2- Analyse économétrique de l'effet de
la dette extérieure sur la croissance économique au Bénin
et validation des hypothèses
a-
Analyse économétrique de l'effet de la dette extérieure
sur la croissance économique au Bénin
L'écriture du modèle de court terme est
justifiée car le coefficient de la force de rappel à
l'équilibre â9 = -0,9403 est
négatif et significativement différent de zéro au seuil de
1% (son test de student est supérieur à 1,96 en valeur absolue).
Il existe un mécanisme à correction d'erreur. A long terme les
déséquilibres entre le taux de croissance par tête du PIB
et les variables explicatives du modèle se compensent de sorte que les
séries ont des évolutions similaires. Â9
représente la vitesse à laquelle tout déséquilibre
entre les niveaux désirés et effectifs du taux de croissance par
tête du PIB est résorbé dans l'année qui suit tout
choc. â10 =-0,9403 implique que l'on arrive à ajuster
94,03% du déséquilibre entre les niveaux désirés et
effectifs du taux de croissance par tête du PIB. Ainsi les chocs sur le
taux de croissance par tête du PIB au Bénin se corrigent à
94,03% par l'effet de « feed-back ». En d'autres termes, un
choc constaté au cours d'une année est entièrement
résorbé au bout d'une année, et deux jours.
Les différents tests effectués au niveau de ce
modèle ont été concluants. En effet le R²
ajusté= 0,3915, la statistique de Fisher est égale à 2,21
ce qui permet de dire que le modèle reste globalement significatif.
Egalement la distribution est normale, les erreurs sont homoscédastiques
et non corrélés au seuil de 5%. Sans oublier le test de Ramsey
nous rassure quant à la bonne spécification du modèle
(voir annexe pour les différents).
Maintenant qu'en est il du modèle de long
terme ?
Les résultats de l'estimation nous montre que le taux
d'investissement public a eu un impact négatif mais significatif
à 10% sur la croissance du PIB. On note que le signe obtenu ne
correspond pas au signe attendu ; de plus une augmentation de un point du
taux d'investissement public entraîne une baisse du taux de croissance de
0,1193. Ce qui est contraire à la théorie selon laquelle
l'investissement public par les effets qu'il induit favorise la croissance et
donc le développement. En effet il est possible de voir ce signe lorsque
les investissements réalisés ne sont pas utiles aux populations
ou tout simplement une mauvaise utilisation de ces infrastructures peut induire
des flux de recettes négatifs donc des financements pour l'entretien
assez coûteux et donc ralentirait la croissance.
Les variations des termes de l'échange ont un impact
négatif sur la croissance au Bénin et son coefficient reste non
significatif mais faible, car ils sont très vulnérables aux chocs
extérieurs avec une balance commerciale structurelle déficitaire.
Ce signe montre que la dégradation des termes de l'échange
réduit le taux de croissance du PIB et donc en cherchant à
maintenir ce taux à un niveau acceptable, le pays va s'endetter et ceci
davantage. Mais cette idée sera rejetée par Leonce Yapo (2002) et
Cashin P. et Potillo (2000) qui trouvent que cette dégradation des
termes de l'échange n'explique pas forcement l'endettement. La
controverse de ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que la
détérioration des termes de l'échange n'a sûrement
pas encore atteint le point ou les recettes en devises fléchissent en
dégradant la situation financière et économique du
pays.
L'ouverture commerciale n'est pas aussi pertinente, son
coefficient (-1,7285) est non significatif traduisant ainsi que l'ouverture
commerciale n'a peut être pas d'impact sur la productivité
à travers les transferts de connaissances et des bénéfices
efficients et de façon consécutive sur la croissance du
Bénin. Le résultat controverse de Marc Raffinot et Baptiste
Venet (2001) qui ont conclu une inexistence de relation entre l'endettement et
l'ouverture commerciale, semble être vérifié pour le
Bénin. La faiblesse du lien entre l'endettement extérieur et
l'ouverture commerciale est à priori surprenante, puisqu'une
économie qui s'endette à l'extérieur devrait avoir le
souci de préserver sa solidarité. Néanmoins, ceci peut
sans doute s'expliquer par le fait que le Bénin n'emprunte
qu'auprès d'organismes publics qui ne sanctionnent que faiblement les
défauts de paiement.
Dans l'équation de la croissance, on a introduit
l'indicateur de dette extérieure sur le PIB au carré dans le but
d'estimer une courbe de Laffer entre la dette et la croissance et pour
connaître le niveau de la dette pour lequel l'effet sur la croissance est
optimal et le degré à partir duquel il devient négatif. En
effet, nos résultats montrent qu'il y a une relation non linéaire
entre la dette et la croissance, car le coefficient (0,1489) de la dette
extérieure sur le PIB est positif, tandis que celui de la dette
extérieure sur le PIB au carré (-0,0154) est négatif et
sont tous significatifs au seuil de 1%. Ainsi, le Bénin montre un
comportement analogue à une courbe de Laffer. En maximum
l'équation de croissance en ce qui concerne la dette extérieure,
on a trouvé que le niveau optimal pour la croissance correspond à
une proportion de 0,14% de dette sur le PIB. A partir de ce niveau la
contribution maximale de la dette à croissance diminue
progressivement.
Le service de la dette a le signe attendu mais reste non
significatif. Il contribue à la réduction du taux de croissance
du PIB ce qui se traduit par un coefficient de -0,0129. Donc le ratio service
de la dette est un facteur de décélération de la
croissance du PIB comme en témoigne son élasticité. Mais
ce résultat peut trouver une validation théorique au regard de
la théorie économique. En effet le service de la dette
désigne les paiements d'amortissements et d'intérêts
qu'assure le débiteur en conséquence des emprunts
effectués. Aussi lorsque les ressources issues des exportations sont
insuffisantes pour faire face au remboursement des emprunts contractés
alors le pays accumule des arriérés de payement jusqu'à
une certaine période. Face aux montants élevés des
arriérés et les pressions des créanciers dans le long
terme le pays se voit obliger de s'endetter pour rembourser les anciennes
dettes contractées, ce qui accroît le service de la dette
extérieure et ralentit la croissance du PIB. Cette non
significativité pourrait être également expliquée
par le fait que le Bénin a entrepris une politique de
désendettement qui réduit d'importantes sommes de sa dette
extérieure.
Le paradoxe de «l'aide publique au
développement » : on note ainsi que le signe de
l'interaction aide-croissance ne correspond pas au signe attendu ce qui
signifie qu'une augmentation de l'aide de 1% induit une baisse du taux de
croissance de 0,03031. Le signe négatif démontre que l'assistance
extérieure ne contribue pas à améliorer la croissance. La
raison provient de deux ordres : la nature de l'aide allouée et un
effet revenu.
En effet il est possible de réaliser des niveaux
élevés de taux de croissance à moyen comme à long
terme grâce à l'aide lorsque les flux d'aide servent à
développer des programmes auxquels sont intégrés les
besoins des populations concernés d'une part et d'autre part une
infrastructure publique et ajoutent ainsi à la productivité des
facteurs privés, notamment des couches défavorisés (Gupta,
Powell et Yang, 2006). Mais la mauvaise utilisation de l'assistance technique
qui ne parvient pas toujours à réaliser le transfert de
connaissance sollicité, l'imposition de consultants internationaux
expatriés dont la rémunération ne cadre pas avec le
coût de la vie au Bénin (Bipen 2000) et le déplacement des
cadres de la fonction publique aux fins de l'administration des programmes
financés par l'aide sont autant de facteurs qui érodent
l'efficacité de l'aide. A ces facteurs, s'ajoute l'adhésion
moindre aux politiques et programmes de développement des bailleurs de
fonds par les parties locales qui les considèrent comme leur
étant imposés. En outre les programmes d'aide sont fortement
fragmentés par l'absence d'un système efficace de coordination
des financements. En plus les aides directes n'appuient pas les programmes
équilibrés pleinement intégrés au budget
national ; ce qui rend difficile la tache à mener par l'Etat. Les
aides sont aussi liées, c'est-à- dire que le pays
bénéficiaire qu'est le Bénin est contraint d'effectuer des
dépenses découlant de ces aides dans les pays donateurs.
L'effet revenu, quant à lui, s'explique par le fait
qu'une augmentation de l'aide entraîne des pressions sur les salaires, ce
qui à un effet négatif sur la croissance. L'augmentation de
l'aide au budget de l'Etat le conduirait à accroître ses frais de
fonctionnement et de personnel, en particulier les salaires dans les autres
secteurs de l'administration, ce qui pousse à la hausse les salaires du
secteur formel ailleurs dans l'économie. La hausse de ces frais induit
une hausse des prix et une appréciation du taux de change. En revanche,
l'appréciation du taux de change renchérit les exportations
surtout agricoles. Il en résulte alors une baisse de la
compétitivité prix qui agirait négativement sur la
croissance.
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