultanément une augmentation des importations et exportations chinoises de produits de haute technologie (Figure 6). La Chine importe une grande partie de composants en provenance des pays asiatiques, pour les assembler et ensuite les exporter principalement vers les Etats-Unis et l'Europe.

    Figure 6. : Evolutions des exportations et importations chinoises de produits de haute

    technologie (en milliards de dollars).

    Source : (Sachwald, 2007)

    Cependant, malgré le dynamisme des entreprises chinoises dans le commerce de produits de haute technologie, les Etats-Unis restent néanmoins le premier exportateur mondial. En effet, les exportations chinoises de produits de haute technologie se concentre essentiellement sur les produits TIC. De plus la Chine reste très absente dans certains secteurs de haute technologie tels que l'industrie pharmaceutique et l'aérospatiale. Les exportations chinoises sont encore focalisées sur deux types de secteurs : les biens intensifs en main d'oeuvre comme le textile et l'habillement d'une part, et les produits TIC dont l'assemblage est intensif en main d'oeuvre d'autre part (Sachwald, 2007).

    La Chine est le premier exportateur mondial des produits électroniques grand public, d'ordinateurs et d'équipements de télévision. Elle a enregistré un surplus commercial de 120 milliards de dollars pour ces trois catégories de produits en 2005, mais par contre, elle a réalisé un déficit de 60 milliards de dollars dans le cas des composants électroniques (Sachwald, 2007).

    Le surplus commercial de la Chine résulte en grande partie du commerce avec les pays avancés et en particulier avec les Etats-Unis. Par contre les composants pour assemblage proviennent essentiellement de ces voisins asiatiques, dont les principaux partenaires sont la Corée et le Japon. En ce sens, les filiales des firmes étrangères implantées en Chine, pourraient jouer un rôle fondamental dans les exportations de produits TIC.

    2.1.3.2. Le rôle des firmes étrangères et des partenaires commerciaux de la Chine dans le secteur des TIC.

    Le dynamisme chinois dans le commerce des biens d'équipements TIC résulte essentiellement de ces relations commerciales avec d'une part les pays avancés, plus particulièrement les Etats-Unis et d'autre part ses voisins asiatiques (Japon, Corée, Singapour, Malaisie, Thailande).

    Les partenaires commerciaux de la Chine, ont pris part à des degrés différents, à l'expansion de son commerce en biens technologiques. Les pays asiatiques sont les principaux fournisseurs d'inputs destinés aux opérations d'assemblage. En effet la majeure partie de leurs exportations vers la Chine n'est donc pas destinée à satisfaire la demande intérieure chinoise mais à approvisionner en inputs les entreprises travaillant pour les marchés tiers. Leur cible n'est pas le consommateur ou l'investisseur local, mais la main-d'oeuvre chinoise. Ces flux reflètent la segmentation des processus de production entre les pays industrialisés d'Asie et le continent chinois, qui accueille les stades finals de production, intensifs en travail, délocalisés par les firmes étrangères (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002).

    Mais tel n'est pas le cas de l'Europe et des Etats-Unis qui détiennent de fortes positions dans les importations de la Chine. La Chine importe des biens intermédiaires dans le but de les assembler et d'exporter les produits finis à ses clients, dont les principaux sont les Etats-Unis, suivis par l'Union Européenne et le Japon (Criscuolo et Martin, 2004).

    Elle se positionne comme plate-forme mondiale d'exportations pour les industries asiatiques. Dans ses échanges de biens TIC avec ses partenaires commerciaux, la balance commerciale est excédentaire avec les Etats-Unis et l'Union Européenne, elle est déficitaire avec la Corée du sud et Singapour (Figure 7).

    Figure 7. : Balance commerciale de la chine dans son commerce de biens TIC avec ses différents partenaires en 2005 (Milliards de dollars)

    Source : (Sachwald, 2007)

    Les entreprises étrangères sont les acteurs majeurs des activités à haute intensité technologique en Chine. Selon la CNUCED (2005), elles contribuent à 25% de l'effort de recherche total des entreprises, ce qui est considérable comparé à des pays comme les Etats-Unis (14%) ou l'Allemagne (22%). Cependant leurs dépenses de R&D sont concentrées dans des activités de développement pour adaptation à la demande locale (Sachwald, 2007). L'étendue du marché chinois peut expliquer ce choix stratégique.

    Elles jouent également un rôle central dans la percée fulgurante des exportations chinoises, passant de 1,8 à 7% du marché mondial entre 1990 et 2005. L'apport de leur réseau de distribution international et de leur savoir-faire commercial a fait gagner un temps précieux à la Chine. Encore aujourd'hui, les entreprises à capitaux étrangers réalisent 60% du commerce extérieur chinois et 28% de la production industrielle, et la proportion est en hausse21(*).

    Le commerce intra-firmes entre les entreprises mères des pays asiatiques et leurs filiales sur le continent chinois représentent la partie la plus dynamique des échanges extérieurs de la Chine. La domination des filiales étrangères est particulièrement forte dans les échanges de produits électriques et électroniques où elles réalisent entre les trois-quarts et les quatre cinquièmes des échanges d'assemblage (Tableau 11). Elle reflète la densité des réseaux de production et d'échanges qui se sont mis en place en Asie dans ces secteurs (Lemoine et Unal-Kesenci, 2002).

    Tableau 11. : Part des filiales étrangères dans les exportations chinoises de produits TIC (en %).

     

    Part des filiales étrangères dans les exportations de produit TIC

    Part des filiales étrangères dans les exportations totales

     

    1998

    2003

    2003

    Ordinateurs

    99

    97

    15

    Composants électroniques

    81

    92

    5

    TV, électronique grand public

    96

    78

    5

    Equipements télécom

    96

    91

    4

    Source : Sachwald, 2007.

    Une étude menée par Sachwald (2007) montre que la Chine n'est pas spécialisée dans la haute technologie (Figure 8). En effet le faible coût de la main d'oeuvre locale est particulièrement attractif pour les opérations d'assemblage des multinationales du secteur des TIC. L'auteur estime que la Chine est logiquement spécialisée dans les productions intensives en travail. Mais la fragmentation des chaînes de valeurs permet pourtant à la Chine de contribuer à la production de produits intensifs en technologie. Pour lui « il serait donc plus approprié de parler de la Chine comme premier exportateur de travail d'assemblage dans les TIC », au lieu de premier exportateur mondial de produits TIC.

    Figure 8. : Poids des industries dans la balance commerciale par niveau d'intensité technologiques, 2005 (en % du commerce industriel)

    Source : (Sachwald, 2007)

    De même l'analyse de Lemoine (2005) va dans le même sens que la précédente : «  Les échanges de haute technologie de la Chine reflètent sa position dans la segmentation internationale des processus productifs. En effet, plus de la moitié de la haute technologie importée est incorporée dans des pièces et composants et/ou dans des inputs destinés aux opérations d'assemblage. Les quatre cinquièmes des exportations de produits de haute technologie sont issus des opérations d'assemblage et sous-traitance. L'intensité technologique des exportations chinoises résulte du contenu high-tech des inputs importés plus qu'elle ne reflète la capacité interne d'innovation ».

    2.1.4. QUELQUES FACTEURS CONTRIBUANT AU RENFORCEMENT DU POTENTIEL TECHNOLOGIQUE CHINOIS, LES OBSTACLES A L'AVANCEE TECHNOLOGIQUE ET LES PERSPECTIVES A VENIR.

    2.1.4.1. Les facteurs contribuant à l'amélioration des performances scientifiques et techniques de la Chine

    - Un large réservoir de talents à la fois sur le plan national et international

    Les réformes du système d'innovation chinois ont précédés des réformes du système éducatif et universitaire.

    L'un des principaux projets, est le lancement par le gouvernement du projet « Key Universities », il s'agissait de la création 100 universités axées sur la recherche fondamentale, et dont le rôle était de former des étudiants en doctorats et de faciliter la coopération entre les universités dans le domaine de la recherche et d'accélérer le rythme de la transmission des acquis scientifiques et technologiques. L'autre projet phare du gouvernement est aussi le lancement de l'ARWU (Academic Ranking of World University) donc l'objectif est de comparer les universités chinoises et les grandes universités du monde, en repérant les différences et les écarts au niveau des méthodes d'enseignement, des budgets allouées à la recherche et les performances des étudiants. L'ARWU est un classement mondial des universités initié par le ministère de l'enseignement supérieur chinois et l'Université Jiao Tong de Shangai. Ce classement, essaie d'homogénéiser les données et les critères afin de fournir des critères de comparaison au niveau international. Cela permet aux universités chinoises de s'améliorer afin de parvenir à occuper la tête du classement mondial des universités (WCU) (World Class University).

    L'un des résultats visibles de la politique de modernisation de l'enseignement supérieur en Chine est la construction de 43 parcs scientifiques et techniques d'universités d'Etat dont les travaux sont en cours. Certains sont devenus des bases très importantes pour la transformation des produits de hautes et nouvelles technologies.

    Aujourd'hui la Chine compte autant si ce n'est plus d'étudiants que les Etats-Unis et l'Union Européenne. En 2006, on comptait 2 273 établissements d'enseignement supérieur dans l'ensemble du pays, accueillant plus de 21 millions d'étudiants. L'enseignement pour la formation des aspirants chercheurs a connu un développement rapide. Il a connu une augmentation annuelle supérieure à 20% à partir de 200122(*). Selon l'UNESCO (2004), le nombre d'étudiants chinois dans les établissements d'enseignement supérieur avait doublé dans un laps de temps. Cependant la Chine paraît moins performante lorsque l'on estime le nombre d'étudiants en fonction de sa population (Tableau 12). L'effet taille joue encore ici un rôle important.

    Tableau 12. : Nombre d'étudiants inscrits en troisième cycle en 2004

    PAYS

    Nombre d'étudiants

    Nombre d'étudiants pour 100000 habitants

    Chine

    19 417 0 44

    1494

    Etats-Unis

    16 900 471

    5776

    Japon

    4 031 604

    3746

    Royaume-Uni

    2 247 441

    3791

    Allemagne

    2 185 224

    2660

    France

    2 160 300

    3600

    Source : UNESCO, http://www.uis.unesco.org/

    Pour Criscuolo et Martin (2004), la présence dans un pays d'un important nombre de personnes ayant un niveau de connaissances scientifiques poussée est importante pour le fonctionnement d'une économie basée sur la connaissance. Pour ces deux auteurs, le nombre d'étudiants inscrits dans les programmes avancés de recherche est encore trop bas en Chine comparée aux Etats-Unis et à l'Union Européenne.

    Selon une étude du cabinet McKinsey, bien que la Chine dispose d'un nombre élevé de jeunes diplômés, le nombre de jeunes professionnels réellement capables de travailler dans les entreprises étrangères est bien moindre. Le système éducatif chinois privilégiant l'enseignement théorique, la plupart des candidats à un poste d'ingénieur arrivent avec très peu de pratique, notamment dans la conduite de projets ou le travail en équipe. Les jeunes professionnels chinois ont un bon bagage théorique, une forte capacité d'apprentissage, mais manquent de compétences linguistiques et organisationnelles. La firme doit donc compléter leur formation pour qu'ils soient opérationnels.

    Les hommes politiques chinois ayant pris conscience des retombées dont pourraient bénéficier le pays des apports des chinois de la diaspora, notamment sur le plan organisationnel et technique, ont proposé un ensemble de mesures d'incitation pour aider les chinois non-résidents à créer des entreprises au pays. Des politiques de promotion de retour des chinois ayant étudié à l'étranger ont également été mises en place. Le gouvernement a instauré différentes politiques visant à faciliter le rapatriement et la réinsertion sociale des chercheurs chinois travaillant à l'étranger : traitement préférentiel pour le logement et la recherche, bourses universitaires spécifiques, meilleure transparence dans le partage de l'information.

    Une enquête menée par Saxenian (2002), sur l'impact des communautés immigrées de la Silicon Valley sur la croissance de leur pays d'origine23(*), soutient que la contribution à la croissance des pays d'origine des immigrés sera dans le long terme plus forte que leur contribution à la richesse et à l'emploi en Californie. En 2002, 125000 ingénieurs étrangers de la Silicon Valley étaient originaires d'Asie ; les immigrés indiens ou chinois représentent à eux seuls 40 % de ce total. Il existe des réseaux professionnels communautaires comme par exemple l'Institut chinois des ingénieurs et l'Association des fabricants américains d'origine asiatiques créée en 1979. Ces réseaux professionnels se sont multipliés à partir des années 90, et servent de canaux de recrutement et de sources d'information sur le marché du travail. Ils fournissent également aux nouveaux membres un accès aux modèles, contacts, conseils et source de financement tandis qu'ils engendrent la connaissance nécessaire à l'identification des opportunités de création d'entreprise. L'impact de ses réseaux professionnels communautaires sur le dynamisme entrepreunarial des immigrés chinois est assez significatif : selon cette même enquête, les ingénieurs chinois et indiens contrôlent plus de 29% des entreprises technologiques crées dans la région depuis 1980, contre 12% au début des années 80. Cette enquête révèle que 31% des immigrés chinois hautement qualifiés de la Silicon Valley ont fondé ou dirigent une entreprise, et 54% de ces immigrés envisageaient implanter leurs affaires en Chine. De plus, 43% projettent revenir au pays pour travailler ou créer une entreprise, l'enquête stipule également que les immigrés chinois de la Silicon Valley sont plus éduqués et plus compétents que leurs concitoyens restés au pays. Ceux qui retournent en Chine contribuent au processus de répartition mondiale du progrès technique et de créations d'entreprise. Des centres d'entrepreunariat et d'innovations en réseaux naissent du travail de ces immigrants grâce aux transferts de techniques et de modèles d'organisation d'entreprise, entre la Silicon Valley et leur pays d'origine.

    - Une politique d'ouverture favorisant les IDE

    .

    La politique d'ouverture de la Chine engagée dès le début des années 80 a permis à ce pays d'être l'une des destinations favorites des IDE. Aujourd'hui la Chine occupe le troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni (CNUCED, 2006). Ce positionnement est le résultat d'une stratégie nationale de promotion de l'investissement direct étranger. La promotion nationale de l'investissement direct étranger en Chine s'est articulée autour d'une part de mesures incitatives visant à orienter l'investissement dans des secteurs de technologie avancée (par exemple la réduction du taux de TVA et des possibilités d'amortissement fiscal accéléré dans les secteurs des logiciels et des circuits intégrés). Et d'autre part à encourager le développement des provinces les plus défavorisées. Le cadre général de stimulation de l'IDE reste fait d'avantages fiscaux et douaniers : exonération totale puis partielle d'impôt sur le revenu des entreprises, exonération de droits de douanes sur certains équipements importés, crédit d'impôt pour achat d'équipements locaux, etc. A cela peuvent s'ajouter d'autres types de mesures parmi lesquelles des facilités d'approvisionnement en devises ou encore un accès privilégié aux infrastructures locales24(*).

    S'il est incontestable que les IDE constituent une source de financement supplémentaire de l'économie chinoise, cependant leur importance se situe surtout dans le développement de la capacité industrielle et commerciale des entreprises chinoises, et les transferts de savoir-faire et de technologie directement ou indirectement par effet d'apprentissage sur les entreprises étrangères. Une abondante littérature précise d'ailleurs les importantes retombées technologiques dont peut bénéficier un pays émergent dans le commerce en biens intermédiaires et les IDE25(*).

    2.1.4.2. Une vue d'ensemble des obstacles au décollage technologique de la Chine.

    La Chine malgré ces performances remarquables en recherche et développement présentent encore beaucoup de contraintes d'ordre structurelles qui pourraient avoir un impact négatif dan son avancée technologique dans son système d'organisation de la recherche. On peut citer parmi les contraintes qui représentent un frein au décollage technologique :

    - La faible protection des entreprises et un système de droit de propriété intellectuelle peu solide.

    En effet le phénomène de copiage étant encore très développé en Chine, beaucoup d'entreprises créent des parts de marché et réalisent des bénéfices uniquement par l'imitation de produits. Elles ne voient donc pas l'intérêt d'investir dans l'innovation afin de mettre sur le marché des produits innovants, et même si c'était le cas elles n'ont pas la garantie que l'effort de recherche sera soutenu, rémunéré et protégé par un système de propriété intellectuelle viable (Criscuolo et Martin, 2004) ;

    - Des canaux de diffusion technologique limités.

    C'est l'une des faiblesses principales du système d'innovation chinois dont nous avons évoqué en début de cette deuxième partie. Il existe une difficulté de transfert des connaissances scientifiques entre les institutions publiques de recherche et le secteur industriel. Le gouvernement chinois a fait l'effort de mettre en place des passerelles permettant ces transferts, mais ils restent limités par le fait que la recherche scientifique est contrôlée en grande partie par les institutions d'Etat. En outre les entreprises ne sont pas encore complètement intégrées et de manière autonome dans ce système, ce qui peut être un frein à la libre circulation des connaissances. Les industries chinoises ont beaucoup plus misé sur l'importation des composants à haute valeur ajoutée technologique pour bénéficier efficacement des transferts de technologie ;

    - Une politique de restriction des IDE dans les secteurs dits « sensibles ».

    Le gouvernement chinois a mis en place une politique qui interdit aux IDE l'accès à des secteurs comme l'aérien, l'édition, les médias etc.26(*)Les structures de type joint ventures, par exemple, bien que rudimentaires, restent privilégiées par les investisseurs parce qu'elles bénéficient encore d'avantages fiscaux. Mais le cadre juridique et réglementaire des investissements limite la part de capital que peuvent détenir les investisseurs étrangers. Ce cadre juridique permet aux autorités centrales d'exercer un contrôle plus étroit sur les acquisitions étrangères dans des secteurs « sensibles », et éventuellement de s'opposer à de telles opérations en invoquant la menace sur la sécurité économique nationale. Dans ce contexte, l'intérêt des investisseurs à transférer le coeur de leur technologie en Chine reste limité, sauf dans le cas où ils détiendraient majoritairement le contrôle de l'entreprise ;

    - Pas assez de sources de financement.

    Les instruments financiers pour la R&D et l'innovation sont mal développés en Chine. Le système hérité de la Planification soviétique n'est pas conçu pour répondre aux besoins de financement de la R&D et de l'innovation. Le capital-risque, comme source de financement de R&D, n'est pas accessible à beaucoup d'entreprises chinoises, pour l'instant ce mode de financement est régie par le gouvernement chinois. En tout cas, il y a un manque de motivation réel des entreprises chinoises à se consacrer de manière ambitieuse à la recherche ;

    - Le personnel de R&D a un niveau de compétence en général beaucoup plus faible que dans les pays développés.

    Le problème vient du système d'éducation chinois, qui privilégie l'enseignement théorique. Ce mode d'enseignement n'est pas propice au développement des compétences techniques et à l'habileté lors de la résolution des problèmes. En plus le personnel chinois n'est pas assez formé dans les techniques organisationnelles et de gestion des entreprises ;

    - Part très faible de la recherche fondamentale dans l'effort de recherche.

    Malgré des dépenses de R&D élevées et en pleine augmentation, on peut souligner quand même la part très faible consacrée à la recherche fondamentale : 0,07% du PIB, contre 0,5% aux Etats-Unis par exemple.

    2.1.4.2. Les perspectives de l'évolution technologique en Chine.

    Les indicateurs internationaux utilisés pour définir les capacités scientifiques et technologiques de la Chine sont très contrastés (Sachwald, 2007). Il existe la plupart du temps un biais statistique du à « l'effet  taille ». Le classement de la Chine varie suivant qu'on utilise des indicateurs de taille ou d'intensité. En effet, la Chine est ainsi le troisième pays pour les dépenses totales de R&D et le second pour le nombre de chercheurs. Mais lorsque l'on considère par exemple le ratio du nombre de chercheurs par emploi ou le ratio entre les dépenses de R&D et le PIB, elle est moins bien classée. De même, la Chine est classée 9ième mondial au niveau des publications scientifiques, mais elle est beaucoup moins performante lorsque l'on intègre l'indicateur de citation au nombre de publications produites pour rendre compte de la contribution de la Chine à la science mondiale.

    En fonction de l'indicateur retenu, les capacités technologiques de la Chine peuvent paraître soit élevées soit moindre. C'est le cas lorsque l'on compare les brevets reconnus par le SIPO et ceux de l'EPO ou encore les brevets triadiques. Par ailleurs les différences de concept entre le système d'enseignement supérieur chinois et celui des autres pays contredisent souvent les indicateurs de qualité et rendent difficiles les comparaisons internationales. Un ingénieur dans le sens « occidental » du terme ne pourrait avoir la même signification selon qu'on est en présence de données chinoises ou Européennes.

    Depuis le début des années 80, la Chine a misé sur la science et la technologie pour booster son développement économique. Elle a engagé de nombreuses réformes pour moderniser son système national d'innovation et a mené une politique d'ouverture économique pour attirer les investissements directs étrangers, considérés comme canal de transfert de technologie.

    Elle est aujourd'hui la troisième destination mondiale des investissements étrangers, mais en même temps, la Chine se situe très loin derrière parmi les pays investisseurs à l'étranger. Ce qui la différencie largement des autres pays de la triade, qui sont tout d'abord les pionniers de l'investissement direct étranger sortant, dont l'augmentation ces dernières années tire son origine de la montée en puissance du phénomène des fusions-acquisitions transcontinentales (CNUCED, 2006).

    Néanmoins, la Chine ambitionne aussi de devenir un investisseur international de premier plan, surtout qu'elle a les moyens de sa politique. En effet, malgré les volumes importants représentés par l'investissement direct étranger (environ 75 Milliards de dollars en 2005), il occupe une place plutôt modeste au sein de l'économie chinoise. Les flux d'IDE n'ont jamais dépassé 14% de l'investissement total en capital fixe, et à peine 3,5% du montant total des financements levés chaque année. D'un autre coté, le taux d'épargne chinois étant l'un des plus élevés au monde (50% du PIB), et les financements internes suffisent à faire face aux investissements domestiques, même très élevés (l'excédent courant est de l'ordre de 6 à 7% du PIB). Actuellement l'accumulation rapide de réserves de change qui sont estimées à près de 1000 Milliards de dollars américains à l'automne 2006 est captée par la Banque Centrale, à laquelle les entreprises doivent remettre 80% de leurs rentrées en devises27(*).

    Même si l'investissement financier est encore très limité en Chine, il devrait prendre progressivement de l'importance par rapport à l'investissement de type purement industriel. En

    effet, la convertibilité partielle de la monnaie chinoise a eu jusqu'ici pour corollaire l'exclusion des opérateurs étrangers des marchés financiers domestiques et les limitations apportées aux opérations des banques étrangères. La diminution programmée de la part de l'Etat dans les entreprises publiques, la mise sur le marché des actifs gérés par les structures des quatre banques commerciales d'Etat et l'ouverture progressive des marchés financiers chinois, prévue par l'entrée dans l'OMC, devraient entraîner une montée en régime de l'investissement financier.

    La Chine a également mis en place un programme de réformes de la propriété intellectuelle. La protection de la propriété intellectuelle fait partie des nouveaux combats des autorités chinoises. Et à ce titre était organisé un forum le 24 avril 2007 à Beijing. Avec, pour introduire les débats, une intervention de la vice-Première ministre chinoise qui a insisté sur le fait que la protection de la propriété intellectuelle doit être considérée en Chine comme un facteur majeur de la compétitivité du pays. Après être revenue sur les progrès déjà réalisés, elle a annoncé les mesures qui devraient être prise pour rendre le système de protection plus efficace. Cette année, la Chine a révisé et mis au point 14 lois et règlements concernant les marques, les droits d'auteur ou les brevets28(*). La Première ministre a notamment affirmé que : « Avec le développement des nouvelles technologies, la croissance des secteurs du divertissement et la poursuite des phénomènes de mondialisation, la propriété intellectuelle prend aujourd'hui une importance jamais connue. C'est notamment pourquoi sa protection est jugée comme une option obligée pour la Chine si elle veut assurer la compétitivité internationale de ses entreprises. Des entreprises qui sont d'ailleurs appelées à prendre des mesures pour protéger leurs propres droits et intérêts, mais aussi ceux d'autrui. La protection de la propriété intellectuelle en Chine s'avère de plus en plus importante en dehors de la Chine. Avec les produits, les services et les techniques exportés depuis la Chine, avec les investissements chinois à l'étranger, les entreprises chinoises disposent d'un nombre de droits d'auteurs toujours plus important. La Chine va devenir un centre de recherche mondial. Un chiffre est éloquent : durant les dix dernières années, le nombre de demande d'inscription de brevets chinois aux Etats-Unis a été multiplié par 15. Par conséquent, en remplissant ses obligations, la Chine protège les droits d'auteur des autres, mais aussi ses propres droits d'auteur. »

    A plus long terme, le rôle de la Chine en tant qu'investisseur international gagnera en importance. C'est un objectif clairement soutenu des autorités chinoises qui visent à positionner la Chine comme un investisseur international de premier plan. Les résultats sont impressionnants : le flux annuel d'investissement direct sortant chinois est passé de 2 à 3 Milliards de dollars en moyenne à 5,4 Milliards de dollars en 2004 puis 12,2 Milliards de dollars en 2005. Le gouvernement prévoit une croissance de 22% en moyenne sur chacune des 5 années à venir, au terme de laquelle l'ID chinois atteindrait 60 Milliards de dollars en 201029(*). Ce qui pourrait être très bénéfique pour l'avancée technologique chinoise, puisque investir à l'étranger entraîne des exportations supplémentaires (machines, pièces détachées, composants), mais aussi des importations supplémentaires en provenance du pays d'accueil, qui peuvent être un gage de transfert de technologie.

    Les performances économiques de la Chine et son ascension rapide dans l'échelle des puissances économiques ont surpris et suscitent des craintes dans différentes parties du monde. Sa capacité technologique aussi a connu une grande ascension. La part du PIB consacrée par la Chine à la R&D a doublé en 10 ans passant de 0,6% en 1995 à 1,3% en 2005. Cela représente une augmentation moyenne des investissements en R&D de 20% par an dans un pays dont le PIB augmente de 10% l'an. L'OCDE a annoncé récemment qu'en Chine, le nombre des chercheurs travaillant dans le secteur de la R&D serait déjà de 923 000, plaçant là ainsi la Chine en seconde position30(*). Selon ce même organisme, OCDE (04-12-2006), à ce rythme elle aura atteint 2,2% en 2010 rattrapant l'Europe.

    Cependant, il est important d'observer les indicateurs de la capacité scientifique et technique de la Chine avec prudence, à cause de « l'effet taille » évoqué plus haut. Différents indicateurs brossent une image contrastée des capacités scientifiques et technologiques de la Chine. Mais d'après les indicateurs synthétiques, la Chine se classe un peu en dessous du Brésil et un peu au-dessus de l'Inde (Sachwald, 2007).

    Néanmoins, l'effort de la Chine en matière de R&D reste indiscutable. La Chine est en ordre de bataille et fait l'effort nécessaire pour devenir une puissance scientifique et technologique dotée d'une réelle autonomie dans sa capacité d'innovation. Elle entame son décollage technologique, construit des centres d'excellence et attire des centres de R&D étrangers, mais les faiblesses et les obstacles évoquées plus haut dans son décollage technologique, ne lui permettent pas encore de développer les composantes qui fondent les systèmes d'innovation performants. Mais le rattrapage est en cours, même s'il n'aura certainement pas lieu à très court terme. Si elle continue à ce rythme, la Chine sera un jour la seconde voire la première puissance mondiale en R&D. Mais cette perspective est encore largement inscrite dans le futur et reste à concrétiser. L'écart actuel entre la Chine et les principales puissances scientifiques de la triade (Etats-Unis, Union Européenne et Japon) est encore plus que confortable, d'autant que ces dernières ne resteront certainement pas leur niveau actuel. Mais reconnaissons que la Chine détient le potentiel nécessaire pour le rattrapage technologique et ce n'est plus qu'une question de temps.

    2.2. - L'INDE

    L'Inde est au même titre que la Chine un pays émergent engagé dans le développement technologique et la modernisation de son économie. Il a mené des réformes à partir du début des années 90 visant à renforcer son ouverture économique. Sur le plan interne, des mesures partielles de dérégulation et une politique fiscale expansionniste ont stimulé la croissance. Mais en même temps ont provoqué la montée de l'endettement interne et externe. Sur ce fond de déséquilibres structurels, plusieurs chocs déclenchent en 1991 une crise des paiements extérieurs qui conduit le gouvernement indien à amorcer un tournant dans sa stratégie économique. Un programme de stabilisation et de réformes structurelles appuyé par le FMI vise alors à libéraliser et ouvrir l'économie. Le volet externe des réformes comporte une réduction de la protection tarifaire et non tarifaire, l'introduction de la convertibilité de la roupie pour les opérations courantes à partir de 1994, une libéralisation partielle des opérations de capital, et enfin des dispositions autorisant et facilitant les investissements directs étrangers en 1997 (Chauvin et Lemoine, 2004).

    En 2004, L'Inde présentait un taux de croissance du PIB de 7% et pesait environ 6% de l'économie mondiale, contre 2% un an avant. La croissance du PIB par habitant en Inde a été de 3,8% en moyenne de 1980 à 2004.

    Les services ont été le moteur principal de la croissance de l'économie indienne depuis 20 ans. Le poids des services (services liés aux technologies de l'information et de la communication TIC) dans l'économie est passé de 37% en 1980, à 40% en 1990 et 51% en 2002, contre 17% pour le secteur manufacturier (Chauvin et Lemoine, 2003).

    L'Inde se positionne aujourd'hui comme un pôle majeur de la recherche scientifique mondiale dans certains domaines (Biotechnologies, médicaments générique...). Ce positionnement est le fruit d'une politique de R&D ambitieuse commencée en réalité dans les années 50, dont la déclaration de politique du Premier ministre Atal Bihari Vajpayee en 2003, témoigne de la priorité donnée à la science et la technologie dans le développement économique de l'Inde : « La connaissance est devenue une source de pouvoir économique et de puissance. Ce qui a conduit à des restrictions croissantes dans le partage des connaissances et à de nouvelles normes de propriété intellectuelle ».

    Fort de ce constat, les autorités indiennes ont énoncé une politique qui recoupe les préoccupations de la plupart des pays industrialisés en matière de science, de technologie et d'innovation. La recherche se voit assigner des objectifs très généraux dans les domaines alimentaires, sanitaires, énergétiques, environnementaux et en matière de sécurité nationale...

    2.2.1. UNE POLITIQUE NATIONALE DE R&D AMBITIEUSE

    2.2.1.1. La science et la technologie, piliers de la croissance économique

    Les ambitions de l'Inde en matière de recherche technologique ont été clairement définies dans le rapport « Vision 2020 » qui avait été conduite à la fin des années 90 sous l'égide du ministère chargé de la science et de la technologie. Cet exercice de prospective technologique avait permis d'élaborer des stratégies de développement destinées à renforcer la compétitivité de l'économie nationale dans dix-sept secteurs technologiques de pointe tels que l'aéronautique, l'avionique, les capteurs, la robotique, l'intelligence artificielle...

    La politique gouvernementale d'innovation vise à favoriser les échanges entre les institutions scientifiques publiques et privées, tout en encourageant les chercheurs académiques à améliorer leur niveau d'excellence pour atteindre les plus hauts standards internationaux. Les chercheurs académiques sont par ailleurs incités à développer les coopérations internationales en vue de favoriser le développement du pays.

    Un accroissement de l'effort de recherche a été engagé pour pouvoir réaliser ces objectifs. La part de la R&D dans le PIB est passé de 0,6% en 1980 pour atteindre 0,8% à la fin des années 90 (Tableau 13).

    Tableau 13. : Evolution des dépenses de R&D /PIB de l'Inde.

    ANNEE

    Dépenses de R&D/PIB

    1985

    0,83

    1986

    0,88

    1987

    0,91

    1988

    0,9

    1989

    0,86

    1990

    0,79

    1991

    0,78

    1992

    0,76

    1993

    0,79

    1994

    0,73

    1995

    0,71

    1996

    0,72

    1997

    0,77

    1998

    0,81

    1999

    0,8

    2000

    0,8

    2001

    0,7

    2002

    0,7

    2003

    0,7

    2004

    0,6

    2005

    0,6

    Source : http://www.obs-ost.fr (de 1985 à 1996) et UNESCO, http://stats.uis.unesco.org/unesco/TableViewer/tableView.aspx de (1997 à 2005)

    Le pays s'est également doté d'institutions de recherches solides et organisées sur le plan académique et administratif. La politique fédérale de R&D de l'Inde est pilotée par le ministère de la Science et de la Technologie et placée sous la tutelle du Premier ministre pour ce qui concerne notamment les questions d'énergie atomique et d'espace. L'action du ministère chargé de la R&D est organisée autour de ministères, de directions et de conseils. Les organismes sous le contrôle direct du ministère de la Science et de la Technologie sont : le Department of Science and Technology (DST), le Department of Scientific and Industrial Research (DSIR), le Council of Scientific and Industrial Research (CSIR), le Department of Biotechnology (DBT), le Department of Ocean Development (DOD). Celles dont la tutelle est partagée avec le Premier ministre sont le Department of Space (DOS) et le Department of Atomic Energy (DAE). Les entités de recherche placées sous la tutelle d'autres ministères sont principalement l'Indian Council of Medical Research (ICMR) ; le Defence Research & Development Organization (DRDO) ; le Department of Information Technology (DIT), l'Indian Council of Agricultural Research (ICAR) et le Department of Environment (DOEn). Quant aux universités et à leurs centres de recherche, ils dépendent du ministère du Développement des Ressources Humaines au niveau fédéral et dans une moindre mesure des gouvernements des Etats fédérés31(*).

    Parmi, tous ces organismes, il existe trois dotés d'un conseil scientifique autonome à l'échelle nationale : le (DISR), l'(ICAR), et l'(ICMR). Chacun dispose de son réseau de laboratoires, de bases et d'instituts, et traite des problèmes de recherche et développement. La recherche et le développement dans le domaine de l'énergie nucléaire sont supervisés par le département de l'énergie atomique, et ceux en matière de défense par le (DRDO) tandis que les départements techniques dépendant de différents ministères ont leurs propres divisions de recherche. On recense également le bureau indien des mines, la commission du pétrole et du gaz, l'Indian standards institution, ainsi que la commission des bourses de l'université indienne qui soutient, encourage la recherche dans les universités en créant, notamment, des centres de recherche de pointe dans diverses disciplines.

    L'Inde maîtrise des technologies de pointe dans les secteurs du nucléaire, de l'espace, des matériaux, de l'astrophysique et des super-ordinateurs, et se positionne sur des marchés stratégiques spécifiques (ex : le marché porteur de la conception et de la production de logiciels). Depuis peu, le gouvernement applique la logique de l'économie de marché à la recherche scientifique et technique, tout en favorisant l'adaptation de la recherche scientifique aux besoins de l'industrie et à la recherche de partenariats.

    Dans le domaine de l'énergie atomique et de l'espace, les réacteurs atomiques de l'Inde sont pleinement utilisés pour la recherche, l'agriculture et l'industrie, et les isotopes et radio-isotopes produits sont destinés au marché interne comme au marché extérieur (Etats-Unis, Australie, France, Thaïlande et Suède). Les objectifs principaux du programme spatial indien sont la recherche en haute atmosphère (qui comprend les études des particules neutres et la composition ionique de l'ionosphère), l'investigation des champs magnétiques et électriques associés à l'électrojet et leurs variations dans le temps en fonction de l'activité solaire, l'étude de la météorologie de la stratosphère et de la mésosphère, et diverses recherches en astronomie. Les progrès réalisés en météorologie équatoriale, en particulier pour la région spécifique de l'Océan indien, sont remarqués et ont été rendus possibles grâce à la base aérospatiale Thumba equatorial rocket launching station (TERLS), en collaboration avec des organismes américains, russes et français32(*).

    2.2.1.2. Un positionnement vers les secteurs à forte intensité en capital humain

    Le développement de l'économie de la connaissance, a favorisé la mise en place de nouveaux secteurs, à forte intensité en capital humain permettant ainsi à l'Inde de prendre place sur des créneaux dynamiques de la demande mondiale. La position géographique de l'Inde, qui la met à l'écart des processus d'intégration régionale dynamiques, freine sans doute l'internationalisation du pays. Les échanges de l'Inde avec le reste du monde sont principalement orientés vers l'Europe (28%), l'Asie de l'Est et du Sud-Est (22%) et l'Amérique du Nord (16%). En outre ses voisins d'Asie du sud ne constituent pas un pôle attractif.

    Ces échanges sont fondés sur des complémentarités traditionnelles entre pays développées et pays en voie de développement : biens d'équipement contre biens de consommations. Les exportations manufacturières représentent seulement 16% du PIB indien, ce qui est très faible comparé à un autre pays émergent comme la Chine 38% (Chauvin et Lemoine, 2003).

    L'insertion de l'Inde dans la segmentation internationale des processus productifs pour les activités intensives en connaissance ne s'est pas faite de la même manière que celle de la Chine. C'est-à-dire sur une spécialisation verticale et une industrie d'assemblage de composants pour exportation. Ainsi, les exportations indiennes de produits de haute technologie révèlent une stratégie industrielle différente de celle des pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est qui consiste à l'exportation massive de produits électroniques et de télécommunication, issus de l'assemblage de composants importés.

    L'Inde a plutôt misé sur les services, notamment les services informatiques. A partir du milieu des années 90, les exportations indiennes de services ont connu une croissance très rapide. Elles représentaient, en 1990, le quart des exportations de marchandises, en 2000, elles en représentaient près de la moitié. Cet essor a été largement porté par les services informatiques qui représentaient 35% des exportations totales de services en 2001. En 2003, l'Inde est en effet devenue, avec 20% des exportations mondiales, le premier exportateur de logiciels et services informatiques devant l'Irlande et les Etats-Unis. Dans ce domaine, elle a largement devancé la Chine et se trouve en concurrence avec les pays développés (Chauvin et Lemoine, 2003).

    Dans les services informatiques, la compétitivité de l'Inde s'explique par ses ressources en ingénieurs et personnels qualifiés, anglophones, dont les rémunérations sont très largement inférieures à ceux des pays développés. En outre, ce secteur est moins sensible aux obstacles qui limitent la compétitivité d'autres industries (déficiences des infrastructures, pénurie de capital), il est peu exposé à la résistance des structures en place et est largement orienté à l'exportation. L'essentiel des exportations de services informatiques est le fait d'entreprises indiennes travaillant pour des commanditaires étrangers et la majorité des exportations (70%) est destinée aux Etats-Unis, 20% pour l'Union Européenne, 5% pour le Japon33(*). L'existence de réseaux d'ingénieurs indiens recrutés par les firmes américaines dans les années 80, les politiques d'externalisation de tâches administratives, financières, logistiques etc. menées par les firmes américaines dans les années 90, ont favorisé le dynamisme de ce secteur (Chauvin et Lemoine 2003).

    L'Inde ambitionne également de devenir leader dans des secteurs tels que la biotechnologie et la pharmacie. Le pays dispose d'un personnel hautement qualifié et inséré dans les réseaux internationaux des institutions de recherche publiques de qualité, et dans de grandes firmes pharmaceutiques.

    Le secteur des biotechnologies bénéficie en Inde de facteurs particulièrement favorables et d'une conjoncture très porteuse soutenue par une forte demande intérieure. Avec une croissance d'environ 30% par an au cours des 5 dernières années, l'investissement dans le secteur des biotechnologies a dépassé les 200 Milliards € en 200434(*). En outre les modifications réglementaires et législatives, notamment les lois adoptées dans les années 70 destinées à faciliter l`acquisition des technologies étrangères, et la signature des accords ADPIC35(*) (par la possibilité d'octroi de licences obligatoires à l'exportation36(*)) ont permis à l'Inde de devenir le premier exportateur mondial de médicaments génériques et aux firmes indiennes d'acquérir 65% du marché local de produits pharmaceutiques contre 25% en 1971(Chauvin et Lemoine, 2003).

    2.2.2. LA PARTICIPATION DE L'INDE DANS LA PRODUCTION SCIENTIFIQUE MONDIALE

    2.2.2.1. Les publications scientifiques internationales

    Contrairement à la Chine, l'Inde occupe une place plutôt modeste au niveau des publications scientifiques mondiales. Mais l'indice d'impact des publications à deux ans a augmenté de 35% entre 1999 et 2004, contre 28% pour la Chine (Tableau 14).

    Tableau 14. Productions scientifiques de l'Inde et de quelques pays (1999-2004)

    PAYS

    Part/monde % de publications

    Indice d'impact à deux ans

    1999

    2004

    Evol. %

    1999

    2004

    Evol. %

    Inde

    2,1

    2,3

    10

    0,31

    0,42

    +35

    Etats-Unis

    29,4

    27,1

    -8

    1,46

    1,49

    +2

    Chine

    2,7

    5,2

    +89

    0,39

    0,50

    +28

    Japon

    8,8

    8,5

    -4

    0,84

    0,86

    +3

    Source : www.obs-ost.fr

    Cette place modeste de l'Inde peut être expliquée par plusieurs facteurs :

    - L'importance de la R&D dans les domaines stratégiques (armement, espace et nucléaire), qui sont largement soumis à des fortes restrictions de communication : ils représentent près des deux tiers des recherches conduites au sein des grandes agences scientifiques et technologiques indiennes ;

    - Les liens privilégiés qu'elle avait noués avec l'ancienne Union soviétique l'ont directement soumise aux effets de l'effondrement de la recherche russe ;

    - L'Inde est un pays en voie de développement qui a des besoins sociaux spécifiques et s'est fixé des priorités de recherche ne correspondant pas nécessairement aux domaines d'intérêts de la communauté scientifique des pays industrialisés. Ces travaux seront de ce fait moins susceptibles de donner lieu à des publications. Il en est ainsi par exemple pour les travaux concernant la malnutrition ou le développement de variétés végétales locales à haut rendement ;

    - Une bonne partie des chercheurs indiens sont en expatriation, et les résultats de leurs travaux sont souvent comptabilisés dans les statistiques du pays d'accueil ;

    L'Inde occupait en 2004 le troisième rang mondial des publications scientifiques et sa progression est supérieure à 10%. Dans le domaine de la biologie fondamentale l'Inde est le pays qui a le plus fort taux de progression au monde et présente un indice de spécialisation de 0,63. Dans les sciences physiques, elle occupe la deuxième place (Tableau 15 et 16).

    Tableau 15. Evolution des publications scientifiques en biologie fondamentale des cinq premiers pays au monde.

    PAYS

    Evolution

    % 1999-2004

    Indice de spécialisation

    2004

    Inde

    +37

    0,63

    Suisse

    +27

    1,13

    Russie

    +24

    0,52

    Brésil

    +23

    1,04

    Pays-Bas

    + 14

    1,13

    Source : www.obs-ost.fr

    Tableau 16. Evolution des publications scientifiques en sciences physiques des cinq premiers pays au monde.

    PAYS

    Evolution

    % 1999-2004

    Indice de spécialisation

    2004

    Corée du sud

    +28

    1,42

    Inde

    +22

    1,12

    Taiwan

    +16

    1,12

    Pologne

    +13

    1,52

    Brésil

    +12

    1,20

    Source : www.obs-ost.fr

    Pour un niveau de développement scientifique donné, le dynamisme scientifique d'un pays est attesté non seulement par le poids de sa participation dans la production des connaissances scientifiques, mais aussi par la visibilité internationale de ses articles. C'est-à-dire sa capacité à mettre en place des partenariats scientifiques dans des cadres variés : participation à des programmes internationaux, stratégies de collaboration avec des laboratoires d'excellence au niveau mondial.

    Dans une discipline donnée, le ratio du nombre de publications d'un pays produites en collaboration avec un pays étranger par rapport au nombre total de ses publications est une des mesures pour évaluer son niveau de collaborations internationales.

    La place de l'Inde dans les co-publications internationales est encore très faible 18% (Tableau 17). Quand on sait que la part d'un autre pays émergent comme l'Afrique du sud atteint 40%. Même si en Inde cette part a augmenté entre 2001 et 2004 de 17%.

    Tableau 17. Taux de co-publications internationales de l'Inde et de quelques pays émergents en 2004.

    PAYS

    Taux de co-publications internationales % (2004)

    Evolution 2001-2004

    %

    Inde

    18

    +17

    Afrique du sud

    43,5

    +25

    Brésil

    32

    -2

    Corée du sud

    24,9

    +10

    Source : www.obs-ost.fr

    2.2.2.2. Les brevets internationaux

    L'Inde n'occupe pas un classement appréciable pour les dépôts de brevets, il représente une part de 0,1% de demandes de brevets Européens (EPO) et 0,2% pour les brevets américains (USPTO) entre 1999 et 2004. Mais ce pays se distingue particulièrement dans deux disciplines les biotechnologies et la chimie où il présente les plus forts taux de progression, soit 384% et 577% respectivement pour les brevets Européens et 359% et 175% pour les brevets américains (Tableau 18, 19, 20, 21).

    Tableau 18. Demande de brevets européens dans la pharmacie et les biotechnologies pour les pays à plus fort taux de progression (2004).

    PAYS

    Part/monde %

    Evolution

    1999-2004 %

    Indice de spécialisation 2004

    Inde

    1,3

    +384

    3,17

    Chine

    1,6

    +278

    1,84

    Corée du sud

    1,6

    +140

    0,68

    Israel

    1,3

    +33

    1,32

    Japon

    11,1

    +10

    0,65

    Source : www.obs-ost.fr

    Tableau 19. Demande de brevets européens dans la chimie pour les pays à plus fort taux de progression (2004).

    PAYS

    Part/monde %

    Evolution

    1999-2004 %

    Indice de spécialisation 2004

    Inde

    1,2

    +577

    3,09

    Corée du sud

    1,7

    +216

    0,72

    Japon

    20,2

    +15

    1,17

    Pays-bas

    2,2

    +11

    0,84

    Canada

    1,3

    +11

    0,79

    Source : www.obs-ost.fr

    Tableau 20. Brevets américains délivrés dans la pharmacie et les biotechnologies pour les pays à plus fort taux de progression (2004).

    PAYS

    Part/monde %

    Evolution

    1999-2004 %

    Indice de spécialisation 2004

    Inde

    0,9

    +359

    12,44

    Taiwan

    0,6

    +97

    0,23

    Corée du sud

    0,9

    +56

    0,39

    Allemagne

    6,3

    +23

    0,91

    Israël

    1,1

    +22

    1,92

    Source : www.obs-ost.fr

    Tableau 21. Brevets américains délivrés dans la chimie pour les pays à plus fort taux de progression (2004).

    PAYS

    Part/monde %

    Evolution

    1999-2004 %

    Indice de spécialisation 2004

    Inde

    0,7

    +175

    9,99

    Corée du sud

    1,8

    +64

    0,75

    Taiwan

    1,1

    +44

    0,44

    Suède

    0,7

    +30

    0,75

    Australie

    0,5

    +28

    1,03

    Source : www.obs-ost.fr

    2.2.3. QUELQUES POLES D'EXCELLENCE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE EN INDE

    2.2.3.1. L'Inde : premier exportateur mondial de logiciels et services informatiques

    Le secteur des services en Inde est devenu l'un des moteurs principaux de la croissance. Ce secteur emploie seulement 22% de la force de travail en Inde, mais participe pour plus de 50% à la valeur ajoutée. Le dynamisme des exportations indiennes dans les services est surtout le fait des services informatiques. L'Inde aujourd'hui joue dans « la cours des grands » dans le domaine des services informatiques. Elle compte plusieurs grandes sociétés reconnues à l'échelle mondiale, membres de la liste OCDE des 250 premières firmes mondiales des TIC (dont Tata Consultancy Services, Wipro et Infosys), à la croissance rapide et ayant collectivement multiplié leur chiffre d'affaires par 8 entre 2000 et 200537(*).

    Les principaux services informatiques développés par les firmes indiennes regroupent : le développement logiciel, l'outsourcing ou offshoring, les ITES-BPO (Information Technology Enabled Services-Business Process Outsourcing)38(*) qui regroupent les centres d'appels, et le traitement de toutes les tâches administratives. Tout cela requiert une main d'oeuvre qualifiée et un potentiel scientifique puissant. Les exportations de services informatiques en Inde représentent en 2005, 4,1% du PIB (Tableau 21).

    Tableau 21. Evolutions des exportations de services informatiques par les firmes indiennes

     

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    % PIB

    1,9

    2,7

    2,9

    3,2

    3,5

    4,1

    Source : « Les réseaux mondiaux d'innovation, ANRT juin 2006, www.anrt.fr»

    Les firmes indiennes ont permis à l'Inde de devenir l'une des principales places mondiales de la création de logiciels. Elles ont commencé par offrir des services de sous-traitance, professionnels et personnalisés : conversion de codes et réécriture de programmes. Et elles ont ensuite évolué, parallèlement à l'essor des liaisons haut débit, vers des développements et services à plus forte valeur ajoutée en signant des accords en amont avec les grandes entreprises mondiales du conseil. Le secteur informatique indien compte parmi sa clientèle les plus grands groupes multinationaux, dans le domaine de l'industrie (General Motors, Boeing, Nokia...), comme pour les services (Lehman Brothers...). Les entreprises externalisent leur développement pour réduire leurs coûts tandis que les grandes sociétés occidentales de service informatique cèdent au « chant des sirènes » des co-sous-traitants étrangers pour préserver leurs marges. Par ailleurs ces entreprises ont ouvert de nombreux centres de R&D spécialisés en Inde. Comme Motorola avec le programme : Embedded solutions and services for 3G phones, UMTS and Cable Modem Systems, ou Texas Instruments : Develops embedded software for Broadband, Digital Signal Processor (DSP), Wireless terminal Device drivers and operating systems, Multimedia,CODECS, Integrated sofware development environment39(*). Et beaucoup d'autres, Intel, Schneider, Siemens, etc. De même les firmes indiennes ont entamé leur développement à l'international, c'est le cas d'Infosys qui a fondé une filiale de consultants aux Etats-Unis en venant défier sur leur terrain les grandes firmes américaines du secteur.

    Les services informatiques en Inde sont en pleine croissance. Le secteur affiche des résultats records, avec 30 Milliards de dollars de revenus en 2006, en progression de 31,4% par rapport à 200540(*). Il est clair que l'Inde possède un avantage comparatif important et durable en matière de développement de logiciels et de services informatiques. Les deux principaux facteurs économiques : en particulier une industrie nationale de composants informatiques ainsi qu'une demande croissante de logiciels sur le marché national et international sont déterminants pour maintenir la croissance dans le secteur informatique, ainsi que pour élargir son impact sur le développement (Singh, 2003).

    2.2.3.2. Des institutions d'enseignement de haut niveau

    Les établissements universitaires et assimilés représentent un pan significatif du système national de R&D et d'innovation, du fait de leur rôle de formation. A la fin des années 90, l'Inde comptait quelque 250 universités et environ 200 000 enseignants. Les établissements d'enseignement supérieur accueillaient environ 8 millions d'étudiants en 1998-1999, et 10 millions en 2003 (Khadria, 2004). Le pays dispose d'institutions d'enseignement de niveau mondial qui disposent tous d'installations d'excellence. On peut citer les deux plus importants : l'Indian Institute of Science (IISc) basé à Bangalore et du réseau des Indian Institutes of Technology (IIT).

    L'IISc regroupe une quarantaine de départements, de centres et d'unités, c'est un pôle d'excellence de la science et de la technologie indienne. Il délivre chaque année une centaine de thèses. La qualité des travaux des chercheurs de l'IISc, mesurée sur la base de l'indice d'impact de ses publications, a valu à ce centre d'être considéré comme un centre d'excellence dans le classement mondial des pôles de recherche.

    Les Indian Institutes of Technology (IIT) constituent une filière d'élite pour la formation scientifique. Le prestige de ces institutions, dont les premières ont été fondées juste après l'indépendance, rayonne au-delà des frontières du pays. Les diplômés de l'IIT sont, par exemple, très recherchés aux Etats-Unis où ils complètent souvent leur formation initiale par un doctorat. La moitié des promotions des sept établissements émigrent ainsi outre-Atlantique depuis des décennies. D'ailleurs la plupart des immigrés indiens ayant créé des Start-ups à la Silicon Valley sont issues de ces IIT.

    Parmi les centres d'excellence du système indien de recherches, on peut aussi citer le Tata Institute of Fundamental Research (TIFR) considéré comme une institution de référence en biologie, en chimie, en informatique, en mathématiques, en physique et en sciences de l'éducation41(*).

    2.2.3.3. Un domaine d'excellence : les Biotechnologies

    Pendant une vingtaine d'années, le gouvernement indien a beaucoup investi dans les biotechnologies en multipliant des initiatives pour la création d'institutions de recherche scientifique consacrées à ce domaine. En 1981, création de l'Institut national d'immunologie et du Centre de biologie cellulaire et moléculaire. En 1982, le gouvernement a fondé le bureau national des biotechnologies qui est devenu en 1986, la direction de la biotechnologie DBT (Departement of Biotechnology) qui dépend du ministère de la science et de la technologie. En 1983, création de l'Organisation nationale tissulaire et cellulaire et de l'Institut de technologie microbienne. Puis en 1988, création du Centre international de génétique et de biotechnologie (Ramani, 1998).

    La DBT a sous sa tutelle tous ces laboratoires voués principalement à la recherche fondamentale. Elle a été créée avec l'objectif de favoriser le développement de l'activité publique et privée ainsi que pour promouvoir les collaborations entre ces deux secteurs dans ce champ technologique, particulièrement en matière de génie génétique, d'immunologie, de culture de tissus, de génie enzymatique...

    Les biotechnologies en Inde concernent d'abord les firmes pharmaceutiques. Ce secteur peut être considéré à plusieurs titres comme un précurseur du rattrapage technologique de l'Inde. La production de médicaments a enregistré tout au long de la dernière décennie une croissance annuelle de l'ordre de 15 à 20 % et a réalisé un chiffre d'affaires de quelque 5 milliards de dollars en 2002.

    Les laboratoires locaux ont tout d'abord opéré une reconquête du marché indien. Entre 1995 et 2002, leur part sur le marché national est passée de 66,5 % à 76,5 %. Cette progression est liée au lancement de nouveaux produits. Et symétriquement, le tassement des positions des laboratoires étrangers découle en partie de leurs réticences à distribuer de nouvelles molécules, de crainte que celles-ci soient contrefaites par des entreprises indiennes, puis proposées à des prix plus bas que ceux que les acteurs multinationaux entendent pratiquer. Aussi certains groupes multinationaux ont-ils choisi de s'associer à des producteurs locaux - et de n'y faire fabriquer que les produits dont ils estiment qu'ils ne sont pas copiables. Ainsi Eli Lilly s'est-il rapproché de Ranbaxy dès 1992. De même le Français bioMérieux (qui emploie 54 personnes en Inde et y a réalisé un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros en 2003) a choisi de coopérer avec la société Avesthagen dans le domaine de la tuberculose42(*).

    Le secteur des biotechnologies connaît une très forte croissance des investissements, 26% entre 2003 et 2004, et 34% entre 2004 et 2005 (Figure 9). Ces investissements sont destinés à la fois à la R&D et à la création d'infrastructures de production et de recherche.

    Un marché extrêmement porteur (Figure 10) et l'écart salarial entre les chercheurs indiens et ceux des pays développés expliquent en grande partie ce dynamisme.

    L'Inde compte plus de 270 sociétés dans le secteur des biotechnologies, et dont 47% des ventes proviennent des exportations. Il se situe à la troisième place en Asie après la Chine et Hong -Kong. Les prévisions à long terme se situent autour de 5 Milliards de dollars de chiffre d'affaires en 201043(*).

    Le pays fournit à la fois les vaccins, les bio-génériques et les diagnostics à bas coûts. Les vaccins représentent plus de 300 Milliards d'euros avec un taux de croissance d'environ 30% par an.

    La croissance de ce segment est alimentée par les appels d'offre de l'OMS ainsi que par les programmes de vaccination du gouvernement indien. L'Inde est aujourd'hui le premier producteur mondial, en volume, du vaccin recombinant de l'hépatite B.

    Les produits bio-génériques : d'après une étude de Frost & Sullivan, les bio-génériques pourraient représenter un marché de plus de 16 Milliards de dollars d'ici a 2011. Les sociétés indiennes produisent déjà industriellement plusieurs médicaments issus des biotechnologies et sont particulièrement bien positionnées pour profiter des opportunités du marché mondial des produits génériques. 500 000 personnes en Inde travaillent dans des laboratoires qui produisent et vendent des génériques. Ceci a pour effet bénéfique, évidemment de permettre l'emploi local, et bien sûr d'approvisionner en médicaments peu chers les populations indiennes. Ainsi certains médicaments sont vendus jusqu'à dix fois moins cher que les originaux. La moitié des médicaments distribués dans le tiers monde pour lutter contre le sida proviennent désormais d'Inde.

    Le segment des diagnostics (78 M€ en 2004-05 - + 48% / 2003-04) est encore dominé par les importations mais les acteurs indiens développent une offre locale notamment en recherchant des accords de licences de technologie44(*).

    Figure 9. : Evolution des investissements dans le secteur des biotechnologies en Inde (En Milliards d'euros).

    Source : http://www.missioneco.org/inde/

    Figure 10. : Evolution de la taille du secteur des biotechnologies en Inde (En Milliards d'euros).

    Source : http://www.missioneco.org/inde/

    2.2.4. LES ATOUTS POUR LE DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE ET ECONOMIQUE DE L'INDE

    2.2.4.1. Les chercheurs indiens

    - Une communauté scientifique dense et mobile

    La communauté scientifique indienne serait la troisième plus importante au monde de par ses effectifs (4 millions annoncés). Le pays possède également près de 1 200 unités industrielles de recherche et de développement, 400 centres et instituts nationaux de recherche fondamentale appliquée, 216 universités et 6 grandes écoles d'ingénieurs de réputation internationale. L'impressionnant système universitaire est l'autre force vive de la science et de la technologie du pays. Plus de 250 universités et écoles d'ingénieurs forment chaque année plus de 200 000 scientifiques et ingénieurs (niveau master) et 5 000 docteurs45(*). Dans le cadre de la recherche fondamentale, le pays a mis sur pied des groupes de recherche avec des capacités de classe mondiale dans certains domaines de pointe comme la biophysique moléculaire, la neurobiologie, les cristaux liquides, les appareils biomédicaux, la superconductivité, l'astrophysique, le traitement parallèle et les sciences atmosphériques.

    La part des formations scientifiques et d'ingénieur représenterait actuellement environ 25 % de l'ensemble. Le stock de diplômés de l'enseignement supérieur dans les domaines de la science et de la technologie (S&T) est évalué en 2000 à quelque 6,5 millions de personnes. Seulement 150 000 d'entre eux seraient engagés dans des activités de R&D en Inde, principalement dans des laboratoires publics. Les autres titulaires de diplômes de S&T seraient pour une part engagés dans des activités non technologiques (par exemple du management) éventuellement conduites dans le secteur industriel. Et une autre fraction aurait choisi d'exercer ses talents à l'étranger46(*).

    L'émigration d'une main d'oeuvre hautement qualifiée débutée dans les années 90 a contribué à l'accroissement de la présence indienne sur la scène scientifique mondiale. Le mouvement était dirigé essentiellement vers les Etats-Unis. Le nombre d'étudiants indiens entrés aux États-Unis a fortement augmenté, passant de 15 000 étudiants en 1990 à près de 50 000 en 2001. Les États-Unis constituent la destination privilégiée des étudiants indiens, puisque près de 80 % de ceux qui se sont inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur d'un pays de l'OCDE en 2001 ont choisi les Etats-Unis (Khadria, 2004). En outre 165 000 Indiens résidant aux États-Unis en 1999 étaient des scientifiques et des ingénieurs titulaires d'un diplôme de niveau supérieur. Ils représentaient 13 % des résidents des États-Unis nés à l'étranger et titulaires d'un diplôme de niveau supérieur de science ou de sciences de l'ingénieur, pourcentage supérieur à celui de tous les autres pays. L'Inde représentait aussi une part importante des résidents des États-Unis nés à l'étranger et titulaires d'un doctorat en science ou en sciences de l'ingénieur, à savoir 16 % sur un total de 30 000 personnes ; elle occupait à cet égard la deuxième place après la Chine (Khadra, 2004). En 2005, 9,5% des étudiants étrangers ayant soutenu une thèse de doctorat en sciences et en ingénierie étaient d'origine indienne. Les étudiants indiens occupent à ce titre la deuxième place derrière la Chine (Tableau 22).

    Tableau 21 : Pourcentage d'étudiants indiens parmi les étudiants étrangers ayant soutenu une thèse en sciences et ingénierie aux USA entre 1995 et 2004.

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    11%

    11%

    13%

    11,6%

    10%

    9%

    8,8%

    7,6%

    8,1%

    8,4%

    9,5%

    Source : http://www.nsf.gov/statistics/

    - « Brain drain » contre « Brain bank »

    Les effets de la migration des travailleurs hautement qualifiés, (encore appelée « fuite de cerveaux ») sur le développement de leur pays d'origine, sont l'objet de beaucoup d'analyses dont les conclusions sont loin d'être consensuelles. Le phénomène de globalisation a conduit à la mobilité internationale du capital mais aussi à celle du travail. Dans les domaines de la science et de la technologie, on peut constater une immigration de « cerveaux » venant des pays en voie de développement vers les pays développés. On n'a vu naître de nombreuses inquiétudes de la part des décideurs de pays en développement et ceux des pays développés. Les pays en développement parlent de « pilage » de leur main d'oeuvre qualifiée par les pays développés, se voyant ainsi privés du potentiel humain nécessaire pour stimuler leur développement. Et du côté des pays développés, les différents centres de recherche délocalisés dans les pays émergents ont suscité des craintes face à l'emploi et au rattrapage technologique de ces derniers.

    Si l'on se place du point de vue d'un pays en voie de développement, la question de savoir s'il existe un effet positif ou négatif pour le pays d'origine est assez complexe parce-qu'on peut relever à la fois des effets positifs et des effets négatifs (Regets, 2007). Parmi les effets positifs pour le pays d'origine, on peut citer : le transfert de connaissance ; facilité par la collaboration internationale ; le retour des nationaux avec un bagage solide ; la création de liens avec les institutions étrangères de recherche ; l'exportation des connaissances qui pourrait permettre d'éviter de gros investissements internes en faveur de l'éducation ; les retombées économiques issues des effets des réseaux de la diaspora, le transfert de technologie...

    Comme effets négatifs, on peut citer : Le « brai drain », il s'agit d'une perte de productivité intérieure du fait de l'absence dans le pays de personnels hautement qualifiés ; les axes de recherches abordés, ne sont pas orientés en fonction des priorités locales (un laboratoire délocalisé en Inde peut plutôt engager des efforts de recherche pour le cancer que pour le paludisme par exemple) (Regest, 2007)...

    A partir des années 90, les autorités indiennes ont commencé peu à peu à modifier leur perception de l'émigration massive des chercheurs locaux, passant du « brain drain » au « brain bank » c'est-à-dire considérer cette émigration comme un atout pour le développement. Les déclarations du Premier ministre indien lors d'un séminaire consacré à la diaspora indienne à New Delhi en janvier 2001 atteste de l'importance que le pays donne à sa diaspora scientifique et le rôle qu'elle pourrait jouer pour son développement :

     «I would like to emphasize that we do not merely seek investments and asset transfer. What we seek is a broader relationship - in fact a partnership among all children of Mother India, so that our country can emerge as a major global player.»

    «My government's policy is to assist the overseas Indian community in maintaining its cultural identity and strengthening the emotional, cultural and spiritual bonds that bind them to the country of their origin.»

    Le gouvernement indien a donc mis en place des réformes dans ce sens. En 2000, le gouvernement a crée la Haute Commission de la Diaspora indienne. Elle doit évaluer la situation des P.I.O (Person of Indian Origin) et des N.R.I (Non Resident Indian), leurs aspirations et le rôle qu'ils pourraient jouer dans le développement de l'Inde. Un rapport final a été remis aux autorités en 2002. Il comprend une évaluation quantitative des communautés expatriées des catégories N.R.I et P.I.O qui atteint le chiffre de 17 millions de personnes, ainsi qu'une description détaillée de leur situation par pays (Khadria, 2004). Six chantiers ont été retenus :

    - Faciliter l'investissement et les transferts de technologie et de connaissance, de la diaspora en Inde.

    - Créer des institutions pour renforcer les liens culturels avec l'Inde.

    - Renforcer les mécanismes de protection des citoyens indiens expatriés.

    - Développer une politique de lutte contre les discriminations subies par la diaspora.

    - Transformer les membres de la diaspora en ambassadeurs de l'Inde.

    - Reconnaître la contribution de la diaspora au développement du pays par la création d'une distinction honorifique particulière et la mise en place de la double citoyenneté.

    Il a été également mis en place le programme TOKTEN-INRIST47(*) lancé par le CSIR et le PNUD. L'objectif est d'offrir des passerelles pour permettre aux expatriés de retourner au pays et s'insérer dans de meilleures conditions.

    Les universités indiennes ont également mis en place des politiques d'incitation au retour par des propositions de postes et des salaires motivants. Le secteur privé a aussi été appelé à employer dans les unités de R&D les nouveaux chercheurs venus de l'étranger, même si on a pu constater des conflits dans la gestion du programme TOKTEN entre les entreprises et le CSIR, dont il est reproché à ce dernier son fonctionnement bureaucratique (Khadria, 2004)

    2.2.4.2. La voie des TI (Technologie de l'Information)

    L'avantage comparatif que détient l'Inde dans les logiciels et services informatiques est soutenu à la fois (au-delà de la forte présence d'ingénieurs et scientifiques de haut niveau) par une industrie nationale de composants informatiques, une large présence de centre de R&D établis par les multinationales étrangères et enfin une demande croissante de logiciels sur le marché national et international.

    Il serait intéressant de voir dans quelle mesure le secteur des TI pourraient jouer un rôle d'entraînement et élargir l'impact de son développement à d'autres secteurs de l'économie nationale.

    - Un avantage comparatif réel

    Selon la NASSCOM (2007), l'industrie du logiciel et des services informatiques (BPO y compris) en Inde a enregistré une croissance de 31% entre 2005 et 2006 atteignant 29,6 Milliards de dollars, contre 22,5 en 2004-2005 (Tableau 22). Les exportations ont augmenté de 33% soit 23,6 milliards de dollars contre 17,7 en 2004-2005.

    Ce secteur comptabilise environ un million d'emplois directs de haute qualification et trois millions d'emplois indirects dans le Pays. Le segment ITES-BPO a crée environ 100000 emplois de haut niveau de qualification pendant la même période, celui des logiciels et des services en a créé 120000 (Tableau 23).

    Tableau 22. : Revenus issus de l'industrie des logiciels et des services informatiques en Inde (En milliards de dollars).

    Segment

    2004-2005

    2005-2006

    Exportations de logiciels et services

    13,1

    17,3

    ITES-BPO

    4,6

    6,3

    Marché domestique

    4,8

    6,0

    TOTAL

    22,5

    29,6

    Source : NASSCOM (2007)

    Tableau 23. : Emplois de hautes qualifications dans l'industrie indienne de logiciels et de

    Services informatiques (En milliards de dollars).

    Segment

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    2006

    Logiciel, R&D et services exportations

    110000

    162000

    17000

    205000

    296000

    390000

    513000

    ITES-BPO

    42000

    70000

    106000

    180000

    216000

    316000

    409000

    Marché domestique

    132000

    198114

    246250

    295000

    318000

    352000

    365000

    TOTAL

    284000

    430114

    522250

    670000

    830000

    1158000

    1287000

    Source : NASSCOM (2007)

    L'avantage comparatif de l'Inde en matière de services informatiques réside principalement dans l'existence des institutions d'enseignement scientifique de haut niveau tels que les IIT qui produisent des ingénieurs très qualifiés en grande quantité, (étant donné que l'activité de développement de logiciel, en passant par la modélisation, le codage, les tests et les finitions nécessitent une main d'oeuvre très expérimentée et possédant des compétences élevées en technologie de l'information), l'utilisation de la langue anglaise, les coûts de production bas. La construction de cet avantage a surtout bénéficié de l'augmentation de la demande née de la croissance générale du secteur des TIC dans les années 90 (Singh, 2003).

    Les TI sont envisagés par les dirigeants indiens comme un levier économique pour tout le pays. L'objectif de devenir une « superpuissance des technologies de l'information » était encore réaffirmé dans les années 90, avec la création de clusters spécialisés TI (Pune, Bangalore, Hyderabad), la construction d'infrastructures telles qu'un réseau à fibre optique reliant toutes les grandes villes indiennes, et le renforcement de la formation des ingénieurs.

    L'agglomération de Bangalore est un pôle de compétence de niveau mondiale, on la surnomme la Silicon Valley indienne. Les autorités indiennes ont contribué à l'attractivité de Bangalore en faisant la capitale intellectuelle du pays. D'ailleurs les plus grandes institutions d'enseignement scientifique de l'Inde se trouvent à Bangalore, dont le très célèbre Indian Institute of Science.

    Au milieu des années 80, la politique de libéralisation économique engagée dans le domaine des hautes technologies et la volonté montrée par le gouvernement de soutenir tout projet qui pouvait permettre d'attirer les entreprisses de haute technologie ont permis la mise en place des parcs technologiques et des concessions fiscales aux entreprises dont la production était destinée exclusivement à l'exportation. Ainsi, en 1985 la première multinationale à s'installer à Bangalore fut Texas Instruments48(*). Le rapport « Digital India49(*) » établie en 2001, stipule que la ville de Bangalore accueillait 160 sièges d'entreprises spécialisées dans les Softwares (Bangalore produit 35 % des logiciels indiens), 55 000 professionnels spécialisés dans les TIC, 103 établissements de R & D et 35 % des investissements par capital-risque en Inde. En 2004, lors de son bilan annuel, le Software Technology Parks of India (STPI) y recensait 746 raisons sociales. Cette ville compte actuellement plus d'ingénieurs que la Silicon Valley.

    - Un avantage comparatif à exploiter

    En général, les économistes identifient plusieurs facteurs pour expliquer la concentration des activités productives un seul lieu : les économies d'échelle, les économies d'agglomération qui découlent de la présence d'infrastructures publiques, et les externalités de connaissances.

    La spécialisation d'un territoire profite aux entreprises à proximité à cause du développement des infrastructures et les effets d'entraînement inter-sectoriels, ensuite l'intégration économique croissante et surtout l'intensité des externalités de connaissances permet de répartir l'activité sur l'ensemble du territoire (Catin et Al, 2001).

    Le développement des TI qui a entraîné la numérisation de l'information a permis de réduire considérablement les coûts de transaction dans les pays développés. Cela à également permis de réduire les coûts de recherche et de circulation de l'information, et aussi de limiter les contraintes liées aux coûts élevés des transports. D'où la montée en puissance du Webcommerce et des politiques de numérisation des services publiques dans les pays développés (fiche d'imposition en France).

    Pour Arrow (1962) l'information est un bien non rival, c'est-à-dire qu'un nouvel usager ne diminue pas l'information disponible pour autrui, cela implique donc que le coût marginal pour satisfaire un consommateur supplémentaire est nul.

    Un pays dit émergent comme l'Inde pourrait tirer parti de cette baisse du coût de production et de diffusion de l'information en facilitant l'extension des TI dans d'autres secteurs comme le secteur agricole, le secteur manufacturier et les activités sociales (Singh, 2003).

    Même si le marché des logiciels et des services en Inde est spécialement tourné vers une demande basée à l'étranger, l'Inde pourrait envisager de développer son potentiel en direction du marché local. Les firmes indiennes pourraient bénéficier dans ce cas de la proximité avec la demande, et donc une meilleure connaissance des besoins de celle-ci. Mais cela nécessiterai un effort supplémentaire de la part des autorités en termes de développement d'infrastructures de télécommunications et de banalisation des outils TIC au sein de la population. Cette difficulté pour les firmes indiennes de pouvoir développer un marché domestique pourrait avoir un impact négatif sur leur compétitivité dans le long terme, en ce sens qu'elles seraient privées d'un cadre dans lequel pourrait être mis en place le système du « learning by doing », qui facilite l'apprentissage et favorise l'innovation. Ce qui n'est pas le cas de leurs concurrents américains et irlandais par exemple (Desai, 2002).

    Toutefois il existe une très grande complémentarité, entre les TI et les autres secteurs de l'économie. Quand on voit la montée en puissance de l'ITES-BPO (37% de croissance entre 2005 et 2006, selon la NASSCOM), on peut penser que l'Inde pourrait réellement tirer parti de son avantage comparatif. Il existe la possibilité de créer des nouveaux produits et services disponibles à un large public en évitant de gros investissements en infrastructures de télécommunications.

    Il a par exemple été mis en place dans certains pays en développement souvent peu bancarisé, un système permettant de trouver des solutions alternatives innovantes au payement en espèce. Il s'agit pour les clients d'effectuer des transactions bancaires à partir de leurs téléphones portables. Au Nigéria, "Chezola Pay" permet le transfert, la réception d'argent, et le paiement de factures avec un compte rechargeable par carte prépayée. Au Kenya "M-Pesa" lancé par un opérateur de la place, est un service de paiement par SMS qui permet des transferts d'argent (jusqu'à 400 dollars) par le système de peer to peer. En Afrique du Sud, où plus de 70 % de la population possède un téléphone portable, trois millions de personnes auraient utilisé quotidiennement leur mobile, l'an dernier, pour accéder à des services bancaires. En Zambie, l'équivalent de 2 % du PNB du pays transiterait par la solution de paiement par mobiles50(*).

    Une autre approche serait de considérer les TI comme un secteur d'entraînement à l'instar du Japon dans les années 50, avec l'industrie automobile. L'avantage comparatif que détient l'Inde aujourd'hui dans le secteur des logiciels et des services informatiques pourrait constituer un levier permettant de réaliser à long terme cet objectif. Même si dans le cas du Japon, l'avantage comparatif dans l'industrie automobile s'est construit par une volonté politique de faire de ce secteur le pilier de la croissance, alors que l'avantage comparatif de l'Inde s'est construit de manière « accidentelle » (Singh, 2003), grâce à son vivier technologique et aussi grâce à l'augmentation de la demande globale dans le secteur des logiciels et services informatiques à partir des années 90. En outre, le secteur automobile avait été choisi comme levier de croissance et d'entraînement pour deux raisons : premièrement le potentiel de croissance du secteur automobile à cette époque, et aussi la diversité des technologies utilisées dans cette industrie, dont la maîtrise permettrait le développement à d'autres secteurs.

    Le gouvernement indien a mis sur pied de nombreux projets et initiatives pour bénéficier des retombées économiques des TI et faciliter leur extension à d'autres secteurs de l'économie. On peut citer :

    - La possibilité pour les agriculteurs de l'Etat de l'Andra Pradesh, d'un enregistrement assisté par ordinateur des titres de propriété et les droits de timbres. Diminuant ainsi la dépendance vis-à-vis des courtiers et les risques de corruption ;

    - La mise en place des cartes d'identité informatisées pour tous les citoyens de l'Andra Pradesh. Ce qui a permis de réduire considérablement les délais ;

    - Un poste de contrôle informatique, pour la perception d'impôts locaux dans l'Etat du Gujarat. Les données recueillies sont transférées et stockées par l'intermédiaire d'un serveur central, réduisant ainsi les risques de corruption ;

    - Création d'un site de payement automatique de factures d'électricité à Kertala. La mise en place de ce payement automatique à permis de regrouper un en seul site des payements qui s'effectuaient dans 17 sites différents (Singh, 2003)...

    2.2.5. LES CONTRAINTES LIEES AU RETARD DE L'INDE EN MATIERE DE TECHNOLOGIE ET D'INNOVATION.

    2.2.5.1. Les Infrastructures

    L'Inde malgré les efforts qu'il engage dans le domaine technologique est confronté à un réel problème d'infrastructures, notamment dans les zones rurales.

    Le secteur des services, à cause de l'expansion du traitement des données en réseau grâce au web a pu se dispenser de cette contrainte pour se développer. Les entreprises de services ont la possibilité d'échanger des fichiers avec leurs clients par voie numérique, et par des e-mails. Il y a même la possibilité de faire des téléconférences à distances pour des équipes se trouvant à de très grandes distances géographiques. La technologie par voie IP (Internet Protocol) permet aux centres d'appels de fonctionner parfaitement sans avoir besoin de grosses infrastructures de télécommunications. Cependant la montée en puissance du secteur TI en Inde qui est le segment le plus dynamique (31% de croissance) du pays se construit sur une base dont on pourrait dire instable. En effet, les infrastructures électriques, énergétiques, de transports et de télécommunications sont très peu développées. Autoroutes, ponts modernes, aéroports internationaux, approvisionnements fiables en énergie et équipements de traitement des eaux manquent dans le pays. Ce déficit d'infrastructures entraîne des instabilités et des disparités géographiques malgré la croissance. Seules quelques grandes villes comme Bangalore, Hyderabad, Madras, New Delhi, Gurgaon, Noïda, Calcutta, profitent de la croissance actuelle. Dans le reste de ce pays continent, le niveau d'infrastructure est désastreux.

    Conscient du fait que les difficultés liées aux infrastructures freinent la croissance, le gouvernement à fait des infrastructures une priorité nationale, l'Etat a consenti en 2005, un prêt de 3 milliards $ de la Banque Mondiale destiné au financement d'un programme d'infrastructure rurale en Inde, dénommé Bharat Nirman. Les principaux objectifs de ce programme sont de construire des routes, fournir de l'eau potable et installer du matériel d'irrigation dans les villages indiens, principalement à travers des projets exécutés au niveau des états51(*).

    2.2.5.2. Le financement de la recherche

    Le secteur privé tient une place globalement modeste dans l'ensemble de l'effort de recherche en l'Inde. En 2005, seulement 20% des dépenses de R&D indiennes sont assurées par les entreprises, contre 75% pour le secteur public (Tableau 24). Alors qu'en Europe en 2003 environ 53% de la R&D est exécutée par les entreprises, 63% aux Etats-Unis, et 75% au Japon52(*).

    La participation des entreprises indiennes à l'effort de recherche demeure encore très limitée comparée aux pays de la triade. Ceci peut-être expliqué par l'histoire récente de l'Inde, sa géopolitique et ses traits géographiques.

    En effet, suite aux relations économiques et stratégiques qu'elles entretenaient autrefois avec l'ex URSS, l'Inde avait opté pour une politique protectionniste. Cet environnement n'a pas été favorable au développement d'une culture de l'innovation industrielle : les entreprises indiennes pendant des décennies se consacraient essentiellement à la duplication, éventuellement sous une forme dégradée des produits et des procédés qui avaient été développés à l'étranger.

    Un autre facteur peu propice au développement d'une capacité d'innovation interne est l'immensité du territoire indien et de sa population. Les entreprises disposent en effet d'un marché national tellement vaste qu'elles pouvaient se permettre d'ignorer largement le reste du monde, surtout tant qu'elles bénéficiaient de barrières protectionnistes (Mani, 2002).

    Les organismes publics ont toutefois entrepris de créer une dynamique en matière de recherche appliquée. Un domaine de recherche se distingue tout de même par ses réalisations : les industries fondées sur la connaissance (Biotechnologies et TIC).

    Tableau 24. : Dépenses intérieures de R&D- répartition selon l'origine du financement(%).

    ANNEE

    Secteur public

    Entreprises

    Enseignement supérieur

    TOTAL

    2002

    76,5

    19,3

    4,2

    100

    2003

    75,6

    20,3

    4,1

    100

    2004

    75,4

    20,0

    4,6

    100

    2005

    75,3

    19,8

    4,9

    100


    Source UNESCO, http://stats.uis.unesco.org/

    2.2.5.3. Des centres de R&D, dont les axes de recherche sont plutôt orientés vers les marchés étrangers

    La stratégie des multinationales ayant délocalisée leurs activités de R&D en Inde est essentiellement basée sur une réduction des coûts de la main d'oeuvre qualifiée, et de plus la production est destinée principalement pour une clientèle résidant dans les pays développés. En effet, L'activité des salariés indiens des centres de recherches délocalisés en Inde n'est pas appliquée à des besoins de l'industrie nationale. Le travail novateur qui est effectué par ces chercheurs ou ces ingénieurs répond presque exclusivement à des demandes internes au groupe multinational auquel ceux-ci sont rattachés. Un ingénieur informaticien pourra ainsi développer un logiciel destiné à être utilisé aux Etats-Unis, au quartier général de la multinational. Un spécialiste des méthodes de production travaillera de même pour améliorer un processus de fabrication mis en oeuvre dans une usine européenne. Un chercheur en électronique développera un microprocesseur destiné à être produit en extrême orient. Les résultats de ces innovations ne sont donc pas susceptibles de se diffuser dans le tissu productif local, ils ne constituent pas des éléments propres à générer une hausse de la productivité globale des facteurs du pays53(*).

    Mais, les salariés issus de ces centres de recherches constituent tout de même un socle de compétences solides pour le pays. Ils ont aussi la possibilité comme la diaspora de développer des réseaux de diffusion des connaissances scientifiques à travers la création d'entreprises ou le transfert des compétences acquises vers les centres de recherches indiens. Avec l'avantage qu'ils sont résidents. Dans le cour terme, cette politique ne bénéficie pas directement au pays d'accueil, mais son impact peut se révéler très important dans le long terme.

    CONCLUSION

    L'Inde et la Chine ont su se positionner dans la nouvelle économie mondiale, chacun en utilisant de manière efficiente ses avantages comparatifs. Ces deux pays avancent à grand pas avec leurs faiblesses et leurs atouts. Mais ont tout de même pris conscience du rôle qu'ils pourraient jouer dans cette mondialisation.

    La Chine et l'Inde ont encore beaucoup de défis à relever que ce soit dans le cadre institutionnel, politique ou économique. La Chine se doit de construire un système d'innovation solide, pouvant protéger les innovations, et sortir de cette dépendance des importations étrangères afin de se doter d'une capacité d'innovation interne. L'Inde devra se doter d'infrastructures de qualité et réorganiser le financement et l'effort de recherche afin que sa forte intensité en capital humain puisse dégager des spillovers localement. De même la croissance enregistrée dans les TI devrait servir d'entraînement à d'autres secteurs. Ce pays a beaucoup plus intérêt à miser sur les TI, ce qui lui donnerait la possibilité de créer de nouveaux produits et services tout en évitant des investissements lourds en infrastructures. L'avantage comparatif qu'il détient à cause de sa main d'oeuvre hautement qualifiée pourrait lui servir, il devrait plutôt rester sur ce créneau et essayer d'asseoir sa suprématie.

    Cependant, on peut remarquer, vu les écarts actuels entre les pays émergents et les pays de la Triade que le rattrapage technologique est en cours, mais n'a pas encore eu lieu.

    Des efforts sont entrepris des deux cotés pour couvrir le retard technologique. Le transfert de technologie en Chine se fait en grande partie par les inputs importés qui serviront pour assemblage. En Inde il y a une spécialisation dans des secteurs intensifs en connaissance. Comparée à la Chine, l'Inde essaie de se spécialiser sur des secteurs industriels et technologiques de telle sorte qu'il devienne en même temps un centre d'excellence pour la R&D des entreprises multinationales et une super puissance technologique (cas du secteur des technologies de l'information).

    Ces deux pays disposent d'atouts qui pourraient leur permettre d'entamer efficacement leur montée en puissance technologique. Les faiblesses qu'on peut détecter ici sont pour la plupart d'ordre structurelles, même si elles peuvent représenter un frein pour le transfert de technologies, néanmoins, elles n'empêchent pas qu'il ait lieu.

    Si on admet qu'il y a transfert de technologie, on pourrait tout de même se poser la question du mode de transfert de technologie et de son optimalité. C'est-à-dire en termes de temps et d'efficacité.

    Comme nous l'avons rappelé durant notre exposé, une bonne partie de la littérature admet que le positionnement dans lequel la Chine se situe est un gage de transfert de technologie : (Grossman et Helpman, 1991 ; Coe, Helpman, et Hoffmaister, 1995 ; Keller, 2002 et Keller, 2007...). De même il est évident que la délocalisation des centres de R&D en Inde est une source d'acquisitions et de transferts de connaissances pour le pays d'accueil.

    Quel peut-donc être le positionnement optimal, pour un pays émergent dans sa marche vers le rattrapage technologique ? Plusieurs alternatives peuvent être envisagées :

    - Le développement d'une capacité d'innovation interne à travers le renforcement des systèmes nationaux d'innovations ;

    - L'importation de pièces et composants de haute intensité technologique ;

    - La spécialisation vers des secteurs technologiques particuliers ;

    - L'importation de machines et équipements de haute technologie, dans le but d'améliorer les processus de production. C'est le cas d'un pays comme la Turquie (Lemoine et Unal-Kesenci, 2003) ;

    - Ou alors comme l'ont préconisé Perez et Soete (1988), la possibilité de rattrapage technologique en sautant les étapes classiques, c'est-à-dire de fortes dépenses de R&D et l'existence de systèmes nationaux d'innovations solides. Mais aujourd'hui le renforcement des droits de propriété intellectuelle rend un peu illusoire ce genre d'approche.

    Cette question n'est pas l'objet de cette étude, mais une analyse plus dense et plus profonde pourrait permettre d'apporter plus de clairvoyance aux décideurs. Il est clair que plusieurs facteurs spécifiques propres à chaque pays pourraient être déterminants dans le choix de tel ou tel autre mode d'acquisition de technologies. Il serait donc intéressant de les identifier et de déterminer la nature.

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    * 1 Adaptation facilitée par la capacité d'apprentissage

    * 2 Source : CNUCED : world investment report 2006

    * 3 Voir graphique, source : International r&d scoreboard

    * 4 Ce sont les compétences innées ou acquises et difficiles à formaliser, elles peuvent être assimilées au capital intellectuel dans le cadre d'une entreprise

    * 5 Ce sont des connaissances clairement articulées, et facilement diffusable, vu qu'elles peuvent apparaître sous forme tangible : courrier électronique, papier écrit

    * 6 Système national d'innovation solide (niveau d'éducation élevé, droit de propriété intellectuelle, fonds publics pour la recherche...)

    * 7 « L'avantage de localisation du produit se modifie en fonction du cycle d'innovation - imitation mais l'avantage long sur des compétences permet des retours des avantages comparatifs révélés sur les produits. Le cycle du produit ne constitue en fait qu'un moment dans la dynamique d'évolution des connaissances issues d'un secteur donné. Les spécialisations sur les blocs de compétences relèvent bien de la logique des avantages absolus tandis que les spécialisations par produits d'avantages comparatifs éphémères » (Mouhoud, 1995)

    * 8 « Par exemple, le Royaume-Uni produit et exporte des palmiers-dattiers vers le Moyen-Orient, grâce aux nouvelles biotechnologies. Le paradoxe ici étant que le Royaume-Uni avait une indisponibilité absolue dans ce type de biens avant cette innovation technologique et l'importation du moyen qui, lui, possède un avantage naturel absolu. La substitution de la production de biens issus des progrès technologiques aux importations en provenance des pays qui en disposent naturellement affecte un grand nombre de matières agricoles et minérales » (Mouhoud, 1995).

    * 9 « Ce processus de substitution des importations provenant du Sud repose en partie sur le phénomène de la bio-piraterie des ressources et du patrimoine culturel et intellectuel du tiers-monde. On peut songer à ce propos, à titre d'exemple à la manière, dont les Etats-Unis ont construit une économie du riz états-unien d'exportation à partir de l'utilisation de variétés de riz Basmati sélectionnées à l'origine par des paysans Indiens, et sur lesquelles ensuite des firmes Américaines, comme Rice Tec ou Pepsi, ont revendiqué des droits de propriétés intellectuels au moyen de brevets et/ou des marques. Ainsi le 02 septembre 1997, Rice Tec a obtenu un brevet sur les semences et le patrimoine génétique du riz Basmati. Or comme le souligne à juste titre V. Shiva (2002), le type de riz breveté par la Rice Tec possède les mêmes qualités que les variétés Indiennes et donc ne devrait pas être considéré comme étant une nouveauté brevetable. » (Vercelone, 2004)

    * 10 Source : http://obouba.over-blog.com/article-5541065-6.html

    * 11 Agence Française pour les investissements Internationaux

    * 12 Aéronautique et espace, Pharmacie, Equipements informatiques, Equipements de communication, instruments de précision

    * 13Source : www.nsf.gov/statistics/sein06

    * 14 Source : Jérôme Fourel (2003) « fuite et circulation des cerveaux : les défis américains et asiatiques », Annales des mines n°16

    * 15 cf tableau 6

    * 16 La taille des flèches est fonction du degré d'intensité des relations entre les acteurs

    * 17 Le Programme 863 (qui tire son nom du mois de mars 1986 où il a été établi sur la proposition de quatre universitaires éminents) porte sur le développement, à moyen et à long termes, de la haute technologie. Il est né du désir de quelques chercheurs de maintenir un programme de recherche fondamentale de haut calibre à un moment où la politique était fortement axée sur l'application des sciences et de la technologie à des fins de croissance économique. Le but de ce programme est de regrouper dans les centres les jeunes scientifiques les plus brillants de chine, et aussi d'encourager les scientifiques chinois étudiant à l'étranger à revenir travailler dans ces centres. Source : http://www.idrc.ca/fr/

    * 18 http://french.mofcom.gov.cn/

    * 19 Source : http://www.anrt.asso.fr/fr/pdf/RetD_Chine_F.GUINOT_%2006_%202007.pdf

    * 20 Les définitions des « technologies de l'information et de la communication », ainsi que des produits de « haute technologie » sont celles de l'OCDE (OCDE 2002).

    TIC : électroniques ; TV et radio transmetteurs ; appareils pour les lignes téléphoniques et télégraphiques; TV et radio récepteurs, appareils de son, vidéo et reproduction etc. ; instruments et appareils de mesure, de vérification, de test, de navigation, etc., exceptés les équipements industriels ; équipements industriels.
    Haute technologie : Machines de bureau, de comptabilité et de calculs ; équipements de communication, de TV et de radio ; instruments (médicaux, d'optique...) ; aérospatial ; pharmacie. Source : (Sachwald, 2007).

    * 21 Source : http://www.missioneco.org/chine/

    * 22 Source : http://french.china.org.cn/archives/chine2006/

    * 23 SAXENIAN A. « L'impact des communautés immigrées de la Silicon Valley sur la croissance de leur pays d'origine » in Institutions et innovations de la recherche aux systèmes sociaux d'innovation, Bibliothèque Albin Michel ; Economie

    * 24 http://www.missioneco.org/chine/

    * 25 Voir : Coe et Al. (1995), Keller (2002), et Keller (2007)

    * 26 Voir mission économique MINEFI-DGPTE : L'investissement direct étranger en chine en 2005 : positionnement stratégique et environnement. http://www.missioneco.org/chine/

    * 27 http://www.missioneco.org/chine/

    * 28 http://french.mofcom.gov.cn/

    * 29 http://www.missioneco.org/chine/

    * 30 http://www.oecd.org/

    * 31 Pour plus de détails sur le fonctionnement des organismes scientifiques en Inde, voir : » Les systèmes nationaux de recherche et leurs relations avec la France : Inde dossier pays, OST juin 2004 », http://www.obs-ost.fr

    * 32 Inde : dossier-pays OST, juin 2003, www.obs-ost.fr

    * 33Inde : dossier-pays OST, juin 2004, www.obs-ost.fr

    * 34 DGPTE, http://www.missioneco.org/inde/

    * 35 (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce). Cet accord a été signé par les pays membres de l'organisation mondiale du commerce. Il a pour objectif d'harmoniser à l'échelle mondiale les régimes juridiques régissant la protection de la propriété intellectuelle. Il établit, pour chacun des principaux secteurs de la propriété intellectuelle, les normes minimales de protection qui doivent être prévues par chaque membre et offre par ailleurs la possibilité de recourir au système de règlement des différends de l'OMC pour traiter les conflits commerciaux dans ce domaine.

    * 36 Utilisant la flexibilité accordée par la Déclaration de Doha et l'accord annoncé à l'OMC le 30 août 2003, l'Inde a habilité son industrie pharmaceutique à fabriquer, dans le cadre de la procédure de licences

    obligatoires, des produits sous brevet afin de les exporter aux pays n'ayant pas de capacités de fabrication suffisantes. La délivrance par l'Inde d'une telle licence obligatoire peut intervenir sur simple demande formulée par le pays bénéficiaire.

    * 37 voir OCDE (2006), Perspectives des technologies de l'information de l'OCDE 2006, Chapitre 1. Évolution

    récente et perspectives du secteur des TI, OCDE, Paris.

    * 38 Sous-traitance des tâches administratives pour des clients à distance (finance, resources humaines, paye, etc)

    * 39 Les réseaux mondiaux d'innovation, ANRT Juin 2006 , www.anrt.fr

    * 40 NASSCOM (2007), www.nasscom.in/

    * 41 KANAVI S. (2003), Reinventing an Jewel, Business India, September 1-14, pp. 54-58.

    * 42 Inde : dossier-pays OST, juin 2004 www.obs-ost.fr

    * 43 http://dbtindia.nic.in/

    * 44 http://www.missioneco.org/inde/

    * 45 http://www.solvaylive.com/static/wma/pdf

    * 46 www.obs-ost.fr

    * 47 Transfer of Knowledge and Technology through Expatriate Nationals - Interface for Non-Resident Indian

    Scientists & Technologists (TOKTEN-INRIST).

    * 48 http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M203/Didelon.pdf

    * 49 http://www.lestamp.com/publications_mondialisation/publication.grondeau.htm

    * 50 www.lesafriques.com

    * 51 http://web.worldbank.org/

    * 52Inde : dossier-pays OST, juin 2004, www.obs-ost.fr

    * 53 Inde : dossier-pays OST, juin 2004, www.obs-ost.fr






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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon