c
A Dieu Créateur de toute chose et Accompagnateur
de tous les projets,
A notre père Eli Kamala
Mukanirwa ;
A notre mère Hélène Mbambu
Kamala ;
A papa Salomon Banamuhere B ;
A nos frères Arcène Mwaka et Nelson
Paluku ;
A nos soeurs et frères, cousines et cousins,
tantes et oncles, nièces et neveux, belles soeurs et beaux
frères,
A notre futur époux ;
A toutes les femmes victimes des violences sexuelles
en Ituri et dans tout le Congo,
Que ce travail, fruit d'endurance, serve d'enseignement
à notre postérité.
Lydia Kavuo MUHIWA
AVANT-PROPOS
Le présent travail de fin d'études est
l'expression de notre endurance sur le parcours gracieux de notre apprentissage
et formation intellectuels à l'Université de Kinshasa (UNIKIN),
lesquels ne seraient possibles si nous n'avions pas
bénéficié des encouragements, assistance et encadrement de
plusieurs bonnes volontés envers lesquelles nous voudrions aujourd'hui
témoigner de notre sincère gratitude.
Nous pensons au Professeur H. NTUMBA LUKUNGA qui a toujours
accepté, en dépit de ses multiples et lourdes charges de diriger
ce travail qui n'est pas le premier. Sa façon de nous traiter en fille
(enfant) et étudiante reste à jamais marquer dans notre
mémoire. Il en est de même du Chef de travaux Jean Pierre MPIANA
qui, malgré ses occupations et surtout pour sa grande volonté de
se rendre disponible, au delà du temps très minime impartie, au
delà de la précarité existentielle à la quelle le
corps scientifique est confronté, s'est rendu disponible pour nous
apporter des remarques et conseils dans la réalisation finale de notre
travail.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
tous les professeurs, chefs de travaux et assistants de la faculté des
Sciences Sociales, Administratives et Politiques en général, et
ceux du Département de Sociologie et Anthropologie particulier, pour
avoir contribué efficacement à notre formation.
Que tous nos amis, connaissances, compagnons de lutte,
grandes familles « les compagnons de
Néhémie » et « tous les membres du Centre
d'Etude Politique » et surtout celle qui a été pour
nous plus qu'une amie, mais bien une soeur, de tous les temps Erby BIKAYI OBEL,
trouve leur compte dans ce travail.
0. INTRODUCTION
La femme congolaise, mère, épouse,
maîtresse de maison s'activant pour la survie de sa famille
mériterait mieux que d'être ligotée par la coutume en temps
de paix ou de servir de cette natte de combattants en temps de guerre.
Les violences faites à la femme paraissent être
une constance, une nécessité, un exutoire de la
société. Violences légères, raisonnables,
acceptables, phénomène social d'activités courantes et
banales parce que les représentations sociales sur la femme se
perçoivent dans les comportements des auteurs. De ces faits, aucun
caractère antisocial n'est relevé. Elle serait, d'après
ces représentations et imageries sociales, un être irresponsable
qu'il faut encadrer, éduquer corriger, quel que soit son âge,
sinon pour son propre bien, en tout cas pour celui de la société.
Mais aussi violences graves et dramatiques. Torture, coups et blessures,
sévices entraînant l'altération de la santé, la
mutilation, l'infirmité permanente voir la mort. Ceci en temps de paix.
Surviennent alors les guerres et la situation prend une nouvelles dimension,
absurdes, démesurée. Et pourtant que n'apporte-t-elle pas,
cette femme à la société1(*).
Telle est la situation de la femme en R.D.Congo en
général, et de celle du District de l'Ituri en particulier. La
belligérance qui s'est incrustée au cours de ces dix
dernières années dans ce District de la Province Orientale s'est
avérée désastreuse, particulièrement en ce qui
concerne les violences sexuelles orchestrées à l'endroit de la
femme. Cette dernière a constitué la cible et a
été (est) victime de viol de tous les groupes armés qui se
sont affrontés ou qui s'affrontent encore en Ituri.
Le présent mémoire cherche à voir dans
quelle mesure l'aide psychosociale apportée a la femme victime de viol
aurait une influence effective sur elle en la réhabilitant dans son
statut et en la reclassant dans son environnement social. Aussi, nous
a-t-il semblé important de détecter les causes, les
conséquences voire les acteurs des violences en vue de lutter
efficacement contre l'impunité.
0.1. ETAT DE LA
QUESTION
La recherche scientifique passe pour une oeuvre collective,
même s'il arrive souvent que des études isolées soient
entreprises par des chercheurs individuels évoluant seuls2(*). C'est en partant de cette
pensée que nous avons parcouru quelques travaux ayant des accointances
avec notre étude.
Faisons remarquer, d'entrée de jeu, que lorsqu'on
s'intéresse à la question de la violence faite à la femme,
spécifiquement au viol dont elle est victime de la part des groupes
armés au cours de ces dix dernières années, on est
surpris par l'indigence de travaux s'y rapportant surtout dans le monde
universitaire. Notre exploration dans ce domaine nous a mise en présence
de quelques études qui ont été réalisées
par des organismes publics ou privés : ministères, Nations
Unies (Monuc), ONG, églises, etc. Sans prétention à
l'exhaustivité, nous allons passer en revue quelques-unes de ces
études à l'effet de situer notre propos.
Le ministère des Affaires Sociales et Familles de la
République Démocratique du Congo a commandité et
publié une étude sur la situation des lois coutumières et
les droits des femmes dans les territoires contrôlés par le
gouvernement. Cette étude avait été menée par le
professeur Pierre Gambembo Gawiya, bénéficiant de l'appui
financier de l'UNICEF et présenter dans l'ouvrage intitulé
« la femme dans la tourmente des guerres en RDCongo ».
Les résultats de ces enquêtes fournissaient un
tableau sur les violences prédominantes notamment : les propos
injurieux, la prostitution, les coup et blessures, les avortements, le viol, le
refus de paiement des avantages sociaux aux femmes travailleuses et tant
d'autres choses. Ces violences sont à la base des urgences
psychologiques, des dommages physiques et socio-économiques graves. Mais
par ignorance ou conditionnées par le poids des coutumes, rares sont les
victimes qui portent plainte au tribunal. Dans le plus part des cas, un
arrangement à l'amiable est trouvé3(*).
Cette cruauté quasi-naturelle à l'endroit de la
femme s'est renforcée avec l'irruption de la guerre en RDC depuis 1996,
et particulièrement avec la guerre de 1998, comme nous le fait remarquer
MINANI BIHUZO. Cet auteur fait savoir que les violences sexuelles
exercées par les groupes armés sont devenues une pratique
courante. Des jeunes filles sont enlevées par des hommes armés,
maintenues en détention et réduites en esclavage sexuel,
violées, obligées d'accomplir des travaux domestiques et de se
soumettre aux mariages forcés avec les membres des diverses factions, et
parfois jusqu'au paiement d'une rançon exigée par les milices.
Les auteurs des viols sont souvent connus, mais ni la police, ni les
autorités judiciaires ne donnent sérieusement suite au cas de
viol. Plusieurs auteurs des massacres et des crimes politiques se sont
retrouvés dans les institutions de la transition. Les femmes doivent
crier haut et faire voir qu'aucune paix durable ne peut être construite
sur l'impunité4(*).
Dans son rapport adressé au Secrétaire
Général de l'ONU sur les graves événements survenus
dans le District de l'Ituri, la Monuc établit que plusieurs femmes,
dont le nombre est impossible à déterminer, ont été
enlevées, les unes pour être gardées comme
« épouses de guerre » ou esclaves sexuelles, les
autres pour être violées ou soumises à des sévices
sexuels avant d'être relâchées.5(*)
Ces violences exercées sur les femmes en
période de conflits, fait remarquer le CICR, sont ainsi utilisées
comme armes de guerre. Le viol en temps de conflit est un crime qui ne peut
jamais être justifié en tant que moyen de guerre, de
démonstration de puissance, récompense pour l'armée
victorieuse ou leçon pour les vaincus, incapables de protéger
leurs femmes. 6(*)
Pour mettre fin à l'imputé
institutionnalisée qui entoure cette pratique abominable, les Nations
Unies, au dire de BANZA M.L et HEMEDI, C, ont pris certaines mesures dont la
qualification comme crime contre l'humanité des actes de viol et autres
abus sexuels, y compris la prostitution, la grossesse forcée ainsi que
l'esclavage sexuel lorsqu'ils s'inscrivent dans une campagne
systématique et de grande envergure visant une population
donnée.7(*)
Ces études nous dressent un tableau
macabre des violences faites à la femme en Ituri. Au-delà des
mesures prises par les instances internationales et nationales pour endiguer ce
fléau, il sied d'indiquer que plusieurs partenaires sociaux travaillent
à la réinsertion de ces femmes violées et
violentées dans leur environnement social. En effet, depuis quelques
temps les Ong, les églises et autres humanitaires sont à pied
d'oeuvre en Ituri dans la perspective de prise en charge psychosociale des
femmes victimes de violence sexuelle à travers plusieurs actions qu'ils
mènent en faveur de ces femmes. Cette prise en charge psychosociale est
capitale dans la mesure où elle vise recréer l'équilibre
psychique et social de la femme rompu par le viol. L'objectif ultime
étant d'obtenir la catharsis psychosociale de la femme pour qu'elle
s'accepte et que la société l'accepte comme membre à part
entière.
C'est pourquoi, nous nous proposons à travers cette
étude, d'évaluer l'efficacité des actions de prise en
charge psychosociale menées par les humanitaires opérant en
Ituri. Notre effort sera d'analyser les perceptions dont s'en font les femmes
violées qui en sont bénéficiaires.
0.2. PROBLEMATIQUE DE
L'ETUDE
Au cours des cinq années de conflit armé en
République Démocratique du Congo, des dizaines de milliers de
femmes et de filles ont été victimes de crimes de violence
sexuelle dans la partie Est du pays. En Ituri par exemple, le rapport de Human
Rights Watch établit qu'en deux années et demi (juin 2003 -
janvier 2005) plus de 3500 femmes dont l'âge varie entre 8 mois et 88 ans
ont été victimes de la violences sexuelles.8(*) Ces milliers des femmes et jeunes
filles ont soit subi des viols collectifs (de fois en public en
présence des époux, enfants et frères) soit ont
été enlevées par des combattants pour servir d'esclaves
sexuelles pendant de longues périodes. D'autres ont été
mutilées ou grièvement blessées par des objets introduits
dans leur vagin. D'autres encore qui s'étaient défendues lors de
l'agression ont été tuées.
Toutes les forces et groupes armés qui ont
opéré en Ituri se sont rendus coupables de ces violences
sexuelles. Il s'agit notamment des milices hema, lendu et ngiti ; du
Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Kisangani - Mouvement de
Libération (RCD-ML), du Mouvement pour la Libération du Congo
(MLC), de l'Union des Patriotes Congolais (UPC) et du Front Nationaliste
Intégrationniste (FNI) dans la région d'Ituri. Mêmes les
éléments des forces gouvernementales aussi bien de l'ancienne
armée, les Forces Armées Congolaises (FAC) que de la nouvelle
armée nationale connue sous le nom de Forces Armées de la
République Démocratique du Congo (FARDC) se sont également
rendus coupables d'abus sexuels.
L'accord de Sun City signé en 2002 en Afrique qui
symbolisait la fin de la guerre en RDC n'a pas arrêté les
violences sexuelles à l'endroit de la femme en Ituri. Dans certains
coins de ce District, les femmes ont continué à payer le frais.
Les combattants, et même certains civils ont persisté dans leur
entreprise de séquestration sexuelle à l'endroit des femmes
tendant à élever cette pratique rétrograde à une
culture. Si les traumatismes psychiques endurés par les femmes
violées sont durs et complexes, les conséquences sociales de
viols sont encore à redouter. En effet, une fille ou une femme qui a
subi un viol est l'objet de stigmatisation, de l'exclusion sociale et se trouve
être mise au ban de la communauté. Elle représente le
déshonneur pour sa famille, pour le clan et pour toute la
communauté bien qu'elle ne soit en rien coupable. C'est pourquoi une
femme célibataire violée aura des difficultés à
trouver un époux si le crime est connu. Une femme mariée est
susceptible d'être rejetée par son mari ou sa belle-famille et
endure des humiliations quotidiennes si elle n'est pas tout simplement
renvoyée du foyer.
Tout ceci aggrave la situation des femmes victimes de la
violence sexuelle. En effet, la stigmatisation et l'exclusion dont elles sont
objet à la suite du viol qu'elles ont subi les placent en situation
de paria et peuvent les incapaciter à exercer toute activité au
sein de la société. C'est pourquoi en Ituri, quelques organismes
se sont activés pour apporter une assistance psychosociale à
toutes celles-là dont l'intimité a été
agressée par le viol à l'effet d'assurer leur
réintégration sociale. Au nombre de ces organismes citons le
Médecin Sans Frontière (MSF), le Comité International de
la Croix Rouge (CICR), le Centre d'Intervention Psychosociale... Ces organismes
et ONG, par diverses actions, travaillent à la réinsertion
sociale des femmes victimes de viols aussi bien par les soins médicaux
qu'ils apportent, la réconciliation avec la famille que par la poursuite
judiciaire des violeurs qu'ils organisent en faveur de victimes.
Ces actions louables en soi sont limitées dans
certaines zones urbaines du district de l'Ituri. Les milieux ruraux sont
souvent abandonnés ou redoutées par les humanitaires à
cause de l'insécurité qui y prévaut. Et même dans
les centres urbains, comme la ville de Bunia, où sont menées ces
actions, elles ne semblent pas répondre totalement aux aspirations des
bénéficiaires. Les entretiens que nous avons eus au cours de
notre séjour à Bunia en novembre 2006 avec quelques femmes
victimes de violence sexuelle nous ont révélé que ces
dernières n'avaient pas une appréciation positive de l'assistance
psychosociale leur apportée par ces différents organismes qui
interviennent dans ce domaine.
Nous avons réalisé que ces femmes
bénéficiaires de l'assistance psychosociale avaient une autre
conception de leur situation et de la manière d'y remédier.
C'est pourquoi, nous avons résolu d'entreprendre la présente
étude afin d'évaluer l'efficacité des actions
menées par les organismes d'assistance psychosociale aux les femmes
victimes de la violence sexuelle à Bunia.
En termes interrogatifs, nous nous sommes posée les
questions de savoir si l'assistance psychosociale aux femmes victimes de la
violence sexuelle de Bunia était efficace? ? Si cette assistance
psychosociale est efficace, à quoi est dû le sentiment
d'insatisfaction qu'éprouvent les bénéficiaires,
c'est -à- dire les femmes victimes de la violence sexuelle ?
C'est autour de ces questions que nous allons formuler nos hypothèses
de recherche.
0.3. HYPOTHESE
Au regard de la problématique formulé ci-haut,
nous formulons l'hypothèse selon laquelle l'assistance psychosociale
apportée aux victimes de la violence sexuelle de Bunia serait efficace,
c'est-à-dire aurait atteint ses objectifs tels qu'arrêtés
par les humanitaires qui interviennent dans ce domaine.
En outre, le sentiment d'insatisfaction relevé dans le
chef des bénéficiaires serait dû à la non prise en
compte des dimensions socioculturelles par les organismes d'assistance
psychosociale. En effet, la plupart de ces organismes se limitent aux aspects
économiques ignorant les considérations d'ordre culturel
d'intégration sociale.
C'est cette hypothèse que nous allons
vérifiée dans ce travail.
04. METHODOLOGIE UTILISEE
O4.1 Méthode
utilisée
Pour le traitement des données utiles
à la rédaction de notre travail, nous devons nous appuyer sur une
méthode. Avant de préciser la méthode qui va guider nos
réflexions dans ce travail, disons un mot sur ce qu'est une
méthode.
Etymologiquement, méthode signifie
« poursuite », « voie »,
« chemin ». Albert Muluma définit la méthode
comme un ensemble des règles et des principes qui organisent le
mouvement d'ensemble de la connaissance, c'est-à-dire les relations
entre l'objet de recherche et des techniques et le niveau de la théorie
et des concepts. Ces relations sont du type dialectique et non mécanique
entre les informations, matière première ou produit semis finis
du procès de connaissance, et les théorie et concepts qui en sont
les produits finis.9(*)
Partant de ces précisions, nous avons opté pour
la méthode structuro fonctionnaliste. Cette dernière prend son
point de départ dans la société globale. Elle
répond à la question fondamentale suivante :
« comment une société peut-elle se maintenir et
subsister malgré la circulation complète de ses membres à
chaque nouvelle génération ? »
La réponse qu'il apporte est la suivante : la
société persiste car elle se dote des moyens ; ce sont les
structures sociales qui lui permettent de répondre aux besoins de ses
membres ainsi qu'à ses propres besoins : les structuro
fonctionnalistes considèrent qu'il s'agit des
« pre-requisites» de toute vie sociale organisée.10(*)
Avec cette méthode, nous n'avons pas l'intention de
raconter des récits ou des faits observés mais plutôt d'en
connaître la contribution à la survie de la société
dans laquelle ils se déroulent. Concrètement, nous cherchons
à voir comment les organismes d'assistance sociale entant que structures
contribuent à la réinsertion des femmes victimes de la violence
sexuelle à Bunia.
Nous considérons que Bunia est une
société globale en déséquilibre suite aux
différents conflits armés qui y sévissent. Pour
rétablir cet équilibre, la société globale Bunia
s'est dotée des structures dont le rôle est de contribuer à
sa survie en tant que société. Au nombre de ces structures qui
permettent à la société Bunia de s'autoréguler en
dépit du déséquilibre qu'elle a connu figurent ces
organismes d'assistance psychosociale dont le rôle est d'assurer la
réinsertion des femmes victimes de la violence sexuelle.
Pour rendre vivante cette méthode, nous sommes
descendue sur terrain pour nous enquérir de la vraie situation des
victimes des violences sexuelles.
Notre enquête s'est appuyée sur d'une
démarche relative à l'anthropologie sociale dans le sens que nos
avons été obligée d'étudier la mentalité des
habitants et avons été informée des coutumes.
O4.2 Techniques d'enquête
Rappelons que les techniques sont des instruments,
des procédés opératoires pour récolter les
données sur terrain. Elles ont un ensemble des moyens et des
procédés qui permettent à un chercheur de rassembler des
informations originales ou de seconde main sur un sujet donné.11(*)
Dans le cadre de ce travail, nous avons utilisé
principalement l'observation directe. Lofland, définit l'observation
directe comme suit : « être là, pour fins
d'analyse ». Spradley en présente le but comme étant
« la description d'une culture du point de vue de ses
participants »12(*)
Cette technique s'est concrétisée sous
différentes étapes dont les suivantes :
Vérification : ayant pour but d'attester l'existence
réelle des cas des viols et des actions d'assistance psychosociale par
les organismes humanitaires.
Mesure : il est ici question de vérifier si ces
actions d'assistance psychosociale sont permanentes ou sporadiques et voir si
les bénéficiaires de ces actions ont été
réellement réintégrées socialement.
Explication : trouver les facteurs à la base de la
persistance du sentiment d'insatisfaction chez la plupart des
bénéficiaires de l'assistance psychosociale.
L'observation était complétée par
l'entretien libre. Grâce à l'entretien libre, nous avons eu des
échanges avec les femmes bénéficiaires de l'assistance
psychosociale sur le jugement qu'elles portent sur les différentes
actions y afférentes.
0.5. CHOIX ET INTERET DU
SUJET
L'ampleur du phénomène de la violence sexuelle
en RDC et particulièrement dans la partie Nord-Est plus
précisément en ITURI est inquiétante. C'est un grave
problème de société qui affecte des milliers des personnes
chaque année. La femme en est victime et en souffre sur
différents aspects et impunité générale en
résulte en est un autre.
Bien sûr la guerre est un facteur aggravant, mais ce
n'est pas le seul. D'où la prise de conscience de cette situation
à tous les niveaux pourrait permettre le changement des attitudes,
l'amélioration du bien être et l'harmonisation des rapports entre
l'homme et la femme afin de construire un monde de paix et de respect de
droits.
Pour ce qui concerne notre travail, il revêt un double
intérêt : pratique et théorique.
· Sur le plan pratique : notre travail constitue un
cri d'alarme lancé aux organismes de prise en charge psychosociale des
femmes victimes de violence sexuelle afin qu'ils améliorent leurs
actions pour une réinsertion effective et totale des
bénéficiaires dans leur société.
· Sur le plan scientifique : toute personne
intéressé à la situation psychosociale de la femme et de
la jeune fille victimes des violences sexuelles trouvera des analyses utiles
au travers de cette étude. Car, non seulement elle propose des pistes
de solutions durables mais également, ouvre des perspectives pour des
recherches intéressantes dans ce domaine.
0.5 DELIMITATION DU SUJET
Notre étude couvre la période allant de 1998
à 2007. Cette période est caractérisée par
l'exacerbation de la violence sexuelle à l'endroit de la femme en
Ituri.
Dans l'espace, notre étude concerne les violences
sexuelles commises dans la ville de Bunia et ses environs, c'est-à-dire
quelques villages adjacents à la ville de Bunia notamment Komanda,
Nyakunde, Marabo, Balazana et Rwampara. C'est dans de cette région que
les violences ont été le plus commises.
0.6. DIFFICULTES
RENCONTREES
Pour ce qui est des difficultés, nous avons
rencontrées plusieurs difficultés que nous ne saurons pas
étaler en détail. A titre indicatif, nous pouvons signaler
que :
· les trajets à parcourir étaient
très longs dans un climat d'insécurité ;
· plusieurs séances ont été
reportées sinon annulées à cause de la méfiance des
enquêtées qui pourtant avaient accepté de nous accorder
l'interview ;
· le sujet étant très sensible, la plupart
des enquêtées s'en méfiaient et nous fournissaient
carrément des fausses informations ;
· les difficultés financières et
matérielles ne nous ont pas permis d'accéder à toutes les
sources d'informations.
0.6. SUBDIVISION DU
TRAVAIL
Outre l'introduction et la conclusion, ce travail compte
trois chapitres, il s'agit de :
Le premier étale les généralités
où il est question de définir des concepts clés et
présenter le milieu d'étude : ITURI.
Le deuxième chapitre esquisse un aperçu
général sur les conflits en Ituri, dresse un tableau sur les
violences sexuelles et leurs conséquences.
Enfin, le troisième chapitre expose les
résultats de nos enquêtes.
CHAPITRE I : DES GENERALITES
I.1. DEFINITION DES CONCEPTS
1.1. Guerre
Le dictionnaire « le nouveau petit
robert » définit la guerre comme une lutte armée entre
groupes sociaux considérés comme un phénomène
social, c'est un mal qui déshonore le genre humain13(*).
Le dictionnaire de l'Académie française voit
dans la guerre une « querelle » ou un «un
différent entre deux Princes, entre deux États Souverains, qui se
poursuit par la voie des armes».
La guerre est une mise en oeuvre de
l'hostilité, entre au moins deux
belligérants
adverses, se traduisant obligatoirement par des combats armés, plus ou
moins dévastateurs, impliquant indirectement ou directement des tiers.
Elle (la guerre) qualifie donc tous les conflits, ayant pour principales
caractéristiques, la force physique, les
armes, la
tactique, la
stratégie ou
la
mort de certains de ses
participants (
soldats) ou de tiers (civils,
employés et membres des
associations d'
aide humanitaire,
etc.).14(*)
Pour notre part, surtout dans le cadre de cette étude,
c'est une mise en oeuvre de l'hostilité, entre au moins deux
belligérants
adverses, se traduisant obligatoirement par des combats armés, plus ou
moins dévastateurs, impliquant indirectement ou directement la mort des
tiers.
1.2. La violence
1. Définition
Etymologiquement, le mot violence vient du latin vis qui
signifie la force. Un comportement coléreux, agressif, brutal, peut
être perçu comme violent, et peut devenir violent. La violence
caractérise l'agressivité. Le dictionnaire Wikipédia
définit la violence comme est un terme général
employé pour décrire un comportement agressif, non amical, non
pacifiste, belligérant, ennemi, autrement dit une contrainte
imposée, qui provoque la douleur, la peine.15(*)
Pour sa part, le dictionnaire « Le Nouveau petit
Robert » définit la violence comme une action exercée
sur quelqu'un ou le fait de le faire agir contre sa volonté en employant
la force ou l'intimidation16(*). Elle se définit aussi comme étant un
moyen de contrôle et d'oppression qui peut inclure la force, la
coercition et les pressions affectives, sociales ou économique, aussi
bien que les préjudices physiques. Elle peut être ouverte, sous la
forme d'une agression physique ou d'une menace avec arme, elle peut aussi
être cachée, sous une force d'intimidation, de menace, de
persécution, de tromperie, ou autres formes de pression psychologique ou
sociale17(*).
Pour notre travail, nous définissons la violence comme
un acte qu'on commet sur une personne contre son gré et qui produit une
peine ou une douleur physique, morale ou psychique.
2. Typologie
La violence peut être :
· verbale : des insultes, des mots qui
blessent ;
· physique : des gestes violents qui font mal, des
gifles, coups de poings, coups de pieds, armes blanches, armes à feu;
· sexuelle : une personne, consciente d'avoir un
ascendant (hiérarchique, parental, physique, psychologie) impose
à une autre des actes sexuels non désirés ;
· symbolique : une situation de domination
légitime ou non d'une personne sur une autre, d'un groupe de personnes
sur un autre, mais mal vécue par l'une des deux parties. Exemples :
autoritarisme d'une hiérarchie d'entreprise ou d'armée,
organisation politique d'un pays, vie de famille mal vécue par un membre
de la famille ;
· conjugale : quand le comportement d'un conjoint
est identifiable à l'une des violences décrites ci-dessus sur
l'autre conjoint ;
· Raciste : quand la victime d'une forme de violence
est choisie par le violeur uniquement sur des critères "raciaux" ou
nationaux ;
· froide : terme parfois utilisé pour
l'opposer à la violence « chaude », agressive.
Consiste à contraindre autrui à demeurer dans une situation de
souffrance (séquestration, par exemple) ;
· sur soi-même : action de ne pas tenir compte
de tous ses besoin dans ses actions. Donc d'accepter des tâches qui nous
écrasent. (Par ex : aller à un barbecue alors que la semaine
a été dure et que l'on préférerait passer
l'après-midi en famille et pas au barbecue).
· éducative : on entend par "violence
éducative" les violences sur enfants perpétrées à
des fins dites d'éducation.
1.3. Violence
sexuelle
Par violence sexuelle on entend un grand nombre d'actes
sexuels forcés. Le viol, l'exploitation et les abus en sont les types
les plus courants. En général, le viol est défini comme un
rapport sexuel avec une autre personne sans son consentement, en utilisant la
force, la menace, la peur ou la coercition. La définition de la violence
sexuelle selon la cour pénale internationale est : « la
pénétration de toute partie du corps de la victime par tout objet
ou toute partie du corps par la force, la menace de force, la coercition, la
mise en profit d'un contexte coercitif ou à l'encontre d'une personne
incapable de donner son consentement authentique. Les violences sexuelles sont
des actes exercées par toute personne en position de pouvoir,
d'autorité, de contrôle, y compris le mari, le partenaire intime
ou une personne chargé de surveillance. L'UNICEF définit la
violence sexuelle comme un acte ou une tentative un commentaire ou une avance
à caractère sexuel, avec ou sans contact physique commis par un
individu sans le consentement de la personne visée ou dans certaine cas
notamment ceux des enfants ,une manipulation affective ou un chantage. Il
s'agit d'un acte visant à assujettir une personne à son
désir propre par un abus de pouvoir, l'utilisation de la force ou de la
contrainte ou sous la menace, l'implicite ou explicite.
Nous considérons la violence sexuelle comme tout acte
sexuel avec une autre personne sans son propre consentement, en utilisant la
force les menaces, la peur ou la coercition.
Ces définitions génériques renferment
plusieurs formes d'agressions sexuelles qui méritent d'être
spécifiées. Ainsi en est-il de l'harcèlement sexuel, de
l'exhibition sexuelle, des agressions sexuelles autres que le viol et du viol.
1 Le harcèlement
sexuel
C'est le "fait de harceler autrui en usant d'ordres, de
menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature
sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui
confèrent ses fonctions".
2 L'exhibition sexuelle
Peut être définie comme "l'exécution
en public ou dans un lieu accessible à la vue de tous, d'actes sexuels
normaux ou anormaux, sur soi-même ou la personne d'autrui, et
susceptibles par leur publicité d'outrager la pudeur d'autrui".
L'exécution d'actes sexuels visibles, normaux ou
anormaux comprend :
- l'exécution active : masturbation,
coït sous toutes ses formes,
- l'exécution passive : tels
qu'exhibition d'une partie du corps à caractère sexuel.
La
nudité en elle-même, exposée sans volonté de mettre
seulement en exergue une partie à caractère sexuel n'est pas
constitutive du fait délictuel.
De plus, l'élément public doit être
recherché :
- rapports sexuels consentis entre 2 personnes
dans une chambre d'hôtel dont la porte est entrouverte => exhibition
sexuelle.
- idem dans une voiture (lieu privé) dont les vitres
laissent deviner ce qui se passe à l'intérieur.
En revanche, l'exhibition dans un cercle fermé dans
lequel, par définition, aucune personne étrangère n'est
admise ne constitue pas une exhibition sexuelle.
L'exhibition sexuelle ainsi définie prend une toute autre
dimension lorsqu'elle est effectuée à l'intention d'un mineur de
15 ans ou lorsque ce mineur est employé par un majeur comme objet
d'exhibition ou comme spectateur de relations sexuelles entre adultes. Tel est
cas des enfants de moins de 15 ans qui sont contraints d'assister au viol de
leurs mères ou soeurs par les éléments des groupes
armés qui opèrent en Ituri.
3 Les agressions sexuelles autres que le viol
Ces agressions sexuelles peuvent être définis
comme tout "acte, attouchements illicites ou impudiques exercés avec ou
sans violence sur une personne non consentante ou ne pouvant y consentir en
public ou non et susceptibles d'offenser la pudeur de cette personne".
Elles impliquent un acte matériel sur la personne
de la victime, qu'il y ait ou non violence : l'absence de consentement :
- refus (souvent avec violence),
- contrainte (sous la
menace d'une arme, chantage par personne ayant autorité, etc...),
- vulnérabilité psychique,
- minorité.
4 Le viol
Le viol est défini comme "tout acte de
pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit, commis sur la
personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise. Aucune sorte de
pénétration sexuelle n'est exclue de cette définition. Il
peut s'agir d'une pénétration d'un objet quelconque dans un
orifice sexuel, ou d'une pénétration d'un objet sexuel dans un
orifice quelconque.
"Autrui" présuppose qu'il peut s'agir d'un
homme ou d'une femme, d'une fillette ou d'un garçonnet.
"Violence,
contrainte ou surprise" présuppose l'absence de consentement.
1.4. Femme
La femme est définie par le dictionnaire « le
nouveau petit Robert » comme un être humain appartenant au sexe
capable de concevoir les enfants à partir d'un ovule
fécondé et/ou la femelle de l'espèce humaine .C'est
aussi un être humain de sexe féminin lorsque son âge permet
d'envisager sa sexualité et le plus souvent, après la
nubilité et à l'âge adulte, sociologiquement lié
à l'âge où le mariage est possible18(*).
Selon le dictionnaire Larousse être épouse,
c'est être femme d'un homme, être soumise à celui-ci,
défendre ses idées, ses opinions et son rang social, satisfaire
à ses besoins, etc. Isabelle Droy définit la femme comme un
instrument pour la reproduction physique du groupe, pour la formation des
rapports sociaux fondamentaux, pour la reproduction agricole.19(*)
En somme, disons avec Claude LEVI STRAUSS, que la femme est
un message d'un groupe social à un autre, elle est comme un langage
à l'intérieur de ces groupements. Mais à la
différence des mots, qui ne sont que des signes, de là
l'importance du choix de particulier au sein du groupe qui le
reçoit20(*).
Partant de cela, nous décrivons la femme comme
étant une véritable mère dans notre société
qui lutte au quotidien pour la survie de ses enfants. Celle qui dès
l'aube, va au marché, au travail, à la rivière, au champs
pour chercher le bien être de la famille. Elle n'est pas à
définir seulement par rapport à la maternité, la
dépossession de soi, l'ascèse et le désir
passionné.
1.5. Conflit
Il y a une diversité de définitions du concept
« conflit ». Nous reprendrons ici celles qui cadrent avec
la perspective de ce travail. Le dictionnaire « le nouveau
petit Robert » définit le conflit comme une rencontre
d'éléments des sentiments contraires qui s'opposent cela peut
encore être une contestation entre deux puissances qui discutent un
droit21(*).
Pour Alain Touraine, le conflit c'est une relation
antagoniste entre deux ou plusieurs personnes dont l'une au moins tend
à dominer le champ social de leurs apports. L'existence d'un conflit
suppose en effet deux conditions apparemment opposée : d'une part,
des acteurs ou plus généralement des unités d'action
délimitée par les frontières et qui ne peuvent donc
être des « forces » purement abstraites, de l'autre,
une interdépendance de ces unités qui constituent les
éléments d'un système.
Pour notre part, nous considérons le conflit comme une
relations antagoniques entre deux ou plusieurs individus dont l'enjeu est le
changement des rapports de force entre ces individus par rapport à un
objet donné.
1.6. Traumatisme
Ce concept est défini comme un ensemble des troubles
physique ou psychiques provoqués dans l'organisme par le tourment qui
est une émotion violente qui modifie la personnalité d'un sujet
en la sensibilisant aux émotions de même nature22(*).
Le traumatisme apparaît comme une version extrême
des situations stressantes. C'est un état de perturbation mentale ou
émotionnelle comme également sans le nom de choc. La personne en
situation tourmentante est incapable de faire face à ce qui lui arrive
et de réagir comme elle le ferait dans d'autre situation. Contrairement
au stress, ou à la crise, un traumatisme est un passé, les
souvenirs de l'événement qui persistent et les effets
émotionnels se font sentir pendant des mois voire des années sans
aide. L'événement traumatisant marque les gens pour le reste de
leur vie.
Pour notre travail, nous allons utiliser ce concept pour
expliquer un choc psychologique profond qu'une personne peut avoir suite
à des situations troublantes.
1.7Assistance
psychosociale
L'assistance
psychosociale est un ensemble d'activités visant à soigner et
éventuellement à résoudre les problèmes
découlant d'une souffrance psychique ou sociale rencontrée par
des individus et pouvant se manifester par des symptômes comme la
dépression, l'anxiété ou éventuellement par des
troubles du comportement. Ces activités sont conçues comme des
moyens permettant d'améliorer les reliances, les relations de chaque
personne et de chaque groupe avec son environnement social. L'assistance
psychosociale repose sur l'utilisation réfléchie des relations
humaines d'un individu afin de réduire ses troubles affectifs et
sociaux.
I.2. PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE :
ITURI
I.2.1. SITUATION
GÉOGRAPHIQUE
L'Ituri est l'un des quatre districts de la province oriental
une des provinces de la République Démocratique du Congo à
la frontière avec l'Ouganda et le Soudan. Localisé au Nord-Est du
pays, il se situe entre le 1° et 3°, 40° de latitude au Nord et
28° et 31, 15° de longitude et est borné au Nord par le Soudan
et le district du Nord Uélé, à l'Est par l'Ouganda, au sud
par la province du Nord Kivu et à l'ouest par les district de
Haut-Uélé et de la Tshopo.
Cette entité administrative, d'une superficie de 65652
km2 soit 2,8% de la superficie nationale, se distingue par son
dynamisme démographique (8% de la population nationale), ses vocations
agricoles, pastorales, forestières, minières et lacustres.
La population du District de l'Ituri est estimée
entre 3,5 et 5,5 millions d'habitants (le recensement le plus récent
remonte à plusieurs années). Elle est administrativement
répartie sur cinq territoires administratifs : Aru, Djugu, Mahagi
et Mambasa.
Les territoires de Wamba, Faradje et Watsa formaient
autrefois avec les territoires cités plus haut, le district du
Kibali-Ituri, mais depuis 1955, ils font partie du district du Haut-
uélé.
I.2.2. POPULATION DE
L'ITURI
Dans ce point, il sera question de passer en revue les
caractéristiques et l'implantation du peuple de l'Ituri.
Les documents officiels fournis par l'Administration du
district de l'Ituri établissent que la population est répartie
entre 18 groupes ethniques, dont : les Lendu et leur sous-groupe des Ngiti
ou Lendu du Sud, les Hema et leur sous-groupe des Hema du Nord ou Gegere; les
Bira, les Alur, les Ndo Okebo, les Lugbara, les Mambissa et les Nyali.
L'effectif de chacun de ces groupes varie considérablement selon les
estimations, mais les Alur considèrent que leur groupe est le plus
nombreux et pourrait représenter jusqu'à 25 % de la population de
l'Ituri, les Lendu venant en deuxième position.
a).Occupation spatiale des
peuples
Au cours de l'histoire de l'Afrique, les
populations ont entrepris des migrations de grande envergure. Lors de ces
migrations qui ont eu lieu au 16e siècle, certains peuples
n'ont pas continué leur itinéraire et se sont installés en
Ituri . C'est pourquoi, on y rencontre des groupes fort
hétérogènes : des Bantous, des Nilotiques, des
Soudanais et des Pygmées.
- Les
Pygmées
Considères comme les premiers
occupants de l'Ituri voire du Congo, ils se sont éparpillés dans
les trois provinces du pays (les Aska dans la province de l'Equateur, le
Bastwa dans l'Ituri les Mbuti dans la forêt d'Irumu).
- Les soudanais
Constitués par les Walendu, les Mabendi, les Lugbara
et les kaliko. Quant aux walese, de souche soudanaise, ils habitent la
forêt équatoriale et sont fortement bantouistes.
Les soudanais du nord à savoir les Lugbara et les
kaliko habitent d'Aru, ils sont agriculteurs et éleveurs. Ce peuple
partage la frontière avec l'Ouganda et le Soudan où se trouvent
leurs frères avec qui ils ont les mêmes us et coutumes. Cette
proximité permet des relations tant sociales qu'économiques.
- les bantous
Ceux-ci sont représentés par les bira qui vivent
dans les régions de savane, les Bila dans la foret, les nyali de Kilo et
de Chabi, les Bombo et les Ndaka du territoire de mambasa.
Les Bira s'adonnent à l`agriculture d'autosubsistance
et au petit élevage. Voisins des pasteurs Hema et par
complémentarité, certains Bira pratiquent l'élévge
de gros bétails. Les Nyali seraient arrivés en Ituri après
les pygmées. Suite à des nombreuses migrations, ils
s'enfoncèrent vers la forêt (ceux de kilo) où ils cultivent
les bananeraies. Les bombos et les Ndaka auraient une parenté avec les
Nyali et les Budu du territoire de Wamba.
-les nilotiques
Les peuples nilotiques de l'Ituri comprennent les Alur, les
Hema, les Kakwa et les Mambisa. Les Alur sont des agro pasteurs et habitent le
territoire de Mahagi. Ceux installés près du lac, se livrent
à la pêche. Les hema anciennement pasteurs de tradition
retrouvent aujourd'hui repartis sur trois territoires (Irumu, Mahagi et
Djugu).
Les Hema de Mahagi ont perdu leur langue et ont
fusionné la culture alur.
Quant à ceux de Djugu, eux aussi parlent le kilendu au
détriment de Kinyoro et ont pour activité principale
l'agriculture et le petit élevage (chèvre, mouton, porc et
volaille).
La tradition d'élevage de bovin a presque disparu
suite à l'absence de terrain pour les pâturages et à
antagonisme entre agriculteurs et éleveurs.Les Hema d'Irumu demeurent
des pasteurs de gros bétail.
Les rapports entre ces différents groupes,
particulièrement entre Hema et Lendu sont caractérisés par
des tensions permanentes. Sous le régime colonial belge, en effet, les
Hema ont bénéficié d'un favoritisme qui leur a notamment
ouvert les portes des séminaires et de l'école publique et qui
leur a facilité l'accès à des postes de cadre, tandis que
les Lendu étaient systématiquement traités comme des
travailleurs manuels. Par ce « favoritisme ethnique » qu'il
pratiquait dans quasiment tous les domaines, y compris dans les rangs de
l'administration et au sein du clergé catholique, la puissance
coloniale a creusé les inégalités sociales entre les
divers groupes ethniques de la région. Et lorsqu'elle s'est
retirée du Congo, elle a laissé derrière elle en Ituri une
élite hema.
Ces luttes pour le pouvoir et ces préjugés
ethniques sont venus se greffer sur la question foncière. Dans le
territoire de Djugu, la plus grande partie des terres des collectivités
lendu des Walendu-Pitsi et des Walendu-Djatsi, sont divisées en
concessions appartenant à quelques membres privilégiés de
la communauté hema qui emploient des ouvriers lendu. Dans les zones plus
pauvres et dans les zones rurales, les communautés hema et lendu
vivaient généralement en bonne intelligence et les mariages
interethniques étaient fréquents.Les concessions qui
appartenaient à des étrangers (les colons) et se trouvaient dans
des collectivités lendu, principalement dans le territoire de Djugu,
étaient exploitées dans le cadre d'un accord entre le colon et la
collectivité aux termes duquel le concessionnaire était
autorisé à exploiter la terre moyennant paiement d'une redevance
spéciale au chef coutumier de la collectivité. Lorsqu'ils ont
été forcés de partir dans le cadre de la «
zaïrianisation » en 1973, les concessionnaires étrangers ont
chargé des gérants hema de gérer leurs concessions, avec
l'espoir de revenir sur place une fois que la zaïrianisation serait
passée. Au bout d'un certain temps, comme les concessionnaires
étrangers n'étaient toujours pas autorisés à
revenir au Zaïre, les gérants ont fait mettre les concessions
à leur propre nom. Ce phénomène s'est
accéléré avec la nomination par le Président
Mobutu, en 1969, d'un Ministre de l'agriculture hema, Zbo Kalugi, qui a
joué un rôle considérable dans l'attribution de concessions
aux Hema de l'Ituri. Tout cela a créé chez les Lendu l'impression
que les Hema constituaient une classe riche et instruite qui, non contente
d'avoir accumulé de façon inique terres et commerces, avait mis
la main sur l'administration et s'ouvrait ainsi un accès toujours plus
large à l'argent, à l'éducation et au pouvoir
politique.
I.2.3. LES RESSOURCES
HUMAINES
D'après le rapport annuel de l'administration du
territoire 1997, la population de l'Ituri était estimée à
environ 3.500.000 âmes. Cette population qui a évolué
à un taux de 3,5 %, est passée d'environ 2.500.000 en 1990
à environ 3500.000 en 1997. La ville de Bunia, chef lieu du District,
qui comptait environ 100 000 habitants avant le conflit, en compterait
maintenant le double en raison de l'afflux de personnes déplacées
fuyant les hostilités.
Toutes les races de peuples présentes en RDC (bantous,
nilotiques, soudanais, pygmées), se retrouvent dans ce district, faisant
aussi le brassage des cultures.
A part les tribus citées ci haut, l'Ituri a aussi
connu au cours de temps en mouvement remarqué des populations venant
d'autres coins du Congo et aussi de l'étranger. Ce mouvement restreint a
commencé avec la colonisation belge qui a apporté non seulement
un changement démographique, mais aussi un don presque dans tous les
domaines de la vie.
Après l'indépendance, les
phénomènes migratoires étaient vraiment visible et ont
permis à l'Ituri d'accueillir les hommes des toutes et tribus.
I.2.4. LES RESSOURCES
NATURELLES
Outre ses forêts, son agriculture - notamment ses
plantations de café - et un commerce frontalier actif, l'Ituri
possède le gisement aurifère de Kilo Moto, qui est l'un des plus
grands du monde. Et des gisements de pétrole qui pourraient se
révéler importants ont été découverts
récemment dans le bassin du lac Albert. Tout cela explique que la lutte
pour le contrôle de villes richement dotées en ressources
naturelles comme Mongbwalu, Gety et Mabanga (or) et Haru, Mahagi, Tchomia et
Kasenyi (bois, pêche, droits de douane), à laquelle se livrent les
groupes armés et leurs alliés respectifs - l'Ouganda, le Rwanda
et le Gouvernement de Kinshasa - ait été un facteur
déterminant de perpétuation de la crise, car ces ressources
naturelles procurent des profits considérables à ceux qui en
contrôlent la production et l'exportation.
CHAPITRE II. CONFLIT, GUERRE ET VIOLENCE SEXUELLE EN
ITURI
II.1 CONFLITS EN ITURI
II.1.1 ORIGINES
Au cours de dix dernières années, de 1996
à 2007, le district d'Ituri a été le théâtre
de la violence armée d'une rare intensité. Celle-ci
résulte du conflit ethno-tribal qui oppose depuis des années les
Hema et les Lendu, conflit auquel s'est ajouté la guerre
d' « agression-rébellion » ayant mis face
à face l'armée gouvernementale avec les rebelles congolais
soutenus par les armées ruandaises et ougandaises.
Dans ces conflits et guerres où s'entremèlent
les enjeux politiques et économiques, plusieurs groupes armés se
sont affrontés causant des conséquences dramatiques aussi bien
sur le plan humanitaire, social, économique qu'environnemental.
Nous ferons le point sur les causes du conflit dans le
premier point. Dans le deuxième point, nous décrirons
brièvement la manifestation de ce conflit et dans le troisième
point nous présenterons les conséquences de ces conflits et
particulièrement les violences faites à la femme.
En effet, un lien existe entre les conflits armés et
les problèmes ethniques, et ce principalement suite au fait qu'en
Afrique et précisément au Congo, la recherche du pouvoir est le
plus souvent liée à la recherche de la richesse.
Ainsi donc, les personnes qui développent l'ambition
de donner les institutions de l'Etat visent généralement un
enrichissement personnel. Et s'il faut revenir à la période du
début des conflits (1996-1997), nos dirigeants se sont appuyés
sur la force des armes pour accéder au pouvoir, certains s'appuyaient
sur leur appartenance à ethnique majoritaire ou dominante. D'où,
l'intérêt que l'on peut y tirer et celui d'aboutir à des
tensions entre groupes ethniques concurrents ainsi que sur des conflits
armés.
Une chose est vraie, l'adhésion facile au projet de
conquête du territoire congolais en 1996-1997 par les armées des
pays voisins afin de renverser le président Mobutu du pouvoir trouve son
explication dans cet état des choses.
II.1.2 CAUSES DES
CONFLITS
A la lecture de plusieurs ouvrages, il s'avère que le
conflit qui oppose les Hema et les Lendu est d'origine foncière.
La compréhension de ce conflit appelle à ce que nous
fassions une rétrospective sur les dynamiques migratoires qui ont
conduit au peuplement du territoire d'Ituri.
II.1.a) les causes lointaines du conflit Hema-Lendu
Avant de donner en détails sur les
différentes causes, il est utile de parler de l'identité
Hema-Lendu.
1. Les Lendu :
De souche soudanaise, les lendu tirent leur origine de la
région des Haut Plateaux du soudan Oriental, précisément
de Ngbaladja (colline située entre Soudan et Ethiopie) et de Kandju
où ils habitaient initialement. Les lendu ont été
repoussés progressivement vers le sud par les peuples nilotiques et ont
pénétré en RDC par le nord de l'Ituri,
précisément par l'actuel territoire de Mahagi où ils ont
trouvé et repoussé les Nyali (bantu) vers l'ouest.
Là ils se sont installés et se sont
adonnés à la culture de produits vivriers, notamment la patate
douce, le haricot, le sorgho, etc.
Sur ce territoire ainsi conquis, les lendu
connaîtront une forte expansion démographie à telle
enseigne qu'à ce jour, sur cinq territoires qui forment le district de
l'Ituri, les lendus en occupent trois ( Irumu, Djugu et Mahagi) aux
côtés d'autres peuples. Ils sont appelés tantôt Ngiti
(dans le territoire d'Irumu), tantôt bale (dans le territoire de Djugu),
selon leur situation géographique.
2. Les Hema
Les hema sont des nilotiques. Ils sont
arrivés dans le district de l'Ituri vers le 18e siècle, en
provenance des Hauts- Plateaux du sud-est Ethiopien et sont passés par
l'Ouganda pour atteindre la RDC.
Peuple agro pasteur, les hema élèvent aussi
bien le petit bétail (chèvre, mouton, porc et volaille) que le
gros bétail (vache). Il sied de noter que les épidémies
bovines et le manque de pâturage ont amenuisé le cheptel de sorte
qu'à ce jour un grand nombre de ces pasteurs traditionnels pratiquent
activement l'agriculture.
Organisés en 16 collectivités chefferies, les
Hema se retrouvent dans un seul territoire (Mahagi) tandis qu'ils partagent
deux autres avec les Lendu (Djugu et irumu) sur les cinq que compte l'Ituri.
Cette coexistence de ces deux peuples qui doivent exploiter
les mêmes ressources foncières pour exercer leurs activités
(agriculture pour les uns et l'élevage pour les autres) constitue un
facteur de tension permanente dans ce district de la Province Orientale.
Déjà en 1940, l'incorporation d'autorité
des villages Lendu de Lokpa et de Nombe dans la chefferie de Banyangu de hema
sud, par la décision de l'autorité coloniale n°227 du 27
Novembre 1940 a dû suscité de fortes tensions entre les deux
communautés.
Après l'indépendance, l'annexion des plusieurs
villages Lendu de la plaine de Semliki au secteur des hema sud par
l'autorité de la province de Kibali-Ituri en 1966, a eu de
rebondissements en 1979, 1981, 1992, etc.23(*)
Dans le territoire de Djugu, les contentieux fonciers
caractérisés par la recherche et l'acquisition anarchique des
concessions foncières, ainsi que l'exiguïté des terres face
à l'explosion démographique toujours galopante constitue la cause
principale de conflit.
A ces causes lointaines il faut ajouter :
· Le rôle négatif joué par le pouvoir
colonial dans l'intégration communautaire en favorisant la
discrimination des certains groupes ethniques au profit des autres ;
· La mauvaise gouvernance de pouvoir politique et des
régimes passés ;
· La politique de clientélisme ou de favoritisme
développée par certaines églises et organisations non
gouvernementales24(*).
b).les causes immédiates de ces
conflits
Le plus récent de ces conflits, qui s'est
accompagné d'innombrables actes de violence, a son origine dans un
litige foncier survenu en 1998, lorsque certains concessionnaires hema ont
profité de l'affaiblissement de l'appareil d'État pour agrandir
leurs concessions au détriment des agriculteurs - principalement lendu
- installés au voisinage de ces concessions. Lorsque les agents de la
force publique sont venus les expulser de leurs terres, ces agriculteurs se
sont révoltés et ont commencé à ravager les
concessions des concessionnaires hema. Parties du nord de Bunia, les violences
se sont progressivement étendues à l'ensemble du district de
l'Ituri. De surcroît, au fur et à mesure de sa progression sur le
terrain, le conflit s'est transformé en affrontement entre deux
communautés, les Hema et les Lendu.
Ce conflit en Ituri entre Hema et Lendu a été
exacerbé par l'implication des armées étrangères,
des groupes rebelles et des forces gouvernementales de la RDCongo, comme le
montrent la plupart des rapports des organismes internationaux. Selon la MONUC,
« l'armée ougandaise (UPDF), déployée dans
l'Ituri depuis la fin de 1998, a attisé le conflit en apportant son
appui, au moins au début, à certains notables hema et, selon
certains rapports, en bombardant plusieurs centaines de villages lendu.
Certaines chefferies coutumières lendu ont alors organisé des
milices d'autodéfense. Convaincus de l'existence d'un complot hema
contre eux, les Lendu ont lancé ces milices à l'assaut de
villages hema au seul motif qu'ils étaient peuplés de Hema. Les
Lendu ont également reçu des appuis extérieurs pour
s'organiser, tant de la part de parties congolaises (Gouvernement d'avant la
transition, mouvements rebelles, etc.) que de certains officiers
ougandais. »
Selon le Rapporteur spécial de l'ONU, Roberto
GARRETON le conflit en Ituri, faussement présenté comme un
affrontement tribal, une violence ethnique ciblée, est un fait politique
et a été déclenchée par la présence
ougandaise dans la région. La présence des militaires de
l'armée ougandaise contrôlant la région en y installant
une administration acquise à leurs intérêts, a
contribué à détruire le district. Le trafic
exagéré d'armes lourdes et légères , les conflits
de Leadership et de positionnement et/ ou le repositionnement ethno-tribal qui
se manifestera visiblement avec la présence des troupes rebelles
aujourd'hui actif en partis politiques, nous citons le Rassemblement Congolais
pour la démocratie- Kisangani mouvement de libération (RCD-KML),
le Mouvement de Libération du Congo (MLC), et autres, ont
provoqué la culture de violence, de haine, des assassinats, d'actes de
génocide, de cannibalisme sans oublier les vols, les pillages.25(*)
Human Rights Watch désigne le Général
de brigade James KAZINI, alors commandant en chef des militaires de l'UPDF au
Congo, parmi les promoteurs ou complices de la tragédie en Ituri. Ce
général de brigade s'est lancé dans l'aventure de
création d'une nouvelle province l'Ituri, avec Bunia comme capitale, et,
ensuite a nommé un HEMA pour la diriger, consacrant ainsi les
appréhensions relatives à l'engagement de l'Ouganda aux
côtés d'une ethnie les Hema, contre d'autres ethnies,
particulièrement les Lendu.26(*) En même temps, un autre rapport de Human
Rights watch du mois de Janvier 2001,
renseignait que «... alors que l'ampleur du conflit
Hema-Lendu devenait, évidente, les soldats de l'UPDF (Ugandan People's
Defense Force) ont continué à former des recrues des deux
côtés ».
Plusieurs groupes armés vont être
créés et la guerre va prendre une ampleur autre que son
début. Parmi ces groupes, armées citons l'UPC de Thomas Lubanga,
l'UPI, le PUSIC, le FNI et les FAPC. Toutes ces milices locales ont
bénéficié du soutien de armées
régulières et de mouvements rebelles et ont commis de graves
exactions sur les populations de l'Ituri., Lorsque l'Union des Patriotes
Congolais (UPC), une milice hema, a pris le contrôle de Bunia, d'abord en
août 2002 puis en mai 2003, elle a mis en oeuvre une politique de
nettoyage ethnique visant à « nettoyer » la ville de ses
habitants lendu et bira et de sa communauté nande « non originaire
», cette dernière communauté se trouvant en situation de
rivalité commerciale avec les hommes d'affaires hema. Plusieurs
centaines de villages lendu ont été attaqués et
complètement détruits par des hélicoptères de
l'armée ougandaise agissant de liaison avec des milices hema au sol.
Ces conflits ont commencé en 1999 et vont rependre en
août 2000, faisant près de 10.000 victimes, et
entraîné le déplacement d'environ 50.000 personnes. En
résumé, cela aurait fait, depuis 1999, plus de 15.000 victimes et
entraîne le déplacement de près de 175.000 personnes, dont
50.000 uniquement après le 19 janvier 2001.27(*)
II.3 Conséquences des conflits armés en Ituri
II.3.1 Sur le plan économique
Les conflits armés en Ituri ont eu des
conséquences néfastes aussi bien sur l'économie urbaine
que sur l'économie rurale. Tous les facteurs de production, à
savoir la terre, le travail et le capital ont été touchés
par ces conflits.
Concernant la terre, suite aux différents
affrontements entre factions rebelles, la terre principale source des conflits
a été abandonnée dans la plupart des territoires.
Les attaques répétées et
l'insécurité causée par les milices sur les villages ont
diminué la productivité du travail : la population
décimée ou contrainte à se déplacer massivement
pour chercher un terrain d'asile ailleurs. Tous ces éléments ont
pour conséquence que la main d'oeuvre soit affaiblie,
déplacée ou carrément massacrée.
Quant au capital, considérer globalement comme
étant une somme que l'on fait valoir dans une entreprise, il y a lieu
d'indiquer que suite à la guerre quelques unités de production
qui étaient encore opérationnelles en Ituri ont été
détruites, les magasins ont été pillés, les hommes
d'affaires ruinés.
En définitive, les conflits en Ituri Ils ont
contribué à la destruction des champs, des fermes et des
infrastructures de base, aux pillages, aux vols, mais surtout ils ont
anéanti la population qui est le premier facteur de production. En
effet, les conflits en Ituri ont décimé la population,
détruit des villages, causé des déplacés massifs,
anéantis des familles, laissant des blessés, des maladies, des
effets psychiques qui ont une incidence négative dans l'avenir.
II.3.2 Sur le plan social
Comme il a été énoncé
précédemment dans la section des ressources humaines, la
population de l'Ituri était estimé à environ 3500000 en
1997 d'après le rapport annuel de l'administration du territoire
1997.
D'après le rapport du Human Rights Watch 2003, plus de
3,5 millions de morts dans le pays entier et plus de 50.000 morts dans le
district de l'Ituri par l'effet multiples des guerres.
Les personnes vulnérables qui ont été le
plus touchées sont les vieillards, les enfants de moins de 5 ans et les
femmes qui sont soit fragiles, soit ont les moyens de défense
limitée. Relevant les conséquences sociales, les cas suivants
sont observés :
- accentuation du taux de maladie sexuellement
transmissible ;
- destruction des infrastructures sanitaires et
scolaires ;
- destruction des logements de la population
- non paiement des salaires et augmentation du taux de
chômage ;
- beaucoup d'enfants enrôlés de force dans
l'armée et pour certain par goût d'aventure et plusieurs ont connu
la mort ;
- perte des parents, et certains enfants deviennent enfants de
la rue à la merci des organismes humanitaires ;
- divorces, séparations des époux, des enfants
avec leurs parents, etc.
II.4 CONFLITS ET VIOLENCE SEXUELLE FAITE A LA FEMME ET LA
JEUNE FILLE
Les conflits en Ituri ont été un moment des
dures épreuves pour la femme et la jeune fille. Elles ont
été la cible de tous les groupes armés qui les ont
soumises à toutes les formes de violences sexuelles.
Les violences sexuelles ont été largement
utilisées comme arme de guerre durant le conflit en Ituri et restent
aujourd'hui intimement liées à l'insécurité et
à l'instabilité qui y prévalent encore. Même dans
des parties du District d'Ituri aujourd'hui stabilisées, comme à
Bunia, le viol est toujours présent. Il s'inscrit dans un climat de
violence urbaine, étroitement lié à une situation fragile
d'après-guerre.
Selon le rapport de MSF, en deux ans et demi,
c'est-à-dire entre juin 2003 et janvier 2005, plus de 3 500 femmes dont
l'âge varie entre 8 mois et 80 ans, ont été victimes de
violences sexuelles.
Les motivations à la base de ces violences sexuelles
sont multiples. Les objectifs présumés des violeurs, sont soit de
détruire la cohésion, soit de briser tout élan de
résistance des familles et de communauté en les humiliant, soit
de se venger des violences subies par les leurs. D'autres viols ont
été motivés par la superstition ou la recherche de la
puissance, du sentiment de force et d'invulnérabilité. En
violant une fille vierge ou une vieilli femme, l'agresseur prétend ou
croit récupérer une quelconque force surnaturelle de domination
ethnique ou réduire la fécondité du groupe antagoniste.
Ainsi, les éléments des groupes armés
qui se sont affrontés en Ituri, et même certains civils, ont
dû pratiquer diverses formes violences à l'endroit des femmes et
des jeunes filles. En mai 2004, des allégations graves d'exploitations
à caractère sexuel des femmes et des jeunes filles par les
membres civiles et militaires des organismes internationaux travaillant
à Bunia ont été rendu public, et cela a été
encore signalé par quelque unes de nos enquêtées en
décembre 2006 et en janvier 2007.Les violences sexuelles ont pu
être perpétrées par toute personne en position de pouvoir,
d'autorité ou de contrôle.
Nous pouvons indiquer ici quelques formes de violences
sexuelles qui ont été couramment utilisés dans le District
de l'Ituri. Il s'agit notamment de :
- viols massifs ou individuels commis par des civils et des
membres de groupes armés en public;
-viols massifs ou individuels commis par des civils et des
membres de groupes armés en brousse;
- incestes forcés entre membres d'une même
famille ;
-rapports sexuels forcés entre les captifs
(prisonniers et prisonnières de guerre);
- violences sexuelles telles que l'introduction d'objets durs
en fer ou de
bâtons dans le vagin, les tirs à balles
réelles et à bout portant dans les
parties génitales ;
- rapts de petites filles à des fins d'esclavage sexuel
;
- mutilations sexuelles après le viol ;
- déportation des jeunes filles en vue de la
prostitution forcée, d'où
l'expression rapportée en Ituri « one dollar, one
wife » ;
-la traite des femmes: les violeurs ayant enlevés et
violés les femmes exigent une rançon de 100 à 200$ pour la
libération d'une victime après un délai bien
déterminé, au delà duquel les victimes sont tout
simplement tuées.
Le tableau ci-dessous reprend quelques cas de violences sexuelles
commises en Ituri entre 2004 et 2007
TABLEAU SYNOPTIQUE DES VIOLENCES SEXUELLES
FAITES A LA FEMME ET JEUNE FILLE EN ITURI (2004-2007)
N°
|
Etat matrimonial
|
Age
|
Date ou mois
|
Lieu
|
Circonstance (s)
|
1
|
Mariée
|
35 ans
|
Déc 2004
|
A Komanda (75 km de Bunia)
|
Violée par 4 militaires lors des affrontements
|
2
|
célibataire
|
20 ans
|
Déc 2004
|
A komanda
|
Enlevée par les soldats en présence de ses
parents. Viols collectifs commis par plusieurs combattants, centre de
santé pour être soignée.
|
3
|
Célibataire
|
19 ans
|
Déc 2004
|
A komanda
|
Violée par 3 miliciens combattants
|
4
|
Célibataire
|
23 ans
|
Déc 2004
|
Komanda
|
Viol collectif par des combattants
|
5
|
Mariée et divorcée après viol
|
22 ans
|
Déc 2004
|
Dans la brousse par des inconnus près de chez elle
|
Violée par 2 inconnus de tendance miliciens
|
6
|
Mariée et divorcée après viol
|
45 ans
|
Déc 2004
|
Dans la brousses komanda
|
Violée avec sa fille dans la brousse par des
inconnus
|
7
|
Veuve
|
34 ans
|
Déc 2004
|
Nyankunde (54 kms de Bunia)
|
Violée par deux jeunes gens du quartier, devenus
combattants
|
8
|
- ?
|
16 ans
|
Déc 2004
|
Nyankunde
|
Violée par les mêmes jeunes gens.
|
9
|
Célibataire
|
14 ans
|
Déc 2004
|
Nyankunde
|
Violée par les miliciens
|
10
|
- ?
|
23 ans
|
Déc 2004
|
Périphérie de nyankunde
|
Violée par des hommes non armé mais très
arrogants.
|
11
|
-
|
27 ans
|
Janv 2005
|
A balazara (40 km de Bunia)
|
Rassemblées dans leurs cases puis violées
collectivement en présence de leur père et de son mari, le
père sera exécuté, suite à son refus d'observer la
scène
|
12
|
-
|
18 ans
|
Janv 2005
|
idem
|
Soeur au n°11
|
13
|
Célibataire
|
18 ans
|
Janv 2005
|
idem
|
Soeur au n°11
|
14
|
Célibataire
|
25 ans
|
Janv 2005
|
idem
|
Soeur au n°11
|
15
|
veuve
|
25 ans
|
Janv 2005
|
idem
|
Soeur au n°11
|
16
|
|
22 ans
|
Janv 2005
|
Balazara
|
Violée par des miliciens
|
17
|
|
17 ans
|
Nov 2004
|
A mudjipela (Bunia)
|
Violée après rapt à domicile par des
soldats armées
|
18
|
|
22 ans
|
Nov 2004
|
A mudjipela (Bunia)
|
Violée après rapt à domicile par des
soldats miliciens
|
19
|
Célibataire
|
24 ans
|
Nov 2004
|
A mudjipela (Bunia)
|
Violée par des soldats après rapt à
domicile
|
|
Célibataire
|
17 ans
|
Nov 2004
|
A mudjipela (Bunia)
|
Violée après rapt à domicile par des
soldats miliciens
|
21
|
Célibataire
|
+- 34 ANS
|
Nov 2004
|
A Bigo
|
Violée par des soldats après rapt à
domicile
|
22
|
Célibataire
|
23 ans
|
Déc2004
|
Cité de Bunia
|
Violée par des miliciens en main armée
|
23
|
Célibataire
|
21 ans
|
Déc 2004
|
Cité de Bunia
|
Violée par des miliciens en main armée
|
24
|
Célibataire
|
30 ans
|
Déc 2004
|
aéroport de Bunia
|
Elle sera violée par des soldats non congolais et est
victime infectée du VIH/SIDA
|
25
|
Célibataire
|
29 ans
|
Déc 2004
|
Bigo a Bunia
|
Dans la même situation que la
précédente
|
26
|
Célibataire
|
19 ans
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée avec ses deux amies par des soldats miliciens
après avoir subit des tortures
|
27
|
Célibataire
|
20
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
idem
|
28
|
Célibataire
|
20
|
Décemb. 2004
|
A Bunia
|
idem
|
29
|
Divorcée
|
33 ans
|
Décemb. 2004
|
A Bunia
|
Lors des fuites, prise avec ses autres soeurs dont une va
décéder sur place pendant l'acte sexuel
|
30
|
divorcée
|
|
Novemb 2006
|
A Bunia
|
Dans la brousse par des inconnus, en provenance de la source
d'eau
|
31
|
divorcée
|
|
Nov 2006
|
A Bunia
|
idem
|
32
|
-
|
19
|
Janv 2007
|
A Bunia
|
Violée par des jeunes gens miliciens profitant des
troubles du 23 janvier 2007
|
33
|
Célibataire
|
33
|
Janv2007
|
A Bunia
|
Violée par des jeunes gens miliciens après avoir
été pillée
|
34
|
Célibataire
|
19
|
Janv2007
|
A Bunia
|
Travailleuse de la victime précédente de 33 ans,
violée dans la même circonstance
|
35
|
Célibataire
|
|
Janv2007
|
A Bunia
|
Cas frais, subissant une forte dépression
|
36
|
Célibataire
|
18
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée après avoir assisté à
l'égorgement de leurs mère et père appartenant à
l'ethnie recherchée par les milices
|
37
|
mariée
|
24
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par trois miliciens
|
38
39
|
Célibataire
Célibataire
|
23
|
Déc 2004
|
A Bunia
|
Violée par des combattants
|
40
|
mariée
|
17
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée dans des situations compliquée qu'elle
n'arrive pas à expliquer clairement et sur ce on suppose que l'acte a
été posé plusieurs fois par plusieurs personnes
|
41
|
Célibataire
|
27
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée dans leur maison en présence des
parents
|
42
|
Célibataire
|
26
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
idem
|
43
|
Célibataire
|
23
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par des inconnus lors des fuites
|
44
|
veuve
|
36
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Elle s'est vue pillée puis revenu, violée
après avoir assistée à l'égorgement de son mari
|
45
|
veuve
|
30
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par des combattants
|
46
|
Célibataire
|
14
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par des combattants
|
47
|
Célibataire
|
19
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par des combattants
|
48
|
Célibataire
|
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par des inconnus armés
|
49
|
mariée
|
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée par deux miliciens parlant lendu
|
50
|
Célibataire
|
30
|
Déc.2004
|
A Bunia
|
Violée a leurs domicile par des jeunes gens du quartier
devenus miliciens.
|
Source :
Ce tableau montre que les violences sexuelles en Ituri ont
indistinctement frappé les femmes de tous les âges et quel que
soit statut matrimonial (célibataire, mariée, divorcé ou
veuve). Mais, les jeunes filles ou dames de mois de 25 ans semblent avoir
été particulièrement visées. Les violeurs
appartiennent aussi bien aux milices locales, aux groupes rebelles que forces
régulières.
Toutes ces violences sexuelles ont entraîné
plusieurs conséquences dont :
- la prostitution des filles et femmes
mariées ;
- l'infidélité et insoumission des
épouses envers leurs maris et filles envers leurs parents ;
- taux de natalité élevé des enfants sans
paternité déclaré ;
- abandon des études par des jeunes filles pour
s'enrôler da s'armée ;
- exacerbation de l'exploitation de la femme par
l'homme ;
- violence excessif et sans mesure, les femmes et jeunes files
sont devenues des cibles de choix lors des conflits armés et souffrent
beaucoup plus ;
- les femmes et jeunes filles ne sont pas seulement victime
des conflits, elles en sont des agents actives ; elles peuvent choisi de
participer aux conflits ou de fournir un soutien non militaire ou bien
être manipulées ou forcées à jouer différents
rôles. Elles sont contraintes de devenir esclaves sexuelles ou de servir
de domestique aux groupes armés.
- rejet par le conjoint en cas de viol ;
- culpabilisation de la survivante abandonnée
après viol ;
- déstabilisation familiale où la femme est au
centre ;
- rejet sociale ou isolement après avoir être
violée.
C'est pour lutter contre ces conséquences que quelques
organismes humanitaires apportent de l'assistance psychosociale aux femmes
victimes des violences sexuelles à l'effet d'assurer leur
réinsertion sociale. L'action de ces organismes et sa perception par les
femmes bénéficiaires constituent l'essentiel du troisième
chapitre.
2.2.2. Les conséquences des
violences sexuelles
Elles sont multiformes. On note :
§ Des conséquences physiques : Les blessures
, les lésions , les maladies l'infection sexuellement transmissibles,
les VIH-SIDA , les grossesses non désirées, les troubles
menstruels , les troubles gynécologies, l'hémorragie, la mort, le
désespoir qui constitue l'une des attitudes des personnes ayant
longtemps ou horriblement souffert. Cette altitude se manifeste à
travers les cris de lamentation implorant un secours et se dit avoir perdu sa
force) ;
§ . Des conséquences psychologiques : la
peur, la honte, la souffrance morale, la dépression, le traumatisme, le
dégoût, l'impuissance, l'insécurité ,la
culpabilité (cela peut être vraie ou faux. Elle est vraie
quand elle découle d'une expérience subjective faite par la
victime réellement violée. Elle est fausse quand le sentiment de
culpabilité devient exagéré et inutile. Par ce sentiment,
la victime reconnaît a son viol une ouverture de part ses propres
faiblesses), attitude de rester sur son passé c'est-à-dire sur
l'acte quelle a subi. Elle est psychologiquement abattue si bien qu'elle a une
apparence maladive bien qu'elle se manifeste par une lésion organique
détectable par le médecin ; l'inquiétude (la victime
est souvent agitée par la crainte de la mort suivant les dommages
causées sur elle. Parce qu'aussi beaucoup de fois c'est l'incertitude au
sujet de son avenir qui fera sa préoccupation. De même une
régression psychologique bat record. Elle se trouvera dans un
fossé dans lequel les intervenants devrant la faire des personnes
victimes des viols. Cette solitude devient un problème quand la personne
n'a pas une descendance. Il arrive aussi d'être porteuse d'un mauvais
sort. Elle s'accompagne d'une hostilité manifeste à
l'égard de la victime).
Ces déverses attitudes de la victime face à son
état de santé exigent des intervenants un esprit de discernement
et forte observation, en vue de déterminer l'attitude exacte pour que
leurs interventions ne plongent pas la bénéficiaire dans sa
dépression ou culpabilité. Ce qui risque d'aggraver son
état de santé physique et psychique.
CHAPITRE III : LES OPINIONS DES FEMMES VICTIMES
DES
VIOLENCES SEXUELLES EN ITURI
SUR LEUR PRISE
EN
CHARGE
Les femmes et jeunes filles victimes de
violences sexuelles de l'Ituri en général et de Bunia en
particulier, bénéficient de l'assistance psychosociale leur
apportée par quelques organismes qui opèrent dans le secteur
humanitaire. Nous avons voulu dans ce travail voir comment ces femmes et jeunes
filles apprécient la manière dont elles sont pises en charge par
ces organismes. Avant d'y arriver, nous allons dans la première section
présenter quelques organismes de prise en charge psychosociale des
victimes des violences sexuelles en Ituri. Dans la deuxième section nous
allons décrire notre démarche méthodologique. Dans la
troisième section nous présentons les résultats de nos
enquêtes qui sont interprétés dans la quatrième
section.
III. 1 : QUELQUES ORGANISMES D'ASSISTANCE
PSYCHOSOCIALE
Depuis le déclenchement des conflits en Ituri en 1999,
quelques organismes se sont mis en branle pour apporter de l'assistance
psychosociale aux femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles. De
diverses natures, ces organismes sont locaux, nationaux et internationaux.
Parmi eux, on peut dénombrer les ONG, les églises, certaines
branches spécialisées du système des Nations Unies. Citons
à titre indicatif la Solidarité Féminine
pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI), la
Cooperazione Internazionale (COOPI), le Centre d'intervention Psychologique
(CIP), le Médecin Sans Frontière (MSF), le Comité
International de la Croix Rouge (CICR), le Haut Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés (HCR), Centre Droits et Démocratie, la
Ligue pour Lecture de la Bible, etc.
Ces organismes ont un champ d'action assez large qui
dépasse seule assistance psychosociale. Leur intervention comprend entre
autres l'octroi à toutes les victimes de la guerre des
équipements de première nécessité tels les
bâches, les tentes, pour se protéger contre les
intempéries ; la fourniture d'eau potable et de denrées
alimentaires ; la prise en charge médicale par l'administration des
soins médicaux et des médicaments, etc.
Dans le domaine de l'assistance psychosociale proprement
dite, ces organismes orientent leurs actions dans le sens d'offrir aux victimes
des violences sexuelles des conditions psychologiques et sociales leur
permettant de retrouver leurs statuts au sein de leurs familles et de leurs
communautés.
En somme, ces actions consistent notamment à :
- l`identification des victimes de viols et violences
sexuelles perpétrés par les miliciens, les civils et les
militaires du gouvernement dans le contexte des guerres d'Ituri;
- au transport des victimes de violences sexuelles du lieu
du viol au Centre de Transit et d'Orientation (CTO) pour la prise en charge
psychosociale ;
- l'organisation des panels (entretiens multiples) en vue de
libérer les victimes des violences sexuelles des traumatismes qui les
accablent ;
- la protection, encadrement et apprentissage de l'artisanat
et autres métiers aux femmes et jeunes filles victimes des violences
sexuelles ;
- l'accompagnement judiciaire des victimes de violences
sexuelles ; etc.
Toutes ces actions visent à redonner aux victimes de
violences sexuelles des conditions, psychologiques et sociales leur
permettant de retrouver leurs statuts au sein de leurs familles et de leurs
communautés. Il s'agit d'assurer une prise en charge holistique des
victimes de violences pour leur garantir le recouvrement d'une santé
psychique et le bien être social. Dans leur agenda, ces organismes
visent également à appuyer les communautés dans l'adoption
de mécanismes appropriés de protection des femmes et des jeunes
filles, de réduction des risques de violences contre les femmes et les
jeunes filles, de soutien et de solidarité avec les victimes et de
changements socioculturels pour lutter contre ces violences sexuelles.
Pour réaliser ces missions qu'ils se sont
assignés, ces organismes ont adopté plusieurs stratégies,
notamment la sensibilisation, l'animation à la base, la
réinsertion socio-économique et la formation des femmes leaders
communautaires.
Par ces actions, ces organismes ont pu contribuer à
soulager la plupart des femmes et les jeunes filles qui ont subi les violences
sexuelles en Ituri en général, et dans la ville de Bunia en
particulier. Nous avons cherché à connaître la perception
qu'ont ces femmes et jeunes filles de l'assistance psychosociale qui leur est
apportée par ces organismes humanitaires qui opèrent dans cette
partie de la RDCongo. C'est l'objet des sections suivantes.
III.2. ORGANISATION DE L'
ENQUETE
1. Univers
d'enquête
Le nombre des victimes des violences sexuelles commises au
cours des conflits armés en RDC, et précisément en Ituri
est estimé à des dizaines des milliers. Il est cependant
difficile de parvenir à des chiffres exacts. Les seules données
existantes sont celles fournies par Human Rights Watch pour la période
allant de juin 2003 à janvier 2005 qui estime à 3.500 le nombre
des femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles. Ces
données constituent déjà une bonne base sur laquelle nous
pouvions mener les enquêtes. Mais, elles doivent être
relativisées étant données tenant compte de plusieurs
facteurs influant sur les fiabilité. Remarquons que la période
couverte par notre étude (1999 à 2007) déborde largement
celle prise en considération par Human Rights Watch (2003-2005). Il en
résulte que plusieurs autres cas de violences sexuelles échappent
à la comptabilité établie à ce jour. Ceci pour
plusieurs raisons.
En effet, le manque de sécurité dans des
nombreuses régions, l'inaccessibilité de certains lieux et
l'impossibilité physique ou matérielle de certaines victimes de
se déplacer, rend difficile l'obtention des données exactes.
La peur de représailles de la part des auteurs des
viols et le risque d'être rejetées par leurs familles ou
méprisées par leur communautés empêchent souvent
également les victimes de rompre le silence. Certaines victimes ne
demandent des soins que des jours, des mois voire des années
après avoir été violés ; ce qui rend difficile
la tâche d'évaluer l'état actuel de la situation.
Par conséquent, il est difficile de déterminer
la taille de notre univers d'enquête. Quand bien même nous aurions
de la taille exacte de l'univers d'enquête, l'étendue, la
modicité de nos moyens matériels et financier et le bref
séjour à Bunia ne nous auraient par permis d'entrer en contact
avec chacune des unités faisant partie de l'univers d'enquête.
C'est pourquoi, nous avons procédé par
l'échantillonnage pour prélever quelques individus sur lesquels
nous avons fait notre enquête.
2. Echantillon du
travail
Bernard BEKELSON définit l'échantillon comme
un choix scientifique dans l'ensemble d'une population.2(*) Il s'agit d'en prélever une
portion, car la population toute entière ne peut être
examinée en particulier parce qu'elle est trop nombreuse par rapport aux
moyens dont dispose le chercheur.3(*)
Il constitue une partie représentative de personnes à interroger
au cours d'une enquête sondage. Jacques Maître abonde dans le
même sens lorsqu'il parle de sondage, c'est-à-dire de recensements
sur les questionnaires d'opinion. A ce sujet, il estime que la théorie
statistique des jugements sur l'échantillon permet de résoudre
pratiquement le problème que l'on traite.
Pour constituer notre échantillon, nous avons fixé
les critères de sélection ci-dessous :
· Avoir été réellement victime de la
violence sexuelle ;
· Avoir bénéficié de l'assistance
psychosociale.
Etant donné que la taille réelle de la
population mère n'est pas connue, nous avons accidentellement
prélevé un échantillon de 50 unités. Etant
donné les difficultés d'accessibilité, de
disponibilité et de dénombrement de toutes les victimes, nous
avons donc travaillé avec celles qui ont été disponibles
au moment de notre passage.
Outre ces 50 enquêtées auxquelles nous avons
administré systématiquement notre questionnaire, nous avons eu
des entretiens pendant notre stage au Centre d'Intervention Psychosociale
(CIP/Ituri) avec quelques femmes et jeunes filles victimes des violences
sexuelles sous la supervision des assistants sociaux. Nous avons aussi
recueilli les avis et considérations des certains agents actifs au
service de cette population victime.
Notons qu'en dépit de toutes les stratégies
mises en place pour la récolte des données,
révélons tout de même que l'une des conséquences des
violences sur les victimes est le développement chez les femmes et
jeunes filles victimes des violences sexuelles d'une certaine méfiance
vis-à-vis d'autres personnes surtout celles de l'extérieur. Cet
état des choses n'a pas rendu facile nos entretiens avec les
enquêtées.
Instrument de
travail
Pour réaliser ce travail, nous avons fait appel
à la technique du questionnaire administré sous forme
d'interview. Les questions posées dépendaient de la situation
d'une victime à une autre, dans le strict respect de sa personne. Nous
avons adopté une attitude d'assistante sociale afin de mettre en
confiance nos enquêtées pour obtenir le maximum d'informations
utiles à la réalisation de notre étude.
Récoltes des
données
Signalons que nous avons suivi une formation assurée
par les agents spécialisés pour que notre façon de nous
entretenir avec les victimes ne puisse pas constituer un autre problème
pouvant les enfoncer dans les situations de choc ou pour certaines au retour
à des situations stressantes précédentes.
Comme la majorité des victimes se retrouve dans des
milieux périphériques, nous étions obligée
d'effectuer des très longs trajets pour une bonne conversation.
Présentation des résultats de
l'étude
Pour des raisons de commodité du travail, il a paru
pratique de présenter les données d'enquête recueillies sur
terrain dans un enchaînement logique, impliquant toutes les victimes
interviewées, leurs états matrimoniaux, leurs âges,
même si quelques unes d'entre elles ne pouvaient pas décliner
facilement leurs âges, les circonstances ayant favorisé l'acte de
viol, les organismes de prise en charge et leurs opinions sur les actions de
prise.
Les résultats sont présentés dans des
tables simples reprenant les opinions, les effectifs et les fréquences.
.
III.3. Présentation et
interprétation des données
II.3.1. Présentation des résultats
a. Identification des
d'enquêtées
Tableau n°2 : Répartition
des enquêtées selon
l'âge.
Tranche d'âge
|
Fréquence
|
Pourcentage %
|
10 - 15 ans
16 - 20 ans
21 - 25 ans
26 - 30 ans
31 et plus
Ne connaissait pas
|
2
15
10
7
8
8
|
4
30
20
14
16
16
|
Total
|
50
|
100
|
Source : nos enquêtes
A la lumière de ce tableau, 15 sur 50 soit 30% de nos
enquêtées se retrouvent dans la tranche d'âge qui varie
entre 16 et 20 ans, 10 soit 20% entre 21 et à 25 ans, 8 soit 16 %, se
situent entre 31 et plus 8 autres ne connaissent pas leur âge, 7 soit 14
% ont un âge qui varie entre 26 et 30 ans.
Tableau n°3 Répartition des
enquêtées selon le niveau
d'études
Niveaux d'études
|
Effectifs
|
Pourcentages %
|
Primaire
Secondaire
Universitaire
Apprenant (en cours d'alphabétisation)
Sans instruction
|
5
11
1
29
4
|
10
22
2
58
8
|
total
|
50
|
100
|
Source : nos enquêtes
De ce qui précède, 29 sur 50 soit 58 % de nos
enquêtées sont en cours d'alphabétisation dans des centres
de formation créés par quelques ONG; 11 sur 50 soit 22 % sont
celles qui ont fait des études secondaires, 5 sur 50 soit 10 % ont fait
les études primaires, 4 sur 50 soit 8 % ne savent ni lire ni
écrire.
Tableau. 4. Répartition des
enquêtées selon l'âge selon les confessions religieuses
Confessions religieuses
|
Effectifs
|
Pourcentage %
|
Catholique
Protestante
Musulmane
Autres églises
|
4
13
3
30
|
8
26
6
60
|
Total
|
50
|
100
|
Source : nos enquêtes
Au regard de ce tableau, 30 enquêtées
interrogées soit 60% sont dans des confessions religieuses autres que
celles précitées, pour certaines parmi elles, la foi ne
représente plus rien ; 13 sur 50 soit 26% sont des protestantes, 4
sur 50 soit 8 % sont catholiques, 3 sur 50 soit 6 % enfin sont musulmanes.
Il ressort de ces données d'identification que la
majorité de nos enquêtées sont des jeunes filles ou dames
dont l'âge varie entre 16 et 25 ans ayant un faible niveau d'instruction
et fréquentant d'autres églises que celles traditionnelles
(catholique, protestant et islam).
b. Opinions des
enquêtées
Tableau. 5. Personnes
bénéficiaires de l'aide psychosociale
Réponses
|
Effectifs
|
Pourcentage %
|
Ayant été prise en charge
En cours de prise en charge
Au début de prise en charge
|
30
15
5
|
60
30
10
|
Total
|
50
|
100
|
Source : nos enquêtes
Il ressort de ce tableau que 30 enquêtées
soit 60% des enquêtées ont déjà
bénéficié de la prise en charge psychosociale et
réinsérées dans la vie sociale ; 15 sur 50 soit 30%
sont en plein processus de prise en charge psychosociale, et 5 sur 30 soit 10
% sont au début de la prise en charge psychosociale.
Tableau n°6. Appréciation de la prise
en charge psychosociale
Opinions
|
Effectifs
|
Pourcentage %
|
C'est suffisant
Ce n'est pas suffisant
Cela dépend
|
35
12
3
|
70
24
6
|
total
|
50
|
100
|
Au regard de ce tableau, 35 sur 50 enquêtées sont
70 % semblent être satisfaites du service rendu par les intervenants, 12
sur 50 enquêtées soit 24 % ne sont pas satisfaites, 3 sur 50 soit
6 % n'ont pas un point de vue clair.
Tableau 7 : Propositions des
enquêtées pour une amélioration de leurs
situation
Réponses
|
Effectifs
|
Pourcentage %
|
Avoir une activité rémunératrice
Entrer dans le mariage
Arrestation et sanctions contre les violeurs
Quitter le lieu où l'on a subi le viol
Intégrer un groupe armé en vue de
représailles
Aller à l'école, support pour
éducation
Rester aux côtés des assistants sociaux
Obtenir une reconnaissance officielle de leurs souffrances
Etre dédommagées
Plusieurs besoins à la fois
|
10
10
5
2
1
7
3
3
4
5
|
20
20
10
4
2
14
6
6
8
10
|
total
|
50
|
100
|
Sources : nos enquêtes.
Au regard de ce tableau, 10 sur 50 femmes soit 20% de nos
enquêtées souhaitent avoir une activité personnelle
génératrice des revenus et dans la même proportion sont
celles qui souhaitent se marier, 7 sur 50 femmes soit 14 % souhaitent aller
à l'école, mais aussi avoir un support pour l'éducation,
1 sur 50 femmes soit 2 % soutiennent la prise des armes pour participer au
combat et dans la même proportion celles qui souhaitent qu'on tue les
malfaiteurs.
III.2.2. Interprétation des
données
a. Portrait des enquêtées
Sur ce point, nous revenons sur les variables âge,
niveau d'études et confession religieuse.
A propos de l'âge, la majorité de nos
enquêtées affirment avoir l'âge variant entre 16 et 20 ans.
Cet état de chose peut s'expliquer par le fait que la jeune fille a
été la plus visée par les combattants des
différents groupes armés comme objet de jouissance ou encore
comme le maillon le plus faible à partir duquel le camp ennemi pouvait
être humilié. Il semble que l'objectif poursuivi par les violeurs
est celui de détruire la génération future du camp ennemi
représentée par la jeune fille.
Ce constat se dégage davantage, lorsque 22 %
seulement de nos enquêtées déclarent avoir atteint un
niveau secondaire en matière d'instruction. D'ailleurs, la plupart n'ont
pas une formation scoalaire. Cela témoigne la pauvreté de la
plupart des parents de Bunia incapables d'assurer la scolarité des leurs
enfants en général, et des leurs filles en particulier, surtout
lorsque l'on sait que dans nos milieux ruraux les filles ne sont bonnes que
pour le mariage. Cela démontre à plus forte raison combien il est
difficile pour toutes ces femmes et jeunes filles de connaître en
profondeur leurs droits et d'ester en justice contre leurs bourreaux.
Nos statistiques démontrent que toutes nos
enquêtées sont des croyantes et essentiellement
chrétiennes. Nombre d'entre elles nous ont affirmé trouver le
réconfort moral ou la paix intérieure dans les préceptes
bibliques. Après avoir connu des situations très douloureuses,
et face à l'impuissance, mieux à l'inexistence des structures
étatiques, c'est l'église qui se charge de donner des
réponses à leurs angoisses existentielles.
b. Perception de la prise en
charge
Au sujet de la perception, il se dégage de
données reprises dans le tableau 6 que la majorité des nos
enquêtés sont satisfaites de l'assistance psychosociale leur
apportée par les différentes structures interviennent dans ce
domaine.
Faisons remarquer que ces données obtenues
à partir de notre questionnaire contrastent avec celles recueillies au
cours de nos entretiens avec les mêmes enquêtées et
même avec d'autres victimes des violences sexuelles n'ayant pas fait
partie de notre échantillon. En effet, la plupart de nos
enquêtées ont fustigé le fait que l'assistance
psychosociale leur apportée se limite seulement à l'apprentissage
et à l'exercice de quelques activités
rémunératrices. Et là encore, ces activités sont
entreprises dans la perspective communautaire alors que la plupart des
bénéficiaires souhaiteraient exercer ces activités pour
leur compte personnel. En plus, certaines enquêtées ont
stigmatisé le fait que ces activités les mettent en situation de
dépendance vis-à-vis de ces structures. Qu'adviendrait-il si les
différents bailleurs de fonds arrêtaient leur financement,
s'interrogeaient quelques unes de nos enquêtées. Relevons enfin le
fait que les activités génératrices de revenus
initiées par ces structures le sont sans consultation préalable
des bénéficiaires. Ce qui fait qu'elles ne rencontrent pas
souvent leur préoccupation ou n'intègrent pas le projet que
chacune des bénéficiaires aurait initié si elle en
disposait personnellement le moyen.
En outre, il sied de noter que la prise en charge
psychosociale des victimes des violences sexuelles à Bunia se limite aux
aspects socioéconomiques ignorant les dimensions sociales et
culturelles. Et pourtant, pour être efficace, cette prise en charge
devait être holistique ou intégrale, c'est-à-dire prendre
en considération toutes les dimensions de la vie en
société. C'est cet oubli des aspects socioculturels qui
justifient le sentiment d'insatisfaction ressenti par la plupart de nos
enquêtés. L'analyse des différentes propositions
émises par les enquêtées pour une amélioration de
leurs situations nous le démontre.
En effet, l'analyse des propositions émises par
les enquêtées fait ressortir que l'assistance psychosociale leur
apportée n'a pas effectué la catharsis psychique et sociale
qu'elle était sensée réaliser. La plupart des
enquêtées semblent encore être préoccupées par
leur sort et leur devenir social. Certaines enquêtées
éprouvent encore la honte, l'humiliation et l'indignité et ne
se considèrent plus comme membres effectives de leur famille ou
communauté. Elles souhaitent s'éloigner de leur milieu pour
être à l'abri du regard critique de leur communauté. Nous
voyons là que non seulement ces femmes victimes des violences sexuelles
n'acceptent pas ou refusent d'intérioriser leur condition actuelle mais
aussi leur communauté ne facilite pas leur réinsertion sociale en
continuant à les stigmatiser. Dans ces conditions, la prise en charge
psychosociale ne devait-elle pas être élargie à la
communauté dans son ensemble (parce qu'elle a été aussi
violée du fait de la transgression de certaines de ses valeurs) pour
qu'elle accepte ces femmes victimes des violences sexuelles comme ses membres
à part entière.
Cette inquiétude face l'incertitude du
lendemain transparaît dans la proposition faite par certaines
enquêtées qui estiment que leur situation ne peut
s'améliorer que si elles entraient dans le mariage. Comme nous le
savons, dans la vision du monde africaine, la femme ne trouve sa plus noble
expression que dans le mariage. Il est donc légitime que certaines de
nos enquêtées trouvent dans le mariage le symbole de leur
réinsertion sociale. Or celle qui a été violée et
violentée apparaît comme souillée aux yeux de la
communauté, et donc indigne pour être épouse. Une fois de
plus, il appartient à ces structures d'assistance psychosociale de
conscientiser les différentes communautés afin que ces femmes
victimes des violences sexuelles ne pas également victimes de la
discrimination matrimoniale.
Aussi, pour la majorité de nos
enquêtées, elles ne peuvent être réhabilitées
dans leur dignité d'être humain sans que la société
dans laquelle elles vivent reconnaisse qu'elles ont été
agressées dans leur intimité et que ceux là qui se sont
rendus coupables des violences sexuelles ne soient sanctionnés par la
société. C'est pourquoi, nombreuses parmi nos
enquêtées pensent que pour panser leur blessure il faille que
l'on reconnaisse officiellement leur souffrance, que tous les coupables soient
mis aux arrêts, jugés et condamnés et qu'elles obtiennent
le dédommagement des violences sexuelles qu'elles ont subies.
De tout ce qui précède, il apparaît que
l'assistance psychosociale apportée aux femmes et jeunes filles victimes
de violences sexuelles, louable en soi, n'est pas totalement efficace. Elle n'a
pas réussi a extirpé tous les traumatismes qu'endurent ces femmes
et jeunes filles qui continuent à vivre sous l'emprise des frustrations
dues aux violences sexuelles. C'est ainsi que certaines parmi elles pensent
intégrer elles aussi les groupes armés pour se faire justice en
organisant de représailles contre leurs bourreaux qu'elles voient
circuler librement et en toute impunité. Il y a là à
craindre la persistance et l'escalade des conflits dans le District de
l'Ituri.
En définitive, l'approche psychosociale de prise en
charge des victimes des violences sexuelles en Ituri en général,
et dans la ville de Bunia en particulier, a bien montré ses limites.
D'abord, elle ne prend en compte que les dimensions économiques.
Ensuite, elle s'arrête aux individus. Or, comme nous l'avons
mentionné plus haut, les viols n'ont pas concerné que ces femmes
et jeunes filles, mais aussi et surtout la société tout
entière qui a vu ses normes, ses moeurs et ses valeurs
transgressées par ces viols. Il sied donc, au-delà de la prise en
charge individuelle, étendre l'action à
la société dans son ensemble pour que celle-ci se trouve
réhabilitée.
CONCLUSION
Notre étude s'inscrit dans la conjoncture de recherche
de solution au drame qui détruit la femme et la jeune fille en
République Démocratique du Congo, et précisément en
Ituri.
Cette étude porte sur la situation de la femme,
victime des violences sexuelles, celle d'Ituri.
Notre interrogation s'est basée autour de deux petites
questions à savoir :
· Les interventions mises en place jusqu'ici par les
diverses organisations sont-elles efficaces ?
· savoir si des poursuites judiciaires ont
été effectivement entamées afin de réprimander les
auteurs de ces crimes ?
En guise d'hypothèse, nous avons estimé que
l'aide apporté aux femmes victimes des viols est importante pour
quelques unes mais pour d'autres, cela ne fait que les enfoncer car, elles
deviennent des dépendantes éternelles et ne savent pas oublier
leurs remords. Aussi, les femmes victimes de viols ne veulent pas
dénoncer leurs malfaiteurs, cas des quelques unes, et d'autres ne
connaissent pas leurs droits et devoirs, ce qui fait que les auteurs soient
libres de faire ce qu'ils veulent.
Au regard de tout ce qui précède, la
méthode systémique nous a aidé à mieux
appréhender la situation sous examen. La récolte des
données nous a été facilitée d'une part, par des
techniques d'observation directe et d'autre part, par l'échantillonnage
et la documentation. Cette technique de récolte des données s'est
concrétisée sous différentes étapes dont
l'expérimentation, la mesure, le contrôle et l'explication.
Au terme de nos analyses et interprétation des
données de terrain, il s'avère de noter que nos hypothèses
ont été confirmées.
Les principaux résultats auxquels l'enquête a
abouti sont les suivants :
· l'apport des intervenants pour la prise à charge
des victimes des violences sexuelles est suffisant pour la majorité des
bénéficiaires ;
· La présente situation psychosociale des femmes
victimes prises en charge est rassurante par rapport à celles qui ne
sont pas intéressées par différentes interventions
· La sensibilisation pour une prise de conscience pour
que les malfaiteurs ou des responsables soient poursuivis et traduit en justice
devra être prise en compte.
· Comme suggéré par la majorité des
nos enquêtées, la société devra être
informée ou éduquée pour une bonne réception des
victimes afin qu'après les soins médicaux, elles redeviennent
très utile et recherchées.
Ainsi en guise de suggestion, nous proposons aussi bien
à l'Etat congolais, qu'aux organismes internationaux oeuvrant sur place
en Ituri, aux Eglises qu'à toutes les autres organisations de prise en
charge psychosociale, de travailler davantage dans le sens de
l'efficacité dans le travail en faveur des victimes.
Concrètement, l'Etat devra assumer sa responsabilité et ne
tolérer aucun laxisme de la part du personnel judiciaire.
Les ONG, les médias et les églises doivent
former et sensibiliser la population sur les moyens de prévenir les
violences sexuelles et sur leurs conséquences. Les facteurs de risque
étant encore nombreux, il faudra aussi d'une façon pratique
éduquer sexuellement les familles, restaurer les instances judiciaires
et vulgariser les droits de la femme et de l'enfant. Pour ceux qui
interviennent, il faudra écouter avec empathie et être à
la hauteur de la confiance que la victime offre à celui ou à
celle qui l'aide.
S'il arrive que le drame survienne dans l'entourage, le
rôle de chacun (conjoint, parents, communauté) est de soutenir la
victime et non pas d'en faire une coupable et de la rejeter. Arrive aussi que
la victime tombe enceinte et accouche, cet enfant n'y est pour rien. Il n'est
pas responsable du drame qu'a connu sa mère. Il a alors droit
d'être aimé, entouré, éduqué et lui
transmettre toutes les valeurs possibles.
Le nombre de cas des violences ne connaît pas de
ralentissement car, les violences jusqu'au temps où nous étions
sur terrain continuaient, ainsi nous pensons qu'une forte sensibilisation sur
la promotion et la distribution des préservatifs féminins
pourraient être une mesure de prévention efficace contre le VIH et
les infections sexuellement transmissibles.
BIBLIOGRAPHIE
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derniers mois de Laurent Kabila, (Août 1998 - janvier 2001), l'Harmattan,
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à la collecte des données, Québec, PUQ, 2003
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Paris, Karthala 1981
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RDC : aspect juridique, politique économique et socioculturelle
Konrad A, 2003
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femme libératrice dans l'église famille, Baobab, Kinshasa,
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sur internet le site www.CICR.Org
2. CICR, la disponibilité des armés et la situation
des civils dans les conflits armées, Genève, CICR, 1999
3. Dominique MUNONGO, souffrance des femmes in périodique
de la MONUC volume IV, n° 28, 2003
4. KASSAY, J, Terrorisme sexuel et VIH/SIDA : violence faite
à la femme africaine par les forces et groupes armées in
Mouvements des Enjeux sociaux, Kinshasa.
5. NZONZO Camille, lutte pour la femme in MONUC MAGAZINE, n°
09, 2004
6. Périodique de la MONUC, vol IV, n°28
7. RIGOBERT MUNANI, B, la violence faite à la femme in
périodique de la MONUC, n° 09, 2004
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RCD-K/ML et RCD-GOMA, TFC en S/A FSSAP, UNIKIN, 2004-2005
2. KISEMBO RWAKAIKARA,S, Impact des conflits armés sur
l'économie rurale de la République Démocratique du Congo,
cas de l'Ituri, mémoire en économie FSSEG, UNIKIN, 2003-2004
3. OGA UKELO, le conflit interethnique en Ituri dans la province
orientale entre « Hema et Lendu ». Contribution à la
recherche de solution, mémoire en SPA, FSSAP, UNIKIN, 2001-2002
IV. SEMINAIRES
1. AMBOKO JEANNE, séminaire des formations des agents
sociaux, Bunia-Ituri, Déc 2006, inédit
V Wébographie
-
http://www.cnls.gov.rw/pdf/conference_recherche.pdf
-
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre
- 28
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence
- ANNEXE
Questionnaire guide
d'enquête.
NOM :
AGE :
RELIGION :
STATUT MATRIMONIAL :
NIVEAU D'ÉTUDE :
ETHNIE :
1. Etes -vous réellement victime des violences
sexuelles ?
2. Quelles sont les conséquences de ces violences sur
vous ?
3. Etes-vous prise en charge par une personne ou une ONG
après ce drame ? Si non, aller au 6.
4. Si oui, comment appréciez-vous cette prise en
charge ?
5. Pensez-vous que c'est suffisant pour votre bien
être ?
6. Avez-vous entendu parler de la Cour Pénale
internationale ou d'une maison de poursuite judiciaire ? Si oui,
comment ?
7. Pensez-vous que la CPI ou autres maisons de poursuite peuvent
arrêter les criminels ?
8. Accepteriez-vous de parler ouvertement en public, comme une
cour ou une audience publique, de ce qui est arrivé à vous et
à votre famille ?
9. Quelles sont vos propositions par rapport à votre
situation pour une amélioration des choses.
* 1 Banza,L, et
Hemedi,C la femme dans la tourmente des guerres en R.D.Congo, le
mémorial, Kinshasa, mars 2003, P.5.
* 2 SHOMBA
KINYAMBA, S, Méthodologie de la recherche scientifique, PUK,
2002, P.31.
* 3 BANZA,L, et
HEMEDI, C, Op.cit, P.13.
* 4 MINANI
BIHUZO,R, la violence faite à la femme in périodique de la
Monuc, volume IV, n° 28, P.6
* 5 MONUC, Rapport
spécial sur les événements d'Ituri (Janvier
2002-décembre 2003), New York, 2004, p.5
* 6 CICR, l'impact
des conflits sur les femmes, 2 mars 2001, lire sur le site
WWW.cicr.org
consulté 12 avril 2007
* 7 BANZA M.L et
HEMEDI, C, La femme dans la tourmente des guerre en RDC, Kinshasa, 2003,
P.11
* 8
http://hrw.org/french/reports/2005/drc0305/2.htm
* 9 Javeau, C, cité par
Muluma M.A, Le guide du chercheur en sciences sociales et humaines,
SOGEDES, Kinshasa, 2003, p, p 87-88
* 10 Idem, p. 95
* 11 Javeau, c, p 105
* 12 Gauthier, B, Recherche
sociale, De la problématique à la collecte des
données, PUQ, 2003, p.273
* 13 Dictionnaire,
Le Nouveau petit Robert, Paris, 1995, P.1057.
* 14
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre
* 15
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence
* 16
Idem
* 17 AMBOKO
Jeanne, Séminaire de formation des formateurs des agents sociaux,
Bunia, 2006.
* 18 Dictionnaire
« Petit Robert » Paris, 1995, p.905
* 19 Dictionnaire
le petit Robert, Paris, 1995, p.,798
* 20 Isabelle
Droy, la femme et le développement rural, Paris, kart hala, 1981,
p.16
* 21 Dictionnaire
« le nouveau petit robert Paris, 1995, P. 439
* 22 Idem, p2299
* 23 OGA UKELO, le
conflit interethnique en Ituri dans la province oriental entre « Hema
et Lendu » contribution à la recherche d'une solution,
Mémoire, L2 SPA, UNIKIN, 2001-2002.
* 24 Association
culturelle Lori, cité par KISEMBO,R,E, dans l'impact des conflits
armées sur l'économie rurale de la République
Démocratique du Congo, cas de l'Ituri, Mémoire, L2
économie, UNIKIN, 2003-2004.p.43
* 25 Idem, p.50
* 26 HRW, janvier 2001,
contexte historique du conflit Hema et Lendu dans les zones sous contrôle
ougandais, cité dans le livre Blanc, Kinshasa, p.58
* 27 Rapport sur la situation
des droits de l'homme en RDC, 1 février 2001, cité dans le livre
Blanc, Kinshasa, p.58.
* 2 BEKELSON B. :
Programme de régularisation des naissances dans le monde, New
York (une
population concil), 1971, p. 24
* 3 Reuchlin cité par
Nentoto, Analyse du processus d'engagement à l'ONATRA à la
planification
d'éducation et d'emploi, mémoire
de licence en sciences de l'éducation, EPSE, UNIKIN, 1993,
p.32