L'émergence de la responsabilité sociale des entreprises en Afrique : état des lieux, enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Urbain K. YAMEOGO IAE Gustave Eiffel - Université Paris 12 (Créteil) - Master 2 professionnel Management de la RSE 2007 |
VI- Contribution au développement de la société (ancrage territorial)L'ancrage territorial des entreprises en général et des multinationales en particulier constitue une thématique et un enjeu majeur de responsabilité sociétale. Elle fait ressortir diverses problématiques dont les plus importantes sont les relations avec les communautés locales, le respect et la promotion de la culture locale et les investissements sociaux.
Si l'entreprise doit contribuer au développement de la communauté locale, il est tout aussi essentiel que ses opérations se fassent dans le respect des cultures locales. La participation des acteurs locaux ne sera effective et efficace que dans la mesure où celle-ci intègre la dimension culturelle à toute sa politique. Il s'agit non seulement de respecter les spécificités locales, nationales, mais aussi de les promouvoir. Beaucoup d'entreprises ou responsables d'entreprises, très peu au fait des réalités locales veulent appliquer des principes de gestion qui tiennent à la seule rationalité. Il en est par exemple des pratiques de gestions des ressources humaines, etc. La conciliation de la rationalité économique et des spécificités locales voire leur promotion est un enjeu tout aussi important. c. Investissement sociaux L'entreprise peut-elle prospérer dans un environnement de misère ? Le défi du développement de la communauté au sein de laquelle opère l'entreprise est essentiel. Cela n'a malheureusement pas été toujours le cas. Au Congo Brazzaville, malgré l'existence de la manne pétrolière, beaucoup de région d'exploitation vivent dans des conditions inacceptables que les ONG locales membres de l'initiative « Publiez ce que vous payez » n'ont de cesse critiqué. DEUXIEME PARTIE : ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES, DES PERCEPTIONS ET DES INITIATIVES EN MATIERE DE RSE EN AFRIQUE La RSE fait l'objet de débats souvent vifs en Europe et dans d'autres parties du monde impliquant divers acteurs. Des initiatives ont été développées et beaucoup de travaux de recherche et de publications consacrés à la RSE. Dans cette deuxième partie nous nous efforçons de donner le pool de la connaissance, de la perception de la RSE et des initiatives qui ont cours en Afrique conformément à ce qui ressort de notre consultation et des études documentaires. Nous verrons par ailleurs quelles peuvent être les facteurs favorables ou défavorables au développement de la RSE en Afrique. Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes adressé à divers acteurs africains et non africains qui peuvent être répartis comme suit, suivant les catégories d'acteurs ou les zones et pays d'origines des acteurs interrogés et ayant répondu effectivement aux questionnaires : Répartition par catégorie d'acteurs : Pourcentage 8% 16% 16% 16% 12% 16% 16% Gouvernement Entreprise ONG et Syndicat Organisme de soutien Université et recherche Presse Organisme des Nations Pourcentage 33% 67% Afrique Répartition par zone : Répartition par pays : Pourcentage 6% 6% 6% 27% 11% 38% 6% Belgique Burkina Faso Cameroun France Maroc Sénégal Tunisie A- Connaissance et perception de la RSE : le débat en AfriqueI- La RSE, une notion peu connue et un débat public émergent Lorsque nous nous en tenons aux réponses qui nous ont été apportées par les participants à la consultation, il en ressort un avis majoritaire selon lequel il s'agit encore d'un débat public naissant et très embryonnaire dans la plupart des pays africains. El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane Dieye affirment que : « En Afrique de l'Ouest, le débat sur les liens entre le commerce, l'environnement et le développement durable ne fait que commencer. En effet, même s'il est aujourd'hui communément admis que le commerce international des produits agricoles et industriels a un impact réel sur les ressources naturelles et sur l'environnement, les débats se sont jusqu'ici cloisonnés dans des milieux intellectuels et scientifiques basés dans leur quasi-totalité dans les pays du nord38. Dans les pays africains anglophones en général et en Afrique du sud en particulier, le niveau de débat et d'intérêt est assez important et des initiatives ont été lancées. Le Maroc, la Tunisie et quelques autres pays francophones connaissent une émergence d'initiatives et l'institutionnalisation du débat même si le débat est encore interne à quelques organisations et que la RSE demeure inconnue des acteurs qui sont pourtant susceptibles de s'y intéresser. Elle n'est pas un sujet de discussion publique pour le moment mais des universitaires, des acteurs du milieu des affaires et des consultants s'y intéressent de plus en plus du fait d'un intérêt à la fois personnel et professionnel. Cet intérêt semble être en lien avec le débat international et l'agenda mondial sur la RSE. 38 ICTSD-IISD, Ring Southern Agenda on Trade and Environment, document de discussion, p. 33, juillet 2003 - www.trade-environment.org Il semble par ailleurs que les initiatives internationales en matière de RSE soient en général méconnues des acteurs africains : il n'existe pas de clubs d'affaires qui échangent autour de la RSE. Dans les rares cas où il en existe, ces clubs d'entreprises ou d'employeurs sont dans la capitale et regroupent les filiales d'entreprises étrangères implantées dans le pays. Quelques entreprises disposeraient de chartes ou codes de conduite ou de déontologie mais la pratique des codes n'est pas répandue. Mais si la RSE en tant que concept est peu connue, les problématiques qu'elle soulève le sont plus. La presse qui assume une mission de veille et d'éducation de la société et d'éveil des consciences s'est illustrée dans la dénonciation des dérives des acteurs économiques au niveau africain et international. Pendant longtemps, les acteurs publics ont été la cible principale des médias. Cependant on note une place de plus en plus importante accordée au traitement de données informationnelles liées aux entreprises et à des problématiques fondamentales en matière de RSE, et ce, malgré la méconnaissance du concept. Les réponses aux questionnaires indiquent que la notion de RSE est peu connue aussi de la presse. A contrario celle de développement durable semble leur être plus familière mais abordée sous l'angle des stratégies et politiques publiques. Certains indiquent par ailleurs que les informations relatives aux impacts négatifs des entreprises sont le plus souvent traités dans des faits divers et font rarement l'objet de dossiers ou d'enquêtes approfondies. Mais le développement d'organes de presse spécialisée et de rubriques dédiées à l'économie et à la société dans la presse généraliste conduit à consacrer plus de place et d'attention aux questions liées aux activités et à la vie des entreprises ainsi qu'à l'impact de leurs activités sur la société. On rencontre ainsi des articles sur la RSE et le traitement de thématiques ou enjeux liés à la RSE39. Sous l'effet conjugué des phénomènes de mondialisation et du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, la presse africaine se fait l'échos des grands scandales impliquant des entreprises comme le dénote ces extraits du quotidien burkinabé « Le Pays » suite au retrait par Mattel de jouets fabriqués en Chine.
39 Dans le quotidien de l'économie LE MAGHREB des articles de réflexion sur la RSE L'information a créé une certain émoi aux Etats-Unis et en Europe où la sécurité physique et sanitaire des consommateurs est sacrée. Le retrait des jouets qui est une mesure conservatoire a deux effets immédiats : une perte financière énorme et une image de marque ternie. [...] Les déboires de Mattel ne sont pas près de finir, puisque les associations de consommateurs se mêlent à la danse. Un procès en bonne et due forme est en cours et ne manquera pas d'alimenter la chronique des prochains jours. Ce branle-bas de combat pour assurer la sécurité des consommateurs est presque anecdotique, vu d'Afrique. Pourquoi autant de bruit pour des jouets que chacun est libre d'acheter ou pas ? Le coup financier du retrait aurait certainement déclenché le bal du duo infernal corrupteur-corrompus toujours enclins à tirer parti de ce genre de situation au détriment des intérêts publics. L'intérêt général sous nos tropiques n'est pas souvent la chose la mieux partagée chez nos dirigeants et certains de leurs complices dans les milieux d'affaires.[...]. Dans nos contrées, les pouvoirs publics ne semblent pas assez sensibilisés à cette question de la sécurité des consommateurs, s'abritant derrière le manque de moyens et d'infrastructures techniques de contrôle. Les populations consomment tant que les produits sont à leur portée, sans que cela n'émeuve personne. Avec la mondialisation, le marché africain est devenu la destination préférée des produits chinois. [...]. Personne aujourd'hui ne peut attester de la qualité des produits chinois qui inondent nos marchés et du mode d'emploi de ces produits écrits en chinois, donc probablement douteux. Dans quelques années, il faudra certainement s'attendre à payer la facture médicale de ce laisser-faire qui traduit l'incapacité ou la mauvaise volonté des dirigeants africains de veiller sur leurs populations. Les Occidentaux, une fois de plus, montrent la voie à suivre. Puisse cet exemple servir de déclic pour que l'Afrique revoie totalement ses modes de production et surtout de consommation. Se cacher derrière le bas prix des produits chinois, leur accessibilité au plus grand nombre ne peut prospérer que lorsqu'on est assuré de leur qualité. Les multinationales occidentales sont en train de payer le prix de cette hérésie qui veut produire à des coûts toujours plus bas et dans des conditions de travail peu conformes aux normes. La course aux gros profits ne doit pas exempter les producteurs du respect des règles et des procédures en matière de sécurité sanitaire et physique des consommateurs. [...] II- Participation et perception des initiatives internationales : méconnaissance et timidité plutôt que méfiance ou défiance Les acteurs interrogés jugent en majorité la participation des pays africains aux initiatives internationales timide mais nécessaire et indispensable. Certains avancent que la participation des acteurs africains aux initiatives internationales devrait favoriser le développement d'une stratégie africaine et d'un agenda régional de RSE, la croissance et un niveau acceptable de développement. L'Afrique devrait prendre conscience de la nécessité de la RSE comme outil et voie de développement. L'intérêt pour un pays de s'intéresser à la RSE est à la fois social, économique et politique : la RSE permettrait d'éviter les conflits sociaux et de préserver la paix sociale. Selon les participants, la RSE favorise l'implication des entreprises sur des aspects sociétaux allant au- delà du simple intérêt économique. Elle pourrait favoriser : - le développement des exportations par la création de normes ou la conformité aux normes existantes - la bonne gestion et la valorisation des ressources humaines - la promotion du développement, la lutte contre la pauvreté et la sauvegarde de l'environnement La RSE permettrait d'anticiper sur les problèmes que le développement futur de l'industrialisation en Afrique ne manquerait pas de poser. Beaucoup d'entreprises auraient hérité du code de conduite du groupe ou de la maison mère du fait de l'obligation d'être en conformité avec la stratégie ou la politique du groupe. Il semblerait que les entreprises ne disposent pas de stratégie ni de politique RSE autonome et là où on en trouve, il s'agit de la mise en oeuvre de stratégies ou politiques du groupe ou de la maison mère et à quelques rares cas d'une volonté d'anticipation. Les filiales des multinationales dont les maisons mères ont adhéré à des initiatives internationales ne communiquent pas sur le sujet et n'intègrent pas non plus de considérations autres que financières dans leurs rapports : il n'y a pas d'obligation de reporting et les entreprises ne manifestent pas un intérêt particulier à le faire. Les participants africains à la consultation dressent ainsi un tableau qui décrit une faible connaissance de la RSE en Afrique. Cependant, la recherche documentaire et la veille informationnelle nous ont permis de nous rendre compte que le débat est certes émergent mais des initiatives dignes d'intérêt ont été développées par divers acteurs. |
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