CONCLUSION
Voyager dans le centre de la terre, c'est aussi, pour
Jules Verne, voyager dans le temps. Et les
références ici ne sont pas qu'anecdotiques ou simplement
allusives. L'auteur développe ainsi une véritable construction
littéraire qui s'appuie fortement sur l'aspect temporel du voyage
proprement dit, c'est-à-dire le temps qu'il faut pour descendre, mais
aussi sur une deuxième temporalité, celle de l'observation, par
couches géologiques interposées, des écosystèmes
d'autrefois, maintenant disparus à la surface de la terre, mais encore
pérennes dans les entrailles de cette dernière. Cette
dualité du voyage est ainsi fascinante, car c'est elle, en partie, qui
fait de celui-ci un voyage extraordinaire, au sens vernien du terme.
La référence directe à l'écologie
humaine, mais si celle-ci n'existe pas encore en tant que telle en cette fin de
19° siècle, est prégnante dans le roman, et c'est l'une des
raisons qui est à l'origine de ce modeste mémoire.
Néanmoins, nous n'avons pas voulu faire, comme vous l'aurez
constaté, une histoire de l'écologie humaine ou encore son
épistémologie au travers de l'étude d'un auteur et plus
particulièrement de l'un de ses roman. Il s'est juste agi d'utiliser
l'approche transdisciplinaire prônée par celle-ci pour entrevoir
d'autres aspects de roman de Jules Verne trop souvent
analysé comme étant avant tout une forme de voyage initiatique.
Certes, nous avons bien affaire à un voyage initiatique, mais pas
seulement, et ces différents types de voyages qui caractérisent
Voyage au centre de la terre (initiatique, dans le temps,
etc...) sont aussi plus complémentaires que contradictoires.
Nous avons choisi de mettre en évidence la
dualité de ce roman (espace-temps) en expliquant et en analysant les
nombreuses références géologiques et
paléontologiques dont Jules Verne se sert. Certes, il
utilise d'autres procédés, comme les références
mythologiques, pour accentuer le caractère dual et doublement temporel
du voyage, mais ce choix de notre part a été guidé par des
connaissances en géologie et en paléontologie beaucoup plus
assises et approfondies que celles que nous avons en mythologie grecque et
romaine. La transdisciplinarité est un idéal, elle est rarement
un état de fait... a fortiori lorsque nous n'avons que 25 ans
!!!
Ainsi, et à l'inverse d'un mémoire de D.E.A. ou
d'une thèse de Doctorat, le plan adopté dans ce mémoire
est très largement décousu, le fil directeur étant de
montrer à travers
différentes perspectives l'aspect dual du voyage, un
voyage à la fois dans l'espace et dans le temps, et par
conséquent, doublement temporel. De même, nous n'avons pas la
prétention d'avoir apporté de la connaissance à la
recherche scientifique, nous avons seulement voulu présenter notre point
de vue et notre analyse sur ce roman de Jules Verne. Ce
faisant, ce modeste travail (quantitativement et qualitativement) doit
être considéré beaucoup plus comme un essai (avec
l'ambition, là aussi très modeste, d'une approche
trandisciplinaire) que comme un véritable mémoire de recherche
universitaire construit autour d'un plan à vocation
démonstrative. Notre objectif n'a pas été de
démontrer que nous avons affaire à un voyage dans le
temps, mais seulement de montrer cet autre caractère du voyage
proposé par l'auteur.
Cette volonté et ce constat se manifestent ainsi, comme
nous l'avons déjà dit avant, dans l'agencement du plan et dans le
choix de ce dernier. Ainsi, la partie correspondant très
précisément au titre de ce mémoire ne représente en
fait que très peu de pages par rapport à l'ensemble du travail.
Car nous avons réellement voulu avoir une approche transdisciplinaire,
en montrant différentes facettes de ce voyage. La troisième
partie correspond donc à cette volonté, et s'articule pour ce
faire autour de plusieurs sous-parties se suffisant chacune à elles-
mêmes, mais étant aussi complémentaires, notamment de par
leur objectif : montrer que ce voyage dans les entrailles du globe est aussi un
voyage dans le temps.
Enfin, et ceci constitue en quelques sortes l'ouverture de ce
travail, il serait intéressant de voir si notre analyse constitue une
exception à la règle, à savoir qu'il n'y a que dans ce
roman de Jules Verne qu'espace et temps sont autant
associés, ou au contraire, comme nous le pensons, que c'est dans
l'ensemble des Voyages Extraordinaires que cette association se
développe. De même, les nombreuses boucles auxquelles nous avons
fait référence dans ce roman, se manifestent-elles aussi avec
autant de prégnance dans les autres romans constituant les
Voyages Extraordinaires ? Ces mêmes Voyages
Extraordinaires doivent-ils aussi être interprétés
sous l'angle de la mythologie grecque et romaine ? ; car rappelons-nous :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et
raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Joachim du Bellay, (1558)
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