Rapports interethniques et différenciation identitaire en milieu rural : Cas d'Aboudé-Mandéké dans le département d'Agboville.( Télécharger le fichier original )par Karamoko KONE Université Cocody-Abidjan - DEA 2007 |
CONCLUSION GENERALE...............................................................101BIBLIOGRAPHIE.....................................................................103TABLE DES MATIERES.............................................................110 DEDICACE A mon père feu KONE TIEMIKRY, A ma mère feu KONE SIATA, A ma grand-mère feu SOUMAHORO MATOGBA à qui je rends un grand hommage du fait du rôle de mère qu'elle a joué pour moi. Que vos âmes reposent en paix et qu'ALLAH Le Tout Puissant vous garde à ses cotés. Enfin à tous mes parents, amis, frères et soeurs pour leurs soutiens moraux et spirituels. REMERCIEMENTS Cette étude a pu être réalisée grâce à l'assistance et la collaboration de personnes que nous tenons à remercier. Il s'agit du Professeur ROCH YAO GNABELI, notre Directeur de mémoire et Directeur du Laboratoire de sociologie économique et d'anthropologie des appartenances symboliques (Laasse) qui a bien voulu accepter la direction scientifique de ce travail. Sa disponibilité, ses conseils et surtout son amour pour la recherche scientifique a permis que nous réalisions cette étude sans entraves. Qu'il trouve ici l'expression de mes sincères remerciements. Je tiens également à remercier mes collègues du Laasse notammant Soho Rusticot DROH De Bloganqueaux, Sagbo Jean-Louis Lognon, Bouaki Kouadio Baya sans oublier Dr LIDA ainsi que Monsieur BADOU, Secrétaire Général de la Chefferie d'Aboudé-Mandéké ainsi que toute sa famille de m'avoir hébergé pendant la durée de l'enquête. Il m'a fourni les informations nécessaires et m'a également permis d'avoir accès aux personnes sollicitées pour l'enquête. Je souhaite lui adresser mes sincères remerciements pour ces gestes sans lesquels ce travail n'aurait pu voir le jour. Je n'oublie pas SAWADOGO Amadou pour sa franche collaboration. Qu'il me soit enfin permis de remercier trois personnes à savoir BADOBRE Valéry pour son aide, ANDREDOU Elie Franck, mon ami et frère qui m'a toujours soutenu et encouragé, et surtout SANGARE Zéinabou a qui j'octroie la palme d'or des remerciements. Merci pour ton soutien du point de vue logistique que moral, pour ton dévouement dans la saisie et les corrections répétitives de ce travail. Trouve ici l'expression de ma profonde reconnaissance. SIGLES ET ABREVIATIONS ADIACI : Association pour la Défense des Intérêts des Autochtones de Côte d'Ivoire AOF : Afrique Occidentale Française ARSO : Autorité pour la Région du Sud-ouest AVB : Autorité pour l'Aménagement de la Vallée du Bandama BNETD : Bureau National d'Etude Technique et de Développement CAE : Commission des Affaires Economiques CAS : Commission des Affaires Sociales CJCS : Commission Jeunesse - Culture - Sport CERAP : Commission de Recherche et d'Adoption pour la Paix FPI : Front Populaire Ivoirien IES : Institut Ethnosociologie INADES : Institut National de Développement Economique et Social IRD : Institut de Recherche de Développement PDCI : Parti Démocratique de Côte d'Ivoire RDA : Rassemblement Démocratique Africain RDR : Rassemblement des Républicains RGPH : Recensement Général de la Population et de l'Habitat RNA : Recensement National de l'Agriculture SIGS : Société Internationale de Gestion et de Service S/P : Sous-préfecture SODEPALM : Société de Développement du Palmier à Huile. INTRODUCTION En côte d'Ivoire, la réalisation de l'économie de plantation depuis le début du siècle dernier a vu la participation de migrants venus d'horizons divers. Dans le département d'Agboville et plus précisément à Aboudé-Mandéké, l'on retrouve divers groupes ethniques dont les Aboudé, groupe autochtone, les Baoulé, les Agni et les Dioula, groupes allochtones et les Guinéens ,les maliens et les Burkinabé qui représentent les groupes étrangers ou allogènes. Notre étude cherche à comprendre les processus sociaux de reproduction des entités ethniques et la construction de la différenciation identitaire à l'oeuvre dans ce village. Notre objectif est donc de saisir les logiques qui sous-tendent la différenciation identitaire et les causes des conflits entre Aboudé et certains migrants. Ainsi nous avons émis l'hypothèse selon laquelle L'évolution du cadre institutionnel d'expression des rapports inter ethniques prédispose à la différenciation identitaire. Pour vérifier cette hypothèse, notre étude s'articule autour de trois (03) parties : La première analyse la construction des identités socioculturelles et la délimitation des groupes. Il s'agit d'abord pour nous de rappeler les fondements historiques du peuplement autochtone et l'itinéraire migratoire des groupes migrants avant de dire en quoi le partage de l'espace est-il l'objet d'un processus double d'homogénéisation et de différenciation entre Aboudé et migrants. La deuxième partie intitulée marquage social et production de la domination symbolique fait ressortir les mécanismes instrumentaux de production identitaire et d'affirmation de l'autochtonie à travers l'analyse des institutions de contrôle et les déterminants socioculturels locaux. Enfin la troisième partie examine les dynamiques foncières et la production conflictuelle des rapports interethniques. Elle élucide d'abord l'évolution des procédures de cession et le repérage des logiques propriétaristes des autochtones avant de rendre comte des formes expressives des conflits interethniques et les itinéraires locaux de résolution. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE I - LA PROBLEMATIQUE« La Côte d'Ivoire est uns pays de tradition hospitalière disait Félix HB1(*). Se fondant sur l'idéologie panafricaniste il a favorisé après les indépendances en Cote d'ivoire l'accès des migrants (internes et externes) à la terre, notamment à travers le slogan « la terre appartient à celui qui la met en valeur ». Cette rhétorique houphouetienne, guidon de la politique agraire de l'administration poste coloniale a joué un rôle déterminant dans la conception et la production des rapports interethnique entre migrant et autochtones en milieu rural. Cependant, le contexte socioculturel de la production des rapports autochtones migrants présuppose tantôt une homogénéisation des rapports qui puise ses racines dans la perception positive de l'image de l'«étranger source de prospérité économique'', Schwartz A Martinet F et al2(*). Tantôt la perception négative des l'image de l'«étranger envahisseur'' Dozon3(*) par les autochtones donne lieu à des pratiques de discrimination et de différenciation sociale. C'est ce dernier aspect qui constitue l'objet de la présente étude. En opérant le choix de ce thème nous comptons contribuer à la compréhension des rapports interethnique en milieu rural. Cette dernière nécessitant la mise en oeuvre d'étude de cas multiples. Ce qui nous amène à opter pour Aboudé Mandéké, village krobou situé dans le département d'Agboville. En effet, le caractère conflictuel de la question ethnique en Côte d'Ivoire nécessite qu'on examine les problèmes à l'origine des identifications identitaires en milieu rural. L'ouverture du champ d'accès aux ressources foncières en milieu rural préconisée par les pouvoirs coloniaux et post-coloniaux qui devrait permettre une homogénéisation identitaire donne lieu à Aboudé Mandéké à une forte ségrégation interethnique souvent marquée par des violences communautaires. Les raisons de cette contradiction méritent donc d'être connues. En outre les spécialistes du monde rural sont unanimes sur une instrumentalisation politique de l'identité ethnique en milieu rural (Babo A 2006)4(*). Cependant les éléments concrets qui favorisent cette manipulation ethnique restent peu élucidés. Pourquoi les autochtones et migrants se reconstruisent- ils différemment alors que les dispositions égalitaires d'accès aux ressources des politiques administratives présupposent une homogénéisation sociale ? Selon Durkheim5(*), expliquer un phénomène social, c'est en rechercher la cause efficiente. Notre étude vise ici à montrer les raisons fondamentales de ces pratiques de démarcation des entités ethniques dans le cadre restreint du village d'Aboudé Mandéké. Ces observations qui s'opèrent à partir de la mise en oeuvre de l économie de plantation pendant la période coloniale à nos jours sont fondées sur quatre grandes hypothèses d'explication des séparatismes identitaires. Les fondements historiques de la différenciation, la base idéologique, le cadre institutionnel et les enjeux économiques. I-1 Les fondements historiques de la différenciation sociale en milieu rural. La Côte d'Ivoire est caractérisée par une diversité ethnique et culturelle liées aussi bien à son peuplement autochtone qu'aux migrations étrangères héritées de l'histoire coloniale.
La Côte d'Ivoire est le point de contact de quatre principaux groupes ethniques issus d'aires culturelles et géographique différentes. C'est un carrefour où se rencontre les grandes civilisations de l'Ouest africain. Les voltaïques qui sont : les sénoufo, installés entre les deux groupes malinké, les Koulango et les lobi qui se succèdent ou cohabitent dans le Nord et le long des frontières Burkinabé et Guinéenne. Les malinké qui viennent primitivement des bords du Niger sont divisés en deux parties : l'une au Nord-ouest occupe la région d'Odienné et l'autre est à l'Est de l'axe routier Niakara-Ferké appelé communément groupe Dioula. A l'ouest, sous le groupe malinké, sont repartis les Mandé sud qui sont les dan ou Yacouba, les Gouro ou Kouéné et les Gagou. Les krou dans le sud-ouest viennent du Libéria anglophone. Ils englobent les Guéré, les Wébè, les Gnaboua, les Neyo, les Bété, les Godié ainsi que les Dida. En fin les Akans subdivisés en Akan lagunaires et Akan de l'intérieur sont : les lagunaires, arrivés en plusieurs vagues du Ghana et reunit plusieurs sous groupes dont les Ali, Fanti, Ebrié, Abouré, Attié, Abè, Abidji, et les Krobou. Pour ceux de l'intérieur venus plus tard et essentiellement regroupés dans les régions centre ou les Baoulés font frontière avec les Gouro à l'ouest et les Agou au sud et le long de la frontière ghanéenne depuis Bondoukou jusqu'à Aboisso. Comme on le voit ces données historiques de la répartition spatiales des ethnies en Côte d'Ivoire préfigurent une différenciation identitaire en milieu rural. Et cela semble être appropriés et exploités par les consciences individuelles et collectives aux fins d'identification sur tout que ces entités ethniques ne sont pas closes. Etant donnée, la fluidité relative des frontières ethniques et vu le brassage interethnique à la suite des flux migratoires, les différences de pratiques et de comportements doivent-elles s'expliquer par les différences d'appartenance ethno régionale.
Les migrations internes sont très souvent motivées par des raisons d'ordre économiques et de recherche de bien être. Aussi les populations à l'intérieur du pays s'orientent-elles en fonction des potentialités économiques des différentes régions ; c'est ainsi que la mise en oeuvre de l'économie de plantation dans la boucle du cacao (le sud-Est notamment) va donner lieu à des courants migratoires en provenance des régions Nord et Centre. Entamés depuis la période coloniale, les migrations interrégionales se maintiennent après la deuxième guerre mondiale et surtout celles du centre et du sud vers l'ouest. A cette époque, on assiste également au développement des mouvements migratoires sénoufo et malinké vers toutes les régions ivoiriennes propices à la pratique des cultures d'exportation et du commerce urbain. Après l'indépendance de la Côte d'Ivoire et tout particulièrement avec la mise en oeuvre des grands projets de développement comme l'autorité pour la région du Sud - Ouest (ARSO) et l'autorité pour l'aménagement de la vallée du Bandama (AVB) à partir de 1968, ces mouvements vont s'accentuer.6(*) Dans le département d'Agboville, c'est à partir de 1950-1951 que la région voit affluer les Baoulés et les Agni venus s'ajouter aux Dioula déjà installés aux cotés des autochtones. Contrairement à ces derniers les Baoulés et Agni se sont établis dans les campements à la recherche de forêts à défricher. Cette période coïncidant avec les hauts cours du café.7(*) Comme ont le voit, la migration interne a pu rassembler dans les zones pionnières de l'économie de plantation divers groupes ethniques ayant des pratiques socioculturelles distinctes, ce qui préfigure une différenciation sociales liées aux sentiments individuelles et collectif d identifications. · Les migrations externes Cette forme de migration vers la Côte d'Ivoire a commencé véritablement avec la mise en valeur des ressources du pays par la métropole. Cette mise en valeur va nécessiter une main d'oeuvre abondante. En vue de satisfaire ces besoins en main d'oeuvre, différentes mesures ont été prises pour favoriser la migration externe et particulièrement celle des voltaïques et de l'ancien Soudan (Mali). D'abord en 1932 cinq cercles de la Haute Volta seront annexés au profit de la Côte d'Ivoire, ce qui ne change rien dans le mouvement migratoire des ressortissants de ces contrés vers la basse Côte d'Ivoire. Dans ce cadre, il sera instituée par le gouvernement provisoire Français la même année la réquisition obligatoire remplacée après son abolition par le SIAMO (syndicat inter -professionnel pour l'acheminent de la main-d'oeuvre) dont les activités permettrons de recruter 59000 personnes en 1952. Cette migration étrangère va continuer et s'accroître au-delà de l'indépendance de Côte d'Ivoire et des pays d'origine des migrants. En 1975 les populations issues de la migration externe représentent 22% de la population totale pour atteindre les proportions connues à ce jour dont 51,5% des migrants sont Burkinabé, 23,50% maliens et 7 ,4% Guinéens8(*) qu'on retrouve principalement dans les zones rural d'économie de plantation. On trouve ainsi dans ces zones des entités venues de divers horizons chacune ayant sa pratique culturelle propre, semblable à celle de sa société d'origine. Ces observations laissent penser que la différenciation entre autochtones et migrants provient de cette différence de culture d'origine. Tout se passe comme si chaque migrant se déplaçait avec son arsenal culturel qu'il redéploie dès son établissement. Cependant par quels mécanismes sociaux la diversité culturelle reproduit-elle la différenciation ? A Aboudé Mandéké, les Burkinabé, les Maliens ainsi que les Dioula sont établis au sein du village pendant que les Baoulé et Agni sont principalement sédentarisés dans les campements bien que ces derniers soient issus du groupe Akan tout comme les Aboudé. Et les propos tels « eux, c'est un peuple de campement » attestent des rapports distants qu'ils entretiennent avec les Aboudé. Ce qui sous-entend que la différenciation interethnique ne tient pas uniquement aux processus historiques d'établissement des groupes,mais elle a des origines idéologiques. * 1 BABO (A) et al, Conflits fonciers : de l'ethnie à la nation .Rapports interethniques et ivoirité dans le Sud Ouest de la Côte d'ivoire in colloques international «Les frontières de la question foncières -At the frontier of land issues «, Montpellier, 2006 * 2 Schwartz A, Martinet F et al, Le dynamisme pionnier dans le sud-ouest ivoirien, ORSTOM Paris 1962 * 3 Dozon (J.P.), « l'étranger et l'allochtone en cote d'ivoire », in Contamin (B) Memel fotê (A) (Dir), le modèle ivoirien en gestion, crises, ajustements, recomposition, paris édition Karthala-orstom, 197. * 4 Babo A op cit * 5 Durkheim(E), Les règles de la méthode sociologique P.U.F paris 1937 * 6 (Baha Bi Youzan) fiche de travail cours de sociologie rurale 2005). * 7 Chaléard (J.L.), « Occupation du sol et immigration en pays Abe (département d'Agboville cote d'ivoire) », in cahier ORS TOM, série sciences humaines, vol. XVIII, n°3, 1982. * 8 Baha BI op cit |
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