UNI VERSITE DE PAU ET DES PAYS DE
L'ADOUR
I.R.S.A.M. Institut de
Recherche sur les Sociétés et
l'AMénagement
G.R.T. Groupe de
Réflexions Transdisciplinaires
ESPACE ET TEMPS DANS L'OEUVRE DE JULES VERNE
: « Voyage au centre de la terre... » et dans
le temps.
C.I.E.H. Mémoire du
Certificat International
d'Ecologie Humaine
Présenté par Lionel
DUPUY Sous la direction de Monsieur Bernard
DUPERREIN
AVANT-PROPOS.
Rédiger un mémoire, aussi modeste soit-il, n'est
jamais une chose très aisée. Pour autant, ce travail n'en apporte
pas moins des satisfactions, de tous ordres et à des degrés
divers. Ainsi, la première satisfaction est celle d'avoir su mener un
projet à son terme (au bout d'une année de recherche et de
rédaction), c'est-à-dire de proposer un document «
soutenable », présentable et susceptible d'être lu par
d'autres. Ensuite, la deuxième satisfaction est celle d'avoir
rencontré, ces deux dernières années, des personnes aussi
riches (intérieurement) que variées (professeurs, intervenants,
personnes inscrites dans le cadre de la formation, etc...), ce qui d'un point
de vue purement intellectuel est très enrichissant et instructif. Enfin,
car la liste pourrait être allongée, la troisième
satisfaction est d'un ordre beaucoup plus personnel. C'est celle d'avoir su et
d'avoir pu concilier les obligations du service militaire avec la
volonté de rédiger un document traitant d'un thème qui,
certes m'est cher, mais qui surtout ne m'est pas aussi familier que ma
discipline de formation (la géographie).
Le mémoire que je vous présente ici est donc
sans grande prétention. J'espère juste, et cela semble
légitime de ma part, pouvoir partager des points de vue et
différentes idées concernant ce roman de Jules
Verne auquel j'attache beaucoup d'importance.
Merci d'avance pour votre compréhension...
REMERCIEMENTS.
L'élaboration et la rédaction de ce
mémoire ne sont pas uniquement l'oeuvre de l'auteur, et ces quelques
lignes sont là pour remercier avant tout Bernard
Duperrein, qui m'a suivi et encouragé durant ces deux
dernières années. Ses différentes relectures et ses
conseils ont été très importants dans la formalisation et
l'achèvement de ce travail, je l'en remercie ainsi vivement. De
même, que soient remerciées aussi toutes les autres personnes qui
de près ou de loin m'ont accordé leur temps et leurs
connaissances, et sans lesquelles je n'aurais pus avancer. Elles se
reconnaîtront sans aucun doute dans ces quelques lignes.
INTRODUCTION
INTRODUCTION.
Pour avoir étudié la Géographie pendant
cinq années à l'Université, relire Jules
Verne (1828-1905) constitue un véritable bonheur, tant les
notions (ou concepts) d'espace et de temps sont centrales dans l'oeuvre de ce
dernier1. Or, outre les quatre-vingts romans qu'il a publiés,
Jules Verne est aussi l'auteur d'une Géographie
illustrée de la France et de ses colonies (1868) et d'une
Histoire des grands voyages et des grands voyageurs (1878).
Partant de là, il n'est pas étonnant de retrouver constamment les
dimensions spatiales et temporelles dans ses différents romans,
auxquelles il faut ajouter une capacité d'imagination et d'anticipation
très importante, mais tout aussi surprenante.
L'Ecologie Humaine, ou plutôt l'Oïkologie
(étymologiquement l'étude de l'« habiter
») est une discipline récente (une dizaine
d'années), dont l'objectif est d'analyser et d'étudier un objet
précis (quel qu'il soit) en ayant fondamentalement une approche
transdisciplinaire2. Cette volonté manifeste de
transdisciplinarité convient parfaitement (à nos yeux) à
une étude de l'espace et du temps dans l'oeuvre de Jules
Verne, ainsi qu'à une réflexion sur l'imagination et
l'anticipation dont celui-ci fait preuve avec beaucoup de prégnance. Il
ne s'agit pas pour nous de rediscuter comment Jules Verne a pu
anticiper, par exemple, le voyage vers la lune, mais de proposer le regard
(très modeste) d'un jeune géographe sur une partie de son
oeuvre.
La dialectique « espace-temps », ainsi que celle
« anticipation-imagination », développée par l'auteur,
s'appuie sur une connaissance approfondie des progrès scientifiques et
techniques de cette deuxième moitié du 19° siècle,
ainsi que par l'emploi d'un vocabulaire rigoureux, précis et
adapté. Extrapolant dans l'espace et dans le temps les
possibilités offertes par la science et la technique de son
époque, Jules Verne nous offre ainsi des romans aux
scénarii mélangeant la science-fiction et le réalisme. De
même, le souci permanent de donner des faits précis et exacts,
dans la mesure du possible, permet à l'auteur de ne pas sombrer dans la
rêverie et l'illusion les plus totales, mais au contraire de plonger le
lecteur dans des voyages dont la possibilité et la finalité ne
font finalement plus de doutes. Néanmoins, l'auteur fait
1 Pour une biographie complète de l'auteur, se
référer aux différents ouvrages composant la bibliographie
de ce mémoire.
2 Qui « traverse les disciplines »...
parfois preuve d'un manque de cohérence et de
crédibilité dans certains de ses développements. Cette
remarque doit cependant être relativisée par le fait que nous
avons un regard a posteriori des romans de Jules Verne.
En effet, un siècle environ nous sépare de l'auteur, et
il est tout aussi difficile de faire un bond d'un siècle en
arrière qu'un bond d'un siècle en avant...
Ainsi, dans l'oeuvre de Jules Verne il s'agit
souvent de voyages, dans lesquels l'auteur nous fait changer de
référentiel (comme le fait par exemple
Montesquieu, 1689-1755, dans les Lettres
Persanes, 1721). Les espaces vécus et perçus du lecteur
s'en retrouvent modifiés, les points de repères retenus par
l'auteur n'étant pas forcément les mêmes que ceux du
lecteur.
De même, les rapports entre l'homme, la
société et l'espace constituent une des pierres angulaires de
l'oeuvre de Jules Verne. Le souci permanent de situer les
faits dans l'espace et dans le temps confère à ses nombreux
récits une dimension rationnelle dans un univers qui ne l'est pas
toujours. L'habileté de l'auteur réside ainsi dans sa
capacité à mélanger ce qui est antinomique (le réel
et la science-fiction par exemple), tout en ayant soin de décrire
parfois le monde en détail, narrant une situation (ou un voyage) qui a
tout lieu de s'être réellement produit.
Nous nous proposons donc dans ce mémoire
d'étudier et d'analyser les notions (ou concepts) d'espace et de temps
dans l'oeuvre de Jules Verne, et plus particulièrement
en nous penchant sur l'un de ses premiers romans, à savoir Voyage
au centre de la terre (1864). Il s'agit ainsi pour nous de montrer que
ce voyage dans les entrailles de la terre (donc dans l'espace) est aussi un
voyage dans le temps. Pour ce faire, le plan retenu s'articule en trois parties
:
- Nous présenterons d'abord brièvement l'auteur et
son oeuvre, afin de cerner un peu
mieux les différents centres d'intérêt de
celui-ci, ses goûts et ses désirs.
- Ensuite, nous replacerons l'auteur et son oeuvre dans le
contexte social, scientifique
et technique de la fin du 19° siècle.
- Enfin, nous montrerons en quoi ce Voyage au centre de la
terre peut aussi être interprété comme un voyage
dans le temps.
PREMIERE PARTIE :
PRESENTATION
GENERALE DE
L'AUTEUR ET DE SON
OEUVRE.
ESPACE ET TEMPS DANS L'OEUVRE
DE JULES VERNE :
« VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE... » ET
DANS LE TEMPS.
« Mon but a été de dépeindre la
Terre, et pas seulement la Terre, mais l'univers, car j'ai quelquefois
transporté mes lecteurs loin de la Terre dans mes romans. »
Jules Verne, 18933.
I - PRESENTATION GENERALE DE L'AUTEUR ET DE SON
OEUVRE.
A partir de trois romans que nous avons retenus, et parmi tant
d'autres possibles, nous allons montrer brièvement à quel point
les notions d'espace et de temps sont centrales dans l'oeuvre de Jules
Verne.
A) - Voyage au centre de la terre (1864) : un voyage
dans le temps.
Voyage au centre de la terre (1864) constitue
un bon exemple de mélange entre réalisme et imaginaire. Plus
qu'un voyage au centre de la terre, il s'agit d'un voyage dans le temps que
nous propose l'auteur. Se retrouvant à 120 kilomètres sous terre
(environ), les héros découvrent un univers totalement
différent de celui qu'ils ont quitté, où l' «
habiter » correspond beaucoup plus, a priori, à celui
des époques préhistoriques et antédiluviennes, qu'à
celui de la fin du 19° siècle. La description du voyage en
lui-même représente l'essentiel du roman (soit un peu moins des
2/3), où nous observons une très forte corrélation entre
la
3 Propos rapportés par DEKISS Jean-Paul.
Jules Verne. Le rêve du progrès. Paris :
Gallimard, 1996. Page 146.
distance parcourue à l'intérieur de la terre et
le retour dans le temps4. La narration sous forme d'un carnet de
bord5, décrivant scrupuleusement les différentes
couches géologiques rencontrées, confère au récit
une crédibilité tout à fait honnête, même si
parfois certains passages manquent de cohérence et de réalisme
par rapport à l'ensemble du texte6...
La dialectique de l'espace et du temps est donc ici au coeur
du roman. Jules Verne y fait preuve d'une connaissance solide
et précise du vocabulaire géologique et
minéralogique7, les descriptions qu'il donne des roches et
des minéraux étant tout à fait conformes à la
réalité. Néanmoins, il s'agit cependant plus d'une
réalité théorique que d'une réalité
pratique, la structure géologique de la terre n'étant
actuellement réellement connue que sur une quinzaine de
kilomètres de profondeur8, le reste n'étant
qu'extrapolations et suppositions de la part des géologues et des
géophysiciens (par l'étude de la propagation des ondes
sismiques).
B) - De la terre à la lune (1865) : un autre type
de voyage dans le temps.
De la terre à la lune (1865) est
l'archétype de l'oeuvre d'anticipation. Pour autant, et malgré
cette affirmation, Jules Verne a-t-il réellement fait
preuve d'anticipation, ou est-ce son imagination qui a été
rattrapée un siècle plus tard par la réalité ? Le
sous-titre, quant à lui, n'en est pas moins tout aussi
intéressant : « Trajet direct en 97 heures 20 minutes...
»9
La description des préparatifs et de la mise en place
du projet constitue ici l'essentiel du roman, le voyage ne représentant
que quelques pages10. L'utilisation et la restitution précise
des dernières connaissances en matière de balistique permettent
à l'auteur de donner
4 La corrélation est inversement
proportionnelle : les voyageurs rencontrent d'abord les terrains les plus
anciens (siluriens, dévoniens,...), pour arriver aux plus
récents. Au début de leur aventure correspond le début du
monde, et ainsi de suite...
5 Et à la première personne du
singulier.
6 Cf. supra.
7 Ainsi que des différentes théories de
l'époque (contradictoires et qui s'affrontaient) relatives à la
nature de l'intérieur de la planète.
8 Nous faisons référence ici au forage
le plus profond réalisé par l'homme aujourd'hui. Il s'agit d'un
forage russe (à Zapol'arnyj) atteignant environ les 15 kilomètres
de profondeur. La possibilité pour l'homme de réaliser un tel
voyage constituerait un formidable moyen d'enrichir nos connaissances sur la
structure géologique de l'écorce terrestre. Il ne s'agirait alors
plus d'un retour en arrière, mais d'un véritable bond en
avant...
9 Surtout quand nous savons que la mission APOLLO 11
(du 16/07/1969) relia la terre à la lune en 102 heures, 45 minutes et 40
secondes, et que le départ se déroula en Floride...
10 Au contraire, dans Voyage au centre de la
terre, les proportions sont inversées : les préparatifs
sont détaillés en quelques pages, quant au voyage, il constitue
l'essentiel du roman. Il en est de même dans Le tour du monde en
80 jours.
beaucoup de réalisme au projet, même si les
dimensions démesurées du canon semblent parfois difficiles
à accepter, bien que l'action se déroule aux U.S.A., le pays,
où déjà à l'époque, tout est possible.
La référence à l' « habiter
» est centrale ici aussi, puisqu'il s'agit de projeter des hommes de
la terre à la lune, afin que ces derniers puissent coloniser le
satellite naturel de la terre. Or, le postulat de départ, et qui est
celui des scientifiques de l'époque considérée, est que la
lune est habitée (par les Sélénites). La seule
difficulté, a priori, consiste à acheminer correctement
les hommes vers leur destination, la possibilité de s'établir
sans aucune difficulté sur la lune étant communément
admise. Une fois encore, Jules Verne extrapole, mais anticipe
aussi, les possibilités des inventions de la fin du 19°
siècle.
C) - Autour de la lune (1870) : suite et fin de «
De la terre à la lune ».
Faisant suite à De la terre à la
lune (1865), Autour de la lune (1870) est remarquable
par la maîtrise dont fait preuve Jules Verne lorsque ce
dernier décrit les différentes formes du relief lunaire
observées par les passagers du projectile cylindro-conique. De la
géomorphologie (étymologiquement, « la science des
formes du relief terrestre11 ») Jules
Verne passe ainsi à la « sélénomorphologie
» (néologisme inventé de notre part pour définir
« la science des formes du relief de la lune »), avec toute
l'imagination que nous lui connaissons. Ses connaissances en topographie, en
orographie et en cartographie12 sont largement
démontrées dans ce roman, où l'étude de l'espace
(à la fois terrestre, lunaire et interstellaire) est une fois de plus
centrale. Il s'agit donc d'un voyage dans l'espace, mais aussi dans le temps,
compte tenu de l'intérêt porté à l'étude de
la formation de la lune et des différentes formes de vies - animales
et/ou végétales - qui ont pu s'y développer. Jules
Verne fait ainsi de l'oïkologie avant l'heure, pour notre plus
grand bonheur.
11 A la fin du 19° siècle, la
géomorphologie représente l'essentiel des travaux se rapportant
à la géographie physique, laquelle constitue alors la branche de
la Géographie la plus développée.
12 En cette fin de 19° siècle, le
paradigme de la Géographie est essentiellement naturaliste, le
déterminisme environnemental orientant fortement les systèmes de
pensée et les modes de recherche. Fortes des connaissances
apportées par Charles Darwin (1809-1882) avec sa
théorie de l'Evolution (« De l'origine des espèces
au moyen de la sélection naturelle » - 1859 -), les
échelles de temps (notamment géologiques) sont
reconsidérées sur une plus longue durée, la Bible
étant alors très largement remise en cause quant à son
explication de l'origine du monde.
Ces trois premiers romans13 nous permettent
déjà de voir à quel point la terre (c'est-à-dire la
planète) représente pour Jules Verne une source
d'inspiration inépuisable. Elle est le point de départ de
nombreuses aventures :
* Dans Voyage au centre de la terre il s'agit
de visiter ses entrailles, de découvrir un monde parallèle,
vestige des temps passés. Jules Verne nous y fait
découvrir une sorte de machine à remonter le temps, qui permet
ainsi de voyager à la fois dans l'espace et dans le temps. Il s'agit par
conséquent, pour l'homme, d'un retour aux sources.
* Dans De la terre à la lune il s'agit
au contraire pour l'homme de s'émanciper de son cocon originel pour
coloniser le satellite naturel de la terre. L'humour de Jules
Verne conduit les héros de son histoire à se retrouver
dans la même situation que celle de la lune par rapport à la terre
: ils se retrouvent en orbite autour de la lune... Notons cependant que,
malgré la pointe d'humour de l'auteur, la situation fait preuve pour
l'époque considérée de beaucoup de réflexion et de
recul par rapport au projet dont il est question.
* Dans Le tour du monde en 80 jours l'objectif
est de montrer que les progrès scientifiques et techniques de cette fin
de 19° siècle permettent enfin de dominer la distance, l'espace,
l'étendue14. Il en est de même dans Cinq
semaines en ballon (1863), mais dans le cas présent l'auteur
procède à un changement d'échelle, et le moyen
utilisé est différent de ceux utilisés dans Le tour
du monde en 80 jours. L'idée de conquête et de domination
est toujours présente. Il s'agit de conquérir pour
découvrir et apprendre, comme le firent les grands explorateurs du
15° et du 16° siècle.
L'idée que nous voulons développer ici est que
les notions d'espace et de temps sont fondamentales dans les romans de
Jules Verne15. Ce dernier fait souvent oeuvre de
géographe, d'historien, de sociologue, d'anthropologue... dans ses
romans, tant les descriptions des pays et/ou des gens rencontrés sont
dressées avec une aisance particulière. Il aime les mots, c'est
un spécialiste sans nul doute de la sémantique. Le vocabulaire
qu'il emploie est toujours approprié, quel que soit le domaine de
compétence auquel il fait
13 Nous avons choisi ici quelques romans parmi tant
d'autres de l'auteur ; il ne s'agit donc que d'un échantillon.
14 Ces trois notions (concepts) sont fondamentales en
Géographie.
15 Martin Paz (1852), l'un des
premiers romans de Jules Verne est ainsi sous-titré :
« Roman historique ».
référence, à tel point qu'il apparaît
parfois comme un savant, un érudit, capable aussi bien de parler
Géographie que Géologie ou Sociologie.
Lire Jules Verne, c'est donc voyager dans
l'espace et dans le temps. De plus, il n'introduit aucune discontinuité
dans ses voyages. Ils sont tous linéaires, continus. Ses héros
partent toujours d'un point A pour arriver à un point B. Finalement, le
but recherché est plus de montrer le caractère possible des
voyages que d'arriver à la destination prévue. Ainsi, dans
Le tour du monde en 80 jours, les points de départ et
d'arrivée sont confondus, seul compte le trajet à effectuer en un
temps donné. Les pays traversés ne sont que des prétextes
montrant que désormais l'homme a vaincu la distance et les nombreux
obstacles naturels que lui impose la terre. Dans ce roman, aucune
discontinuité géographique et temporelle n'est introduite, si ce
n'est la prise en compte du décalage horaire (qui permet ainsi un gain
de temps de 24 heures). La nécessité et la volonté de
maîtriser l'espace, l'étendue, sont aussi à l'origine de
tous ces Voyages Extraordinaires qui ont fait le succès
de Jules Verne.
D) - Problématique.
Jules Verne nous permet donc de
vérifier le caractère relatif des notions d'espace et de
temps16. Ces deux notions sont des purs produits de l'homme,
inventés par l'homme et pour l'homme, afin de se donner des points de
repère dans un univers qu'il ne domine pas encore (et qu'il ne dominera
jamais, même si en cette fin de 19° siècle il peut faire le
tout du monde en 80 jours...).
L'oeuvre de Jules Verne a donc une vocation
didactique, son ambition est d'enseigner la Géographie (la majuscule est
volontaire), entre autres, et de faire partager ses goûts pour les
sciences et la technique. Il fait ce que beaucoup d'auteurs appellent de la
science-fiction plausible : il est l'auteur de romans scientifiques
d'anticipation. De plus, la géographie vernienne est essentiellement
traditionnelle et descriptive, avec une prédominance de la
géographie physique sur la géographie humaine (ce qui reste
néanmoins à confirmer de notre part), ce qui correspond fortement
aux orientations de la Géographie de la fin du 19°
siècle.
16 Nous préférons employer le terme de
notion à celui de concept, la « notion » n'induisant pas
obligatoirement
La problématique que nous avons retenue est
relativement simple. Elle consiste à montrer que les Voyages
Extraordinaires sont aussi des voyages dans le temps. Pour ce faire,
nous avons choisi d'analyser en profondeur plus particulièrement un des
principaux ouvrages de l'auteur, à savoir Voyage au centre de la
terre17. Cependant, avant d'entrer directement dans
l'analyse proprement dite, nous allons dresser un tableau du contexte
sociétal, scientifique et technique dans lequel Jules
Verne a écrit ses romans.
et directement une définition unique, et
communément admise par tous.
17 VERNE Jules. Voyage au centre de la
terre. Paris : Hetzel, 1996 (réédition de l'ouvrage
original de 1864). 372 p.
DEUXIEME PARTIE :
SOCIETE, SCIENCE ET
TECHNIQUE AU 19°
SIECLE.
II - SOCIETE, SCIENCE ET TECHNIQUE AU 19°
SIECLE.
Le 19° siècle marque un tournant majeur dans le
domaine de l'innovation scientifique et technique, tant les progrès et
les révolutions accomplies sont nombreux et de qualité.
Période de la Révolution Industrielle, qui accompagne la
révolution agricole et lui succède, ainsi que celle des
transports, le 19° siècle traduit aussi une évolution dans
les mentalités et dans les rapports de la société à
l'espace. La possibilité, enfin, de dominer l'étendue
(relativement)18, conduit les hommes à croire en la toute
puissance de la science et de la technique, et par là- même que
ces dernières vont contribuer à rendre la terre plus facilement
apprivoisable, plus « domestique » et exploitable.
A) - Les progrès dans le domaine des
transports.
Dans le domaine des transports19, citons ainsi
l'apparition du train, de la voiture, de l'avion20, de
l'amélioration de la structure des navires et des bateaux21,
etc... Cette révolution dans les transports implique de nombreuses
conséquences, notamment dans les liaisons intercontinentales qui sont de
plus en plus importantes, rapides et faciles (d'où le tour du monde en
80 jours...). Ces progrès dans les moyens de communication favorisent
ainsi les explorations scientifiques partout dans le monde, ce qui conduit
aussi à la colonisation de nombreux pays (africains par exemple) par des
pays européens, l'Europe étant le berceau de cette
Révolution Industrielle. Cette expansion coloniale s'appuie sur une
morale pseudoscientifique (il faut diffuser les progrès scientifiques et
techniques accomplis en Europe partout dans le monde, afin de permettre
à l'humanité de tendre vers une évolution meilleure), mais
surtout sur des volontés politiques et économiques
(étendre sa puissance le plus loin possible en prétextant vouloir
venir en aide aux pays colonisés). Ces progrès dans les
transports permettent ainsi de réduire considérablement le
rapport entre la distance (à
18 COMPERE Daniel. Un voyage imaginaire de Jules
Verne. Voyage au centre de la terre. Archives des Lettres
Modernes, N°2, 1977. Page 5.
19 Quelques dates importantes : 1807 :
Fulton => navire à vapeur ; 1814 :
Stephenson => locomotive ; 1832 :
Fourneyron => turbine à vapeur ; 1878 :
Daimler => moteur à explosion. La première
ligne de chemin de fer date de 1830 et relie entre elles les villes de
Manchester et de Liverpool.
20 Clément Ader effectue le
premier vol en avion en 1890.
21 Jules Verne, dans ses romans, fait
souvent référence à deux types de bateaux : le «
clipper » et le « steamer ». Le premier
(littéralement « qui fend la mer ») est un grand
voilier à coque de fer, le second est un bateau à vapeur qui
supplante progressivement les voiliers ; d'abord mû par des roues
à aubes, il est ensuite équipé d'une hélice.
parcourir) et le temps (à y consacrer), ce qui modifie
la vision de l'étendue et de l'espace qu'avaient les hommes de
l'époque considérée. Les comportements face à la
distance (l'étendue, l'espace) évoluent, certains faits naturels
(relief, climat difficile, etc...) ne sont plus considérés comme
des obstacles insurmontables à l'aventure humaine, mais comme des
contretemps que la science et la technique vont surmonter rapidement.
B - Les progrès dans le domaine de l'urbanisme,
de la médecine et de l'éducation.
D'abord, dans le domaine des villes, nous assistons à
une urbanisation grandissante (notons, par exemple, les travaux du
préfet Haussmann à Paris22, la mise
en place des égouts et la distribution plus
généralisée de l'eau potable) corrélative à
un exode rural qui s'intensifie, justement parce que les progrès
scientifiques et techniques mécanisent de plus en plus le travail
agricole. L'offre de la main d'oeuvre devient ainsi supérieure à
la demande, ce qui pousse alors les gens à aller chercher du travail en
ville. La population est alors plus mobile et les mentalités
évoluent aussi rapidement, car s'opère le passage d'une
civilisation rurale à une civilisation plus urbaine.
Ensuite, dans le domaine médical,
Pasteur crée le premier vaccin contre la rage,
l'aspirine est créée par Bayer en 1899, et
enfin, les progrès dans le domaine de l'hygiène et de la
santé permettent une espérance de vie plus longue.
Enfin, dans le domaine de l'éducation, les lois de
Jules Ferry (1881-1882) rendent l'enseignement primaire
obligatoire et gratuit.
C - Le contexte philosophique.
Tous ces progrès scientifiques et techniques favorisent
l'émergence de la complexité. Dans le domaine de
l'épistémologie (des sciences notamment), le
positivisme23 d'Auguste
22 Cf. VERNE Jules. Paris au XX°
siècle. Paris : Hetzel, 1996 (ouvrage posthume). 186 p.
23 Système philosophique d'Auguste
Comte (1798-1857), qui, récusant les a priori
métaphysiques, voit dans l'observation des faits positifs, dans
l'expérience, l'unique fondement de la connaissance.
Le positivisme considère que l'humanité passe par
trois étapes : théologique, métaphysique et positive.
Dans
Comte (1798-1857) considère que la
vérification des connaissances par l'expérience est l'unique
critère de vérité24. Cette doctrine
philosophique conduit à une volonté sans précédent
de tout classer, même ce qui est inclassable, et d'établir des
hiérarchies dans les différentes sciences présentes alors.
Ce positivisme échevelé s'apparente en quelques points au
scientisme25, même si ce dernier affirme que la science peut
fournir des explications à toutes les questions qui se posent à
l'homme, ce que conteste le positivisme, notamment dans la deuxième
moitié du 19° siècle.
D'autre part, depuis la publication des travaux de
Charles Darwin (1809-1882) sur De l'origine des
espèces au moyen de la sélection naturelle (1859), les
réflexions scientifiques se font dans une toile de fond
évolutionniste, la démarche d'Auguste Comte
s'inscrivant aussi dans une logique évolutionniste26. Par
ailleurs, cette période est aussi celle de l'explosion des sciences
naturelles, comme la minéralogie, la zoologie, la botanique,
l'agronomie...
L'idée alors que les sociétés
évoluent en passant par certains stades est de plus en plus forte. La
fin du 19° siècle marque aussi l'émergence de la
géographie humaine27, période contemporaine de
l'institutionnalisation de la Géographie (notamment à
l'université). Notons, dans un autre registre, que le 19°
siècle est aussi pour la France la mise en place de la République
(après 1871).
l'état positif, l'esprit humain trouve
l'explication ultime des phénomènes en élaborant les lois
de leur enchaînement. Au travers du positivisme, Auguste
Comte projette de fonder une nouvelle discipline, la physique
sociale (qu'on appellera plus tard la sociologie), dont l'objet est
l'étude des phénomènes sociaux. Cette nouvelle discipline
a pour mission, selon Comte, d'achever l'ensemble du
système des sciences, d'inaugurer ainsi le règne de la
philosophie positive, et d'atteindre du même coup le bonheur de
l'humanité.
24 C'est sûrement pour cette raison que les
héros de Jules Verne voyagent autant : ils veulent
vérifier les connaissances scientifiques par l'expérience,
d'où la nécessité de voyager (que ce soit autour du monde,
dans la terre ou vers la lune...).
25 Opinion philosophique de la fin du 19°
siècle, qui affirme que la science nous fait connaître la
totalité des choses qui existent et que cette connaissance suffit
à satisfaire toutes les aspirations humaines.
26 Nous assistons alors à une révolution
paradigmatique, telle que conçue par Thomas Kuhn.
27 Jules Verne fait peu de
géographie humaine dans ses romans, d'où la distance prise
par Paul Vidal de la Blache (1845-1919) avec ce dernier. En
revanche, ses liens avec Elisée Reclus (1830-1905) sont
plus importants et amicaux.
D- Une géographie traditionnelle et
descriptive.
La méthode inductive prime dans les démarches
scientifiques, le paradigme en géographie est naturaliste, le
déterminisme physique et environnemental28 est
prégnant (cf. la géomorphologie). La géographie - et les
autres sciences -, décrit souvent les phénomènes qu'elle
étudie plus qu'elle ne les explique. Cette vision classique doit se
concevoir dans une conception idiographique de la géographie, qui
s'intéresse plus aux lieux et à leurs particularités,
qu'à la volonté de dégager des règles
générales, des lois (nomos en grec, ce qui donne
nomothétique, s'opposant à idiographique).
E- Et Jules Verne dans tout cela ?
Bien que contemporain de ces inventions et aussi d'autres
qu'il a vues naître, comme le téléphone, la radio, les
rayons X ou encore l'automobile29, ces dernières ne jouent
pas dans l'oeuvre de Jules Verne un rôle important.
Néanmoins, Jules Verne utilise les
découvertes scientifiques et techniques de son époque comme
support de ses nombreuses aventures, et souvent, à chaque roman
correspond la description, l'explication et l'utilisation d'une (ou de
plusieurs) invention récente. Il traduit et diffuse ainsi à un
large public les derniers progrès en matière de science et de
technique, et extrapole à partir de ces derniers les possibilités
qu'ils pourraient offrir à l'avenir si l'utilisation qui en est faite
devait aller en augmentant. Or, Jules Verne, extrapole plus
qu'il n'anticipe, ce qui peut expliquer en partie le fait que certaines de ses
prédictions (de « relatives » prédictions) se soient
réalisées, et que d'autres stagnent dans le domaine de
l'irréel ou encore de la science-fiction... Ainsi, ce qui est
remarquable dans son oeuvre, c'est sa capacité d'extrapolation qui se
développe à la limite de l'anticipation. Voilà l'un des
points centraux qui mérite d'être souligné. Ce subtil
équilibre entre rationalisme, imagination et science-fiction est,
semble-t-il, au centre de l'oeuvre de Jules
Verne30. Car, le fait est, que souvent le réel vient
à dépasser tôt ou tard ce qui avant était de la
science-fiction...
28 Pour le déterminisme en géographie,
cf. Karl Ritter (1779-1859) ; pour l'environnementalisme, cf.
Frédérick Ratzel (1844-1904).
29 Le téléphone est inventé en
1876 par Alexander Graham Bell (1847-1922) ; les rayons X
découverts par Roentgen en 1895 ; la radio
inventée en 1890.
30 En effet, nous émettons ici uniquement et
simplement une hypothèse de travail.
Jules Verne est un optimiste du
progrès, même si parfois il tient des propos sceptiques sur
l'avenir de l'humanité face à une modernisation accrue et
à outrance. Ainsi, dans Cinq semaines en ballon (1863)
:
« - D'ailleurs, dit Kennedy, cela sera
peut-être une fort ennuyeuse époque que celle où
l'industrie absorbera tout à son profit ! A force d'inventer des
machines, les hommes se feront dévorer par elles ! Je me suis toujours
figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense
chaudière chauffée à trois milliards d'atmosphères
fera sauter le globe !
- Et j'ajoute, dit Joe, que les Américains n'auront
pas été les derniers à travailler à la machine.
»31
Ce passage sceptique sur les effets a posteriori de
l'industrie s'insère dans un plus large roman où, au contraire,
les progrès scientifiques et techniques sont présentés
comme les outils destinés à l'élaboration d'un monde
meilleur. D'ailleurs, Jules Verne, traduit dans ses romans les
goûts de la société du moment. Ainsi, nous pouvons citer
:
Voyage au centre de la terre (1864),
Jules Verne traduit l'intérêt croissant du public
pour la géologie, la paléontologie, la minéralogie, les
théories de l'évolution.
De la terre à la lune (1865), il traduit
les goûts du public en matière de balistique,
d'aéronautique, d'astronomie et de la recherche d'une éventuelle
forme de vie extra-terrestre.
Cinq semaines en ballon (1863), ainsi que dans
Le tour du monde en 80 jours (1873), il traduit
l'intérêt porté aux voyages, aux découvertes,
à la géographie et à l'histoire.
Enfin, dernier exemple que nous citerons ici, dans Vingt
mille lieues sous les mers (1870), il décrit les
goûts en matière d'océanographie et d'exploration
sous-marine.
Jules Verne reprend aussi par la suite des
thèmes moraux et essaie de faire connaître certains abus sociaux
et environnementaux contemporains. Par exemple, dans L'Ile à
hélice (1895) il décrit le fléau des
politiciens et des missionnaires qui détruisirent les cultures
31 VERNE Jules. Cinq semaines en
ballon. Paris : Hetzel, 1996 (réédition de l'ouvrage
original de 1863). Page 124.
indigènes de diverses îles polynésiennes.
Dans Le Sphinx des glaces (1897), il met en garde contre
l'extinction imminente des baleines. Dans Le Testament d'un
excentrique (1899), il signale (déjà) la pollution
causée par l'industrie du pétrole. Enfin, car la liste pourrait
être allongée, dans le Village aérien
(1901), il dénonce le massacre des éléphants pour leur
ivoire.
Ainsi, Jules Verne semble visionnaire, mais
aussi inspirateur ; en effet, les responsables du programme APOLLO 11 (du
16/07/1969) se sont sans doute inspirés des romans de Jules
Verne. Pour autant, ont-ils choisis la Floride comme lieu de
départ d'après le roman de Jules Verne, ou ce
dernier n'a-t-il fait preuve en fait que de bon sens...?
De notre point de vue, Jules Verne a
essayé de traduire la complexité du monde par une approche
transdisciplinaire en proposant des voyages dits « extraordinaires »,
en ce sens qu'ils sortent de l'ordinaire, en diffusant les derniers
résultats des recherches scientifiques et techniques. Cette
transdisciplinarité est à la base de la démarche
adoptée par l'écologie humaine, d'où le choix de notre
part de cet auteur et de ce thème de recherche («
Espace et Temps dans l'oeuvre de Jules Verne »). Car, si les
voyages de Jules Verne sont extraordinaires - en dehors de la
norme, à la marge -, il ne faut pas oublier qu'en cette fin de 20°
siècle, les scientifiques se sont rendu compte que les progrès
scientifiques et techniques ne peuvent réellement se réaliser que
si la recherche s'effectue à la marge de sa discipline de
prédilection. Cette constatation très appuyée aujourd'hui
s'oppose ainsi à l'hyperspécialisation qui ferme toute chance
d'avancer dans le domaine de la connaissance scientifique (et technique).
Ainsi, Jules Verne a-t-il fait de l'écologie humaine
avant même que le terme ne soit inventé, et que la discipline ne
soit envisagée. Est-ce alors de l'anticipation, de l'imagination ou de
l'extrapolation de sa part...?
TROISIEME PARTIE :
VOYAGE AU CENTRE DE
LA TERRE... ET DANS LE
TEMPS.
III - VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE... ET DANS LE
TEMPS.
L'objet de notre démarche consiste ainsi à
montrer comment ce voyage au centre de la terre constitue aussi un voyage dans
le temps, un retour dans le passé. Pour ce faire, Jules
Verne procède, entre autre et pour ce qui nous
intéresse, par l'explication et la description des différentes
couches géologiques qui se succèdent le long du périple
des voyageurs : il s'agit du principe même de la
stratigraphie32. Plus les héros s'enfoncent vers le centre de
la terre, plus ils remontent le cours du temps, partant des origines du monde
pour arriver à l'apparition de l'homme. Ce procédé permet
ainsi de crédibiliser le voyage en s'appuyant sur des bases
scientifiques. Le cratère et le conduit du volcan par lesquels
s'effectue la descente, constituent alors une formidable machine à
remonter le temps.
Le monde de Jules Verne est
clos33, fermé, limité dans l'espace (et dans le temps
?). La recherche du centre de la terre est aussi la recherche d'un « point
zéro », source de l'origine du monde. Or les héros de
Jules Verne n'atteignent pas ce point de départ qui
constitue aussi un point d'arrivé (celui du voyage). Car la science
physique et géologique de cette fin de 19° siècle ne permet
pas de préciser exactement la structure interne du globe, et donc de
permettre aux explorateurs d'aller jusqu'au bout de leur objectif.
Jules Verne s'en sort alors par une astuce très subtile
: les héros se retrouvent à la fin de leur parcours
expulsés par un volcan en éruption34, et atterrissent
finalement en Italie, le berceau même de la civilisation gréco-
romaine. Or cette civilisation gréco-romaine se croyait, il y a deux
millénaires, au centre du monde et au centre de la terre (ce
géocentrisme était flagrant dans les cartographies
contemporaines, plaçant le domaine méditerranéen au centre
du monde, tel que conçu et imaginé par les érudits de
l'époque35). D'autre part, rappelons aussi que pour bon
nombre de scientifiques, l'origine de la vie sur terre tire une partie de ses
origines de la combinaison des éruptions volcaniques, de l'eau, des
météores d'origine extra-terrestre36...
32 Partie de la géologie qui étudie les
couches de l'écorce terrestre en vue d'établir l'ordre normal de
superposition et l'âge relatif.
33 Op. cit. COMPERE Daniel. Un voyage
imaginaire de Jules Verne. Voyage au centre de la terre. Page 10.
34 Ce qui permet aussi à l'auteur de ne pas
faire revenir ses héros par le chemin emprunté à l'aller,
et ainsi d'économiser des pages d'écriture redondantes.
35 Cependant, certains émettaient des avis
contraires, comme, notamment, Claude Ptolémée
(environ 100-170 après J.C.) qui avait réussi à calculer
la circonférence de la terre. Par conséquent, il
démontrait aussi que la terre est ronde, et que donc le domaine
méditerranéen ne pouvait constituer le centre du monde
(plutôt le centre d'un monde, celui des romains...).
36 Evidemment, il existe d'autres
éléments qui entrent en compte, mais nous ne citons ici que ceux
qui permettent
Cependant, le voyage en lui-même est
précédé par un premier voyage qui consiste en
l'acheminement des expéditeurs et du matériel au point de
départ prévu par le document d'Arne Saknussemm. Ce premier voyage
représente, dans le roman, quand même 145 pages37 :
« Le véritable voyage commençait
»38, en parlant de la descente proprement dite.
Les expéditeurs se dirigent ainsi en Islande, et plus exactement vers le
cratère du Sneffels. C'est durant ces 145 pages que Jules Verne
précise qu'il s'agit d'une expédition scientifique et
géographique, telle que celles menées par les grands explorateurs
du 15° et du 16° siècle. Le vieux parchemin à l'origine
de cette aventure date d'ailleurs du 16° siècle39.
A) - Une expédition scientifique et
géographique.
Dès le début roman, Jules Verne
nous décrit ses héros comme des scientifiques, des
spécialistes des sciences de la terre. Ainsi, concernant le professeur
Lidenbrock : « Il était professeur au Johannaeum et faisait un
cours de minéralogie »40. Et pour renforcer encore
plus ce caractère, une page plus loin l'auteur nous
énumère des types de cristallisation, des variétés
de minéraux : « Mais lorsqu'on se trouve en présence des
cristallisations rhomboédriques, des résines
rétinasphaltes, des ghélénites, des fangasites, des
molybdates de plomb, des tungstates de manganèse et titianites de
zircone, il est permis à la langue la plus adroite de fourcher.
»41 ; ou encore des noms de savants et scientifiques que
le professeur Lidenbrock connaît : « MM. Humphry Davy, de
Humboldt, les capitaines Franklin et Sabine, ne manquèrent pas de lui
rendre visite à leur passage à Hambourg. MM. Becquerel, Ebelmen,
Brewster, Dumas, Milne-Edwards, Sainte-Claire-Deville, aimaient à le
consulter sur des questions les plus palpitantes de la chimie
»42.
d'expliquer en partie ce roman de Jules
Verne.
37 Soit plus d'un tiers du roman.
38 Op. cit. VERNE Jules. Voyage au
centre de la terre. Page 145.
39 Ibid. page 18.
40 Ibid. page 3.
41 Ibid. page 4.
42 Ibid. page 5 ; néanmoins, l'auteur fait
preuve ici d'incohérence et d'anachronisme : «Edmondo Marcucci
a signalé le premier un étrange anachronisme : Lidenbrock affirme
avoir discuté du noyau intérieur de la Terre avec Humphry Davy en
1825. Or, étant âgé de 50 ans en 1863, il avait 12 ans en
1825 ! Cette discussion est donc impossible, mais elle arrange Verne, car elle
apporte une caution à son personnage. Davy étant mort en 1829, il
pouvait difficilement placer cette rencontre plus tard...». Op. cit.
COMPERE Daniel. Un voyage imaginaire de Jules Verne. Voyage au
centre de la terre. Page 50.
L'énumération est un procédé cher
à Jules Verne, il contribue à donner du poids et
de la réalité à son aventure43.
Ce même professeur a fait paraître en 1853 un
« Traité de Cristallographie transcendante »44
; toute sa collection de minéraux fait l'objet d'une classification
rigoureuse, caractéristique d'un esprit positiviste, classificateur,
à l'image du Positivisme d'Auguste Comte : « A
la cassure, à l'aspect, à la dureté, à la
fusibilité, au son, à l'odeur, au goût d'un minéral
quelconque, il le classait sans hésiter parmi les six cents
espèces que la science compte aujourd'hui »45 ;
« Tous les échantillons du règne minéral s'y
trouvaient étiquetés avec l'ordre le plus parfait, suivant les
trois grandes divisions des minéraux inflammables, métalliques et
lithoïdes »46.
Le narrateur, Axel, son neveu, avoue qu'il mordit «
avec appétit aux sciences géologiques ; j'avais du sang de
minéralogiste dans les veines, et je ne m'ennuyais jamais en compagnie
de mes précieux cailloux »47.
De même, Jules Verne utilise dans son
texte des figures de rhétorique, telle que la comparaison ou l'image,
qui reprennent des éléments des sciences de la terre (et de la
vie, et plus particulièrement la vulcanologie) : « laboratoire
culinaire »48, « imagination volcanique
»49, « Quelle gloire attend M. Lidenbrock et rejaillira
sur son compagnon »50, « Mais il fallait de telles
épreuves pour provoquer chez le professeur un pareil épanchement
»51 , etc...
Néanmoins, l'incertitude concernant l'aboutissement du
voyage demeure. En effet, les théories concernant la structure du centre
du globe terrestre s'affrontent en cette deuxième moitié de
19° siècle : « C'est que toutes les théories de la
science démontrent qu'une pareille entreprise est impraticable !
»52 . Axel oppose ainsi à son oncle la
théorie de la chaleur interne
43 VIERNE Simone. Jules Verne. Une vie, une
oeuvre, une époque. Paris : Balland, 1986. Page 158.
44 Op. cit. VERNE Jules. Voyage au
centre de la terre. Page 5. Il s'agit d'un ouvrage évidemment
purement imaginaire !!!.
45 Ibid.
46 Ibid. page 9.
47 Ibid.
48 Ibid. page 2.
49 Ibid. page 34.
50 Ibid. page 59.
51 Ibid. page 227.
52 Ibid. page 47.
(ou centrale), et ce dernier la réfute en lui
prétextant qu'il existe peut-être des seuils, des
discontinuités, permettant ainsi la faisabilité de
l'entreprise... D'ailleurs le professeur ne déclare-t-il pas à
son neveu : « ni toi ni personne ne sait d'une façon certaine
ce qui se passe à l'intérieur du globe, attendu qu'on
connaît à peine la douze-millième partie de son rayon ;
c'est que la science est éminemment perfectible, et que chaque
théorie est incessamment détruite par une théorie nouvelle
»53 . Le professeur partage ainsi la théorie de
Davy et de Poisson, s'opposant à celle de la chaleur
centrale54.
Ainsi, nul doute que le voyage sera couronné par un
succès : « Ce sera là un beau voyage
»55, dit Graüben à Axel.
B) - Un voyage dans le temps.
Outre le fait que ce voyage est une expédition
scientifique et géographique, ce dernier est aussi, et c'est ce qui
constitue le point central de notre travail, un formidable moyen de voyager
dans le temps, à travers les différentes époques
géologiques qui se sont succédé au cours de l'histoire de
l'évolution de la terre56. Ainsi, hormis le manomètre
et la boussole, le chronomètre fait partie intégrante des
instruments amenés dans l'expédition, car c'est lui qui va
permettre de mesurer le temps réel (celui qui s'écoule à
la surface de la terre, alors que les voyageurs seront situés à
l'intérieur du globe, sans aucun référentiel comme le
soleil, la lune, les étoiles ou autres moyens d'apprécier l'heure
qu'il est). Ce dernier est donc « un chronomètre de Boissonnas
jeune de Genève, parfaitement réglé au méridien de
Hambourg »57.
Quelques pages avant que le voyage proprement dit ne commence
(page 145), Axel nous fait un exposé relativement détaillé
(et probable) de l'origine de l'Islande, île tirant sa source
d'après lui des feux souterrains58. Ainsi : « la
succession des phénomènes qui constituèrent
53 Ibid. page 48 ; cf. aussi note de bas de page
n° 8 de ce mémoire.
54 Ibid. page 150 ; cf. supra.
55 Ibid. page 55.
56 Cf. Document N°1.
57 Ibid. page 96.
58 Ibid. pages 128, 129 et 130.
l'Islande provenaient de l'action des feux intérieurs
»59. Sa description et son explication nous font alors
déjà remonter le cours du temps, tout comme le voyage au centre
de la terre.
Effectivement, d'un point de vue géologique, l'Islande
correspond à une des parties émergées de la dorsale
médio-atlantique de part et d'autre de laquelle les continents (Europe
et Amériques) s'éloignent (c'est ce que l'on appelle la
tectonique des plaques). De cette dorsale (où des remontées de
magma s'effectuent) les geysers et les volcans, par exemple, tirent ainsi leurs
origines. Ainsi, sont expliqués les nombreux épanchements
volcaniques décrits durant la traversée de l'Islande pour arriver
au pied du Sneffels60.
Pour appuyer le caractère dual du voyage (à la
fois dans l'espace et dans le temps), dès le début de la descente
Axel nous énumère parfaitement, en partant des plus
récentes aux plus anciennes, les époques géologiques qui
se sont succédé sur terre : « pliocène,
miocène, éocène, crétacé, jurassique,
triasique, pernien, carbonifère, dévonien, silurien, primitif
»61. Le pernien est plus connu actuellement sous le nom de
permien. Enfin, certaines époques géologiques ne sont pas
mentionnées, comme le cambrien et l'ordovicien (correspondant a
priori ici au primitif ; ère primaire) ainsi que le
paléocène et l'oligocène (respectivement situés de
part et d'autre de l'éocène ; ère tertiaire). De
même, rappelons que le Quaternaire fait ici partie intégrante de
l'ère tertiaire. Pour autant, ces propos préfigurent le contenu
du voyage.
C'est ainsi que la descente emmène d'abord les
voyageurs « en pleine époque de transition, en pleine
période silurienne »62. Jules
Verne remonte ainsi le cours du temps, en partant des époques
les plus anciennes pour arriver aux plus récentes. D'ailleurs Axel,
quelques pages plus loin, confirme cet état de fait : « Depuis
la veille, la création avait fait un progrès évident. Au
lieu des trilobites rudimentaires, j'apercevais des débris d'un ordre
plus parfait ; entre autres, des poissons Ganoïdes et ces Sauropteris dans
lesquels l'oeil du paléontologiste a su découvrir les
premières formes du reptile. Les mers dévoniennes étaient
habitées par un grand nombre d'animaux de cette espèce, et elles
les déposèrent par milliers sur les roches de nouvelle formation.
Il devenait évident que nous remontions l'échelle de la
59 Ibid. page 130.
60 Cf. chapitres XII à XV.
61 Ibid.
62 Ibid. page 165. L'auteur explique même en
note de bas de page l'origine du nom : « Ainsi nommée parce que
les terrains de cette période sont fort étendus en Angleterre,
dans les contrées habitées autrefois par la peuplade
vie animale dont l'homme occupe le sommet
»63. Enfin, une page plus loin, les voyageurs
découvrent une mine de charbon64 caractéristique de
l'époque carbonifère et permienne : « A cette âge
du monde qui précéda l'époque secondaire
»65. Il en est alors fini avec l'ère primaire... ce
qui correspond quand même à un voyage d'environ 330 millions
d'années66.
De la géologie nous passons alors à la
paléontologie, et il faut alors attendre 70 pages environ pour que les
explorateurs arrivent en pleine ère secondaire : « Voilà
toute la flore de la seconde époque du monde, de l'époque de
transition »67. Effectivement, quelques pages plus loin,
et à propos du combat de deux animaux d'abord difficilement
identifiables, le professeur Lidenbrock reconnaît un : «
ichtyosaurus » et un : « plesiosaurus
»68 dinosaures typiques de l'ère secondaire, et
plus particulièrement du jurassique. Entre temps, Jules
Verne fait voyager quelques moments ses héros en pleines
ères tertiaire et quaternaire : « Voilà la
mâchoire inférieure du mastodonte, disais-je ; voilà les
molaires du dinotherium ; voilà un fémur qui ne peut avoir
appartenu qu'au plus grand de ces animaux, au megatherium »69.
Ces dinosaures sont effectivement typiques de ces ères
géologiques :
· Le mastodonte est un mammifère fossile de la
fin du Tertiaire et du début du Quaternaire, voisin de
l'éléphant, mais muni de molaires mamelonnées et parfois
de deux paires de défenses.
· Le dinotherium est un mammifère fossile ayant
vécu au miocène en Europe. De la taille des
éléphants, il possédait à la mâchoire
inférieure deux défenses recourbées vers le sol.
· Le megatherium est un grand mammifère fossile des
terrains tertiaires et quaternaires d'Amérique du Sud, qui atteignait
4,5 mètres de long.
Source = Dictionnaire Petit Larousse,
1996.
celtique des Silaures ».
63 Ibid. page 169. Dans le paragraphe
précédent, Jules Verne nous décrit aussi
les terrains dévoniens dans l'étincellement des «
schistes », du « calcaire » et des «
vieux grès rouges ». La couleur rouge revient souvent comme
qualificatif des terrains observés ici, ces derniers ayant connu
probablement en cette période une forte oxydation
d'éléments ferrugineux.
64 Ibid. page 170.
65 Ibid. page 172.
66 Les différentes échelles des temps
géologiques construites par les géologues ne s'accordent pas
toutes quant à la datation exacte du début de l'ère
primaire...
67 Ibid. page 242.
68 Ibid. page 271.
69 Ibid. page 243.
L'arrivée dans l'ère tertiaire se fait, quant
à elle et outre la digression précédente, 30 pages plus
loin. Encore une fois, c'est par la paléontologie que se fait la
datation des terrains environnant, puisqu'Axel, le narrateur, fait
référence à des carapaces de glyptodons gisant sur le sol
: « J'apercevais aussi d'énormes carapaces dont le
diamètre dépassait souvent quinze pieds. Elles avaient appartenu
à ces gigantesques glyptodons de la période pliocène dont
la tortue moderne n'est plus qu'une petite réduction
»70. La période pliocène est clairement
mentionnée ici, datation correcte puisque le glyptodon appartient
réellement à la période pliocène -
pléistocène, le pléistocène correspondant à
la période la plus ancienne du Quaternaire, celle des principales
glaciations71.
Quelques pages plus loin, c'est aux origines de l'homme que
nous assistons. En effet, à la page 305, le professeur Lidenbrock
découvre une tête humaine, au milieu d'une mer d'ossements de
toutes sortes. Par la nature des terrains environnants, le professeur
Lidenbrock peut ainsi confirmer la théorie de MM. Milne - Edwards et de
Quatrefages selon laquelle les origines de l'homme remontent au
Quaternaire72 : « L'authenticité d'un fossile humain
de l'époque quaternaire semblait donc incontestablement
démontrée et admise »73. D'ailleurs, page
312, ce même professeur ne déclare-t-il pas : « c'est
là un homme fossile, et contemporain des mastodontes dont les ossements
emplissent cet amphithéâtre ».
Finalement, Axel nous prouve qu'il s'agit bien d'un voyage
dans le temps auquel il aspirait depuis longtemps : « Ce rêve
où j'avais vu renaître tout ce monde des temps
antéhistoriques, des époques ternaire et quaternaire, se
réalisait donc enfin ! »74.
70 Ibid. page 301.
71 Jusqu'à il y a - 20.000 ans environ, nous
étions encore en pleine période de glaciations.
72 Op. cit. VIERNE Simone. Jules Verne.
Une vie, une oeuvre, une époque. Page 162.
73 Op. cit. VERNE Jules. Voyage au
centre de la terre. Page 306.
74 Ibid. page 318.
C) - Des origines de la terre aux origines de
l'homme...
L'évolution de la terre a suivi une spirale de temps en
expansion, depuis que sa surface a commencé à se solidifier, il y
a 4 milliards d'années. Tandis que la croûte se fissurait, se
reformait et s'épaississait, les éruptions volcaniques crachaient
d'énormes quantités de gaz brûlants. Le refroidissement de
la surface a entraîné la condensation de l'eau et la pluie, qui a
constitué les océans. Les réactions chimiques
déclenchées par le rayonnement ultraviolet, les éclairs ou
les impacts météoritiques ont engendré divers
composés carbonés, dont les acides aminés, matériau
constitutif de la vie.
Des fossiles d'algues primitives (les stromatolites)
âgés de 3,5 milliards d'années ont été
découverts en Australie, prouvant ainsi que la vie existait.
Il y a 3 milliards d'années, les algues bleu-vert ont
inauguré le processus de photosynthèse en commençant
à libérer de l'oxygène. Les animaux marins ont alors fait
leur apparition, comme par exemple les méduses puis les coquillages, il
y respectivement 600 et 570 millions d'années (début de
l'ère primaire), suivis par les poissons osseux.
Végétaux et animaux se sont risqués sur la terre ferme, il
y a environ 400 millions d'années (dévonien).
Puis les forêts tropicales et les marais se sont
étendus, se peuplant de vers, d'araignées et d'insectes, puis de
reptiles, d'amphibiens et d'insectes volants. L'un des groupes de reptiles a
donné naissance aux dinosaures, et un autre aux mammifères, il y
a 225 millions d'années (début de l'ère
secondaire).
Tant que les dinosaures ont dominé la planète,
les mammifères sont restés des créatures nocturnes ;
lorsque ces derniers ont pris l'avantage, il y a 65 millions d'années
(début de l'ère tertiaire), sont apparus les
ancêtres des bovins, des chevaux, des éléphants... et,
enfin, l'homme (début de l'ère
quaternaire)75.
75 Concernant la rédaction de ce texte, nous
nous sommes fortement inspirés de ELSOM Derek. La
Terre. Paris : France Loisirs, 1994. Page 14.
D) - Des théories a priori contradictoires.
A l'époque où Jules Verne
écrivit Voyage au centre le terre, en 1864, de
nombreuses théories contradictoires s'affrontaient quant à la
nature de l'intérieur de la planète. Pour certains
géologues, elle contenait une boule de gaz incandescent sous pression
(ce que défend Axel), tandis que d'autres soupçonnaient
déjà l'existence de plusieurs enveloppes renfermant des
matériaux distincts (théorie de Davy et Poisson défendue
par Lidenbrock).
Plus d'un siècle plus tard, l'homme a peu de preuves
supplémentaires à porter au crédit de son analyse de la
constitution de la terre, et l'essentiel de notre connaissance ne vient pas de
forages, mais de l'étude des ondes sismiques engendrées par les
secousses telluriques.
L'étude de la propagation des ondes sismiques montre
que l'intérieur de la planète est loin d'être uniforme.
Continents et fonds marins sont constitués par la croûte, mince
enveloppe de roche solide et relativement légère. Sous la
croûte se situe le manteau, dont l'épaisseur s'étend
à peu près jusqu'à mi-chemin du centre de la terre, et
où la chaleur et la pression augmentent avec la profondeur (ce qui
conforte alors la théorie d'Axel...).
Le manteau, dans sa partie supérieure, est relativement
froid et constitue, avec la croûte, une région solide
appelée lithosphère. Plus bas, l'asthénosphère, ou
« sphère faible », est le siège de
températures élevées auxquelles la roche tend à se
comporter comme un liquide. Plus bas, dans la mésosphère, la
pression est plus intense encore et empêche la roche de se
liquéfier, en dépit des très fortes températures
qui y règnent.
Au-delà de 2900 km profondeur, le manteau cède
la place au noyau. Comme celui-ci ne laisse pas passer certaines ondes
sismiques et en dévie d'autres, les géologues en ont
déduit qu'il est probablement liquide mais possède un centre
solide. Il est très certainement constitué de fer,
mêlé à divers autres éléments comme le
nickel, en moindre quantité.
Du fait des conditions qui y règnent, le noyau terrestre
est beaucoup plus inaccessible encore à l'homme que l'espace. Son coeur
est le siège de pressions de l'ordre de 3 à 4 millions
d'atmosphères, et sa température atteint
très probablement 5000 degrés Celsius, de sorte qu'il est inutile
d'espérer en effectuer l'exploration au moyen de quelque machine que ce
soit.
Il existe ainsi deux types de croûtes, celle qui est
continentale et celle qui est océanique.
La croûte continentale flotte ainsi sur le manteau
à la manière d'un iceberg sur l'océan. Elle a une
profondeur moyenne de 30 km, mais elle s'enfonce sous les montagnes
jusqu'à 65 km.
Par contraste, la croûte océanique est beaucoup
plus mince. Elle ne mesure que 8-10 km en certains endroits, ce qui permettrait
presque d'en atteindre le fond par forage, si n'étaient imposées
les difficultés liées au milieu océanique.
Bien qu'ils fassent figure d'égratignures,
comparés aux 4000 km de rayon terrestre, les forages ont montré
que la température s'élève avec la profondeur (elle peut
atteindre 49 degrés Celsius, par exemple, dans certaines mines d'or) et
fournit des indices concernant la nature de l'intérieur du
globe76.
Pour résumer :
* Croûte (= écorce) = de 10
à 60 km de profondeur,
- Croûte continentale = jusqu'à 60 km de profondeur
(sous les montagnes), = granites essentiellement,
= densité 2,7 environ.
- Croûte océanique = jusqu'à 10 km de
profondeur (sous les océans), = basaltes essentiellement,
= densité de 3 à 3,2 environ.
Compte tenu des densités, la croûte continentale se
situe donc sur la croûte océanique.
76 Ibid. pages 32 et 33.
* Manteau supérieur = jusqu'à 150
km de profondeur,
= roches ultrabasiques denses.
=> Lithosphère = Croûte + Manteau
supérieur77.
Or, la théorie défendue par Lidenbrock
présente l'avantage de rendre la descente possible, même à
une profondeur relativement peu importante, ce que ne permet pas la
théorie d'Axel. «Il faut que le centre de la terre soit
froid... Jules Verne ne prend d'ailleurs pas de risques. Dans la conclusion,
Axel continue à soutenir qu'il y a une chaleur centrale. De toute
façon, ils ne sont pas parvenus au centre - et par un tour de
passe-passe qui est fort courant, Jules Verne fait dire à Axel :
« Mais j'avoue que certaines circonstances encore mal
définies peuvent modifier cette loi sous l'action de
phénomènes naturels. » »78.
Il est clair aujourd'hui que pour comprendre
l'intérieur du globe terrestre, il faut mélanger en fait ces deux
théories qui ne sont pas si contradictoires... ce qui est souvent le cas
avec les innombrables théories que l'homme a pu élaborer depuis
longtemps et à propos de tout (cf., par exemple, celles concernant la
disparition des dinosaures).
77 Cf. Document N°2.
78 Op. cit. VIERNE Simone. Jules Verne.
Une vie, une oeuvre, une époque. Page 159. La citation d'Axel
se situe à la page 370.
E- L'appropriation de l'espace.
Tout au long de leur périple, les voyageurs ne manquent
pas de nommer les différents éléments constituant les
décors de leur parcours. Cette nomenclature et nomination des faits
d'ordre naturel couronne en quelque sorte la « vieille
géographie » du milieu du 19° siècle, celle
où la géographie physique était
prépondérante. Notons ainsi, et par ordre d'apparition dans le
roman :
- le ruisseau «Hans-bach », page 194,
- « la mer Lidenbrock », page 233,
- « Port Graüben », page 253,
- « l'îlot Axel », page 281,
- « le cap Saknussemm », page 326.
Les principaux protagonistes prêtent ainsi leur nom
à des éléments naturels. Ce principe qui consiste à
nommer, à baptiser des éléments naturels procède de
la démarche géographique qui permet ainsi une meilleure
appropriation et possession intellectuelle de l'espace, ce dernier étant
totalement inconnu aux explorateurs. Cela leur permet alors d'exorciser une
forme d'angoisse liée à l'incertitude de l'aboutissement du
voyage (c'est le principe du voyage initiatique79). Il s'agit pour
l'homme, encore une fois, de dominer l'espace.
F- De l'Islande à l'Italie : un autre moyen de
voyager dans le temps.
Outre ce voyage au centre de la terre qui emmène les
voyageurs dans les entrailles du globe, Jules Verne fait faire
à ses héros un autre type de voyage dans le temps, en donnant
comme point de départ de l'aventure l'Islande, et comme point
d'arrivée l'Italie. En effet, nous pouvons déceler là
aussi la volonté de l'auteur de faire voyager ses héros à
la fois dans l'espace mais aussi dans le temps. L'Islande comme point de
départ n'est pas innocent, de même que l'Italie comme point
d'arrivée :
79 Qu'on se rappelle l'étymologie d'initiatique
: le commencement...
ISLANDE ITALIE
1 - Sneffels = volcan éteint 1 - Stromboli = volcan en
activité
2 - Lépreux 2 - Enfant gardien des vignes
3 - Lichens 3 - Raisins80
4 - Pays froid, neuf, vierge 4 - Pays chaud, ancien,
habité
5 - Direction de départ = N.O. 5 - Direction
d'arrivée = S.E.
G) - Un voyage aux nombreuses boucles.
Ce voyage au centre de la terre que nous offre Jules
Verne présente de nombreuses boucles, à la fois en
référence à la mythologie gréco-romaine, à
la géologie (réelle et/ou imaginaire), et parfois en
référence au voyage proprement dit.
La première boucle, ou premier parallèle, que
nous pouvons mettre en évidence, concerne le complexe
d'Empédocle. En effet, comment ne pas évoquer le nom de ce
philosophe grec qui s'est jeté dans le cratère d'un volcan.
D'ailleurs Michel Serres a justement écrit que
Voyage au centre de la terre « est l'ouvrage parfait du
complexe d'Empédocle [...] : le voyage relie la bouche d'un volcan
éteint à un cratère en pleine activité
»81.
Le deuxième parallèle associe directement la
collection de géodes du professeur Lidenbrock82 et la
structure interne du globe découverte par les aventuriers. Car,
là aussi, comment ne pas remarquer que le centre de la terre que nous
décrit Jules Verne est creux83, et que par
conséquent la terre est en fait une énorme géode. Or, une
fois atteint ce centre de la terre, Lidenbrock peut prétendre alors,
avec beaucoup d'imagination, ranger la terre dans sa collection de
géodes...
80 Ibid. page 172.
81 In (op. cit.) COMPERE Daniel. Un
voyage imaginaire de Jules Verne. Voyage au centre de la terre. Page
56.
82 Op. cit. VERNE Jules. Voyage au
centre de la terre. Page 28.
83 Cf. la mer intérieure, page 233.
Le troisième parallèle concerne le voyage en
lui-même. Car nous pouvons là aussi mettre en évidence deux
boucles, parmi évidemment bien d'autres possibles. D'une part, et nous
l'avons montré dans le cadre de ce mémoire, nous avons affaire
ici à une véritable boucle temporelle : le voyage nous
emmène des origines de la terre aux origines de l'homme, pour revenir
à la fin du roman aux hommes de la fin du 19° siècle (qui
est aussi le point le départ du dit roman, avec une date précise
: « Le 24 mai 1863, un dimanche »84) . Mais
d'autre part, remarquons qu'au climat froid de l'Islande (donc correspondant
à l'idée que se fait Lidenbrock de la température de
l'intérieur du globe, et permettant ainsi la descente) s'oppose le
soleil ardent85 de l'Italie (donc correspondant à la
théorie d'Axel, celle de la chaleur interne). Nous avons alors affaire
ici à une boucle dialectique opposant mais réunissant aussi deux
ensembles contradictoires qui tendent à se rejoindre pour former un tout
relativement cohérent, celui du roman proprement dit.
A travers ses nombreux romans, Jules Verne
nous fait donc voyager dans l'espace mais aussi dans le temps. Cet espoir
pluri-séculaire de remonter le temps constitue une source d'inspiration
inépuisable que de nombreux auteurs ont exploitée. Voyage
au centre de la terre est ainsi un bon exemple illustrant cet
état de fait, où les héros font alors preuve
d'ubiquité temporelle : ils se retrouvent en un même lieu à
deux époques différentes, à la fois en 1864 et plusieurs
millions d'années en arrière, dans un écosystème
(ou plus exactement un « oïkosystème » ) bien
différent de celui qu'ils connaissent. C'est la dualité de leur
voyage qui constitue donc notre problématique.
H) - Un voyage surtout imaginaire ?
La retranscription précise des lieux visités par
les explorateurs ainsi que des différentes observations correspondantes
(dates, sites, situations, etc...) permet de mettre en évidence des
incohérences notables concernant la nature même et
l'itinéraire du voyage86. Néanmoins, ces
incohérences (ou anomalies, erreurs de la part de l'auteur) doivent
être envisagées sous l'angle de l'imaginaire et de
l'irréel. Or, c'est justement parce que Jules Verne a
le souci
84 Ibid. page 1.
85 Ibid. page 359.
86 Cf. Document N°3.
permanent de situer les faits dans le temps et dans l'espace que
nous pouvons relever ces différentes incohérences. Pour ce faire,
reprenons alors le fil du voyage.
Le voyage proprement dit, c'est-à-dire la descente au
centre de la terre, une fois les voyageurs arrivés en haut du Sneffels,
commence le 28/06/186387. Le 01/07/186388, ils atteignent
la base du cratère et font malheureusement une erreur dans le choix de
la galerie à emprunter. Or, page 161, Jules Verne (ou
Axel, le narrateur) commence le chapitre XIX par : « Le lendemain,
mardi, 30 juin, à six heures, la descente fut reprise
»89, alors que la narration concerne des faits se
déroulant après ceux de la narration des pages
précédentes. Qu'importe, il s'agit sûrement là d'une
simple erreur de l'auteur.
Le voyage se poursuit ainsi normalement, et le 15/07/1
86390, ils sont alors à 7 lieues sous terre et à 50
lieues du Sneffels, « sous la pleine mer »91, ce
qui constitue une indication supplémentaire de l'itinéraire du
voyage. Les mêmes types d'informations nous sont fournies page 202, le
dimanche 19/07/1863. Ils sont ainsi à 85 lieues de la base du Sneffels,
sous l'Atlantique, et même à 16 lieues sous terre d'après
le professeur Lidenbrock (12 lieues pour Axel, 2 pages plus loin !! !). Idem
page 210, le 07/08/1863, où ils sont à 30 lieues sous terre et
environ à 200 lieues de l'Islande. Et enfin, même données
pages 245 et suivantes, le 11/08/1863 où ils sont à 35 lieues
sous terre (« Ainsi, dis-je en considérant la carte, la partie
montagneuse de l'Ecosse est au-dessus de nous, et, là, les monts
Grampians élèvent à une prodigieuse hauteur leur cime
couverte de neige »92).
C'est alors que nous arrivons à un point crucial du
voyage, là où nous pouvons déceler soit, une énorme
incohérence de la part de Jules Verne, soit la preuve
incontestable que ce voyage est purement et simplement imaginaire. En effet,
une fois les côtes de la mer Lidenbrock atteintes93, et
après une petite visite du rivage, la volonté du professeur
Lidenbrock est évidemment de procéder à la
traversée de cette dernière. Le début de la
traversée commence ainsi le 13/08/186394. Le lendemain, les
voyageurs ont déjà parcouru 35
87 Ibid. pages 144- 145.
88 Ibid. page 154.
89 Ibid. page 161.
90 Ibid. page 200.
91 Ibid.
92 Ibid. page 249.
93 Ibid. page 233.
94 Ibid. page 252.
lieues depuis la côte95, le surlendemain, ils
sont à 100 lieues de la même côte96, et le jeudi
20/08/1 86397 ils atteignent l'îlot Axel, à 270 lieues
de la côte, soit environ à 600 lieues de l'Islande98.
Or, compte tenu de l'itinéraire emprunté, et en partant du
principe que le voyage a été rectiligne, il est
intéressant de remarquer que cet îlot Axel se situe, à
quelques lieues près, très exactement sous la ville d'Hambourg,
là où Graüben attend son futur mari... Repartant de
l'îlot en question, la tempête les ramène en
réalité à leur point de départ, à quelques
lieues près de là où ils partirent, le 13/08/1863.
Or, c'est à partir de ce même point, et
après quelques pérégrinations supplémentaires le
long de la côte, que s'effectue leur remontée dans le ventre du
Stromboli99, alors qu'en réalité ils sont revenus sous
les Monts Grampians, en Ecosse. Or, à la page 297, Axel et le professeur
Lidenbrock déclarent avoir parcouru environ 900 lieues depuis Reykjawik
et être sous la Méditerranée, ne sachant pas que la
tempête les a en fait ramenés à leur point de
départ. Pourtant, 900 lieues, c'est ce qui sépare à peu
près (réellement) Reykjawik du Stromboli. Cela est donc
très étonnant. Réellement (si nous pouvons employer ce
terme) ils sont sous l'Ecosse, imaginairement ils sont sous le Stromboli. Pour
autant, la remontée les ramène effectivement sur les flancs du
Stromboli100. Cela est-il dû alors au
dérèglement de la boussole (consécutif au contact avec la
boule de feu, page 288) ? Au contraire, peut-être n'a-t-elle pas
été du tout touchée par la boule de feu. Ainsi, ils ne
seraient pas revenus à leur point de départ, mais ils seraient
réellement arrivés sous la Méditerranée, et plus
particulièrement sous le Stromboli, rendant leur voyage alors
possible... Tout cela est quand même étrange, puisque la boussole
continue à indiquer le nord à la place du sud, même une
fois les voyageurs revenus sur la terre ferme.
95 Ibid. page 256.
96 Ibid. pages 263 et suivantes.
97 Ibid. pages 274 et suivantes.
98 Ibid. page 297.
99 Ibid. page 332 et suivantes, le jeudi 27/08/1 863
et les jours suivants.
ITINERAIRE ET CHRONOLOGIE DU VOYAGE. Document
N°3.
DATE(S)
|
PAGE(S)
|
LIEU
|
OBSERVATION(S)
|
24/05/1863
|
1
|
N° 19 de Königstrasse, Hambourg.
|
Début de la narration.
|
?
|
66
|
Arrivée à Copenhague.
|
|
02/06/1863
|
73
|
Départ pour Reykjawik.
|
|
04/06/1863
|
75
|
Peterheade, côtes d'Ecosse en vue.
|
|
11/06/1863
|
75
|
Cap Portland en vue.
|
|
12/06/1863 (?)
|
76
|
Arrivée à Reykjawik.
|
|
16/06/1863
|
100
|
Départ de Reykjawik pour le Sneffels.
|
Connaissance de Hans.
|
24/06/1863
|
143
|
Arrivée en haut du Sneffels.
|
|
28/06/1863
|
144-145
|
Descente au centre de la terre.
|
Le soleil apparaît (pour la
dernière fois) et permet de trouver le bon chemin.
|
01/07/1863
|
154
|
Début du voyage proprement dit, une fois arrivé en
bas du cratère.
|
Direction E.-S.-E. ; 08H17 ; 6° C. Observation des laves
issues de l'éruption de 1229.
|
30/06/1863
|
161
|
|
Mauvais choix de galerie. Terrains du Silurien.
|
01/07/1863
|
169
|
|
Terrains du Dévonien, puis du Carbonifère.
|
07/07/1863
|
176
|
|
Retour au point de jonction des deux galeries.
|
08/07/1863 (?)
|
183
|
|
Terrains primitifs, granites.
|
15/07/1863
|
200
|
7 lieues sous terre, à 50 lieues du Sneffels, sous la
pleine mer.
|
Voûte granitique.
|
18/07/1863
|
201
|
|
Grotte assez vaste.
|
19/07/1863
|
202
|
16 lieues sous terre (pour Lidenbrock), 12 lieues sous terre
(pour Axel, 2 pages plus loin !) ; à 85 lieues depuis base du Sneffels,
sous l'Atlantique.
|
Direction E.-S.-E. ; chaleur théorique de 1500° C.,
chaleur pratique (réelle) de 27,6° C. !!!
|
07/08/1863
|
210
|
30 lieues sous terre ; à environ 200 lieues de
l'Islande.
|
Axel se perd. Toujours du granite.
|
09/08/1863
|
228
|
|
Axel est retrouvé.
|
10/08/1863
|
233 et +
|
|
Mer Lidenbrock. Eres Secondaire et Tertiaire.
|
11/08/1863
|
245 et +
|
35 lieues sous terre (au-dessus = Monts Grampians en Ecosse) ;
à 350 lieues de l'Islande
|
L'aiguille de la boussole se relève.
|
13/08/1863
|
252
|
|
Début de la traversée de la mer Lidenbrock.
|
14/08/1863
|
256
|
A 35 lieues de la côte.
|
32° C. ; poissons du Dévonien ?
|
100 Cf. Document N°4.
15/08/1863
|
263 et +
|
A environ 100 lieues de la côte.
|
|
17/08/1863
|
266 et +
|
|
Epoque Jurassique.
|
18/08/1863
|
268 et +
|
|
Bataille entre animaux de l'ère Secondaire : un
Plesiosaurus et un Ichthyosaurus.
|
20/08/1863
|
274 et +
|
A environ 270 lieues de la mer (= côte, cf. page 297) ;
A plus de 600 lieues de l'Islande.
|
Ilot Axel.
|
21/08/1863 et jours suivants
|
281 et +
|
40 lieues sous terre (cf. page 292).
|
Tempête ; page 288 = boule de feu (=> inversion de la
boussole ?, page 298).
|
25/08/1863
|
291 et +
|
A 900 lieues de Reykjawik ?
|
Fin de la tempête, retour sur la côte.
Malheureusement retour au point de départ (donc théoriquement ils
ne sont pas sous la Méditerranée...).
|
26-27/08/1863
|
292 à 332
|
Page 327 : plus que 1500 lieues à franchir pour atteindre
le centre de la terre, soit environ 6000 kms !!!
|
Glyptodons (Tertiaire + Quaternaire) ; Crânes humains +
homme fossile (Quaternaire) ; végétation du tertiaire ;
réalisation du rêve d'Axel ; homme vivant immense ; grotte
granitique bouchée.
|
27/08/1 863 et jours suivants
|
332 et +
|
Sous le Stromboli ?
|
Explosion de la grotte, début de la remontée ; page
350 = aiguille de la boussole affolée, + de 70° C. (page 354) ;
page 358 = arrivée et fin de la remontée ; page 364 =
arrivée sur les flancs du
Stromboli.
|
29/08/1863
|
368
|
Stromboli.
|
Réception par des pêcheurs.
|
3 1/08/1863
|
368
|
Départ pour Messine.
|
|
04/09/1863
|
368
|
Départ pour Marseille.
|
|
07/09/1863
|
369
|
Arrivée à Marseille.
|
|
09/09/1863
|
369
|
Arrivée à Hambourg.
|
|
CONCLUSION
Voyager dans le centre de la terre, c'est aussi, pour
Jules Verne, voyager dans le temps. Et les
références ici ne sont pas qu'anecdotiques ou simplement
allusives. L'auteur développe ainsi une véritable construction
littéraire qui s'appuie fortement sur l'aspect temporel du voyage
proprement dit, c'est-à-dire le temps qu'il faut pour descendre, mais
aussi sur une deuxième temporalité, celle de l'observation, par
couches géologiques interposées, des écosystèmes
d'autrefois, maintenant disparus à la surface de la terre, mais encore
pérennes dans les entrailles de cette dernière. Cette
dualité du voyage est ainsi fascinante, car c'est elle, en partie, qui
fait de celui-ci un voyage extraordinaire, au sens vernien du terme.
La référence directe à l'écologie
humaine, mais si celle-ci n'existe pas encore en tant que telle en cette fin de
19° siècle, est prégnante dans le roman, et c'est l'une des
raisons qui est à l'origine de ce modeste mémoire.
Néanmoins, nous n'avons pas voulu faire, comme vous l'aurez
constaté, une histoire de l'écologie humaine ou encore son
épistémologie au travers de l'étude d'un auteur et plus
particulièrement de l'un de ses roman. Il s'est juste agi d'utiliser
l'approche transdisciplinaire prônée par celle-ci pour entrevoir
d'autres aspects de roman de Jules Verne trop souvent
analysé comme étant avant tout une forme de voyage initiatique.
Certes, nous avons bien affaire à un voyage initiatique, mais pas
seulement, et ces différents types de voyages qui caractérisent
Voyage au centre de la terre (initiatique, dans le temps,
etc...) sont aussi plus complémentaires que contradictoires.
Nous avons choisi de mettre en évidence la
dualité de ce roman (espace-temps) en expliquant et en analysant les
nombreuses références géologiques et
paléontologiques dont Jules Verne se sert. Certes, il
utilise d'autres procédés, comme les références
mythologiques, pour accentuer le caractère dual et doublement temporel
du voyage, mais ce choix de notre part a été guidé par des
connaissances en géologie et en paléontologie beaucoup plus
assises et approfondies que celles que nous avons en mythologie grecque et
romaine. La transdisciplinarité est un idéal, elle est rarement
un état de fait... a fortiori lorsque nous n'avons que 25 ans
!!!
Ainsi, et à l'inverse d'un mémoire de D.E.A. ou
d'une thèse de Doctorat, le plan adopté dans ce mémoire
est très largement décousu, le fil directeur étant de
montrer à travers
différentes perspectives l'aspect dual du voyage, un
voyage à la fois dans l'espace et dans le temps, et par
conséquent, doublement temporel. De même, nous n'avons pas la
prétention d'avoir apporté de la connaissance à la
recherche scientifique, nous avons seulement voulu présenter notre point
de vue et notre analyse sur ce roman de Jules Verne. Ce
faisant, ce modeste travail (quantitativement et qualitativement) doit
être considéré beaucoup plus comme un essai (avec
l'ambition, là aussi très modeste, d'une approche
trandisciplinaire) que comme un véritable mémoire de recherche
universitaire construit autour d'un plan à vocation
démonstrative. Notre objectif n'a pas été de
démontrer que nous avons affaire à un voyage dans le
temps, mais seulement de montrer cet autre caractère du voyage
proposé par l'auteur.
Cette volonté et ce constat se manifestent ainsi, comme
nous l'avons déjà dit avant, dans l'agencement du plan et dans le
choix de ce dernier. Ainsi, la partie correspondant très
précisément au titre de ce mémoire ne représente en
fait que très peu de pages par rapport à l'ensemble du travail.
Car nous avons réellement voulu avoir une approche transdisciplinaire,
en montrant différentes facettes de ce voyage. La troisième
partie correspond donc à cette volonté, et s'articule pour ce
faire autour de plusieurs sous-parties se suffisant chacune à elles-
mêmes, mais étant aussi complémentaires, notamment de par
leur objectif : montrer que ce voyage dans les entrailles du globe est aussi un
voyage dans le temps.
Enfin, et ceci constitue en quelques sortes l'ouverture de ce
travail, il serait intéressant de voir si notre analyse constitue une
exception à la règle, à savoir qu'il n'y a que dans ce
roman de Jules Verne qu'espace et temps sont autant
associés, ou au contraire, comme nous le pensons, que c'est dans
l'ensemble des Voyages Extraordinaires que cette association se
développe. De même, les nombreuses boucles auxquelles nous avons
fait référence dans ce roman, se manifestent-elles aussi avec
autant de prégnance dans les autres romans constituant les
Voyages Extraordinaires ? Ces mêmes Voyages
Extraordinaires doivent-ils aussi être interprétés
sous l'angle de la mythologie grecque et romaine ? ; car rappelons-nous :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et
raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Joachim du Bellay, (1558)
BIBLIOGRAPHIE.
Norme AFNOR 44005.
Cette bibliographie n'est pas exclusive. Elle cite
simplement les ouvrages et les documents utilisés uniquement dans le
cadre de la rédaction de ce mémoire.
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Paris : P.U.F., 1957. 214 p.
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comique des Etats et Empires du soleil. Paris : Union
Générale d'Editions (réédition de l'ouvrage
original de 1657). 180 p.
COMPERE Daniel. Un voyage imaginaire de Jules Verne. Voyage au
centre de la terre. Archives des Lettres Modernes, N°2,
1977, 79 p.
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ELSOM Derek. La Terre. Paris : France Loisirs,
1994. 216 p.
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KUHN Thomas. La structure des révolutions
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VERNE Jules. Cinq semaines en ballon. Paris :
Hetzel, 1996 (réédition de l'ouvrage original de 1863). 372 p.
VERNE Jules. Voyage au centre de la terre. Paris
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VERNE Jules. De la terre à la lune. Paris
: Hetzel, 1995 (réédition de l'ouvrage original de 1865). 364
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VERNE Jules. Autour de la lune. Paris : Hetzel,
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Paris : Hetzel, 1995 (réédition de l'ouvrage original de 1870).
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VERNE Jules. Le tour du monde en 80 jours. Paris
: Hetzel, 1997 (réédition de l'ouvrage original de 1873). 331
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VERNE Jules. Michel Strogoff. Paris : Hetzel,
1997 (réédition de l'ouvrage original de 1876). 498 p.
VERNE Jules. Les 500 millions de la
Bégum. Paris : Hetzel, 1998 (réédition de
l'ouvrage original de 1879). 241 p.
VERNE Jules. Paris au XX° siècle.
Paris : Hetzel, 1996 (ouvrage posthume). 186 p.
VIERNE Simone. Jules Verne. Une vie, une oeuvre, une
époque. Paris : Balland, 1986. 447 p.
Voir du feu. Contribution à l'étude du regard chez
Jules Verne. La revue des Lettres Modernes, N°7, 1994,
178 p.
Voyageur ou sédentaire ? Revue Jules
Verne, N°4, 1997, 133 p.
TABLE DES MATIERES.
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS Page 01
INTRODUCTION Page 03
I - PRESENTA TION GENERALE DE L'AUTEUR ET DE SON
OEUVRE. Page 06
A) - Voyage au centre de la terre (1864) : un voyage dans le
temps. Page 06
B) - De la terre à la lune (1865) : un autre type de
voyage dans le temps. Page 07
C) - Autour de la lune (1870) : suite et fin de « De la
terre à la lune ». Page 08
D) - Problématique. Page 10
II - SOCIE TE, SCIENCE ET TECHNIQUE AU 19°
SIECLE. Page 13
A) - Les progrès dans le domaine des transports. Page
13
B) - Les progrès dans le domaine de l'urbanisme, de la
médecine et de l'éducation. Page 14
C) - Le contexte philosophique. Page 14
D) - Une géographie traditionnelle et descriptive. Page
16
E) - Et Jules Verne dans tout cela ? Page 16
III - VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE...ET DANS LE
TEMPS. Page 20
A) - Une expédition scientifique et géographique.
Page 21
B) - Un voyage dans le temps. Page 23
C) - Des origines de la terre aux origines de l'homme... Page
28
D) - Des théories a priori contradictoires. Page
29
E) - L'appropriation de l'espace. Page 33
F) - De l'Islande à l'Italie : un autre moyen de voyager
dans le temps. Page 33
G) - Un voyage aux nombreuses boucles. Page 34
H) - Un voyage surtout imaginaire ? Page 35
CONCLUSION Page 42
BIBLIOGRAPHIE Page 44
TABLE DES MATIERES Page 46
TABLE DES DOCUMENTS Page 47
TABLE DES DOCUMENTS.
Document N°1
ECHELLE DES TEMPS GEOLOGIQUES ET GRANDS EVENEMENTS
GEOLOGIQUES DEPUIS L'ORIGINE DE LA TERRE A NOS JOURS. Page 27
Document N°2.
LA STRUCTURE INTERNE DE LA TERRE. Page 32
Document N°3.
ITINERAIRE ET CHRONOLOGIE DU VOYAGE. Page 38
Document N°4.
UN VOYAGE SURTOUT IMAGINAIRE ? Page 40
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