UNIVERSITE PARIS XII VAL DE MARNE UFR / SCIENCES DE
GESTION
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
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Année universitaire 2006-2007
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L'émergence de la responsabilité sociale
des entreprises en Afrique : état des lieux, enjeux et
perspectives
MASTER 2 professionnel de Management de la Responsabilité
Sociale des Entreprises (RSE)
Mémoire présenté par : YAMEOGO
Urbain Kiswend-Sida
Contact : yurbain@
yahoo.fr Tel :
+33 6 30 11 00 30
Directeur de Mémoire : Michel CAPRON
Tutrice entreprise : Isabelle BLAES/Chef de Projets au CIRIDD
Remerciements
Ce travail a été le fruit d'une véritable
passion. Une passion pour la RSE que le personnel enseignant de l'Ecole
Supérieure des Affaires (ESA) de l'Université de Paris XII a su
me donner ; une passion qui a été entretenue par celles et ceux
qui, dans les épreuves de tous les jours, ont été à
mes côtés ; et enfin une passion qui a été
vivifiée par le CIRIDD et par toutes les personnes que j 'ai
approchées tout au long de l'étude.
Je tiens tout particulièrement à remercier :
- M. Michel CAPRON, mon directeur de mémoire, dont
l'assistance, les conseils et les orientations m'ont été d'une
très grande utilité ;
- Mme Isabelle BLAES, responsable de projets au CIRIDD pour sa
disponibilité et son encadrement : sa contribution a été
essentielle et déterminante ;
- Jackie et Guy ROUILLON ainsi qu'à tous ceux qui ont
contribué à tracer le chemin de ma vie et à m'indiquer la
voie ;
- Toutes celles et tous ceux qui nous ont manifesté leur
attention et leur intérêt en répondant à nos
sollicitations ;
- Tous les proches, amis, collègues stagiaires et au
personnel du CIRIDD ; - Une pensée à ma famille du Burkina Faso
.
Je dédie ce travail à la mémoire de
mon père Issa Jean Claude YAMEOGO décédé le 3 mai
2006.
«Si nous ne faisons pas en sorte que la mondialisation
profite à tous, elle finira par ne profiter à personne»
Kofi Annan, ancien Secrétaire
général des Nations unies
SOMMAIRE
Introduction 4
Abstract 8
PREMIERE PARTIE : MISE EN CONTEXTE DE LA RSE EN
AFRIQUE
A- Contexte économique, social et environnemental
de l'Afrique 10
I- Des données macroéconomiques témoins
d'une évolution positive .10
II- Une amélioration progressive des indicateurs
macroéconomiques sans effet
significatif sur les indicateurs de développement humain
11
III- Situation environnementale et cadre naturel de l'Afrique
12
IV- Cartographie du tissu économique : un marché
hétérogène 13
B- Réponses politiques et institutionnelles des
Etats africains ..16
I- Les sentiers battus des politiques de développement :
de l'Etat providence
aux CSLP-SNDD-ENPLT 16
II- Cadre juridique et institutionnel: inexistence ou
inefficacité ? 20
C- L'Afrique dans l'oeil du tourbillon de la
mondialisation 23
I. La gouvernance mondiale et la mondialisation 23
II. La marginalisation de l'Afrique dans la mondialisation
.....25
III. La RSE et l'exigence d'une mondialisation à visage
humain 27
D- Les problématiques RSE en Afrique
28
I. Gouvernance et bonnes pratiques des affaires 28
II. Droits humains ..29
III. Pratiques professionnelles : relations et conditions de
travail 33
IV. Environnement ....34
V. Questions de consommation 36
VI. Contribution au développement de la
société (ancrage territorial) ..37
DEUXIEME PARTIE : ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES, DES
PERCEPTIONS ET DES INITIATIVES EN MATIERE DE RSE EN AFRIQUE
A- Connaissance et perception de la RSE : le débat
en Afrique 40
I- La RSE, une notion peu connue et un débat public
émergent 40
II- Participation et perception des initiatives internationales
: méconnaissance et timidité plutôt que de méfiance
ou de défiance 43
B- Les initiatives en matière de RSE en Afrique
..44
I- Les initiatives nationales et continentales des acteurs
44
II- Quelques initiatives extérieures tournées vers
l'Afrique 58 TROISIEME PARTIE : QUELLE RSE POUR L'AFRIQUE
?
A- Les théories fondatrices de la RSE à
l'épreuve des réalités africaines ..66
I- Que faut-il entendre par réalités africaines ?
66
II- Approches occidentales de la RSE : définition et
débat autour de la RSE ..75
III- Les fondements d'une vision africaine de la RSE 77
B- Les enjeux que la RSE pose pour l'Afrique
.84
I- S'engager dans un processus de développement
harmonieux et durable ..85
II- Tirer le meilleur parti des échanges internationaux
86
III- Relever les défis de la mondialisation ..87
IV- Instaurer le dialogue et une contribution de tous les
acteurs au développement
durable 88
C- Les facteurs du développement de la RSE en
Afrique : forces,
faiblesses, opportunités et contraintes
88
I- Forces .89
II- Faiblesses 90
III- Opportunités 92
IV- Les contraintes 92
CONCLUSION 93
BIBLIOGRAPHIE .94
ANNEXES I - XXVII
INTRODUCTION
L'émergence du concept de responsabilité sociale
ou sociétale traduit un intérêt accru et une attention
particulière que le monde entend porter aux interactions entre les
Hommes d'une part et entre l'Homme, les organisations humaines et la nature
d'autre part. La notion de responsabilité sociale des entreprises
dénote une prise de conscience encore plus importante quant aux
conséquences négatives que les activités des entreprises
peuvent avoir sur la communauté humaine et l'environnement. Dans les
pays développés, en Europe et aux Etatsunis en particulier, le
concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE) se trouve au
centre des débats aussi bien au sein du milieu des affaires et du monde
politique, que dans l'arène des organisations de la
société civile et du monde académique.
Les dénonciations de pratiques irresponsables,
aidées en cela par différentes catastrophes humaines, sociales et
environnementales impliquant les entreprises, ont contribué à
aiguiser la conscience et la sensibilité des opinions publiques
nationale et internationale sur les risques globaux qu'encourt
l'humanité en cas de persistance de telles pratiques non éthiques
et non durables. Le débat sur la RSE s'est ainsi développé
et plusieurs initiatives ont été entreprises par
différents acteurs. Plus qu'une question d'actualité, la
responsabilité sociale des entreprises est devenue un sujet de
négociation, nationale, régionale et internationale.
La réponse des grandes entreprises ne s'est pas faite
attendre. Elles ont, parallèlement au débat qui a cours,
développé plusieurs initiatives pour faire face aux
problématiques et enjeux de RSE et pour contribuer de manière
volontaire au développement durable. Les entreprises africaines et
étrangères opérant en Afrique en particulier doivent aussi
faire face à des problématiques sociales, environnementales et
économiques spécifiques. La façon d'intégrer ces
problématiques à leurs activités quotidiennes va leur
permettre ou non de contribuer à un développement durable des
Etats et des communautés locales. Mais si la responsabilité
sociale des entreprises est une notion qui fait débat dans les pays
occidentaux et au niveau international, on ne sait pas vraiment ce qu'il en est
en Afrique, alors même que ce continent est de fait concernée et
interpellée au même titre que les autres par la
problématique de l'émergence et de l'institutionnalisation de la
responsabilité sociale des entreprises.
Divers cadres conceptuels théoriques ont
été avancés en appui au débat sur la RSE, lesquels
traduisent des visions et des approches occidentales. Mais ces visions et
approches sont-elles partagées partout, s'appliquent-elles ou
s'accommodent-elles avec les réalités spécifiques des
différentes régions du monde ? Il nous est ainsi revenu de nous
interroger sur les visions et les
perceptions que les acteurs africains ont ou peuvent avoir de
la RSE. Les cadres conceptuels occidentaux développés
jusque-là sont-ils pertinents face aux réalités africaines
et quelle problématique l'émergence de la RSE pose-t-elle pour
les pays africains ?
La réponse à ces questions, à notre sens,
passe par l'examen du contexte social, économique et environnemental de
l'Afrique pour déceler les problématiques majeures de RSE qui
doivent engager les acteurs africains dans un premier temps. Dans un
deuxième temps un état des lieux des connaissances, des
perceptions et des initiatives en matière de RSE ainsi qu'un
éclairage sur les acteurs engagés dans ces initiatives
s'avèrent nécessaires. Enfin, il conviendra de mettre à
l'épreuve les cadres conceptuels en se fondant sur les
réalités africaines et les traditions africaines pour saisir leur
pertinence .
Intérêt et justification de
l'étude
Cette étude est le résultat de la convergence de
plusieurs intérêts. Un intérêt exprimé par le
Centre International de Ressources et d'Innovation pour le Développement
durable (CIRIDD), au sein duquel j'ai effectué un stage de six (6) mois
sur les projets ISO 26000 - Lignes directrices relatives à la
responsabilité sociétale - et un intérêt purement
personnel, non seulement pour la RSE, mais aussi pour les implications que
l'émergence de la RSE peut avoir pour le continent africain.
Le CIRIDD, commanditaire de l'étude, est une association
loi 1901 qui intervient essentiellement dans les domaines suivants :
- la gestion de l'information mondiale francophone sur le
développement durable à
travers les sites Agora 21 et Médiaterre (
www.agora21.org
www.mediaterre.org)
- le développement de formation et l'accompagnement de
divers acteurs publics et privés dans la mise en oeuvre de politiques de
développement durable par le moyen d'outils méthodologiques et
pédagogiques
- la recherche et le développement d'innovations
méthodologiques
- la gestion de projets internationaux et européens dans
le cadre duquel s'inscrivent les projets ISO 26000.
Les projets ISO 26000 comprennent entre autres :
- l'animation du Réseau francophone sur le
responsabilité sociétale en vue du développement durable
(Réseau RSDD) dont il assure le secrétariat,
- le secrétariat du Groupe francophone du Groupe de
travail international ISO 26000 - Lignes directrices relatives à la
responsabilité sociétale,
- l'animation de groupes de travail entreprises et
collectivités territoriales sur les textes des lignes directrices au
niveau de la Région Rhône-Alpes.
Cette étude trouve sa justification dans la
volonté du CIRIDD de faciliter le renforcement de capacités des
membres africains du réseau RSDD, en prenant connaissance des
initiatives et des acteurs présents en Afrique sur le sujet de la
responsabilité sociétale.
Démarche et méthodologie de
l'étude
Notre étude s'est déroulé en 3 phases.
Une première phase exploratoire nous a conduit à
faire de la recherche bibliographique sur le sujet et à avoir des
entretiens avec :
- Mme Isabelle BLAES, coordonnatrice du réseau RSDD et
tutrice de ce travail de recherche
- M. Christian BRODHAG, délégué
interministériel au développement durable/France - M.
François FATOUX, délégué général de
l'ORSE
- M. Vincent COMMENNE, chercheur, coordonnateur d'une
étude sur la RSE dans les
5 continents et responsable du Réseau européen pour
une consommation responsable
- Ainsi que des échanges téléphoniques avec
des membres africains du réseau du
RSDD.
Ce travail exploratoire nous a permis d'orienter notre approche
et notre démarche dans la collecte des données et de
l'information.
Une seconde phase du travail nous a permis de recueillir des
données primaires et secondaires par l'élaboration de
questionnaires « multi-acteurs » qui ont été
diffusés auprès d'acteurs africains et français
opérant en Afrique et auprès d'autres personnes
intéressés par les enjeux de RSE dans les pays du sud et en
Afrique en particulier. Parallèlement, le travail de recherche et
d'analyse documentaire s'est poursuivit à travers internet
essentiellement.
La diffusion du questionnaire s'est faite à travers
divers réseaux et nous estimons que plus de 500 personnes ont
été destinataires desdits questionnaires et nous marquons 5% de
réponses effectives. Nous avons pu par ailleurs réaliser quelques
entretiens avec des acteurs français qui ont montré un
intérêt certain pour l'étude. Les éléments de
réponses ainsi recueillis nous nous ont permis de croiser les
informations, les visions et les approches avec celles fournies par les acteurs
africains eux-même.
La troisième phase a consisté au
dépouillement et à l'analyse des données à la
lumière des informations que nous avons pu rassembler par la recherche
et l'analyse documentaire.
Abstract
The emergence of corporate social responsibility in
Africa: Inventory, stakes and perspectives
Corporate social responsibility (CSR) is nowadays subject to
national, regional and international negotiation, initiatives and debates.
These debates are real and often stormy in the developed countries while the
true stakes are in the least developed countries, particularly in Africa.
However, we ignore the knowledge of and acceptance of corporate social
responsibility in Africa. Our study so aims at highlighting the knowledge, the
perceptions of CSR and the initiatives of African actors to face their specific
CSR issues.
African and foreign companies operating in Africa have to face
specific social, environmental and economic challenges and stakes : poverty and
local community development, bribery, access to essential products and
services, complicity in human rights abuses, HIV and other health issues,
professional and environmental concerns, etc. The way of integrating these
stakes in their daily activities will allow them or not to contribute to
sustainable development of African countries and local communities.
But CSR is not well known in most African countries yet. In some
countries, we can note emerging initiatives involving different actors
interested in the debate :
- In some countries, public authorities take part in
international initiatives like EITI and ISO 26000 process. They create national
mirror committees gathering national standardization institutes and other
stakeholders and actors and they participate in ISO meetings, etc. But tackling
poverty is the major concern of public authorities. Most of them are leading
poverty tackling strategies and politics to meet the millennium development
goals with United Nations bodies and international financial institution's
support. Such public initiatives sometimes associate private actors notably
enterprises and civil society organizations in the whole process. This creates
a base from which they can deal with CSR.
- Business and professional organizations are interested in
finding ways to take effective part in international exchanges. They have to
respect the national or regional legal and institutional framework and to be
compliant with their partners or with the leading companies' requirements. For
the subsidiaries of international corporations, the compliance to the group
strategy gradually favours CSR commitment and initiatives. The Global Compact
networks are privileged places for CSR and sustainable
development commitment for national corporations. Business
pays attention to social issues particularly those which have repercussions on
the companies. For instance, companies are concerned and committed to AIDS
tackling because it also has consequences on employees performance and
productivity;
- Civil society organizations (trade unions and NGO) are
increasingly interested in issues connected to companies thanks to cooperation
with foreign organizations. Their participation in world and regional social
forums and other private initiatives like «Publish what you pay» help
them build skills in analysing and discussing economic globalization issues and
dealing with CSR issues;
- In some countries, notably in the English-speaking countries,
the academic and
research centres are also interested in the development of new
concepts affecting
companies through management, business ethics and corporate
governance teaching.
- The international actors, the United Nations bodies in
particular, have a major role in
carrying out and encouraging CSR initiatives. International
actors and initiatives
therefore contribute to reinforce CSR debate and to shape the
African CSR vision. However, the differences of economic, political, social and
environmental contexts and the vision of the company role in the society led us
to question the relevance of the western CSR approaches considering African
realities, traditions and culture. An African CSR approach should integrate a
cultural dimension and take root in African practices. Some of these practices
can be considered as CSR drivers or silent CSR. It should put forward the
social link and the requirements of solidarity, benevolence to others and to
the community, legitimacy, the respect for community cultures and values. These
approaches can so found, justify or sustain the development of CSR in Africa as
an answer to globalization and development stakes.
PREMIERE PARTIE : MISE EN CONTEXTE DE LA RSE EN
AFRIQUE
A- Contexte économique, social et environnemental
de l'Afrique
L'Afrique s'étend sur 30 millions de km2 et
compte plus de 750 millions d'habitants majoritairement
jeunes1, répartis sur 53 pays avec une forte
croissance démographique. Grenier de matières premières,
le continent dispose d'énormes richesses en ressources naturelles mais
connaît cependant une situation d'extrême pauvreté
décrite par différents indicateurs macroéconomiques et de
développement humain.
I. Des données macroéconomiques
témoins d'une évolution positive
Les données macroéconomiques actualisées
de la Banque mondiale sur l'Afrique montrent une forte croissance du produit
intérieur brut (PIB) et du produit national brut (PNB) depuis 2000 avec
une inflation annuelle stabilisée autour de 7% depuis quelques
années.
Cependant cette croissance décrite par certains
indicateurs macro-économiques contraste avec le niveau de
développement humain du continent. La pauvreté persiste et la
croissance ne se traduit pas en amélioration des conditions de vie pour
les populations.
Tableau synthétique
d'indicateurs
Indicateurs macro-économiques
|
2000
|
2005
|
2006
|
Produits Intérieur Brut (PIB) (en milliards US$)
|
341.7
|
630,8
|
709.5
|
Croissance du PIB (% annuelle)
|
3.5
|
5.7
|
5.6
|
Produit national Brut (PNB) /habitant (US$)
|
485.1
|
743
|
841.8
|
Taux d'inflation (% annuelle)
|
6.1
|
7.9
|
6.9
|
Exportation de biens et de services (% du PIB)
|
32.6
|
33.6
|
32.1
|
Importation de biens et de services (% du PIB)
|
30.9
|
34.7
|
36.5
|
Indicateurs de Développement Humain
|
2000
|
2005
|
2006
|
Population totale (millions)
|
668.9
|
752,6
|
770.3
|
Taux de croissance de la population (% annuelle)
|
2.6
|
2,3
|
2.3
|
Espérance de vie à la naissance (années)
|
46.7
|
47
|
..
|
Prévalence de la malnutrition, weight for age (%
d'enfant
|
..
|
29.5
|
..
|
1 Près de la moitié des habitants de
l'Ouganda et du Niger ont moins de 14 ans et selon les projections de l'ONU, la
population de l'Afrique passerait de 750 millions actuellement à 1,5
milliards voire 2 milliards en 2050.
.. 5.8
..
.. 59.3
..
de moins de 5 ans)
Prévalence du VIH, total (% des personnes
âgées de 15-49)
Taux d'alphabétisation total des adultes (% de personnes
de 15 ans et au-delà)
Source : World development indicators, 2006
L'Afrique pèse moins de 2% dans le commerce mondial et
les investissements directs étrangers (IDE)2 vers l'Afrique
ne représentent que 3% du total mondial. Ces investissements sont, de
surcroît, orientés vers certains secteurs spécifiques
(pétrole et mines) et vers les pays détenteurs de ces
ressources.
II. Une amélioration progressive des indicateurs
macroéconomiques sans effet significatif sur les indicateurs de
développement humain
Le Rapport 2006 du PNUD fournit entre autres des indices
synthétiques sur le développement humain (IDH) et la
pauvreté humaine (IPH). Il ressort de ce rapport l'existence
d'écarts significatifs en termes de développement, de
bien-être et d'espérance de vie dans le monde. Ces écarts
et inégalités persistantes sont perceptibles entre les pays
industrialisés et les pays en développement d'une part, entre les
différentes régions du monde d'autre part , et enfin à
l'intérieur même des pays.
Source : rapport IDH, PNUD, 2006 Source : OCDE
2 Le rapport de la CNUCED montre aussi que
l'Afrique subsaharienne attire un volume d'IDE nettement plus important
qu'avant, mais que l'IDE fait encore l'objet d'une forte concentration autour
de quelques pays et de quelques secteurs, les ressources naturelles et les
services bancaires en l'occurrence.
Le premier tableau montre que depuis 1990 l'Afrique
subsaharienne a connu une stagnation des indicateurs de développement
humain par rapport aux autres parties du monde. Le rapport 2006 établit
3 catégories de niveau de développement humain. Vingt et huit
(28) des trente et un (31) pays de la troisième catégorie des
pays à faible développement humain se trouvent en Afrique
subsaharienne. C'est aussi dans les pays africains que les écarts sont
très prononcés avec un fossé qui ne cesse de se creuser
entre riches et pauvres. Selon le rapport de suivi des objectifs du
millénaire pour le développement (OMD), le taux de
pauvreté resterait supérieur à
38%3. Aucun des OMD ne pourrait être atteint
d'ici 2015.
III. Situation environnementale et cadre naturel de
l'Afrique
L'Afrique possède un paysage très riche et
varié avec une grande diversité en termes de
végétation, de pluviométrie, de climats et
d'espèces aussi bien végétales qu'animales.
Selon le deuxième rapport du Programme des Nations
Unies pour l'Environnement (PNUE) sur l'avenir de l'environnement en Afrique,
« les forêts et les régions boisées
d'Afrique couvrent environ 650 millions ha (21,8% de la surface terrestre),
représentant 16,8% du couvert forestier mondial ». Ces forêts
sont de types très variés comme le montre la carte ci-
dessous.
L'ensemble de la région connaît par ailleurs une
grande diversité climatique. On distingue, suivant les
zones, des climats froid, tempéré, chaud, sec et humide,
influencés par la diminution constante de la pluviométrie et les
sécheresses.
3 Le rapport de suivi des objectifs du
millénaire pour le développement (OMD) est établi par la
Banque mondiale et le FMI
Biodiversité : L'Afrique demeure un
paradis de la biodiversité en dépit de changements profonds
causés par la perte des habitats (en raison de la conversion des terres,
la fragmentation des habitats, les IAS) et une utilisation non durable :
- Environ 1 000 espèces vertébrées sont
présentes dans tout juste 4 des 119 écorégions d'Afrique
(Burgess et autres 2004).
- L'Afrique compte un quart (1 229 espèces) des
espèces mammifères mondiales, soit environ 4 700 (Brooks et
autres 2001)
- L'Afrique abrite plus d'un cinquième (2 000) des
espèces aviaires mondiales, de l'ordre de 10 000 (Burgess et autres
2004)
- L'Afrique possède environ 950 espèces
d'amphibiens (GAA 2004) et tous les ans, de nouvelles espèces sont
découvertes.
- On trouve entre 40 000 et 60 000 espèces
végétales sur le continent africain (Beentje 1996), dont environ
35 000 sont endémiques.
- L'Afrique compte au moins 2 000 espèces piscicoles, un
chiffre estimé comme représentant la plus grande richesse
d'espèces au monde (Klopper et autres 2002) Source : PNUE, Rapport 2 sur
l'avenir de l'environnement en Afrique, 2006
|
Le sous-sol regorge d'énormes
potentialités minières. Il contient environ 30 % des
réserves mondiales en minéraux, dont 40 % de l'or, 60 % du cobalt
et 90 % du platine selon un rapport ONU 2002 repris par le PNUE. Rare dans
certaines zones, la disponibilité des ressources en eau
est affectée par les variations pluviométriques et l'absence de
retenues d'eau.
Selon le rapport du PNUE précité, l'incidence
croissante de la pollution crée de nouvelles
contraintes pour le bien-être des populations et
l'intégrité environnementale, bien que l'Afrique soit un pollueur
relativement minime à l'échelle mondiale. La pollution
atmosphérique est favorisée par l'urbanisation galopante,
l'importation et l'utilisation de véhicules d'occasion et le manque
d'efficacité des processus de fabrication industrielle.
IV. Cartographie du tissu économique : un
marché hétérogène
a) La cohabitation de l'économie formelle avec
l'économie informelle
Le marché économique africain est très
particulier en ce sens que l'économie formelle et l'économie
informelle y cohabitent officiellement. On note même une
prédominance du secteur informel dans la plupart des pays. La Commission
mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation souligne dans son
rapport que : « Dans la plupart des pays en développement,
l'économie informelle tient une large place et cette activité
économique
parallèle souffre d'un manque de reconnaissance et de
protection dans les cadres juridiques ou réglementaires
officiels».
Le secteur informel est défini par l'UEMOA (Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine) comme l'ensemble des
unités de production informelles (UPI) dépourvues d'un
numéro d'enregistrement administratif et/ou de comptabilité
écrite formelle. Il englobe la grande majorité des travailleurs
allant des petites entreprises aux activités de survie, incluant non
seulement les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux
mais aussi la maind'oeuvre salariée sous diverses formes. Les
conclusions de l'étude de l'UEMOA4 sur le secteur informel
dans les principales agglomérations de sept Etats membres sont
très révélatrices de
l'hétérogénéité des marchés et des
caractéristiques du secteur informel dans l'économie des pays
africains qui le distinguent du secteur formel.
Le secteur informel dans les principales
agglomérations de sept Etats membres de l'UEMOA : performances,
insertion perspectives
Les UPI exerçant dans des activités marchandes
des 7 agglomérations génèrent plus de 2,3 millions
d'emplois, confirmant que le secteur informel est de loin le premier
pourvoyeur d'emplois en milieu urbain. Les caractéristiques du
secteur informel :
- il s'agit massivement de micro-unités (1,53 personnes
par UPI)
- la précarité et l'absence de protection
sociale : 31% des emplois dépendants sont salariés mais
seul 5% des employés bénéficient d'un contrat
écrit
- le revenu moyen du secteur informel est supérieur au
salaire minimum
- le taux d'enregistrement des UPI dans les
différents registres officiels sont très faibles
notamment l'enregistrement au fisc (moins de 1% des UPI des 7
capitales)
- la faiblesse ou l'absence de capital dans le
processus de production : les principales sources de financement du
capital sont l'épargne, le don ou l'héritage (entre 65% et 95% de
la valeur du capital). Les autres modes de financement tels que le
micro-crédit ou le crédit bancaire restent rares.
Source : UEMOA
|
4 Les enquêtes auprès des Unités
de Production Informelles (UPI) dans les capitales économiques des pays
de l'UEMOA ont été réalisées entre la fin 2001
(Bénin) et la mi 2003 (Sénégal).Les activités
informelles sont plus tournées vers les secteurs de circulation des
biens (45% des UPI exercent dans la branche «commerce»), les deux
autres secteurs se partageant également le complément (28% pour
les UPI industrielles et 26% pour les UPI de services).
Le secteur formel comprend les petites et moyennes entreprises
locales, les grandes entreprises nationales privées, publiques et
semi-publiques très structurées et les implantations des
multinationales rompues à la gestion moderne. On s'accorde à
reconnaître que dans la dernière décennie, et
consécutivement aux ajustements structurels des économies
africaines, le secteur privé s'est développé de
manière prodigieuse5.
b) Une présence relativement variable de
multinationales
La présence des multinationales est relativement
variable suivant le niveau de développement des pays, des secteurs et
des intérêts en termes de ressources et d'opportunités de
marchés. Les investissements directs étrangers sont
essentiellement orientés vers les secteurs pétroliers et autres
industries extractives (mines)6. Les pays qui regorgent de
ressources pétrolières et minières sont par
conséquent ceux qui recueillent le plus d'investissements directs
étrangers et d'implantations d'entreprises multinationales. Les
multinationales investissent ainsi les secteurs productifs des mines, du
pétrole, de l'énergie mais aussi les secteurs du BTP
(Bâtiments et travaux publics), des banques et finances, de
l'agroalimentaire, du textile, des télécommunications, etc. Les
pays comme l'Afrique du sud, le Nigeria, le Soudan, le Maroc, la Tunisie, le
Tchad, la Guinée Equatoriale, la République Démocratique
du Congo (RDC), l'Algérie, et la Tunisie accueillent la grande
majorité des investissements directs étrangers et des
implantations multinationales du continent. Beaucoup d'entre eux,
paradoxalement, connaissent des situations de crise, de troubles politiques ou
sociaux voire de guerres civiles. Le Groupe de recherche sur les
activités minières en Afrique note que « dans certaines
circonstances, l'investissement dans certains pays riches en ressources
naturelles peut alimenter des conflits et représenter un facteur
inhibiteur de développement7.
5 « Cependant là où le secteur privé
est fort, il est souvent dominé soit par des minorités ethniques,
familiales, asiatiques en Afrique de l'Est et blancs en Afrique du Sud, soit
par des filiales de sociétés transnationales ». A.S.
Bhalla (sous la direction de), Mondialisation, croissance et
marginalisation, CRDI, 1998
6 Le Fonds Monétaire International
définit l'IDE comme des investissements « effectués dans le
but d'acquérir un intérêt durable dans une entreprise
exerçant ses activités sur le territoire d'une économie
autre que celle de l'investisseur, le but de ce dernier étant d'avoir un
pouvoir de décision effectif dans la gestion de l'entreprise »
Manuel de la balance des paiements, Washington, 4ème
éd., 1977, p. 136
7 La gouvernance des activités minières
en Afrique : une responsabilité partagée, mémoire
présenté par Bonnie Campbell devant le Comité permanent
des affaires étrangères et du commerce international, dans le
cadre de l'Examen de l'Énoncé de politique internationale du
Canada, Novembre 2005
http://www.unites.uqam.ca/grama/pdf/Memoire
Enonce politique int Can.pdf
Pendant très longtemps l'Etat a été et
demeure dans une certaine mesure un acteur économique de premier plan.
Son intervention sur le plan économique et social s'est faite de
diverses manières en réponse aux défis du
développement. La question qui se pose est celle de la place et du
rôle des acteurs économiques privés notamment des
entreprises qui ont vu leur influence croître avec la mondialisation :
plus d'influence n'appelle-t-elle pas plus de responsabilité ?
B- Réponses politiques et institutionnelles des
Etats africains
I- Les sentiers battus des politiques de
développement : de l'Etat providence aux CSLP-SNDD-ENPLT
Les réponses des pouvoirs publics africains aux enjeux
du développement se sont traduites par la formulation et la mise en
oeuvre de politiques et stratégies intégrant plus ou moins les
acteurs privés. Nous distinguerons d'une part les réponses
formulées au travers de stratégies et de politiques globales et
sectorielles et d'autre part les réponses au travers de cadres juridique
et institutionnel national et/ou régional.
a. la mission de service public dévolue aux
entreprises publiques dans l'Etat providence
Avec les indépendances, les Etats africains ont
hérité d'entreprises publiques dans divers secteurs
économiques qu'ils ont développées par la suite. En dehors
de quelques implantations de multinationales des anciennes métropoles,
les pays ne disposaient pas de secteur privé fort. L'Etat devait ainsi
assurer des services dans le champ économique à travers notamment
les services publics industriels et commerciaux. La présence de l'Etat
providence était quasi permanente dans tous les secteurs, soit en tant
qu'acteur économique ordinaire, soit en tant que régulateur. La
mission de service public et la responsabilité de la gestion et de la
gouvernance des activités économiques suggèrent que
l'entreprise étatique devait inscrire son activité dans la
satisfaction de l'intérêt général et dans le long
terme. A ce titre on peut être amené à penser que les
entreprises publiques intégraient, dans une certaine mesure, des
considérations autres qu'économiques à leurs
activités économiques. On ne peut pour autant affirmer
péremptoirement qu'elles furent socialement responsables. Certaines
problématiques notamment en matière de gouvernance, de bonnes
pratiques des affaires, de protection des droits humains ou de l'environnement
n'ont pas toujours été la préoccupation des managers
publics. Les difficultés qui ont découlé de
mauvaises gestions ont été le justificatif des divers programmes
d'ajustement qui ont préconisé un rôle plus important du
secteur privé .
b. les programmes d'ajustement structurel (PAS) ou le
rite initiatique manqué à la mondialisation
Des années 80 à nos jours, l'Afrique a
été le champ de mise en oeuvre de programmes de redressement
économique dits d'ajustement structurel (PAS). Préconisés
par les institutions financières internationales (IFI) avec comme
objectif principal l'amélioration des indicateurs
macroéconomiques et des politiques sectorielles, les programmes
d'ajustement structurel devaient conduire à cantonner les interventions
de l'Etat dans les domaines qui relèveraient de sa compétence
exclusive (sécurité, justice, défense, diplomatie) ou qui
justifient de la mission de service public. Ils devaient de ce fait favoriser
le développement du secteur privé par l'ouverture de
l'économie à la concurrence interne et internationale. Ces
programmes et réformes économiques se sont soldés, selon
certains acteurs, par la détérioration des capacités des
gouvernements africains à gérer leurs économies. Pendant
ce temps, selon le rapport de la commission mondiale sur la dimension sociale
de la mondialisation, le développement du secteur privé n'a pas
été suffisant pour compenser la diminution du rôle de
l'État.
Des codes fiscaux et d'investissement plus attractifs les uns
que les autres dénotent d'une compétition entre Etats pour
attirer les investissements étrangers. Et cette compétition
tirée vers le bas s'est souvent soldée par des
législations peu protectrices des travailleurs et de l'environnement.
Les investissements directs étrangers n'ont pas afflué
malgré la multiplication des réformes pour assainir le milieu des
affaires. Bien au contraire, investir en Afrique est toujours
considéré comme très potentiellement risqué :
risques liés aux instabilités politiques, à
l'imprévisibilité économique et financière, aux
risques de corruption et de complicité pour des violations de droits
humains et de ce fait, un risque d'atteinte à l'image associé aux
investissements. Certains secteurs ont été investis par des
multinationales et des PME locales. L'Etat, premier employeur du secteur
formel, a été contraint à réduire ses effectifs par
des licenciements8 ou par le non recrutement dans les secteurs
sociaux. Les secteurs non productifs et peu rentables ont été
délaissés, cédant la place à la pauvreté. Ce
qui devrait donner sa place à l'Afrique dans le concert de la
mondialisation, s'est soldé comme un rite initiatique manqué
puisqu'elle a contribué à la marginalisation de l'Afrique.
8 Les plans sociaux sont intervenus dans les
entreprises qui ont été privatisées. Dans certains cas un
accord entre l'entreprise repreneur et l'Etat protégeait les
employés des licenciements pour motif économique à la
reprise.
c. ENPLT - CSLP - SNDD : renouveau des politiques
publiques ou vision intégrationniste et prospective du
développement ?
1. Les Etudes Nationales de Prospectives à Long
Terme (ENPLT)
Les études nationales de prospective à long
terme, initiées dans le cadre du projet Futurs
africains9, constituent une innovation
majeure aussi bien dans leur conception, dans leurs objectifs qu'au niveau des
acteurs qu'elles entendent impliquer. Elles s'intéressent à la
question du développement dans toutes ses dimensions dans un horizon
temporel de 25 ans. Les ENPLT s'inscrivent ainsi dans une vision globale,
analytique et prospective du développement et accordent une place de
choix au rôle du secteur privé et des autres parties prenantes de
la société. Si les études nationales de prospective
à long terme reconnaissent un rôle important du secteur
privé, il n'apparaît nullement dans ces documents les
conséquences probables/possibles de l'implication des acteurs
privés ayant la volonté de s'inscrire dans une démarche
socialement responsable. Cela semble cependant relever plus de la
méconnaissance du concept que de l'omission volontaire. Les
études nationales de prospective à long terme nous semblent
pourtant bien indiquées pour aborder les questions de RSE pour plusieurs
raisons :
- elles s'inscrivent dans une vision à long terme et non
dans le court terme ;
- elles entendent impliquer tous les acteurs du
développement y compris les entreprises et la société
civile ;
- elles construisent une vision intégrationniste du
développement et des scénarios d'interaction des acteurs avec des
hypothèses d'analyse ainsi que les réponses envisageables
- elles entendent servir de base à l'élaboration
et à la mise en oeuvre de certains instruments et outils de politique de
développement.
L'opérationnalisation des études nationales de
prospective à long terme a servi de base pour la planification
stratégique des cadres stratégiques de lutte contre la
pauvreté en faveur de la réalisation des objectifs du
millénaire pour le développement.
9 Futurs africains est un programme qui apporte un
appui technique à l'élaboration d'études nationales
prospectives de long terme sur des enjeux stratégiques. Etabli au niveau
régional par le PNUD en 1992, elle vise à promouvoir
l'institutionnalisation d'une approche prospective dans la gestion du
développement en Afrique.
2. Les Cadres Stratégiques de Lutte contre la
Pauvreté (CSLP) et les Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD)
Depuis que le Sommet du Millénaire10 a
érigé la question de la pauvreté en enjeu global pour
l'humanité et comme premier objectif du millénaire pour le
développement les Etats se sont fermement engagé en faveur de la
lutte contre la pauvreté, sa réduction et voire son
éradication. Il s'en est suivi l'élaboration de Documents
stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP)
11 ou de Cadres stratégiques nationaux de lutte contre la
pauvreté (CSLP), élaborés avec l'appui d'organismes des
Nations Unies, notamment du Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), et financés par divers bailleurs de fonds
étrangers. Après l'échec de l'ajustement structurel, les
institutions financières internationales se sont positionnées
dans le financement et l'accompagnement des pouvoirs publics dans la lutte
contre la pauvreté pour favoriser l'accès des populations aux
biens et services de base. Il s'agit de processus multi-acteurs qui mobilisent
l'administration, le secteur public, le secteur privé, ainsi que les
organisations de la société civile à divers stades et
à divers degrés. Les participants à la consultation, que
nous avons effectuée par le biais de questionnaires, nous indiquent que
presque tous les pays africains disposent d'un document stratégique de
réduction de la pauvreté. Pour certains participants, cela
dénote une volonté de fédérer les énergies
des acteurs du développement par leur implication dans des processus de
consultation et de concertation. Pour d'autres en revanche, les Etats n'ont pas
d'autres choix que d'élaborer un cadre stratégique de lutte
contre la pauvreté. Ils s'inscrivent ainsi dans une logique de
mobilisation de ressources financières à travers diverses aides
pour financer des projets.
3. Les Stratégies Nationales de
Développement Durable
Si l'on ne devait s'en tenir qu'aux documents existants, on
peut affirmer sans se tromper que le développement durable est la chose
la mieux partagée en Afrique. Les réponses aux questionnaires
adressés à divers acteurs africains révèlent que la
plupart des Etats africains disposent de Stratégies Nationales de
Développement Durable (SNDD) ou d'un outil
10 Il s'est tenu à New York au siège des
Nations Unies du 6 au 8 septembre 2000
11 Le DSRP est établi à travers un
processus participatif qui mobilise diverses parties prenantes internes et
externes, notamment les bailleurs de fonds et les IFI. Il décrit les
politiques, projets et programmes macroéconomiques sur une
période de 3 ans ou plus. GOHY Gilles , dans son article Pauvreté
: les mots et les faits au Bénin dénonce « leur ton
paternaliste, condescendant et au demeurant dogmatique » , La
pauvreté, une fatalité ? (ouvrage collectif)
stratégique équivalent. Les pays africains ne
sont pas non plus en reste dans la signature voire les ratifications de
conventions internationales de protection de l'environnement, des droits
humains, et du travail. Cependant, ces SNDD, contrairement aux SNDD
européennes, sont très axées sur les problématiques
environnementales. Le développement durable est ainsi vu uniquement sous
l'angle de la protection de l'environnement, de la biodiversité, de la
gestion intégré des ressources naturelles notamment des eaux , la
gestion des déchets, les pollutions. C'est ce qui sans doute justifie
l'existence dans beaucoup de pays à la fois de SNDD et des Documents
stratégiques de lutte contre la pauvreté dont la coordination est
loin d'être évidente. Une bonne coordination des politiques passe
aussi, à notre avis, par un cadre juridique et institutionnel propice et
cohérent avec les objectifs et les défis du
développement.
II- Cadre juridique et institutionnel : inexistence ou
inefficacité ?
Le cadre juridique et institutionnel en Afrique s'articule
autour de politiques développées au sein d'organisations
d'intégration régionale ou sous-régionale et de
législations communautaires ou nationales régissant la vie et
l'activité des entreprises qui peuvent servir d'appui ou de fondement
à la RSE.
a) Le cadre posé par les organisations
d'intégration régionale en Afrique
1) La stratégie de l'Union Africaine pour
assurer un développement durable au 21ème
siècle : le NEPAD
Née des cendres de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA), l'Union Africaine (UA) est une organisation de
coopération intergouvernementale qui ambitionne d'être une
organisation d'intégration à la fois politique et
économique. Si l'intégration politique peine à se faire,
l'intégration économique semble se dessiner à travers le
Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique
(NEPAD), une initiative qui se positionne comme une stratégie
intégrée de développement. Il est à la fois une
vision et un cadre stratégique de développement destiné
à «stopper la marginalisation persistante de l'Afrique dans le
processus de mondialisation ». Il vise à promouvoir un cadre
socio-économique intégré de développement pour
l'Afrique par la prise en compte des défis majeurs qui se posent au
continent tels que l'accroissement de la pauvreté et de la
misère, la persistance du sous- développement économique.
Il ambitionne d'éradiquer la pauvreté par la croissance et le
développement durable des pays individuellement et collectivement. Sa
stratégie de développement durable fixe comme priorités
:
- l'établissement des conditions favorables au
développement durable à travers entre autres la
démocratie et la bonne gouvernance politique, économique et
d'entreprise, le renforcement des capacités et le développement
de compétences ;
- la réforme des politiques et l'augmentation
des investissements dans des secteurs prioritaires : l'agriculture, le
développement humain (santé, éducation, sciences et
technologies), les infrastructures ( l'énergie, les transports, l'eau et
l'assainissement), le commerce (la promotion de la diversité de la
production et des exportations, le développement du commerce
intra-africain et l'accès aux marchés des pays
développés, l'environnement) ;
- la mobilisation des ressources aussi bien internes
qu'étrangers
Ce plan stratégique de développement de
l'Afrique est devenu aujourd'hui la référence ultime et pose les
cadres d'un renforcement du secteur privé et de la participation de
celui-ci à tous les stades du développement. Par voie de
conséquence, elle conduit l'entreprise à envisager voire assumer
d'autres responsabilités vis-à-vis du développement
africain. D'autres organisations intergouvernementales notamment ouest
africaines, l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
posent des cadres propices à l'éclosion de la RSE.
2. Le programme qualité de l'UEMOA
L'UEMOA, qui regroupe 8 pays ouest africains (Bénin,
Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger,
Sénégal, Togo) avec une superficie de 3,5 millions de
Km2 et 70 millions d'habitants, est l'organisation
africaine d'intégration la plus avancée. Elle dispose d'une
monnaie unique, d'un marché commun en vigueur depuis le 1er
janvier 2000. Ses pays membres partagent des critères de convergence
macro-économique et des politiques communes dans certains domaines comme
: la politique agricole de l'Union (PAU), la politique industrielle et le
programme qualité12. Le programme qualité de l'Union a
conduit à l'adoption d'un schéma d'harmonisation des
activités d'accréditation, de certification, de normalisation et
de métrologie visant à favoriser l'insertion harmonieuse des
Etats dans le processus de mondialisation par la levée des obstacles
techniques au commerce. Il met ainsi en place non seulement un cadre juridique
de coopération régionale en matière de qualité,
mais aussi des mécanismes de coordination et de pilotage ainsi que des
structures techniques de soutien.
12 Débuté en septembre 2001, le
programme qualité s'est clôturé en décembre 2005
pour laisser la place à une structure désormais permanente que
constitue le schéma d'harmonisation des activités
d'accréditation, de certification, de normalisation et de
métrologie
L'UEMOA se pose par ailleurs des questions sur
l'opportunité d'intégrer la problématique RSE dans le
cadre de ce programme.
II. Le cadre juridique
Au plan juridique stricto sensu, les Etats africains disposent
de diverses législations régissant la création et
l'activité des entreprises. La tendance a été
d'évoluer vers une harmonisation des systèmes juridiques et
comptables, une volonté qui s'est matérialisée avec
l'adoption des actes uniformes de l'Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA) par 16 Etats francophones13 et
d'un système comptable ouest africain (SYSCOA) au sein de l'UEMOA.
L'obligation de reddition de comptes financières est consacrée
par les articles 13 à 17 de l'acte uniforme sur le droit commercial
général de l'OHADA et l'article 19 du règlement relatif au
droit comptable dans les Etats de l'UEMOA. Cependant ces textes n'obligent
nullement, ni ne recommandent aux entreprises l'intégration de
considérations d'ordre social ou environnemental dans leurs rapports ou
dans leur comptabilité. La plupart des législations nationales
exigent cependant la conduite d'étude d'impact environnemental pour
l'exécution de projets à grand impact environnemental ou
l'établissement de notice voire de mini-notice d'impact environnemental
pour les projets de moindre ampleur. Le cadre juridique peut être
complété par l'ensemble des engagements internationaux pris par
les Etats africains14 aussi bien en matière de droits
humains, les conventions de l'organisation internationale du travail (OIT) et
les conventions relatives à la protection de l'environnement. Bien
qu'elles ne soient pas les destinataires directs des obligations
créées par les conventions internationales, force est de
reconnaître que les entreprises ne sauraient entreprendre des
activités contraires à l'esprit et à la lettre desdites
conventions. La déclaration universelle des droits de l'Homme,
renforcée par une autre résolution de l'assemblée
générale des Nations Unies, énonce le droit et la
responsabilité des individus, groupes et organes de la
société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et
les libertés fondamentales universellement reconnus15. Il
faut cependant noter que, aussi bien les Etats que les acteurs
économiques
13 Il faut noter que dans les actes uniformes de
l'OHADA, on n'a aucune définition de l'entreprise. Celle-ci est traduite
par la notion de « commerçant personne morale » ou de «
société commerciale »
14 En annexe 1, le récapitulatif des
principales conventions et l'état des signatures et ratification par les
Etats
15 Assemblée générale de
Nations Unies, Déclaration sur le droit et la responsabilité des
individus, groupes et organes de la société de promouvoir et
protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales
universellement reconnus, Résolution de 53/144 du 8 mars 1999
privés africains, sont insérés dans un cadre
mondial dont la maîtrise constitue un des enjeux majeurs.
C- L'Afrique dans l'oeil du tourbillon de la
mondialisation16
La mondialisation étant un phénomène
complexe, notre propos ne visera pas à traiter des méandres du
phénomène mais simplement à cerner le concept en lien avec
la RSE. Nous chercherons à comprendre ses conséquences pour
l'Afrique et identifier les réponses que l'émergence de la RSE
peut apporter.
I. La gouvernance mondiale et la mondialisation
La gouvernance mondiale peut être définie comme
l'ensemble des processus par lesquels des règles collectives sont
élaborées, décidées, légitimées,
mises en oeuvre et contrôlées. Zaki LAÏDI la
conçoit encore comme « l'ensemble des processus par lesquels
les sociétés politique, économique et civile,
négocient les modalités et les formes d'arrangements sociaux
planétaires sur la base du principe de la coopération
conflictuelle » 17 . Autrefois les Etats - nations étaient les
acteurs principaux des relations internationales. Le principe de
l'égalité souveraine entre Etats justifiait ainsi
l'espérance ou l'illusion d'une gouvernance mondiale
démocratique. Cependant cette illusion a été mise à
rude épreuve avec l'apparition de nouveaux acteurs comme les
organisations de la société civile (associations, ONG, syndicats,
etc.), les organisations internationales et surtout les entreprises
multinationales et transnationales, voire l'individu. Les entreprises
multinationales, dont la puissance tend à supplanter celle des Etats,
sont devenues des acteurs clés de la vie politique et économique
dans un monde de plus en plus globalisé dominé par
l'économie de marché. La multiplicité des acteurs et la
prédominance de l'acteur privé n'est pas sans conséquence
sur la gouvernance mondiale. Ces conséquences ne sont pas vécues
de la même manière par les Etats, les régions et les
continents. La Commission mondiale sur la dimension sociale de la
mondialisation souligne dans son rapport que dans le contexte de
mondialisation, on note une
16 Selon la Commission mondiale sur la dimension
sociale de la mondialisation (CMDSM), le terme «mondialisation» est
devenu courant dans les années quatre-vingt-dix, Une mondialisation
juste : créer des opportunités pour tous, OIT, rapport 2004.
17 Z. LAÏDI, Les enjeux de la gouvernance
mondiale,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001432.pdf
« tendance foncière de la gouvernance mondiale
à favoriser les intérêts des acteurs puissants,
essentiellement basés dans les pays riches »18.
La mondialisation peut être saisie à un double
niveau en fonction des caractéristiques propres qu'elle dégage.
On peut ainsi distinguer d'une part la mondialisation
économico-financière, d'autre part la mondialisation
politico-idéologique et enfin la mondialisation culturelle.
La mondialisation économico-financière se
caractérise essentiellement par le développement des
échanges de biens, de services et de technologies, une grande
fluidité des flux financiers et des investissements directs
étrangers entraînant l'internationalisation du système
productif. Le monde est devenu, selon l'expression consacrée, « un
village planétaire ». Les facteurs qui ont
contribué à la construction du processus sont multiples. Nous
pouvons citer :
- la « multilatéralisation » des relations
internationales en réponse aux crises
internationales ;
- l'ouverture des frontières avec le
démantèlement des barrières douanières pour
favoriser les échanges internationaux comme vecteur de paix et de
sécurité internationale ;
- le développement technologique notamment l'explosion
des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ;
- le développement des marchés et des flux
financiers ainsi que l'expansion des IDE19 ;
- et l'influence des nouveaux acteurs internationaux notamment
les organisations
internationales, les institutions financières
internationales et les entreprises
multinationales.
La mondialisation économique a eu pour effets le
développement sans précédent du volume et du rythme des
échanges commerciaux internationaux. Elle a aussi favorisé la
disponibilité, l'accessibilité et la diversité des biens
et des services, une relative stabilisation des relations internationales, le
développement et la croissance d'acteurs économiques, notamment
des entreprises multinationales et transnationales.
Avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS, le
libéralisme connaît un triomphe incontestable. Cela s'est traduit
au niveau des Etats par l'instauration de l'état de droit et de la
démocratie libérale. Le libéralisme est devenu, pour ainsi
dire, le fondement idéologique de l'organisation politique et
économique dans beaucoup d'Etats. Les Etats
18 rapport de la Commission mondiale sur la dimension
sociale de la mondialisation, op. cit.
19 « L'intégration rapide des marchés
financiers au cours des vingt dernières années représente
l'aspect le plus spectaculaire de la mondialisation. » rapport de la
Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, p.30
africains n'ont pas échappé à la
règle. La mondialisation libérale a conduit, selon Jean COUS
SY20, à une double libéralisation : une
libéralisation internationale (ouverture des frontières et des
marchés) prolongée par une libéralisation interne
(démantèlement des monopoles publiques dans
l'économie).
A peine sortie des indépendances, balbutiant sur les
sentiers du développement, l'Afrique se trouve confrontée au
phénomène de mondialisation et en prise avec les contraintes
internationales. Les effets positifs de la mondialisation n'ont pas
été équitables ni profitables pour tous les pays du monde,
ni sur tous les plans. Le rapport du Conseil économique et social (CES)
français reconnaît que « le développement de la
société industrielle, dans le cadre d'une croissance soutenue des
économies, s'est effectué au détriment des
écosystèmes » 21 . Il ajoute que tous les pays n'ont
pas bénéficié de manière égale du surplus de
croissance. Aux inégalités de croissance entre les pays
intégrés dans le processus de globalisation des échanges,
s'est ajoutée l'inégalité de leur attractivité pour
des investisseurs étrangers. L'Afrique se retrouve ainsi dans une
situation de marginalisation. La mondialisation se trouve aujourd'hui sur le
banc des accusés, si elle n'est pas tout simplement prise comme la
coupable désignée de la situation que connaissent les pays
africains.
II. La marginalisation de l'Afrique dans la
mondialisation
Malgré le développement des échanges
internationales qui accompagne la mondialisation, l'Afrique peine à
trouver sa place dans le commerce international. Elle pèse moins de 2%
dans le commerce mondial, ce qui a conduit progressivement à sa
marginalisation. Divers facteurs sont invoqués pour expliquer la
situation de marginalisation dans laquelle se trouve l'Afrique. Il s'agit entre
autres de :
- l'insuffisance des réformes : cette insuffisance se
trouve plus dans l'ampleur des réformes plutôt que dans leur
nombre car les réformes politiques et juridiques sont très
souvent parcellaires (réformes à mi-chemin) et non
coordonnées, ce qui conduit à une multiplication
(florilège) de cadres institutionnels et de textes juridiques qui ne
trouvent pas à s'appliquer ;
20 Jean COUSSY est chercheur à l'Ecole des
Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et associé au Centre d'Etudes
et de Recherches Internationales (CERDI).
21 Conseil Économique et Social, Enjeux sociaux
et concurrence internationale : du dumping social au mieux- disant social,
Rapport présenté par M. Didier Marteau, 2006
- l'échelle de production et des marchés :
l'Afrique a une longue tradition de production et de marchés à
petite échelle. La faiblesse de la production et du marché
réside dans la faible industrialisation et dans le poids important de
l'économie informelle ;
- la qualité des ressources humaines : beaucoup de pays
disposent d'une main d'oeuvre abondante et peu coûteuse. Cependant une
bonne partie de la main d'oeuvre n'est pas qualifiée ou ne dispose pas
de compétences en adéquation avec les besoins du
marché;
- les risques environnementaux élevés et la
faiblesse des contraintes : l'absence ou la faiblesse des contraintes
érigées par les législations peut constituer plus un
risque qu'une opportunité. Les économies sont par ailleurs
très vulnérables aux aléas climatiques du fait de la
nature des produits exportés ;
- La persistance de la dépendance envers les produits
primaires et l'invariabilité de la structure des produits de base : il
s'agit pour l'essentiel de matières premières agricoles et
minières exportés sans transformation et donc sans valeur
ajoutée22 ;
- Le faible développement du secteur secondaire : elle a
pour cause principale l'effondrement des industries locales nationales suite
à l'ouverture des frontières ;
- Les difficultés d'accès aux marchés des
pays développés : ces difficultés sont très
perceptibles dans le domaine agricole où les normes sanitaires et
techniques empêchent les produits du sud d'accéder aux
marchés du nord;
- Le développement du tout financier et du «
court-termisme » qui a conduit au délaissement des secteurs non
productifs ou peu rentables23 ;
- La faiblesse et la répartition inégalitaire
des IDE : les IDE sont orientés vers les pays qui disposent de
ressources pétrolières et minières.
- La faiblesse du commerce intra-régional et
l'influence des relations avec les anciennes métropoles coloniales : les
pays africains ont établi des liens économiques plus
étroits avec leurs anciennes métropoles respectives qu'avec
d'autres pays africains, ce qui, à certains égards, constitue un
handicap non négligeable.
- La faible présence des africains dans la gouvernance
mondiale et la recherche 24
22 « La part du commerce international que détient
l'Afrique est petite et continue de s'amenuiser, son marché étant
axé vers l'exportation de produits primaires et l'importation de
produits non primaires » A.S. Bhalla Op. Cit
23 « Pour beaucoup, la mondialisation a mis à mal
les moyens d'existence traditionnels et porté atteinte aux
communautés locales, et elle représente une menace pour
l'environnement et pour la diversité culturelle.» A.S. Bhalla (sous
la direction de) op. cit.
- L'affaiblissement de l'Etat : son intervention se réduit
aux fonctions régaliennes
Le rapport de la Commission mondiale sur dimension sociale de la
mondialisation est très critique au sujet des effets de la
mondialisation sur les pays du sud. Elle note :
- de graves déséquilibres Nord-Sud concernant
l'accès au savoir et à la technologie - les pays les moins
avancés demeurent exclus des avantages de la mondialisation - les flux
spéculatifs à court terme ont eu un effet dommageable
- une forte augmentation des activités
transfrontières illégales
- l'étroitesse des investissements dans les secteurs non
productifs comme l'éducation
- les personnes instruites et qualifiées, disposant d'un
capital et de capacités
entrepreneuriales ont été les gagnants mais les
travailleurs pauvres, analphabètes et
sans qualifications ainsi que les peuples indigènes ont
été les perdants
- de grandes disparités de pouvoir et de capacité
entre les différents Etats - nations, ces inégalités ayant
pour cause première l'inégalité au niveau de la puissance
économique.
|
III. La RSE et l'exigence d'une mondialisation à
visage humain
Les interdépendances mondiales engendrées par la
mondialisation ont créé une communauté d'enjeux
(réchauffement climatique) et d'intérêts
(développement harmonieux à la fois économique, humain et
social) qui appellent une co-responsabilité des acteurs même si
les responsabilités sont inégales : les acteurs n'ayant pas les
mêmes degrés d'influence et d'intérêt, leurs actions
dans la mondialisation et les impacts qui en résultent ne sont pas les
mêmes et ne les engagent pas de la même manière. La
mondialisation qui, d'une manière générale, s'est
accompagnée de l'accroissement de la puissance et de l'influence du
secteur privé, et d'un affaiblissement relatif du rôle de l'Etat
et du secteur public, conduit l'entreprise à assumer une
responsabilité de fait ou de droit. D'où l'émergence du
concept de responsabilité sociétale qui vise à
répondre de manière constructive et systématique aux
défis qui se posent à l'entreprise et à la
société : celui de placer l'Homme au centre de tout processus de
développement et d'inscrire le développement dans une perspective
de durabilité. Ceci l'amène ainsi à intégrer
à l'objectif économique et de rentabilité
financière,
24 «la mondialisation loin d'être un
processus historique naturel, inévitable, est une stratégie
planifiée, élaborée dans des officines où aucun
africain n'est convié. Pour la promotion d'intérêts qui ne
sont pas ceux de l'Afrique... », Makhtar Diouf, Mondialisme et
Régionalisme, le «nouveau régionalisme» en Afrique
2002
des logiques et des considérations autres, notamment
sociétales et environnementales et sur le long terme, à
s'interroger et à répondre de manière structurée
à l'impact de ses décisions, de ses politiques, de ses
stratégies, de ses actions et de son abstention à agir. Cela
passe par l'identification des problématiques et enjeux auxquels
l'entreprise et la société ou l'environnement local sont
confronté(e)s.
D- Les problématiques RSE en Afrique
Il faut entendre par «problématiques RSE» les
grands enjeux auxquels les sociétés africaines sont
confrontées du fait de l'action des entreprises ou auxquels les
entreprises peuvent contribuer à répondre. Certaines de ces
problématiques peuvent être internes à l'entreprise.
D'autres par contre trouvent des résonances au sein de la
communauté, du pays et voire du continent. Les problématiques
présentées ci-dessous ne sont qu'indicatives. Elles ne sauraient
être considérées comme exhaustives et leur
présentation ne répond à aucun ordre d'acuité.
I Gouvernance et bonnes pratiques des
affaires
a. Respect des lois
On a pu constater dans le chapitre consacré au cadre
juridique que les pays africains possèdent des législations
encadrant les activités économiques. La vraie
problématique se situe au niveau de leur respect par les acteurs, au
premier rang desquels les entreprises. Les contournements législatifs,
l'exploitation des failles de la réglementation notamment en
matière fiscale ou le lobbying irresponsable pour des exigences
légales au rabais constituent des pratiques qui ne sont pas
méconnues dans le milieu des affaires africains. Des entreprises
nationales ou multinationales ont souvent été accusées de
faire et de défaire les pouvoirs locaux ou de piller les ressources
locales en profitant des situations hors de contrôle des gouvernements.
En octobre 2002, un Groupe d'experts des Nations Unies enquêtant sur
l'exploitation illégale des ressources en République
démocratique du Congo publiait un rapport dénonciateur sur les
activités des sociétés engagées dans le commerce
très souvent illégal des diamants et l'extraction d'autres
ressources25. Il faut noter par ailleurs que les réformes
d'ajustement structurel ont érodé la capacité des Etats
à surveiller la mise en oeuvre et le respect des lois et
règlements par les entreprises comme le relève le GRAMA.
25 Rapport final du Groupe d'experts sur
l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de
richesse de la République démocratique du Congo, S/2002/1146,
b. Reddition de compte
Les réglementations et législations organisent
la reddition des comptes financiers dans le cadre des obligations comptables
à la charge des entreprises vis-à-vis de l'Etat et de ses
propriétaires, c'est-à-dire les actionnaires. Cependant les
réglementations sont muettes quant à la reddition des comptes aux
autres parties prenantes de l'entreprise sur leurs performances
environnementales et sociales. La faiblesse de l'influence des parties
prenantes laisse à l'entreprise africaine, en dehors de toute pression
externe (de donneurs d'ordre, du groupe ou de la maison mère) la
latitude de s'enfermer dans l'opacité complète quant aux impacts
de ses activités sur la société.
c. Ethique des affaires : corruption et
subordination
La problématique de la corruption constitue un des
enjeux majeurs en matière de RSE en Afrique. Ce ne sont pourtant pas les
mesures réglementaires, légales et institutionnelles qui
manquent. Beaucoup d'Etats ont adhéré à la Convention des
Nations unies contre la corruption et mis en place des structures et
mécanismes de surveillance et de répression de la corruption.
Cependant, l'indice de perception de la corruption de Transparency
International montre que beaucoup d'Etats africains sont rongés par la
corruption. Elle constitue une gangrène aussi bien pour les Etats que
pour les entreprises. Pour les multinationales, cet état de fait
crée un climat malsain pour les affaires. L'Indice de Corruption des
Pays Exportateurs (ICPE) révèle pourtant qu'elles sont souvent
à la base des pratiques de corruption qu'elles dénoncent.
Transparency International dans son rapport 2006 note en effet que «
le versement de pots-de-vin à l'étranger par les entreprises
des plus grands pays exportateurs reste une pratique courante [...] (et que)
les sociétés qui versent des pots-de-vin compromettent les
efforts réels des gouvernements des pays en développement pour
améliorer la gouvernance et entretiennent ainsi le cercle vicieux de la
pauvreté » 26 . La PME locale comme l'entreprise nationale ou
multinationale se trouve ainsi être à la fois actrice et victime
de la corruption.
II Droits humains
a) Travail des enfants et travail
forcé
26 L'ICPE évalue la propension des entreprises
de 30 des plus grands pays exportateurs à verser des pots-de-vin
à l'étranger
La question du travail des enfants est une
problématique majeure des entreprises et de l'opinion occidentales. Cela
ne semble pas être le cas en Afrique27. Et pour cause, sur la
liste indicative des problématiques adressées aux participants
africains, aucun choix n'a été fait sur le travail des enfants ou
le travail forcé. Cependant, les rapports de plusieurs organisations non
gouvernementales attestent de trafics et d'utilisation d'enfants dans les
plantations de cacao, de café, de coton, l'exploitation minière,
etc. Les entreprises des secteurs agroalimentaires, textiles et miniers sont
ainsi les plus concernées par la problématique. De
précédents scandales impliquant des fournisseurs ou
sous-traitants d'entreprises occidentales en Asie ont aiguisé la
sensibilité des entreprises occidentales et leur attention sur cette
problématique. Cependant, force est de constater que la situation de
pauvreté en Afrique qui conduit l'enfant à se battre pour
survivre par le travail, ainsi que les habitudes et la culture locale (travail
dans le champ familial) qui veut que le travail soit un moyen
d'éducation et d'insertion de l'enfant dans la société,
contrastent avec toute l'attention accordée à la question et
dénote la complexité du problème. Cela devrait conduire
à une approche holistique et non isolée de la question car la
lutte contre le travail des enfants ne doit pas amener à les fragiliser
davantage en les abandonnant dans des situations de prostitution, de
délinquance ou de criminalité. L'enjeu pour les entreprises est
donc double : éviter le travail des enfants et oeuvrer à leur
plein épanouissement.
b) Complicité dans les abus commis par des tiers
et collusion
En vertu du deuxième principe du Pacte mondial, les
entreprises devraient s'assurer qu'elles ne sont pas complices de violation de
droits humains28. La complicité dans les abus commis par des
tiers en Afrique prend plusieurs formes :
- l'implication directe ou indirecte des partenaires
d'affaires notamment des filiales, de la chaîne de sous-traitance ou des
fournisseurs dans des violations. Il en est ainsi par exemple des fournisseurs
ou sous-traitants employant des enfants, pratiquant des formes de travaux
forcés, ou impliqués dans des affaires de corruption, etc.
- les violations commises dans le cadre d'opérations de
sécurisation et de protection assurées par des brigades de
sécurité privées agissant souvent dans l'impunité
totale.
27 Le travail des enfants en Afrique :
Problématique et défis, Banque mondiale, FINDINGS, 191, novembre
2001
28 Pour le haut-commissaire aux droits de l'homme
des Nations unies, une entreprise se rend complice de violations des droits
humains quand elle autorise, tolère ou
ignore sciemment des atteintes aux droits humains
perpétrées par une entité à laquelle elle est
associée, ou si elle fournit sciemment une aide
concrète ou des encouragements sans lesquels les droits humains
n'auraient pas été bafoués dans les mêmes
proportions.
- les opérations dans les zones de conflits ou les liens
avec les groupes armés ou avec les pouvoirs publics auteurs de violation
de droits humains.
Des accusations sont par exemple portées contre ECOBANK
de complicité dans l'agression de la RDC suite à son acquisition
de la Banque de commerce, de développement et d'industrie (BCDI) du
Rwanda29. Au Nigeria d'autres accusations ont été
portées contre Chevron pour sa complicité dans la
répression sanglante de manifestations par l'armée
nigériane30. Dans le rapport de la mission d'enquête
internationale la FIDH révèle que : «l'exemple de Morila
où 9 anciens travailleurs ont été mis en détention
provisoire pendant 14 mois pour l'étrange explosion de deux bus de la
Somadex devant la gendarmerie met en lumière les dangers de cette
collusion entre forces de l'ordre et entreprises »31.
c) Problématiques liées à la
santé : Sida, accès aux médicaments, recherche sur les
maladies pauvres ou orphelines, essais thérapeutiques
Il y a un lot de problématiques liées à
la santé en Afrique qui touchent à la responsabilité des
grands groupes pharmaceutiques. Un des grands scandales du siècle reste
sans doute les poursuites judiciaires engagées par 39 grands groupes
pharmaceutiques contre le gouvernement sud africain pour le non respect de
droits de propriété intellectuelle sur les antirétro
viraux. Le Sida pose par ailleurs à l'entreprise d'autres enjeux
connexes : la prise en charge, la non discrimination et l'intégration
des personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
Pendant longtemps des licenciements et des discriminations au travail ou dans
le recrutement ont touché des personnes vivant avec le VIH au sein
d'entreprises aussi bien nationales que multinationales. Une prise de
conscience conduit à l'adoption d'initiatives pour juguler le
problème.
Le manque d'intérêt des laboratoires de recherche
pour des maladies négligées, présentes ou répandues
dans les pays tropicaux pauvres, ou orphelines (rares) constitue une
problématique importante. Dans le doute de retour sur investissement
voire la certitude de non rentabilité, peu de laboratoires osent
s'aventurer dans la recherche sur ces maladies.
29
http://www.business-humanrights.org/Categories/Issues/Abuses/Complicity?&batch
start=1 1
30 La mise en cause de Chevron est relative entre
autres aux événements qui se sont déroulés sur le
terminal d'Escavos le 4 février au cours desquels les forces de
sécurité auraient attaqué, tué ou blessé des
civils, cf. EFAI, AFR 44/020/2005 du 3 novembre 2005
31 FIDH «Mali, l'exploitation minière et
les droits humains », septembre 2007
http://www.fidh.org/spip.php?article4709
Par ailleurs des groupes pharmaceutiques ont souvent
été accusés d'exploiter la misère et l'ignorance ou
la détresse de populations pour leur administrer des essais
thérapeutiques. On garde encore à l'idée les accusations
et les poursuites engagées par le Nigeria (l'Etat de Kano) contre Pfizer
récemment accusée d'avoir utilisé secrètement des
enfants malades comme cobayes pendant la pandémie de méningite de
199632. Dans le secteur de l'industrie agroalimentaire, les
problèmes liés à la malnutrition (obésité)
et à la sécurité des aliments (produits OGM) aussi font
jour en Afrique.
d) Droits des autochtones : expropriation, jouissance des
fruits de l'exploitation des ressources naturelles locales, bio
piratage
Les expropriations et la jouissance des fruits de
l'exploitation des ressources locales se posent avec acuité dans les
zones riches en ressources naturelles pétrolières et
minières. La lutte du peuple Ogoni face à SHELL Petroleum
Development Corporation au Nigeria constitue dans les mémoires un
exemple encore très vivace33. Dans un document
public34, Amnesty International note que, dix ans après les
exécutions qui ont horrifié la planète entière,
l'exploitation pétrolière dans le delta du Niger continue
d'entraîner des spoliations, des injustices et des violences. Les
habitants de villages, qui souffrent par ailleurs de dégâts
environnementaux, risquent un châtiment collectif de la part des forces
de sécurité lorsqu'ils sont soupçonnés de faire
obstacle à la production de pétrole ou de protéger des
criminels. Malgré la montée des cours du pétrole, les
riverains des installations du delta du Niger restent parmi les plus pauvres du
monde. Se posent ainsi à la fois le problème de l'indemnisation
des personnes expulsées des champs d'exploitation et de la jouissance
par ces derniers des fruits de l'exploitation pétrolière. Cela
entraîne souvent des conflits et des violences intercommunautaires, des
violences contre les forces publiques et surtout contre les entreprises et
leurs installations.
Lorsque ce ne sont pas leurs sols qui sont spoliés ou
leurs ressources qui sont pillées, ce sont les savoirs des
communautés indigènes notamment en matière médicale
(et les plantes médicinales qui vont avec) qui sont frauduleusement
exploités ou brevetés.
32 Il s'agit d'un comportement à la fois
délictueux et contraire à l'éthique en violation totale de
la déclaration d'Helsinki régissant l'éthique de la
recherche médicale ainsi que la CIDE des Nations Unies
33 Ken Saro - Wiwa, leader de la minorité Ogoni
et huit autres défenseurs de la minorité ont été
exécutés en 1995 malgré les protestations de la
communauté internationale et la complicité passive de SHELL est
indexée.
34 EFAI, AFR 44/020/2005 du 3 novembre 2005
e) Discriminations
La discrimination a été et est encore un
problème majeur en Afrique. En Afrique du sud, pendant la période
d'apartheid, des entreprises nationales et multinationales ont
appliquées des politiques de discriminations raciales.
La pratique des embauches familiales, relationnelles et
ethniques posent aussi le problème de l'inégalité des
chances sur le marché du travail. La question de l'égalité
des sexes dans le recrutement, le traitement en matière salariale ou la
gestion des carrières reste tout aussi importante.
III Pratiques professionnelles : relations et conditions
de travail
a) Conditions de travail
La question des conditions de travail se pose aussi avec
acuité en Afrique plus qu'ailleurs avec des enjeux sous-jacents ou
connexes comme la santé, l'hygiène et la sécurité
au travail, les rémunérations, la pénibilité du
travail. Le travail décent constitue un défi aussi bien pour les
Etats que pour les entreprises.
b) Liberté d'association et droits
sociaux
Le rapport 2006 de la CSI (Confédération
Syndicale Internationale) révèle que l'Afrique n'est pas en reste
dans les atteintes aux droits et libertés des travailleurs. Il indique
que de nombreux Etats comme le Zimbabwe, le Maroc, l'Île Maurice,
l'Afrique du sud, la Guinée, la Guinée équatoriale,
l'Algérie, le Bénin, l'Ethiopie, la Libye, le Soudan, le Kenya se
sont illustrés dans la répression de manifestants syndicaux, le
harcèlement, les intimidations et menaces ou la limitation de droits
syndicaux. Il faut noter par ailleurs que la nature du marché
économique et du travail africain, le manque de ressources des
syndicats, les accointances politiques et les enjeux de leadership internes
sont des handicaps pour l'organisation et le renforcement des syndicats
africains face à l'Etat et surtout au secteur privé. Si le statut
protecteur des fonctionnaires justifie l'engagement de ceux-ci dans les
grèves de revendications salariales et de lutte contre la vie
chère, la précarité de l'emploi et la crainte de
licenciement décourage les travailleurs du secteur privé à
s'organiser en syndicats ou à utiliser la grève comme mode de
revendication. L'hostilité aux syndicats est en particulier perceptible
chez les entrepreneurs individuels comme nous l'indique les propos d'un
entrepreneur
burkinabé rapporté par Pascal LABAZEE dans son
livre. Pour ce dernier « le seul syndicat qu'il connaisse, c'est le
travail »35.
IV Environnement
D'entrée de jeu, il convient de noter la
dépendance directe des populations vis-à-vis des biens
environnementaux. La proximité avec l'environnement est très
perceptible dans les habitudes de vie : plantes et arbres fruitiers sauvages,
plantes médicinales, utilisations domestiques du bois, sacralité
des arbres, des forêts et de certaines espèces animales ; autant
de références qui dénotent un lien de proximité
érigeant les questions environnementales en enjeu majeur.
a) Les défis liés à
l'agriculture
L'agriculture durable constitue un défi majeur pour
l'Afrique aussi bien au plan économique, social que environnemental et
l'agriculture est aujourd'hui un des points d'achoppement des
négociations internationales aussi bien à l'Organisation mondiale
du commerce (OMC) que dans les accords de partenariat économique
(APE).
L'agriculture est le plus grand pourvoyeur d'emplois dans de
nombreux Etats africains36. Cependant, il s'agit très souvent
d'emplois familiaux, saisonniers ou précaires. Toujours au plan
économique se pose la question de la sécurité alimentaire
face à l'abandon des cultures vivrières au profit des cultures
commerciales. Pour accroître leurs devises, plusieurs Etats et
entreprises encouragent les cultures d'exportation (coton, cacao, café)
pendant que plus de 200 millions en Afrique subsaharienne meurent de faim.
L'abandon de l'agriculture vivrière ou de subsistance au profit des
cultures commerciales ne peut qu'avoir des effets désastreux au plan
social au moment même où le cours de certaines matières
agricoles connaît une baisse généralisée voire un
effondrement du fait des subventions illégales et massives que les pays
développés accordent à leurs agriculteurs.
Au plan environnemental, plusieurs enjeux liés à
l'agriculture se posent : la dégradation des sols, l'introduction des
organismes génétiquement modifiés (OGM). Les effets de
l'agriculture sur les sols sont très perceptibles.
Extensive et rudimentaire dans les zones rurales, l'agriculture contribue
à l'érosion et au lessivage des sols. Intensive et
industrialisée
35 P. LABAZEE, Entreprises et entrepreneur du Burkina,
Khartala, 1988
36 Pour la majorité de l'Afrique, l'agriculture
constitue l'activité économique principale, fournissant un moyen
de survie et un emploi à un grand nombre d'habitants. Près de 203
millions de personnes (56,6% de la main d'oeuvre), travaillaient dans le
secteur agricole en 2002 (FAOSTAT 2004). Dans la plupart des pays africains,
l'agriculture pourvoit aux besoins de 70% de la population (CEA 2004)
dans d'autres, elle favorise la pollution des sols et des eaux
par les engrais et pesticides. Quelques Etats, sous l'impulsion de la Banque
mondiale et de certaines multinationales ont adopté la culture d'OGM.
Depuis 2003 le Burkina Faso suivi par d'autres pays se sont ainsi lancés
dans des cultures expérimentales de coton transgénique.
L'introduction des OGM fait émerger ou accroît l'acuité de
certains enjeux comme la sécurité alimentaire, les pollutions, la
santé humaine, les dangers pour la biodiversité et pose la
question de la responsabilité des différents acteurs face
à la nécessité de précaution qui doit entourer la
culture des OGM.
b) Protection de l'écosystème et de la
biodiversité
La déforestation et la désertification portent de
sérieuses menaces sur la biodiversité37. Selon le
PNUE, l'Afrique perd ses forêts au taux de 0,8% par an (5 262 000 ha).
Elles sont le fait aussi bien des usages domestiques que de l'exploitation
industrielle des forêts. Les activités extractives et
minières ont aussi des conséquences énormes sur
l'environnement et la biodiversité. Tout l'enjeux est donc d'adapter les
besoins de l'exploitation industrielle et domestique aux
nécessités de protection des écosystèmes et de la
biodiversité.
c) Changements climatiques
Selon le PNUE, l'Afrique supporte une part
disproportionnée des coûts associées aux changements
climatiques. Les émissions de CO2 en Afrique constituent une part
très infime des émissions mondiales du fait de la faiblesse de
l'industrialisation de la plupart des pays africains et malgré les
pollutions importantes perceptibles dans les grandes villes. Cependant la
faiblesse des émissions contraste avec les désastres liés
aux changements climatiques qu'endure l'Afrique : rareté des pluies et
des eaux, sécheresses et famines, dérèglements climatiques
et saisonniers, réchauffement climatique, maladies.
Les questions énergétiques se posent aussi en
termes de disponibilité et d'accès à
l'électricité. L'énergie thermique et
hydroélectrique constituent jusque-là les principales sources
d'énergie. Le développement des énergies renouvelables
notamment l'énergie solaire demeure un défi et peut-être la
voie de l'autosuffisance énergétique.
d) Assainissements : déchets et eaux
usées
37 Selon El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane
Dieye «dans les zones humides du Sud et de l'Ouest, on assiste à
une disparition rapide des forêts à cause entre autres, de
l'exploitation abusive du bois à des fins marchandes et à
l'extension des zones de culture pour compenser les déficits de
productivité ». ICTSD-IISDRing Southern Agenda on Trade and
Environment -
www.trade-environment.org
Malgré la faible industrialisation, le traitement des
eaux usées industrielles et la gestion des déchets constituent
une question essentielle et une préoccupation qui prend toute son
importance au moment où l'Afrique affiche une volonté de
promotion de l'industrialisation à travers le Nouveau partenariat pour
le développement de l'Afrique NEPAD. Mais les exportations en Afrique de
déchets industriels dangereux constitue une des problématiques
les plus importantes et les plus actuelles. Le souvenir encore vivace du
déversement en Côte d'Ivoire de 400 tonnes de déchets
toxiques pétrochimiques en provenance d'Europe par le Probo Koala en est
une preuve. Elle met en exergue une responsabilité à la fois des
entreprises exportatrices des pays industrialisés et des entreprises ou
autorités publiques des pays importateurs de ces déchets.
V- Questions de consommation
a. Accès aux biens essentiels
Dans la situation de pauvreté voire de misère
dans laquelle se trouve certaines populations, l'accès aux biens
essentiels demeure très problématique. Les réformes
économiques réalisées dans le cadre des programmes
d'ajustements structurels ont conduit au délaissement des services non
productifs notamment des services sociaux. Des millions de personnes en Afrique
subsaharienne demeurent encore sans approvisionnement en eau potable ou
rencontrent des difficultés pour s'alimenter, se loger, se soigner ou
encore d'avoir accès à l'éducation et à
l'électricité. Les télécommunications demeurent un
luxe pour les campagnes et la fracture numérique ne cesse de se creuser.
Les services financiers ne favorisent pas l'accès au crédit aux
pauvres malgré le développement de micro-crédits.
b. Qualité et prix des produits
En plus de la disponibilité se pose le problème
de la qualité et du prix des produits disponibles. La faiblesse des
ressources financières conduit assez souvent et tout naturellement les
populations à accorder plus d'importance au prix qu'à la
qualité. Toute l'attention accordée aux consommateurs
européens à travers les services après vente ne semble pas
être des pratiques répandues en Afrique exception faite des
grandes métropoles et pour des biens qui ne sont pas à la
portée de tous.
L'Afrique est de plus en plus la destination des produits
usagés et l'exemple patent constitue la récupération et
le réemploi des ordinateurs et surtout l'import-export des
véhicules de seconde main ou d'occasion à l'origine des
pollutions massives. La question du recyclage
n'étant pas forcément la préoccupation
première des entreprises locales, cela a conduit à transformer
certaines capitales en véritables dépotoirs.
VI- Contribution au développement de la
société (ancrage territorial)
L'ancrage territorial des entreprises en général
et des multinationales en particulier constitue une thématique et un
enjeu majeur de responsabilité sociétale. Elle fait ressortir
diverses problématiques dont les plus importantes sont les relations
avec les communautés locales, le respect et la promotion de la culture
locale et les investissements sociaux.
a. Relations avec les communautés locales :
dialogue, concertation, participation
Elle est la condition première, aussi bien de
l'acceptation de l'entreprise et de ses activités que de
l'efficacité de la contribution de celle-ci au développement de
l'environnement social dans lequel elle opère. Plusieurs entreprises en
ont malheureusement appris à leurs dépens. C'est le cas des
entreprises opérant dans le secteur pétrolier au Nigeria
où le manque ou la rupture du dialogue entre les entreprises et les
communautés locales ainsi que la répression des forces publiques
conduit à des rapts d'employés et des attaques contre les
installations pétrolières.
La question est encore très essentielle dans les zones
d'exploitations minières. La gestion du dialogue, l'implication des
différentes couches sociales à travers des structures de
concertation sont fondamentales. La mauvaise gestion du dialogue et la
répartition inéquitable des ressources issues de l'exploitation
entraîne souvent des conséquences néfastes pour
l'entreprise ou exacerbe les tensions intercommunautaires.
b. Respect et promotion des cultures locales
Si l'entreprise doit contribuer au développement de la
communauté locale, il est tout aussi essentiel que ses opérations
se fassent dans le respect des cultures locales. La participation des acteurs
locaux ne sera effective et efficace que dans la mesure où celle-ci
intègre la dimension culturelle à toute sa politique. Il s'agit
non seulement de respecter les spécificités locales, nationales,
mais aussi de les promouvoir. Beaucoup d'entreprises ou responsables
d'entreprises, très peu au fait des réalités locales
veulent appliquer des principes de gestion qui tiennent à la seule
rationalité. Il en est par exemple des pratiques de gestions des
ressources humaines, etc. La conciliation de la rationalité
économique et des spécificités locales voire leur
promotion est un enjeu tout aussi important.
c. Investissement sociaux
L'entreprise peut-elle prospérer dans un environnement
de misère ? Le défi du développement de la
communauté au sein de laquelle opère l'entreprise est essentiel.
Cela n'a malheureusement pas été toujours le cas. Au Congo
Brazzaville, malgré l'existence de la manne pétrolière,
beaucoup de région d'exploitation vivent dans des conditions
inacceptables que les ONG locales membres de l'initiative « Publiez ce que
vous payez » n'ont de cesse critiqué.
DEUXIEME PARTIE : ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES, DES
PERCEPTIONS ET DES INITIATIVES EN MATIERE DE RSE EN AFRIQUE
La RSE fait l'objet de débats souvent vifs en Europe et
dans d'autres parties du monde impliquant divers acteurs. Des initiatives ont
été développées et beaucoup de travaux de recherche
et de publications consacrés à la RSE. Dans cette deuxième
partie nous nous efforçons de donner le pool de la connaissance, de la
perception de la RSE et des initiatives qui ont cours en Afrique
conformément à ce qui ressort de notre consultation et des
études documentaires. Nous verrons par ailleurs quelles peuvent
être les facteurs favorables ou défavorables au
développement de la RSE en Afrique.
Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes
adressé à divers acteurs africains et non africains qui peuvent
être répartis comme suit, suivant les catégories d'acteurs
ou les zones et pays d'origines des acteurs interrogés et ayant
répondu effectivement aux questionnaires : Répartition
par catégorie d'acteurs :
Pourcentage
8%
16%
16%
16%
12%
16%
16%
Gouvernement Entreprise
ONG et Syndicat Organisme de soutien Université et
recherche Presse
Organisme des Nations
Pourcentage
33%
67%
Afrique Europe
Répartition par zone :
Répartition par pays :
Pourcentage
6% 6%
6%
27%
11%
38%
6%
Belgique Burkina Faso Cameroun France
Maroc Sénégal Tunisie
A- Connaissance et perception de la RSE : le
débat en Afrique
I- La RSE, une notion peu connue et un débat
public émergent
Lorsque nous nous en tenons aux réponses qui nous ont
été apportées par les participants à la
consultation, il en ressort un avis majoritaire selon lequel il s'agit encore
d'un débat public naissant et très embryonnaire dans la plupart
des pays africains. El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane Dieye
affirment que : « En Afrique de l'Ouest, le débat sur les liens
entre le commerce, l'environnement et le développement durable ne fait
que commencer. En effet, même s'il est aujourd'hui communément
admis que le commerce international des produits agricoles et industriels a un
impact réel sur les ressources naturelles et sur l'environnement, les
débats se sont jusqu'ici cloisonnés dans des milieux
intellectuels et scientifiques basés dans leur quasi-totalité
dans les pays du nord38.
Dans les pays africains anglophones en général
et en Afrique du sud en particulier, le niveau de débat et
d'intérêt est assez important et des initiatives ont
été lancées. Le Maroc, la Tunisie et quelques autres pays
francophones connaissent une émergence d'initiatives et
l'institutionnalisation du débat même si le débat est
encore interne à quelques organisations et que la RSE demeure inconnue
des acteurs qui sont pourtant susceptibles de s'y intéresser. Elle n'est
pas un sujet de discussion publique pour le moment mais des universitaires, des
acteurs du milieu des affaires et des consultants s'y intéressent de
plus en plus du fait d'un intérêt à la fois personnel et
professionnel. Cet intérêt semble être en lien avec le
débat international et l'agenda mondial sur la RSE.
38 ICTSD-IISD, Ring Southern Agenda on Trade and
Environment, document de discussion, p. 33, juillet 2003 -
www.trade-environment.org
Il semble par ailleurs que les initiatives internationales en
matière de RSE soient en général méconnues des
acteurs africains : il n'existe pas de clubs d'affaires qui échangent
autour de la RSE. Dans les rares cas où il en existe, ces clubs
d'entreprises ou d'employeurs sont dans la capitale et regroupent les filiales
d'entreprises étrangères implantées dans le pays. Quelques
entreprises disposeraient de chartes ou codes de conduite ou de
déontologie mais la pratique des codes n'est pas répandue. Mais
si la RSE en tant que concept est peu connue, les problématiques qu'elle
soulève le sont plus.
La presse qui assume une mission de veille et
d'éducation de la société et d'éveil des
consciences s'est illustrée dans la dénonciation des
dérives des acteurs économiques au niveau africain et
international. Pendant longtemps, les acteurs publics ont été la
cible principale des médias. Cependant on note une place de plus en plus
importante accordée au traitement de données informationnelles
liées aux entreprises et à des problématiques
fondamentales en matière de RSE, et ce, malgré la
méconnaissance du concept. Les réponses aux questionnaires
indiquent que la notion de RSE est peu connue aussi de la presse. A contrario
celle de développement durable semble leur être plus
familière mais abordée sous l'angle des stratégies et
politiques publiques. Certains indiquent par ailleurs que les informations
relatives aux impacts négatifs des entreprises sont le plus souvent
traités dans des faits divers et font rarement l'objet de dossiers ou
d'enquêtes approfondies. Mais le développement d'organes de presse
spécialisée et de rubriques dédiées à
l'économie et à la société dans la presse
généraliste conduit à consacrer plus de place et
d'attention aux questions liées aux activités et à la vie
des entreprises ainsi qu'à l'impact de leurs activités sur la
société. On rencontre ainsi des articles sur la RSE et le
traitement de thématiques ou enjeux liés à la
RSE39.
Sous l'effet conjugué des phénomènes de
mondialisation et du développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, la presse africaine se fait
l'échos des grands scandales impliquant des entreprises comme le
dénote ces extraits du quotidien burkinabé « Le Pays »
suite au retrait par Mattel de jouets fabriqués en Chine.
Jouets chinois en Afrique : Qui garantit la
sécurité des consommateurs ? Extrait du quotidien
burkinabé Le Pays N°3939 du 24/08/2007
Le fabricant de jouets Mattel vient de battre le rappel de
millions de jouets au motif que ceux-ci présenteraient des risques
sanitaires pour les gamins. [...]
|
39 Dans le quotidien de l'économie LE MAGHREB
des articles de réflexion sur la RSE
L'information a créé une certain émoi aux
Etats-Unis et en Europe où la sécurité physique et
sanitaire des consommateurs est sacrée. Le retrait des jouets qui est
une mesure conservatoire a deux effets immédiats : une perte
financière énorme et une image de marque ternie. [...] Les
déboires de Mattel ne sont pas près de finir, puisque les
associations de consommateurs se mêlent à la danse. Un
procès en bonne et due forme est en cours et ne manquera pas d'alimenter
la chronique des prochains jours. Ce branle-bas de combat pour assurer la
sécurité des consommateurs est presque anecdotique, vu d'Afrique.
Pourquoi autant de bruit pour des jouets que chacun est libre d'acheter ou pas
? Le coup financier du retrait aurait certainement déclenché le
bal du duo infernal corrupteur-corrompus toujours enclins à tirer parti
de ce genre de situation au détriment des intérêts publics.
L'intérêt général sous nos tropiques n'est pas
souvent la chose la mieux partagée chez nos dirigeants et certains de
leurs complices dans les milieux d'affaires.[...]. Dans nos contrées,
les pouvoirs publics ne semblent pas assez sensibilisés à cette
question de la sécurité des consommateurs, s'abritant
derrière le manque de moyens et d'infrastructures techniques de
contrôle. Les populations consomment tant que les produits sont à
leur portée, sans que cela n'émeuve personne. Avec la
mondialisation, le marché africain est devenu la destination
préférée des produits chinois. [...].
Personne aujourd'hui ne peut attester de la qualité des
produits chinois qui inondent nos marchés et du mode d'emploi de ces
produits écrits en chinois, donc probablement douteux.
Dans quelques années, il faudra certainement s'attendre
à payer la facture médicale de ce laisser-faire qui traduit
l'incapacité ou la mauvaise volonté des dirigeants africains de
veiller sur leurs populations. Les Occidentaux, une fois de plus, montrent la
voie à suivre. Puisse cet exemple servir de déclic pour que
l'Afrique revoie totalement ses modes de production et surtout de consommation.
Se cacher derrière le bas prix des produits chinois, leur
accessibilité au plus grand nombre ne peut prospérer que
lorsqu'on est assuré de leur qualité. Les multinationales
occidentales sont en train de payer le prix de cette hérésie qui
veut produire à des coûts toujours plus bas et dans des conditions
de travail peu conformes aux normes. La course aux gros profits ne doit pas
exempter les producteurs du respect des règles et des procédures
en matière de sécurité sanitaire et physique des
consommateurs. [...]
II- Participation et perception des initiatives
internationales : méconnaissance et timidité plutôt que
méfiance ou défiance
Les acteurs interrogés jugent en majorité la
participation des pays africains aux initiatives internationales timide mais
nécessaire et indispensable. Certains avancent que la participation des
acteurs africains aux initiatives internationales devrait favoriser le
développement d'une stratégie africaine et d'un agenda
régional de RSE, la croissance et un niveau acceptable de
développement. L'Afrique devrait prendre conscience de la
nécessité de la RSE comme outil et voie de
développement.
L'intérêt pour un pays de s'intéresser
à la RSE est à la fois social, économique et politique :
la RSE permettrait d'éviter les conflits sociaux et de préserver
la paix sociale. Selon les participants, la RSE favorise l'implication des
entreprises sur des aspects sociétaux allant au- delà du simple
intérêt économique. Elle pourrait favoriser :
- le développement des exportations par la création
de normes ou la conformité aux normes existantes
- la bonne gestion et la valorisation des ressources humaines
- la promotion du développement, la lutte contre la
pauvreté et la sauvegarde de l'environnement
La RSE permettrait d'anticiper sur les problèmes que le
développement futur de l'industrialisation en Afrique ne manquerait pas
de poser.
Beaucoup d'entreprises auraient hérité du code
de conduite du groupe ou de la maison mère du fait de l'obligation
d'être en conformité avec la stratégie ou la politique du
groupe. Il semblerait que les entreprises ne disposent pas de stratégie
ni de politique RSE autonome et là où on en trouve, il s'agit de
la mise en oeuvre de stratégies ou politiques du groupe ou de la maison
mère et à quelques rares cas d'une volonté d'anticipation.
Les filiales des multinationales dont les maisons mères ont
adhéré à des initiatives internationales ne communiquent
pas sur le sujet et n'intègrent pas non plus de considérations
autres que financières dans leurs rapports : il n'y a pas d'obligation
de reporting et les entreprises ne manifestent pas un intérêt
particulier à le faire. Les participants africains à la
consultation dressent ainsi un tableau qui décrit une faible
connaissance de la RSE en Afrique. Cependant, la recherche documentaire et la
veille informationnelle nous ont permis de nous rendre compte que le
débat est certes émergent mais des initiatives dignes
d'intérêt ont été développées par
divers acteurs.
B- Les initiatives en matière de RSE en
Afrique
I- Les initiatives nationales et continentales des
acteurs
a) Les initiatives des pouvoirs publics
Par leurs missions traditionnelles de satisfaction de
l'intérêt général et de protection de l'individu et
de la collectivité, les acteurs publics assument une
responsabilité importante voire primordiale en matière de RSE.
Ces acteurs peuvent s'investir dans la RSE sous diverses formes en tant que
censeur, promoteur ou incitateur ou tout simplement en donnant l'exemple par
leur implication dans des démarches de responsabilité
sociétale.
1. ISO 26000 et les comités miroirs
nationaux40
Plusieurs pays africains sont « membres pleins » de
l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO) et prennent part aux
processus d'élaboration des normes à travers leurs organismes
nationaux de normalisation41. Cependant beaucoup d'autres pays ne
sont que membres observateurs ou correspondants. Dans le cadre de
l'élaboration des lignes directrices ISO 26000, des comités
miroirs nationaux ont été mis en place autour des organismes
nationaux de normalisation. Ces comités miroirs nationaux regroupent
diverses catégories d'acteurs ou parties prenantes (pouvoirs publics,
industries, organisations non gouvernementales, monde du travail, consommateurs
et les SSRO pour désigner les Services, Etudes, Recherches et autres)
qui travaillent sur les propositions des groupes de travail. Au stade actuel de
l'élaboration de la norme l'opportunité est donnée
à tous les membres, pleins ou non, et à toute
organisation/structure de faire remonter à l'ISO, par le biais des
comités miroirs nationaux, leurs observations à la lumière
des réalités nationales. On note l'existence de comités
miroirs notamment en Afrique du sud, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, en
Egypte, au Maroc, au Sénégal.
Cette initiative est innovante en ce qu'elle réunit
diverses parties prenantes autour d'un concept à clarifier, à
construire en prenant en compte différentes approches,
différentes perceptions et différentes visions. Tout l'enjeu du
processus est non seulement de tenir compte de ces particularités et des
avis nationaux, sans noyer l'essentiel des lignes directrices dans des
particularismes nationaux ou organisationnels mais aussi de rendre les
lignes
40 L'ISO a été créée en
1947 et constitue la première organisation productrice de normes au
niveau international. Elle comprend aujourd'hui 157 organismes nationaux de
normalisation membres
41 Pour plus d'information sur les pays membres de
l'ISO :
http://www.iso.org/iso/iso
members
directrices accessibles, compréhensibles et adaptables
sinon applicables à toutes les organisations dans tous les pays. Ce
processus favorise le rapprochement et le dialogue entre des organisations
(industries et ONG par exemple) qui n'avaient sans doute jamais fait
l'expérience d'une collaboration dans le cadre d'un processus de
normalisation. Ce processus favorise le renforcement des capacités de
certaines organisations dans le domaine de la RSE et leur permet en retour de
développer des initiatives. C'est le cas par exemple de l'Association
Sénégalaise de Normalisation (ASN) qui vient d'organiser un
séminaire à Dakar sur la responsabilité sociétale
des entreprises du secteur des plastiques.
2. L'atelier régional sur la responsabilité
des entreprises du secteur plastique42
Cet atelier organisé en juillet 2007 en collaboration avec
l'Association internationale des volontaires laïcs (Lvia) a connu la
présence de la Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Mali et de la
Mauritanie preuve, s'il en est besoin, que la gestion des déchets
plastiques est une question cruciale au Sénégal et dans la sous
région et nécessite de ce fait une coordination et une
collaboration des interventions sur ce champ. L'atelier était une
occasion de sensibiliser les acteurs politiques, économiques et sociaux
sur l'importance de la normalisation comme voie de réponse aux
problématiques de RSE et comme voie d'amélioration des
performances de l'entreprise. L'Association sénégalaise de
normalisation qui est à l'origine de cet atelier est membre plein de
l'ISO et participe aux travaux du Réseau francophone sur la
responsabilité sociétale en vue du développement durable
(Réseau RSDD). Elle prend activement part aux travaux de l'ISO 26000 et
à ce titre, elle constitue un acteur essentiel de la RSE au
Sénégal en tant que structure hôte du comité miroir
sénégalais.
b) Les initiatives du milieu des affaires
En Afrique, le secteur informel occupe une grande partie de
l'économie de la plupart des Etats africains et l'implantation
d'entreprises multinationales est plus ou moins forte en fonction des Etats,
des ressources dont ils regorgent et des opportunités de marché.
Pour des questions pratiques de collectes des informations, nous nous sommes
limité aux initiatives développées par les entreprises du
secteur formel et en particulier celles des grandes entreprises publiques et
privées ou mixtes, des implantations des multinationales ainsi que
celles des organisations professionnelles.
42 Pour plus d'information :
http://www.lesoleil.sn/article.php3?id
article=27149
1. Démarches QSE (ISO 9001, ISO 14000, OHSAS
18001)
Les démarches qualité ont fait bonne recette
dans beaucoup de pays africains au sein du milieu des entreprises. Des
entreprises s'y sont engagées avec la ferme volonté
d'améliorer leur compétitivité par la qualité de
leurs produits et services. Parallèlement se sont aussi
développées des normes en matière de management
environnemental, d'hygiène, de santé et de sécurité
qui ont suscité l'intérêt des entreprises. Plusieurs
entreprises ont ainsi adopté des outils et référentiels
QSE (Qualité, Sécurité, Environnement) et ont fait l'objet
d'une triple certification ISO 9001, ISO 14001 et OHSAS 18001. L'adoption de
l'outil QSE amène l'entreprise à allier
compétitivité économique, protection sociale et de
l'environnement. Cette démarche qui aboutit à une triple
certification a été la voie par laquelle certaines entreprises
africaines estiment s'être engagées officiellement dans le
développement durable et la RSE. C'est l'exemple d'AZITO O&M en
Côte d'Ivoire qui, après sa triple certification, ambitionne
d'« être en Afrique la référence du
Développement Durable»43.
2. La mobilisation des milieux des affaires et des
syndicats contre le SIDA L'Afrique constitue le continent le plus
touché par la pandémie du Sida. La frange jeune,
c'est-à-dire la force de travail du continent, est très
affectée et la situation est particulièrement catastrophique dans
certains pays notamment d'Afrique Australe où la
séro-prévalence dépasse souvent les 20%. Les entreprises
sont de fait affectées et interpellées par les enjeux liés
au SIDA : sur les 40 millions de personnes infectées par le VIH/SIDA
dans le monde, 26 millions seraient des travailleurs44. Les enjeux
qui se posent sont la sensibilisation des salariés et des
communautés locales, la prévention, le dépistage,
l'accès au traitement, la non- discrimination, etc.
La mobilisation du monde des affaires contre le Sida concerne
aussi bien des entreprises multinationales que nationales, publiques comme
privées. La plupart des multinationales implantées en Afrique
placent la lutte contre le SIDA au rang des premières
responsabilités
43 AZITO est une entreprise d'économie mixte
détenue par l'Etat ivoirien et EDF qui opère dans le domaine de
l'énergie et qui fournit 50% de la consommation de la Côte
d'Ivoire
44 Le rapport de la 93ème
conférence internationale du travail révèle aussi que
trois millions de personnes en âge de travailler meurent chaque
année en raison du VIH/Sida. Les pertes se chiffraient
déjà à environ 28 millions de travailleurs en 2005. Et au
président de l'AECV Edouard Rochet d'ajouter que « le Sida est une
menace pour les entreprises où en cas de décès du
travailleur, il faut repartir à zéro, reprendre la formation sans
compter avec l'expérience ».
sociales de l'entreprise. Des séminaires
réunissent les entreprises autour du SIDA45 et des structures
associatives se sont créées pour coordonner la lutte et apporter
aux entreprises l'expertise nécessaire. C'est l'exemple de l'association
Sida - Entreprises au niveau international et de l'association « Action
des entreprises contre le VIH/Sida au Burkina (AECV) ». Beaucoup
d'entreprises multinationales s'appuient sur Sida - Entreprises46
pour développer des programmes innovants en matière de
prévention et de traitement.
« Partenaires contre le sida» a été
lancée par la Coalition Mondiale des Entreprises contre le sida, la
tuberculose et le paludisme (GBC) et Sida-Entreprises avec l'appui financier de
l'Agence Française de Développement. Cette association s'investit
dans la prévention et la prise en charge avec pour but de renforcer la
place du secteur privé dans les programmes publics et les politiques
nationales de lutte contre le SIDA, la tuberculose et les maladies sexuellement
transmissibles (MST). Elle offre par ailleurs aux entreprises une expertise
technique pour conduire des programmes internes. Une des problématiques
associées à la lutte contre le SIDA est sans doute le tourisme
sexuel qui interpelle les entreprises du secteur touristique.
3. Lutte contre le tourisme sexuel : une charte au
Cameroun
La lutte est en train de s'organiser au Cameroun comme
l'atteste l'adoption d'une « Charte contre le tourisme sexuel » par
des acteurs du tourisme le 2 juin 2007 à l'occasion de la
première journée mondiale pour un tourisme responsable. Cette
charte vise à « lutter contre le tourisme sexuel et défendre
les valeurs culturelles »47. Son adoption s'inscrit dans la
dynamique mondiale de promotion d'un tourisme durable portée par la
Coalition internationale pour un tourisme responsable.
4. L'Observatoire des pratiques éthiques des
affaires en Afrique de l'Ouest La création de l'Observatoire
des pratiques éthiques des affaires en Afrique de l'Ouest fait suite
à un colloque sur l'éthique et le management organisé du 8
au 10 juin 2006 à Dakar, sur
45 Le dernier séminaire international s'est
tenu les 26 et 27 juin 2007, à l'hôtel Sofitel Ouaga 2000.
46 Selon M. VIRY, président de Sida -
Entreprises «le rôle de Sida-entreprises est d'entretenir
l'engagement des acteurs contre le Sida au sein des entreprises »
47 10% des 842 millions de touristes choisissent leur
lieu de villégiature en fonction du marché du sexe disponible et
selon le président de la Coalition internationale pour un tourisme
responsable, Guillaume Cromer, trois millions d'adolescents dans le monde sont
affectés par le tourisme sexuel, auquel l'Afrique paie un lourd
tribut
http://www.afrik.com/article11865.html
l'initiative de l'Institut Africain de Management (IAM).
L'Observatoire des pratiques éthiques des affaires en Afrique de l'Ouest
a été mis en place pour répondre au souhait des
participants de créer un observatoire, qui aurait une mission de «
veille et de contrôle des pratiques éthiques dans la gestion des
entreprises » comme indique le communiqué de presse qui lève
le voile sur les attributions de la structure. L'Observatoire s'est doté
d'une charte éthique et nourrit l'ambitieux objectif de
développer un climat sain dans le milieu régional des affaires
par :
- la mise en place d'un label éthique
- la collecte de l'information et veille sur l'éthique des
affaires
- l'accompagnement d'entreprises dans la mise en oeuvre de
« programmes d'équité sociale, le respect de
l'environnement, et l'amélioration de la cohésion sociale, des
relations de commerce équitable »
Contrairement à d'autres initiatives multi parties
prenantes, l'OPEAO ne réunit que des entreprises soucieuses de
travailler sur les problématiques liées à l'éthique
des affaires.
5. Forum des employeurs africains sur la RSE et la
déclaration de Bamako48 Il s'est tenu à
Bamako un forum sous-régional de réflexion des organisations
d'employeurs d'Afrique francophone sur la responsabilité sociale des
entreprises en août 2007. Organisé par le Conseil National du
Patronat du Mali (CNPM) en collaboration avec le Bureau International du
Travail (BIT) et l'Organisation Internationale des Employeurs (OIE), ce forum,
premier du genre dans le milieu des employeurs d'Afrique francophone, avait
pour objectif de « dégager une stratégie africaine commune
de promotion de la RSE sur le continent » . Il vise par ailleurs
l'amélioration des connaissances et le renforcement des
capacités, les échanges de bonnes pratiques et l'appropriation de
la notion par les employeurs africains. Ce forum a été
l'opportunité pour certaines entreprises de présenter leur
engagement et leurs expériences en matière de RSE. Ce premier
forum s'est conclu par une déclaration dite de Bamako à travers
laquelle les employeurs déclarent partager la vision de l'organisation
Internationale des Employeurs sur la RSE et être « convaincus de la
nécessité de prendre en compte les questions sociales et
environnementales dans le cadre d'un développement harmonieux et durable
de chacun des pays membres de l'espace africain francophone » et affirment
« saisir toute la portée de la Responsabilité Sociale de
l'entreprise africaine et
48
http://www.bamanet.net/actualite/print/4201.html
et
http://www.cnpmali.org
encouragent les dirigeants d'entreprise à s'approprier
volontairement et librement ce concept et à tout mettre en oeuvre pour
assurer sa promotion ».
d. les organisations de la société
civile49
Le rôle que la société civile joue ou est
susceptible d'occuper dans le débat sur la RSE ou en faveur du
changement social est fonction de son état, de son expertise et de ses
capacités d'influence. Selon les informations que nous avons recueillies
à travers notre consultation, il ressort que la plupart des pays
africains disposent d'une implantation assez forte d'organisations de la
société civile qui interviennent sur divers champs, allant du
développement local aux droits humains en passant par l'environnement,
la lutte contre la corruption, la défense des intérêts
matériels et moraux de leurs membres, etc. Cependant cette forte
présence d'organisations de la société civile contraste,
selon les pays, avec leur capacité réelle d'influence. La
société civile demeure plus ou moins structurée selon les
pays et, dans la plupart des cas, peu influentes. La RSE ne semble pas
être leur préoccupation majeure du fait de la faible structuration
de l'entreprenariat privé et du manque d'expertise. Cependant, toutes
les organisations de la société civile n'ont pas
été insensibles à l'émergence de la RSE et ont,
bien au contraire, développé des initiatives dans ce sens.
1) La conférence maghrébine des
travailleurs sur la RSE Cette conférence s'est tenue
à Tunis les 6 et 7 mai 2005, organisée par l'Union Syndicale
des Travailleurs du Maghreb, en collaboration avec l'Organisation Arabe du
Travail sur le thème de « la responsabilité
sociale de l'entreprise économique » et a connu la
participation des Organisations de travailleurs de Libye, d'Algérie,
du Maroc, de Mauritanie et de Tunisie. Elle a permis aux participants de se
familiariser avec le Pacte Mondial, les principes directeurs de l'OCDE
à l'intention des multinationales et la déclaration de principes
tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique
sociale. Dans les recommandations finales les participants notent que :
« le concept «Responsabilité Sociale de l'entreprise
économique» est un concept apparu souvent dans le contexte de
l'accroissement de la mondialisation et il est relié à la
question du développement durable, mais pourrait être
interprété différemment. Ainsi, certains partenaires
pourraient en faire un mauvais usage, c'est pourquoi les
49 Selon Habermas, « la société
civile se compose de ces associations, organisations et mouvements qui à
la fois accueillent, condensent et répercutent en les amplifiant dans
l'espace public politique, la résonance que les problèmes sociaux
trouvent dans les sphères de la vie privée ».
syndicalistes sont tenus de mieux l'éclaircir et de
fixer son contenu et ses limites de façon à le mettre au service
du développement social global et à éviter les
interprétations et les utilisations restrictives et
intéressées ».
2) Travail et environnement, lutte contre la
pauvreté, SIDA et la corruption
à l'ordre du jour des conférences et des
plans d'action des syndicats africains Une conférence des
Cadres d'UNI AFRICA co-organisée par UNI et la CFDT a réuni les
représentants syndicaux de divers pays francophones à
Yaoundé, du 13 au 17 novembre 2006 sur la thématique de la
corruption. A l'issue de cette formation, les participants ont adopté
des résolutions dans lesquelles ils marquent leur volonté :
- « d'intégrer le concept de la responsabilité
sociale et sociétale des cadres dans le processus de dialogue social
;
- de promouvoir l'éthique et la bonne gouvernance pour la
lutte contre la corruption et la mauvaise gestion des ressources ;
- et de mettre en place dans chaque pays un cadre de
réflexion en vue de partager les expériences ».
Peu avant cette conférence s'est tenue du 28 au 29
juillet 2006 à Johannesburg une autre conférence syndicale sur le
travail et l'environnement. A cette occasion un module de formation a
été présenté par M Gabou GUEYE
vice-président d'UNI sur « le gouvernement d'entreprise, la
responsabilité des entreprises : transparences financières et
équité sociale », la preuve, une fois de plus, que le
débat sur la RSE s'ancre progressivement dans le paysage syndical
africain. Les syndicats s'engagent ainsi sur des champs quelques peu
différents du terrain traditionnel de défense des
intérêts de leurs adhérents pour s'engager dans des enjeux
qui interpellent toute la société. C'est ainsi que dès
2003 UNI Africa déclarait la guerre à la pauvreté et au
Sida. Des programmes de lutte contre le SIDA se sont aussi
développés au sein des syndicats afin surtout de « faire
valoir les droits des travailleurs vivant avec le VIH/SIDA dans le milieu du
travail ». C'est toute la raison de l'engagement d'UNI - Africa à
travers l'Action contre le VIH/sida en Afrique lancée à
l'occasion de la 1ère Conférence Régionale UNI-Africa
tenue à Johannesburg du 15 au 18 octobre 2003 et
précédé de l'appel des jeunes d'UNI-Africa à un
engagement des syndicats sur ce terrain. L'une des causes ou des vecteurs
possibles voire évidents du Sida est le tourisme sexuel et la lutte
contre le Sida passe aussi par l'implication responsable des entreprises
opérant dans le secteur touristique.
3) Les mouvements sociaux dans le débat sur la RSE
en Afrique
Beaucoup d'organisations africaines se sont impliquées
dans les forums sociaux mondiaux et au fil du temps, elles se sont
forgées une certaine expertise dans l'analyse des
phénomènes économiques locaux, nationaux, régionaux
et internationaux. Des forums sociaux mondiaux se sont déroulés
sur le sol africain à Bamako au Mali et à Nairobi au Kenya. Des
forums sociaux nationaux (Burkina50, au MALI51) et
régionaux (forum social ouest africain FSOA)52 ont aussi vu
le jour. Au nombre des sujets de débat lors de ces forums sociaux
figurent en bonne place la mondialisation néolibérale et l'OMC,
les OMD, les questions agricoles dans les négociations internationales,
la souveraineté alimentaire et les OGM, la dette et les investissements,
l'immigration, les accords de partenariat économique (APE) entre l'Union
Européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), les
droits économiques, sociaux et culturels de façon
générale et en particulier l'accès aux biens essentiels. A
l'occasion du deuxième FSOA tenue au Bénin la
responsabilité des acteurs économiques et les questions relatives
à la gouvernance des entreprises et au contrôle citoyen ont
constitué des thèmes de débat et de proposition.
4) « Publiez ce que vous payez »
Il s'agit d'une initiative internationale qui vise à
inciter voire contraindre les entreprises du secteur extractif et les Etats
riches en ressources minières et surtout pétrolières
à faire de la transparence autour des recettes de ces exploitations.
Selon le coordonnateur pour l'Afrique de «Publiez Ce Que Vous Payez»,
Matteo PELLEGRINI, « en Afrique, la question du delta du Niger et de
l'oléoduc Tchad-Cameroun a été le déclencheur de
l'action de la société civile internationale et nationale »
à travers l'initiative «Publiez Ce Que Vous
Payez»53. Cette campagne internationale a trouvé des
échos auprès de la société civile africaine et des
coalitions nationales se sont constituées dans divers pays où
l'activité extractive des mines et
50 Le forum social du Burkina (FSB) s'est tenu du 28
au 30 mars 2007 à Loumbila près de Ouagadougou. Pour plus
d'information voir
http://www.forumsocialburkina.info
51 Le forum des Peuples a eu lieu à Gao du 15
au 17 juillet 2006 et a réuni les représentants des mouvements
sociaux des pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire,
Guinée Conakry, Mali, Maroc, Niger, Belgique, Canada, France, Ecosse.
52 La deuxième édition du FSOA s'est
tenu à Cotonou du 23 au 25 septembre 2005. Pour plus d'information sur
ce forum voir
http://www.mediabenin.org/fsoa
53 Présentation de PCQVP lors d'un atelier
organisé en juin 2007 à Libreville disponible sur :
http://www.publishwhatyoupay.org/francais/pdf/bulletins/0106afrique.pdf
ressources pétrolières et de gaz occupent une place
importante dans l' économie. A ce jour, plus de 12 coalitions
«Publiez Ce Que Vous Payez» existent à travers
l'Afrique54.
5) L'initiative de transparence des industries
extractives
En réaction à la campagne « Publish what
you pay » (Publiez ce que vous payez) engagée par des ONG, Tony
BLAIR et le gouvernement britannique lancent l'Extractive Industry Transparency
Initiative (EITI) lors du sommet mondial sur le développement durable de
Johannesburg en 2002. Cette initiative publique a connu une adhésion
majoritairement de pays africains puisque 14 des 22 pays qui ont
adhéré à cette initiative sont du continent africain.
D'autres institutions africaines comme le groupe de la Banque africaine de
développement (BAD) y ont également souscrit55. Cette
initiative et son pendant ONG « Publish what you pay » sont parmi les
initiatives internationales de RSE les plus connues des acteurs africains dans
les pays où se pose la problématique de la transparence de la
gestion des recettes minières et pétrolières.
e. Le monde académique et de la
recherche
Le monde académique occidental est aujourd'hui un
acteur incontournable du débat et des initiatives en matière de
RSE. Beaucoup de travaux de recherche et de publications ont appuyé
l'action des parties prenantes. Le monde académique et de la recherche
est le lieu d'éclosion des théories et d'analyse des faits
économiques et sociaux. La contribution du monde académique et de
la recherche en Afrique est tout aussi importante pour l'institutionnalisation
de la RSE en Afrique. Le développement durable est bien connu et fait
l'objet d'enseignement et de travaux de recherche au sein des
universités dans plusieurs filières académiques (droit,
sciences économiques et de gestion, communication - journalisme, en
sociologie, dans les études environnementales, l'agriculture et le
développement rural de façon générale.), dans les
centres de recherches et les écoles
spécialisées56. Des activités
académiques et des colloques sont organisés autour du
54 Les 12 coalitions de la société
civile sont originaires de : Mauritanie, Guinée Conakry, Sierra Leone,
Libéria, Nigeria, Ghana, Côte d'Ivoire, Niger, Tchad, Cameroun,
Congo Brazzaville, RDC. La société civile est mobilisée
également en Guinée Equatoriale, Sao Tomé, Angola,
Madagascar, Zambie, Mozambique, Guinée Bissau, Botswana et Afrique du
Sud et une nouvelle coalition a vu le jour au Gabon en juin 2007
55Le Potentiel éd. 3856 19/10/06
http://www.lepotentiel.com/afficher
article.php?id edition=&id article=35928 56 L'Institut
International d'Ingénierie de l'Eau et de l'Environnement (2IE), ex
groupe EIER - ETSHER basé à Ouagadougou offre diverses formations
spécialisées liées au développement
durable.
www.eieretsher.org
développement durable. Cependant, la RSE n'est pas
abordée en tant que discipline ou branche autonome ni en tant que module
d'enseignement. Mais divers enseignements en matière de gestion et de
gouvernance des entreprises ou touchant aux problématiques de RSE
ressortent. Des professionnels universitaires et du conseil
s'intéressent de plus en plus à la RSE et l'expertise est en
construction dans plusieurs pays anglophones (l'Afrique du sud, Ghana, Nigeria,
Kenya, etc.) et dans quelques pays francophones (Maroc, Tunisie).
1) Le Business Ethics Network of Africa (BEN
Africa)57
Créé en 1990, il réunit des
professionnels universitaires de plus de 25 pays africains disposant de
compétences dans l'enseignement, la recherche et la gestion des
questions relatives à l'éthique des affaires. Le réseau a
des représentations au Botswana, au Kenya, au Nigeria, en Afrique du
sud, en Tanzanie et au Cameroun. L'utilisation d'outil électronique
(site web, newsletter) et des conférences permettent d'entretenir une
certaine interaction entre les membres et d'échanger sur les
questions.
2) Le milieu académique sud-africain
L'Afrique du sud est assurément le pays africain
où la notion de RSE ou de citoyenneté d'entreprise fait autant
débat que dans les milieux académiques occidentaux. L'histoire du
pays et le rôle joué par les entreprises pendant le régime
d'apartheid a été un élément propulseur de la RSE
en Afrique du sud.
Le « Centre for Corporate Citizenship », un
programme des facultés de Sciences économiques et gestion de
l'université d'Afrique du Sud (UNISA), est aujourd'hui un acteur
essentiel dans le développement de la RSE en Afrique du sud. Il se
positionne comme un leader dans la construction des connaissances et le
renforcement des capacités individuelles et institutionnelles sur la RSE
et dans « la promotion des affaires soutenables et la cohésion
sociale ». Il s'investit aussi bien dans l'enseignement, la formation que
dans la recherche et le plaidoyer en faveur de la RSE et enfin développe
un programme d'accompagnement et de conseil des professionnels dans la conduite
du changement et l'intégration de la RSE dans les pratiques
managériales. A la suite de l'UNISA, d'autres universités ont
développé des enseignements qui intègrent la RSE. C'est
l'exemple de la Graduate school of business du Cape Town, du Leadership centre
de l'université du Natal qui développe, en partenariat avec
57 http://www.benafrica.org/
la National Business Initiative (NBI) et l'International Business
Leaders Forum (IBLF), un programme de MASTER entièrement consacré
à la RSE.
On peut affirmer que l'intérêt de la RSE pour le
monde académique sud africain est à la hauteur ou à l'aune
de l'intérêt qu'il suscite au sein même du pays et du milieu
des affaires en particulier.
Dans d'autres pays comme le Nigeria et le Kenya, il convient
de noter quelques enseignements dispensés incluant la RSE en
général ou la gouvernance des entreprises et l'éthique des
affaires au Lagos business school logée au sein de l'université
panafricaine du Nigeria et au Eastern and Southern Management Institute de
Nairobi. On peut ainsi constater que les écoles de management se
positionnent comme les leaders dans l'enseignement la recherche et le plaidoyer
autour de la RSE. Autre fait d'importance à noter : la collaboration
entre ces écoles et d'autres acteurs notamment du milieu des affaires
mais aussi de la société civile. Cette collaboration s'est
souvent traduite par le développement d'initiatives mixtes ou conjointes
et à ce titre l'AICC, constitue le meilleur exemple.
f. Les initiatives mixtes ou « multi-parties
prenantes » : l'AICC et la Convention de l'African Corporate
Citizenship58
L'Institut africain pour la citoyenneté d'entreprise
(AICC) est une organisation multi parties prenantes qui a vu le jour en Afrique
du sud en 2001 et qui se positionne comme un centre d'excellence dans la
promotion de la responsabilité sociétale des entreprises et dans
la construction de sociétés durables. L'Institut développe
plusieurs programmes en faveur de la RSE en Afrique.
L'Africa Corporate Sustainability Forum (ACSF) est un des
premiers programmes majeurs de l'AICC. Tribune multi parties prenantes
établie en 2005, l'ACSF offre une opportunité de rencontre entre
divers acteurs pour des échanges d'expériences autour des grands
défis africains en matière de RSE. Le Centre for Sustainability
Investing (CSI), créé en 2003 offre à l'AICC
l'opportunité de s'investir dans l'évaluation de la
manière dont les innovations dans les produits financiers, les
mécanismes de marché et les structures de régulation
peuvent mieux contribuer au développement durable en Afrique. Le
programme de compétition et d'innovation (Competitiveness and
Innovation) vise le renforcement des capacités institutionnelles des
organisations de la société civile pour leur permettre de
s'engager avec
58 L'institut intervient sur divers projets au
Botswana, au Cameroun, au Lesotho, Malawi, au Mozambique en Namibie, au
Nigeria, en Zambie et au Zimbabwe. Pour plus d'information :
www.aiccafrica.org
les entreprises sur les questions fondamentales de RSE.
ReportCom est une plate-forme de recherche, d'implication et d'échanges
de connaissances et d'expériences sur le reporting en matière de
RSE et de développement durable en général. Elle
s'investit dans le plaidoyer en faveur du reporting, les modèles
d'assurance ou de certification de rapports et des processus de reporting entre
autres.
L'Institut africain pour la citoyenneté d'entreprise
est l'initiatrice de la Convention africaine sur la responsabilité
sociale des entreprises organisée en collaboration avec le « Centre
for Corporate Citizenship de l'Université d'Afrique du Sud (CCC - UNISA)
à Johannesburg. La convention réunit les chefs d'entreprises, de
gouvernements, d'organisations de la société civile africaines et
du monde afin de favoriser les échanges de points de vue et la
construction de visions partagées. La deuxième convention tenue
en Septembre 2004 s'est appesanti sur l'opportunité de concevoir un
agenda de responsabilité sociale des entreprises pour l'Afrique. Elle
souligne l'inadéquation entre les approches de la RSE dans les pays
développés aux réalités contextuelles de l'Afrique
et une claire divergence entre la teneur principale de l'agenda global de RSE
et celle qui émerge en Afrique.
g. Les organismes internationaux et la RSE en
Afrique
1- Le développement des réseaux Pacte
Mondial
Le Pacte Mondial se positionne aujourd'hui comme l'une des
initiatives de RSE les plus connues et les plus globalement acceptées
par les acteurs africains. Il s'est développé dans les pays
africains avec l'appui d'organisations internationales notamment du PNUD.
Plusieurs réseaux nationaux ont été créés ou
sont en cours de création dans divers pays africains59. Ces
réseaux sont des structures d'appui importantes pour
l'institutionnalisation de la RSE au niveau national, à la construction
d'une expertise au sein des entités adhérentes et au partage des
bonnes pratiques entre les différents participants. La force de
l'initiative réside dans l'appui des représentations
résidentes des Nations Unies et du consensus tout au moins relatif du
milieu des affaires vis-à-vis des principes édictés. Dans
certains pays comme le Maroc et la Tunisie, le projet
«Développement durable grâce au Pacte Mondial » qui
implique le BIT et la participation financière de l'Italie permet la
promotion des trois outils principaux : le Pacte Mondial, la Déclaration
de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique
sociale de l'OIT et les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des
entreprises
59 Réseaux africains existants : Afrique du
sud, Côte d'Ivoire, Egypte, Ghana, Malawi, Mozambique, Nigeria,
Sénégal, Tunisie, Zambie. Réseaux en cours de formation :
Cameroun, Maroc.
multinationales. Il faut noter par ailleurs l'organisation par
le Pacte mondial de forums d'apprentissage (international learning forum) dans
quelques pays Africains. Le quatrième du genre s'est tenu au Ghana du 22
au 24 novembre 2006 et a connu le lancement d'Africa Leads, une publication qui
fait une compilation d'expériences innovantes dans le milieu des
affaires relativement à la RSE60.
2. Les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) et le Growing sustainable Business du
PNUD
Les objectifs du millénaire pour le
développement constituent une initiative internationale de premier
ordre. Elle a été lancée par les Nations Unies à
l'occasion du sommet du millénaire pour le développement et a
érigé la lutte contre la pauvreté en objectif primordial.
Cependant, elle a très souvent été perçue comme une
initiative publique qui n'engage que les seuls pouvoirs publics. Le Growing
sustainable Business vient donc comme une initiative sous- jacente devant
mettre en avant la contribution et le rôle du secteur privé dans
la réalisation des objectifs du millénaire pour le
développement. Le Growing sustainable Business a été
développé par le PNUD et vise selon Nicolas PONTY61
à « attirer davantage d'investissement en Afrique dans les pays les
moins avancés et aligner les intérêts commerciaux et le
développement soutenable». Emergé en 2002 de la politique de
dialogue du Pacte Mondial sur le développement durable et les affaires,
le Growing sustainable Business a été renforcé à
l'issue de la publication du rapport de la Commission des Nations Unies sur le
secteur privé et le développement en mars 2004. Il s'agit d'une
démarche expérimentale d'implication du secteur privé dans
la réalisation des objectifs du millénaire pour le
développement. Coordonné par les bureaux nationaux du PNUD et le
bureau du Pacte Mondial, le Growing sustainable Business engage le secteur
privé dans des partenariats innovants, souvent autour de nouveaux
modèles d'affaires, afin de donner un coup d'accélérateur
au progrès sur les objectifs du millénaire pour le
développement. L'initiative a été mise en oeuvre dans
plusieurs pays africains62 où se sont formés dans un
premier temps des processus consultatifs transparents sous l'égide du
PNUD réunissant pouvoirs publics, entreprises, organisations non
60 Pour plus d'information : sur le forum
international d'apprentissage : http://www.ungc-learningforum.org/ et
sur Africa Leads :
http://www.unisa.ac.za/Default.asp?Cmd=ViewContent&ContentID=19365
61 Nicolas PONTY est administrateur de l'INSEE,
économiste principal au PNUD.
62 Les pays ayant expérimenté
l'initiative en Afrique sont l'Angola, l'Ethiopie, le Kenya, le Madagascar, le
Malawi, la Tanzanie, et la Zambie.
gouvernementales, bailleurs de fonds et système des
Nations Unies pour identifier des projets permettant de soutenir la croissance
du secteur privé et de bénéficier aux communautés
locales. Dans un second temps, la création d'une structure interface
permanente a permis de gérer les relations entre les différentes
parties prenantes impliquées dans la démarche en lien avec le
PNUD et les partenaires au développement. Elle a permis par ailleurs
d'apporter un appui à l'identification et au développement de
projets de développement d'affaires durables, le financement de travaux
de recherche et la diffusion de connaissances, le renforcement des
capacités et de révéler les opportunités
d'investissement dans les pays participants. Elle a mobilisé le milieu
des affaires et permis le développement de nouveaux modèles
d'affaires au bénéfice des communautés locales.
3. Les initiatives de la Francophonie/IEPF : le
Réseau RSDD
Une des initiatives les plus importantes dans le monde
francophone constitue la création sous l'impulsion de l'Institut de
l'Energie et de l'Environnement de la Francophonie (IEPF) d'un réseau
sur la responsabilité sociétale en vue du développement
durable (Réseau RSDD). Lancé à l'issue du séminaire
de Marrakech en décembre 2005 sur la normalisation et la
responsabilité sociétale en vue du développement durable,
ce réseau ne regroupe pas que des acteurs africains mais il constitue
une plate-forme au sein de laquelle les acteurs africains ont
l'opportunité de renforcer leurs capacités et de confronter leurs
visions, leurs approches et leurs perceptions de la RSE avec les acteurs
d'autres pays participant à ce réseau. Le Réseau affiche
par ailleurs une ferme volonté d'être une partie prenante au
débat sur la RSE et d'oeuvrer à l'institutionnalisation de la RSE
en Afrique. A cet effet cette étude jette les bases d'actions futures de
renforcement des capacités des acteurs engagés ou désireux
de s'engager. Une plate-forme de communication a été
élaborée et favorisera les échanges sur les
problématiques de fond de RSE.
Les initiatives évoquées relativisent
l'idée généralement répandue selon laquelle la RSE
est un concept complètement méconnu en Afrique. Ces sont des
initiatives d'acteurs africains ou d'organismes internationaux présents
en Afrique très impliqués aux côtés d'acteurs locaux
dans le débat et la promotion de la RSE. Mais il faut noter aussi que
les débats et initiatives sur la RSE en Afrique sont aussi le fait
d'acteurs extérieurs qui marquent cependant un intérêt pour
le développement de la RSE en Afrique.
4. Le groupe d'action régional pour l'Afrique de
l'UNEP-FI
L'UNEP-FI est une initiative mondiale qui a scellé un
partenariat entre le PNUE et le secteur financier privé en vue d' «
explorer et promouvoir les liens entre l'environnement, la durabilité et
la performance financière ». Un des moyens d'action de cette
initiative constitue la création de groupes d'action régionaux.
Le groupe d'action régional Afrique s'est ainsi créé avec
pour objectif de soutenir et de développer une pratique
financière durable en Afrique. Ce groupe de travail regroupe pour
l'instant des acteurs d'Afrique australe (Afrique du sud et Zimbabwe) mais il a
pour ambition de s'élargir à toute l'Afrique. Elle
bénéficie de l'appui de la Division Technologie, Industrie et
Economie du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (DTIE/PNUE) et
compte à son actif la publication d'un rapport sur la pratique bancaire
durable en Afrique qui couvre les systèmes bancaires de l'Afrique du
sud, du Nigeria, du Kenya, du Botswana et du Sénégal.
II- Quelques initiatives internationales tournées
vers l'Afrique a) Les initiatives des pouvoirs publics
1) Le Code de conduite pour les entreprises
européennes opérant dans les pays en développement
63
Le Parlement européen fait preuve d'une attention
particulière sur les implications éventuelles et impacts
possibles des activités des entreprises européennes dans les pays
en développement notamment dans les zones sensibles. Il a ainsi
adopté un code de conduite qui doit guider les activités des
entreprises. Malgré la portée juridique très
limitée d'un tel texte, il convient de souligner les importantes
positions prises par le Parlement européen sur la responsabilité
des multinationales vis-à-vis des communautés au sein desquelles
elles opèrent. Selon le Parlement européen « les codes de
conduite ne sauraient servir d'instrument permettant de soustraire les
entreprises multinationales au contrôle des pouvoirs publics et de la
justice ». Il affirme par ailleurs que «l'autodiscipline» ou
l'autorégulation n'est pas toujours la réponse adéquate.
Il relève surtout qu'une attention particulière doit être
accordée à l'application des codes en ce qui concerne les
travailleurs du secteur informel, du secteur de la sous-traitance et des zones
franches et enfin que les entreprises devraient contribuer sur le plan
économique et social au processus de développement dans les
régions affectées, dans le respect des orientations
définies par les pouvoirs publics concernés.
63 Résolution sur des normes communautaires
applicables aux entreprises européennes opérant dans les pays en
développement: vers un code de conduite. A4-0508/98
2) Les évaluations d'impact sur le
développement durable (EIDD) des accords
commerciaux64
En 1999, la Commission européenne décidait de
soumettre tout accord commercial international qu'elle négocierait
à une évaluation d'impact sur le développement durable
(EIDD). Ceci marquait une certaine volonté politique de la Commission
européenne de renforcer la cohérence de sa politique en
matière de développement durable, volonté qui sera
matérialisée et inscrite dans sa stratégie
développement durable65. Financés par l'Union
Européenne et réalisés par un consortium de consultants,
les EIDD s'appuient sur les trois piliers principaux du développement
durable et font l'objet de publication sous forme de rapports
intermédiaires et finaux mis à la disposition du public. Elles
viseraient, selon Stefan SZEPESI du Centre européen de gestion des
politiques de développement, non seulement à informer les
négociateurs sur les conséquences sociales et environnementales
de l'accord projeté, mais aussi à orienter les mesures
correctives et d'accompagnement à entreprendre. Simple greenwashing ou
réelle volonté politique de la Commission d'intégrer les
enjeux et principes du développement durable dans les accords
commerciaux ?66 les EIDD ont au moins cet avantage de poser le
développement durable à l'ordre du jour des négociations
commerciales extérieures de l'Union Européenne et dans le
processus de conclusion des accords, en attendant que les partenaires africains
y tirent réellement le meilleur parti pour un développement
harmonieux.
3) L'action du Canada dans le domaine minier
Le Canada marque une attention particulière pour la RSE
en l'inscrivant comme une question centrale dans le cadre de sa politique et
de son action de coopération et de commerce international. Il a
initié depuis quelques temps sous l'égide de son ministère
des affaires
64 Préparatifs en vue des négociations
d'APE : Quel est le rôle des EID ? Eclairage sur les négociations
commerciales, juin 2003
65 « Nos politiques - intérieures et
extérieures - doivent soutenir activement les efforts
déployés par les pays tiers, et notamment par les pays en
développement, pour parvenir à un développement plus
durable» Développement durable en Europe pour un monde meilleur :
stratégie de l'Union européenne en faveur du développement
durable COM(2001)264 final/2, page 9
66 Les ONG restent néanmoins
préoccupées principales par les EIDD comme l'atteste une
déclaration conjointe de 31 ONG d'Europe et des Etats-Unis. Et dans le
cadre des accords de partenariats économiques (APE) Union
Européenne - ACP, les ONG africaines dénoncent de plus en plus
fortement les conséquences qu'ils entraîneraient et rien ne semble
pour l'instant répondre à leurs préoccupations
malgré le dispositif EIDD
étrangères et du commerce international des
tables rondes réunissant diverses parties prenantes autour de la
responsabilité sociétale des entreprises canadiennes
opérant dans les pays en développement dans le secteur extractif
(mines, pétrole, gaz)67. Selon le ministère canadien
des affaires étrangères ces tables rondes ont pour objectif
d'examiner les mesures à prendre pour permettre aux entreprises
opérant dans les pays en développement de satisfaire aux normes
et aux pratiques exemplaires internationales en matière de RSE. En
favorisant et en promouvant la responsabilité sociétale de ses
entreprises opérant dans les pays en développement, le Canada
montre la voie à suivre et contribue de fait à
l'institutionnalisation de la RSE dans les pays africains. Les recommandations
des tables rondes ont été saluées par le réseau
canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) comme « un
pas vers la bonne direction »68. En plus de ces tables rondes
le Canada s'est illustré encore en à travers l'inscription de la
RSE à l'ordre du jour des dialogues interparlementaires Afrique -
Canada. Il est ressorti de ces dialogues la nécessité de
conjuguer les efforts en faveur de la responsabilisation des entreprises et en
particulier celles opérant dans le secteur des ressources
naturelles69. Ces dialogues ont tout leur intérêt dans
le fait qu'il renforce les capacités des parlementaires,
décideurs politiques africains, dans ce domaine et aiguise leur
sensibilité face aux problématiques et enjeux de RSE.
4) Le Groupe de travail sur la RSE et les SNDD en
Afrique
Il s'agit d'une initiative émergente qui vise à
mobiliser des entreprises françaises présentes en Afrique autour
des problématiques de RSE et de développement durable. Une
démarche expérimentale visera dans un premier temps 5 pays
africains : Burkina Faso, Cameroun, Ghana, Maroc et Sénégal et
mobilisera des entreprises françaises volontaires présentes dans
ces pays autour des problématiques de responsabilité
sociétale et des stratégies nationales de développement
durable (SNDD). L'initiative qui ne vise pas seulement le milieu des affaires
intégrera progressivement des acteurs autres que les entreprises,
notamment les ONG dans la démarche. La seconde phase de la
démarche expérimentale s'intéressera à
l'Algérie et à la Côte d'Ivoire et, par touche progressive,
s'étendra à d'autres pays africains.
67 Pour plus d'information sur les tables rondes :
http://geo.international.gc.ca/cip-pic/current
discussions/csrroundtables-fr.aspx
68 La déclaration du RCRCE sur le rapport final
des tables rondes nationales sur la RSE est disponible sur :
http://geo.international.gc.ca/cip-pic/library/CSR
CNCA Statement francais.pdf
69 Consulter le rapport du deuxième dialogue
interparlementaire annuel Afrique-Canada sur les politiques
http://parlcent.ca/africa/papers/Rapport%20(Version%20site%20web).pdf
visité le 10/10/2007
b) Les initiatives du milieu des affaires
1. Les principes de Sullivan et les sommets Léon
Sullivan
Très peu évoquée au niveau international,
cette initiative peut et doit pourtant être considérée
comme l'initiative pionnière en matière de RSE au niveau
international, en Afrique et en particulier en Afrique du sud. Lancés en
1977 par le Révérend Léon H. Sullivan70, alors
qu'il siégeait au conseil d'administration de General Motors, ces
principes visent à soutenir et promouvoir la justice économique,
l'équité et la cohésion sociales par les entreprises
partout où elles opèrent. Au coeur de ces principes figurent en
bonne place la promotion des droits humains en général, des
droits des employés en particulier, le respect des lois et le
bien-être des communautés au sein desquelles l'entreprise
opère et enfin l'égalité des chances et la non-
discrimination.
Cette initiative trouve son fondement dans la volonté
de son initiateur de mobiliser les entreprises nord américaines
opérant en Afrique du Sud sous l'apartheid à ne pas appliquer des
politiques d'apartheid et à traiter leurs employés noirs comme
elles le feraient pour des citoyens américains. Ces principes font
expressément référence à la déclaration
universelle des droits de l'Homme et s'adressent à tout type
d'entreprise. Il est attendu des entreprises qui y souscrivent de fournir
publiquement des informations attestant des efforts déployés pour
se conformer aux principes. Ces principes ont contribué de
manière significative à la fin de l'apartheid. Revisité et
rebaptisés « Global Sullivan Principles for Corporate
Responsibility», ces principes sont considérés comme le
fondement même du Pacte mondial des Nations Unies.
Cette initiative de M. Sullivan a eu aussi pour objectif
d'inciter les entreprises et la diaspora afro-américaines à
investir en Afrique. Il se tient depuis plusieurs années des sommets
Léon Sullivan réunissant les dirigeants politiques. Le dernier en
date et huitième du genre s'est tenu du 17 au 21 juillet 2006 à
Abuja au Nigeria71. Ces sommets contribuent aussi à la
promotion des principes et à l'institutionnalisation de la RSE.
70 Léon H. Sullivan (16 octobre 1922 - 24 avril
2001) premier afro-américain à occuper d'aussi importantes
fonction au sein d'une grande entreprise américaine. Il fut un activiste
contre l'apartheid et lança les principes de Sullivan sous forme de code
de conduite en complément de la campagne de désinvestissement
lancé à l'endroit des entreprises américaines
présentes en Afrique du sud pendant l'apartheid.
Pour plus d'information :
http://www.thesullivanfoundation.org/gsp/default.asp
71 Le premier sommet Sullivan s'est
tenu en Côte d'Ivoire en 1991. Les sommets Sullivan
réunissent des décideurs politiques et économiques
mondiaux, des délégués d'organisations des
sociétés civiles nationales,
2. La charte du développement durable du
CIAN
Le CIAN a adopté une charte du développement
durable avec la volonté de « lui donner une
spécificité africaine » ainsi que l'affirmait son
Président, Gérard PELISSON. A travers cette charte, les
entreprises membres s'engagent à respecter 3 principes essentiels du
développement durable : la contribution au développement
économique des pays d'opération, le respect de l'autre et de sa
culture et la protection de l'environnement et du patrimoine écologique.
Un groupe de travail « suivi des entreprises » permettra à
l'organisation d'assurer un accompagnement des entreprises dans leurs
stratégies et démarches de développement durable pour une
meilleure efficacité de la démarche. Il faut noter par ailleurs
que le CIAN a adopté en mars 2005 une déclaration sur la
prévention de la corruption.
3. Le Forum des affaires UE - Afrique et le groupe de
travail sur la bonne gouvernance et l'éthique d'entreprise
Le forum des affaires Europe - Afrique est en passe de
s'institutionnaliser. Après une première édition tenue
à Bruxelles du 16 au 17 novembre 2006, la deuxième édition
a eu lieu en terres africaines, au Ghana du 21 au 23 juin 2007. Portés
par les milieux des affaires, de tels forums ont pour objectif de mettre en
exergue les potentialités africaines et les opportunités
d'affaires entre les deux régions et de favoriser la mise en place de
réseaux d'affaires et, partant, de renforcer le secteur privé
africain.
La première édition annonçait
déjà les couleurs quant à la perspective de
l'intégration de la RSE dans les rapports économiques entre
l'Europe et l'Afrique. En effet, au menu des discussions figuraient en bonne
place la bonne gouvernance et l'éthique d'entreprise. Un groupe de
travail «Bonne gouvernance et éthique d'entreprise» a
été mise en place avec pour but : « d'approuver les
meilleures pratiques en matière de gouvernance du secteur public et de
promouvoir les meilleures pratiques en matière de gouvernance du secteur
privé »72.
Il est à noter que si les secteurs privés aussi
bien européens qu'africains ont apprécié
l'intégration de la RSE dans le forum, ils estiment cependant dans le
document de discussion que « toute société faisant des
affaires sur le continent africain, et non seulement les entreprises
européennes, devrait réfléchir aux stratégies de
RSE ».
internationales et universitaires pour concentrer l'attention et
les ressources sur le développement économique et social de
l'Afrique
72 Extrait du document de discussion du groupe de
travail sur la base de la contribution du secteur privé
4. Les initiatives du milieu pharmaceutique
Trente neuf (39) grandes entreprises pharmaceutiques avaient
engagé des poursuites judiciaires contre l'Afrique du sud en 1997 pour
le non-respect des droits de propriété intellectuelle sur les
produits anti rétro viraux (ARV) malgré la catastrophe sanitaire
qui menace l'Afrique du sud du fait de la séro-prévalence
très élevée. Cette action a soulevé une indignation
générale de par le monde, ces entreprises ayant donné
l'impression d'accorder plus d'attention aux intérêts financiers
qu'à la santé humaine. Cette situation a écorné
l'image de nombreuses entreprises qui ont, par la suite, abandonné leurs
poursuites. Et pour faire sans doute amende honorable et reconquérir
leur image de marque, des grandes entreprises pharmaceutiques ont lancé
un nouveau plan pour l'Afrique qui vise coordonner la lutte contre le sida en
faisant face à l'émergence de crise de
diabète73.
Sanofi- adventis pour sa part a choisi de s'attaquer aux
maladies tropicales négligées74. Elle a
renouvelé ainsi en octobre 2006 sa collaboration avec l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) pour le traitement de la trypanosomiase
africaine et de 3 autres maladies négligées : leishmaniose,
ulcère de Buruli et maladie de Chagas. Elle s'investit également
dans un programme contre le paludisme dénommé Impact malaria.
c) Le monde académique : les études,
mémoires et actions du GRAMA
Le GRAMA constitue une composante de la Chaire de recherche
sur la gouvernance et l'aide au développement de l'Université du
Québec à Montréal (UQAM). Il poursuit « un triple
mandat de recherche, de formation et de participation aux processus de prise de
décision concernant les enjeux de développement économique
et social que suscite la présence croissante d'activités
minières en Afrique » 75. Il a ainsi mené
plusieurs études qui ont fait l'objet de publication et
présenté des mémorandums notamment dans le cadre du
dialogue sur la politique étrangère du Canada afin que celui-ci
inscrive, dans ses politiques nationales, bilatérale et
multilatérale, la nécessité d'élaborer des normes
contraignantes à l'intention des
73 Pour plus d'information :
http://www.business-humanrights.org/Links/Repository/360156/link
page view
74 Selon la Mission permanente de la France
auprès de l'ONU à Genève, un milliard de personnes dans le
monde sont atteintes d'une ou plusieurs maladies négligées. Ces
maladies sont qualifiées de « négligées » car
elles ne frappent plus que les populations des régions les plus pauvres
et marginalisées.
Sur le partenariat avec l'OMS :
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2006/pr54/fr/index.html
75 Il s'agit là d'une présentation
synthétique suivant les informations disponibles sur le site du GRAMA.
Pour plus d'information :
http://www.er.uqam.ca/nobel/grama/
entreprises minières pour garantir les droits humains
et le respect de l'environnement. Il faut relever particulièrement le
mémoire soumis dans le cadre des audiences publiques du Comité
permanent des affaires étrangères et du commerce international
dans lequel il estime que le Canada doit jouer un rôle de leader et
assumer les responsabilités dans la promotion de la
responsabilité sociétale des entreprises opérant à
l'étranger et dans le suivi des investissements opérés
avec son appui76.
d) Autres initiatives sur l'activité extractive en
Afrique objet d'études et d'enquête
Parce que le secteur minier est très
problématique en Afrique, beaucoup d'ONG ont mené des
enquêtes et investigations à la suite d'alertes,
d'allégations ou de soupçons de violation de droits humains ou
d'atteinte à l'environnement. On peut citer en exemple l'étude de
la FIDH sur l'exploitation minière au Mali77 et les rapports
de deux missions d'enquête conduite par SHERPA au Niger et au Gabon,
respectivement en 2005 et 200778.
D'autres études de type académique se sont
également intéressées aux problématiques de RSE en
Afrique. On peut entre autres relever une thèse de Aurélie
CHAMARET sur les projets miniers au Niger79. Cet
intérêt croissant du monde académique européen et
des ONG internationales pour les problématiques et enjeux de RSE en
Afrique contribue assurément à renforcer le débat au
niveau africain en aiguisant l'intérêt des acteurs locaux voire en
les
76 La gouvernance des activités
minières en Afrique : une responsabilité partagée . Examen
de l'Énoncé de politique internationale du Canada
Fierté et influence : notre rôle dans le monde, par Dr
Bonnie Campbell, en collaboration avec Suzie Boulanger et Myriam Laforce,
Montréal, le 4 novembre 2005.
Pour plus d'information :
http://www.ccic.ca/e/docs/002
policy 2005-1 1 ips memoire grama.pdf
77 Mali : l'exploitation minière et les droits
humains, FIDH, septembre 2007, N°477
78 LA COGEMA AU NIGER Rapport d'enquête sur
la situation des travailleurs de la SOMAÏR et COMINAK, filiales
nigériennes du groupe AREVA-COGEMA, 25 avril 2005. Enquête
réalisée en collaboration avec la CRIIRAD et AGHIR IN' MAN Sous
la direction de William Bourdon. Rapport disponible :
http://www.assosherpa.org/CP
areva07/RAPPORT%20SHERPA%20NIGER%20ARLIT.pdf
AREVA AU GABON, Rapport d'enquête sur la situation des
travailleurs de la COMUF, filiale gabonaise du groupe AREVA-COGEMA, 4 avril
2007. En collaboration avec la CRIIRAD, Médecins du Monde et les
associations d'anciens travailleurs de la COMUF : CATRAM (au Gabon) et MOUNANA
(expatriés). Rapport disponible :
http://www.asso-sherpa.org/CP
areva07/RAPPORT%20AREVA%20MOUNANA%20040407.pdf
79 A. CHAMARET «Une démarche top-down /
bottom-up pour l'évaluation en termes multicritères et
multiacteurs des projets miniers dans l'optique du développement
durable: Application sur les mines d'uranium d'Arlit» (Niger),
thèse soutenue le 28 juin 2007
mobilisant autour des enjeux de RSE et incite les entreprises
étrangères qui y opèrent à porter plus d'attention
aux impacts de leurs activités.
D'autres organisations non gouvernementales se sont
également investis dans des initiatives qui ont touché l'Afrique.
Il s'agit par exemple de :
- Amnesty International et Global Witness ont beaucoup
travaillé sur les exploitations des ressources minières et les
violations des droits humains, plus spécifiquement sur les diamants de
la guerre et le processus de Kimberley ;
- Transparency International sur les questions relatives à
la corruption
- OXFAM et Agir Ici et les Amis de la Terre sur les questions
agricoles et les accords de partenariat économique (APE)
Diverses initiatives ont contribué à alimenter
le débat sur la RSE en Afrique à l'intérieur et hors des
frontières africaines. Ces initiatives sont d'importance inégale.
Il en est de même de la connaissance du concept dans les pays et par les
acteurs africains. On retiendra pour l'essentiel une tendance beaucoup plus
importante au développement du débat et des initiatives dans les
pays anglophones que dans les pays francophones. Cela relève-t-il des
influences des anciennes métropoles , de l'influence du système
juridique, d'influences culturelles ? Dans tous les cas, il serait
intéressant de voir ce qui explique le fait que la RSE soit un sujet
plus discuté dans les pays anglophones que francophones et surtout s'il
y a une convergences dans l'approche, dans la vision de la RSE ainsi que les
éléments déterminants de telles approches. Une
première étape dans cette direction n'est-elle pas de voir de
façon globale ce qui constitue le fondement d'une vision africaine de la
RSE au vu des réalités précédemment décrites
et de la culture africaine.
TROISIEME PARTIE : QUELLE RSE POUR L'AFRIQUE
?
La contribution du milieu des affaires au développement
durable et la gestion des impacts négatifs des activités de
l'entreprise sur la société est devenue une question centrale
dans le contexte actuel de la mondialisation. Simple effet de mode ou mouvement
de fond, la RSE demeure encore une notion qui est à la recherche de ses
marques surtout en Afrique. En Occident, plusieurs théories ont
été développées pour fonder/justifier la RSE et
plusieurs définitions ont été les témoins d'une
diversité d'approches théoriques, de courants et d'écoles
de pensée. Les questions qui se posent à nous dans cette partie
sont la pertinence des fondements théoriques développés
jusque-là autour de la RSE par rapport aux problématiques
africaines, les enjeux que la RSE pose pour l'Afrique ainsi que les leviers
potentiels de l'institutionnalisation de la RSE en Afrique.
A Les théories fondatrices de la RSE à
l'épreuve des réalités africaines
Selon M. CAPRON, « la responsabilité sociale (de
l'activité économique, puis des entreprises) existe dès
lors que l'Homme se soucie de réguler ses rapports avec la nature et
avec ses semblables »80. Cela va s'en dire que la RSE, tout au
moins la RSE implicite81, n'est nouvelle ni pour l'Europe ni pour
l'Afrique. Plusieurs approches théoriques ont été
développés et qui sont le fondement ou la justification des
visions occidentales de la RSE. Il y a lieu, dans cette partie de notre
étude, de faire l'économie de ces approches théoriques et
de s'interroger sur ce qui peut fonder une vision africaine de la RSE ou
s'accommoder aux réalités qui sont les siennes.
I Que faut-il entendre par réalités
africaines ?
Il serait très réducteur de penser l'Afrique
comme un ensemble uniforme partageant les mêmes caractéristiques,
les mêmes visions, les mêmes traditions. Bien au contraire,
l'Afrique est multiple. Cependant, les pays africains partagent des
caractéristiques socioculturelles économiques et politiques qui
se distinguent de très loin de celles des pays des autres
régions
80 CAPRON M., Quel sens donner au mouvement de la
responsabilité sociale des entreprises ? EJESS - 19/2006. Ethique,
économie et société, pages 113
81 D. MATTEN et J. MOON distingue la RSE explicite par
opposition à la RSE implicite.
du monde. Il faut par conséquent se
référer au contexte et à la conception africaine de
l'entreprise pour comprendre les réalités africaines dans
lesquelles doit s'ancrer toute approche et toute vision de la RSE.
a) Rappel du contexte africain
Comme nous l'avons déjà évoqué
plus haut, le contexte africain se caractérise par des Etats affaiblis,
fragilisés par le processus de mondialisation, un contexte
économique en pleine mutation avec une volonté officiellement
manifeste de sortir du sous-développement, un contexte écologique
riche mais menacé par les enjeux globaux et spécifiques. Le
véritable défi des Etats réside plus dans la mise en
application des législations et réglementations que dans
l'existence même d'un cadre institutionnel et juridique approprié.
On note par ailleurs une influence très faible de la
société civile malgré la forte présence
d'associations, de syndicats et d' organisations non gouvernementales dans la
plupart des pays. Il s'agit non seulement d'une société civile
peu influente mais aussi qui ne marque que peu d'intérêt aux
problématiques liées aux entreprises. Les réalités
africaines, c'est aussi l'aspiration des populations à
l'éducation, à la santé et à l'accès aux
produits de base. La recherche de produits moins chers met ainsi souvent au
second plan la question de la qualité intrinsèque du produit.
Dans ces situations, il est illusoire de penser à un quelconque
activisme consumériste. La pression des consommateurs sur l'entreprise
est de ce fait quasi absente et ne peut à priori être
l'élément moteur de l'engagement de celle-ci dans des
démarches RSE. L'Afrique marque aussi par la spécificité
des problématiques fondamentales de développement auxquelles elle
est confrontée : pauvreté, insécurité,
souveraineté alimentaire, accès aux marchés
extérieurs, SIDA et autres pandémies. Des problématiques
qui touchent de plein fouet les entreprises et demandent de leur part une plus
grande pro-activité en matière de RSE. C'est aussi un
environnement où la RSE explicite est en pleine implantation grâce
aux initiatives de certains acteurs, la construction d'une vision à
laquelle prend activement part l'acteur international. Enfin les
réalités africaines, ce sont aussi à la fois une histoire,
une diversité de cultures qui se tiennent à travers certaines
caractéristiques fondamentales ; c'est une certaine approche de
l'entreprise qui transcende l'objectif financier et le court terme.
b) L'entreprise africaine : de la fiction juridique
à la réalité sociologique
La plupart des Etats africains ont hérité des
traditions juridiques et politiques des anciennes
métropole82. De ce fait l'approche juridique de l'entreprise
s'inscrit dans les systèmes juridiques auxquels les Etats africains
appartiennent. Il est par conséquent difficile, voire inopérant
de ne recourir qu'aux acceptions juridiques de l'entreprise dans l'effort de
conceptualisation d'une approche africaine de la RSE. C'est pourquoi dans nos
propos, nous ne nous limiterons pas uniquement à la
société commerciale juridiquement consacrée. Nous nous
intéresserons aussi aux très petites entreprises du secteur
informel car la compréhension de leurs pratiques est aussi utile pour le
développement d'une approche africaine de la RSE. Il s'agit par
conséquent de se pencher davantage sur une conception sociologique et
multidimensionnelle de l'entreprise africaine pour éclairer les
acceptions juridiques et les pratiques de l'entreprise.
1) Essai de définition et de
compréhension de la place et du rôle de l'entreprise africaine
L'entreprise ou la société (commerciale), selon
le droit burkinabé et des pays de tradition juridique française,
est « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes décident de
mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter ». Cette acception
« contractualiste » de l'entreprise ne rend compte que partiellement
de la réalité de l'entreprise en mettant seulement en exergue
l'association des capitaux, la recherche et le partage des
bénéfices entre les associés. L'entreprise est aussi,
selon Pascal LABAZEE83, « le lieu de création de
richesses et de pouvoirs » et un « espace social ». Les
réponses au questionnaire nous donnent par ailleurs un éclairage
sur la perception de l'entreprise par les participants africains. Tous
s'accordent sur l'objectif de rentabilité de l'entreprise, mais il
convient de noter que la grande majorité lui assigne d'autres
missions/rôles tels que le développement de la communauté,
la participation à l'innovation et à la créativité
ainsi que la répartition équitable des richesses.
Créer de la richesse, de la valeur, engendrer des
bénéfices, être profitable ;
l'objectif économique de l'entreprise est le lieu de convergence
à la fois des acceptions africaines et occidentales de l'entreprise.
Mais l'entreprise en Afrique est aussi un espace social et un lieu
82 L'harmonisation du droit des affaires a suivi les
traditions juridico-linguistiques et l'OHADA en constitue une preuve
palpable.
83 Pascal Labazée, né en 1953.
Economiste et anthropologue, il est chargé de cours à
l'université Paris VIII. Il a effectué plusieurs séjours
en Afrique, notamment au Burkina Faso. Il est l'auteur du livre Entreprises et
entrepreneurs du Burkina Faso, Karthala, 1987, collection Les Afriques.
de pouvoirs. Cela n'en demeure pas moins vrai aussi dans les
pays occidentaux. Cependant cet état de fait est encore plus
prégnant en Afrique lorsque l'on prend en considération les
traditions, les réalités sociologiques. L'entreprise africaine
est en soi un microcosme social. Il se reproduit au sein des entreprises
nationales du secteur formel comme du secteur informel et même dans les
filiales de multinationales dirigées par des nationaux, des attributs de
la société africaine. LABAZEE parle de reconstitution d'un
pouvoir de forme traditionnelle à l'intérieur des
entreprises84. Le recours à des méthodes ou voies non
juridiques de gestion des conflits sociaux est illustratif du fait qu'au sein
de l'entreprise se retrouvent les traits, les représentations même
de la société africaine.
L'entreprise est un moyen plutôt qu'une fin. La
création d'une affaire doit permettre au promoteur d'en vivre mais aussi
de faire vivre ses proches, parents et amis, de délivrer des services
à la communauté. Elle doit contribuer à raffermir le lien
social et non le mettre en péril. La prospérité assure au
promoteur une certaine considération ou ascension sociale. Cependant
cette considération sera à l'aune de la contribution de
l'entrepreneur ou de l'entreprise au bien-être social, de la
légitimité que lui confère la conformité de ses
activités aux exigences éthiques et enfin de l'effectivité
de son ancrage territorial. A ce titre, l'obligation implicite de
solidarité vis-à-vis de la communauté est fortement
ancrée dans les sociétés africaines et se répercute
au sein même de l'entreprise. C'est ce qui justifie qu'à
l'occasion des grands enjeux nationaux (secours à des sinistrés,
participation à une compétition, etc.), l'Etat fasse appelle
à la contribution des acteurs privés hors du circuit traditionnel
des obligations fiscales à leur charge et des activités de
mécénat traditionnel.
L'entreprise africaine dispose ainsi de
caractéristiques propres et de rôles particuliers qui le
distinguent de l'entreprise occidentale et qui vont au-delà de
l'acception juridique. A ce titre LABAZEE fait un tour d'horizon des pratiques
de gestion, de direction et de prise de décision dans le milieu des
affaires burkinabé et dégage des caractéristiques qui
peuvent, à certains égards, être
répliquées/étendues à l'Afrique, marquée par
l'hétérogénéité du milieu des affaires
burkinabé et africains en général.
2) Les modes de gestion, de direction et de prise de
décision
84 La reconstitution d'un pouvoir de forme
traditionnelle à l'intérieur des entreprises provient de
l'adaptation des règles de communication et des équilibres
hiérarchiques et économiques qui y sont liés : distinction
entre source et manipulation du pouvoir, règlement des problèmes
particuliers relatifs aux impératifs de solidarité, respect des
prééminences gérontocratiques ou familiales,
représentation de ces prééminences, etc.
i. Typologie des modes de gestion des entreprises
africaines
La gestion empirique est très
caractéristique de beaucoup d'entreprises africaines. Elle se manifeste
par l'absence quasi-totale d'organisation comptable formelle et de reporting
financier et par une très grande variabilité des prix. Ce mode de
gestion est très présent dans les entreprises du secteur informel
et dans certaines entreprises structurées individuelles ou familiales.
L'organisation et la gestion de l'entreprise sont telles que celle-ci se
confond à son dirigeant dans les faits et la réalité. Le
dirigeant en est à la fois propriétaire, gérant et
comptable. L'entreprise se positionne le plus souvent sur des «
marchés d'opportunité » qui ne s'accommodent pas
forcément avec les outils modernes de gestion. Le promoteur ou
l'entrepreneur applique à la gestion de son entreprise des
méthodes personnelles acquises au fil de son expérience et de sa
formation personnelles.
La délégation des responsabilités
de gestion constitue un premier pas vers « l'assimilation des
contraintes » selon l'auteur et l'adoption de règles modernes de
gestion qui autorise une certaine dose/obligation de reporting comptable et
financier du gérant délégué au propriétaire
ou à l'administration fiscale. Le propriétaire ou promoteur
demeure cependant très présent dans les différents actes
que pose l'entreprise, contrôle ou recommande les embauches sans que le
délégué à la gestion puisse dans la
réalité remettre en cause ces décisions.
Dans ces deux modes de gestion, on peut affirmer que
l'éthique de l'entreprise est celle de son dirigeant puisqu'il y a une
symbiose quasi parfaite, du moins une confusion entre l'entreprise et
l'entrepreneur. L'entreprise n'a d'existence que par son propriétaire.
L'ancrage de l'entreprise dans son milieu sera à la hauteur de
l'intégration de son propriétaire ou de son dirigeant au sein de
la société. Dans cette situation, il faut rechercher la source du
commandement dans l'autorité morale et confessionnelle de
l'entrepreneur.
La gestion professionnelle constitue la mise en oeuvre des
outils modernes de gestion. Selon LABAZEE, elle est le fait «
d'investisseurs influents, de promoteurs ayant une qualification
élevée ou une expérience en matière de gestion et
d'organisation ». Les entreprises s'adaptent dans leur gestion aux
contraintes du marché et de l'économie moderne. Elles
éliminent l'utilisation d'opportunités tant pour
l'approvisionnement que la distribution de produits ou la délivrance des
services. Le respect d'une certaine orthodoxie de gestion financière est
la condition à l'accès aux crédits dont l'entreprise a
besoin pour son développement. Elle s'attache moins aux
particularités que les deux modes précédents
évoqués. La source de commandement au sein de l'entreprise
réside dans les compétences professionnelles du dirigeant ou la
propriété des capitaux conformément aux
réglementations régissant les entreprises. Les entreprises
filiales de multinationales sont assurément dans cette optique de
gestion même si les réalités qui
gouvernent la prise de décision sont soumises à des contingences
sociales et sociologiques qui peuvent échapper dans tous les cas aux
règles de la gestion moderne.
Typologie d'organisation de la gestion et de la
comptabilité et leurs effets
1) Gestion empirique
> flux d'échanges non profitable, le profit
escompté est variable et dépendant des opportunités
> Impossibilité d'accès aux financements
externes à court, moyen et long terme.
> Impossibilité de générer des produits
financiers et d'effectuer des placements > Pas d'accès aux
marchés publics
> Articulation nulle ou médiocre aux grandes
entreprises
2) Gestion déléguée
> L'information suscitée dans l'entreprise et
utilisable par le promoteur dépend étroitement de la
qualification du personnel recruté
> Conflits potentiels de pouvoir dans l'entreprise,
difficulté de contrôle de l'activité du gestionnaire
> Abandon partiel des marchés d'opportunité
> Poids de la concurrence avec les établissements
à gestion empirique, qui bénéficient d'un avantage en
terme de coûts.
3) Gestion professionnelle
> Difficultés de recrutement d'un personnel
qualifié
> Difficultés d'une planification rigoureuse sur tous
les aspects relatifs à l'activité
> Abandon des opportunités produisant des profits
exceptionnels et difficulté de dégager une marge
régulière
> Difficultés de concilier les techniques de gestion
rigoureuses et les impératifs liés à l'existence de cas
particuliers
Source : P. LABAZEE, Entreprises et entrepreneurs du
Burkina Faso, Karthala, 1988
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ii. Les impératifs gouvernant la direction et la
prise de décision
Deux types d'impératifs gouvernent la gestion et la
prise de décision dans l'entreprise. Il y a d'une part les
impératifs liés au respect des règles de solidarité
très ancrée dans les communautés africaines et d'autre
part l'impératif de rentabilité optimale.
Comme évoqué plus haut, l'entreprise africaine
n'est pas dénué de tout objectif de profitabilité et il
serait aberrant de penser que l'entreprise africaine est vouée à
faire de la charité à tout vent. Bien au contraire ! La poursuite
de la rentabilité à court, moyen et long termes constitue un
objectif essentiel de l'entreprise. Cependant, cet objectif de
profitabilité s'articule avec l'obligation de solidarité
très ancrée dans les traditions africaines et qui ressort aussi
dans l'entreprise. Cela se manifeste dans les actes caritatifs, l'attention sur
les préoccupations de la communauté, le respect des valeurs. On y
retrouve des pratiques paternalistes comme par exemple la prise en charge de
l'employé et de sa famille par l'employeur, la variabilité du
salaire qui est fixée selon des facteurs extra-économiques
(humeur du patron, proximité familial, etc.). Face à un
problème, les décisions à prendre doivent à la fois
préserver l'objectif financier de l'entreprise et se conformer à
l'ensemble des normes culturelles et morales en vigueur dans la
société.
3) Pratiques de gestion des ressources humaines
(GRH)
Nous n'analyserons pas en détail toutes les pratiques
de GRH dans les entreprises africaines. Pour les besoins de notre étude,
nous avons choisi de nous limiter aux pratiques de recrutement et de
rémunération qui ont un effet certain sur les relations entre
employeurs et employés ainsi que les types de conflit et les modes de
résolution des conflits sociaux utilisés. D'entrée de jeu,
il convient de noter que les 2 impératifs sus-mentionnés
déterminent aussi bien le recrutement que le système de
rémunération85. On distingue 3 modes de recrutements
qui ont aussi des influences sur le mode de rémunération et de
gestion de la carrière de l'employé.
i. Le recrutement sur qualification ou expérience
professionnelle
Il se fait sur le marché anonyme de l'emploi par des
services ou directions de ressources humaines intégrés dans
l'entreprise ou par le recours aux organismes privés ou publics de
recrutement ou de placement. Il se justifie par les besoins de croissance de
l'entreprise. Sont principalement prises en considération les
qualifications, les compétences, l'expérience
85 Pascal LABAZEE ajoute un troisième
impératif qu'il appelle l'impératif idéologique
professionnelle et la motivation du postulant. La relation de
l'employé à l'employeur est hiérarchique, individuelle
certes mais moins personnalisée au début de l'embauche. La
rémunération et la gestion des carrières sont
négociées et tiennent compte des stipulations contractuelles, du
droit du travail et /ou des conventions collectives qui les régissent.
Les revendications et conflits sociaux s'inscrivent dans le cadre professionnel
et leur résolution obéit le plus souvent à des
règles formalisées consacrées dans le droit du travail et
les pratiques professionnelles formelles sans préjudice de
démarches informelles parallèles qui peuvent aussi y
contribuer.
ii. Les recrutements familiaux ou interethniques et les
embauches clientélistes ou relationnelles
Ces deux modes sont très fréquents et similaires
dans leurs caractéristiques86. Ils trouvent leur fondement
dans la nature même du marché économique et du travail avec
la forte présence du secteur informel qui a principalement recours
à ces formes d'embauche. Il consiste à engager dans des liens
professionnels des personnes issues de la famille au sens (large) africain du
terme, des amis ou des personnes recommandées par des
proches87. Très souvent cette relation professionnelle n'est
pas formalisée par la signature d'un contrat formel de travail.
L'engagement de l'employé peut ne pas correspondre à un besoin
particulier de l'entreprise ni tenir compte des qualifications de
l'employé. Il s'agit d'une forme de solidarité qui consiste
à offrir à l'employé un travail et les moyens de survie
par le biais du travail au sein de l'entreprise au-delà des actes
caritatifs ponctuels conformément aux traditions de solidarité et
au dicton qui veut qu'au lieu de donner du poisson à quelqu'un on lui
apprenne plutôt à pêcher : on supplée ainsi à
la charité par le travail. Ces modes de recrutement peuvent cependant se
conjuguer avec la compétence et l'expérience professionnelle de
la personne recrutée. Mais le fait d'appartenir au réseau
familial ou de connaissance constitue un atout majeur, ce qui peut s'analyser
à tort ou à raison comme une atteinte au principe de
l'égalité des chances.
86 La possibilité de s'insérer dans
l'entreprise en tant qu'apprentis ou employé est ouverte aux membres de
la famille de l'entrepreneur et à ceux qui partagent une
communauté de culture ethnique ou confessionnelle avec celui-ci
87 On inclut dans le cercle familial toutes les
personnes qui entretiennent des liens de parenté proche ou lointaine. On
parle très souvent de grande famille. Mais la famille ne se limite pas
seulement au lien de sang. Elle peut aussi résulter d'une relation
d'affectivité et d'amitié transcendant le lien de sang
Ces modes de recrutement ont pour effet la transposition dans
l'entreprise de relations personnalisées d'une toute autre nature
transcendant les simples liens de travail. Les relations personnelles influent
sur les relations professionnelles et vice versa. L'employeur est responsable
de l'employé et de sa famille et intervient dans des situation
personnelles (financement du mariage, participations aux soins ou aux
funérailles de l'employé ou de ses proches, etc.) On assiste au
développement d'une certaine forme de paternalisme qui trouve son
fondement dans l'obligation de solidarité et qui participe à la
cohésion sociale. On y retrouve des systèmes atypiques de gestion
des conflits sociaux hors du cadre juridique établi. On peut citer par
exemple le recours à la médiation privée non formelle
comme les conseils de famille, les conseils d'anciens ou de sages sans
préjudice des mécanismes formels (négociation collective
et dialogues avec les instances représentatives du personnel). Le
montant de la rémunération de l'employé est très
variable et son versement irrégulier. Le salaire peut comporter une part
non financière et son montant/variation ne tient pas forcément
compte d'éléments objectifs : elle se fait au gré de
l'employeur.
Si cette forme d'embauche a l'avantage de favoriser un climat
de travail a priori serein entre des personnes dont la destinée commune
dépasse le cadre de l'entreprise, elle peut aussi déboucher sur
l'exploitation de l'employé qui se refuserait à tout conflit
professionnel ou à toute revendication pour préserver les
relations extra professionnelles qui le lient à l'employeur. Les
employeurs qui ont recours à ce mode de recrutement manifestent une
certaine hostilité vis-à-vis des organisations de travailleurs et
des revendications corporatives88.
Ces modes de recrutement et de rémunération
peuvent ainsi être appréciées de diverses manières
suivant l'appréhension qu'on a de ces pratiques et suivant les
conséquences qu'elles engendrent. D'une part elles favorisent la
redistribution de ressources par le travail (alors même que la situation
de l'entreprise ne commande pas le recrutement de l'employé) et la
consolidation de relations professionnelles entre employeurs et employés
et d'autre part elles peuvent favoriser l'exploitation, voire une certaine
méprise du droit du travail. La solution réside-t-elle dans la
formalisation des relations professionnelles et la restructuration même
des entreprises du secteur informel pourvoyeur de ces emplois précaires
? Peut-être bien ! Mais cela s'accommodera-t-il avec les conditions
sociales de la production et de la circulation des marchandises, des
réalités sociales et sociologiques ? On ne peut manquer de se
demander si
88 P. LABAZEE « il est évident qu'un
patron ne peut voir d'un bon oeil la mise en place d'une section d'entreprise
», op. Cit.
l'application de techniques de rationalisation n'engendrerait
pas, dans certains cas des effets pervers et ne briserait pas la chaîne
de solidarité en individualisant et en dépersonnalisant les
relations de travail. Ce que certains peuvent considérer comme un manque
de rationalité dans la gestion des entreprises notamment dans le mode
empirique, n'en est peut-être rien. Il conviendrait de voir si, en raison
des différences de considération et de perception de
l'entreprise, le curseur de la rationalité et de responsabilité
ne se situe pas à niveau autre que dans la situation de gestion moderne
occidentale et de trouver les approches fondatrices d'une RSE conformes
à ces réalités sociales, économiques et
sociologiques à l'exemple des approches européennes qui ont
été développées.
II Approches occidentales de la RSE : définition
conceptuelle et débat autour de la RSE
La RSE peut être saisie comme l'application du concept
et des principes du développement durable à l'entreprise ou
encore la contribution des entreprises au développement durable par la
prise en compte des impacts négatifs de leurs activités sur la
société. Pour l'entreprise, le développement durable
suppose qu'elle se développe en s'appuyant sur trois piliers majeurs et
interdépendants : économique, social et environnemental.
Pour Jones (1980) la responsabilité sociétale
est « [l'idée] selon laquelle les entreprises, au- delà des
prescriptions légales ou contractuelles, ont une obligation envers les
acteurs sociétaux ». Il ressort que la responsabilité d'une
entreprise ne saurait se limiter aux exigences ou contraintes légales,
contractuelles classiques. La Commission de l'Union européenne abonde
dans ce sens en affirmant que : « Être socialement responsable
signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques
applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le
capital humain, l'environnement et les relations avec les parties prenantes
». La RSE explicite est apparue d'abord aux Etats-unis à la fin du
19ème siècle. La conception états-unienne de la
RSE a une forte dominance éthique et un ancrage religieux important.
L'entreprise, assimilée à son dirigeant, est capable de faire du
bien ou du mal, d'adopter des comportements éthiques, être
vertueuse. Les principes de charité et de bienveillance ou d'intendance
à l'égard d'autrui (charity and stewardship principles) ont
été le fondement de l'approche états-unienne de la RSE. La
philanthropie participe ainsi à réduire les
inégalités, à rétablir les injustices et à
réparer les torts survenus du fait de l'activité de l'entreprise.
La RSE s'est par la suite propagée en Europe et a connu d'autres
développements et d'autres justifications voire une remise en cause de
la philanthropie comme faisant partie de la RSE.
Le nouveau développement des fondements de la RSE en
Europe est en partie lié aux nombreux scandales économiques et
financiers, humains, sociaux et environnementaux survenus dans diverses parties
du monde et impliquant directement ou indirectement des entreprises, les
multinationales en particulier et à la forte pression de la
société civile. La problématique de la gestion des impacts
ou externalités négatives des entreprises s'est ainsi
retrouvée au centre des débats et le nouveau domaine
d'investissement de divers acteurs OSC, pouvoirs publics, des investisseurs
institutionnels et privés voire des entreprises elles-mêmes. Les
scandales associés à l'image des entreprises, la multiplication
des mouvements sociaux et du consumérisme ont contribué à
l'institutionnalisation de la RSE et à son inscription dans l'agenda
interne, national, régional et international de divers acteurs
économiques notamment des entreprises.
Dans le débat sur la RSE au sein de l'Union
européenne par exemple, les acteurs expriment des positions diverses qui
vont de la demande d'une réglementation contraignante dans certains
domaines de la RSE à une politique du laisser-aller laisser-faire ou le
volontarisme pur. Pour certains acteurs de la société civile
occidentale, il faut mettre en place un cadre institutionnel contraignant pour
garantir que les entreprises assument effectivement leur responsabilité
vis-à-vis de la société. Cependant pour la plupart des
acteurs du milieu des affaires, la responsabilité RSE ne saurait
éluder la responsabilité première de l'Etat. Les
théories néo-classiques et la théorie de l'agence en
particulier nous enseignent que le dirigeant d'entreprise, qui n'a reçu
de mandat que des actionnaires propriétaires de l'entreprise, ne peut ou
ne doit assumer de responsabilité qu'à leur égard. Si
l'entreprise devait être amenée à assumer une
responsabilité, celle-ci ne peut être que secondaire et
volontaire.
La RSE en tant que concept s'est par la suite étendue
à d'autres continents, notamment en Afrique, avec des
réalités, des problématiques et des enjeux somme toute
spécifiques. Les fondements justificatifs de la RSE en Afrique sont sans
doute aussi différents. Et de ce fait, l'appropriation du concept,
oblige les acteurs africains à l'adapter aux problématiques
spécifiques, aux enjeux locaux. Cette appropriation passe aussi par la
construction de théories justificatrices ou des fondements de « la
RSE à l'Africaine ».
Au vu de ce qui précède, la conceptualisation
d'une vision africaine de la RSE se trouverait confrontée au moins
à une double problématique/tension : les fondements ou les
justifications moralistes, éthiques et institutionnalistes d'une part et
d'autre part les approches volontaire et contraignante de la RSE. Peut-on
saisir une vision unique et uniforme de la RSE en Afrique? Cette vision
s'accommode-t-elle avec les grands courants précités ou se
rapproche-t-elle de
certains courants particuliers? Les réalités et les
initiatives indiquent-elles le chemin d'une autre alternative théorique
ou d'un nouveau fondement justificatif ?
III Les fondements d'une vision africaine de la
RSE
Les pratiques des entreprises sont fortement ancrées
dans l'environnement économique, social, juridique et politique,
culturel voire idéologique dans lequel elles se trouvent. Elles peuvent
soit influencer leur environnement, soit être influencées par lui.
La vérité est que le plus souvent, c'est une double influence qui
s'opère. L'environnement africain n'est pas celui des pays occidentaux
et vice versa. Les approches de la RSE et les fondements des pratiques peuvent
ainsi différer. La convention de l'Institut africain pour la
citoyenneté des entreprises (AICC) de 2004 s'est conclue à
Johannesburg par le constat qu'il y a une inadéquation entre les
visions, les fondements et les justifications africaines de la RSE d'une part
et celles occidentales d'autre part. Cette divergence de vues ou d'approches
tiendrait au fait que les réalités sociales, sociologiques et
économiques sont très différentes d'une région
à l'autre.
a) L'interculturalité du développement
durable et de la RSE
L'émergence de la RSE a été suivie de
débats à tous les niveaux quant à l'opportunité et
à la pertinence des démarches volontaires d'une part et d'autre
part celle d'une approche contraignante. Des démarches volontaires
n'auront d'échos et de succès auprès des entreprises que
dans la mesure où l'on pourra préalablement prouver que de telles
démarches seraient bénéfiques pour l'entreprise (business
case), ou à tout le moins, qu'elles ne lui nuiraient pas. S'il est
évident que la RSE peut entraîner des coûts
supplémentaires ou changer les pratiques de l'entreprise, la
corrélation positive entre RSE et performances économiques reste
à prouver En dehors de tout cadre contraignant, tout au moins incitatif,
il va s'en dire que peu d'entreprises s'engageraient dans des démarches
RSE. C'est une des raisons pour lesquelles certains acteurs postulent pour un
cadre contraignant au niveau international. Des normes ont été
élaborées ou sont en cours d'élaboration par des
organismes publics et privés. Le processus ISO 26000 qui aboutira
à des lignes directrices à destination de tout type
d'organisations s'inscrit dans cette dynamique. D'autres
référentiels et outils d'auto diagnostic et d'audit ont aussi vu
le jour. Ces normes ont été le plus souvent
élaborés dans les pays occidentaux au sein d'instances où
les acteurs africains sont absents. L'enjeu et le débat en Afrique ne
devraient donc pas se porter uniquement sur la nature contraignante ou
volontaire de la RSE. Ils devraient également se porter sur la question
la question de
l'adaptabilité et de l'applicabilité de ces
normes au contexte africain. Il se pose donc le dilemme de l'aspiration
à l'universalité théorique des normes et des principes qui
les inspirent face à la relativité et à la
spécificité des contextes et des réalités. Un
premier pas dans la réponse au dilemme passe à notre sens par la
prise en compte d'une dimension culturelle du développement durable et
donc de la RSE.
La question d'un quatrième pilier du
développement durable a été à maintes reprises
évoquée. Jean Philippe BARDE89 dans une
communication sur les enjeux économiques du développement durable
évoquait aussi l'impératif éthique comme quatrième
dimension du développement durable. Mais l'éthique peut-elle se
départir de la culture ? L'éthique et la morale qui posent des
questions de valeurs sont fondamentalement culturelles. C'est pourquoi Esoh
ELAME évoque plutôt « l'interculturalité» qu'il
élève comme quatrième pilier du développement
durable.
Le développement durable comprend en effet un aspect
culturel qu'on ne saurait ignorer. Esoh Elame reprochait en effet à
l'émergence du concept même de développement durable de ne
pas mettre assez l'accent sur la diversité culturelle et la
nécessité de prendre en compte l'interculturel à tous les
niveaux des politiques de développement arguant de la diversité
même des représentations des problématiques que pose le
développement durable. Pour lui, en effet, « l'absence des
dimension culturelle et interculturelle dans l'analyse des questions de
développement durable a une incidence dans la lecture des
problème de l'humanité » 90.
Il définit l'interculturalité comme le «
rapport aux autres cultures par une articulation langagière, de
savoir-faire, de croyances, de représentations et par une
expérimentation continue des pratiques de co-responsabilité, de
co-décision et de co-gestion ». Une telle approche aurait
l'avantage de favoriser les échanges des pratiques entre les
différentes communautés culturelles autour des
problématiques de développement contrairement à l'approche
multiculturelle qui, selon lui, ne favoriserait pas les
échanges91.
89 Jean-Philippe travaille à la Direction de
l'environnement de l'OCDE et intervient dans plusieurs universités,
écoles et instituts européens
90 Esoh (E).,2004 b - « Interculturaliser le
développement durable» Actes du colloque de la Francophonie Volume
1- Burkina Faso. Journées d'études organisées par l'Agence
internationale de la Francophonie
91 Selon lui l'approche interculturelle tient
compte de la diversité culturelle dans une approche à la fois
ethnoculturelle , écologique, sociale, économique et favorise les
échanges de bonnes pratiques entre les communautés
culturelles.
Solidarité sociale
Efficacité économique
Pilier sociétal
Pilier culturel
Pilier environneme ntal
Pilier économique
Responsabilité écologique
Responsabilité interculturelle
Les quatre piliers du développement durable
selon Esoh Elamé
Cette problématique de l'interculturalité se
pose à notre sens à divers niveaux. D'une part au niveau global
dans le débat international et l'agenda de la RSE et du
développement durable et d'autre part dans le chef même des
entreprises multinationales opérant en Afrique.
Au niveau international, l'intégration de la dimension
culturelle du développement durable doit permettre la prise en compte du
rôle essentiel de toutes les régions du monde, y compris
l'Afrique, dans le débat international et dans la conceptualisation de
la RSE ainsi que dans les initiatives de normalisation qui ont court ou
à venir. La meilleure manière pour que les normes transpirent
l'universalité n'est-elle pas d'associer divers acteurs et diverses
sensibilités à leur élaboration ? Cependant il
conviendrait de ne pas tomber dans la considération des particularismes
qui conduit le plus souvent à des normes au rabais.
Les filiales des multinationales présentes en Afrique
doivent respecter la politique ou la stratégie de groupe en
matière notamment de RSE. Les pratiques de l'entreprise s'inscrivent
dans une certaine culture d'entreprise que l'entreprise tête de groupe
entend bien appliquer aux filiales. La perspective de RSE commande par ailleurs
que l'entreprise tête de groupe ou la maison mère soit attentive
aux comportements de la supply chain. Mais cette culture d'entreprise ou la
démarche RSE peut être confrontée aux
représentations locales, aux spécificités culturelles.
Elle aura par conséquent besoin d'intégrer une dimension
fondamentale culturelle dans l'approche des enjeux et des problématiques
locales et de développer une interculturalité pour allier la
spécificité du milieu, du contexte à la culture et la
stratégie globale de groupe. Les meilleures stratégie RSE ne
sont-elles pas celles qui, dans
leur opérationnalisation, s'appuient sur la culture locale
et répondent effectivement aux problématiques locales en phase
avec le développement durable ?
Si nous partageons bien avec E. Elamé la
nécessité d'une dimension culturelle dans le développement
durable et la RSE, nous demeurons moins convaincu par l'idée que cette
dimension s'érige en un pilier du développement durable et plus
encore à l'idée d'une responsabilité interculturelle. La
dimension culturelle et l'interculturalité au même titre que
l'éthique doivent être appréhendées comme des
principes fondamentaux du développement durable et de manière
très transversale. Isoler l'aspect culturel ou interculturel comme
pilier reviendrait à nier la nécessité de prendre en
compte l'aspect culturel dans chacune des trois piliers : il y a du culturel
dans l'économique, dans le social ou le sociétal et dans
l'écologique. Notre conviction est donc que chacun de ces piliers
possède une dimension culturelle et que l'effort d'une démarche
interculturelle doit favoriser l'intégration des trois piliers dans une
perspective de développement durable.
b) L'épreuve des théories de la
dépendance à l'égard des ressources et de la
légitimité : les actions caritatives et la
tradition de solidarité
Comme nous l'avons déjà évoqué
plus haut, l'entreprise africaine n'a pas pour seul objectif de maximiser les
profits au bénéfice de ses propriétaires. Au-delà
de l'objectif de rentabilité, l'entreprise et l'entrepreneur assument
une certaine responsabilité vis-à-vis des proches, amis et
parents voire de la société.
Le lien social et relationnel précède
l'entreprise et l'entreprise est un moyen plutôt qu'une fin. Même
lorsqu'il relève d'une initiative individuelle, la création et la
prospérité d'une entreprise reposent sur un lien social fort
qu'il ne saurait ignorer au fil de sa croissance, de son développement
et de ses transformations. Pascal LABAZEE croyait si bien dire lorsqu'il
affirme qu' « il faut chercher l'origine de la réussite (d'une
entreprise) non dans la transmission d'un capital monétaire, mais dans
un stock de connaissances et de relations indispensables à la
réalisation d'affaires favorisant une accumulation de départ
». Il ressort donc que le capital relationnel est un palliatif à
l'épargne personnelle souvent insuffisante. L'objectif de
profitabilité ne devrait pas mettre à mal ce lien social,
relationnel qui est à l'origine même de l'affaire. Bien au
contraire l'entreprise ou l'entrepreneur doit allier efficacité
économique et contraintes sociales. Pascal LABAZEE renchérit que
« l'entreprise européenne n'est précisément pas
soumise aux conflits potentiels entre l'optimum d'efficacité
financière et les contraintes d'ordre social
92». Dans le cadre d'une démarche RSE en Afrique, la
considération de ce lien social, de ce capital relationnel élargi
à toute la communauté est fondamentale. Car ce lien constitue la
ressource essentielle que l'entreprise doit préserver. On voit ainsi se
dessiner la théorie de la dépendance à l'égard des
ressources et celle de la légitimité : le lien social est ici la
ressource et la préservation de cette ressource confère la
légitimité.
La tradition de solidarité, de charité, de
bienveillance vis-à-vis du bien et du bien-être d'autrui constitue
le fondement de la culture et les actions caritatives, qui sont à la
fois des prescriptions voire des préceptes religieux et culturels,
restent fondamentalement ancrées dans les moeurs individuels et
collectifs. Dans une société où l'altérité
est si présente et résiste tant bien que mal aux exigences d'une
mondialisation quelque peu oppressante, la RSE ne devrait apparaître
comme une contrainte supplémentaire mais plutôt comme une
opportunité de mettre les exigences de la mondialisation en phase avec
les réalités sociales, sociologiques, économiques et
culturelles. Georges Frynas souligne que beaucoup d'activités
philanthropiques dans les pays en développement peuvent être
guidées par les notions traditionnelles de la responsabilité du
milieu des affaires dans le cas de la défailllance de l'action
gouernementale93.
c) Enraciner la théorie des biens publics mondiaux
dans la culture de protection, de bienveillance et du bien commun
La théorie des biens publics mondiaux implique que
l'entreprise adapte son activité aux nécessités de
préservation des biens que le monde a en partage et dont dépend
la survie de tous. Cette théorie suggère ainsi l'idée de
protection des ressources communes. En Afrique cette idée de
préservation des ressources communes (au-delà du lien social) est
fortement ancrée dans les traditions et impose à tout membre de
la communauté, et partant, à toute organisation humaine la
protection de ces ressources dont la communauté dépend. Ces
ressources peuvent être multiformes. Dans le domaine environnemental par
exemple, la culture de sacralisation de certaines espèces
végétales ou animales peut être considérée
comme répondant de cette idée de protection des biens communs.
Esoh Elamé évoque ainsi la sacralité des forêts
négro-africaines qui appartiennent d'abord aux ancêtres et sont
le
92 LABAZEE P. Op. Cit. p. 138
93 George Frynas, Corporate Social
Responsibility in Emerging Economies, JCC 24 Winter 2006
« domicile de divinités »94. Au
Burkina Faso, la pratique des totems conduit à l'interdiction de
l'abattage de certaines espèces animales considérés comme
ayant des liens directs de vie et de survie avec l'Homme (caïmans, boa,
etc.). Serait-il par exemple concevable qu'une entreprise qui exploite et vend
des peaux de caïman s'établisse dans une zone où les
caïmans sont considérés comme sacrés ? Il y a donc
une approche culturelle de la protection et de la conservation de la nature et
de la biodiversité qui peut être
développée95. Cette protection permet à la fois
de se conserver (protection de soi), de maintenir le lien social et de
protéger les autres. On perçoit assez aisément la
permanence, l'omniprésence des considérations d'ordre moral,
éthique et religieux dans les différentes approches qui peuvent
être développées en lien avec les réalités et
la culture africaine. Une approche africaine de la RSE peut donc partager en
partie l'approche éthique et religieuse comme c'est le cas dans les pays
anglosaxons.
d) L'approche par la mondialisation : RSE
régulateur de la mondialisation « Si la mondialisation
est un fleuve, construisons des barrages pour produire de l'énergie
»96 Cette assertion attribuée par la Commission mondiale sur la
dimension sociale de la mondialisation à un participant polonais au
dialogue traduit bien l'enjeu que l'émergence de la RSE pose face
à la mondialisation : la transformation du phénomène de
mondialisation en une force positive de développement. Certains acteurs
du débat international posent très souvent la RSE comme le moyen
de régulation de la mondialisation. L'Afrique étant le continent
qui a le plus souffert de la mondialisation, il sied par conséquent de
se pencher sur cette approche régulatrice de la mondialisation.
La mondialisation et les programmes d'ajustements structurels
qui en ont résulté ont contribué à affaiblir la
capacité des Etats africains à satisfaire les besoins
fondamentaux des populations locales. Cet affaiblissement du rôle de
l'Etat n'a malheureusement pas été compensé par le milieu
des affaires qui a bénéficié de ce retrait/repli de
l'Etat. La RSE offre donc l'opportunité de réfléchir
à la manière même de poser et de définir les
problématiques de développement et la contribution des
entreprises à la satisfaction des besoins fondamentaux. Il s'agit tout
simplement d'appréhender la RSE comme la contribution des acteurs
privés au développement social, à l'amélioration de
la qualité de la vie et l'inscription d'une telle préoccupation
au centre de tous les processus de développement. Et, comme le
souligne
94 Esoh Elamé, Interculturaliser le
développement durable, op. cit.
95 Esoh Elamé à ce sujet évoque
bien à propos une dimension culturelle des déchets solides
urbains
96 Commission mondiale sur la dimension sociale de la
mondialisation, op. cit.
l'AICC, il faut permettre aux entreprises de jouer un
rôle dans le renversement des tendances d'affaiblissement de la
croissance économique en Afrique : « En conduisant cependant
des affaires de façon responsable, les compagnies peuvent certainement
améliorer leur propre compétitivité, la condition sociale
de leur pays et voire du continent. »
e) Une vision influencée par l'acteur
international et dictée par le contexte mondial :
l'institutionnalisation de la RSE
La particularité du débat et des initiatives en
matière de RSE en Afrique réside dans le rôle important de
l'acteur international dans l'institutionnalisation de la RSE en Afrique. Il
faut entendre par acteur international l'ensemble constitué par les
organisations internationales non africaines, les institutions
financières internationales ainsi que les autres organismes
internationaux comme l'ISO, l'organisation Internationale des Employeurs, les
confédérations de syndicats et les organisations non
gouvernementales internationales. Dans les différentes initiatives
décrites dans la seconde partie de notre étude, on remarque qu'il
y a très peu d'initiatives endogènes de RSE explicite. La
présence de l'acteur international est quasi permanente dans toutes les
initiatives et contribue « volens nolens », à la construction
d'une certaine vision et approche de la RSE.
Dans la déclaration de Bamako, les employeurs
francophones disent clairement partager la vision de la RSE
développée par l'Organisation International des Employeurs. Les
cadres d'Uni Africa ne manquent d'affirmer la nécessité pour les
syndicalistes de se saisir de la RSE conformément à la vision qui
leur a été transmise par la CFDT-Cadres lors de la rencontre de
Yaoundé. Le même son de cloche avait été entendu
lors de la conférence maghrébine des travailleurs qui se donne
une mission de vigilance face à l'éventualité d'une
exploitation utilitariste et à des interprétations restrictives
de la RSE par les entreprises. Du côté des organisations non
gouvernementales, le discours altermondialiste, l'exigence d'une
régulation contraignante et la dénonciation de l'approche
purement volontaire de la RSE sont aussi présents au sein des
organisations non gouvernementales africaines de différentes
obédiences. Mais la vraie influence vient aussi des partenaires
économiques et bailleurs de fonds du continent ainsi que des
multinationales. A cet effet, l'agenda africain de la RSE sera aussi celui qui
est suggéré par ces derniers. Plus la RSE sera mise en avant dans
les relations bilatérales et multilatérales des partenaires de
l'Afrique, plus il sera inéluctable qu'elle s'inscrive dans l'agenda
africain. Il ne faut donc pas s'étonner que certaines approches de la
RSE trouvent leurs échos en Afrique avec ou sans considération
des spécificités culturelles africaines.
C'est ainsi que l'on peut remarquer une tendance fondamentale,
dans les pays anglophones, à une mise en avant de l'aspect
éthique et des approches contractualistes notamment la théorie
des parties prenantes. Dans les pays francophones par contre, la tendance est
plus à une approche institutionnaliste de la conformité aux
exigences internationales et de la légitimité. Cette approche
institutionnaliste se justifie d'autant plus que, comme nous avons eu à
le relever à maintes reprises, l'enjeu africain est plus dans
l'efficacité et l'effectivité du cadre existant plutôt
même que la création de nouveaux cadres institutionnel,
réglementaire ou normatif. La preuve en est que la plupart des Etats
africains en matière de signature et de ratification des conventions
internationales font preuve d'un certain enthousiasme, mais échouent
dans la mise en application des obligations contractées. La question est
donc comment l'entreprise peut intégrer cette dimension de la
conformité à des exigences pour suppléer à la
défaillance de l'Etat.
Il ne faut cependant pas se leurrer. La répartition des
approches n'est pas aussi étanche ni fondamentalement liée au
rapport colonial, aux traditions juridiques et au rapport linguistique. Nous
constatons par ailleurs une tendance du milieu des affaires et dans une
certaine mesure du milieu académique à se focaliser sur le
caractère volontaire de la RSE. Le fait que ce soit des facultés
de gestion qui, à travers l'enseignement du management,
s'intéressent le plus à la RSE en Afrique y est certainement pour
beaucoup. La presse sénégalaise rapporte à l'occasion du
lancement de l' Observatoire des pratiques éthiques des affaires en
Afrique de l'ouest que pour Moustapha Mamba Guirassy, président
directeur général de l'Institut africain de management (IAM) et
un des initiateurs de l'Observatoire des pratiques éthiques des affaires
en Afrique de l'ouest, le souhait est que « le législateur se
saisisse le moins possible du sujet de l'éthique des affaires et laisse
aux organisations existantes le soin de définir les règles
adaptées à leur environnement économique et culturel en
s'appuyant sur l'obligation de transparence ».
B Les enjeux que la RSE pose pour
l'Afrique
Le tableau ci-dessous expose à lui seul les
différents enjeux que la RSE pose pour l'Afrique et que nous
développerons en 3 temps. D'une part, la RSE pose la question du
développement harmonieux et durable de l'Afrique par une participation
responsable du secteur privé. D'autre part
elle commande que l'Afrique puisse tirer le meilleur parti des échanges
internationaux par le respect de certaines exigences nationales et
internationales implicites et explicites afin d'accéder aux
marchés extérieurs et de nouer des partenariat
économiques
durables. Enfin, vue comme régulateur de la
mondialisation, la RSE implique de relever les défis de la
mondialisation en lui donnant un visage plus humain.
L'industrie de la fleur coupée du Kenya : une
étude de cas en matière de RSE
[...] Le secteur à croissance la plus rapide de
l'économie du Kenya, qui se classe au troisième rang en
matière de recettes en devises étrangères, est
l'horticulture [...]. Les visites ont amplement démontré les
résultats favorables sur le plan social et environnemental,
éminemment rentables de surcroît, des pressions exercées
sur l'industrie en matière de RSE. [...] À la suite des
revendications des travailleurs et des pressions exercées par les
acheteurs européens, les producteurs indépendants ont
créé le Kenya Flower Council en 1997. Homegrown est membre
fondateur de ce Conseil et s'est engagée non seulement à adopter
le code de pratique du Conseil mais aussi, lorsque sa société
mère est devenue membre de l'Ethical Trading Initiative (ETI) [...]
à adhérer aux neuf clauses du code de base de l'ETI. [...]. Les
pratiques des entreprises de culture de fleurs ont également fait
l'objet d'inspections du comité parlementaire permanent de
l'agriculture, des terres et des ressources naturelles du Kenya. Bien qu'elle
ne soit pas membre du Kenya Flower Council, Sher Agencies Limited fait preuve
d'un engagement vigoureux en matière de RSE. L'entreprise offre à
ses 5 000 travailleurs un logement gratuit avec eau et
électricité, une garderie, une école primaire
équipée d'ordinateurs et un hôpital de 55 lits, que
plusieurs des parlementaires ont visité. Pourquoi le plus gros
producteur de roses du monde investirait-il des sommes aussi
considérables dans le bien-être de ses travailleurs? Notamment
parce que Sher est également obligée de respecter les strictes
normes européennes. En outre, selon le propriétaire de
l'exploitation, moins les travailleurs ont de soucis, plus ils sont productifs
et plus la productivité est élevée, plus ses profits
augmentent. En bref, ce que les principaux représentants de l'industrie
de la fleur coupée du Kenya ont appris, d'abord sous l'influence de
pressions puis peut-être à leur étonnement, c'est qu'ils
prospèrent en se souciant du bien de leurs travailleurs.
Source : Rapport du deuxième dialogue
interparlementaire annuel Afrique-Canada sur les politiques
I- S'engager dans un processus de développement
harmonieux et durable
Le développement est un processus multidimensionnelle,
une conquête permanente. Il ne se résume pas uniquement à
son aspect économique mais implique aussi un volet social et culturel
(épanouissement) et la protection du patrimoine écologique. Mais
certains processus
de développement économique se sont
réalisés au détriment des deux aspects social et
écologique. Cette initiation à l'école du
développement qui a été souvent un apprentissage
douloureux et les expériences capitalisées par les pays
développés devraient permettre à l'Afrique de se
développer sans passer par toutes les étapes que le monde
occidental a suivies et qui à tort ou à raison est à
l'origine des grandes problématiques environnementales de notre
ère. Le développement économique africain a donc cette
possibilité de tirer leçon du processus de développement
occidental et d'adopter les innovations intervenues ou introduites par les
autres, de faire par exemple usage des modes de productions et de consommation
propres. Mais cela suppose une prédisposition des autres partie du monde
à transférer ces connaissances et ces technologies.
L'Afrique est par exemple actuellement le continent qui pollue
le moins. Mais cela est dû au faible développement industriel.
L'amélioration de l'efficacité des processus de production et
l'utilisation de technologies nouvelles et innovantes devraient lui permettre
de polluer beaucoup moins encore. Mais il ne fait aucun doute que
l'industrialisation de l'Afrique que le NEPAD appelle de tous ses voeux ne
manquera pas de poser des problématiques nouvelles dont l'anticipation
serait plus bénéfique aux plans économique, social voire
écologique. La RSE devrait favoriser ainsi l'implication d'une large
diversité de parties prenantes et favoriser l'adoption et la mise en
oeuvre de politiques et de démarches qui favoriseraient un
développement à la fois harmonieux et durable
II- Tirer le meilleur parti des échanges
internationaux
L'Afrique est investie à la fois par des entreprises
nationales, qui sont à la recherche d'une insertion dans le
marché international, et de filiales d'entreprises multinationales
soucieuses de la préservation de l'image de groupe. La RSE s'inscrit de
plus en plus dans une dynamique de normalisation. La normalisation, dans
certains domaines ou certains secteurs (agricole et produits alimentaires)
avaient contribué et contribue encore à fermer la porte des
marchés européens aux entreprises africaines. Par ailleurs le
risque d'être impliqué dans des situations compromettantes et les
contextes socio-politiques et économiques ont suscité les
réticences de certaines entreprises à investir en Afrique.
L'émergence de la RSE pose ainsi un enjeu double. En
favorisant/contribuant à l'assainissement du milieu des affaires
africains, la RSE loin de dissuader les investisseurs, pose un environnement
favorable à l'IDE. Les exigences rencontrées sur le marché
africains sont loin d'être supérieures à celles
constatées sur les marchés des pays développés. Ce
ne serait que tout bénéfice/au profit des entreprises
étrangères que de retrouver en Afrique un
environnement normatif et juridique comparable à celui de leurs pays
d'origine. Par l'adoption de démarches RSE, les entreprises nationales
se donnent les moyens de prendre part au marché international qui se
complexifie davantage avec l'émergence de la RSE. En effet, le
véritable défi actuel est moins de faire face à des
réglementations et normes érigées par des Etats pour
protéger des entreprises ou des secteurs au niveau national, que
répondre à des exigences et normes posées individuellement
ou collectivement par des entreprises occidentales désormais très
peu enclines à traiter avec des partenaires qui constitueraient un
risque potentiel pour leur image. Tout l'enjeu pour les Etats et pour les
entreprises africaines est donc de tirer le meilleur parti des échanges
internationaux en créant le cadre à la
manifestation/l'institutionnalisation de la RSE et en s'inscrivant dans une
démarche de responsabilisation. La pression ici est à la fois
externe et sournoise.
III- Relever les défis de la mondialisation
Comme nous l'avons déjà vu plus haut, la RSE
peut être approchée comme un outil de régulation de la
mondialisation. Le premier défi qui se pose à tous les Etats
c'est de donner à cette mondialisation un visage humain/de l'humaniser.
La RSE apparaît ainsi comme la réponse à ce défi. Le
développement de la RSE impliquerait la vulgarisation et la
généralisation de bonnes pratiques. En Europe divers organismes
se sont invités sur le marché de la compilation des « bonnes
pratiques » dites encore « pratiques socialement responsables ».
Au moment où s'enchaînent les critiques de la mondialisation en
tant que processus implacable d'homogénéisation, on peut aussi se
poser des questions sur l'opportunité du développement et de la
transposition de ces pratiques dans des univers souvent très
différents sans considérations des réalités
locales, de la spécificité des entreprises et des cultures
locales. Sans remettre en cause la nécessité de diffuser les
bonnes pratiques, il nous paraît essentiel que de faire figurer au nombre
des défis de la mondialisation la nécessité d'adaptation
de ces pratiques et des normes de façon générale : c'est
postuler pour le droit à la différence dans un processus
d'homogénéisation.
Relever les défis de la mondialisation, c'est aussi
poser le cadre qui permette aux entreprises et à d'autres acteurs ou
parties prenantes de l'entreprise de s'engager dans une démarche de
responsabilité sociétale. Cela aurait pour effet d'éviter
que le marché africain ne soit considéré comme
potentiellement dangereux ou risqué parce que pouvant entacher l'image
de l'entreprise qui y investirait. C'est tout simplement ouvrir la voie
à la conclusion de relations économiques durables entre
entreprises africaines et occidentales ?
IV- Instaurer le dialogue et une contribution de tous les
acteurs au
développement durable
Un des enjeux de la RSE est de favoriser la contribution du
secteur privé au développement durable, autrement dit, c'est
d'introduire l'acteur privé dans un domaine qui a longtemps
relevé de la sphère publique. L'entrepreneur africain, notamment
dans le secteur informel, est parfaitement intégré dans son
milieu et contribue de fait au bien-être de sa communauté.
Cependant, il ne conçoit pas son rôle ni son action en termes de
contribution à la réalisation d'un objectif global, ni en termes
de participation à la mise en oeuvre d'une quelconque politique de type
public ou privé. Les entreprises du secteur ne se sentent pas non plus
responsables d'une quelconque manière du succès de la mise en
oeuvre d'objectifs publics globaux. Mais la participation à la mise en
oeuvre des objectifs publics s'est amorcé à travers les CSLP et
la RSE devrait contribuer à nourrir le dialogue et la convergence des
efforts des pouvoirs publics et des entreprises dans ce sens. La
société civile a longtemps gardé des rapports assez
distants avec le milieu des affaires et n'a eu d'interaction qu'avec les
pouvoirs publics. Cela ne découle pas forcément d'une quelconque
suspicion ou méfiance, mais est plutôt dû au fait que les
deux types d'acteurs ont des domaines d'intervention qui officiellement se
recoupent peu. La société civile, qui a été
jusqu'à un certain moment peu avertie sur les questions
microéconomiques, était peu encline à discuter des
problématiques économiques à l'échelon de
l'entreprise. Tout l'enjeu donc de la RSE est d'amener, de convier ces
différents acteurs à discuter des meilleures voies,
stratégies et politiques à mettre en oeuvre pour répondre
aux problématiques locales, nationales et globales de
développement.
C- Les facteurs du développement de la RSE en
Afrique : forces, faiblesses, opportunités et contraintes
Le débat et les initiatives en matière de RSE
sont en train de s'enraciner progressivement dans le paysage africain. On peut
puiser dans les traditions africaines les fondements justificatifs d'une RSE
implicite. Mais il y a lieu de se pencher sur les facteurs favorables et
défavorables à l'institutionnalisation de la RSE en tant que
concept explicite. A cet effet, nous avons recueilli les avis des participants
africains et français sur ce qui peut constituer une force, une
faiblesse, une opportunité ou une contrainte à au
développement/ l'enracinement de la RSE en Afrique. Cette partie
reflète une opinion fondamentalement personnelle éclairée
par les avis des différents participants à la consultation.
I Forces
a) Le cadre institutionnel et juridique
Malgré l'imperfection inhérente à tout
système juridique, on peut noter que les pays africains disposent d'un
cadre juridique propice à l'émergence et à
l'institutionnalisation de la RSE. L'enjeu réside maintenant dans
l'effectivité de sa mise en oeuvre et dans l'amélioration
progressive du cadre pour répondre aux problématiques et enjeux
nouveaux. Des mécanismes comme le mécanisme africain
d'évaluation par les pairs (MAEP) offrent un terreau favorable à
la RSE et à des processus de dialogue multi-acteur97. La
création par ailleurs de structures interfaces entre le secteur
privé, les organisations de la société civile et l'Etat
contribue à faire du cadre institutionnel force pour
l'institutionnalisation de la RSE. Le Projet de renforcement de l'interface
Etat - secteur privé - société civile (PARECAP) au Burkina
Faso constitue à ce titre un exemple intéressant et une structure
d'appui à l'émergence et à l'institutionnalisation de la
RSE.
b) Une culture favorable de la cohésion sociale
et de solidarité
Le lien social, l'appartenance communautaire et la
solidarité sont les fondements d'une cohésion sociale et sont
profondément ancrés dans la culture et les traditions africaines.
Ils constituent à la fois des valeurs et les éléments
moteurs de l'émergence et de l'enracinement de la RSE. Il faut y
rechercher des éléments de RSE implicite pour guider la mise en
oeuvre des stratégie de RSE explicite .
c) La proximité avec les communautés
locales
Elle constitue une composante du lien social et de la
solidarité. L'entreprise, l'entrepreneur et la société ne
sont pas des mondes différents qui s'ignorent. Bien au contraire !
L'entrepreneur est parfaitement intégré dans son milieu social
qui donne du sens à son activité. Il se crée alors une
proximité voire une intégration/un ancrage de l'entreprise, de
ses valeurs dans ceux de la communauté. Cette proximité de
l'entrepreneur avec sa communauté lui permet de connaître les
vraies problématiques auxquelles la société est
confrontée et éventuellement de s'impliquer dans la
résolution.
97 Le MAEP est un mécanisme mis en place par le
NEPAD. Il implique des processus nationaux d'autoévaluation de la
gouvernance aux plans politique, économique et financière entre
autres des entreprises.
d) Les engagements internationaux des pays
africains
Si elles peuvent être
vécues/appréhendées comme une contrainte pour certaines
entreprises ou certains acteurs, les engagements internationaux peuvent
constituer à notre avis une force en créant un cadre favorable,
équitable et fertile aux pratiques RSE. Ces engagements sont le
fondement de l'action des organisations de la société civile. Ils
leur donnent les outils de référence et les moyens de mettre les
entreprises face à des obligations objectives dont elles ne peuvent se
soustraire même si elles ne sont ni les signataires, ni les destinataires
primaires de tels engagements. Ces engagements mettent les entreprises sur un
même pied d'égalité aussi bien au plan interne
qu'international, chacune étant soumise à la même
obligation de respecter l'esprit et la lettre des conventions ratifiées
ou non par leurs Etats.
II Faiblesses
a) La limitation de la capacité des
Etats
Elle est la résultante des opérations
d'ajustements structurelles qui ont dépouillé les Etats de leurs
capacités d'interventions économique et sociale. Un repli de
l'Etat qui n'a toutefois pas été compensé par le
renforcement consécutif du secteur privé. Il ne faut pas
forcément un Etat gendarme pour favoriser l'ancrage de la RSE, mais il
faut que l'Etat puisse, s'il le souhaite, disposer des moyens et outils
nécessaires pour inciter les entreprises ou contrôler
l'effectivités des démarches engagées.
b) La nature du marché
Dans les pays occidentaux, la question de l'engagement des
PME dans des démarches RSE au même titre que les grandes
entreprises se pose. En Afrique c'est plutôt la question de l'insertion
des micro-entreprises, des très petites entreprises du secteur informel
et de leur capacité à s'inscrire dans des démarches RSE
qui doit être posée. La formulation d'exigences normatives ne
conduirait-elle pas à mettre ces structures en dehors du champs de la
RSE ?
c) Faiblesse du secteur privé et insuffisance des
capitaux et des IDE La faiblesse du secteur privé et
notamment des investissements directs étrangers constitue
un obstacle. Il apparaît que les pays où les entreprises
étrangères sont très présentes et où
le secteur privé est très structuré sont des terreaux
favorables à l'éclosion d'initiatives RSE parce que les
entreprises mères ou têtes de groupes disposent de
stratégie ou politique RSE à la mise en oeuvre de laquelle
participent leurs filiales. Les difficultés d'accès aux
crédits pour les
entreprises et le manque de moyens financiers pose le
problème de leur capacité à investir le peu de ressources
dont ils disposent dans le développement social.
d) La capacité des parties prenantes de
l'entreprise
L'engagement des entreprises a souvent été le
résultat d'une forte pression de la part de ses parties prenantes. Les
stratégies RSE s'inscrivent ainsi dans une perspective de réponse
ou d'anticipation de telle pression, voire de manipulation. En Afrique, on
constate cependant une faiblesse relative des parties prenantes qui sont
susceptibles d'influencer les pratiques de l'entreprise. Dans l'absence de
pression interne et externe, on peut être porté à croire
que rien ne peut contraindre une entreprise à s'engager dans une
démarche RSE.
e) La faible insertion dans l'économie
internationale
Le bénéfice d'une insertion dans les
échanges internationaux aurait aussi pour contrepartie, une plus grande
vigilance sur les pratiques des entreprises. L'exemple de la Chine est
très manifeste. Si les pratiques des entreprises chinoises ou
étrangères opérant en Chine sont sous les projecteurs de
nos jours, c'est bien parce que la Chine occupe aujourd'hui une place
importante dans le commerce international. La marginalisation de l'Afrique et
son incapacité à accéder aux marchés occidentaux
sont de ce fait un handicap au développement de la RSE.
f) Fragilité et instabilité du contexte
politique et économique
Le contexte des pays africains décrit
précédemment montre une large dépendance vis-à-vis
des produits primaires et une vulnérabilité du système
économique aux aléas climatiques. Le contexte politique souvent
instable est loin d'être propice à l'éclosion durable de
démarche de RSE explicite et à un dialogue entre les entreprises
avec leurs différentes parties prenantes notamment avec les pouvoirs
publics.
g) Caractère rudimentaire des opérations
de production
La nature des processus de production et de commercialisation
des biens et services, la faiblesse de la maîtrise technologique laisse
croire que le développement de la RSE, qui suppose l'abandon des
pratiques de productions non durables et l'engagement sur la voie de
l'innovation, peut relever plutôt de l'illusion si rien n'est fait pour
favoriser le développement des technologies et de modes de production et
de consommation propres dans des pays africains qui en ont certainement
besoin.
III Opportunités
a) L'agenda international de la RSE
L'inscription de la RSE dans l'agenda des négociations
internationales (normalisation) constitue une opportunité à
saisir par les différents acteurs africains pour faire partager leur
approche de la RSE et établir éventuellement un agenda propre,
national ou régional.
b) Accès aux marchés
internationaux
L'espoir d'un accès aux marchés internationaux
que suscite la RSE peut être un facteur incitatif à l'engagement
dans des démarches RSE pour les entreprises locales. Pour l'Etat, il
peut en résulter une opportunité de présenter son
marché comme sain et favorable pour les affaires et partant, de
favoriser les échanges avec des entreprises très soucieuses des
pratiques RSE de leurs partenaires africains.
IV Les contraintes
a) La mondialisation et la concurrence
internationale
La mondialisation et le développement de la
concurrence internationale constituent des contraintes majeures pour les
entreprises et les Etats. Soucieux de ne pas pénaliser leurs entreprises
par des contraintes réglementaires et normatives, les Etats pourraient
être enclins à abaisser le niveau des exigences sociales et
environnementales. Les entreprises quant à elles, soucieuses de
préserver une certaine compétitivité pourraient être
peu disposées à être proactivité en matière
de RSE. La RSE peut ainsi être perçue comme une contrainte
supplémentaire dont l'entreprise se passerait bien.
b) Le développement de barrières non
tarifaires au commerce
Diverses barrières non tarifaires (normes sanitaires
par exemple) empêchent l'insertion des Etats et des entreprises
africaines dans les échanges. Il n'est pas exclu que ceux-ci voient dans
la RSE une nouvelle forme de barrière non tarifaire. Ainsi, les
entreprises qui s'investissent déjà pour répondre aux
contraintes et normes posées par les marchés extérieurs
pourraient- elles manquer d'énergie et de moyens supplémentaires
à consacrer à la RSE.
c) Difficultés d'accès ou de transfert de
technologies
Le boom des technologies propres et les droits qui les
accompagnent n'autorisent pas des transferts peu onéreux dans les
entreprises des pays en développement qui ne peuvent se payer le luxe de
les acquérir.
CONCLUSION
La RSE, en tant que concept explicite est à la
recherche de ses marques et est en train de conquérir ses lettres de
noblesse sur la scène internationale. Le débat s'est
institutionnalisé. Divers acteurs y contribuent ; diverses
régions du monde aussi. Mais l'Afrique est à la recherche de sa
place dans ce débat, dans les initiatives et dans l'agenda
international. Cependant, malgré la faible connaissance du concept dans
beaucoup de pays africains, on note une attention portée par certaines
parties prenantes aux effets des activités des entreprises et des
interrogations sur la mondialisation économique qui a accru leur
influence, développé les interdépendances et les craintes.
Par ailleurs, il y a un intérêt accru pour la participation de
l'entreprise au développement national et local. Des concertations entre
les pouvoirs publics, le secteur privé et la société
civile s'organisent autour des questions de développement, dans le cadre
notamment des stratégies nationales de la lutte contre la
pauvreté en faveur de la réalisation des objectifs du
millénaire pour le développement. On peut ainsi y trouver les
prémisses d'engagement dans des démarches RSE même dans
certains pays où le concept ne fait pas beaucoup débat. Dans
d'autres pays africains où le débat émerge ou
s'institutionnalise, des initiatives sont développées avec une
influence notoire de l'acteur international (organisation internationale
intergouvernementale ou non gouvernementale, entreprises multinationales, pays
occidentaux bailleurs de fonds, etc.). Cette présence de l'acteur
international contribue à diffuser une certaine vision et approche de la
RSE et probablement à façonner l'approche africaine de la RSE.
Cependant, la RSE en Afrique devrait répondre aux problématiques
et enjeux spécifiques du continent en tenant compte du contexte
économique et des réalités sociales et sociologiques.
Ces spécificités commandent que les cadres
théoriques et approches conceptuels développés en appui au
débat et aux initiatives en matière de RSE trouvent des
fondements, des justifications dans les valeurs et les traditions africaines.
Divers facteurs aussi bien internes qu'externes à l'Afrique, à
l'entreprise africaine et aux parties prenantes peuvent aider ou non au
développement de la RSE et il y a un intérêt certain
à donner droit de citer aux approches et visions africaines de la RSE.
Mais qu'en est-il des leviers potentiels qui peuvent contribuer à
l'institutionnalisation de la RSE en Afrique ? Le véritable enjeu ne
sera-t-il pas d'articuler les stratégies RSE des entreprises qui
souhaitent assumer leur part de responsabilité dans le
développement des communautés africaines avec les
stratégies nationales de développement durable ou les politiques
publiques en général dans les Etats africains ?
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Le Moci: http://www.lemoci.com/
L'Evénement : http://www.evenement-bf.net/
Le Pays:
www.lepays.bf
Le Potentiel :
http://www.lepotentiel.com
Le Soleil :
http://www.lesoleil.sn
Le Maghreb (quotidien de l'économie):
http://www.lemaghrebdz.com
Synthèse de l'étude sur l'état des lieux
de la RSE en Afrique
L'émergence de la responsabilité sociétale
des entreprises en Afrique : état des lieux, enjeux et perspectives.
La responsabilité sociétale des entreprises est
un sujet de débats, d'initiatives et de négociations tant au
niveau national, régional qu'international. Ce débat est
réel et souvent très houleux dans les pays occidentaux
développés. Les problématiques ou les scandales qui
alimentent ce débat concernent aussi et surtout les opérations et
l'impact des multinationales étrangères dans les pays en
développement dits encore moins avancés, en particulier en
Afrique. Cependant, on ignore ce qu'il en est de la connaissance de la
responsabilité sociétale des entreprises (RSE) par les acteurs
africains eux-mêmes ainsi que les véritables problématiques
africaines et les enjeux de RSE, leur vision et leur appropriation du concept
et partant, la pertinence des développements théoriques et des
fondements justificatifs de la RSE pour le contexte africain.
Le contexte spécifique de l'Afrique rend nécessaire
l'engagement proactif des acteurs privés dans des démarches de
responsabilité sociétale
Cette nécessité résulte à la fois
:
- des effets et des exigences de la mondialisation : la
mondialisation a eu pour effet la marginalisation des pays pauvres, et du
continent africain en particulier, comme l'affirme la Commission mondiale sur
la dimension sociale de la mondialisation. Les pays africains qui ont une
économie basée sur un secteur informel très
développé, une tradition de production à petite
échelle et une économie fondée sur l'exportation de
matières premières sont en marge des échanges
internationaux et ont des difficultés d'accès des produits
transformées sur place aux marchés occidentaux ;
- de l'érosion des capacités des Etats à
répondre aux grands enjeux du développement : le
désengagement de l'Etat consécutive à la double
libéralisation n'a pas été compensé par le secteur
privé et les secteurs non productifs ont été
délaissés. Les entreprises sont devenues des acteurs dont
l'influence et la puissance économique tend à supplanter celles
des Etats ;
- de la multiplication des acteurs privés : la
gouvernance mondiale n'est plus une affaire seulement d'Etats. Les entreprises,
les ONG, les syndicats et d'autres acteurs sont apparus et marquent un
intérêt pour les questions économiques, sociales et
environnementales liées aux entreprises.
Des problématiques saillantes non exhaustives qui
interpellent
La RSE pose comme enjeux l'engagement des pays africains dans
un développement durable par l'implication de tous les acteurs, la
limitation des effets négatifs de la mondialisation et le
bénéfice de la participation aux échanges internationaux.
Cela passe par la prise en considération des grandes
problématiques spécifiques de RSE qui se posent. On peut citer
entre autres :
- l'extrême pauvreté et l'accès aux biens
essentiels : l'amélioration des indicateurs macroéconomiques n'a
pas eu d'effet sensible sur le niveau de développement humain tel que
décrit par les indices du PNUD. Le taux de pauvreté reste
supérieur à 38%, la sécheresse et la famine ainsi que les
problèmes sanitaires sont encore présents. L'accès aux
biens essentiels et de qualité reste un enjeu majeur ;
- les questions de santé : la pandémie du SIDA
constitue une préoccupation essentielle et affecte les entreprises en
touchant très sensiblement à la force du travail en particulier
dans certains pays où le taux de séro-prévalence est assez
élevé. D'autres maladies comme le paludisme et les maladies
pauvres ou orphelines constituent des problématiques sanitaires
spécifiquement africaines pour lesquels un véritable engagement
des grands groupes pharmaceutiques est nécessaire;
- la corruption et les problématiques de gouvernance :
les entreprises sont à la fois victimes et actrices de la corruption.
Les pays africains demeurent encore parmi les moins bien classés sur
l'indice de perception de la corruption. Au même moment l'indice de
corruption des pays exportateurs indiquent l'implication des entreprises des
pays développés dans la corruption mettant ainsi à mal
l'effort de lutte consenti dans certains pays comme le dénonce le
rapport 2006 de Transparency International ;
- les abus et complicité de violations de droits
humains : beaucoup d'ONG comme Amnesty International, Global Witness, n'ont pas
manqué de dénoncer, dans des rapports et dans différentes
actions de pression, les implications ou la complicité des entreprises
dans des violations de droits humains dans les zones de conflit,
pétrolifères ou à forte concentration minière en
Afrique ;
- les questions d'égalité d'accès
à l'emploi et de traitement : les modes de recrutement ainsi que les
questions de genre, d'égalité salariale demeurent un réel
enjeu ;
- déforestation, gestion des déchets et perte de
la biodiversité : malgré la richesse de la biodiversité
africaine, le PNUE tire la sonnette d'alarme sur les risquent que les pratiques
d'exploitation font courir à l'environnement africain. Malgré la
reconnaissance du principe de précaution, certains Etats se sous le
lobby de multinationales, se sont engagés dans la culture ou la
recherche sur les organismes génétiquement modifiés ; ce
qui ne manquera pas par ailleurs de poser la question de la souveraineté
alimentaire ou de brévetabilité du vivant.
Aller au-delà des réponses formulées
à travers des politiques publiques
Les Etats africains ont formulé des réponses aux
enjeux globaux de développement à travers des législations
économiques sociales et environnementales plus ou moins
respectées et par diverses politiques nationales et régionales.
L'interventionnisme étatique sous l'état providence ainsi que la
mission de service public dévolue aux entreprises publiques faisaient de
la responsabilité sociétale de l'entreprise un prolongement
normal de la responsabilité étatique.
Mais les programmes d'ajustement structurel et l'ouverture de
certains secteurs, autrefois monopoles publics, à la concurrence
privée interne et internationale ont renforcé la place du secteur
privé dans le domaine économique sans que celui-ci ne manifeste
pour autant de l'engouement pour les volets sociaux et environnementaux. Ainsi
le développement de la place de l'entreprise privée dans la
société africaine appelle-t-il la prise en compte d'une forme de
responsabilité qui serait non étatique. Les Etats s'inscrivent
ainsi de plus en plus dans des démarches associant divers acteurs
privés au processus d'adoption et de mise en oeuvre des cadres ou
documents stratégiques nationaux de lutte contre la pauvreté et
les stratégies nationales de développement durable. Au niveau
régional, le NEPAD donne toute sa place au secteur privé dans le
développement du continent. A travers son mécanisme
d'évaluation par les pairs (MAEP), il entend mettre en avant les
questions ayant trait à la responsabilité sociétale du
secteur privé comme la bonne gouvernance.
B- Connaissances et perceptions de la RSE
Notre étude nous a conduit à interroger divers
acteurs répartis comme suit :
Pourcentage
16%
16%
12%
16%
8%
16%
16%
Gouvernement
Entreprise
ONG et Syndicat
Organisme de soutien Université et recherche Presse
Organisme des Nations Unies
Il en ressort que la RSE en tant que concept explicite est peu
connue et le débat est encore naissant voire embryonnaire en Afrique. Il
est encore interne à certaines organisations et s'externalise de plus en
plus grâce à l'implication de différents acteurs. Mais
quelques pays pionniers comme l'Afrique du sud et des pays anglophones
connaissent un niveau très élevé d'intégration de
la RSE dans le débat national, dans les cursus d'enseignement du
management sous l'angle de l'éthique
des affaires. Plusieurs initiatives s'y développent autour
de la RSE sous l'impulsion de certaines structures comme l'African Institute
for Corporate Citizenship (AICC). Partout ailleurs en Afrique, des initiatives
sont en train de prendre forme, marquées par un rôle central des
acteurs internationaux (entreprises multinationales, syndicats, ONG
internationales, organismes patronaux internationaux) qui contribuent de fait
à façonner l'approche et la vision africaine de la RSE.
Beaucoup de pays, par le biais des instituts nationaux de
normalisation, participent aussi au processus ISO 26000 et ont
créé des comités miroirs ou bénéficié
de formations initiées par l'ISO ou d'autres organismes comme la
Francophonie à travers le Réseau sur la responsabilité
sociétale en vue du développement durable (RSDD) ou l'AICC en
Afrique australe et dans les pays anglophones. L'initiative EITI à
laquelle certains pays africains ont souscrit et sa réplique ONG «
Publiez ce que vous payez » ont été des initiatives moteurs
qui ont contribué à lancer le débat de façon
explicite sur la RSE.
Le milieu africain des affaires ainsi que les organisations
patronales sont intéressés de trouver les voies et moyens pour
prendre part aux échanges internationaux et voient dans la RSE un enjeu
à intégrer pour éviter qu'elle ne s'érige en
barrière non tarifaire aux échanges. L'obligation de
conformité des filiales des multinationales aux politique et
stratégie de groupe amène ces dernières à
développer des initiatives sous l'impulsion de l'entreprise mère.
L'engagement dans la lutte contre le SIDA avec Sida-Entreprise demeure une des
initiatives connues des entreprises qui fait l'objet de communication et
d'action d'envergure.
La participation de la société civile africaine
aux mouvements sociaux mondiaux et le développement au niveau local et
régional de forums sociaux ont favorisé l'émergence du
débat et la construction d'une certaine expertise dans l'analyse des
problématiques économiques en général et la RSE en
particulier.
La presse africaine s'illustre aussi dans la
dénonciation des pratiques irresponsables des entreprises à
l'échelle nationale et internationale. En faisant écho des
scandales (ENRON, Parmalat, Mattel et les jouets chinois, etc.) et des
exactions impliquant les entreprises au niveau international, elle contribue
à aiguiser l'attention de l'opinion publique africaine sur
l'éthique des affaires, les impacts sociaux et environnementaux des
activités des entreprises.
Les organismes des Nations Unies, le PNUD et l'OIT en
particulier, sont sans conteste les moteurs de l'institutionnalisation
progressive de la RSE en Afrique grâce au développement des
réseaux du Pacte mondial en Afrique et de projets y relatifs au Maroc et
en Tunisie,
etc. et la création d'affaires
durables à travers l'initiative GSB (Growing Sustainable Business).
Des visions occidentales inadaptées?
Il convient de relever l'existence d'une grande
différence de contexte, de problématiques et d'enjeux, de
réalités entre les pays développés et ceux en
développement en général, d'Afrique en particulier. Un
constat, bien établi par certains auteurs comme Pascal LABAZEE, Stephen
ELLIS et Yves A. FAURE, décrit
par ailleurs des différences d'approche du
phénomène entrepreneurial, ainsi que dans la nature, la structure
et les caractéristiques des entreprises et du milieu des affaires
africain. Il y a lieu, de ce fait, de s'interroger sur l'adéquation des
approches et des visions occidentales de la RSE avec ce qui devrait être
une approche africaine, enracinée sur les réalités, les
spécificités et les valeurs africaines.
Développer une approche africaine de la RSE
Développer une approche africaine de la RSE impose la
prise en compte d'une dimension culturelle transversale aux trois piliers du
développement durable et une démarche interculturelle en
matière de RSE . Une telle démarche conduirait à une
adaptation de la RSE aux réalités locales. Il faut trouver dans
les valeurs africaines, les éléments fondateurs d'une vision
africaine de la RSE. Car si la RSE explicite est naissante, l'entreprise
africaine n'a pas été insensible au développement de la
communauté, aux enjeux sociaux et environnementaux. Bien au contraire,
les exigences de la solidarité bien ancrée dans les valeurs
africaines ainsi que les pratiques caritatives indiquent une certaine forme de
responsabilité de l'entreprise ou de l'entrepreneur vis-à-vis de
la communauté et qui met en avant l'importance du lien social et de la
légitimité comme ressource fondamentale de l'entreprise.
La construction d'une vision africaine de la RSE commande
aussi la participation pleine et entière des acteurs africains aux
initiatives internationales autour de la RSE et la création d'un agenda
régional africain et d'un mouvement de fond en matière de RSE
soutenu par des réflexions qui prennent racine dans ces
réalités africaines.
L'opérationnalisation des stratégies RSE des
multinationales au niveau local, au-delà de l'obligation de
conformité (compliance), devrait ainsi tenir compte de cette
nécessaire adaptation. Il en est de même pour les normes qui
gagneraient en efficacité si adaptées aux
spécificités locales, nationales ou régionales. Cependant,
il conviendrait d'éviter de s'enfermer dans des particularismes qui
seraient réducteurs des exigences d'une réelle
responsabilité sous prétexte d'adaptation au contexte.
V- Conclusion
Si la RSE n'est qu'un supplément d'âme pour pays
développés ou grandes entreprises, l'Afrique serait
peut-être moins disposée à s'y engager par crainte que cela
n'entrave son développement ou la compétitivité de ses
entreprises. Cependant s'il s'agit d'un réel mouvement de fond dans
laquelle elle s'engage, elle pourrait être le bénéficiaire
providentiel de la prise en compte des enjeux et problématiques de RSE
par les multinationales qui y opèrent. Un tel mouvement de fond
alignerait ainsi les exigences d'un développement harmonieux et durable
avec la limitation ou la régulation des méfaits de la
mondialisation, l'accès aux marchés internationaux pour les pays
les plus pauvres et le bénéfice de la solidarité à
l'échelle planétaire autour des enjeux globaux.
Annexes 1 : Questionnaires
1- Questionnaire à l'intention des membres du
Réseau RSDD
Le renvoyer à
urbain.yameogo@ciridd.org
ou
isabelle.blaes@ciridd.org
avant le 31 juillet 2007
Pays d'origine :
Catégorie d'acteur :
n Gouvernement
n Entreprise
n ONG
n Organisation syndicale
n Consommateur
n Organisme de soutien à la responsabilité
sociétale n Organisme de recherche
n Organisme de normalisation
n Autre :
Coordonnées complètes :
NB : Les informations fournies resteront entièrement
anonymes lors de la restitution. Les données resteront accessibles par
la personne intéressée auprès du CIRIDD.
Questions d'ordre
général
A) Depuis combien de temps vous intéressez-vous à
la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ?
n Moins de 3 ans
n Entre 3 et 10 ans
n Depuis plus de 10 ans
B) Cet intérêt résulte-il de la publication
d'un texte national, régional ou international de
référence ? Si oui lequel ?
C) Pourquoi vous intéressez vous à la RSE ?
n A titre personnel (conviction, engagement)
n A titre professionnel (en raison de votre fonction, raison
académique, etc.) n Les deux
D) Où en est-on avec le débat sur la RSE dans
votre pays ?
n la RSE est inconnue
n débat encore interne au sein de quelques
organisations
n débat public naissant/embryonnaire
n débat public avancé : différentes
organisations et administrations s'y intéressent
E) Quels sont les principaux acteurs impliqués dans ce
débat ? Administrations, entreprises, média, etc.
F) Disposez-vous d'expertise nationale en matière de RSE ?
Si oui, de quel type (individuelle, d'organisations ou d'administrations) ?
G) Votre pays dispose-t-il :
[J d'une stratégie nationale de développement
durable (SNDD) ? [J d'un cadre stratégique de lutte contre la
pauvreté (CSLP) ?
[J les deux
Quelles sont leurs dénominations officielles ?
H) Le cas échéant, qu'est-ce qui explique
l'existence à la fois de SNDD et de CSLP ?
I) De quelle manière ces stratégies sont-elles
coordonnées ?
J) La SNDD comporte-t-elle d'autres volets que les questions
environnementales ?
K) Y a-t-il un chapitre sur les modes de production et de
consommation durables ?
L) Quels sont les objectifs de ce chapitre ?
M) La SNDD a-t-elle données lieu à des
réglementations particulières qui touchent les entreprises ?
[J OUI [J NON
Si oui dans quels domaines ?
N) Quelles sont, à votre avis, les problématiques
dominantes de RSE auxquelles les entreprises pourraient faire face dans votre
pays ? Précisez.
a. Problématiques sociales internes
b. Problématiques droits humains
c. Problématiques économiques et
financières
d. Problématiques environnementales
e. Relations avec les partenaires économiques
f. Qualité des produits mis sur le marché
g. Relations avec les populations locales
O) Quel pourrait être l'intérêt pour votre
pays de s'intéresser à la RSE et de s'en saisir ?
Questions relatives aux acteurs de la
RSE
A) Pouvoirs publics
1- Action des pouvoirs publics
a. Existe-t-il des organismes publics ou structures
administratives qui s'intéressent à la RSE dans votre pays ?
q Oui
q Non
b. Participation aux débats/initiatives international(e)s
:
i. votre pays est-il membre de l'ISO ?
q Oui
q Non
1. Si oui, prend-il part aux travaux sur la norme ISO 26000 ?
q Oui
q Non
2. Si non, quelle en est la raison ?
ii. Votre pays participe-t-il au processus de Marrakech sur les
modes de production et de consommation durable ?
q Oui
q Non
c. Quelles pourraient être les principales
problématiques de la RSE qui pourraient intéresser les pouvoirs
publics ?
q gouvernance
q droits humains
q pratiques professionnelles
q environnement
q développement de la société
q consommateurs
q bonnes pratiques des affaires
d. Pourriez-vous identifier des actions officielles
dédiées à la RSE faites par les pouvoirs publics dans
votre pays ?
2- Cadre législatif
a. Votre réglementation économique affiche-t-elle
une volonté marquée d'attirer l'investissement étranger
?
q Oui
q Non
b. Selon vous, l'évasion fiscale est-elle une grande
préoccupation pour votre pays ?
q Oui
q Non
c. Votre pays dispose-t-il d'un code de l'environnement ou de
textes législatifs sur l'environnement ?
q Oui
q Non
d. Existe-t-il des outils juridiques et techniques pour la mise
en application de cette législation ?
fl Oui fl Non
e. Le degré d'application de la législation
environnementale par les entreprises dans votre pays est-il satisfaisant ?
fl Oui fl Non
Si non, quelles sont à votre avis les raisons ?
f. Votre pays a-t-il un dispositif de lutte contre la corruption
?
fl Oui fl Non
g. Quelle est votre appréciation de la protection qu'offre
votre législation du travail par rapport aux normes internationales de
l'OIT :
fl Protection suffisante du salarié (droits
consacrés et respectés)
fl Les droits fondamentaux essentiels sont formalisés dans
la législation fl Les droits fondamentaux essentiels sont partiellement
formalisés
h. Votre pays exige-t-il un rapport social et/ou environnemental
aux entreprises implantées dans le pays ?
fl Oui fl Non
Si oui dans quelle mesure cette demande est-elle prise en compte
par les entreprises ?
B) Entreprises et RSE
1- Que représente pour vous une entreprise?
2- Tissu économique : votre pays connaît :
(Plusieurs choix sont possibles) fl une forte implantation de
multinationales
fl un fort développement d'entreprises (PME) locales
fl une fort développement de l'économie non formelle fl une forte
présence du secteur public
3- Connaissance de la RSE par les entreprises
a. Connaissance et adhésion aux initiatives
internationales sur la responsabilité sociétale :
i. Quelles sont les initiatives les plus connues par les
entreprises au niveau national ?
ii. Les entreprises y participent-elles (adhésion) ?
fl Oui fl Non
iii. Communiquent-elles à ce propos ?
fl Oui
Non
b. Existe-t-il des clubs ou groupements d'entreprises qui
échangent sur le sujet ?
q NON
q OUI surtout dans la capitale politique et/ou
économique
q OUI dans tout le pays
c. Avez-vous connaissance d'entreprises dans votre pays qui
disposent de :
i. codes de conduite ?
q Oui
q Non
ii. charte éthique ?
q Oui
q Non
iii. code de déontologie?
q Oui
q Non
d. Si oui, est-ce une pratique répandue dans le pays ?
e. Dans le cas où les entreprises implantées dans
votre pays s'engagent dans une démarche de RSE, quelles en sont,
à votre avis, les raisons ?
q Déclinaison de la politique RSE de la
société mère ou du groupe ?
q Volonté d'anticipation : initiative pionnière de
l'entreprise ?
q Mimétisme ?
4- Communication sur la RSE
a. Les multinationales implantées dans votre pays
communiquent-elles sur leurs politiques RSE, si elles en disposent ?
q Oui
q Non
b. Si oui, comment ?
q Par la presse
q Par des conférences
q Par la communication de rapports
q Par des bulletins d'information
q Par le partage de bonnes pratiques
c. Volontairement des entreprises affichent-elles des
considérations sociales et/ou environnementales dans leurs rapports
annuels ?
q Oui
q Non
Si oui, quel type d'entreprises ?
q Multinationales
q PME/PMI
q Artisans
q Services
q Commerce
q Industrie
5- Relations avec les partenaires économiques
extérieurs
a. Dans quels secteurs d'activités les entreprises
locales font-elles l'objet de pression de la part des clients ou des donneurs
d'ordre occidentaux ?
b. Certaines ont-elles déjà fait l'objet d'audit
RSE ?
Li Oui Li Non
Si oui, de quelle nature ?
c. Comment la RSE pourrait-elle être vue dans votre pays :
Li comme un facteur de compétitivité à l'exportation ? Li
ou au contraire comme un frein au commerce ?
Pour quelle raison ?
6- Les entreprises participent-elles à
l'élaboration de la SNDD ou du CSLP ?
7- Dans quelle mesure sont-elles associées à leur
mise en oeuvre ? C) Enseignement et recherche : niveau et
intérêt pour la RSE
1- Y a-t-il des travaux de recherche dans le domaine de la RSE
ou du développement durable ?
Li Oui Li Non
Si oui, est-ce le contexte local ou international qui les pousse
à s'y intéresser ?
2- Y a-t-il des événements académiques ou
des conférences sur ce sujet ?
Li Oui Li Non
3- La RSE est-elle abordée dans les cursus d'enseignement
?
Li Oui Li Non
Si oui, dans quel type de formation ?
4- Y a-t-il des cursus complètement dédiés
à la RSE ?
Li Oui LiNon
5- Le développement durable est-il abordé dans les
cursus d'enseignement.
Li Oui Li Non
Si oui, dans type de formation ? Et selon quel aspect ?
6- Y a-t-il des cursus complètement dédiés
au développement durable ?
q Oui
q Non
D) Société civile : syndicats, ONG et
associations
1- Tissu associatif : votre pays connaît :
q Une forte implantation associative
q Une implantation associative faible ou peu influente
2- Les ONG d'envergure internationale sont-elles ?
q Fortement implantées
q Faiblement implantées
3- Dans quels domaines ces ONG internationales agissent-elles ?
(citez des noms d'ONG)
q Environnement
q Développement local
q Questions relatives au travail
q Droits humains
q Lutte contre la corruption
4- Mouvement syndical : votre pays connaît :
q Une forte implantation des organisations syndicales
q Une faible implantation des organisations syndicales
5- La RSE et le développement durable constituent-ils une
préoccupation pour les ONG et les organisations syndicales de votre pays
?
q Oui
q Non
6- Quelles sont les problématiques essentielles de RSE ou
de développement durable que les syndicats et les associations (ONG)
identifient ?
7- Quelles sont les problématiques essentielles de RSE ou
de développement durable qui pourraient intéresser les syndicats
et les associations (ONG) dans leurs actions ?
8- A quel niveau le débat se situe-t-il ?
q Débat en interne ?
q Débat public ?
9- Si le débat est public, citez les principales actions
menées
10- Quels sont, selon vous, les obstacles à l'implication
de la société civile dans ce domaine ?
q Méconnaissance / Ignorance du sujet
q Manque de moyen aussi bien financier qu'expertise
q Il y a d'autres urgences pour les associations
q Situation politique et sociale défavorable
q L'opinion publique nationale ne s'y intéresserait
pas
q Manque d'intérêt des associations
11- Les entreprises participent-elles à
l'élaboration de la SNDD ou CSLP ?
LiOui LiNon
12- Dans quelle mesure sont-elles associées à leur
mise en oeuvre ? E) Presse
- La notion de RSE est :
Li Bien connue de la presse Li Peu connue
Li Pas du tout connue
- La notion de développement durable est : Li Bien
connue de la presse
LiPeu connue
LiPas du tout connue
- Quelles sont les problématiques liées à la
RSE qui sont couramment abordées par la presse ?
Li problèmes sociaux internes à l'entreprise
Li préoccupations environnementales
Lidifficultés relationnelles avec la population locale
Li problématiques fiscales et de corruption
Li qualité des produits mis sur le marché
Li bonnes pratiques des entreprises en matière
sociétale, sociale et environnementale
De la RSE à la RSO
De plus en plus, la responsabilité sociétale ne se
limite pas seulement aux entreprises mais s'étend à toutes les
organisations comme c'est le cas pour ISO : qu'en est-il dans votre pays ?
Parle-t-on de la responsabilité sociétale d'autres organisations,
d'autres acteurs ou
opérateurs ?
Commentaire général
2- Questionnaire général
Prière de renvoyer le questionnaire rempli
à
urbain.yameogo@ciridd.org
ou
isabelle.blaes@ciridd.org
ou par Fax au +33 (0)4 77 74 57 73 avant le 15
septembre 2007
NB : Une étude plus détaillée sera
faite sur la RSE en Afrique francophone et dans l'espace UEMOA (Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine). Vous voudrez bien relever les
spécificités relatives à ces deux espaces s 'il y en
a.
Les informations fournies resteront entièrement anonymes
lors de la restitution. Les données resteront accessibles par la
personne intéressée auprès du CIRIDD.
1) Présentation de votre structure et ses liens avec la
RSE ou des acteurs en Afrique (domaine d'intervention) et coordonnées
complètes
2) Qualifiez les affirmations suivantes en cochant Juste ou
Erronée La RSE est une belle opportunité pour un
développement harmonieux de l'Afrique
fl Juste
fl Erronée
Le développement durable des pays en développement
est du domaine de la politique publique et les entreprises n'ont rien à
y faire : à chacun son rôle
fl Juste
fl Erronée
Les entreprises ont aussi leur rôle à jouer dans
les stratégies nationales de développement durable et les cadres
stratégiques de lutte contre la pauvreté :
fl Juste
fl Erronée
Rien ne peut contraindre une entreprise, ni justifier une
démarche RSE dans les pays africains en développement :
fl Juste
fl Erronée
La RSE est une nouvelle barrière non tarifaire aux
échanges et nuira aux pays et entreprises d'Afrique :
fl Juste
fl Erronée
La RSE est une exigence mondiale et une
nécessité incontournable en Afrique :
fl Juste
fl Erronée
3) Que pensez-vous de la participation des pays africains en
développement dans le débat et les initiatives de RSE au plan
mondial ?
4) Quelles sont selon vous les problématiques
essentielles de RSE qui peuvent ou doivent mobiliser les acteurs (pouvoirs
publics, société civile et entreprise) africains ?
5) Que pensez-vous de la législation
économique, environnementale, sociale (droit du travail) de ces pays
face aux enjeux et problématiques de RSE et du développement
durable ?
Dans les questions suivantes les forces et les
faiblesses sont internes à l'entreprise ou au pays, tandis que les
opportunités et les contraintes leur sont
extérieures.
6) Enumérez les forces, les
faiblesses, les
opportunités et les
contraintes pour une entreprise africaine ou
opérant en Afrique d'adopter un comportement responsable au travers
d'une stratégie RSE/DD
7) Enumérez les forces, les
faiblesses, les
opportunités et les
contraintes pour un pays d'inciter ses entreprises ou
les entreprises opérant sur son territoire à adopter un
comportement responsable dans le cadre de sa Stratégie Nationale de
Développement Durable (SNDD)
8) Enumérez les forces, les
faiblesses, les
opportunités et les
contraintes pour les Organisations de la
société civile africaine de travailler sur des
problématiques RSE par l'incitation et/ou la pression sur les
entreprises
9) Quel peut ou doit être le rôle des entreprises
dans les SNDD ou les Cadres Stratégiques de Lutte contre la
Pauvreté (CSLP) d'un pays ?
10) A quel stade l'implication de l'entreprise est-elle
nécessaire ? (plusieurs choix possibles)
fl Elaboration - consultation
fl Mise en oeuvre
fl Révision
fl Evaluation
11) Quel peut être le rôle des relations
multilatérales (notamment les Accord de Partenariat Economique et l'Aide
Publique au Développement) dans l'institutionnalisation de la RSE
dans les pays en développement ?
3- Questionnaire sur les initiatives nationales :
état des lieux de la Responsabilité Sociétale des
Entreprises en Afrique
Le renvoyer à
urbain.yameogo@ciridd.org
ou
isabelle.blaes@ciridd.org
avant le 15 septembre 2007
Une étude plus détaillée sera faite
sur la responsabilité sociétale des entreprises en Afrique
francophone et dans l'espace UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine). Merci donc de bien vouloir relever les spécificités
relatives à ces deux espaces s 'il y en a.
Les informations fournies resteront entièrement anonymes
lors de la restitution. Les données resteront accessibles par la
personne intéressée auprès du CIRIDD.
Pays concerné(s) :
Présentation de la structure et ses liens avec la RSE ou
des acteurs en Afrique
A) Où en est-on avec le débat sur la
responsabilité sociétale des entreprises dans votre
pays concerné ?
fl la responsabilité sociétale des entreprises
est inconnue fl débat encore interne au sein de quelques organisations
fl débat public naissant/embryonnaire
fl débat public avancé: différents acteurs
s'y intéressent
B) Quels sont les principaux acteurs impliqués dans ce
débat ?
C) Votre pays dispose-t-il d'expertise nationale en
matière de responsabilité sociétale des entreprises ? Si
oui de quel type ?
D) Votre pays dispose-t-il :
fl d'une stratégie nationale de développement
durable (SNDD) ? fl d'un cadre stratégique de lutte contre la
pauvreté (CSLP) ?
fl des deux
fl ni l'un ni l'autre
Quelles sont leurs dénominations officielles ?
E) Le cas échéant, qu'est-ce qui explique
l'existence à la fois de stratégie nationale de
développement durable (SNDD) et de Cadre Stratégique de Lutte
contre la Pauvreté ?
F) De quelle manière ces stratégies sont-elles
coordonnées ?
G) La SNDD traite-t-elle de questions autres que
environnementales ?
H) Y a-t-il un chapitre sur les modes de production et de
consommation durables ?
I) Quels sont les objectifs de ce chapitre ?
J) La SNDD a-t-elle donné lieu à des
réglementations particulières touchant les entreprises?
fl OUI fl NON
K) Quelles sont, à votre avis, les problématiques
dominantes de responsabilité sociétale des entreprises auxquelles
les entreprises pourraient faire face dans votre pays ?
Si oui dans quels domaines ?
Se référer au document joint intitulé «
Problématiques de RSE »
L) Quel peut être l'intérêt pour le pays de
s'intéresser à la responsabilité sociétale des
entreprises?
Questions relatives aux acteurs de la
responsabilité sociétale des entreprises
A) Pouvoirs publics
3- Action des pouvoirs publics
a. Existe-t-il des organismes publics ou structures
administratives qui s'intéressent à la responsabilité
sociétale des entreprises dans le pays ?
n Oui n Non
b. Participation aux débats/initiatives international(e)s
:
i. Le pays prend-il part aux travaux sur la norme ISO 26000 ?
n Oui n Non
Si non, quelle en est la raison ?
ii. Le pays participe-t-il au processus de Marrakech sur les
modes de production et de consommation durable ?
n Oui n Non
c. Quelles sont les principales thématiques de
responsabilité sociétale des entreprises qui pourraient
intéresser les pouvoirs publics ?
n gouvernance
n droits humains
n pratiques professionnelles
n environnement
n développement de la société
n consommateurs
n bonnes pratiques des affaires
d. Pourriez-vous identifier des actions officielles
dédiées à la responsabilité sociétale des
entreprises faites par les pouvoirs publics dans votre pays ?
4- Cadre législatif
a. La réglementation économique du pays
affiche-t-elle une volonté marquée d'attirer l'investissement
étranger ?
nOui n Non
b. Selon vous, l'évasion fiscale est-elle une grande
préoccupation pour le pays ?
n Oui n Non
c. Le pays dispose-t-il d'un code de l'environnement ou de
textes législatifs équivalents sur l'environnement ?
n Oui n Non
d. Existe-t-il des outils juridiques et techniques pour la mise
en application de cette législation ?
q Oui
q Non
e. Le degré d'application de la législation
environnementale par les entreprises dans votre pays est-il satisfaisant ?
q Oui
q Non
Si non, quelles sont à votre avis les raisons ?
f. Le pays a-t-il un dispositif de lutte contre la corruption
?
q Oui
q Non
g. Quelle est votre appréciation de la protection
qu'offre la législation du travail par rapport aux normes
internationales de l'OIT :
q Protection suffisante du salarié (droits
consacrés et respectés)
q Les droits fondamentaux essentiels sont formalisés dans
la législation
q Les droits fondamentaux essentiels sont partiellement
formalisés
h. Le pays exige-t-il un rapport social et/ou environnemental
aux entreprises implantées dans le pays ?
q Oui
q Non
Si oui dans quelle mesure cette demande est-elle prise en compte
par les entreprises ?
B) Entreprises et responsabilité sociétale
des entreprises
8- Quel est pour vous l'objectif d'une entreprise?
9- Tissu économique : le pays connaît : (Plusieurs
choix sont possibles)
q une forte implantation de multinationales
q un fort développement d'entreprises (PME) locales
q une fort développement de l'économie non
formelle
q une forte présence du secteur public
10- Connaissance de la responsabilité sociétale
par les entreprises
a. Connaissance et adhésion aux initiatives
internationales sur la responsabilité sociétale :
i. Quelles sont les initiatives les plus connues par les
entreprises au niveau national ?
q Global Compact (Pacte mondial)
q Principes directeurs à l'intention des entreprises
multinationales de l'OCDE
q Déclaration de principes tripartite sur les entreprises
multinationales et la politique sociale de l'OIT
q Initiative de transparence des industries extractives
(EITI)
q Processus de Marrakech sur les modes de production et de
consommation propres
q Principes d'Investissements responsables (PRI) des
Nations-Unies
q Processus de Kimberley
q Principes d'Equateur
q Principes Global Sullivan
q Principes de Caux pour la conduite des affaires
q Global Reporting Initiative (GRI)
q ISO 14001 (management environnemental)
q OHSAS 18001 (management de la santé et de la
sécurité au travail)
q SD 21000
ii. Les entreprises y participent-elles (adhésion) ?
q Oui
q Non
iii. Communiquent-elles à ce propos ?
q Oui
q Non
b. Existe-t-il des clubs ou groupements d'entreprises qui
échangent sur le sujet ?
q NON
q OUI surtout dans la capitale politique et/ou
économique
q OUI dans tout le pays
c. Avez-vous connaissance d'entreprises dans le pays qui
disposent de :
i. codes de conduite ?
q Oui
q Non
ii. charte éthique ?
q Oui
q Non
iii. code de déontologie?
q Oui
q Non
d. Si oui, est-ce une pratique répandue dans le pays ?
e. Dans le cas où les entreprises implantées dans
le pays s'engagent dans une démarche de responsabilité
sociétale, quelles en sont, à votre avis, les raisons ?
q Déclinaison de la politique de responsabilité
sociétale de la société mère
q Volonté d'anticipation : initiative pionnière de
l'entreprise ?
q Mimétisme ?
11- Communication sur la responsabilité
sociétale
a. Les multinationales implantées dans le pays
communiquent-elles sur leurs politiques RSE, si elles en disposent ?
q Oui
q Non
b. Si oui, comment ?
q Par la presse
q Par des conférences
q Par la communication de rapports
q Par des bulletins d'information
q Par le partage de bonnes pratiques
c. Volontairement des entreprises affichent-elles des
considérations sociales et/ou environnementales dans leurs rapports
annuels ?
q Oui
q Non
Si oui, quel type d'entreprises ?
q Multinationales
q PME/PMI
q Services
q Commerce
Li Industrie
12- Relations avec les partenaires économiques
extérieurs
a. Dans quels secteurs d'activités les entreprises
locales font-elles l'objet de pression de la part des clients ou des donneurs
d'ordre occidentaux ?
b. Certaines ont-elles déjà fait l'objet d'audit
RSE ?
Li Oui Li Non
Si oui, de quelle nature ?
c. Comment la responsabilité sociétale des
entreprises pourrait-elle être vue dans le pays : Li comme un facteur de
compétitivité à l'exportation ?
Li ou au contraire comme un frein au commerce ?
Pour quelle raison ?
13- Les entreprises participent-elles à
l'élaboration de la SNDD ou du CSLP ?
14- Dans quelle mesure sont-elles associées à leur
mise en oeuvre ?
C) Enseignement et recherche : niveau et
intérêt pour la responsabilité sociétale des
entreprises
7- Y a-t-il des travaux de recherche dans le domaine de la
responsabilité sociétale des entreprises ou du
développement durable ?
Li Oui Li Non
Si oui, est-ce le contexte local ou international qui les pousse
à s'y intéresser ?
8- Y a-t-il des événements académiques ou
des conférences sur ce sujet ?
Li Oui Li Non
9- La responsabilité sociétale des entreprises
est-elle abordée dans les cursus d'enseignement ?
Li Oui Li Non
Si oui, dans quel type de formation ?
10- Y a-t-il des cursus complètement dédiés
à la responsabilité sociétale des entreprises ?
Li Oui LiNon
11- Le développement durable est-il abordé dans
les cursus d'enseignement.
Li Oui Li Non
Si oui, dans quel type de formation ? Et selon quel aspect ?
12- Y a-t-il des cursus complètement dédiés
au développement durable ?
Li Oui Li Non
Si oui indiquez la/les formation(s)
D) Société civile : syndicats, ONG et
associations
13- Tissu associatif : le pays connaît :
Une forte implantation associative
q Une implantation associative faible ou peu influente
14- Les ONG d'envergure internationale sont-elles ?
q Fortement implantées
q Faiblement implantées
15- Dans quels domaines ces ONG internationales agissent-elles ?
(citez des noms d'ONG)
q Environnement
q Développement local
q Questions relatives au travail
q Droits humains
q Lutte contre la corruption
16- Mouvement syndical : le pays connaît :
q Une forte implantation des organisations syndicales
q Une faible implantation des organisations syndicales
17- La responsabilité sociétale des entreprises et
le développement durable constituent-ils une préoccupation pour
les ONG et les organisations syndicales de le pays ?
q Oui
q Non
18- Quelles sont les problématiques essentielles de
responsabilité sociétale des entreprises ou de
développement durable que les syndicats et les associations (ONG)
identifient ?
19- Quelles sont les problématiques essentielles de
responsabilité sociétale des entreprises ou de
développement durable qui pourraient intéresser les syndicats et
les associations (ONG) dans leurs actions ?
20- A quel niveau le débat se situe-t-il ?
q Débat en interne ?
q Débat public ?
21- Si le débat est public, citez les principales actions
menées
22- Quels sont, selon vous, les obstacles à l'implication
de la société civile dans ce domaine ?
q Méconnaissance / Ignorance du sujet
q Manque de moyen aussi bien financier qu'expertise
q Il y a d'autres urgences pour les associations
q Situation politique et sociale défavorable
q L'opinion publique nationale ne s'y intéresserait
pas
q Manque d'intérêt des associations
23- Les OSC participent-elles à l'élaboration de
la SNDD ou CSLP ?
q Oui
q Non
24- Dans quelle mesure sont-elles associées à leur
mise en oeuvre ?
E) Presse
- La notion de responsabilité sociétale des
entreprises est :
q Bien connue de la presse
q Peu connue
q Pas du tout connue
- La notion de développement durable est :
q Bien connue de la presse
nPeu connue
nPas du tout connue
- Quelles sont les problématiques liées à la
responsabilité sociétale des entreprises qui sont couramment
abordées par la presse ?
n problèmes sociaux internes à l'entreprise
n préoccupations environnementales
ndifficultés relationnelles avec la population locale
n problématiques fiscales et de corruption
n qualité des produits mis sur le marché
n bonnes pratiques des entreprises en matière
sociétale, sociale et environnementale
De la responsabilité sociétale des
entreprises à la responsabilité sociétale des
organisations
De plus en plus, la responsabilité sociétale ne
se limite plus seulement aux entreprises mais s'étend à toutes
les organisations comme c'est le cas pour la norme ISO 26000 : qu'en est-il
dans le pays ? Parle-t-on de la responsabilité sociétale d'autres
organisations, d'autres acteurs?
Commentaire général
4- Questionnaire à l'intention des auditeurs et
des responsables de services développement durable et RS d'entreprises
opérant en Afrique
Prière de renvoyer le questionnaire rempli à
urbain.yameogo@ciridd.org
ou
isabelle.blaes@ciridd.org
ou par Fax au +33 (0)4 77 74 57 73
Une étude plus détaillée sera faite sur la
RSE en Afrique francophone et dans l'espace UEMOA (Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine). Merci donc de bien vouloir relever les
spécificités relatives à ces deux espaces s'il y en a.
- Nom de votre entreprise, coordonnées du siège
social et secteur d'activité
- Quelle est la nature du lien commercial ou de
société qui vous lie aux partenaires commerciaux dans les pays
d'Afrique francophone (plusieurs réponses sont possibles) fl
Fournisseurs
fl sous-traitants
fl filiales
fl agences
fl succursales
flautres
A) Actions et comportements socialement responsables
- Quel est pour vous l'objectif d'une entreprise
- Les entreprises partenaires se préoccupent-elles des
conséquences négatives réelles ou possibles de leurs
activités sur la communauté ?
fl Oui fl Non
Si oui comment les gèrent-elles ? Si non pourquoi ?
- Quelles sont les grandes problématiques auxquelles les
entreprises partenaires en Afrique sont confrontées ?)
- Ces problématiques sont-elles propres au secteur
d'activité de l'entreprise ?
flOui fl Non
- Exigez-vous de vos partenaires africains un comportement
socialement responsable ? Si oui qu'est-ce qui vous pousse à exiger
d'eux un comportement socialement responsable ?
- Votre entreprise a-t-elle déjà été
mise à mal suite à une dénonciation de pratiques non
responsables d'un de vos partenaires commerciaux africains ?
flOui fl Non
- Quels effets des pratiques/comportements responsables d'un
partenaire peuvent-ils avoir sur votre entreprise ?
B) Stratégie RSE de votre entreprise
- Votre entreprise dispose-t-elle d'une politique ou d'une
stratégie écrite de développement durable ou de RSE ?
flOui fl Non
- Votre entreprise participe-t-elle à des initiatives
internationales en matière de RSE? (Global Compact, Principes
d'investissement responsable, principes de Sullivan...) Si oui lesquelles ?
- Les partenaires africains ont-ils connaissance de ces
initiatives internationales et des référentiels de RSE ? Y
participent-ils ou les utilisent-ils ? Si Oui lesquelles ?
- Votre entreprise les y encourage-t-elle ?
flOui fl Non
- Si vous réalisez un rapport développement
durable, ce rapport inclut-il des informations provenant de vos agences,
filiales ou succursales africaines ?
flOui fl Non
C) Code de conduite
- Votre entreprise dispose-t-elle : fl d'un code de conduite
fl d'une charte éthique ? fl d'un code de déontologie ?
- Est-il/elle connu(e) de vos partenaires commerciaux africains
?
flOui fl Non
- Comment en assurez-vous le respect par ceux-ci ?
D) Audit social et/ou sociétal
- Avez-vous déjà fait des audits chez vos
partenaires commerciaux africains ? si oui de quelle nature ?
- Quelle sont la fréquence et la durée des audits
dans les entreprises concernées ?
- Dans le cas où ces partenaires africains sont des
sous-traitants ou des fournisseurs, les problèmes constatés
peuvent-ils influencer la relation d'affaires voire conduire à la
rupture du lien commercial ?
flOui fl Non
- Participez-vous à la mise en oeuvre de mesures
correctives ?
flOui fl Non
- Par quels moyens votre entreprise participe-t-elle à la
mise en oeuvre de ces mesures ? fl appui technique/expertise,
fl suivi, surveillance, contrôle
fl autres...
- Les entreprises auditées sont-elles volontaires ou
proactives dans la mise en oeuvre de ces mesures correctives ?
flOui fl Non
Conclusion
- Selon vous, quel intérêt une entreprise africaine
a-t-elle à adopter des pratiques socialement responsables ?
- Qualifiez les affirmations suivantes en cochant Juste ou
Erronée
La RSE est une belle opportunité pour un
développement harmonieux de l'Afrique
fl Juste
fl Erronée
Le développement durable des pays en développement
est du domaine de la politique publique et les entreprises n'ont rien à
y faire : à chacun son rôle
fl Juste
fl Erronée
Les entreprises ont aussi leur rôle à jouer dans les
stratégies nationales de développement durable et les cadres
stratégiques de lutte contre la pauvreté :
fl Juste
fl Erronée
Rien ne peut contraindre une entreprise, ni justifier une
démarche RSE dans les pays africains en développement :
fl Juste
fl Erronée
La RSE est une nouvelle barrière non tarifaire aux
échanges et nuira aux pays et entreprises d'Afrique :
fl Juste
fl Erronée
La RSE est une exigence mondiale et une nécessité
incontournable en Afrique :
fl Juste
fl Erronée
Annexe 2 Etat des engagements internationaux
Source : PNUD
Annexe 3 :Classement de l'indice de perceptions de la
corruption en Afrique
Indice de perception de la corruption de quelques pays de
l'Afrique
Pays
|
Rang du pays en 2006
|
Indice 2006
|
Rang du pays en 2005
|
Indice 2005
|
Botswana
|
37
|
5.6
|
32
|
5.9
|
Maurice
|
42
|
5.1
|
51
|
4.2
|
Afrique du sud
|
51
|
4.6
|
46
|
4.5
|
Tunisie
|
51
|
4.6
|
43
|
4.9
|
Namibie
|
55
|
4.1
|
47
|
4.3
|
Seychelles
|
63
|
3.6
|
55
|
4.0
|
Egypte
|
70
|
3.3
|
70
|
3.4
|
Ghana
|
70
|
3.3
|
65
|
3.5
|
Sénégal
|
70
|
3.3
|
78
|
3.2
|
Burkina Faso
|
79
|
3.2
|
70
|
3.2
|
Lesotho
|
79
|
3.2
|
70
|
3.4
|
Maroc
|
79
|
3.2
|
78
|
3.2
|
Algérie
|
84
|
3.1
|
97
|
2.8
|
Madagascar
|
84
|
3.1
|
97
|
2.8
|
Gabon
|
90
|
3.0
|
88
|
2.9
|
Erythrée
|
93
|
2.9
|
107
|
2.6
|
Tanzanie
|
93
|
2.9
|
88
|
2.9
|
Mali
|
99
|
2.8
|
88
|
2.9
|
Mozambique
|
99
|
2.8
|
97
|
2.9
|
Libye
|
105
|
2.7
|
117
|
2.5
|
Malawi
|
105
|
2.7
|
97
|
2.8
|
Ouganda
|
105
|
2.7
|
117
|
2.5
|
Zambie
|
111
|
2.6
|
107
|
2.6
|
Bénin
|
121
|
2.5
|
88
|
2.9
|
Gambie
|
121
|
2.5
|
103
|
2.7
|
Rwanda
|
121
|
2.5
|
83
|
3.1
|
Burundi
|
130
|
2.4
|
130
|
2.3
|
Ethiopie
|
130
|
2.4
|
137
|
2.2
|
Zimbabwe
|
130
|
2.4
|
107
|
2.6
|
Cameroun
|
138
|
2.3
|
137
|
2.2
|
Niger
|
138
|
2.3
|
126
|
2.4
|
Angola
|
142
|
2.2
|
151
|
2.0
|
Congo
|
142
|
2.2
|
130
|
2.3
|
Kenya
|
142
|
2.2
|
144
|
2.1
|
Nigeria
|
142
|
2.2
|
152
|
1.9
|
Côte d'Ivoire
|
151
|
2.1
|
152
|
1.9
|
Guinée équatoriale
|
151
|
2.1
|
152
|
1.9
|
Soudan
|
156
|
2.0
|
144
|
2.1
|
Source : Transparency International
|