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EPIGRAPHE
La science suscite un monde, non pas par une impulsion
magique, immanente à la réalité, mais bien par une
impulsion rationnelle, immanente à l'esprit.
(Gaston Bachelard)
DEDICACE
A mon regretté frère,
Nlenzo Nlenzo Horly P.D.Ç. que le Seigneur a
rappelé auprès de lui avant l'élaboration de ce
présent travail;
A mes parents,
Papa Nlenzo Nsavu Damase et Maman Mbumba Tona Marguerite,
auprès de qui j'ai appris la douceur, l'affection, le savoir vivre et la
générosité ;
A mon frère et ami, Monsieur l'Abbé Jean Basile
Mavungu Khoto,
Je dédie ce travail
AVANT-PROPOS
Au terme de notre premier cycle de philosophie, nous voulons
remercier toutes les personnes de bonne volonté qui nous ont soutenu
matériellement, moralement et spirituellement.
Que le Professeur J. N'kwasa BUPELE qui avait voulu diriger ce
travail puisse trouver ici l'expression de notre profonde gratitude.
Nos remerciements vont droits également à tous
les Professeurs du Philosophat Saint Augustin car, grâce à leurs
enseignements, nous nous sentons aujourd'hui projeté dans un univers
sapiential qui n'est accessible qu'au groupe des initiés dont nous
faisons partie avec la présentation de la présente
dissertation.
Notre gratitude va droit à la Société
Missionnaire de Saint Paul, spécialement au révérend
Père Roger WAWA, actuel supérieur régional ; à nos
deux formateurs, le révérend Frère Gigi BOFELLI et le
révérend Père Jacques BOSEWA, qui, par leur soutient
spirituel, moral et matériel nous ont aidé à aller de
l'avant dans notre entreprise scientifique.
Nous sommes redevables à la famille Nlenzo : mon
père Nlenzo Nsavu Damase, ma mère Mbumba Tona Marguerite, Myfie
Nlenzo, Falito Nlenzo, Mimi Nlenzo, Horly Nlenzo, Nadine Nlenzo, Nacha Nlenzo,
Dieu-merci Nlenzo, Typelas Ntoto, Gibril Mabiala.
Nous sommes également redevable à la famille
Sassy : Papa Sassy Kassale, Maman Monique Sassy, Maman Angel, Esther Sassy,
Moïse Sassy, Mimi Sassy, Sara Maria, les petits Carlos et José qui,
par leur soutient matériel, ainsi que pour les conseils dont nous
étions bénéficiaire, nous ont aidé à
persévérer et à arriver au niveau où nous nous
trouvons aujourd'hui.
Nous avons aussi le coeur plein de reconnaissance à nos
frères aînés et cadets, présents ou absents qui ont
su, par leur présence, nous donner les raisons d'espérer. Nous
pensons aux aînés comme le révérend Frère
Emmanuel PEMBELE, les révérends Pères Alphonse LUKOKI,
Marcel NDALA, François CAMPUS. Nous pensons aussi à nos deux
juniors, Barthélemy DINAMA et Gilbert MIKA qui, eux aussi, ont
contribué d'une façon ou d'une autre à notre
émergence philosophique. Que nos novices : Joseph KALONDA, Omer MONJI et
Jean de Dieu NKOLELWA trouvent dans ce travail l'expression de notre profonde
reconnaissance.
Nous pensons également à tous les confrères
du Scolasticat Jacques Alberione, spécialement à Alphonse ABEDI,
Dieudonné MULOLO, Pierre KYUNGU, Célestin KABULA, Deo TUTA, Alain
SALANKANG, Didier DIEMU et à tous les membres de la generalicia :Jean
Baptiste SAPEPO et Daniel KAHYA.
Nous n'oublions pas les compagnons de lutte au Philosophat :
Alain KIPA, Salvador DIKIZEYIKO, Faustin MBENZA, le camerounais Thaddeus MUNU,
Jean Louis HUTU, Boniface BADIKADILA, Augustin WILIWOLI... et, nous pensons
aussi à nos anciennes collègues Lydie NGIELE et Nancy MBIYAVANGA
qui, indépendamment de leur volonté, n'ont pas pu terminer avec
nous ce premier cycle de philosophie.
A vous qui allez lire ce travail, nous exprimons à
l'avance notre remerciement pour votre indulgence et vos encouragements.
0. INTRODUCTION GENERALE
0.1. Problématique
La tradition académique veut que, au terme d'un cycle
de formation, l'étudiant présente un mémoire. C'est la
raison d'être du présent travail que nous élaborons dans le
cadre de la pensée bachelardienne en relisant Le Nouvel esprit
scientifique1.
La fin du vingtième siècle et le début du
vingt et unième siècle sont marqués par des progrès
scientifiques très développés. Il ne faut pas en douter,
car notre vécu quotidien nous le prouve à suffisance. Il y a une
nouvelle découverte scientifique tous les jours. Ce siècle
récent a été, comme le disent certains penseurs, un
siècle de progrès.
La description scientifique de la nature est aujourd'hui
très éloignée de sa conception commune et quotidienne.
Ainsi la description qu'a donnée Nicolas Copernic de l'univers n'a pas
modifié notre langage courant pour lequel le soleil "se lève" et
"se couche", conformément à notre expérience empirique. De
même, la théorie de la relativité d'Einstein pose que
l'écoulement du temps n'est pas partout uniforme. Cette description
empêche de reconnaître une réalité physique à
la notion de simultanéité. Pourtant, personne au quotidien ne
douterait que l'expression "réglons nos montres" soit pleinement
légitime. Faut-il reprocher à la science de se perdre dans une
abstraction aveugle à l'expérience concrète ? Faut-il
réamorcer les défiances des empiristes contre un rationalisme pas
trop cartésien ? La science peut- elle sans dommages s'éloigner
de l'expérience empirique immédiate et manipuler des objets de
plus en plus abstraits, de moins en moins descriptibles par des concepts autres
que mathématiques ? C'est ce constat d'un divorce entre les concepts du
physicien et les conceptions communes tirées de l'expérience
empirique immédiate, dont Bachelard veut tirer les fruits. Notre
objectif est de montrer justement, à la suite de Gaston Bachelard,
comment se réalise le rationnel dans l'expérience physique
à l'ère du nouvel esprit scientifique.
1 BACHELARD, G., Le nouvel esprit
scientifique. 9è éd, Paris, P.U.F. 1996
0.2. Intérêt du sujet et
présentation de l'auteur
L'intérêt pour nous en abordant ce thème
est d'essayer de comprendre à notre façon cette pensée
bachelardienne. Sa démarche fondamentale, globale peut nous enrichir, et
nous tâcherons de méditer son inspiration.
Qui est Gaston BACHELARD ? Philosophe
français, Gaston Bachelard naît le 27 juin 1884, en Champagne,
à Bar-sur-Aube. Il passe son enfance dans la province la plus rustique
où l'homme n'a pas perdu le contact avec les éléments
premiers. Nanti de son baccalauréat, il entre dans l'administration des
Postes (1903- 1913). En disponibilité pour raison d'études
dès 1913, il prépare le concours d'élèves
ingénieur des Télégraphes et achève
parallèlement sa licence de mathématiques. La guerre de 1914-1918
brise son destin. En 1919, il renonce à son ambition d'ingénieur
et entre dans l'enseignement secondaire. Il est professeur de sciences au
collège de Bar-sur-Aube de 1919 à 1930. A 35 ans, il engage de
nouvelles études. Agrégé de philosophie en 1922, il
obtient de demeurer à Bar-sur-Aube, à la fois professeur de
sciences et de philosophie. En 1928 paraissent les deux thèses,
soutenues en 1927, Essai sur la connaissance approchée et
Etude sur l'évolution d'un problème de physique, la
propagation thermique dans les solides.
La Faculté des Lettres de Dijon l'appelle en 1930, puis
la Sorbonne en 1940 (où il restera jusqu'en 1954).Il publie en 1934
Le Nouvel Esprit scientifique, en 1938 La formation de l'Esprit
scientifique, en 1940 La Philosophie du non, en 1942 L'eau et
les rêves, La terre et les rêveries du repos en 1946,
La terre et les rêveries de la volonté en 1948. Il entre
à l'Académie des sciences morales et politiques en 1955 et
obtient le Grand Prix National des Lettres en 1961, année où il
publie La flamme d'une chandelle. Il meurt à Paris le 16 octobre
1962.
Gaston Bachelard nous propose des pistes de réflexion
sur la manière de procéder à l'élaboration de la
science, et d'après un esprit qui se veut « scientifique ». Sa
réflexion entend apporter un correctif qu'il juge important pour le
progrès scientifique lui même, au sens englobant du terme. Et
c'est cela qui lui permet de parler de « nouvel esprit scientifique
».
0.3. Méthode et subdivision du
travail
Notre démarche se veut réflexive et analytique
avec comme but de comprendre l'auteur. Notre travail se développe en
trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous survolerons l'histoire
des sciences, en mettant l'accent sur les différentes
étapes de l'évolution scientifique partant de l'Antiquité
jusqu'au nouvel esprit scientifique dont parle Bachelard. Et, une distinction
entre la connaissance commune et la
connaissance scientifique fera l'objet du deuxième point de
notre chapitre. Au deuxième chapitre, nous aborderons «
l'esprit scientifique, savoir méthodiquement fondé
» en analysant les concepts comme «
épistèmè », «
rationalisme », « réalisme
», « déterminisme » et «
indéterminisme ». Nous chercherons à voir
comment le savoir scientifique se démarque de la connaissance ordinaire,
de la connaissance naïve.
Le troisième chapitre traitera de «
l'esprit objectif comme lieu d'émergence de
l'esprit scientifique ». Dans ce chapitre où nous
analyserons les concepts comme « objectivité
», «victoire de l'esprit », «
négation dynamisante », nous verrons que «
l'esprit dialectique bachelardien » se présente comme l'indicateur
du savoir qui se veut objectif d'après le Nouvel esprit
scientifique.
Enfin notre travail se terminera par une conclusion.
CHAPITRE PREMIER :
DE LA PRESCIENTIFICITE AU NOUVEL
ESPRIT SCIENTIFIQUE
I.0. INTRODUCTION
L'oeuvre de Bachelard est construite selon une double
polarité la raison scientifique d'un côté et à
l'opposé, l'activité onirique de l'imagination. Dans le premier
registre, il propose une conception nouvelle de l'histoire des sciences,
progressant par crises et ruptures successives, et une
épistémologie formée à la négativité
et à la pensée polémique. Un nouveau rationalisme en
découle refusant la structure immuable et éternelle de la raison.
Aucune catégorie a priori ne préside à la
constitution de la science, mais la raison remet en question ses principes et
ses concepts en les ajustant aux révolutions scientifiques successives.
La notion d'obstacle épistémologique que nous aurons à
traiter dans les lignes qui suivront commande la double orientation de sa
philosophie: la formation de l'esprit scientifique contre les valorisations
inconscientes, la connaissance sensible et toute forme d'évidence
immédiate; la réhabilitation dans l'ordre de l'imaginaire des
expériences condamnées sur le plan de la rationalité.
Dans ce premier chapitre, il sera question de montrer la
façon dont la science a évolué, d'après notre
auteur, en s'appuyant sur les étapes de l'évolution scientifique
: de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Aussi nous essayerons de
définir les deux modes de connaissances: la connaissance
commune et la connaissance scientifique pour
éviter toute confusion de sens.
I.1. UNE EPISTEMOLOGIE DISCONTINUISTE
doit effectuer l'esprit pour ajuster ses cadres rationnels aux
expériences nouvelles, sont autant de changements de méthodes et
de concepts à l'intérieur même du devenir scientifique.
Bachelard utilise très librement la loi des trois états d'Auguste
Comte pour désigner les trois grandes étapes dans le devenir
scientifique :
L'état préscientifique,
L'état scientifique, et
L'ère du nouvel esprit scientifique.
I.1.1. L'état préscientifique
Cette période qui s'étendrait de
l'Antiquité au XVIII siècle, est caractérisée par
l'absence de rupture entre l'expérience commune et l'expérience
scientifique et par le caractère empirique de l'objet scientifique en
continuité avec les apparences « on pense comme on voit»,
c'est-à-dire de façon substantialiste, avec un regard
fasciné par la chose et prisonnier de l'imagination, des idées
générales et des concepts immuables.
I.1.2. L'état scientifique
Bachelard situe cet état entre la fin du XVII
siècle et le début du XX siècle. Il est marqué par
le divorce avec la connaissance commune. La raison édifie ses
premières constructions et la pensée scientifique se
différencie de son passé préscientifique par sa marche
vers une abstraction croissante où le réalisme
élémentaire devient obstacle à l'effort de
rationalisation. Toutefois. l'état scientifique reste encore tributaire
d'une « épistémologie cartésienne»,
c'est-à-dire d'une philosophie de l'intuition, de l'immédiat, des
natures simples, et d'un esprit scientifique confiant dans les
vérités premières et les notions de base.
I.1.3. L'ère du nouvel esprit
scientifique
Cette ère qui est la nôtre, aurait
débuté en 1905 avec la théorie de la relativité
einsteinienne. Elle constitue notre actualité. Elle consacre la rupture
avec les natures simples cartésiennes, « On s'aperçoit que
l'état d'analyse de nos intuition communes est très trompeur et
que les idées les plus simples comme celle de choc, de réaction,
de réflexion matérielle ou lumineuse ont besoin d'être
révisées. Autant dire que les
idées simples ont besoin d'être
compliquées pour pouvoir expliquer les
microphénomènes.»2 Le simple est une illusion et
les natures prétendues simples se révèlent un tissu de
relations complexes, la nouvelle pensée scientifique ne cessant
d'affiner et de différencier les structures,
Cette troisième période est l'ère d'une
prise de conscience réflexive par la science. C'est pourquoi elle se
définit non comme un état, mais comme un esprit3.
L'épistémologie nouvelle qui anime la science prend acte des
ruptures épistémologiques (épistémologie non
cartésienne, géométrie non euclidienne, relativité
non newtonienne) et, découvrant que « tout ce qui est
décisif ne naît que malgré et contre», elle voit
dans l'état de crise le moteur et le dynamisme même de la
science.
I.2. LES MODES DES CONNAISSANCES4
I.2.1. La connaissance commune
La connaissance commune est aussi nommée connaissance
banale ou connaissance vulgaire, connaissance spontanée, connaissance
empirique. Elle est celle qu'auraient de la réalité des
êtres dépourvus d formation scientifique spéciale, comme
les primitifs, les enfants, les gens simples. Pourtant les hommes
cultivés, et les grands savants, en usent toujours dans la plupart de
leurs actions habituelles hors du laboratoire ou de leur cabinet de travail.
Ainsi quand un physicien va prendre le train, il ne songe pas
nécessairement aux théorèmes de mécanique qui lui
permettent de progresser, de maintenir son équilibre, puis d'être
transporté en wagon. Un chimiste assoiffé qui boit un verre d'eau
oublie généralement de penser à la composition de ce
corps! On ne saurait exagérer l'utilité de cette connaissance qui
nous permet de vivre et que la connaissance scientifique non seulement ne
remplace jamais complètement, mais prend encore pour point de
départ obligé.
La connaissance commune est le plus souvent le produit d'une
élaboration spontanée de la raison, alors que la connaissance
scientifique résulte d'une
2 BACHELARD. G., Le nouvel esprit
scientifique, 9ème éd., Paris, P.U.F., 1996.
3 BARAQUIN, N., et LAFFITE, J., Dictionnaire des
philosophes. Paris, Armand Colin/Vuef, 2002, p.41 4GEX, M.,
Eléments de philosophie des sciences,, 2ème
éd. Neuchâtel,Griffon, 1964, pp. 15-21
élaboration réfléchie, méthodique,
poursuivie dune manière volontaire et parfois ardue.
Dans la connaissance commune, les sensations obtenues par les
organes des sens sont élaborées inconsciemment en perceptions,
puis l'esprit, grâce à la mémoire, compare entre elles les
diverses perceptions, es analyse et observe ainsi certains retours de
phénomènes analogues. Tout naturellement es prit s'attend
à leur réapparition et devient capable, dans une certaine mesure,
de les prévoir. II formule ainsi des lois empiriques telles que celle-ci
: tout homme meurt; le feu cuit les aliments et brûle.
Malgré ses défauts et ses insuffisances, la
connaissance commune ou empirique est un sûr acheminement vers la
connaissance scientifique, car elle comporte déjà un certain
degré de généralité. Elle peut, en effet,
énoncer des lois (pas toujours rigoureuses) et, quoique subjective dans
une large mesure, c'est à dire variable d'un individu à l'autre.
Elle est grandement influencée et régularisée par la
société au moyen du langage dont les mots permettent de classer
rapidement les sensations nouvelles et, avec laide de la syntaxe, de les mettre
en rapport avec les anciennes.
Le but de la connaissance commune, structurée et
uniformisée par le langage, est de nous adapter à notre milieu,
de nous permettre de nous préserver des dangers qui nous menacent, de
nous procurer notre nourriture, de nous adapter â nos semblables, de
deviner leurs intentions et de prévoir dans une certaine mesure leurs
actions.
I.2.2. La connaissance scientifique
La pensée scientifique est dans le prolongement de la
pensée commune. Elle est en tout cas un perfectionnement un
accroissement. Cependant, en perfectionnant la pensée commune, la
pensée scientifique peut s'éloigner considérablement des
façons de voir de cette dernière et élaborer des notions
qui ne rappellent en rien l'expérience immédiate. Les conceptions
récentes de la physique par exemple, surprennent et déroutent le
sens commun.
Tout comme la connaissance commune, la connaissance
scientifique part des données des sens. Une accumulation de faits,
d'observations et d'expériences ne constitue cependant pas une Science.
La raison cherche en effet à unifier et à systématiser
d'une façon rigoureuse toutes les connaissances acquises dans un certain
domaine. Elle pousse cette coordination beaucoup plus loin en science que dans
la connaissance commune. La systématisation en science se fait au moyen
de lois et de théories.
En conclusion, nous dirons qu'entre les connaissances communes
et scientifique il y a plutôt une différence de degré que
de nature. La connaissance commune est qualitative, alors que la science
s'efforce d'introduire des déterminations quantitatives dans
l'énoncé de ses lois, au moyen de la mesure. Chacun sait que les
corps non soutenus, d'une certaine densité, tombent mais la science
seule peut indiquer le chemin qu'ils parcourent en fonction du temps
écoulé.
La science, enfin, est plus objective que la connaissance
commune. Son contenu ne variant pas d'un individu à l'autre est
indépendant de l'humeur, des désirs et des bizarreries subjectifs
: c'est une oeuvre collective, contrôlée et méthodique. La
science porte sur des abstractions soigneusement élaborées (la
vitesse, l'accélération! le travail, la puissance, etc.), qui
rendent cette objectivité possible. Sans doute la connaissance commune
se sert aussi d'abstractions : «arbre : en est une, puisque ce concept
laisse de côté les caractères qui différencient
entre eux le sapin, le chêne, etc. mais les abstractions scientifiques
sont plus techniques et permettent, si possible, l'usage du calcul. C'est le
haut degré d'abstraction de la connaissance scientifique qui la rend
aisément communicable.
I.3. CONCLUSION DU CHAPITRE
Tout au long de l'histoire des sciences, nous venons de voir
que la conception de la science n'est pas la même que celle que nous
avons aujourd'hui en vigueur. La science a évolué tout au long de
l'histoire.
La connaissance scientifique est partie de la cohabitation avec
la
connaissance commune puis, elle se démarquera d'elle du
18ème au début du
20ème siècle à la période
appelée l'état scientifique. Aujourd'hui, la science a
déjà dépassé
cette étape. Nous parlons actuellement de
l'ère du nouvel esprit scientifique qui a été
inaugurée avec la théorie de la relativité par les travaux
d'A. Einstein particulièrement.
CHAPITRE DEUXIEME :
L'ESPRIT SCIENTIFIQUE :
RECHERCHE D'UN SAVOIR METHODIQUEMENT FONDE
II.0. INTRODUCTION
Parlant de science, G. Bachelard en perçoit, mieux
qu'un savoir figé, un ensemble de recherches soucieuses
d'objectivité, un réalisme reconstruit, un rationalisme
appliqué.
Dans notre deuxième il sera question de clarifier
d'abord les concepts « esprit scientifique », «
réalisme », et «
rationalisme ». Et, nous examinerons aussi les
catégories sous-jacentes de « déterminisme
» et d'« indéterminisme » : nous y
verrons avec Gaston Bachelard que l'esprit scientifique est une ascèse,
discipline intransigeante dont le processus « critique » conduit
à « Epistémè » à force d'interroger
constamment le réel.
II.1. ESPRIT SCIENTIFIQUE
Le concept « Esprit scientifique » est né du
souci de rendre l'homme plus rationnel dans le domaine scientifique. Bachelard
remonte au stade vulgaire de la connaissance pour situer les moments
déterminants des insuffisances épistémologiques. Pour lui,
la révolution scientifique qui a fait l'objet de préoccupation au
dix-neuvième siècle a fait que l'esprit scientifique se
démarque de la connaissance du commun des mortels, c'est-à-dire
de la « Doxa », en imposant le concept de science, comme savoir
raisonné ou connaissance méthodiquement fondée,
Epistémè.5
A ce niveau, l'effort des philosophes est louable : ils ont
cherché à sauver l'homme de la récalcitrance, surtout de
la doxa. Ils ont posé l'esprit comme celui qui
5 Van RIET, G, Epistémologie thomiste.
Louvain, 1946, p.637
se veut non habituel, étant donné que les
habitudes, c'est-à-dire les actes acquisitoires, en constituent un
frein6.
Par « l'esprit scientifique », on entend esprit
critique, esprit qui se rapporte (qui se réfère à) et qui,
dans une discipline scientifique de n'importe quelle obédience, a rompu
ou doit chercher à rompre avec toute tendance subjectiviste et/ou
sentimentaliste, en fonction d'une tendance ascétique, entendu comme
possibilité pour tout homme d'être austère devant une
expérience scientifique tout en mettant de côté tout
préjugé7.
L'homme de science doit être un ascète de la
rationalité, car l'esprit scientifique comme esprit rationaliste selon
Bachelard « ...est la réalisation du rationnel dans
l'expérience physique... »8 . C'est un esprit qui exige
de l'homme un effort pour éloigner de la pensée l'influence du
sentiment et de l'arbitraire de la volonté. Selon l'auteur, l'esprit
scientifique doit dépasser les philies, il doit au préalable
adopter l'attitude « critique » et créative en tant qu'il est
nourri d'un souci d'accroissement de la clarté et non d'une
répétition permanente des acquis non rectifiés. C'est ce
qui fait dire à Federigo que: «la physique au lieu
d'offrir une vérification plus précise de la mécanique
classique conduit plutôt à en corriger les
principes»9. La science est donc d'abord un esprit à
adopter; car au-delà de tout savoir acquis l'esprit humain doit pouvoir
élaborer des lois ou une théorie ; ainsi conduit, l'esprit humain
critiquée celui-ci a le pouvoir de récupérer une
théorie ; dûment critiquée10.
Certes, ce qui caractérise l'esprit scientifique dans
l'optique bachelardienne, c'est la complémentarité de la critique
et de la rectification. Ainsi, pour parvenir à l'esprit scientifique, il
est indispensable d'éliminer, de la connaissance, les projections
psychologiques, spontanées ou inconscientes. Dès lors, la
véritable psychologie de l'esprit scientifique sera bien près
d'être une psychologie normative, une pédagogie en rupture avec la
connaissance usuelle11.
6 Ibidem
7 BACHELARD, G., Le Nouvel esprit
scientifique. 9è éd, Paris, P.U.F. 1996 p. 125
8 Ibidem, p. 5
9 M.FEDERIGO, cité par BACHELARD, G., Le
Nouvel esprit scientifique,. p. 48
10 Ibidem
11 Ibidem, p.126
D'après Bachelard, dans la formation individuelle, un
esprit scientifique passerait nécessairement par les trois états
suivants, beaucoup plus précis et particuliers que les formes
contiennent :
A. L'état concret où l'esprit s'amuse
des premières images du phénomène et s'appuie sur une
littérature philosophique glorifiant la nature, chantant curieusement
à la fois l'unité du monde et sa riche diversité.
B. L'état concret-abstrait où l'esprit
adjoint à l'expérience physique des shemas
géométrique et s'appuie sur une philosophie de la
simplicité. L'esprit est encore dans une situation paradoxale : il est
autant plus sûr de son abstraction que cette abstraction est plus
clairement représentée par une intuition sensible.
C. L'état abstrait où l'esprit
entreprend des informations volontairement soustraites à l'intuition de
l'espace réel, volontairement détachées de
l'expérience immédiate et même en polémique ouverte
avec la réalité première, toujours impure, toujours
informe.
II.2. LE RATIONALISME
Dans son Vocabulaire technique et analytique de
l'épistémologie, Robert Nadeau définit le
rationalisme comme étant toute philosophie qui met en évidence le
rôle de la seule raison dans l'acquisition et la justification du
savoir12. Descartes, grâce à son doute
méthodique, affronte la dualité onto-cosmologique. Et, corrigeant
l'idéalisme platonicien avec l'intellectualisme aristotélicien,
il maintient la coexistence dans l'univers de substances pensantes et de celle
uniquement étendue c'est-à-dire des hommes et de l'espace. Son
épistémologie est dite rationaliste. Car, elle ne ramène
pas la réalité des choses aux idées, mais reconnaît
la part de l'intuitive de la raison dans la saisie des idées, qui sont
la seule chose de la pensée. Donc la certitude cognitive n'est possible
que moyennant le bon usage du bon sens. Cela commence par la «tabula
rasa» ou le doute.
Ce faisant, le rationalisme récuse toute connaissance
purement idéaliste à laquelle la perspective
heideggérienne semble s'attacher en affirmant que
12 NADEAU, R., Vocabulaire technique et analytique
de l'épistémologie. Paris P.U.F., 1999, p.585
l'homme«est la pensée se pensant elle-même
absolument... la subjectivité en tant qu'Ego Cogito est la conscience
qui représente quelque chose, rapporte en retour à
elle-même ce qui est représenté et aussi l'accueille chez
elle»13: Qui dit «la pensée se pensant», voit
l'homme en tant qu'un être de la pure raison. Mais, il sied et c'est
important d'énumérer à ce niveau quelques
déviationnismes causés par le rationalisme, notamment
l'anthropocentrisme et l'anti-théisme.
II.2.1. L'anthropocentrisme moderne
L'excès de rationalisme est évidemment à
l'origine de l'anthropocentrisme moderne. L'homme éprouve une nouvelle
conscience de lui-même; sa confiance en la seule capacité
intellectuelle de l'homme évacue toute énigme du monde.
L'exploration et la découverte de soi le conduit à affirmer une
nouvelle conscience de lui-même comme cogito tout transparent. Se
découvrant pour ainsi dire un sommet et une source même de la
lumière, il en vient à conclure qu'il a en main la clé de
l'existence, et la solution de tous les problèmes de l'univers et de
l'humanité.
II.2.2. L'anti-théisme illuministe
L'homme rationaliste ne cherche donc plus de dieu: il est Dieu
lui-même. Il refuse ce que certains auteurs appellent « la
troisième dimension ». La première étant celle de la
présence significative du corps, la deuxième étant celle
de l'âme, dont l'expression significative est la pensée. Ces deux
dimensions ne peuvent être rejetées car elles constituent les
dimensions qui touchent l'immanence de l'être. Personne ne peut les nier.
Le siècle des Lumières a éteint cette Lumière.
L'homme rationaliste s'est perdu dans l'obscurité des deux seules
premières dimensions. Son refus de l'Absolu, autre que la raison
humaine, le condamne à vivre dans une contingence qui l'étouffe,
le réduit et le fait vivre dans une profonde pauvreté de
l'esprit. L'homme rationaliste vit et meurt sans profondeur ni
déhiscence ou hauteur.
En effet, cette manière de penser le rationalisme comme
«doctrine d'après laquelle rien n'existe qui n'ait de raison
d'être de telle sorte qu'en droit, sinon en fait il n'est rien qui ne
soit intelligible»14, c'est-à-dire, tout ce qui existe
est objet de pensée,
sa raison c'est d'être matière de penser; et cela
date du temps de Platon et d'Aristote qui, si différents par ailleurs,
avaient en commun une conception radicale de ce rationalisme. Car les
idées avec Platon, les essences avec Aristote constituaient un monde
intelligible, intemporel auquel la raison avait accès par
nature15.
Mais Bachelard n'est pas un scientiste, il récuse toute
forme figée de la connaissance scientifique, appliquant cette
méthode théoriquement rationaliste, puisque ce que l'homme sait
sur le réel reste une connaissance fuyante. Et, de fait, «le
réel n'est jamais ce qu'on pouvait croire, mais il est ce qu'on
dût penser»16 ; autrement dit, le réalisme
scientifique n'est pas un naturalisme, et la raison, pour Bachelard, doit
nécessairement élucider notre expérience du réel en
un réalisme construit et réconstruisable.
II.3. LE REALISME
Comme courant philosophique, le réalisme a la
prétention selon laquelle les choses sont telles qu'elles nous
apparaissent ou telles que nous les percevons. Les idées que nous nous
en faisons correspondent ou non à leurs essences. Ainsi, nous pouvons
distinguer deux grands courants réalistes :
II.3.1. Le réalisme brut ou naïf
Celui-ci professe l'identité entre les idées et
les objets ou choses qu'elles remplacent dans l'esprit du sujet. C'est ce genre
de réalisme que nous trouvons chez Platon. Une telle conception ne fait
pas avancer la science car la connaissance scientifique se construit
laborieusement en déconstruisant les impressions ou perceptions
sensibles au moyen d'un certain raisonnement opératoire ; le savoir
épistémique n'est donc pas une intuition intellectuelle ou
rationnelle.
II.3.2. Le réalisme modéré ou
médiat
Courant pense au contraire que notre connaissance étant
intentionnelle, ne coïncide guère avec ce que sont les choses en
elle-même. Ce que nous savons des choses est donc relatif aussi bien
qu'à nos sens q'à la qualité perceptive des choses. Ainsi,
la perceptive réaliste modérée favorise le travail et le
progrès de la recherche
15 Ibidem. P. 684
16 BACHELARD, G., Formation de l'esprit
scientifique, p.43
scientifique et, le contenu d'un tel savoir sera toujours
relatif et non absolu, approximatif ou provisoire(non acquis une fois pour
toute). L'initiateur du réalisme modéré est Aristote dont
la de la connaissance fut amplement étudiée et discutée
par la philosophie médiévale particulièrement le
thomisme
Pour une connaissance vraie, le réalisme a
marqué plusieurs époques. Déjà dans la
période antique, pour ne parler que de cela, Platon y a fait allusion
dans sa démarche dialectique. Mais ce réalisme platonicien est
à saisir dans la sphère purement intellectuelle où les
idées sont plus réelles que les objets sensibles17.
Au temps moderne, cette conception du réalisme sera
plus en opposition avec l'intelligible dans sa considération comme
étant «une doctrine selon laquelle l'être est en nature,
autre chose que la pensée, et ne peut ni être tiré de la
pensée ni s'exprimer de façon exhaustive en terme logique».
Cette définition montre combien le fait, pour l'être, de
connaître et de se connaître comme un être connaissant, ne
relève pas de sa capacité de raisonner ni de penser, mais de
sentir, de percevoir. Ce qui fait que toute pensée à
caractère individuel saisit de façon intuitive le réel en
tant que distinct du moi18.
Pour Bachelard, le réalisme devient ce que la
pensée a pour l'objet. « Car ce qui est réel est rationnel
et ce qui est rationnel est réel »19 Par là, il
cesse d'être de même espèce que le réalisme
immédiat. Ainsi devient-il un lieu de lecture, de déchiffrage et
de contemplation de l'esprit humain dans son auto-organisation et il devient
aux yeux de Bachelard un champ d'investigation20
II.4. DU DETERMINISME ET DE L'INDETERMINISME
Les philosophies du matérialisme rationnel, pour
Bachelard, renferment un caractère qui est ambivalent dans ces deux
notions, du déterminisme et de l'indéterminisme, dans la mesure
où au -delà des objets observables, perçus, le réel
présente à la raison des éléments, mieux les
phénomènes, que la raison ne maîtrise pas.
17 PLATON ? Phédon. P.82
18 Ibidem, p.958
19 G.W.F., HEGEL, Principe de la philosophie du
droit. Paris, Gallimard, Coll. 1940, p.55
20 BACHELARD, G., Le Nouvel esprit
scientifique. p.7
Certes, puisque dans la science il y a les
phénomènes qui sont déterminés par la raison d'une
part et d'autre part des phénomènes imprévisibles dont la
raison ne justifie pas la manifestation: une hypothèse probable
constituerait une conciliation. Car «la science est un produit de l'esprit
humain, produit conforme aux lois de notre pensée et adapté au
monde extérieur. Elle offre donc deux aspects: l'un subjectif et l'autre
objectif; tous deux également nécessaires car il nous est aussi
impossible de changer quoi que ce soit aux lois de notre esprit qu'à
celles du monde»21.
Pour bien entrer en matière de cette mise en commun qui
marque la constitution objective de l'esprit dans son ascension en science
contemporaine, c'est mieux d'exposer ces deux notions, du déterminisme
et de l'indéterminisme.
II.4.1. Le déterminisme
La notion de déterminisme est formulée pour la
première fois au 17è siècle par Spinoza puis après
la science en a fait son affaire. Cette notion équivaut à celle
de prévisibilité de faits. . Il semble évident que tout
effet a une cause ; principe de raison suffisante. En découle une
croyance : les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et si la
notion de cause et celle de déterminisme ne peuvent être
confondues, le déterminisme semble aller de soi quand on accepte la
notion de causalité. Le déterminisme stipule qu'il n'y a pas
d'évènement sans cause et que les mêmes causes produisent
les mêmes effets. Dans le cas de la science moderne, le
déterminisme est un principe général de ladite science
selon lequel tout phénomène a sa cause (ou ses causes) et que les
mêmes causes génèrent rigoureusement les mêmes
effets. Suivant ce principe d'un enchaînement régulier, les lois
scientifiques établissent entre les faits, eux-mêmes
épurés d'un certain nombre de variables jugées
négligeables, des rapports constants, nécessaires, universels,
mesurables et dont la reproductibilité autorise la prévision.
L'idéal du déterminisme strict fut formulé par le
physicien Laplace (1749-1 827): si nous parvenions à une connaissance
totale d'un état donné de l'univers, nous pourrions en
déduire infailliblement ses états passés et futurs.
Aujourd'hui, le progrès des sciences leur permet d'appréhender
des phénomènes dont la complexité régulière
intègre du désordre, de l'aléatoire, de
l'incertain. La prévisibilité se calcule de
manière statistique ou probabiliste dans le champ des sciences humaines,
des phénomènes météorologiques ou de la physique
des particules (relations d'incertitude de Heisenberg). À
côté des lois déterministes naissent des lois
non-déterministes (structures dissipatives de Prigogine, théories
du chaos).
Pour Bachelard, cette conception permet aux physiciens de
prévoir rigoureusement que tel ou tel phénomène observable
aura lieu à telle époque postérieure. C'est le cas de
l'astronomie: «les phénomènes astronomiques
représentent en quelque sorte la forme la plus objective et la plus
étroitement déterminée des phénomènes
physiques»22. L'astronomie est donc la connaissance la plus
apte à donner à l'esprit scientifique. Cette affirmation pour
l'auteur est d'une importance capitale. Elle renferme l'idée selon
laquelle tel fait de la nature a une cause.
Pour ce, tout corps, qui se meut, dans l'espace
déterministe, a sans nul doute une cause première. Celle-ci meut
sans être mue, par exemple le soleil qui provoque la photosynthèse
et le métabolisme aux plantes mais ne change pas.
Selon Bachelard, ce déterminisme dont l'effet est la
conclusion d'un raisonnement, la cause, la prémisse nécessaire
dont l'existence de l'effet suppose celle de la cause, et dont la vision
inversait les rôles en disant que la cause entraînait toujours
l'effet, est fruit d'un manque d'attention des Philosophes: car, dit-il, «
l'origine astronomique du déterminisme nous parait expliquer la longue
négligence des philosophes pour les problèmes relatifs aux
perturbations, aux erreurs, aux incertitudes dans l'étude des
phénomènes physiques »23.
C'est que pour Bachelard, il y a certains
phénomènes physiques qui échappent au principe
déterministe où les mêmes causes produisent les mêmes
effets. Il s'avère, en effet, que lorsqu'on touche au monde de quanta,
c'est-à-dire monde d'énergie et du mouvement, l'observation
perturbe gravement l'état du système considéré, si
bien que l'on ne peut pas connaître à la fois et avec
précision totale la vitesse et la position d'une particule.
Cette notion du déterminisme concerne aussi les actions
humaines. Elle détermine le comportement humain étant
donné que l'agir de l'homme doit procéder
22 BACHELARD, G., Le Nouvel esprit
scientifique, p. 100
23 Ibidem, p. 101
de l'action voulue ou non voulue des facteurs sociaux. Ainsi,
la liberté de l'homme devient déterminée. Et elle cesse
d'être totale, absolue comme le préconisait Jean- Paul Sartre par
exemple.
Cependant, dans l'étude des phénomènes
physiques, on note qu'il y a émergence de certains faits inattendus.
Cela conduit la science moderne à promouvoir le droit de cité
à l'indéterminisme, quand on sait qu'une partie du réel
échappe au jeu des lois
naturelles. li y a donc de
l'incontrôlable et/ou de l'erreur qui demeure
imprévisible24.
Par ailleurs, cette prise de conscience des erreurs pour
l'historien des sciences, montre la façon dont l'esprit humain doit
avoir procédé, c'est-à-dire que grâce à
l'erreur on peut atteindre la vérité. En rectifiant l'erreur on
peut établir une nouvelle vérité. La rectification,
s'entend alors, procède du nouvel esprit scientifique.
II.4.2. L'indéterminisme
A en croire Bachelard, l'incapacité du
déterminisme à pouvoir repérer des
phénomènes imprévisibles, est la cause d'une nouvelle
psychologie scientifique. Cette nouvelle psychologie est nommée
«indéterminisme».
Elle se manifeste à l'esprit humain lorsqu'il y a un
comportement purement imprévisible lors d'une expérience du
laboratoire, ou comme le souligne Bachelard: «...en partant de la
considération des phénomènes désordonnés le
savant a eu la surprise de voir s'imposer à lui, le même
déterminisme d'ensemble, fondé sur des permanences plus ou moins
exactes, mais dont l'existence est cependant
assurée»25.
En effet, ce texte relate combien les faits scientifiques sont
têtus, désobéissants à toute soumission aux
règles établies par la raison. Cela revient à affirmer
qu'il échoit lors de I' expérimentation, de vérification
de faits, que le vérificateur aboutisse à d'autres
résultats souvent inattendus, incertains. Le résultat en effet,
est imprévisible, mais il n'y a pas absence des causes
déterminantes. Car,
ce résultat est fonction d'une foule de conditions qui,
avec Bachelard, nous paraissent à l'instant moins importantes pour en
faire mention.
Mais ce qui retient notre attention, c'est que
l'indéterminisme n'est pas propriété de la nature. Il est
une impuissance de l'homme à prévoir. Car l'esprit humain
«ne sait rien.. .sur l'atome qui n'est pris que comme le sujet du verbe
rebondir dans la théorie cinétique de gaz..., ne sait rien sur le
temps où s'accomplit le phénomène du choc, comment le
phénomène élémentaire serait-il prévisible,
alors qu'il n'est pas visible, c'est-à-dire susceptible d'une
description précise?»26.
D'après Bachelard, ces phénomènes
imprévisibles ont un caractère autonome et indépendant,
contrairement aux phénomènes déterministes où
chaque cause produit un fait, un effet bien précis. Ainsi, la
connaissance probable à ce sujet, Bachelard la pose comme
conséquence de l'ambivalence du déterminisme et de
l'indéterminisme. Pour lui, cette notion vaut pour la pensée
scientifique contemporaine pour autant qu'elle occasionne une liaison
probabilitaire entre les phénomènes déterministes et
indéterministes27. Donc, pour ce philosophe unificateur du
percevoir et du raisonner dans l'expérience, la science met en commun
des faits prévisibles et des faits imprévisibles ; est
incontournablement souhaitable pour l'objectivité scientifique.
II.5. CONCLUSION DU CHAPITRE
Notre deuxième chapitre a consisté à
traiter le problème des concepts ayant traits à la science en
tant qu'un savoir méthodiquement fondé, en partant des
définitions de quelques dictionnaires et quelques recueils de
vocabulaire de l'épistémologie. Ensuite nous avons essayé
de voir ces mêmes concepts dans le contexte de Gaston Bachelard.
D'après notre auteur, la connaissance des ces concepts
est indispensable pour un esprit qui se veut scientifique, mais c'est dans
l'application combinée de raisonnement et de l'expérimentation
que réside le « succès » de la recherche objective, une
dynamique de l'approximation valable chaque fois dans des champs «
régionalement » ciblés.
26 BACHELARD, G. , Le Nouvel esprit
scientifique, p.14
27 Ibidem, p.144
CHAPITRE TROISIEME:
L'ESPRIT OBJECTIF : LIEU D'EMERGENCE DE
L'ESPRIT SCIENTIFIQUE
III.0. INTRODUCTION
Dans ce troisième chapitre nous analyserons avec
Bachelard les concepts, comme «objectivité»,
«victoire sur les obstacles»,
«négation dynamisante»,
«dialectique bachelardienne», nous y verrons que
l'esprit scientifique reste un esprit complexe.
III.I. OBJECTIVITE .
Le concept «objectivité»,
épistémologiquement parlant, présente à l'esprit
d'énormes risques quant à son usage. Il conduit l'esprit à
une perdition souvent sémantique et épistémologique.
Si nous ajoutons l'épithète
scientifique à l'objectivité, elle aura comme
signification une construction de la communauté des scientifiques. En
effet, un énoncé acquiert son statut scientifique lorsque de
manière consentielle, la communauté des chercheurs le
reconnaît comme tel. On le voit c'est le consensus qui se dégage
ainsi au sein de cette communauté qui confère la
scientificité et par voies des conséquences la
véracité à une énoncé. C'est donc dire qu'il
y a la présence indubitable de l'élément irrationnel dans
le processus scientifique.
D'après l'auteur, bien que l'étymologie du terme
«objectivité» renvoie à l'objet, l'usage ordinaire le
réfère au sujet. On dira par exemple; un constat objectif, un
jugement objectif, une quête objective. Tout ceci fait penser à
une manière indépendante des états d'âmes, de
caprices individuels. Cependant, il se fait qu'au cours des âges à
cause de la distinction kantienne du «noumène» et du
«phénomène», cette notion
d'objectivité deviendra bipolaire: elle renferme dans l'optique
contemporaine la notion d'une intersubjectivité, notion selon laquelle
tous «les sujets tombent d'accord sur une affirmation qui se
prétend intersubjective d'une part, et d'autre part, la notion de
l'objectivité comme référence aux
objets».28
Chaque science affirme de ne pas être un discours mais
une quête qui se limite à un domaine d'objets
déterminés. Cette position contemporaine nous amène
à l'idée selon laquelle, la science découpe dans la nature
selon un point de vue qui est particulier et le domaine d'objet qui lui est
spécifique.
Cela étant, et partant d'une telle vision, Bachelard
pense que cette acceptation du concept «objectivité», lieu
d'émergence de l'esprit scientifique, comme référence aux
objets auxquels la science découvrait une entité du réel
afin d'en faire l'objet spécifique d'étude, semble paraître
moins éducative pour l'homme des sciences. Ainsi, il fait remarquer qu'
«il faut accepter pour l'épistémologie, le postulat suivant:
l'objet ne saurait être désigné comme un
«objectif» immédiat, autrement dit, une marche vers l'objet
n'est pas initialement objective»29. Ce concept
«objectif» implique la saisie directe d'un objet et que cet objet se
présente à l'esprit, sans la moindre désignation
quelconque.
Dès lors, il s'avère dans l'ordre
d'appréciation que nos jugements sur un objet ne sont que des jugements
empiriques, des jugements d'une saisie immédiate du réel. Car
note Bachelard «l'objectivité n'est possible que si l'on a d'abord
rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé la séduction
du premier choix»30. Ceci revient à dire que, l'esprit
dans sa rencontre avec les données du réel est illustré
comme une entité du réel. Car c'est au niveau du pur psychique de
la connaissance que Bachelard situe sa réflexion
épistémologique. Cet esprit doit exercer une véritable
catharsis intellectuelle, une véritable coupure
épistémologique selon l'expression de l'auteur.
Dans ce même ordre d'idée, Bachelard pense que
«la connaissance du réel est une lumière qui projette
toujours quelque part des ombres; ainsi toutes les révélations du
réel doivent être récurrentes»31. En
d'autres termes, écrit l'auteur, «l'objet scientifique ne saurait
être signé comme objectif immédiat proprement dit, une
marche scientifique vers l'objet n'est pas initialement objectif; il faut
donc
28 KANT, E., cité par BACHELARD, G., La
Formation de l'esprit scientifique, p.102
29 BACHELARD, G., Epistemologie , p.122
30 Ibidem, p.123
31 BACHELARD, G., Le nouvel esprit
scientifique, p.14
accepter une véritable rupture entre la connaissance
sensible et la connaissance scientifique»32. Et il poursuit:
«le rapport entre la théorie et l'expérience sont si
étroit qu'aucune méthode soit expérimentale, soit
rationnelle n'est assurée de se garder en honneur».33
Car, l'objet du réel qui est comme première expérience,
présente toujours à l'esprit scientifique un mode de
résistance dont Bachelard analyse les articulations à travers la
notion d»obstacles épistémologiques», obstacles que
l'esprit doit vaincre pour se réaliser pleinement comme esprit
objectif.
III.2. VICTOIRE SUR LES OBSTACLES
Qu'est-ce qu'un obstacle épistémologique? On a
souvent présenté le passage de la connaissance naïve aux
sciences les plus élaborées comme une sorte de progrès
continu, fait d'approfondissement progressif, d'accumulation des savoirs : on
parle de progrès des sciences de cette façon. Bachelard veut
montrer qu'on ne connaît que contre une connaissance antérieure.
Passer au stade de la science, ce n'est pas simplement approfondir, être
plus précis, plus rigoureux, c'est rompre avec toute une tradition de
préjugés et d'habitudes mentales : "Accéder à
la science, c'est, spirituellement, rajeunir, c'est accepter une
mutation brusque qui doit contredire un passé."34 Il
faut donc lutter contre les obstacles épistémologiques, les
obstacles à la science, inhérents à l'acte même de
connaître.
III.2.1 Un aperçu sur les obstacles
épistémologiques selon Gaston Bachelard
a) l'expérience
première.
"La première expérience ou, pour parler plus
exactement, l'observation première est toujours un premier obstacle pour
la culture scientifique. En effet, cette observation première se
présente avec un luxe d'images; elle est pittoresque, concrète,
naturelle, facile. Il n'y a qu'à la décrire et à
s'émerveiller. On croit alors la comprendre. Nous commencerons notre
enquête en caractérisant cet obstacle et en
32 Idem, La formation de l'esprit
scientifique, p.235
33 Idem, Le nouvel esprit t scientifique,
p.13
34 BACHELARD, G., La formation de l'esprit
scientifique, p. 14
montrant qu'il y a rupture et non pas continuité entre
l'observation et l'expérimentation."35
L'expérience première est curieuse ( goût
du spectaculaire), enracinée dans la vie quotidienne et ses
préoccupations; elle pratique l'extension des concepts ( on veut
appliquer aux phénomènes b, c, d ce qu'on croit connaître
du phénomène a) au lieu de choisir la rigoureuse
compréhension du concept (enrichissement d'une question
particulière, approfondissement, expérimentation); elle aime la
variété colorée alors que la science exige la variation
(modification des paramètres pour expérimenter).
Bachelard donne l'exemple des livres "scientifiques" du
XVIIIè siècle qui , par exemple, s'interrogeant sur la cause du
tonnerre, en viennent à parler au lecteur de la crainte du tonnerre,
cherchant à rassurer, analysant les différents types de
crainte,etc.
b) la connaissance
générale.
Nous avons déjà signalé le danger de
l'extension des concepts. IL y a en effet un risque de
généralisation hâtive, qui séduit et satisfait
l'intelligence naïve. De telles généralisations bloquent la
pensée; l'expérience perd son aiguillon quand les concepts sont
sclérosés, on en vient à mépriser le détail,
la précision, la rigueur empirique, on ne sait pas "déformer les
concepts" (c'est-à-dire les confronter à
l'expérimentation, les modifier, les compliquer sainement).
Bachelard donne l'exemple de la coagulation. Au XVIIè
siècle, la coagulation est chez certains un concept
général qui permet de regrouper les phénomènes les
plus divers : le lait qui caille, le sang, le fiel, les graisses, la
solidification des métaux, la congélation de l'eau,etc. Cette
extension maxima du concept, manifestement abusive, imperméable à
la véritable expérimentation et à la pensée
mathématique, est la source des erreurs les plus grossières." Une
connaissance qui manque de précision ou, pour mieux dire, une
connaissance qui n'est pas donnée avec ses conditions de
détermination n'est pas une connaissance scientifique. Une connaissance
générale est presque fatalement une connaissance vague."
35BACHELARD, G., Le nouvel esprit
scientifique, p. 19
c) L'extension abusive des images
familières.
La pensée scientifique contemporaine utilise parfois
des images, des métaphores, des comparaisons, mais toujours après
l'élaboration rigoureuse de la théorie. La pensée
préscientifique les utilise avant et l'image n'est plus simplement
image, elle prétend être explicative.
d) la connaissance unitaire et pragmatique.
Bachelard regroupe au chapitre 5 deux obstacles
épistémologiques qui ne sont pas de même nature:- La
connaissance unitaire : Il s'agit du 2ème obstacle (déjà
vu) étendu à une vision générale du monde : "Toutes
les difficultés se résolvent devant une vision
générale du monde, par simple référence à un
principe général de la Nature. C'est ainsi qu'au XVIIIè
siècle, l'idée d'une Nature homogène, harmonique,
tutélaire efface toutes les singularités, toutes les
contradictions, toutes les hostilités de l'expérience".Ce
obstacle concerne bien évidemment la période
préscientifique où sciences, métaphysique et religion ne
sont pas encore bien distinguées. Le ton des auteurs est grandiloquent,
les sujets sont valorisés (jugements de valeur : par exemple sur le
degré de perfection de l'objet (!).Un auteur se refuse à
établir un rapport entre les bois pourris qui brillent par
phosphorescence et les nobles et pures étoiles (!).). Le besoin
d'unité est permanent: on cherche en quelque sorte l'idée
"philosophale" qui expliquerait le monde.
- La connaissance pragmatique : il faut que le vrai soit
l'utile : "Dans tous lesphénomènes, on cherche l'utilité
tout humaine, non seulement pour l'avantage positif qu'elle peut procurer, mais
comme principe d'explication. Trouver une utilité, c'est trouver une
raison." Il faudrait donc faire une psychanalyse de la connaissance objective
pour qu'elle puisse rompre avec les considérations pragmatiques.
e) L'obstacle substantialiste.
Pour comprendre cet obstacle, il faut comprendre ce que
certains auteurs ont entendu par substance. Quand Descartes dit : "je suis une
substance pensante", il veut dire que, quelles que soient mes façons
(modes) de penser (imaginer, réfléchir, me souvenir,etc), qui
sont diverses et qui varient, quelque chose demeure identique,
un substrat, un noyau qu'on appelle la substance. Si vous
voulez un autre exemple, vous croyez certainement (à tort selon le
philosophe anglais Hume) que malgré les changements physiques,
psychologiques que vous connaissez dans votre existence, quelque chose demeure,
ce que vous appelez "moi", moi hier, moi aujourd'hui, moi demain. Bref, vous
croyez que votre moi est une substance.Quand nous parlons des
phénomènes naturels, au lieu d'y voir sainement des rapports
mathématisables, nous risquons de substantialiser : par exemple, quand
nous disons que le ciel est bleu, nous croyons que quelque chose demeure,
malgré les modifications, une substance, que nous appelons le ciel. On
commence à comprendre ce que peut être l'obstacle substantialiste.
Les hommes auront tendance, à l'époque préscientifique (et
c'est encore vrai de la plupart des non scientifiques), à
considérer le monde comme un ensemble de substances ayant diverses
qualités. Ainsi, les premiers électriciens (c'est ainsi que se
nommaient les premiers chercheurs dans le domaine électrique)
considéraient le "fluide électrique" comme une substance
possédant certaines qualités. Comme la poussière "colle"
(!!) à une paroi électrisée, on parlait de "qualité
glutineuse" (!) de la "substance électrique". A partir de cette
substantialisation, on devient peu à peu imperméable aux
démentis de l'expérience. Certains électriciens se livrent
alors à des expériences dont les interprétations sont tout
à fait surprenantes: on imagine par exemple que la "substance
électrique" doit nécessairement s'imprégner des substances
qu'elle traverse : la substance électrique qui a traversé l'urine
a un goût âcre (!), pour le lait, un goût doux, pour le vin,
un goût acidulé,etc.Il faut rappeler que la science travaille sur
du quantitatif (on mathématise des relations) non sur du substantiel et
du qualitatif.Il faudra donc surmonter cet obstacle.On peut rappeler aussi que
le substantialisme aime à penser que la substance est dissimulée,
à l'intérieur, cachée au regard par une enveloppe et qu'il
faut une "clé" pour atteindre le noyau authentique : voir à cet
égard l'alchimie.
f) L'obstacle animiste.
Cet obstacle repose sur la valorisation de la vie (le latin
anima, quel que soit son sens - air, souffle, âme - est toujours
lié à l'idée de vie; animo signifie souffler, emplir
d'air, mais aussi donner la vie). A partir de la division en trois
règnes, végétal, minéral, animal, cet obstacle
consiste à appeler au secours de la chimie et de la physique la biologie
naissante, bref à faire du vivant un principe universel
d'explication. On attribue la vie aux minéraux, on
parle de leurs maladies, de leurs organes, de leurs veines et artères.
On introduit chez les minéraux l'idée de fécondation, de
gestation,etc.
A la fin du XVIIIè siècle, les mêmes
affirmations sont encore possibles. En 1782, Pott relate plusieurs cas de
fécondité minérale : "Tous ces faits, dit-il, prouvent la
reproduction successive des métaux, en sorte que les filons qui ont
été exploités anciennement peuvent, au bout d'un certain
temps, se trouver de nouveau de matières métalliques". Crosset de
la Heaumerie rapporte que, dans certains pays, on répand dans la mine
usée "des cassures ou des limures de fer", bref, on sème du fer.
Après cette semaille, on attend quinze ans puis "à la fin de ce
temps on en tire une très grande quantité de
fer(...)."36(p.158)
g) L'obstacle de la libido
Tout ce qui a précédé a
suggéré au lecteur la présence de la libido: la
volonté de puissance chez l'élève, la mine féconde,
l'intimité voilée de la substance,etc. Il semble que cet obstacle
relève d'une véritable psychanalyse de l'inconscient et des
rêveries du scientifique qui risque toujours de projeter ses
désirs sexuels sur l'objet de se recherche. On peut citer ce texte
proposé par Bachelard:
- ex.1: la sexualité minérale
"Quant à la distinction des sexes qu'on n'a pas encore
reconnue dans les métaux, nous avons assez d'exemples qui prouvent
qu'elle n'est point absolument nécessaire pour la
génération; et en particulier les fossiles pourraient se
régénérer par leurs parties cassées, brisées
et détachées, toutefois il ne faut pas désespérer
qu'on ne parvienne à distinguer un jour de l'or mâle et de l'or
femelle, des diamants mâles et des diamants femelles."37
36 BACHELARD, G ., Le nouvel esprit
scientifique, p. 158
37 Robinet: De la nature 1766 - cité par Bachelard
dans: La formation de l'esprit scientifique - Vrin p. 191
h) la connaissance quantitative.
Cet obstacle peut nous étonner. Nous avons
déjà dit que la connaissance par substances et qualités
était un obstacle épistémologique. Il faut donc, pour
faire de la science, mesurer, quantifier, mathématiser, passer de la
qualité à la quantité, ce qui correspond au passage de la
subjectivité à l'objectivité. Mais Bachelard
précise que la grandeur n'est pas automatiquement objective et que s'il
est légitime de faire la critique d'un mathématisme trop vague
(voir par exemple la physique de Descartes), on doit aussi se méfier
d'un mathématisme excessif, trop précis. L'excès de
précision peut devenir un défaut : dès que les relations
étudiées sont nombreuses, les approximations sont une
nécessité méthodologique. Il y a, dans la période
préscientifique, un excès tout gratuit de précision : "Par
exemple, Buffon arriva "à ces conclusions qu'il y avait 74.832 ans que
la Terre avait été détachée du soleil par le choc
d'une comète; et que dans 93.291 années elle serait tellement
refroidie que la vie n'y serait plus possible". Cette prédiction ultra
précise du calcul est d'autant plus frappante que les lois physiques qui
lui servent de base sont plus vagues et plus particulières."
Les obstacles épistémologiques sont à
comprendre comme un ensemble des éléments socio-culturels,
psychologiques qui deviennent comme des bases sur lesquelles s'édifie
notre savoir d'orientation, notre contact avec les objets. A ce propos
Bachelard affirme que «quand on cherche les conditions psychologiques de
progrès de la science, on arrive bien à cette conviction que
c'est en terme d'obstacle qu'il faut poser le problème de la
connaissance scientifique»38.
Cela revient à dire, selon Bachelard que, ces obstacles
s'avèrent d'une importance capitale. Car, c'est seulement en ces termes
qu'il faut parler du progrès, d'une obtention de connaissance
scientifique. Connaissance par laquelle l'esprit requiert des informations
rectifiées de l'espace réel détachées de
l'expérience immédiate.
Par ailleurs, c'est dans l'optique purement intellectuelle
qu'il faut poser le problème des obstacles pour autant qu'ils servent
des bases existentielles aidant
l'esprit à se démarquer de la doxa afin de se
libérer pour une connaissance objective. A cet effet, une coupure est
exigée.
Alors que Descartes explique comment l'erreur est impossible,
Bachelard la croit, non par le fait de ce qui est extérieur à la
connaissance, mais par l'acte même de la connaissance. Ces erreurs
nécessitent une rectification qui soit récurrente; et cette
rectification est réorganisation du savoir à partir des bases qui
sont des erreurs. Car, pour lui, l'esprit humain accède à la
science avec ses défauts philosophiques. Il faut donc une remise en
question des ces données philosophiques.39
Pour ce, toute connaissance doit subir une transformation
rectifiante, reconstruisant. C'est là la fonction de l'esprit. Car pour
Bachelard, la raison dans sa contemplation du réel doit se renouveler
d'elle-même par le biais de la rectification. Cette rectification est
comprise comme une clé de voûte, et suppose au préalable
une primitivité de l'erreur.
Elle soumet la connaissance humaine à un continuel
perfectionnement. Tout en restant dans cette même optique, Bachelard va
suggérer la compréhension du nouvel esprit scientifique comme une
conversion des structures de connaissance présupposées. Cette
structure, Bachelard la nomme «rectification», «correction»
des erreurs premières avec lesquelles l'esprit arrive à la
science. C'est seulement après cette victoire, que l'esprit pourra faire
son ascension vers un monde objectif. Ainsi l'esprit scientifique se
manifestera par une volonté de puissance en vainquant et en surmontant
tout ce qui relève de tout obscurantisme culturel, traditionnel, qui va
à l'encontre de son idéal, et qui entrave et/ou alourdit sa
marche.
III.3. LA NEGATION DYNAMISANTE
Bachelard postule à propos de cette négation
comme une issue, un «non» qui ne correspond pas dans sa
première considération comme une simple rupture ou un simple
refus d'idées, li s'agit d'un «non» qui permet une
génération dialectique, une négation qui inclue ce qu'elle
nie. Car «de même que toutes les connaissances s'enchaînent de
même toutes les non connaissances s'enchaînent aussi. Qui peut
créer une science, doit aussi pouvoir créer un non science...; le
maître doit pouvoir
produire de la science et de I'ignorance»40.
Cette citation nous met d'emblée, en face d'une négation
dynamisante, négation qui se veut positive, qui implique une dialectique
qui enveloppe et qui généralise.
C'est de la maîtrise de cette négation
dynamisante que l'esprit pourra vaincre toute tendance animiste et tout
substantialisme pour une vraie connaissance objective. Dans cette même
optique de la négation généralisante, l'homme en posant
l'existence d'un type de phénomène totalement nouveau, doit
s'adonner à un problème de ce type en élucidant la
pensée scientifique dans laquelle il a été formé
plutôt que de la rompre.
Toutefois, cette idée d'une négation qui se
dynamise et s'auto-affirme par son acte de nier, nous la trouvons aussi chez
Kuhn, dans sa considération du philosophe comme celui qui se veut
traditionaliste et innovateur. C'est cela pour nous pense t-il, une chance,
«...d'exploiter pleinement notre talent scientifique, potentiel, si nous
admettons que, dans une large mesure, le chercheur en science fondamentale doit
aussi être traditionaliste».41
III.4. LA DIALECTIQUE BACHELARDIENNE
Le concept «dialectique», ou mieux, sa pratique,
remonte à Héraclite qui affirme que tout coule, que tout change
et qu'il y a une stabilité au sein même du changement. Platon va
utiliser la dialectique pour expliquer son système de «deux
monde». A l'époque moderne, Hegel la présente comme une
méthode»triadique». Elle s'articule en trois moments,à
savoir: thèse, antithèse, synthèse. Chez Marx, cette
trilogie dialectique a d'autres substantifs, à savoir: affirmation,
négation, et négation de la négation. Cela veut dire
à la fois supprimer et conserver.
La dialectique dans sa forme moderne devient la base de tout
développement incessant, auquel on ne peut assigner aucune limite,
aucune réalité déterminée. Elle demeure en
définitive un raisonnement procédant à I' inverse de la
logique classique, fondée sur la non contradiction42.
40 BACHELARD, G., La philosophie du non.
Paris, Gallimard, 1990, p.137
41 KHUN, T., La tension essentielle,
traditionnelle et changement dans les sciences, p. 319
42 FOULQUIE, La dialectique, p.45
Chez Bachelard, la dialectique dans sa forme moderne est
acceptée, mais elle est intégrée dans une structure
à grande extension. Elle devient le lieu de
complémentarité, et de coordination des concepts. Pour qui se
refuse à comprendre aventureusement les milles et une acceptions d'un
terme devenu aujourd'hui à tout faire, «la dialectique selon
Bachelard, écrit Canguilhem, désigne une conscience de
complémentarité et de coordination des concepts dont la condition
logique n'est pas le moteur»43.
La dialectique Bachelardienne, en effet se veut une
dialectique scientifique. Car, les conditions naissent non des concepts, mais
de l'usage inconditionnel des concepts à structure conditionnelle. Par
conséquent, il s'avère d'une importance
épistémologique que le progrès dialectique consiste non
pas à rejeter la conception antérieure, mais à
l'intégrer dans une nouvelle conception44. Sans doute pour
Bachelard «il n'y a pas développement des anciennes doctrines vers
les nouvelles, mais bien plutôt enveloppement des anciennes
pensées par les nouvelles...de la pensée non newtonienne à
la pensée newtonienne, il n'y a non plus contradiction, il y a seulement
contraction»45.
Chez Bachelard, la question ou l'essence de la dialectique se
pose en termes de révision et non en termes de négation ou
d'antithèse. Il s'agit de réviser dans le sens de corriger un
jugement. Cette révision ne se fait pas au hasard, elle ne compromet pas
non plus l'acquis. Celle-ci reste plutôt valable dans ce qui était
déjà son domaine de validité. Ainsi, l'apport de la
dialectique Bachelardienne, c'est qu'elle ouvre l'esprit à
l'infinité des combinaisons possibles. Car selon lui, la connaissance
scientifique suppose toujours la reforme d'une illusion. Bachelard reforme ou
élargie ainsi le cadre dialectique.
III.5. LA COMPLEXITE ESSENTIELLE DE L'ESPRIT
SCIENTIFIQUE
En tant qu'entreprise humaine, la science, pour Bachelard,
implique des aspects et des composantes qui sont rationnels et réels. A
ce titre, interpréter la science comme une activité du type
purement rationnel ou purement réel est erroné.
43 CANGUILHEM, Etude d'histoire de la philosophie
des sciences, p.136
44 Ibidem
45 BACHELARD, G., Le nouvel esprit
scientifique, p.58
Car la littérature des dernières années
s'est caractérisée par la prédominance d'une vision
complètement complexe de la science.
Celle-ci a trouvé un cadre d'expansion dans une vision
de valorisation de la science. C'est cet accent mis sur le complexe, pense
Bachelard, qui «est une réaction compréhensible contre la
forte accentuation du rôle, soit d'individu, soit de la
nature»46.
En effet, la réalité est immédiate si
elle ne comporte aucune détermination à l'intérieure
d'elle-même, et n'entretient aucun rapport avec autre chose. Il en est de
même d'un»savoir immédiat» celui de la culture, Il ne
peut pas subsister seul; car c'est à la réalité qui a
besoin d'être comprise, que Bachelard veut appliquer la raison. Ce
dernier, objecte à ceux qui voudraient séparer le raisonnement et
le donné de la nature: rationalisme et réalisme.
Cependant, Bachelard pense qu'au tout premier contact de
l'homme avec le phénomène (culturel, religieux, psychologique
etc...) la première réaction est de savoir qu'il se trouve devant
un obstacle suite aux diversités des choses influençant soit
notre entendement, soit le sens. C'est seulement grâce à une
activité de l'esprit qui est entièrement constructive, qu'on
arrive à la science objective.
Nonobstant, Bachelard précise aussitôt que le
savoir immédiat suppose, une démarche complexe d'esprit passant
d'un terme à un autre. Car la connaissance spontanée de la nature
implique un mouvement de la pensée allant du connu à l'inconnu;
cela veut signifier comme le dit Bachelard lui-même que «... tout
homme dans son effort de culture scientifique s'appuie non pas sur une, mais
bien sur deux métaphysiques et que ces deux métaphysiques
naturelles et convaincantes.. .sont contradictoires. Pour leur donner
rapidement un nom provisoire, désignons ces deux attitudes
philosophiques fondamentales tranquillement associées dans un esprit
moderne, sous les étiquettes de rationalisme et de
réalisme»47.
De cette citation ressort l'idée selon laquelle,
Bachelard nous fait savoir que le progrès de la science, nous en sommes
convaincu, n'est plus une opération de la rêverie, mais il est
réel et concret.
Par conséquent, entre le réalisme et le
rationalisme ni l'un, ni l'autre isolement ne suffit à constituer la
preuve scientifique. C'est à dire qu'il y a une relation bipolaire
très étroite entre la raison et l'expérience48.
Toute fois, pense Bachelard, la connaissance du réel reste toujours
à désirer et projette des ombres qui nécessitent une
élucidation; et cette prise de conscience conduit Bachelard à
conclure que, «pour la philosophie scientifique, il n'y a ni
réalisme ni rationalisme absolu et qu'il ne faut pas partir d'une
attitude philosophique en général pour juger la pensée
scientifique. Car cette dernière conduira à subsister aux
métaphysiques intuitives et immédiates, les métaphysiques
discursives objectivement rectifiées»49.
Cependant, la philosophie du nom dans cette relation du
réalisme et du rationalisme est non attitude de refus, mais une attitude
de conciliation. Elle n'est pas non plus psychologiquement un
négativisme ni ne conduit en face de la nature à un nihilisme, au
contraire elle procède en nous et hors de nous d'une activité
constructive.
Car «bien penser le réel, nous relate Bachelard,
c'est profiter de ses ambiguïtés pour modifier et altérer la
pensée. Dialectiser la pensée c'est augmenter la garantie de
créer scientifiquement des phénomènes complets, de
régénérer toutes les variables
dégénérés ou étouffées que la
science.. .avait négligées dans sa première
étude»50. Car la raison se développe dans le sens
d'une complexité croissante.
Mais pour la critique de Bachelard, il s'agit de
démontrer l'inexistence de natures simples, de substances simples, des
idées simples. Mais «en réalité il n'y a pas de
phénomènes simples, le phénomène est un tissus de
relation; il n'y a pas de nature simple, de substance simple, la substance est
une contexture d'attributs. IL n'y a pas d'idée simples parce qu'une
idée simple...doit être insérée pour être
comprise dans un système complexe de pensées et
d'expériences»51.
De cette citation, nous retenons l'affirmation selon laquelle,
c'est du complexe qu'il faut poser le problème dans la science
contemporaine. Car la compréhension du simple nécessite une
saisie épistémologique du complexe.
48 BACHELARD, G., op-cit, p.98
49 BACHELARD, G., Le nouvel esprit
scientifique, p.2
50 Idem., La philosophie du non, p.58
51 idem., Le nouvel esprit scientifique,
p.148
38 III.6. CONCLUSION DU CHAPITRE
Tout au long de ce troisième chapitre, nous avons
essayé de décortiquer les concepts et les expressions comme
«objectivité », victoire sur les obstacles », «
négation dynamisante » et « dialectique bachelardienne ».
Après avoir analysé ces concepts et ces expressions, nous nous
sommes rendu compte que l'esprit scientifique reste un esprit complexe,
difficile à saisir.
CONCLUSION GENERALE
. La recherche scientifique est une démarche qui requiert
un esprit spécial pour
accéder à l'objectivité. Après
avoir présenté tour à tour le passage de la conaissance
commune au nouvel esprit scientifique, la quintessence de la recherche
scientifique et les étapes d'élaboration de l'objectivité
en science, il sied de présenter en les recapitulants les resultats de
notre analyse
L'esprit scientifique, que nous propose Bachelard, est celui
qui conduit à l'épistème, la science, ou connaissance
méthodiquement fondée. L'esprit scientifique se veut critique et
rationaliste, il fait du chercheur un ascétique de la
rationalité, procédant en dépassant la dimension critique
pour la dimension créative. Mais celle- ci suppose la
«rectification». L'esprit scientifique procède par la
complémentarité de la critique et de la rectification. Et c'est
cette complémentarité, comme esprit synthétique, qui
constitue le nouvel esprit scientifique.
Pour Bachelard, le réel reste une connaissance fuyante.
La raison doit l'élucider en dépassant le réalisme
immédiat, le réalisme étant entendu comme un lieu de
lecture et un «champ d'investigation». Dans ce champ, l'erreur ou le
phénomène imprévisible qui se rencontre au cours de
l'expérience, démontre les limites du déterminisme, et
corrobore l'indéterminisme. Mais l'indéterminisme ne nie pas, et
ne supprime pas l'existence des causes déterminantes. Alors Bachelard,
fait dire selon le nouvel esprit scientifique, que la mise en commun des faits
prévisibles et des faits imprévisibles, est incontournable. Elle
permettra la connaissance probable, connaissance intermédiaire reliant
le déterminisme et l'indéterminisme. Cette mise en commun est
l'exigence de l'esprit objectif.
L'objectivité pour l'auteur, est un lieu
d'émergence de l'esprit scientifique. Elle suppose que l'on a rompu avec
l'objet immédiat et que l'on a refusé la séduction du
premier choix. Cela revient à dire, qu'il faut accepter la rupture entre
la connaissance sensible et la connaissance scientifique. Par cette rupture, on
arrivera à dépasser les «obstacles», à se
démarquer de la doxa pour une connaissance objective. Pour ce, toute
connaissance doit subir une transformation rectifiante, reconstruisante.
Bachelard suggère alors la compréhension du nouvel esprit
scientifique, comme une conversion des structures de connaissance
présupposées: il s'agit de «rectification»,
«correction» des erreurs premières. L'esprit
scientifique se manifeste en vainquant, ou en surmontant ces erreurs. A ces
erreurs, qui entravent la clarté cognitive ou vont à l'encontre
de l'esprit scientifique on oppose un «non», une
«négation dynamisante», permettant un dialectique de la
connaissance, une négation qui inclut ce qu'elle nie.
La dialectique bachelardienne est une conscience de
complémentarité et de coordination des concepts dont la condition
logique n'est pas le moteur. Bachelard réforme ainsi, et élargit
aussi le cadre dialectique de la connaissance, en faisant de la dialectique un
lieu de révision où s'intègre la conception
antérieure, mais à l'intérieur d'une nouvelle conception:
il n'y a plus contradiction, il y a seulement contraction.
Enfin pour Bachelard l'esprit scientifique d'après le
nouvel esprit scientifique, reste un concept complexe. Il est complexe dans la
mesure où, pour le comprendre il nécessite d'être
inséré dans un système complexe des pensées et
d'expériences.
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES DE L'AUTEUR
1. BACHELARD, G., Le Nouvel esprit scientifique.
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3. BACHELARD, G., Epistémologie. Tome 2,
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4. BACHELARD, G., La philosophie du nom ;
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5. BACHELARD, G., L'engagement rationaliste. Paris,
P.U.F., 1972,190 pages.
II. AUTRES OUVRAGES
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sciences. 5ème édition, Paris, J.Vrin. 1989.
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Récents développements en philosophie des sciences : Popper,
Kuhn, Lakaton et Feyerabend. Paris, la découverte, 1988,186
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Paris, Gallimard.Coll. 1940
4. HEIDEGGER, Question II. Traduit de l'allemand par
KOSTSAXELLES, Paris, Gallimard,-1968, 199 pages.
5. KUNH, T., La structure des révolutions
scientifiques. Paris, Flammarion, 1983, 280 pages.
6. MAURICE, G., Eléments de philosophie des
sciences, 2ème éd. Neuchâtel, Griffon,
1964, 280 pages.
7. KUNH, T., La tension essentielle, tradition et changement
dans les sciences. Paris, Gallimard, 1990, 185 pages.
8. VAN RIET, G. Epistemologie thomiste. Louvain, 1946,
639 pages.
III. DICTIONNAIRES
1. AUROUX, S. La notion philosophique. Dictionnaire.
Paris, P.U.F., 3015 pages.
2. BARAQUIN, N., et LAFFITE, J., Dictionnaires des
philosophes. Paris, Armand colin/ Vuef, 2002, 240 pages.
3. LALANDE, A., Vocabulaire technique et critique de la
philosophie, Paris, P.U.F, 1926, 1015 pages.
4. NADEAU, Robert, Vocabulaire technique et analytique de
l'épistémologie. Paris, P.U.F., 1999, 863 pages.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE I
DEDICACE II
AVANT-PROPOS III
0. INTRODUCTION GENERALE 1
0.1. Problématique 6
0.2. Intérêt du sujet et présentation de
l'auteur 7
0.3. Méthode et subdivision du travail 8
CHAPITRE PREMIER : 9
DE LA PRESCIENTIFICITE AU NOUVEL ESPRIT SCIENTIFIQUE 9
I.0. INTRODUCTION 9
I.1. UNE EPISTEMOLOGIE DISCONTINUISTE 9
I.1.1. L'état préscientifique 10
I.1.2. L'état scientifique 10
I.1.3. L'ère du nouvel esprit scientifique 10
I.2. LES MODES DES CONNAISSANCE 11
I.2.1. La connaissance commune 11
I.2.2. La connaissance scientifique 12
I.3. CONCLUSION DU CHAPITRE 13
CHAPITRE DEUXIEME : 15
L'ESPRIT SCIENTIFIQUE : RECHERCHE D'UN SAVOIR METHODIQUEMENT
FONDE 15
II.0. INTRODUCTION 15
II.1. ESPRIT SCIENTIFIQUE 15
II.2. LE RATIONALISME 17
II.2.1. L'anthropocentrisme moderne 18
II.2.2. L'anti-théisme illuministe 18
II.3. LE REALISME 19
II.3.1. Le réalisme brut ou naïf 19
II.3.2. Le réalisme modéré ou médiat
19
II.4. DU DETERMINISME ET DE L'INDETERMINISME 20
II.4.1. Le déterminisme 21
II.4.2. L'indéterminisme 23
II.5. CONCLUSION DU CHAPITRE 24
CHAPITRE TROISIEME: 25
L'ESPRIT OBJECTIF : LIEU D'EMERGENCE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE
25
III.0. INTRODUCTION 25
III.I. OBJECTIVITE 25
III.2. VICTOIRE SUR LES OBSTACLES 27
III.2.1 Un aperçu sur les obstacles
épistémologiques 27
III.3. LA NEGATION DYNAMISANTE 33
III.4. LA DIALECTIQUE BACHELARDIENNE 34
III.5. LA COMPLEXITE ESSENTIELLE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE 35
III.6. CONCLUSION DU CHAPITRE 38
CONCLUSION GENERALE 39
BIBLIOGRAPHIE 41
TABLE DES MATIERES 43
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