4- Potentialités des zones montagneuses du
sud-est
Les monts de Matmata constituent la terminaison orientale de
la plate forme saharienne. Dans les dépressions et thalwegs localisent
les seuls sols cultivables de ces régions et se trouvent coupés
par les jessours permettant des cultures en terrasse.
Les interfluves constituent des zones de parcours pour les
cheptels ovins et caprins et des lieux d'approvisionnement en plantes
médicinales et aromatiques. L'unité de gestion de l'agro
écosystème est constituée du jesser et de son
impluvium.
Comparativement aux autres régions naturelles des zones
arides, la région de Zammour BéniKhedache au relief
accidenté, est connue par leur grande richesse des espèces
végétales.
4.1- Les ressources naturelles
4.1.1- Les ressources en eaux
Dans les régions montagneuses du sud-est, l'eau de
ruissellement est estimée à une valeur de 100 millions
m3 (ODS, 1994). On n'en exploite que 21,7% par les
aménagements de conservation des eaux et du sol (Tableau 9).
Tableau 9: Ressources en eau
Régions
|
Ressources en eaux de surface
(Mm3)
|
Ressources exploitées annuellement
|
Quantité (Mm3)
|
% d'exploitation
|
Médenine
|
16
|
6,0
|
38,7
|
Tataouine
|
40
|
9,2
|
23,0
|
Gabès
|
44
|
6,5
|
15,0
|
Sud-est
|
100
|
21,7
|
21,7
|
Sud tunisien
|
252,5
|
63,7
|
25,2
|
(Source : ODS, 1994)
Les ressources potentielles en eau de ruissellement ne sont pas
totalement exploitées dans les zones montagneuses. L'amélioration
du niveau de maîtrise de ces ressources, en faisant non seulement
accroître la part récolte mais aussi en assurant une
répartition intra-annuelle et inter-annuelle (en cas d'excédent
important) permettant d'offrir des opportunités pour l'intensification
du système.
Cette intensification s'opérerait par l'augmentation
des volumes d'eau récoltés pour mieux subvenir aux besoins des
plantes pendant les périodes de pluies et par une irrigation
complémentaire pendant les périodes d'absence de pluies et de
forts besoins pour la fructification. Ceci est possible, par la récolte
et le stockage des eaux de ruissellement dans des réservoirs
(Fesguia et Majels).
4.1.2- Les ressources en sol
Dans la région de Beni Khédache, les alternances de
calcaires durs, et des marno-calcaires forment des pentes
irrégulières et érodées en ravins.
L'érosion y est intense avec un réseau
hydrographique bien hiérarchisé et échelonné du
nord ou sud.
Les sols qui se développent sur ces reliefs, sont le
plus souvent des loess, des lithosols sur dalle calcaires et des
régosols sur formation marneuse et gréseuse. Ces dernières
sont parfois associées à des croûtes et encroûtement
calcaire sur les versants. Les éboulis et colluvions sont peu
évolués.
Les lithosols sont localisés surtout sur les plateaux,
ils sont formés de sable fin plus ou moins limoneux et très riche
en calcaire et reposant sur des formations calcaires de crétacé
supérieur et moyen. Ils sont retenus par des graminées du type
surtout stipa tenacissema.
Les sols loessiques (sierozems et régosols) des monts
des Matmata et leurs piémonts, se développent sur une roche
mère d'origine éolienne qui a subi pendant le Quaternaire moyen
et
récent un remaniement et une pédogenèse
assez prononcée (accumulations calcaires sous forme de nodules et
encroûtement). Ce sont des sols profonds occupant les versants, les
vallées et les grandes dépressions intérieures (Techine,
Beni Kheddache, Beni Zeltene) et même les glacis de raccordement et les
plaines avoisinantes de la Jeffara vers l'est. Les caractéristiques
morpho analytiques montrent l'importance des sables fins, des limons grossiers
et une mauvaise stabilité structurale (importance des processus des
ravines et des entailles profondes). L'exploitation et l'utilisation des sols
loessiques sont anciennes (Jebalias) en système de Jessours (ouvrage de
rétention de la terre et de l'eau) occupés par les arbres
fruitiers, oliviers et légumineuses. (Ministère de l'agriculture,
2002).
Ces sols sont vulnérables à l'érosion par
suite de leur faible pouvoir de stockage de l'eau et de la fragilité de
leurs constituants, ceci explique l'effort fourni par les exploitants dans le
cadre des aménagements hydrauliques pour réduire le volume de
sédiments arrachés des impluviums. Ces sédiments sont
d'abord déposés à la SAU et seront ensuite
utilisés1 pour le renforcement des Tabias.
4.1.3- Les ressources pastorales
Le couvert végétal dans la zone d'étude, en
général, est insuffisant pour pouvoir assurer la conservation des
sols.
Une grande partie des monts de Matmata n'est pas
défrichée (88,6%). Les terrains défrichés couvrent
522777,44 ha, soit 11,4% de la superficie totale de ces Djebels.
Les zones non défrichées constituent un important
espace pastorale dominé par certaines espèces steppiques (tableau
10).
Tableau 10: Le couvert végétal
Type de parcours
|
Pourcentage
|
Superficie(ha)
|
Pourcentage
|
Artemisia alba alba
|
41,92%
|
20275,6
|
9 %
|
Stipa tenacissima
|
18,91%
|
77715,4
|
37 %
|
Arthrophytum schmittianum
|
10,37%
|
42619,2
|
20 %
|
Arthrophytum scoparium
|
8,0%
|
32804,0·
|
16 %
|
Anthyllis sericea
|
4,93%
|
20275,6
|
10 %
|
Rhanterium suaveolens
|
4,10%
|
16712,1
|
8 %
|
Total
|
|
210401,9
|
100 %
|
(source : DGF, 1995)
1 La couche de sédiments déposée
est enlevée chaque été pour le renforcement des Tabias.
Les parcours sont caractérisés par une contribution
faible et aléatoire dans l'alimentation du cheptel ne dépassant
pas les 30%. Ce parcours connaît :
+ une dynamique lente de la végétation ;
+ une désertification accrue.
Les efforts déployés pour le
développement des parcours demeurent insuffisants. En effet et
jusqu'à nos jours, la superficie pastorale ayant fait l'objet
d'aménagement ne représente que 2% de la totalité des
parcours tunisiens.
Les améliorations des parcours pastorales se sont
limités à la plantation de nouvelles arbustes
fourragères.
4.2- Les atouts et les contraintes de la zone
d'étude
La région de Zammour est formée de
dépressions et des talwegs avec des loess occupés par des
Jessours (technique de petits barrages connue depuis l'antiquité)
permettant des cultures en terrasse.
L'état a entrepris plusieurs projets et actions de
développement et de lutte contre la destruction des jessours à
travers les travaux de CES. Mais les populations qui vivaient sur ces terres,
même conscientes de l'intérêt anti-érosif et
écologique des travaux d'entretien, n'avaient pas pu les sauvegarder ou
les entretenir car rien n'avait changé dans leurs systèmes de
production et dans la structure de leurs exploitations.
4.2.1- Les atouts favorisant le développement de
Zammour
La région de Zammour dispose de plusieurs atouts et
potentialités qui méritent d'être valorisés :
> Des sols (loess) profonds (2 à 6 mètres)
propices pour une mise en valeur agricole en sec ;
> Une longue cohabitation entre pâturage et
végétation naturelle a généré une
série de peuplement végétal très résistant,
en particulier à l'érosion et à des pressions de
pâturage ;
> La longue adaptation aux conditions de surpâturage et
de sécheresse (présence de plusieurs espèces
différentes) ;
> Les projets de conservation des eaux et des sols
entrepris par l'état ces dernières années ont
contribué à la formation d'une main d'oeuvre
spécialisée et expérimentée dans les travaux de
réaménagement des déversoirs (Menfess) et du
barrage ;
> La structure foncière, dominé par la
propriété privée est considérée comme un
élément favorable à la planification et à
l'exécution des projets de développement ;
> Une richesse en savoir-faire local qui s'exprime dans de
nombreux produits de l'artisanat qui sont peu connus en dehors de la zone,
à savoir les textiles nomades et des produits à base de Stipa
tenacissima ;
> Un patrimoine archéologique assez important, anciens
Ksours et de vestiges romains. Ce patrimoine historique est peu
étudié et valorisé ;
> Une richesse en biodiversité végétale
spontanée ou traditionnellement cultivée
(plantes naturelles, médicinales et aromatiques..), comme
l'Artimia campestris,
leThymus hirtus, le Ruta chalepensis, le Rosmarinus officinalis,
le Marrubium deserti, le
Capparis spinosa, Artemisia herba-alba et l' Artemisia
campestris.
> Un savoir-faire technique originaire en matière de
récolte et gestion de l'eau de ruissellement par des aménagements
(Jessours) qui consistent en l'édification des barrages en travers du
fond des oueds afin de piéger, en amont, un sol de plus en plus profond
et des réserves d'eau suffisantes pour permettre la culture arbustive et
la céréaliculture ; d'autres techniques hydro agricoles
traditionnelles de collecte d'eau pluviale : Majels, puits de surface
traditionnels ;
> Situation stratégique par rapport aux destinations
des excursions au départ des régions touristiques de Zarzis et de
Djerba ;
> Les acquis de recherche en matière de conservation
des eaux et des sols et gestion des ressources naturelles ;
> La présence de structures d'encadrement et
associatives satisfaisantes ;
> La volonté des acteurs locaux, de s'associer au
développement de la région.
4.2.2- les contraintes du développement de la zone
de Zammour
Les contraintes entravant le développement de la
région de Zammour sont très nombreuses et se rapportent aux
ressources naturelles et aux modes de gestion et exploitation du milieu. Elles
se résument dans les points suivants :
> Un climat aride (étage bioclimatique aride
supérieur à hivers tempérés) avec une
pluviométrie moyenne de 200 mm/an, se caractérisant par des
grandes variations des quantités des pluies dans le temps et dans
l'espace (Fersi et Mtimet, 1983) ;
> Le caractère souvent torrentiel et brutal des
précipitations suite à de fortes intensités
supérieures à 1 50mm/h qui engendrent un ruissellement
érosif avec des inondations dans les secteurs avals ;
> La rareté des ressources naturelles, notamment les
ressources en eaux souterraines ;
> Contraintes physiques et vulnérabilité du
relief induisant des difficultés d'aménagement ;
> L'exode rural des jeunes vers les pôles
économiques régionaux (Zarzis, Djerba, Médenine....) ou
vers l'étranger ;
> La dispersion de la population ;
> Faiblesse de la productivité agricole ;
> Les années des sécheresses successives
(comme il était le cas de 1999 à 2002) ont pour
conséquence des chutes vertigineuses de la production de cette
agriculture pluviale et une mortalité du patrimoine arboricole;
Après avoir analysé les atouts et les
contraintes de la région de Zammour Béni Khadeche, nous allons
dans les chapitres suivants étudier les nouvelles techniques
utilisées par L'IRA de Médenine pour la valorisation des eaux de
ruissellement dans les régions montagneuses. Le chapitre suivant
abordera la notion d'innovation dans le milieu rural et son rôle dans
l'amélioration des systèmes de production.
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