MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE Union -
Discipline - Travail
Université de Cocody - Abidjan
Année
Universitaire
2005 -2006
UFR : Sciences de l'Homme et de la
Société
Institut d'Ethno- Sociologie
MÉMOIRE DE DEA
SOCIOLOGIE DE LA SANTE
THEME :
Directeur de mémoire
Pr. DEDY Séri Faustin
Maître de Recherche
Présenté par
KACOU Fato Patrice
ETUDE
SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE
DE LA CONTRIBUTION DES INSTITUTIONS SOCIALES A
L'ALLONGEMENT DE LA VIE: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou
SOMMAIRE
Pages
Avant-propos
...........................................................................................................
III
Liste des figures
....................................................................................................
IV
Introduction
..........................................................................................................
5
PREMIERE PARTIE: CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
................................ 6
I.1- Justification du choix du thème
................................................................................
7
I.2- Problématique
....................................................................................................
7
I.3- Revue de littérature
...............................................................................................
13
I.4- Objectifs
........................................................................................................
24
I.5- Hypothèse
......................................................................................................
24
I.6- Définition des concepts
......................................................................................
25
I.7- Champs de l'étude
............................................................................................
28
I.8- Méthode d'analyse
...............................................................................................
29
I.9- Techniques d'enquête
...........................................................................................................
30
I.10- Dépouillement
...............................................................................................
32
I.11- Difficultés rencontrées
..............................................................................................
32
DEUXIEME PARTIE: PRESENTATION DU CADRE DE
L'ETUDE ............................ .. 33
II.1- Situation géographique
......................................................................................
35
II.2- Historique du peuple Adjoukrou
...........................................................................
36
II.3- Historique de l'institution de l'ebeb
..................................................................... .. 37
II.4- Structures sociales Adjoukrou
..............................................................................
38
II.5- Croyances religieuses Adjoukrou
..........................................................................
39
II.6- Activités économiques
......................................................................................
40
TROISIEME PARTIE: PRÉSENTATION ET
ANALYSE DES DONNEES : les fondements
socio-anthropologiques de la valorisation des personnes âgées
................ 42
III. La présentation et la fonction des structures
sociales d'intégration .................................. 43
III.1- La société Adioukrou: une
société à classe d'âge (oworan)
........................................... 43
III.2- La célébration de l' angbandji
ou de la fête de reconnaissance ......................................
47
III.3- Le fonctionnement institutionnel de
l'ebeb
.............................................................
50
III.4- Les prestiges sociaux liés à la
dignité d'ebebu
.............................................................. 55
III.5- Les auxiliaires des ebebu
.......................................................................
........... 57
III.7- La perception de la vie et de la
longévité chez les Adjoukrou
............................................ 65
III.8- Les aspects intégratifs de l'ebeb
.............................................................................
67
Conclusion
...........................................................................................................
71
Glossaire
............................................................................................................
74
Bibliographie
...............................................................................................................
77
Table des matières
............................................................................ .....................
80
Annexes
AVANT-PROPOS
Les problématiques sur la
longévité et sur le vieillissement à en croire la
bibliographie parcourue lors de ce travail de recherche, suscitent très
peu d'intérêt notamment en sciences sociales. Or, la quête
de la longévité a été la première
préoccupation majeure née dans l'esprit de l'homme et pour la
laquelle l'homme a employé et emploie toutes ses énergies afin
d'y apporter des réponses.
A cet effet, il est remarquable de constater comment
l'intelligence de l'homme s'entoure chaque jour de précautions et de
garanties, notamment à travers les instituions et les multiples
systèmes sanitaires, afin de prolonger l'espérance de vie. Et la
longévité est présentée aujourd'hui dans les
Institutions Internationales comme la mesure du niveau de développement
des sociétés. C'est pourquoi, Richard
Lefrançois((*)1) rapporte que «le vieillissement humain se
présente comme le laboratoire par excellence pour tester de nos valeurs
et en même temps questionner nos pratiques. Car dans les efforts de notre
civilisation pour prolonger la vie et la soutenir, la machine médicale
et technologique a été poussée aux limites de ses
capacités.». Toutes choses qui soulignent l'importance et la
délicatesse du sujet de recherche.
C'est la raison pour laquelle, nous avons sollicité la
direction scientifique du Professeur Dédy Séri
Faustin, intéressé aux questions du vieillissement et
lui-même Président de la Société Nationale
Ivoirienne de Gériatrie et de Gérontologie (SNIGG) de Côte
d'Ivoire. Nous lui exprimons avec révérence la primeur de notre
gratitude. Nous ne cachons pas notre satisfaction de nous introduire
grâce à lui dans le chapitre nouveau de l'anthropologie du
vieillissement.
Nous adressons également nos remerciements à
Monsieur Dayoro Kévin pour les
orientations et les corrections apportées.
Notre remerciement va aussi à l'endroit de la
communauté villageoise de Débrimou, notamment au chef Sel
Bédi André, au patriarche Gnagne Koko
Samuel et à l'ebebu Lath Jacques.
LISTE DES FIGURES
Pages
Figure 1- Carte géographique du
département de Dabou.................................. 34
Figure 2-Représentation des classes
d'âge et de leurs sous-classes....................... 44
Figure 3- Représentation cyclique de
l'accession au pouvoir politique à Débrimou ... 45
Figure 4- Initiation des jeunes au low
......................................................... 46
Figure 5- Célébration de
l'angbandji...................................................................
48
Figure 6- Procession
d'entrée...................................................................
53
Figure 7- Cérémonie du
sacre................................................................... 54
Figure 8- Investiture de la classe d'âge
des ouvriers........................................ 58
Figure 9- Représentation des fonctions
sociales des différentes classes d'âge.......... 59
Figure 10- Image d'un doyen
d'âge............................................................ 62
Figure 11- Tranche d'âge des
différentes catégories à partir des
ebebu.................. 63
Figure 12- Echelle graduelle
d'honneur.......................................................64
Figure 13- Parcours de vie sociale
normale.................................................. 64
Figure 14- Soutien de la communauté aux
ebebu ............................................ 68
Figure 15- Mendicité rituelle
.................................................................. 69
INTRODUCTION
Le présent travail de recherche est une
problématique sur le phénomène de la
longévité. Il est une contribution aux réflexions
naissantes en Côte d'Ivoire sur la gériatrie et la
gérontologie, et veut savoir à travers l'étude de
l'ebeb en pays Adjoukrou, comment les sociétés
africaines ont toujours posé les problèmes
spécifiques des âges avancés ? Comment elles s'organisent
pour assurer l'intégration des personnes du troisième âge ?
Et également comment elles s'interrogent sur la place des vieilles
personnes ?
Pour saisir ces faits, nous avons épousé trois
parties centrales.
La première partie est un cadre qui nous permet de
fonder théoriquement et méthodologiquement le sujet
d'étude à travers l'élaboration de la
problématique, l'état des connaissances sur la
longévité, la méthode et les techniques d'enquête
adéquates.
La deuxième partie qui est la présentation du
cadre de l'étude, est une connaissance que l'on fait avec le milieu
d'investigation à travers sa situation géographique, son histoire
et ses institutions majeures.
Enfin, la troisième partie est consacrée
à l'exposé des faits relatifs à l'ebeb et
à l'interprétation de ces faits.
PREMIÈRE PARTIE
CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
I.1- JUSTIFICATION DU CHOIX DU THÈME
Les raisons qui motivent la présente recherche sur la
longévité sont de trois ordres.
La première est d'ordre institutionnel. En effet,
selon l'OMS, on constate une évolution constante du nombre de personnes
du troisième âge partout dans le monde. En même temps, le
troisième âge est confronté à des difficultés
socio-économiques et le processus de vieillissement est plus rapide dans
le tiers monde que dans les pays du Nord.
La deuxième qui est d'ordre socio-sanitaire est due au
fait que si l'espérance de vie s'est considérablement
améliorée dans les pays industrialisés et dans certains
Etats du tiers monde, celle de la Côte d'Ivoire a baissé à
47%((*)2). De plus si les
pays dits développés ont des services de gériatrie, et des
institutions de prise en charge des personnes du troisième âge
dans le but d'améliorer leur qualité de vie, nombre de pays en
voie de développement dont la Côte d'Ivoire n'en comptent pas.
La troisième est d'ordre scientifique: les sciences
sociales soulèvent en effet très peu de problématiques
liées au vieillissement et à la longévité. Ce
terrain de recherche est abandonné aux sciences médicales et
biologiques. C'est pourquoi cette étude en posant la
longévité comme un phénomène social, va
s'interroger sur la construction sociale de celle-ci.
I.2- PROBLÉMATIQUE
Dans une sérié télévisée
de la RTI((*)3)
dénommée « Faut pas fâcher », un fait divers
relatif à la société ivoirienne a été
raconté. Une femme nommée Mô Koutou a
été accusée à tort et tuée pour motif de
sorcellerie. Son mal était qu'elle était très vieille et
qu'elle résistait au temps, pendant que les personnes de sa
génération avaient presque quitté le monde des vivants et
que la mort précoce faisait ravage parmi les jeunes du village. Ce
déni de vieillesse est corroboré par un mythe dan((*)4): le mythe
Ngnudoli((*)5)
selon lequel dans un village les jeunes avaient décidé de mettre
à mort les personnes âgées, en prenant pour
prétextes leur extrême vieillesse, leur improductivité et
leur vie parasitaire. Aussitôt l'acte commis, un génie des
forêts voisines menaça à son tour de faire périr ces
mêmes jeunes s'ils n'arrivaient pas à tresser une natte avec du
sable. Le jeune Ngnudo qui eut la sagesse et la présence
d'esprit de mettre ses parents à l'abri des massacres, alla consulter
ceux-ci relativement à l'énigme que le génie leur posa. Il
dit à son fils de répondre ceci: « Génie de la
forêt, Maître de l'Univers, donne-nous d'abord une vieille natte,
car c'est sur l'ancienne que l'on confectionne la nouvelle ». Ce qui
signifie que l'éclosion de la société s'appuie toujours
sur l'histoire, qu'il n'y a pas de rupture entre le présent et le
passé, entre la vieillesse et la jeunesse. S'il est admis que
l'éducation est exercée par les générations adultes
sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale, alors
comment peut-on vouloir concevoir le développement en sousestimant ou en
reléguant au second rang les vieilles personnes ? Est-ce possible
d'avoir une société sans les vieilles personnes ? N'est-ce pas
par rapport à l'ancien que le nouveau a toute sa raison d'être ?
N'est-ce pas le nouveau d'aujourd'hui qui devient l'ancien de demain ?
Par ailleurs, la propension à
déconsidérer les personnes du troisième âge,
à ne voir en elles qu'une catégorie sociale encombrante de
parasites improductifs, contredit tous ceux qui ont vu dans la vieillesse une
source de valeurs morales et spirituelles. Dans un discours laudatif à
l'endroit de la vénérable vieillesse, Amadou
Hampaté Bâ souligne en substance qu'en Afrique, un
vieillard qui meurt, est une bibliothèque qui brûle. Dans tous les
cas, ce peu d'attrait pour la vieillesse pose la problématique de
l'acceptation et de l'insertion des vieilles personnes, et celle des conflits
intergénérationnels.
Si de façon générale, dans la
société traditionnelle, les personnes âgées
étaient vues comme les dépositaires du patrimoine culturel, les
détentrices de la mémoire collective, les garantes de la
cohésion sociale, la courroie de transmission entre les vivants et le
monde invisible incarné par les esprits, les divinités et les
ancêtres, cette reconnaissance tend à disparaître. Dans un
tel environnement, on se demande parfois l'intérêt que l'on a,
à vouloir vivre longtemps !
Or, selon les données, il y a une constante croissance
du nombre de personnes âgées en Côte d'Ivoire. Ainsi, d'un
effectif de 233 745 en 1975 et de 379 234 en 1988, l'effectif des personnes
âgées de 60 ans et plus se situe à 962 162 en 2005 et
l'on prévoit 1,100 million en 2010((*)6). Un accroissement régulier qui suscite des
problèmes socio-économiques et éthiques. En effet, une
grande proportion des personnes âgées, soit 82,5% chez les hommes
et 42,6%((*)7) chez les
femmes, exerce des activités libérales telles que l'agriculture,
la pêche, l'élevage et le commerce. Parmi ces personnes
âgées, beaucoup sont frappées par des handicaps notamment
la cécité et les maladies chroniques. A en croire les
prévisions épidémiologiques, autour de 2020, les trois
quarts des décès dans les pays en développement seront
liés aux maladies cardiovasculaires, au cancer et aux diabètes.
Ce qui, implicitement, demande une prise en charge médico-sociale des
vieilles personnes dans un environnement où leur prestige social, leur
statut de sage, leur pouvoir économique et politique se sont
effrités. Par exemple, le recensement((*)8) de 1998 a montré que 85% des hommes
âgés et 26% des femmes âgées étaient
responsables de ménage dont la taille moyenne était de 6,9
personnes. Et l'on notait qu'à Abidjan, à la même
époque, deux chefs de ménage sur cinq étaient locataires
de leur logement. Ce qui révèle une absence de politique de
logement social.
De plus en Côte d'Ivoire, les réflexions sur la
gérontologie, les structures à même de répondre aux
problèmes des personnes âgées et les plans d'actions
spécifiques aux personnes du troisième âge sont encore
à l'état embryonnaire. Il n'y existe pas encore de service de
gériatrie. Ce qui inclut que les vieilles personnes ne
bénéficient pas d'une prise en charge adéquate pour faire
face à leurs besoins et à leurs difficultés. D'ailleurs,
l'on enregistre de plus en plus de décès parmi les personnes
âgées avant leur dixième année de retraite. Et le
Plan National de Développement Sanitaire qui est une politique de
santé de l'Etat ivoirien sur l'intervalle de la période 1996-2005
ne prend nullement en compte les besoins sanitaires spécifiques des
personnes âgées.
Peut-être sont-ce ces conditions de vie
précaires et déshonorantes qui amènent certaines personnes
à nier leur âge, à avoir la psychose de la vieillesse et
à se représenter la vieillesse comme un état pathologique.
Cette négation de la vieillesse s'exprime par l'utilisation des produits
cosmétiques pour maintenir la noirceur des cheveux, la sollicitation de
la chirurgie esthétique et l'adoption des modes vestimentaires
réservées aux jeunes. Certaines personnes âgées ne
cachent pas leur aversion pour des titres honorifiques tels:
«mamie», à elles attribués par respect. On
entend dire des propos de déclin tels que: « je n'ai plus d'avenir,
j'ai des souvenirs », pour justifier l'inutilité de l'état
de vieillesse et l'abandon du côté agonistique de la vie. Or,
l'histoire des sociétés africaines nous enseigne qu'autrefois au
clair de lune, les jeunes générations se rassemblaient autour des
vieillards pour apprendre à travers les légendes et les contes,
les préceptes de vie.
Cependant, au-delà des problèmes posés
qui déprécient la vieillesse, la quête de la
longévité demeure une préoccupation transhistorique et
transculturelle que justifient les livres saints et les institutions
internationales.
En effet, d'après les religions monothéistes,
Dieu avait créé l'homme afin qu'il vive éternellement. Ce
dessein d'éternité, l'homme l'a perdu en
désobéissant à son créateur. Toutefois, l'homme
peut encore avoir longue vie en «honorant son père et sa
mère», nous apprennent les Saintes Ecritures((*)9).
Dans cette même logique, l'homme a aussi inventé
les institutions politique, médicale, religieuse, familiale et
économique pour allonger au maximum la durée de sa vie et vivre
dans l'oubli de la mort. Les célébrations de baptême et le
rituel qui accompagne la naissance d'un enfant, les célébrations
de fête de nouvel an et des anniversaires sont des occasions propices
où les hommes se formulent des voeux de bonheur, de santé et de
longévité. Dans certaines traditions, on consulte les oracles
afin de déterminer la durée de sa vie si ce n'est de demander aux
dieux la faveur d'une longue vie. Le souci pour l'homme de vivre longtemps par
l'amélioration de son cadre de vie et surtout par son bien-être
social, est une préoccupation partagée de tous. En
témoignent les nombreuses conférences, les stratégies et
les recommandations internationales dont l'Assemblée Mondiale sur le
vieillissement de Madrid((*)10). Et même on dénombre aujourd'hui plus
de trois cent théories sur le vieillissement((*)11).
Tout cela a contribué, au regard des données
statistiques actuelles, à faire progresser significativement la
durée de vie. De façon générale, le nombre des
personnes du troisième âge connaît partout dans le monde une
évolution. En Occident, 75%((*)12) des décès surviennent après
l'âge de soixante quinze ans. On parle même de quatrième
âge et de super centenaire. D'après les chiffres de
l' Organisation Mondiale de la Santé, la planète compterait en
2020 plus d'un milliard de personnes âgées dont 700
millions((*)13) pour les
pays en développement. Plus encore, l'on prévoit 150 000
centenaires en 2050((*)14). Dans le même temps, l'espérance de
vie dans les pays dits développés s'élève en
moyenne à plus de 75 ans((*)15), tandis que celle de l'Afrique subsaharienne du
fait de l'impact du VIH/SIDA, de la forte mortalité chez les enfants et
les adultes, a baissé à moins de 50 ans, ruinant ainsi les acquis
des deux premières décennies après les années 1960.
Si tout cela indique la croissance du nombre des personnes âgées,
il pose aussi les problèmes auxquels elles sont confrontées. En
effet, l'allongement de la durée de vie soulève des
problèmes d'ordre biologique, humanitaire, socio-économique et
culturel. Au plan biologique, le vieillissement rend l'organisme
vulnérable. Ainsi, les organes de sens, les systèmes nerveux,
cardiovasculaire, respiratoire, digestif et urinaire connaissent-ils une
dégradation qui conduit à son tour à une baisse
d'activité. Au plan socioculturel, il se pose des conflits
intergénérationnels. Des vieilles personnes sont parfois victimes
de maltraitance, de rejet, d'isolement, et d'indifférence. On estime
qu'entre 2% et 10%((*)16)
des personnes âgées sont objet de sévices. En Afrique
singulièrement, certaines personnes âgées sont
reléguées au second plan pour cause de sorcellerie et de pratique
occulte.
Au plan économique, les personnes âgées,
en plus des frais que nécessite leur état de santé, ont la
charge de la famille ou sont `'sous la responsabilité de la famille et
de la société''. Or, nous l'avons dit plus haut, le vent de la
modernité a bouleversé les valeurs de respect à
l'égard de la personne âgée, la cohésion familiale a
dépéri, et beaucoup de familles connaissent l'indigence
économique.
Si les handicapés, les enfants et les femmes, pour
cause de vulnérabilité, bénéficient de statut
juridique et d'institutions spécialisées, les personnes
âgées n'en ont pas elles qui ont contribué d'une
manière ou d'une autre à la construction de la
société et pour qui la société en retour devait
exprimer sa gratitude.
Comme nous le voyons, il se dégage de la lecture de cet
exposé deux idées force.
La première est qu'il y a une croissance exponentielle
de l'effectif des personnes âgées. La deuxième est un
paradoxe: en même temps qu'il y a un fort désir des humains de
vouloir vivre longtemps, la survie des vieilles personnes est menacée,
et il y a des comportements et des facteurs qui compromettent cette quête
de longévité. C'est ce contexte peu reluisant qui amène
à étudier l'ebeb en tant qu'une institution sociale
Adjoukrou qui valorise les personnes âgées. En effet, dans la
société Adjoukrou, l'ebeb au delà de son objectif
de redistribution des rôles politiques est une institution
gérontocratique qui magnifie l'entrée des individus dans la
classe des aînés sociaux. Cette valorisation de l'âge
avancé classe les individus chaque huit ans dans une strate sociale bien
précise avec des avantages sociaux liés à ce statut.
Partant de cet aperçu sur la vocation sociale de l'ebeb, nous
nous interrogeons de savoir comment l'ebeb en tant qu'institution
sociale participe-t-il de l'intégration des personnes âgées
? Quelle est la représentation de la vie et de la
longévité chez les Adjoukrou ? Quels sont les déterminants
socioculturels qui concourent à l'allongement réussi de la vie
dans la société Adjoukrou ? Quelles sont en pays Adjoukrou les
structures sociales d'intégration ? Quelles sont les fonctions sociales
des ebebu ? C'est à ces questions que notre enquête de
terrain se propose d'apporter des réponses, non sans avoir
consulté les écrits antérieurs en rapport avec le
thème de recherche.
I.3- REVUE DE LITTÉRATURE
Pour circonscrire notre thème de
recherche, nous avons consulté des documents qui ont trait à
l'organisation sociale des Adjoukrou et au phénomène de la
longévité et du vieillissement. Cependant, il est indispensable
de souligner à l'entrée que le peu d'intérêt des
sciences sociales pour les problématiques relatives à ce
phénomène fait que la documentation n'est pas abondante. Plus
encore, notre situation de pays en voie de développement lèse les
bibliothèques. Ainsi donc, à travers notre lecture, nous avons
dégagé six thèmes centraux à savoir:
1- la conception biologique de la longévité,
2- les déterminants de la longévité,
3- la conception théologique de la
longévité,
4- l'impact social de la longévité,
5- la catégorisation sociale de la vieillesse et
6- la quête transculturelle de la
longévité.
I.3.1- La conception biologique de la
longévité
Pour Renaud Ninon ((*)17), la question n'est plus de
vivre vieux mais de réussir son vieillissement à travers
l'observance d'une hygiène de vie qui se résume en une
alimentation équilibrée, des exercices physiques et des exercices
de mémorisation. La préservation du capital santé des
personnes du troisième âge passe par la prévention des
maladies liées à l'âge telles que les cardiopathies, les
accidents vasculaires cérébraux, l'ostéoporose, les
troubles sensoriels et la maladie d'Alzheimer.
Aussi, répondant à la question de savoir
pourquoi l'homme vieillit-il ? Il se fait l'écho de deux
théories. La première affirme que le vieillissement est dû
à l'action des mauvais gènes. Ce sont des gênes
défectueux qui n'ont pas pu être éliminés et restent
stockés dans l'organisme: c'est la sélection naturelle des
gênes. La seconde théorie, celle des radicaux libres, compare
l'organisme humain à une voiture. Elle pose que « le
métabolisme userait l'organisme, comme un moteur de voiture
s'abîme à force de brûler air et essence pour faire avancer
le véhicule: lorsque notre organisme métabolise nos aliments,
l'oxygène qu'il utilise se décompose en éléments
toxiques. Ce sont les radicaux libres. Des enzymes les éliminent, mais
pour partie seulement. Résultat, ces déchets toxiques hyper
réactifs endommagent toutes les cellules de l'organisme.
Le vieillissement suit son cours. Toutefois, les deux
théories, les scientifiques remettent en cause l'existence de
gène de vieillissement. Le vieillissement est plutôt à
mettre au compte d'une accumulation de défauts génétiques
à effets tardifs ». Il est suivi dans cette approche
médicale du phénomène par Toutou
Toussaint((*)18)
dont le cours de gériatrie met en évidence dans un premier temps
les signes cliniques du vieillissement. Il relate que pour la gériatrie
le vieillissement a des effets sur les différentes fonctions de
l'organisme qu'il s'agisse du système nerveux, des organes de sens, du
système cardiovasculaire, du système respiratoire, du
système digestif et du système urinaire. Toutes choses qui
indiquent que l'organisme des vieilles personnes est fragile et est sensible au
mal le plus minime. C'est pourquoi, il faut selon lui apprendre aux
médecins des connaissances sur les effets du vieillissement afin de
pouvoir assurer une prise en charge adéquate.
C'est aussi l'endroit indiqué pour préciser ce
qu'est la vieillesse. Selon les sciences médicales((*)19), le vieillissement n'est
pas un état, mais un processus qui commence à la naissance. C'est
une loi biologique contenue dans les gènes. Ainsi, l'être humain
serait-il programmé pour vivre au maximum environ 120 ans. Certes ! Si
avec l'âge certaines fonctions physiologiques se dégradent, il est
possible grâce au progrès de la médecine de les corriger
par des appareillages. Ce qui laisse entrevoir qu'il est possible pour les
vieilles personnes de mener une vie normale à condition d'être
suivi médicalement.
Mais le paradoxe, c'est que malgré les progrès
et les efforts de la science, de la technologie et de la médecine qui
ont significativement contribué à améliorer les conditions
de vie et par conséquent la longévité, l'on croit que le
taux de mortalité est plus élevé actuellement en certains
endroits qu'avant, notamment en Afrique subsaharienne. Ce qui signifie qu'au
delà de l'aspect médical, il y a d'autres paramètres, les
paramètres sociaux par exemple qui interviennent dans
l'amélioration de la santé. C'est justement cette façon de
voir qui a amené l'OMS à redéfinir la santé et la
maladie en y intégrant la dimension sociale.
Bien que ces auteurs traitent du problème de la
longévité, ils le restreignent au seul champ disciplinaire
médical. Faire appel aux sciences sociales conduira à
s'imprégner des implications socioculturelles de la
longévité; car chaque peuple selon son système culturel a
sa représentation et sa définition de la vieillesse. Et les
cultures en fonction de cette représentation rattachent à la
vieillesse des normes, des conduites et des valeurs. Aussi, dans l'état
actuel de nos connaissances il serait inconcevable de borner la
longévité de l'être humain, puisque certains individus ont
vécu au delà de 122 ans((*)20).Toutes choses qui affranchissent le
phénomène de la longévité du seul champ
disciplinaire des sciences naturelles. C'est la rupture que Wolber
Pascal((*)21)
opère dans son étude sur les centenaires ivoiriens.
I.3.2- Les déterminants de la
longévité
Dans cette étude, Wolber Pascal s'est
intéressé aux facteurs objectifs et subjectifs de la
longévité. En ce qui concerne les facteurs objectifs, il en note
trois. D'abord les facteurs comportementaux qui consistent à observer
une hygiène alimentaire et à fréquenter les
hôpitaux. Ensuite les facteurs environnementaux qui insistent sur la
viabilité du cadre de vie. Et enfin, les facteurs biologiques qui sont
liés aux gènes régulateurs.
Quant aux facteurs subjectifs, il avoue à
d'entrée la réticence des enquêtés à
s'exprimer sur le secret de leur longévité. Toutefois, 88% des
centenaires déclarent devoir leur longévité à la
providence divine, aux respects des traditions, à l'égard pour
des membres de la communauté et de la famille. Pour les
enquêtés, la longévité n'est donc pas due à
la science médicale et aux facteurs biologiques, mais plutôt aux
variables sociales. En effet, l'auteur enquête sur une
société dans laquelle le système médical
revêt un caractère symbolique, où l'explication des
questions de santé se rapporte à la culture; d'où le
concept d'isomorphisme en anthropologie. Ce lien entre les variables sociales
et la longévité avait déjà été
évoqué par les religions comme l'illustre la revue, le
`'Réveillez-vous !''((*)22).
I.3.3- La conception théologique de la
longévité
Selon cette revue, le vieillissement est le
phénomène biologique le plus complexe, car malgré les
multiples théories sur le vieillissement et les recherches importantes
entreprises par la génétique, la biologie moléculaire, la
zoologie et la gérontologie, l'on n'est pas encore parvenu à
déterminer les causes de ce phénomène pour trouver un
remède. Toutefois, la revue le `'Réveillez-vous!'', nous
fait savoir que la vieillesse et la mort sont la conséquence du
péché adamique. Adam et Eve en se rebellant contre Dieu ont en
effet détruit le dessein de vie éternelle des hommes. Et
d'ajouter: « l'histoire des premières générations
humaines nous éclaire sur le genre de vie que Dieu avait
réservé à l'homme. A l'époque, on ne vieillissait
qu'au bout de plusieurs siècles. Adam vécut 930 ans.
Quelques générations après, Sem, fils de Noé, ne
vécut que 600 ans, et Arpakshad, petit-fils de Noé, 438 ans. Plus
tard encore, Abraham vécut 175 ans. Il semble que sous l'effet du
péché, l'espérance de vie de l'humanité ait
diminué à mesure que celle-ci s'éloignait de la perfection
originelle. Mais au commencement, l'homme était fait pour vivre
éternellement». Autrement dit, les causes de la vieillesse et
de la longévité sont à rechercher dans les relations entre
l'humain et le divin.
Dans ce même ordre d'idées, EL Hafez
Ben((*)23)
révèle que les actes de charité et la recherche des
rapports fraternels ont un lien avec la longévité. Ainsi,
affirme-t-il, le messager de Dieu, le prophète Mahomet, a dit: «
que celui qui serait heureux de vivre dans le bien-être et de
retarder l'heure de son trépas pratique ses devoirs de parenté
». En d'autres termes, les oeuvres caritatives sont source de
longévité. En outre, pour les religions dites
révélées notamment le christianisme,
l'éternité compromise par le péché adamique sera
retrouvée dans un monde nouveau que Dieu accordera à ses
fidèles((*)24). A
en croire les religions, l'homme recherche d'abord la longévité
ici-bas, pour ensuite prétendre à celle d'en haut. Autrement dit,
avoir une longue durée de vie est une preuve de rapport harmonieux entre
l'homme et son Dieu.
Cette conception de l'allongement de la vie est contredite
selon Richard Lefrançois((*)25) par des études évolutionnistes. En
effet, pour les évolutionnistes, toutes les recherches depuis la
préhistoire en passant par la période paléolithique,
mésolithique jusqu'au Bas Moyen Age, ont montré que les hommes ne
vivaient pas au-delà de 50 ans ou que très peu parvenaient
à atteindre 50 ans. Ainsi, les paléontologues Trinkaus et
D.D Thompson à travers leur recherche sur la période
paléolithique (200 000 à 30 000 avant J.C) ont estimé que
deux sujets sur quatre n'atteignaient pas l'âge de 40 ans.
René Dobos, de son étude sur l'époque du
Mésolithique (10 000 avant J.C) ayant porté sur 173 squelettes
dans un cimetière antique, a montré que seuls trois individus ont
pu dépasser légèrement l'âge de 50 ans, soit un
pourcentage inférieur à 2%. A une époque plus
récente, il est prouvé à partir des études
statistiques que la France, de l'Ancien Régime (1515-1547) à la
Révolution (1789), avait une espérance de vie à la
naissance de 25 ans. Et ceux qui arrivaient à atteindre 20 ans
n'excédaient pas l'âge de 55 ans. Toute chose qui valorise la
vieillesse et confère aux personnes âgées un prestige
social comme on le voit avec Claude Meillassoux((*)26).
I.3.4- L'impact social de la longévité
Dans son étude sur l'économie dans les
sociétés traditionnelles, Claude Meillassoux
montre l'importance des vieilles personnes. En effet, le patriarche
appelé « goniwuozâ » dans la
société traditionnelle gouro, détenait les pouvoirs
politique et économique. Il recevait dans le grenier toutes les
récoltes de la famille pour les redistribuer après. Il
était le garant de la cohésion sociale et avait la
responsabilité de pérenniser la famille à travers les
mariages. Ses fonctions lui conféraient le respect et faisaient du
vieillard un acteur social capital, le détenteur du patrimoine culturel
du groupe. Cependant, la rencontre entre les cultures occidentale et africaine
a avili ces valeurs. En effet, le passage de l'économie de subsistance
à l'agriculture commerciale a introduit l'esprit de profit (l'esprit
capitaliste) au sein de cette communauté. Dans cette nouvelle dynamique,
on observe que la monnaie a modifié la nature des rapports entre les
cadets et les aînés. Les cadets sont devenus autonomes
vis-à-vis des aînés. D'où la perte du prestige des
personnes âgées.
Dans cette optique le bulletin medicus
mundi((*)27)
fait constater qu'il y a actuellement des conflits
intergénérationnels qui entraînent la mise à
l'écart des personnes âgées. Ce qui se justifie par la
présence de 532 hospices en Afrique, 3466 en Amérique, 1456 en
Asie et 7435 hospices en Europe((*)28), tous appartenant à l'Eglise Catholique. Il
note que l'accroissement de la longévité en même temps
qu'il souligne l'amélioration des conditions de vie et les
progrès réalisés par la science, pose des problèmes
auxquels sont confrontés les vieillards. Si en Occident les vieilles
personnes sont internées dans les asiles, dans les
sociétés asiatiques et africaines traditionnelles, elles sont
respectées et considérées comme les dépositaires de
la connaissance. Toutefois, l'auteur ne manque pas de dire que les effets de la
modernité sont en train de compromettre ces valeurs traditionnelles.
Poursuivant son analyse, il montre que le vieillissement de la population
à des impacts négatifs sur la cohésion familiale, les
relations entre les générations, l'économie, les
conditions de vie, l'emploi, les services de santé et les régimes
de retraite. C'est pourquoi, pour prévenir les crises sociales, il
préconise des programmes de santé prenant en charge l'individu
durant son cycle de vie et cela pour favoriser un vieillissement
réussi. Le vieillissement réussi s'oppose au vieillissement
pathologique qui signifie présence d'handicaps physiques et renvoie
à la mort de ses enfants, de ses proches et à la
dépendance financière. C'est la raison pour laquelle la recherche
des facteurs de vieillissement normal pousse les sciences sociales à en
faire un centre d'intérêt. Parmi ces chercheurs nous notons
Vincent Caradec((*)29) qui établit une typologie de la
vieillesse.
I.3.5- La catégorisation sociale de la
vieillesse
Vincent Caradec met en exergue l'importance
de la problématique du vieillissement et de la vieillesse et
énumère les concepts que génère ce champ
disciplinaire. Il parle notamment des concepts de troisième âge,
de personnes âgées dépendantes, de seniors et de
pre-retraités. Il établit deux typologies: d'une part celle des
retraités actifs qui renvoie à une négation de la
vieillesse, et d'autre part celle de la vieillesse dépendante qui
commande de lourds problèmes de prise en charge. Il précise que
chaque typologie est accompagnée de représentation sociale et
chaque société décide de ce qu'est la vieillesse.
Toutefois, le concept de retraités actifs, qui implique une prise en
charge sociale ou une assurance sociale, ne prend pas en compte une partie non
négligeable du nombre de personnes âgées dans le tiers
monde. En effet, l'économie est prédominée par les
activités culturales et le secteur informel ; ce qui ne permet pas
aux concernés de cotiser auprès d'une institution de
prévoyance sociale. C'est pourquoi nous considérons les concepts
de vieillissement actif et de vieillissement inactif, utilisés par les
institutions internationales, plus englobant. Dans la même veine,
Kouakou N'Guessan((*)30) distingue deux strates de façon
générale dans les sociétés traditionnelles
africaines. La strate des aînés et celle des cadets. Les
aînés sont des individus qui ont une position supérieure
dans la communauté. Ils détiennent le pouvoir politique,
spirituel, économique et le capital culturel. A l'inverse, les cadets
ont une position inférieure. Ils doivent le respect et
l'obéissance aux aînés. C'est sans doute, selon l'auteur,
le souci permanent de la régulation sociale qui amène les
sociétés lagunaires((*)31) de la Côte d'Ivoire à se structurer
en classe d'âge. Chaque classe d'âge a sa caractéristique et
son rôle qui doivent contribuer au développement de la
communauté. Cependant, il note que cette organisation sociale n'exclut
pas les conflits entre les aînés et les cadets. Les
mécanismes internes permettent leur règlement et l'on observe le
plus souvent une «complémentarité institutionnelle»
entre les deux classes. L'auteur continue pour dire que la modernité qui
s'est opérée par la colonisation (l'occidentalisation) a
introduit des « paramètres nouveaux » telles: l'école
nouvelle, l'économie de marché et l'urbanisation qui ont
extraverti l'organisation sociale de ces peuples. L'école nouvelle a
arraché les cadets à la tutelle des anciens. Les
aînés sociaux sont devenus des analphabètes; à
l'inverse, les jeunes devenus `'savants'', instruisent à leur tour les
aînés. Au plan économique, les cadets ont accès
à des activités génératrices de revenus. Ce qui
leur donne de concurrencer les aînés qui sont affaiblis
physiquement et donc moins actifs. Au niveau de l'urbanisation, les jeunes
quittent de plus en plus les villages pour les villes qui sont pour eux le
symbole de réussite et de gloire. Ce que l'auteur appelle: « le
vernis civilisateur de la ville ». Toutes ces réflexions sur la
longévité, nous dira Jacques Attali, ont
été les préoccupations premières dès la
genèse des sociétés.
I.3.6- La quête transculturelle de la
longévité
Jacques Attali((*)32) fait de la quête de
la longévité un problème éminemment anthropologique
qui a traversé les premières sociétés, il y a de
cela des millions d'années. Il montre que la recherche de l'allongement
de la vie est le vecteur et le socle de toutes les institutions sociales. C'est
pourquoi il affirme: « la première ambition des hommes, celle
qui les guide avant toute autre, est d'être, de durer, de retarder la
mort. Et, pour durer, d'employer toujours la même ruse sous de multiples
formes: s'approprier les biens des autres, qui sont leurs forces et leur vie;
et les employer d'une façon qui correspond le plus exactement à
l'idée qu'on se fait, à une époque donnée, de la
mort.». Il rend indissociable la recherche de la
longévité et la mort. D'une part, la mort donne d'accéder
à une double vie: l'expérience d'ici-bas et celle de
l'au-delà. Le mort de l'au-delà qui assiste et protège les
membres du groupe. Et d'autre part, le mort qui s'avère une menace
contre la sécurité et la survie des autres membres de la
communauté. Ce dernier: « doit être éloigné au
plus vite des vivants, pour ne pas revenir les chercher.».
En outre, la mort des jeunes traduit une symphonie
inachevée qui jette le désarroi et la hantise dans la
communauté. En effet, l'âme d'un mort jeune refuse de quitter les
siens et exige « une réparation » qui doit être
matérialisée par la mort d'une autre personne.
Pour Jacques Attali, certes toutes les
traditions recherchent la longévité; mais cette recherche
s'exprime différemment selon les sociétés et selon le
temps.
Ce qui conduit l'OMS((*)33) à avoir une approche
nouvelle de la longévité. Pour elle en effet, la
préoccupation n'est plus de vieillir mais de vieillir en « restant
actif », c'est-à-dire que les vieilles personnes grâce
à un suivi médical régulier et adapté doivent
être en mesure de remplir des rôles au sein de la famille, de la
société, et avoir des activités économiques
appropriées à leur âge. Par exemple en Afrique
subsaharienne, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA et de
leurs enfants revient dans les familles le plus souvent aux personnes
âgées. Ce plan d'action ne manque pas d'évoquer les
sévices dont les vieilles personnes sont victimes.
Toutefois, il est aussi important d'indiquer comme le
révèle Abram Kardiner((*)34), que dans certains
systèmes sociaux, face à certaines difficultés, les
vieilles personnes, sous le prétexte qu'elles ont vécu longtemps
comparativement aux jeunes, acceptent au péril de leur vie, de se donner
en sacrifice. C'était le cas dans la société
traditionnelle Chuckchee, où, en période de famine les vieilles
personnes acceptaient d'être tuées afin que le peu de nourriture
puissent satisfaire les autres membres de la famille.
La revue de littérature a permis de voir sous les
angles biomédical, social et religieux, les différents discours
sur le phénomène de la longévité. Notre recherche
sans s'en éloigner, va tenter de ressortir la construction sociale de la
longévité chez les Adjoukrou. A cet effet, elle se
réfère au cadre conceptuel et théorique de l'anthropologie
sociale et culturelle. Ce qui permettra de saisir d'une part, l'aspect
socio-historique de l'ebeb; et d'autre part, de connaître la
représentation de la vie et de la longévité chez les
Adjoukrou. Mais quels sont les objectifs de cette étude ?
I.4- OBJECTIFS
I.4.1 L'objectif général
L'objectif de ce travail vise à mettre en
évidence la contribution d'une institution sociale - l'ebeb -
à l'allongement de l'espérance de vie. A cet objectif
général, il est rattaché quatre objectifs
spécifiques.
I.4.2- Les objectifs spécifiques
Il s'agit concrètement dans cette étude de:
1- analyser les structures sociales d'intégration et les
fonctions sociales des ebebu,
2- décrire la perception de la vie et de la
longévité chez les Adjoukrou,
3- étudier le fonctionnement institutionnel de
l'ebeb,
4- mettre en évidence l'allongement de la vie en terme
d'intégration des personnes âgées.
Le recueil de ces données permettra de vérifier
l'hypothèse que nous formulons.
I.5- HYPOTHESE
1- L'allongement de la vie chez les
Adjoukrou est favorisé par les institutions sociales
d'intégration de la personne âgée. L'intégration
ici, est considérée comme un moyen de renforcement de la
santé en tant que force vitale. Cette définition rejoint le sens
anthropologique que Memel-Fotê Harris, donne à la
santé perçue chez lui comme la résultante des rapports
entre l'individu et la société, les divinités et la nature
indépendamment des dimensions biomédicales et
psychologiques. En d'autres termes l'allongement de la vie chez les Adjoukrou
est lié aux rapports de l'individu et avec la société et
avec les forces surnaturelles.
La confrontation de cette hypothèse au fait
nécessite que les concepts clés du thème de recherche
soient élucidés.
I.6- DEFINITIONS DE CONCEPT
I.6.1- La contribution: le concept de contribution
vient du mot latin`' contributio''. Il signifie la part apportée par
chacun à une action commune ou la collaboration à une oeuvre
collective.
Dans le domaine des sciences sociales, ce terme introduit la
notion de participation d'un élément du système social,
c'est-à-dire l'implication réelle, consciente et responsable d'un
acteur social ou d'un fait social à une action collective qui est
entreprise.
En socio-anthropologie précisément, le concept
de contribution renvoie à la fonction sociale que remplit une
institution. Et c'est dans ce sens que le thème contribution est pris.
Ainsi, entendons-nous par contribution des institutions sociales, le rôle
propre et caractéristique joué par l'ebeb dans la
quête de l'allongement de la vie.
I.6.2- Les institutions sociales: le terme
institution vient du latin `'instituere'' et signifie au sens
étymologique: établir, construire, fixer. Au sens large, elle est
une pratique ou un comportement énéral dans un milieu
donné qui, lié à des représentations collectives,
est stéréotypé.
En Droit, l'institution désigne un organisme ou une
organisation suscité par la prise de conscience, due à quelques
individus, de certaines exigences de l'intérêt commun d'une
collectivité et qui doit durer aussi longtemps que ces exigences,
indépendamment des volontés particulières des membres de
la société.
Chez les sociologues américains, une institution est
une forme établie de conduite homogène et cohérente qui
sert à la fois à l'exercice du contrôle social et à
la satisfaction des besoins sociaux de base. C'est une combinaison ou une
configuration de modèles de comportement, partagés par une
pluralité et centrés sur la satisfaction d'un besoin fondamental
du groupe.
Ce sont les sociologues de l'école durkheimienne qui
ont donné au concept d'institution un sens technique plus précis.
Ainsi, alors que les ethnologues et les anthropologues de la fin du
dix-neuvième siècle et du début du vingtième
siècle avaient étudié les institutions tels que: la
famille, les organisations politiques et économiques, les
systèmes religieux; et dans une perspective historique et comparative
sans en définir ni le contenu, ni les critères, la sociologie
durkheimienne va au contraire circonscrire le concept par l'identification des
critères qui permettent une construction intellectuelle plus rationnelle
et méthodologique de cette réalité que désigne le
concept d'institution. Pour la sociologie durkheimienne, il existe deux types
de faits: les faits sociaux institutionnalisés ou cristallisés et
les faits sociaux non cristallisés ou non institutionnalisés. Les
faits sociaux non institutionnalisés sont des faits ponctuels et n'ayant
pas une portée générale. Les faits sociaux
institutionnalisés sont des manières d'agir, de sentir, et de
penser constantes qui sont marquées par l'extériorité et
la généralité. Autrement dit, les institutions sont des
manières de vivre que l'individu trouve préétablies et qui
se transmettent par l'éducation. En ce sens, l'ebeb est une
institution sociale Adjoukrou qui consacre de façon cyclique la prise du
pouvoir exécutif et législatif par une classe d'âge
regroupant des individus d'un âge oscillant entre 60 ans et 76 ans.
I.6.3- La longévité (l'allongement de la
vie): ce mot vient du latin longus qui signifie long et de
aevum qui veut dire âge. C'est la longue durée de vie. En
Adioukrou on parle de « sel pkap », c'est-à-dire, la
longue vie. La longévité de façon générale
renvoie à la durée de la vie. Ainsi, peut-on admettre une
longévité de moins de deux ans et plus. Etant donné le
caractère relatif de la notion de durée de vie, dans la
présente étude nous fixons la longue durée de vie minimum
à 60 ans. En effet, en Côte d'Ivoire les études
considèrent une personne comme appartenant au troisième
âge, à partir de l'âge de 60 ans. Or, dans le système
des Nations Unies est considéré comme personne du
troisième âge, tout individu ayant un âge supérieur
ou égal à 65 ans. Autrement dit, nous entendons la
longévité comme étant un allongement de la vie
supérieur ou égal à 60 ans. Et cette définition
tient compte du milieu dans lequel la présente étude a lieu. Dans
la société Adjoukrou ne peut célébrer son
ebeb que les individus d'une classe d'âge ayant au minimum 60
ans.
La longévité et la vie sont assimilées
totalement à la santé. Or, dans une approche classique, le sens
de la santé a été réduit strictement aux
données biologique et biomédicale. Il a fallu les travaux de
l'anthropologie pour que l'on admettre avec MemeL-Fotê
Harris((*)35),
que la santé en tant que réalité globale,
s'apprécie à trois niveaux. D'abord la santé en tant que
force, renvoie au bien-être physique des
individus, c'est-à-dire à l' « absence de maladie
». Ensuite, la santé au plan psychologique s'entend
comme l'équilibre affectif et l'éloignement de l'angoisse. Et
enfin, au plan social, la santé en tant que force
vitale traduit le rapport de l'individu avec sa
communauté, la nature et les divinités. Avec cette
définition anthropologique, la santé s'affranchit du seul domaine
des sciences médicales pour intégrer les variables
socioculturelles. C'est dans ce sens que chaque société en
rapport avec sa vision du monde construit son système sanitaire en
définissant les éléments pathologiques et normaux
susceptibles de nuire ou de favoriser la santé et par là,
participer de la longévité. Dans cette optique, le maintien de la
santé sera fonction de l'observance des normes et des valeurs, du
respect des lois de la nature et du respect des prescriptions divines. Aussi,
l'intégration sociale des personnes âgées en terme de
catégorie sociale toujours utile, peut être un facteur de
longévité. En un mot la solidarité et la cohésion
en tant que force vitale stimulent les personnes âgées.
En outre, l'hygiène de vie au-delà des habitudes
alimentaires, embrasse les totems et les agents pathogènes qui sont tous
des éléments considérés comme anormaux. Comme
illustration d'éléments microbiens nous avons le vol et le
mépris des âges avancés.
I.7- CHAMPS DE L'ÉTUDE
I.7.1- Le champ géographique
L'enquête de terrain se déroule en pays
Adjoukrou, précisément à Débrimou. Deux raisons
motivent ce choix. La première est que dans la société
Adjoukrou, il est célébré sur une période bien
déterminée une fête en l'honneur de la prise du pouvoir par
des personnes âgées, ebebu, ou la fête de
l'ebeb. Et à cette même occasion, les ebebu
retraités accèdent à d'autres strates. Ce qui est de
nature à traduire l'importance des personnes âgées dans
cette société. En outre, Debrimou en tant que capitale de la
deuxième confédération, a été le
deuxième village après Armébé - le village
initiateur- à admettre l'ebeb.
La deuxième raison tient du fait que selon les
statistiques, il y a plus de personnes âgées qui vivent en milieu
rural (8%) qu'en ville (4%) ((*)36).
I.7.2- Le champ sociologique
Il nous permet dans un premier temps de préciser les
acteurs qui ont un lien avec la réalité sociale
étudiée. Et dans un second temps, il permet de tracer le cadre
paradigmatique de l'étude.
Ainsi donc notre champ sociologique, sous recommandation du
chef du village de Débrimou, s'est intéressé aux sujets
transindividuels informés sur l'ebeb et sur la culture
Adjoukrou. Ainsi, avons-nous mené l'enquête auprès d'un
lêlêssel, notable du chef du village, ensuite chef du
quartier Esré et âgé de 78 ans. Il est celui à qui
l'on a recours lorsqu'il s'agit d'interroger le patrimoine culturel de
Débrimou. Il a été ebebu et il est à
l'heure actuelle dans la catégorie des lêlêssel,
qui est celle des patriarches. Nous avons également eu des entretiens
avec le représentant des `'Grands Hommes'', un ebebu de 67 ans,
au pouvoir au moment de l'enquête. Le chef les a estimés capables
de décrire l'ebeb et de nous révéler les sens des
symboles.
Les concepts appliqués au présent travail de
recherche se réfèrent à l'anthropologie des institutions.
Il s'agit de relever la fonction sociale de l'ebeb à trois
niveaux. Le premier niveau consiste à montrer l'ebeb comme une
institution qui vise une stabilité durable de toutes les relations.
Le second niveau laisse entrevoir la fonction de
régulation de l'ebeb. Et enfin, le troisième niveau
permet de voir l'ebeb comme une institution qui structure et
hiérarchise la société Adjoukrou.
I.8- MÉTHODE D'ANALYSE: la
méthode structuro-fonctionnaliste
La démarche empruntée jusqu'ici nous commande
de faire usage de la méthode structuro-fonctionnaliste pour rendre
compte des faits. Comme l'indique son nom, le structuro-fonctionnalisme est la
réunion du structuralisme et du fonctionnalisme.
Le fonctionnalisme est une méthode qui permet de
saisir la réalité sociale par rapport à la fonction que
remplit un phénomène social ou par rapport à son
utilité. Plus explicitement, le fonctionnalisme permet d'expliquer la
manière de l'ebeb de contribuer à l'allongement de la
vie et aussi, de déceler le rôle rempli par les vieilles personnes
dans la société Adjoukrou.
Quant au structuralisme, il est une démarche qui
consiste à élucider les éléments d'une structure
sociale, à découvrir les structures sous-jacentes.
La méthode structurale nous permet de mettre en
rapport les composantes du système social Adjoukrou qui ont une
influence sur l'allongement de la vie. En d'autres termes, comment
l'ebeb en tant qu'institution sociale participe à la
longévité et au vieillissement réussi ?
Dans le cadre d'espèce, la société
Adjoukrou est régie par les classes d'âge et les sous-classes
d'âge et tout se fait et s'organise autour d'elles.
Ainsi, la méthode structuro-fonctionnaliste nous
offre-elle de faire ressortir les structures d'une part; et d'autre part, elle
nous permet d'expliquer le rôle de ces structures
dans leur rapport avec la quête de la longévité.
I.9- TECHNIQUES D'ENQUÊTE
I.9.1- La technique documentaire
Partant du principe que toute recherche ne va pas d'un point
zéro, mais qu'elle s'appuie toujours sur les travaux antérieurs,
nous avons consulté des ouvrages généraux, des ouvrages de
spécialité et des revues traitant de la longévité
et du vieillissement. Ce qui nous a conduit à fréquenter les
bibliothèques de l'Unité de Formation et de Recherche des
sciences médicales et de l'Institut d'Ethno-Sociologie de
l'Université de Cocody-Abidjan.
I.9.2- Le guide d'entretien
Vu que notre sujet d'étude tel que nous l'orientons a
été très peu traité et vu la nature du sujet de
recherche, nous avons eu recours à un guide d'entretien afin de recenser
et d'approfondir les informations. Le guide d'entretien a été
adressé à des sujets transindividuels notamment à un
patriarche (un lêlêssel) et à un `'Grand Homme''
(un ebebu).
Le guide d'entretien administré concerne les
thèmes suivants:
- thème I: cadre historique et organisationnel de
l'ebeb
- thème II: représentations et
déterminants de la longévité,
- thème III: conditions de vie et traitement des
personnes âgées,
- thème IV : santé et hygiène de vie,
- thème V: fonctions socioculturelles des ebebu,
- thème VI: significations des éléments
matériels symboliques
En plus du guide d'entretien, nous avons fait usage de la
technique d'observation directe.
I.9.3- L'observation directe
Le guide d'entretien ne pouvant pas nous permettre de cerner
tous les aspects du rituel de l'ebeb, nous avons pris part à
deux fêtes d'initiation.
La première à laquelle nous avons pris part est
une fête d'initiation à l'angbandji dans le village
d'Agbaille le samedi 04 novembre 2006. La deuxième est une
cérémonie d'ebeb de la classe d'âge
M'Borman du village de Yassap, le samedi 30 décembre 2006. Nous
avons utilisé cet outil de recherche en vue de certaines informations
capitales: percevoir l'intérêt que la communauté, la
famille et les candidats eux-mêmes accordent à cette
cérémonie d'investiture; suivre le déroulement des
cérémonies en observant particulièrement la transmission
des éléments matériels symboliques et leurs
significations.
I.10- DÉPOUILLEMENT
Ayant fait le choix pour des raisons déjà
justifiées d'une étude qualitative, nous avons fait un
dépouillement manuel des données. Ce dépouillement manuel
a consisté à regrouper les données collectées en
fonction des objectifs spécifiques, avant d'en arriver à
l'interprétation des données.
I.11- DIFFICULTES RENCONTREES
Le travail de recherche, dans son déroulement s'est
heurté à des obstacles. Le premier obstacle a été
lié à une bibliographie très maigre en sciences sociales
sur le phénomène spécifique du vieillissement.
La deuxième difficulté a été
d'ordre linguistique: ne communiquant pas en Adjoukrou, nous avons dû
recourir aux services de jeunes Adjoukrou pour la traduction en
français.
La troisième difficulté s'explique par
l'incapacité physique de certaines personnes âgées. Nous
n'avons pu les rencontrer pour recueillir leurs opinions.
Toutefois, ces épines n'ont pas
émoussé la recherche, sachant pour notre part qu'une oeuvre
scientifique naît au prix de mille difficultés vaincues.
DEUXIÈME PARTIE
PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE
Figure 1- La carte géographique du
département de Dabou
II.1- SITUATION GÉOGRAPHIQUE
Situé à cinq kilomètres de la ville de
Dabou, Débrimou est, de part le découpage colonial des zones en
canton, l'un des villages centraux du pays Adjoukrou. Il est la deuxième
fédération après la fédération de Boubouri.
Debrimou est entouré au Nord par les villages de
Akradjo et vieil-aklodj au Sud par la ville de Dabou; à l'Est par le
village de Armébé et à l'Ouest par le village de
Orgbaf.
Le village de Débrimou est subdivisé en quatre
quartiers que sont: Esré, Adissagne, Djadjème et Gningnikew.
Chaque quartier a à sa tête un chef.
Il est actuellement dirigé par les ebebu de la
classe d'âge M'Borman; et la chefferie villageoise centrale, qui
est une émanation de la volonté coloniale, est tenue par le chef
Sel Bédi André. A ce niveau, il est important de savoir que les
autorités du village sont les seuls ebebu. La chefferie centrale n'a pas
une influence politique majeure.
II.2- HISTORIQUE DU PEUPLE ADJOUKROU
L'histoire explicative de l'origine du
peuple Adjoukrou est racontée diversement par les vagues successives qui
ont formé l'identité collective Adjoukrou.
On distingue trois souches principales ayant participé
à la constitution de l'ethnie Adjoukrou. Nous avons d'abord une souche
occidentale avec un rameau primitif qui comprend les villages de Bonn,
Boubouri, Débrimou, Armébé, Mopoyem, Lokpou, Agneby, Gaty,
Cosrou, Toukpa, Agbaille, Awiya, Youlil, Kaka, Lidj-Nanou, Niam-Niambo et un
rameau secondaire comprenant les villages de Orgbaf-Edjem, Kpass, Bodou, et
Kpanda. Ensuite nous avons une souche orientale avec un rameau primitif
formé des villages de Aklodj-Rogaf et Aklodj et un rameau secondaire qui
comprend les villages de Ousrou, Gbadj'n, Yassap, Gbougbo, Okpoyou, et Orgbaf.
Et enfin, nous avons une souche centrale constituée
des villages de Lokp-Agninabo, et Tchaha.
Bien que toutes ces souches s'accordent sur une même
dénomination (Adjoukrou), le sens de Adjoukrou est
polysémique. Un groupe lui donne une étymologie morale:
odème krou qui signifie: qui refuse l'injustice. Un autre
groupe le dérive de odjème-êgn-krou qui veut dire:
qui se croit autosuffisant et ne flatte pas les autres pour vivre. Pour un
autre groupe encore, Adjoukrou vient de Sodj et renvoie
à l'état de maladie dont l'ancêtre a souffert. Enfin, pour
un dernier groupe, l'appellation Adjoukrou est liée au nom de
l'ancêtre femme, lodj, qui guérit brusquement
(kprou) d'une maladie sur la route de la migration. Cette
polémique sur le sens d'Adjoukrou est répétée
encore au sujet des récits sur l'occupation du site actuel.
En effet, les récits relatifs à l'occupation du
site actuel par les Adjoukrou sont légendaires. Les traditions remontent
à leur passage dans le pays Dida, dans la région de Divo. Selon
l'histoire, c'est à la suite de conflit avec leur voisin Dida que les
Adjoukrou ont quitté le pays Dida pour immigrer au bord de la lagune
Ebrié, à Cosrou, puis sur le lieu de leur première
installation, appelé Tef, non loin de l'actuel village de Boubouri. L'on
situe cette migration vers le milieu ou la fin du dix-huitième
siècle.
Cette pénétration a entraîné des
conflits entre les Adjoukrou et leurs voisins Ebrié ou alladian
déjà présents.
A cette époque, les Adjoukrou avaient pour
activité principale la chasse et vivaient dans des campements qui sont
à l'origine des villages actuels.
Cependant, une querelle entre deux frères, Amnes et
Amnan, scinda les Adjoukrou en deux groupes dont les villages de Boubouri et de
Débrimou jouent le rôle de capitales. En effet, Boubouri et
Débrimou sont les capitales des deux confédérations que
forment les villages Adjoukrou.
II.3- HISTORIQUE DE L'INSTITUTION DE
L'EBEB
Situé à quatre kilomètres de Dabou,
Armébé est un village Adjoukrou du canton de Boubouri. Selon
l'histoire, les Adjoukrou sont arrivés entre le dix-septième et
le dix-huitième siècle à Armébé en
provenance du pays Dida. C'est au cours de cet exode que Akmétché
Lock, soeur du chef de la communauté, offrit en sacrifice son fils quand
il fallut traverser le fleuve `'Go'' situé entre Grand-Lahou et Fresco.
D'oû la justification du système matrilinéaire en pays
Adjoukrou.
En effet, le chef Akmétché Yro, en
reconnaissance de l'acte de sa soeur décida que ses héritiers
seraient les enfants de celle-ci, ses neveux.
Dès leur arrivée, les Adjoukrou se sont
installés à Cosrou. Cependant, au cours d'une bataille qui opposa
les Adjoukrou à leur voisin, le chef Akmétché Yro a
été tué. Pour le venger, sa soeur Akmétché
Lock s'allie aux autres villages pour combattre l'ennemi. Après la
victoire, elle offre un boeuf à ses alliées. Du boeuf offert, les
aînés d'Armébé ont exigé d'avoir certaines
parties de l'animal notamment la hanche et la mandibule. Toutes choses qui vont
fonder l'origine de la fête de l'ebeb qui signifie la prise du
pouvoir. Ce pouvoir est géré pendant une période de huit
ans non renouvelable par un ensemble de personnes liées par
l'appartenance à une même classe d'âge. La première
fête de l'ebeb aurait eu lieu au dix-neuvième
siècle précisément en 1834. Dès son institution par
le village de Armébé, les autres villages Adjoukrou voyant sa
portée, vont l'emprunter et le fonder comme moyen de légitimation
du pouvoir exécutif.
II.4- STRUCTURES SOCIALES ADJOUKROU
II.4.1- Les classes d'âge
Le système des classes d'âge est l'organisation
sociale fondamentale. Elle a un rôle social, politique, économique
et militaire. Chaque citoyen Adjoukrou appartient pendant toute la durée
de sa vie à une classe d'âge bien déterminée. On
accède aux classes d'âge après une cérémonie
initiatique appelée `'low''. Chaque classe d'âge et
chaque sous-classe d'âge ont à leur tête un chef
appelé `'milow''.
II.4.2- Le système de parenté: les
lignages
L'Adjoukrou appartient de par ses ascendants masculins
à un lignage paternel (eb) et de par ses ascendantes
féminines à un lignage maternel (bosou sougon).
Le rôle du patrilignage apparaît plus dans la vie
politique et sociale. Il est de la responsabilité du père de tout
mettre en oeuvre pour la célébration de la fête de
génération de sa progéniture.
Le matrilignage quant à lui est une unité
économique. Elle a, à sa tête le plus âgé de
la famille. En effet, c'est le matrilignage à travers le doyen qui
détient le capital et les richesses traditionnelles constituées
d'or, de pagnes, de bijoux, de numéraires, de plantation et de
palmeraies. Jadis, par un système de contrôle étagé
des oncles sur les neveux, le patriarche au sommet de la hiérarchie
détenait l'autorité supérieure et supervisait le travail
de tout le groupe. Il était le garant de la gestion des palmeraies de la
famille et il répartissait les fruits du travail selon les besoins des
membres du groupe. Toutefois, il prélevait une redevance qui servait
plus tard à couvrir les charges de la célébration de
l'angbandji des membres de la famille. Cependant, le contexte
d'occidentalisation a fait évoluer ces institutions et la structure
économique s'est profondément modifiée. Ainsi, la
liberté d'entreprendre et l'école conventionnelle ne permettent
plus aux jeunes de travailler collectivement dans les palmeraies sous
l'autorité du doyen. En dépit de tout, il y a une survivance du
rôle du doyen. Il détient encore les richesses familiales et
justifie du capital angbandji des membres de la famille.
Ce rôle déterminant du matrilignage tient du
fait que la succession est matrilinéaire.
II.5- CROYANCES RELIGIEUSES ADJOUKROU
A l'image de beaucoup de sociétés, le peuple
Adjoukrou croit de façon hiérarchisée à l'existence
de forces surnaturelles à l'origine des choses. Si le contexte moderne
les amène à être monothéistes, il faut dire qu'au
départ, ce peuple était polythéiste. Et il y a aujourd'hui
encore une survivance des croyances anciennes et un mélange de pratiques
religieuses (le syncrétisme).
Le peuple Adjoukrou croit à l'existence d'un être
suprême, Nyam, à l'origine de la genèse de
l'univers, afr'nunu, et de tout ce qu'il renferme. A cet être,
l'on rend un hommage le plus souvent lors des cérémonies, en
évoquant qu'il a créé le ciel, afr, et la terre,
ouss.
A un stade secondaire, les Adjoukrou croient en l'existence
de petites divinités, les génies, hémisse, qui
animent et habitent les éléments de l'univers. Ainsi, avons-nous
les génies de la forêt, de l'eau, des cours d'eau, de l'arbre... .
Ces entités surnaturelles ont des fonctions dialectiques. Les
génies protègent la société contre l'ennemi et la
sanctionnent en cas de rupture d'équilibre ou de transgression. Dans la
conception des Adjoukrou, ce sont les génies qui sont à la base
de la fertilité du sol, de la fécondité, de la
réussite de la pêche ou de la chasse et de la
sécurité. En cas de courroux, selon que la faute a
été commise par un individu, une famille ou le village, ils
sanctionnent les fautifs en les privant de leurs bienfaits. Par exemple, le
génie de la fécondité en cas de transgression peut
infliger la stérilité.
A un troisième niveau, on trouve chez les Adjoukrou,
les mânes des ancêtres. En effet, les Adjoukrou pensent que leurs
parents morts revivent dans un autre monde. Ainsi, gardent-ils les liens avec
eux à travers le culte des morts matérialisé par
l'exposition des photos des parents décédés, et membres de
la classe d'âge qui célèbre son ebeb, l'offrande
de repas sur les tombes. En retour, ils reçoivent de leurs
ancêtres la bénédiction et la protection.
Quel que soit le niveau, les cultes sont
présidés exclusivement par les aînés sociaux de la
communauté ou de la famille selon que le culte concerne tout le village
ou uniquement la famille. Enfin, il y a dans les consciences, l'existence de
sorciers, ag'nu. Les sorciers sont des individus, membres de la
société, qui possèdent des pouvoirs surnaturels. L'on
distingue deux types de sorciers. D'une part, il y a les sorciers
maléfiques qui consomment `'les âmes'', provoquent les maladies
terribles, freinent l'ascension sociale des individus, créent des
conflits, et empêchent les récoltes abondantes. En un mot, ils
perturbent l'ordre social. D'autre part, il y a les sorciers blancs,
ag'mann, qui selon l'imaginaire, protègent les membres du
groupe et font obstacle aux projets des forces surnaturelles maléfiques.
Cependant, on constate en pays Adjoukrou, une
prédominance du christianisme. Nous avons notamment, les confessions
religieuses catholique protestante, harriste et
évangélique.
II.6- ACTIVITES ECONOMIQUES
Les atouts du climat et de l'environnement
géographique ont favorisé chez les Adjoukrou l'utilisation de
ressources multiples.
Cependant, traditionnellement, les Adjoukrou n'étaient
pas des cultivateurs et leur économie avait pour fondement la cueillette
et la chasse.
Grâce aux commerces avec les populations lagunaires
(Ebrié et Alladian), les Adjoukrou se sont
adaptés aux techniques de pêche et à la culture du manioc
pour donner `'l'attiéké''.
Saisissant la richesse du sol et les vertus de la
forêt, ils ont développé la culture du palmier; et la
palmeraie hier comme aujourd'hui, reste la principale source de revenu aussi
bien pour des particuliers, les familles ou le village. L'importance
accordée à la palmeraie lui vaut autour d'elle, l'organisation
des rapports sociaux de production et la structuration des rapports de
parenté. En effet, la gestion des palmeraies familiales relève de
l'autorité du doyen d'âge du matrilignage, c'est-à-dire le
plus âgé de la famille. Le doyen d'âge a pour fonction de
répartir le travail, de veiller à l'exécution effective
des tâches et de redistribuer les revenus engrangés par la
palmeraie.
Notons aussi qu'avec l'introduction des cultures de rente,
les Adjoukrou sont de plus en plus engagés dans
l'hévéaculture. En marge de ces principales activités
culturales, ils s'intéressent aux cultures vivrières et la
commercialisation de l'attiéké.
TROISIÈME PARTIE
PRÉSENTATION ET
ANALYSE DES DONNEES:
Les fondements socio-anthropologiques de la
valorisation des personnes âgées
III. LA PRESENTATION ET LA FONCTION DES STRUCTURES
SOCIALES D'INTEGRATION
A l'issue de l'observation directe et du guide d'entretien
administré aux sujets, nous avons recueilli des données que nous
décrivons et interprétons.
III.1- LA SOCIETE ADJOUKROU: UNE SOCIETE A CLASSE
D'AGE
(oworan)
En pays Adjoukrou, la célébration de la
fête de génération ou `'low'' permet à
l'individu d'être accepté comme membre de la
société. Elle confère une identité sociale à
l'individu et atteste de la maturité du jeune homme passé de
l'enfance à l'âge adulte. C'est le fondement de la vie sociale.
Dès cette initiation, le membre peut prendre part aux
rencontres et posséder au moins une portion de terre pour ses
activités culturales.
Elle est une fête collective pour toute une
sous-classe d'âge donnée et a lieu entre l'âge de 21ans et
23 ans. Par exemple, la dernière fête de génération
qui a eu lieu en 2006 a concerné la strate des
M'Bédié-Odjogba. Celle qui aura lieu en 2008 concernera
la strate des M'Bédié-Bago. La fête du
low est célébrée tous les deux ans, pendant les
années paires.
Dans la fédération de Débrimou, nous
avons sept classes d'âge (oworan) comprenant chacune quatre
sous-classes d'âge. Ce qui nous donne un nombre total de vingt huit
sous-classes d'âge structurées de la façon suivante:
Odjogba
Bago
Kata
Boman
3. N'Djurman
Odjogba
Bago
Kata
Boman
1. Bodjl
Odjogba
Kata
Boman
4. Abrhman
Bago
Odjogba
Bago
Kata
Kata
Boman
2. Sêtê
Odjogba
Bago
Kata
Boman
5. M'Bédié
Odjogba
Bago
Kata
Boman
6. M`Borman
Odjogba
Bago
Kata
Boman
7. Nigbessi
Figure 2-Représentation des classes
d'âge et de leurs sous-classes
A l'intérieur de chaque génération, les
Odjogba sont les aînés, les Bago sont les
puînés, les Kata sont les cadets et enfin les Boman sont
les benjamins.
Il convient de préciser que dans la
fédération de Boubouri, il est admis trois sous-classes. La
dernière sous-classe, c'est-à-dire celle des Boman est
considérée comme la sous-classe des esclaves.
L'accession au pouvoir se fait de façon cyclique,
entre les différentes générations et la mobilité
sociale donne à la génération cadette d'aujourd'hui
d'être l'aînée de demain. Ce fonctionnement donne aux
classes d'âge de renouveler leur cycle tous les cinquante six ans.
Au moment de l'enquête, la classe d'âge au pouvoir
à Débrimou est celle des M'Borman qui a
succédé à la classe d'âge
M'Bédié; et la classe d'âge M'Borman aura
pour successeur en 2011, la classe d'âge Nigbessi ainsi de
suite. Actuellement les investitures dans tous les villages qui
célèbrent l'ebeb, concerne la classe d'âge
M'Borman.
M'Bédié
Abrhman
N'Djurman
Sêtê
Bodjl
Nigbessi
M'Borman
Figure 3-
Représentation cyclique de l'accession au pouvoir politique
à Débrimou
L'insertion de l'individu dans l'une des classes d'âge
permet à la communauté de prendre en charge ses membres. Plus
encore, c'est le cadre de socialisation par excellence dans la
société Adjoukrou, le lieu où l'on apprend les
préceptes de vie, développe les notions de solidarité, et
de discipline. Aussi, l'individu apprend-t-il à défendre sa
communauté contre les ennemis et acquiert la maîtrise des outils
et des techniques culturales. Autrement dit, la célébration de la
fête de génération (low) présente les
nouveaux membres comme des hommes accomplis capables de contribuer au
développement de la société dans l'observance des normes
et dans le respect des valeurs.
Figure 4- Initiation des jeunes au low. Ils
ont acquis ainsi la maturité sociale.
Source : Memel-Fotê, le système
politique de lodjoukrou, 1980.
La fête de génération donne à
l'individu deux droits majeurs:
le droit à la vie sociale (participer aux rencontres,
mariage),
-le droit économique (l'individu peut exercer à
son compte des activités économiques).
Pour tout dire, la célébration du low
est le point de départ nécessaire à l'acquisition des
prestiges sociaux.
Ainsi, dès la fête de génération,
les nouveaux membres vont-ils se mettre au service de la communauté de
sorte à créer des richesse et partant à accéder
à l'angbandji.
III.2- LA CELEBRATION DE L' ANGBANDJI OU FETE
DE RECONNAISSANCE
En pays Adjoukrou, après la célébration
de la fête de low qui est le premier niveau fondamental, il y a
un second niveau intermédiaire, la fête de l' angbandji.
A la différence de la fête de génération qui est une
fête collective, la fête de reconnaissance ou encore fête de
noblesse, l'angbandji est une fête individuelle qui
dépend des capacités financières du postulant.
Elle est une occasion de réjouissance, où
l'individu exprime à toute la communauté sa reconnaissance,
reconnaissance pour le soutien, reconnaissance pour ses biens
(traditionnellement: terre, plantation, or, argent et pagne), reconnaissance
pour avoir fondé une famille, reconnaissance pour la vie. Et
l'expression de cette reconnaissance implique implicitement que l'individu
fasse parade de richesse et d'opulence. Cette opulence va consister pour lui,
à nourrir tout le village et tous les convives; à s'habiller en
vêtement de qualité (osso-kogba) son épouse et
lui, à se parer d'or et à se promener dans le village en passant
par les principales artères. Lors de son passage qui se fait sous un
parapluie tenu de façon générale par un membre de sa
famille ou de la famille de son épouse, l' angbandji
reçoit tout au long de son parcours, à son honneur, des jets de
pièces de monnaie toutes neuves.
Figure 5- Célébration de
l'angbandji. Le couple récipiendaire richement
vêtu
Source : Fraternité Matin du 31 Octobre
2006.
Cet honneur, l'individu le partage avec sa famille. C'est
pourquoi, quand un membre n'a pas la capacité financière
suffisante, la famille lui prête main forte pour s'épargner
l'infamie.
En effet, avant de célébrer l'angbandji,
l'individu doit justifier son capital, appelé le capital
angbandji. Et c'est avec ce capital qu'il paie un droit de cent mille
francs CFA.
Dans l'époque ancienne, le doyen d'âge
était celui qui détenait le patrimoine économique,
l'«adja» de la famille. Cet adja se composait de
pagnes, de bijoux, d'or et de plantation. Et cet adja était le
fruit du travail de tous les membres de la famille. Les palmeraies étant
la source principale de richesse, les jeunes filles et les jeunes
garçons partaient y travailler pour subvenir aux besoins de la famille.
Les récoltes vendues, ils remettaient l'argent au doyen d'âge de
la famille, le plus vieux, qui à son tour assurait la redistribution
selon les besoins de la famille et des individus. Et de ces biens, il
dégageait les moyens financiers et matériels nécessaires
à la célébration de l'angbandji des membres de la
famille. De ce qui précède, on constate que les jeunes,
gagnés par la noble tentation de gravir les échelons sociaux,
investissaient leur force de travail pour accroître la richesse de la
famille. Et le doyen d'âge par sa sagesse et son autorité
garantissait à tous les membres une équitable redistribution.
Aujourd'hui, même si le contexte d'occidentalisation a
transformé la société, il est constaté que le doyen
d'âge reste dans les familles le garant du patrimoine économique
familial (l'adja). N'empêche que la liberté
d'entreprendre ne peut plus permettre le travail collectif. Toutefois, le
travail individuel (société organique) est orienté dans le
sens de tout mettre en oeuvre pour célébrer l'angbandji
non sans le concours de la famille.
Au sortir de cette fête, le célébrant
acquiert le nom prestigieux d'angbandji et « obtient la gloire
d'un nom tambouriné et le droit au tam-tam lors de ses
funérailles »((*)37). De façon générale, le
tambour implore la grâce de Dieu, il salue les ancêtres du village,
il salue le village, il rend hommage à la famille de
l'angbandj, et aux personnalités. Autrement dit,
désormais le récipiendaire a son nom inscrit au panthéon
de l'histoire de sa société. Car le tambour((*)38) est aux
sociétés africaines, ce que le livre est aux
sociétés occidentales. Il est le lieu fidèle et
crédible de la mémoire collective du peuple.
Dans d'autres villages Adjoukrou, le non angbandji
s'incline avant de prendre la parole en public. Or, cette posture peut
être comprise comme un signe d'allégeance, de petitesse ou
d'insignifiance.
Puisque l'angbandji est une initiative
privée, le temps de sa célébration est laissé
à la volonté et au choix de l'individu; c'est seulement qu'elle
ne peut être célébrée qu'après avoir
été admis dans une classe d'âge.
Aussi, bien qu'elle soit une initiative privée, elle
est une phase impérative avant la célébration de
l'ebeb.
III.3- LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE
L'EBEB
III.3.1- L'accession à l'ebebu
La célébration de l'ebeb est le
dernier niveau que tout individu en pays Adjoukrou doit franchir. De même
qu'elle a été instituée par le village de
Armébé et que Débrimou a été la
première à la lui emprunter, de même c'est le village de
Armébé qui ouvre la première la série des
fêtes relatives à l'ebeb suivi du village de
Débrimou.
L'expression ebeb signifie en Adjoukrou le village,
la terre; c'est la fête. Eb, la racine, désigne la
culture et la société. Et ebebu veut dire
propriétaire de terre. La fête de l'ebeb consacre la
prise du pouvoir. Elle investit comme détenteur du pouvoir
exécutif et suprême pendant une période de huit ans non
renouvelables, tous les individus membres d'une classe d'âge
donnée. De façon générale, tous les postulants ont
un âge qui varie entre soixante et soixante huit ans. Pendant les huit
années que dure l'exercice de leur pouvoir politique, les ebebu
ont pleine autorité sur toutes les décisions qui engagent le
village: ils détiennent le pouvoir suprême.
Actuellement à Débrimou, les ebebu
sont au nombre d'environ trois cent. Ce chiffre est en très nette
progression, car dans les temps anciens, il y avait très peu d'ebebu
du fait des calamités et des conditions de vie précaires. Ce
qui poussait certains quartiers à s'attacher les services des
ebebu venus des autres quartiers voisins.
La célébration de l'ebeb à
Débrimou a lieu tous les huit ans au cours d'une année impaire
située après la célébration du low de la
sous-classe d'âge Kata. La fixation du jour exact est du seul
ressort de la classe entrante. Mais par habitude elle est
célébrée dans le mois de décembre.
Mais comment les ebebu sont-ils investis ?
III.3.2- le rite et les étapes de l'investiture
des ebebu
La fête de l'ebeb satisfait à trois
étapes: l'étape de la consécration des ebebu,
l'étape du défilé ou le yoro-oubaure, et
l'étape de l'adisséhi des ebebu. Il y a de cela
quarante ans, le rite comprenait les deux premières étapes.
III.3.2.1- La première étape:
l'étape de la consécration des ebebu
Elle consiste pour les futurs ebebu à se
réunir simultanément dans leurs quartiers respectifs sous l'arbre
à palabre (êdjême) ((*)39). Sous l'exigence des ebebu sortants, les
futurs ebebu remettent à chacun une bouteille de liqueur
(ma-totuor) et une somme de cent francs CFA((*)40) . Ils achètent
ainsi, pendant une période de huit ans la terre «eb»
et le pouvoir suprême. Ces deux éléments symbolisent les
frais du droit d'acquisition de la terre. Les ebebu, en s'acquittant
de ces droits, traduisent ainsi l'intérêt et le prix qu'ils
attachent au village qu'ils aspirent gouverner. Lors de ce rassemblement, les
ebebu sortant, notamment ceux qui appartiennent aux sous-classes
d'âge odjogba et kata, passent le flambeau en imposant
du kaolin pétri sur le front de leur successeur et l'appliquent
également sur le bras gauche. En effet, dans la tradition, il n'y a que
les odjogba et les kata qui président la libation, qui
ouvrent et clorent les réunions parce qu'elles constituent les
sous-classes d'âge nobles.
Le front sur lequel est imposé le kaolin, est selon
l'imaginaire populaire de ce peuple, le siège de toute la
personnalité de l'être, il est la puissance, et l'endroit
où l'on peut décrypter l'identité et l'intelligence de
l'homme.
Ce premier acte marque l'ouverture des festivités de
l'ebeb. Ainsi, les postulants dès lors appelés
ebebu, s'habillent de grands pagnes blancs « osso-kogba
» avec une chemise blanche, et se parent de bijoux argentés durant
une semaine. En d'autres termes, cette première étape permet aux
futurs ebebu de communier avec les habitants des quartiers dont ils
sont issus, de recevoir leur approbation et de bénéficier de la
bénédiction et du soutien de leurs prédécesseurs. A
cet effet, ils font le tour du village, ils rendent visite aux familles et ils
se promènent dans tout le village.
Le kaolin qui sert à matérialiser l'acte et qui
est une argile blanche est symbole de pouvoir, de prospérité, de
bonheur et de pureté. A travers le blanc, l'on chasse les esprits
maléfiques, l'impur et l'on fait appel au Divin et au Bien. Les esprits
maléfiques sont trompeurs et ils peuvent corrompre le fonctionnement
normal de l'exercice du pouvoir. Autrement dit, les individus du
troisième âge à qui l'on confie le pouvoir politique sont
des exemples et l'exercice de leur pouvoir doit assurer le bien-être
social à toute la communauté. C'est dans cette même optique
que les futurs ebebu sont vêtus de blancs.
III.3.2.2- La deuxième étape:
l'étape du défilé ou le yoro-oubaure
Au cours de cette étape, les ebebu quittent
les vêtements blancs et les parures en argent pour se revêtir de
grands pagnes kita, d'anneaux et de chaînes en or. Une
façon d'exposer la richesse de la famille.
Ils font ensuite le tour des quartiers à la fois avec
les ebebyow sous des chants et des danses. Le premier sens
attribué à ce défilé, est une visite du domaine de
compétence des ebebu, la reconnaissance des limites de son
pouvoir qui ne peut s'exercer que dans son village. Autrement dit, ils se
présentent à la communauté comme étant les nouveaux
élus qui gouvernent pour sa gloire.
Figure 6- La procession d'entrée.
Les ebebu et les ebebyow richement vêtus en pagne uniforme, signe
d'unité, parés de perles de valeur et de bijoux en
or.
III.3.2.3- La troisième étape: ou
l'étape de l'adisséhi des ebebu
Elle constitue l'apothéose du sacre des
ebebu. A ce stade, tous les nouveaux ebebu de tous les quatre
quartiers de Débrimou se réunissent sur la place publique
centrale, sous l'arbre à palabre (êdjême)((*)41). Là, l'un d'entre
eux le milow((*)42) de la sous-classe d'âge des
odjogba, c'est-à-dire le chef de tous les membres de la classe
d'âge, reçoit de façon symbolique du milow des
ebebu sortant, une canne (kpaman), un chasse-mouche
(saye), il lui met un chapeau (toufê) après
l'avoir coiffé, et il l'habille d'un grand pagne (osso-kogba).
Aussitôt, le milow sonne pour proclamer son élection qui
est suivie d'un discours magistral.
Figure 7- La cérémonie du sacre.
Le milow des MBorman au nom de ses
pairs a reçu tous les attributs du
pouvoir : le chapeau, la canne, le chasse-mouche et le kaolin au
front.
La canne signifie le bâton de commandement, le
bâton du berger qui doit orienter et rassembler tous les membres de la
communauté villageoise. Elle est symbole de stabilité, une source
de motivation quand la faiblesse physique et l'indécision s'installent.
En effet, elle est un appui sûr pour la marche. La canne dans la main de
l'ebebu renvoie au berger qui oriente son troupeau sur les voies
salutaires. C'est la canne de commandement et de discipline. C'est d'ailleurs
le cas dans la religion catholique où lors de l'intronisation de
l'évêque à la tête d'un diocèse, il
reçoit une mître sur la tête et une crosse à la main.
Contrairement aux Adjoukrou du village de Armébé, chez les
Adjoukrou de Débrimou, la canne n'a pas un pouvoir mystique, elle n'est
pas un pouvoir de malédiction, mais elle rappelle aux ebebu
qu'ils sont les seuls tenants du pouvoir; et comme tel, ils leur revient en cas
de divergence de points de vue de nature à rompre le consensus social,
d'imposer avec fermeté la décision.
Ce qui suppose un sens de la sagesse et du devoir dont le
chasse-mouche est le signe.
Le chapeau sur la tête rappelle le oint, le chef de la
communauté.
Le port de nouveaux vêtements signifie la rupture avec
l'homme ancien, avec le commun des mortels; c'est accepter par là
d'être un mis à part pour faire sienne la bienséance qui
caractérise les chefs et les grands hommes. Pendant une semaine
supplémentaire, les ebebu qui le désirent, peuvent
encore faire le tour du village, avec des ornements riches.
Il convient de relever ici que la célébration
de l'ebeb entraîne une mutation sociale
génération. En effet, ce jour là, toutes les classes
d'âge changent de position et même de rôle. Ce qui
confère un caractère majeur à la célébration
de l'ebeb qui lui-même renforce les prestiges sociaux des
ebebu.
III.4- LES PRESTIGES SOCIAUX LIES A LA DIGNITE
D'EBEBU
Dans le système socio-politique Adjoukrou, le statut
d'ebebu réserve des privilèges aux personnes du
troisième âge. Le signe extérieur de ce prestige, c'est
d'abord la distinction quotidienne des ebebu du commun des hommes. Ils
ont ensuite le droit, eux et leurs prédécesseurs, de porter des
chapeaux même lors des séances publiques. Ils ne descendent pas
leur pagne de l'épaule. Les non ebebu sont tenus de garder la
tête naturelle et de ramener le pagne qu'ils portent au niveau de la
ceinture.
Toutes les séances de prise de décision, toutes
les rencontres dans le village sont présidées absolument par les
ebebu; ce sont eux qui ouvrent solennellement les séances et
les clorent. Ils ne sont pas soumis à des cotisations, et ne vont pas en
guerre. Dans certains villages, ils sont exemptés de travaux
champêtres. A Débrimou par compte, parallèlement à
l'exercice du pouvoir, les ebebu peuvent exercer des activités
économiques. Cette particularité est due à la pratique de
l'école conventionnelle et à l'exode rural des jeunes.
Or, en Côte d'Ivoire, la pension des retraités
affiliés à la CGRAE (La Caisse Générale de Retraite
des Agents de l'Etat) est soumise à l'impôt.
Tous les ebebu jouissent pendant l'exercice de leur
pouvoir d'une immunité. Ce qui implique que quelle que soit la faute
commise de façon collective ou individuelle, il n'y a pas de sanction et
d'abrègement du pouvoir.
Au plan économique, la communauté s'organise
pour subvenir aux besoins des ebebu. C'est ainsi qu'à
Débrimou, il y a une plantation d'hévéa dont les
bénéfices de la vente sont répartis entre les ebebu
et leurs prédécesseurs.
Sous l'arbre à palabre, l'annonce de l'arrivée
d'un ebebu commande de facto au non ebebu,
c'est-à-dire aux individus ayant célébré le
low ou l'angbandji de garder le silence jusqu'à ce que
l'ebebu prenne place et les autorise à poursuivre leur
communication.
Dans la société traditionnelle Adjoukrou,
lorsque le chasseur venait à abattre un animal, il offrait sans
contrainte aucune le thorax (poitrine) de l'animal à un ebebu.
Par ce geste, le donateur demandait implicitement des prières de
bénédiction pour des récoltes abondantes et pour une vie
harmonieuse.
En outre, la distribution des dons au sein de la
communauté obéit à deux règles. La première
concerne les dons en espèce (argent). Lorsque ce type de don est fait,
la distribution se fait de façon égale à commencer par les
milacme jusqu'aux ebebu. La deuxième concerne les dons
en nature. Lorsqu'un don en nature (un animal) est fait, la distribution est
soumise au droit d'aînesse. Ainsi, les ebebu
reçoivent-ils moins que leurs prédécesseurs.
Lors des assemblées, les ebebu et leurs
prédécesseurs ont des places spéciales qui leur sont
réservées et ils reçoivent des non ebebu des
salutations, chapeaux ôtés.
La dignité de l'ebebu lui confère de
garder à l'épaule l'autre bout du pagne qui le recouvre lorsqu'il
doit intervenir en public. Or, obligation est faite aux non ebebu
d'ôter du dessus de l'épaule le bout du pagne qui les recouvre et
de ramener le pagne autours des reins.
A la mort d'un ebebu, en plus des privilèges
réservés aux funérailles de l'angbandji, les fils
du quartier de l'ebebu défunt font le tour du village le jour
de son enterrement. Et l'on exécute une danse guerrière
appelée yaye. Le septième jour après son
enterrement, l'on danse dans la cour du défunt
l'êtêkprê. Les ebebu defunts ont droit à
l'hommage du tambour parleur `'attigbani''. Ces honneurs rendus
à la mémoire des ebebu défunts rappellent dans la
société moderne les honneurs rendus aux grands hommes d'Etat
disparus. Aussi, faut-il ajouter que les ebebu à la retraite
bénéficient à leurs funérailles de la danse du
fusil appelé agbo-êdje.
Les ebebu, dans la gestion des affaires du village
ont directement sous leurs ordres et leurs services les
générations plus jeunes.
III.5- LES AUXILIAIRES DES EBEBU
Nous distinguons trois classes d'âge qui aident
directement les ebebu dans l'exercice de leur fonction. Ce sont: les
miridi-ekun, les observateurs et les mabêssê.
Par exemple, la génération qui suit
immédiatement la génération des ebebu au pouvoir
et qui est appelée spécifiquement
«miridi-ekun», détient le pouvoir de la parole lors
des assemblées. C'est à cette génération qu'il
revient d'ouvrir les séances de réunion, de diriger les tables de
séance, d'assurer le rôle de modérateur sous la
présidence évidemment des ebebu. Ce sont eux qui passent
la parole aux ebebu; ils ont aussi la possibilité de faire des
propositions aux ebebu. Les miridi-ekun ont pour équivalent
dans la société moderne, les secrétaires. Ils
préparent de la sorte leur accession prochaine à la
dignité d'ebebu. En effet, les miridi-ekun sont de la
classe d'âge qui succède aux ebebu après les huit
années de pouvoir. Ce sont des dauphins.
Après les miridi-ekun, nous avons une classe
d'âge qui les suit. Cette classe d'âge en raison de son statut n'a
pas un nom qui lui confère une identité. Ou du moins son
identité est d'être sans appellation. Cela tient du fait qu'elle a
un rôle de neutralité, un statut strict d'observateur. Elle
observe tout ce qui se déroule dans la société, et tout ce
qui se passe lors des séances publiques. Ils sont en apprentissage car
après huit ans passés dans cette fonction d'observateur, les
membres de la génération deviennent des miridi-ekun.
Figure 8- l'investiture de la classe
d'âge des ouvriers. Le milow de la classe d'âge des
sêtê brandit la machette; il a sur son épaule la
flèche. Désormais, elle doit travailler pour le
développement du village: c'est la classe d'âge militaire et
ouvrière.
Après les observateurs, viennent les
mabêssê, appellation qui signifie: les `'hommes de
machette''.
Les mabêssê sont les soldats du village,
ils ont une fonction militaire. Ils travaillent sous la direction des
miridi-ekun. A leur tour, ils ont sous leur domination et leurs ordres
toutes les autres générations qui viennent après. Par
souci de compréhension nous faisons une illustration à travers le
schéma suivant:
Ebebu
M'Borman
Miridi-ekum
Nigbessi
M'Bédié
Classes d'âge sous la dépendance des
mabêssê
Abrhman
Bodjl
Observateurs
Sêtê
N'Djurman
Mabêssê
Figure 9- Représentation des
fonctions sociales des différentes classes d'âge
Avec cette représentation graphique, nous constatons
qu'à l'heure actuelle, les ebebu sont les individus issus de la
génération M'Borman, les miridi-ekun sont les
individus appartenant à la génération des
Nigbessi, les `'Neutres'' ou les observateurs sont les individus
appartenant à la génération Bodjl, les
mabêssê sont les individus issus de la
génération Sêtê. Les
mabêssê ont la charge traditionnelle de promouvoir le
développement du village. Symboliquement, l'on leur remet la machette en
leur donnant pour mission de subvenir aux besoins matériels aussi bien
des ebebu en fonction que des ebebu à la retraite.
Après huit années de gestion politique, les ebebu
à la retraite sont toujours intégrés dans le
système social et ils participent toujours à la cohésion
sociale. Ce qui leur donne de conserver certaines prérogatives sauf le
pouvoir exécutif.
III.6- LES DISTINCTIONS POST-EBEBU
Après huit ans d'exercice de pouvoir, les
ebebu sortis (les ebebu à la retraite) accèdent tous les
huit ans à d'autres classifications ou dignités honorifiques. Ces
différentes distinctions sont aux nombres de quatre.
III.6.1- La distinction des
lêlêssel
La première distinction est celle des
lêlêssel qui signifie « les hommes de papier »
ou encore les « patriarches ». Les individus de cette classe ont au
moment de leur promotion un âge qui varie entre 68 ans et 76 ans. Ils
quittent cette distinction à un âge compris entre 76 ans et 84
ans. Leur titre de lêlêssel fait allusion à leur
capital culturel. Ils sont des personnes ressources que consultent
régulièrement les ebebu avant les prises de
décision si besoin est. Ces consultations obéissent au souci que
les décisions prises par les ebebu sont en conformité
avec les normes et les valeurs qui président au fonctionnement normal de
la société. Après la catégorie des
lêlêssel, vient celle des lakpiky.
III.6.2- La distinction des lakpiky
La deuxième distinction est celle des lakpiky
qui signifie « pilier de la clôture ». L'âge des
individus à l'entrée de cette classe varie entre 76 ans et 84
ans. Ils quittent la distinction à un âge compris entre 84 ans et
92 ans. Du point de vue accumulation de connaissance, ils sont au-dessus des
lêlêssel. C'est la raison pour laquelle en cas de blocage
ou de limite, les lêlêssel les consultent pour recueillir
leur avis avant de faire des propositions aux ebebu. Dans le respect
de la hiérarchie de la connaissance qui est liée à
l'âge de l'individu, jamais les ebebu n'outrepassent les
lêlêssel pour s'adresser aux autres classes
supérieures.
La classe des lakpiky comme le nom l'indique, est
celle qui assure la stabilité de l'édifice social en terme de
restitution des normes, des valeurs et de l'enseignement du patrimoine
culturel. Les lakpiky à leur tour ont pour aînés
les nênici.
III.6.3- La distinction des nênici
La troisième classe est celle des
nênici qui veut dire la molaire. De façon
générale, les individus de cette classe ont un âge qui se
situe à l'entrée entre 84 ans et 92 ans. Ils quittent cette
distinction à un âge compris entre 92 ans et 100 ans. En cas de
difficulté dans les prises de décision, les lakpiky
à leur tour consultent les nênici. Leur appellation
qui signifie la molaire, est symptomatique du rôle central qu'ils jouent
dans la société en dépit du poids de l'âge. Les
molaires sont en effet, les dents qui à la différence des canines
et des incisives, sont très résistantes, grosses, qui se situent
dans le fond et déploie leur force. En effet, ce sont les molaires qui
comme une machine, broient les aliments et les mâchent soigneusement dans
le but de faciliter la digestion et de nourrir l'organisme humain. Le plus
souvent, quand l'homme est édenté, il peut avoir encore quelques
molaires pour mâcher les aliments.
III.6.4- La distinction des milacme
Après les nênici, nous avons la
dernière classe, celle des milacme qui a pour signification: la
cendre. Les individus de cette classe ont un âge qui varie à
l'entrée entre 92 ans et 100 ans.
Ils sont à leur tour sollicités à titre
consultatif par les nênici.
La cendre est le résidu de toute combustion. Cette
classe se présente comme la classe des individus qui ont pu subsister,
qui ont pu traverser toutes les étapes et toutes les épreuves de
la vie. Ce sont eux qui restent de la société.
La cendre, loin de traduire une insignifiance, traduit un
exploit, un modèle de vie et de longévité dont les autres
membres de la société doivent pouvoir s'inspirer.
Figure 10- Image d'un doyen d'âge. Le
doyen d'âge, un nênici ayant un âge compris entre 84 ans et
100 ans.
Source : Memel-Fotê, le système politique
de lodjoukrou, 1980.
Les quatre distinctions post-ebebu que nous venons
de décrire, apparaissent comme des organes consultatifs dont les
ebebu sont l'exécutif. Elles indiquent que quelque soit l'âge
l'individu est utile à la société.
L'ordre des consultations se fait des ebebu aux
lêlêssel, des lêlêssel aux
lakpiky, des lakpiky aux nênici, et des
nênici aux milacme et jamais en sens contraire.
Voilà un prototype de société qui instaure une culture du
vieillissement loin des approches pathologiques de la vieillesse.
Aussi, cette description montre l'utilité de la
personne âgée et son intégration en pays Adjoukrou. Dans
certaines sociétés lorsque la personne âgée au
pouvoir manifeste des signes physiques de faiblesse, elle est mise à
mort. C'est le cas chez les Shilluk du Soudan((*)43), où le roi est mis à mort dès
les premiers signes de dégradation physique.
Age à l'entrée
Age à la sortie
Milacme
Nênici
Lakpiky
Lêlêssel
Ebebu
60 ans à 68 ans
68 ans à 76 ans
68 ans à 76 ans
76 ans à 84 ans
76 ans à 84 ans
84 ans à 92 ans
84 ans à 92 ans
92 ans à 100 ans
92 ans à 100 ans
Plus
Figure 11- Tranche d'âge des
différentes catégories à partir des ebebu
0 10 20 30 40 50
60
Naissance
Fête de Fête de l'angbandji fête de
l'ebeb
Génération
(low)
Figure 13 : le parcours de vie sociale
normale de l'Adjoukrou
Milacme
Nênici
Lakpiky
Lêlêssel
Ebebu
Angbandji
Low
Figure 12- L'échelle graduelle
d'honneur
Les représentations graphiques de la tranche
d'âge des différentes catégories à partir des
ebebu et l'échelle graduelle d'honneur, nous donnent de faire
ressortir l'essentiel pour l'Adjoukrou c'est-à-dire le parcours de vie
sociale normale schématisé de façon suivante:
III.7- LA PERCEPTION DE LA VIE ET DE LA LONGEVITE
CHEZ LES ADJOUKROU
La vision Adjoukrou de la longévité est
fondamentalement théologique non sans exclure les facteurs
socioculturels et environnementaux.
Pour l'Adjoukrou, de même que l'auteur de la
vie-naissance est Dieu en tant que Origine Première des choses, de
même seul Dieu `'Nyam`' décide de la durée de vie de
l'individu. C'est pourquoi les actes de bienfaisance sont
récompensés par une bénédiction stipulant la
longévité: `'Ké niagne ongue sel pkap'', - que
Dieu t'accorde une longue vie -.
Cependant, certains comportements dans la
société peuvent soit favoriser un allongement de la vie, soit
réduire la durée de vie de l'être. Comme
éléments à mettre au compte des facteurs favorisant, nous
avons le respect des prescriptions divines qui sous-entend le respect des lois
de la nature, l'observance des normes et des valeurs dont les personnes
âgées en sont les garants. Respecter la nature est très
utile pour l'homme, car les Adjoukrou comme la plupart des
sociétés africaines, pensent que dans l'univers, chaque
élément de la nature (la terre, l'eau, le vent, l'arbre...) est
animé par des génies qui ont le pouvoir, dans leur courroux
d'infliger le malheur au déviant. C'est s'attirer le malheur que de ne
pas observer le jour de repos des génies, tout comme de manquer de tenir
ses promesses envers les dieux ou les génies. Dans ces cas, les forces
surnaturelles retirent à l'individu leur protection et leur
bienveillance. Ainsi, devient-il la cible des sorciers `'ag'nu'' et
les projets de vie connaissent des controverses.
Avoir de l'égard pour les personnes
âgées, c'est témoigner du prix pour les ancêtres et
avoir un intermédiaire entre l'individu et les divinités. En
effet, les offices religieux telles que les libations sont
présidés par les ebebu, et les doyens d'âge. C'est
d'ailleurs ce qui justifiait le fait que dans la société
traditionnelle Adjoukrou, les chasseurs offraient aux ebebu le thorax
du gibier et que les cultivateurs leur offraient les prémices de leur
récolte. Ces actes de générosité leur valaient en
retour des prières de bénédiction et de
prospérité. Plus encore, le comportement de l'homme
obéissant amenait les vieilles personnes à lui enseigner les
secrets de vie qui consistaient dans une large part à se défendre
contre l'adversité. De ce qui précède, nous
décelons que vivre longtemps ou vouloir vivre longtemps commande un
respect des lois de l'univers qu'on peut résumer dans cette trilogie non
exclusive:
-respecter Dieu (Nyam)
-respecter la nature (les génies)
-fréquenter les vieux.
C'est dans la fréquentation des personnes
âgées que l'on rentre dans l'intimité de Dieu et obtient la
connaissance de la nature.
A côté des facteurs favorisant, nous avons aussi
les facteurs défavorisant qu'il nous convient d'appeler les nuisances
sociales.
Il s'agit des actes et des comportements déviants qui
rompent l'équilibre entre l'individu et sa famille ou sa
communauté, entre l'individu et les divinités ou les forces
surnaturelles. Les conduites déviantes et les actes
répréhensifs sont des fissures qu'exploitent les forces
maléfiques et les sorciers, pour jeter des sorts à leurs ennemis.
Selon les données, recueillies sur le terrain, l'un
des actes déviants les plus réprimés est le vol. voler
dans la société Adjoukrou, c'est risquer sa vie et jeter
l'infamie sur toute sa famille. Parfois, les victimes à travers des
incantations recommandent l'inconnu voleur à la mort et à la
malédiction extrême. Généralement, l'on pense que ce
sont de ces actes déviants que découlent les maladies graves qui
font appel à l'intervention des dévins-guérisseurs.
Tout ceci concourt à déterminer la
longévité par des facteurs socioculturels qui ont une dimension
horizontale et une dimension verticale. La dimension horizontale réside
dans les rapports entre l'individu et la société. Et la dimension
verticale met en relief les rapports entre l'individu et Dieu (Nyam)
d'une part et entre l'individu et la nature d'autre part.
Ces deux facteurs induisent inéluctablement deux
typologies de vieillissement. Le vieillissement réussi et le
vieillissement pathologique.
Le vieillissement réussi qui signifie exclusivement
l'absence d'un état pénible de vieillesse notamment les maladies
séniles graves, est accordée aux individus qui ont montré
de l'intérêt pour les normes et les valeurs de la
société. Et l'Adjoukrou manifeste sa reconnaissance envers Dieu
à l'occasion de la célébration de l'ebeb,
fête dont les bases ont été posées depuis plus de
quarante ans. A cet effet, tenant compte des contextes modernes et
traditionnels, les ebebu participent aux cultes d'action de
grâce dans leur Eglise respective, tout en participant aussi à des
cérémonies de libation.
En revanche, le vieillissement pathologique
entremêlé de souffrance et de maladies
dégénératives, est une sanction contre les individus
asociaux.
III.8- LES ASPECTS INTEGRATIFS DE L'EBEB
Contrairement aux Sociétés Occidentales qui
internent les personnes âgées dans les asiles et les hospices, la
société Adjoukrou, à travers l'ebeb couvre de
laurier les vieilles personnes. Et la première palme qu'elle offre aux
personnes âgées, est la plus haute et honorifique fonction de
gouvernant (ebebu). De même tous les attributs du pouvoir: le
kaolin, la canne, le chasse-mouche et le chapeau, tendent à un culte de
la personne âgée puisqu'ils se réfèrent au champ
sémantique religieux.
Au plan horizontal, l'ebebu est le premier des
Adjoukrou et au plan vertical le prolongement des ancêtres, en ce sens
qu'il détient le patrimoine culturel de la société. Que ce
soit au sein de sa famille, au sein de son quartier et au sein du village, ses
actes et ses avis sont déterminants. Les prestiges que requiert son
statut lui sont reconnus dans les autres villages Adjoukrou. Toutes choses qui
motivent l'homme Adjoukrou non seulement à vouloir atteindre l'âge
d'accession à l'ebebu, mais aussi à accéder aux
autres strates post-ebebu((*)44). Et cette recherche de la longévité
va passer nécessairement par l'observance des normes et des valeurs qui
elles-mêmes s'acquièrent lors de l'initiation (low).
Ainsi donc, par l'ebeb, l'on célèbre
la prise du pouvoir, mais la prise du pouvoir par des vieilles personnes. Au
cours de la cérémonie d'investiture, un accent est aussi mis sur
l'âge des célébrants, preuve que tout est mis en oeuvre
pour magnifier l'âge avancé eu égard aux épreuves de
la vie. Il ressort de l'enquête que pour l'Adjoukrou, la
longévité, « sel pkap » est un don de Dieu
« Nyame ».
Figure 14- Le soutien de la
communauté aux ebebu. Les ebebu et les ebebyow accompagnés par
leurs familles et leurs amis sous des ovations et des chants se dirigent vers
la place publique «êdjême».
Mais ce don est une récompense qui sanctionne le
respectueux de l'éthos. C'est pourquoi, le milow des
M'Bédié lors de la cérémonie d'investiture
des M'Borman à Yassap dit en se rendant sur la place
publique que s'il n'y a pas de calamité, seul Dieu peut accorder
à l'individu la grâce d'atteindre l'âge de l'ebebu.
Figure 15-La mendicité rituelle. les
ebebu assis, les assiettes devant eux reçoivent des dons en
espèce provenant des amis, des connaissances et de la famille. Cet acte
est loin de la mendicité. En effet, tous ces ebebu ont
célébrés leur angbandji. C'est-à-dire qu'ils
appartiennent à la catégorie des Hommes
Riches.
Les ebebu, à travers la mendicité
rituelle `'sisme akpe`' matérialisée par les assiettes
servant à recueillir les dons, évaluent leur côte de
popularité et jugent l'estime qu'ils ont auprès de la
communauté.
Toutes choses qui témoignent de l'intégration
de la personne âgée et qui se présentent comme un stimulant
de la quête de longévité. En effet, comme certaines
études et certains faits l'ont montré, l'isolement social de
l'individu est dans certains cas une cause de mortalité. Car, il se pose
à l'individu le problème de son utilité, sans oublier que
un individu exclu peut être envahi d'angoisse. C'est d'ailleurs les
conclusions auxquelles parviennent les travaux de Emile
Durkheim((*)45)
sur le taux de suicide dans la France de son temps. Il déduit que le
taux de suicide « varie en raison inverse du degré
d'intégration des groupes sociaux dont fait partie
l'individu.». Quand la société se
désintègre, l'individu se sent plus isolé et davantage
porté au suicide égoïste. Quand au suicide altruiste,
fondé sur une individuation insuffisante, il se produit dans les moments
de rupture entre l'individu et le groupe auquel il s'identifie. Il se produit
aussi dans les cas d'identification totale de l'individu à un groupe qui
idéalise la mort volontaire. Le suicide anomique enfin se produit
lorsqu'il y a une rupture de l'équilibre social. « Toutes les
fois que de graves réarrangements se produisent dans le corps social,
qu'ils soient dus à un soudain mouvement de croissance ou à un
cataclysme inattendus, l'homme se tue plus facilement.». Autrement
dit, mettre les vieilles personnes en marge de la société sous le
prétexte qu'elles sont vulnérables, serait précipiter leur
mort. En revanche, les considérer comme des acteurs sociaux
indispensables au développement social, sera une force vitale vectrice
de santé.
CONCLUSION
Le dépérissement du statut des personnes
âgées, nous a conduit à fonder notre problématique
sur la longévité à travers le thème
spécifique de `' l'étude socio-anthropologique de la contribution
des institutions sociales à l'allongement de la vie: l'exemple de
l'ebeb chez les Adjoukrou''. L'objectif de la présente
étude était une: mettre en évidence la contribution d'une
institution sociale - l'ebeb - à l'allongement de
l'espérance de vie, dans le double contexte paradoxal de l'augmentation
exponentielle du nombre des personnes du troisième âge et de
l'effritement de leur prestige eu égard au rôle structurant des
aînés sociaux dans la société traditionnelle. Ainsi,
avons-nous mené nos investigations dans une microsociété
Adjoukrou, le village de Débrimou, qui de par ses structures sociales et
son fonctionnement accorde la primauté aux âges avancés.
Au terme de cette étude, que révèle
l'analyse des données ? Que peut suggérer le modèle
Adjoukrou ?
L'enquête de terrain a révélé trois
institutions fondamentales interdépendantes.
La première institution, le low ou la
catégorie des Citoyens, est le fondement qui confère à
chaque membre de la société une identité et partant une
autorisation à une vie sociale normale.
La seconde institution, l'angbandji, ou la
catégorie des Hommes Riches confirme l'initiation reçue en terme
de réussite sociale, matérialisée par les capitaux
économique, culturel, et social des récipiendaires. Ces capitaux
attestent à leur tour l'aptitude de l'homme' à diriger la
communauté.
Ce qui nous amène à la troisième et
prépondérante institution, l'ebeb, ou la
catégorie des Grands Hommes. L'ebeb est
célébré en général par la classe d'âge
regroupant des individus ayant un âge compris entre 60 ans et 68 ans.
Cette institution confère aux célébrants pour une
période de huit années non renouvelables, l'exercice du pouvoir
exécutif. Ils sont ebebu, c'est-à-dire les gouvernants,
les propriétaires de la terre. Toutes les aspirations de l'homme
Adjoukrou tant au niveau individuel qu'au niveau collectif ont une unique fin:
être investi du titre d'ebebu. Or, ce sacre commande
obligatoirement l'initiation au low et la célébration de
l'angbandji dans un intervalle de 60 ans.
Par l'acquisition du titre prestigieux d'ebebu, les
individus trouvent renforcé leur statut. Au plan politique, non
seulement ce sont les ebebu qui décident et
légifèrent, mais ils disposent aussi du droit de veto
symbolisé par la canne.
Au plan économique, ils ont des ressources
additionnelles qui proviennent des palmeraies. Ils sont, dans certains
villages, exemptés de travaux champêtres.
Au plan social, ils sont toujours distingués par leur
accoutrement notamment lors des assemblées. Dans la répartition
des biens, ils sont prioritaires et aucune entreprise ou initiative n'est
possible sans leur approbation. Ils détiennent le pouvoir religieux et
sont les intermédiaires entre les membres de la société et
les ancêtres.
Tous ces rôles sociaux font qu'ils sont entourés
de sollicitude et de respect. Et cette intégration constitue d'une part
une force vitale pour le maintien de la santé des vieilles personnes, et
d'autre part elle est un mobile de la quête de longévité
pour les générations plus jeunes.
Au terme des huit années de pouvoir, les
ebebu sont à la retraite. Cette retraite n'est pas une mise en
fourrière. Ils sont classés tous les huit ans dans des strates
sociales et ils participent à la vie sociale en jouant le rôle
d'organe consultatif. Ils conservent leurs prestiges sociaux hormis le droit de
veto.
Ce culte des âges avancés est une réponse
aux paradigmes du déclin dont parle Richard
Lefrançois((*)46). En effet, les paradigmes du déclin
présentent la vieillesse comme un état de finitude. Or, à
travers la société Adjoukrou, nous découvrons que la
vieillesse est noble, qu'elle est un âge d'or qui requiert respect et
considération. En d'autres termes, dans le processus du
développement, les personnes âgées sont une frange à
prendre en compte non seulement en terme d'assistance, mais aussi en terme de
catégorie sociale active, c'est-à-dire capable de par ses
expérience à contribuer au fonctionnent de la
société.
L'image valorisante de la vieillesse est liée à
la perception que l'Adjoukrou a de la longévité. En effet, pour
l'Adjoukrou, la longévité est un don divin que favorise
l'observance des normes et des valeurs. Ainsi donc, les personnes
âgées sont perçue comme les élus de Dieu. Les
admirer attire la bénédiction et les marginaliser c'est s'auto
damner. Cette représentation de la vie et de la longévité
rejoint les études de Pascal Wolber((*)46) sur les centenaires en
Côte d'Ivoire. Comme la présente, ces études lient la
longévité de l'être humain à la providence divine
dans les rapports de l'homme avec la société et la nature. C'est
la providence divine ou les forces de la nature qui maintiennent et pourvoient
la société et c'est encore elles qui font exister la nature.
Cette organisation sociale Adjoukrou est un modèle
d'intégration de la personne âgée qui peut servir de
tremplin à l'instauration, à l'échelle nationale, d'une
politique sociale soutenue en faveur du troisième âge.
Ainsi, à l'image des pays occidentaux qui parlent de
quatrième âge et qui comptent avoir dans les décennies
à venir des centaines de milliers de centenaires, la Côte d'Ivoire
gagnerait à s'inspirer de ce modèle de réussite en
matière d'intégration sociale des personnes du troisième
âge, pour inventer son propre modèle en tenant compte de ses
spécificités socioculturelles, mais dans une optique unique:
l'intégration des personnes âgées.
GLOSSAIRE
Adisséhi : il s'agit de la
troisième étape du sacre des ebebu.
Afr: le ciel
Afr nunu : l'univers
Agbo-êdje :
danse du fusil en l'honneur d'un ebebu qui est à la
retraite et qui est décédé.
Ag'nu : le sorcier
Ag'mann :
le sorcier bienfaiteur
Angbandji : c'est
une fête de reconnaissance qui donne au récipiendaire
d'accéder à la classe des Hommes Riches, ou nobles.
Attigbani: désignation du
tambour parleur. Il est réservé aux cérémonies
traditionnelles, aux célébrations de
l'angbandji, de l'ebeb, aux funérailles
d'un ebebu, d'un angbandji; il exécute
l'êtêpkrê. L'Attigbani se
différencie du tambour ordinaire que l'on nomme
brem.
Attiéké :
préparation traditionnelle de la farine de manioc.
Brem : appellation du tambour
ordinaire.
Dédiakpo :
célébration de l'âge de la puberté chez les jeunes
filles Adjoukrou
(à partir de 14 ANS).
Eb : il s'agit de la
société, de la terre ou de la culture.
Ebeb : cérémonie
marquant la prise du pouvoir exécutif en pays Adjoukrou.
Ebebyow : féminin de
ebebu. (Les femmes ne dirigent pas le pouvoir).
Ebebu : titre donné au tenant
du pouvoir exécutif.
Edjême : nom donné aux
séances publiques, aux rencontres publiques et aux
réunions sous l'arbre à palabre.
Êtêkprê :
danse exécutée dans la cour d'un ebebu au
septième jour de sa mort.
Hémisse : le génie
Kpaman : désignation de la
canne.
Lakpiky : ce sont les individus de
la deuxième classe d'âge à la retraite. Ils ont un
âge compris entre 76 ans et 84 ans et entre 84 et 92 ans.
Lêlêssel: ce sont les
patriarches ou encore les individus appartenant à la
dernière classe d'âge ayant quitté le pouvoir. Ils ont un
âge compris entre 68 ans et 76 ans et
entre 76 ans et 84 ans.
Low : c'est une
cérémonie d'initiation qui donne aux individus le droit
d'appartenir à une classe d'âge.
Mabêssê : c'est le nom
donné à la classe d'âge qui détient le pouvoir de la
machette, elle assure la fonction militaire.
Ma-totuor : désignation des
liqueurs.
Milacme : ce sont les individus de
la quatrième classe d'âge à la retraite.
Ils ont un âge compris entre 92 ans et
100 ans et entre 100 et plus ans.
Milow : c'est
l'appellation donnée au chef de classe d'âges.
Miridi-Ekun : appellation
donnée à la classe d'âge qui précède les
ebebu et qui détient le pouvoir de la
parole.
Nênici : ce
sont les individus de la troisième classe d'âge à la
retraite. Ils ont un âge compris entre 84 ans et 92 ans et entre
92 ans et 100 ans.
Nyam : appellation de
Dieu.
Osso-kogba : nom donné aux
grands pagnes de qualité qui recouvrent
les ebebu.
Ouss : la terre
Oworan :
appellation donnée aux classes d'âge.
Saye : le chasse-mouche.
Sisme akpe : c'est la
mendicité rituelle qui se fait lors des fêtes du low et de l'
ebeb.
Toufê :
désignation du chapeau.
Wawrouoka: célébration pendant
trois mois du premier né d'une jeune mère.
Yaye : danse guerrière
exécutée à la mort d'un ebebu.
Yoro-oubaure : c'est la
deuxième étape de la fête de l'ebeb, ou
l'étape du défilé.
BIBLIOGRAPHIE
I. LES OUVRAGES DE METHODOLOGIE EN SCIENCES
SOCIALES ET
HUMAINES
1. BEAUD (Michel). -
L'art de la thèse (Paris, la découverte, 1985,
160 p).
2. BRIMO (Albert). - Les
méthodes des sciences sociales (Paris,
Montchrestien, 1972, 417 p).
3. GRAWITZ (Madeleine). -
Méthode des sciences sociales (Paris, Dalloz,
9ème Edition, 1986,
870 p).
4. NDA (Paul). -
Méthodologie de la recherche. De la problématique
à la discussion des
résultats (Abidjan, EDUCI, 2002, 144 p).
II. LES OUVRAGES GENERAUX
5. ATTALI (Jacques).- Au propre et au
figuré (Paris, Fayard, 1988, 537 p).
6. EL Hafez Ben. - L'arrivée au
but (Edition Dar Al Fikr, 296 p).
7. KARDINER (Abram). -
L'individu dans la société. Essai
d'anthropologie
psychanalytique (Paris, Gallimard, 1969, 530 p).
8. LABURTHE-TOLRA (Philippe) et
WARNIER (Jean Pierre).
- Ethnologie
Anthropologie (Paris, PUF, 1993, 412 p).
9. MEILLASSOUX (Claude). - Anthropologie
économique des Gouros de côte d'Ivoire. De
l'économie de subsistance à l'agriculture commerciale
(Paris Mouton, 2 ème Edition, 1970, 382 p).
10. MEMEL-FOTE (Harris). - Le
système politique de Lodjoukrou (Présence
Africaine, les Nouvelles Editions Africaines,
1980, 479 p).
III. LES OUVRAGES SPECIFIQUES A LA
LONGEVITE
11. CARADEC (Vincent). -
Sociologie de la vieillisse et du vieillissement
(Paris, Nathan, 2001).
12. LEFRANÇOIS (Richard). - Les
nouvelles frontières de l'âge (Québec,
Presse Universitaire de Montréal, 2004,
333 p).
IV. LES THESES - LES MEMOIRES, LES COURS ET LES
RAPPORTS SUR LA LONGEVITE ET LE PEUPLE
ADJOUUKROU
13. Centre universitaire de recherches de
développement. - Croyances et coutumes
Adjoukrou (par Laurent Lassm, Université d'Abidjan 1972,
N° 1971/1, pp 43-52.).
14. Nations Unies. - Deuxième
Assemblée Mondiale sur le vieillissement,
Madrid du 8 au 12 avril 2002 (New York,
2000).
15. Nations Unies. - Le vieillissement
dans le monde: à la recherche d'une
société pour tous les âges (New York,
2001, 122 p).
16. Organisation Mondiale de la Santé.
- Plan d'action international sur le vieillissement: rapport sur
la mise en oeuvre (Genève, 2002).
17. Organisation Mondiale de la Santé.
- Rapport sur la santé dans le monde
(Genève,
2004).
18. WOLBER (Pascal). -
Les centenaires en Côte d'Ivoire (thèse,
faculté de médecine, Université de Cocody-Abidjan,
1993-1994, 60 p).
V. LES ARTICLES PORTANT SUR LA LONGEVITE
19. « Combien de temps pouvez-vous vivre ? », in
Réveillez-vous!mai 2006, volume 87, n° 5,
pp 3-9.
20. « le vieillissement des populations du Sud », in
medicus mundi, Avril 2000
n°76.
21. NINON (Renaud). - « pour vivre
longtemps, vivons sainement », in la vie,
17 juin 1999, n° 2807, pp 54-59.
VI. DICTIONNAIRES
22. BIROU (Alain). - Vocabulaire
pratique des sciences sociales (Paris, les Editions ouvrières,
Edition Economie et Humanisme, 1966, 314 p).
23. FOULQUIE (Paul). - Vocabulaire des
sciences sociales (Paris, PUF, 1978, 378 p).
24. MORIN (Yves). - Larousse
Médical (Paris, Larousse, 2001, 1203 p).
25. THINES (Géorges) et
LEMPEREUR (Agnès). -
Dictionnaire général des sciences
humaines (Paris, Editions universitaires, 1975, 1034
p).
TABLE DES MATIERES
Pages
Avant-propos
...........................................................................................
III
Liste des figures
.......................................................................................
IV
Introduction
................................................................................................
5
PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS
METHODOLOGIQUES .................... 6
I.1- Justification du choix du thème
.................................................................. 7
I.2- Problématique
.......................................................................................
7
I.3- Revue de littérature
......................................................................................
13
I.3.1- La conception biologique de la
longévité .....................................................
13
14 I.3.2 - Les déterminants de la
longévité
........................................................... 16
I.3.3- La conception théologique de la
longévité ...................................................
17
I.3.4- L'impact social de la longévité
................................................................ 19
I.3.5- La catégorisation sociale de la
vieillesse ...................................................... 20
I.3.6 - La quête transculturelle de la
longévité ......................................................
22
I.4- Objectifs
............................................................................................
24
I.4.1- L'objectif général
................................................................................
24
I.4.2- Les objectifs spécifiques
....................................................................... 24
I.5- Hypothèse
..........................................................................................
24
I.6- Définitions de concepts
.........................................................................
25
I.6.1 - La contribution
.................................................................................
25
I.6.2 - Les institutions sociales
........................................................................ 25
I.6.3- La longévité
.......................................................................................
27
I.7- Champs de l'étude
................................................................................
28
I.7.1- Le champ géographique
........................................................................ 28
I.7.2- Le champ sociologique
.......................................................................... 29
I.8- La méthode d'analyse: la méthode
structuro-fonctionnaliste ............................ 29
I.9- Les techniques d'enquête
......................................................................................
30
I.9.1- La technique documentaire
...................................................................... 30
I.9.2 - Le guide d'entretien
...............................................................................
31
I.9.3- L'observation directe
............................................................................
31
I.10- Le dépouillement
................................................................................
32
I.11- Les difficultés rencontrées
.......................................................................
32
DEUXIÈME PARTIE: PRESENTATION DU CADRE DE L'
ETUDE ....................... 33
II.1- Situation géographique
........................................................................ 35
II.2- Historique du peuple Adjoukrou
............................................................. 35
II.3-Hstorique de l'institution de l'ebeb
........................................................... 37
II.4- Structures sociales Adjoukrou
................................................................ 38
II.4.1- Les classes d'âge
................................................................................
38
II.4.2- Le système de
parenté : les lignages
......................................................... 38
II.5- Croyances religieuses Adjoukrou
............................................................ 39
II.6- Activités économiques
............................................... 40
TROISIEME PARTIE: PRESENTATION ET ANALYSE DES
DONNEES :
les fondements socio-anthropologiques de la valorisation des
personnes âgées ............... 42
III. La présentation et la fonction des
structures sociales d'intégration .................... 43
III.1- La société adjoukrou: une
société à classe d'age (oworan) ..... 43
III.2- La célébration de l'
angbandji ou de la fête de reconnaissance
...................... 47
III.3- Le fonctionnement institutionnel de l'ebeb
................................................
50
III.3.1- L'accession à l'ebebu
..........................................................................
50
III.3.2- Le rite et les étapes de l'investiture des
ebebu ............................................. 51
III.3.2.1- La première étape :
l'étape de la consécration des ebebu
............................... 51
III.3.2.2- La deuxième étape :
l'étape du défilé ou le yoro-oubaure
............................. 52
III.3.2.3- La troisième étape : ou
l'étape de l'adisséhi des ebebu
................................. 53
III.4- Les prestiges sociaux liés à la
dignité d'ebebu
............................................ 55
III.5- Les auxiliaires des ebebu
......................................................................
57
III.6- Les distinctions post-ebebu
..................................................................... 60
III.6.1- La distinction des lêlêssel
.....................................................................
60
III.6.2- La distinction des lakpiky
..................................................................... 60
III.6.3- La distinction des nênici
...................................................................... 61
III.6.4- La distinction des milacme
.................................................................... 61
III.7- La perception de la vie et de la
longévité chez les Adjoukrou ..........................
65
III.8- Les aspects intégratifs de
l'ebeb
............................................................. 67
Conclusion
...............................................................................................
71
Glossaire
.................................................................................................
74
Bibliographie
.................................................................... 77
Table des matières
................................................................ 80 Annexes
ANNEXES
GUIDE D'ENTRETIEN
THEME I : CADRE HISTORIQUE ET ORGANISATIONNEL
DE L'EBEB
I.1- Que veut dire ebeb ? (Différence entre
ebeb et ebebu)
I.2- Quelle est l'origine ou l'histoire de la fête de l'
ebeb?
I.3- De quand date cette fête?
I.4- Quelle est la périodicité de cette
fête?
I.5-Que commandent les préparatifs de la fête de
l'ebeb à un niveau collectif ?
I.6- Que commandent les préparatifs de la fête de
l'ebeb pour le futur ebebu ?
I.7- Quel est le rite de l' ebeb ?
I.8- Y a-t-il des critères pour être éligible
à l'ebebu ?
I.9- Si oui, lesquels ?
I.10- Tout vieux est-il admis à l'ebebu ?
I.11- Quel est l'âge minimum requis pour prétendre
accéder à l' êbebou ?
I.12- Les femmes peuvent-elles être ebebu ?
I.13- Si oui, est-ce la même appellation ?
I.14- Au cas où c'est oui, et que l'appellation
diffère, préciser l'appellation.
I.15- Y a-t-il une différence entre femme et homme
ebebu ?
I.16- Si oui, laquelle ?
I.17- Quels sont les avantages liés au statut d'
êbebu ?
I.18- Peut-on perdre ce statut ?
I.19- A quelles conditions ?
I.20- Quel est le rôle de l'êbebu ?
I.21- Combien y a-t-il d' êbebu dans le village?
I.22- Combien y a-t-il d' êbebu hommes dans le village?
I.23- Combien y a-t-il d' êbebu femmes dans le village?
I.24- Quel élément de la nature
adorez-vous ?
I.25- Comment se nomme votre entité protectrice ?
THEME II : REPRESENTATIONS ET DETERMINANTS DE
LA LONGEVITE
II.1- Y a-t-il des cérémonies spéciales pour
les enfants ou autres catégories pour espérer vivre
longtemps ?
II.2- L'âge d'accession à l'êbebu aurait
été revu à la baisse dans certains villages sous
prétexte que la vie est maintenant courte. Est-ce le cas
chez-vous ?
II.3- Avez-vous des contes, des légendes et des symboles
sur les êbebu ou l'ebeb?
II.4- A partir de quoi peut-on dire que quelqu'un a vécu
longtemps et bien ?
II.5- Quelles sont les appellations de : vieux, patriarche,
vieillard en Adjoukrou?
II.6- Quelles sont les appellations de: la
longévité, la vieillesse et la mort en Adjoukrou?
II.7- Comment dans l'ancien temps l'âge était-il
déterminé dans la société Adjoukrou?
II.8- Y a-t-il des cérémonies qui sont faites
à la naissance d'un enfant ?
II.9- Si oui, quels sont les sens de ces
cérémonies ?
II.10- Si oui, lesquels ?
II.11- Selon vous, quelles sont les pratiques qui peuvent
favoriser la longévité?
II.12- Selon vous quelles sont les pratiques ou les comportements
qui, chez les Adjoukrou peuvent écourter la vie ?
THEME III : CONDITIONS DE VIE ET TRAITEMENT
DES PERSONNES AGEES
III.1 - Que pensez-vous des vieilles personnes
maltraitées?
III.2 - Vivez-vous des cas de maltraitance ici?
III.3 - Selon vous y a-t-il un changement dans la façon de
considérer les êbebu au regard du passé et de l'actuel ?
III.4- Pourquoi?
III.5- Accepterez-vous qu'un vieux parte vivre dans un hospice?
III.6- Pourquoi?
III.7- Comment le village s'organise t-il pour aider les
ebebu en cas de difficultés de tout genre ?
III.8- Y a-t-il une différence entre les
funérailles d'un ebebu et les autres?
III.9- Si oui, où se situe la différence ?
III.10- Y a-t-il des rencontres entre les êbebu de votre
village ?
III.11- Si oui, à quelles occasions ?
III.12- Y a-t-il des rencontres entre les êbebou de votre
village et ceux des autres villages environnants ?
III.13- Si oui, à quelles occasions ?
III.14- Pensez-vous que la jeune génération
Adjoukrou manifestent de l'intérêt et du respect à
l'endroit des êbebu?
III.15- Comment cet intérêt ou ce
désintérêt se manifeste-t-il ?
III.16- Selon vous, est-ce que le comportement des jeunes est de
nature à leur procurer une longue vie?
III.17- Quels conseils donnez-vous aux jeunes afin qu'ils
puissent avoir longue vie?
III.18- Quelles sont les relations entre les jeunes et les
ebebu?
III.19- Comment les travaux sont-ils repartis entre les jeunes
générations et les patriarches ?
III.20- Avez-vous une fois appris l'histoire d'un ebebu,
qui aurait été accusé de sorcellerie?
III.21-Si oui, quelle a été la sanction ?
III.22- Ou encore avez-vous une fois appris l'histoire d'un
ebebu, qui aurait été accusé d'actes
illicites?
III.23- Si oui, quelles étaient les natures de ces
actes ?
III.24- Quelles ont été les sanctions ?
III.25- A partir des rapports entretenus avec les épouses,
les enfants et les autres parents, avez-vous le sentiment que les
ebebu sont-ils maltraités ou bien traités ?
III.26- Pourquoi ?
III.27- Les maisons dans lesquelles vivent les ebebu de
chez-vous leur appartiennent-elles ?
III.28- Les ebebu ont-ils une place spéciale
où ils s'asseyent lors des assemblées ?
THEME IV : SANTE ET HYGIENE DE
VIE
IV.1- Avez-vous un centre de santé dans le
village ?
IV.2- Combien de guérisseurs avez-vous dans le
village ?
IV.3- Avez-vous des cours d'eau ?
IV.4- L'eau de ces cours d'eau est-elle utilisée ?
IV.5- Si oui, à quelle consommation elle-t-elle
utilisée ? (Cuisine, lessive, soif...)
IV.6- Avez-vous de l'eau potable ?
IV.7- Quelle est la source de cette eau potable ?
(Hydraulique villageoise ou château d'eau)
IV.8 - Existe-t-il des dépotoirs pour les ordures
ménagères ?
IV.9 - Si oui, à quelle distance de votre maison se
trouvent-ils ?
IV.10- Si non comment gérez-vous vos ordures ?
IV.11- Observez-vous dans le village des interdits alimentaires
familiaux, collectifs ou individuels ?
IV.12- A part les interdits alimentaires, quels autres interdits
observez-vous de façon collective ?
IV.13- Quelles sont les conséquences en cas de non respect
de ces interdits ?
IV.14- Les Adjoukrou Connaissent-ils des plantes de
rajeunissement ?
IV.15- Ou encore est-ce qu'il y a des plantes spécifiques
que vous utilisées pour maintenir votre santé ?
IV.16- Y a-t-il chez les Adjoukrou des remèdes pour le
retardement du vieillissement ?
IV.17- Quelles sont les maladies liées au vieillissement
que les Adioukrou connaissent et traitent ?
IV.19- Comment percevez-vous l'état de santé
général des êbebu du village ?
IV.20- Quels problèmes de santé spécifiques
rencontrent-ils en général ?
THEME V : FONCTIONS SOCIOCULTURELLES DES
EBEBU
V.1- Quelles sont les différentes classes d'âge que
vous avez ?
V.2- En fonction de quels critères les individus sont-ils
rangés dans les différentes classes d'âge ?
V.3- Les rapports entre les ebebu et
l'économie :
a- Agriculture
b- Pêche
V.4- Les rapports entre les ebebu et le
politique :
a- La tenue des séances publiques `'arbre à
palabre
b- Le règlement des conflits
c- La génération au pouvoir
d- L'interaction entre les ebebu et le chef du
village
V.5- Les rapports entre les ebebu et le social
a- Rôle dans la famille
b- Rôle dans le mariage
c- Rôle dans les cérémonies religieuses
d- Rôle dans la transmission du patrimoine culturel
e- Les pouvoirs mystiques
THEME VI : SIGNIFICATION DES ELEMENTS
MATERIELS SYMBOLIQUES
VI.1. Quelle signification attribuez-vous aux 100f et à la
bouteille de liqueur que chaque futur ebebu remet aux
ebebu sortant ?
VI.2. Que représente le kaolin chez les
adjoukrou ?
VI.3. Pourquoi le kaolin sur le front et non ailleurs ?
VI.4. Est-ce les ebebu sortant du quartier uniquement
qui appliquent le kaolin sur les nouveaux ou tout autre
ebebu ?
VI.5. Que signifie le vêtement blanc que portent les
ebebu lors de la première étape ?
VI.6. que signifient la canne, le chapeau, et le pagne
kita ?
VI.7. La canne renferme-t-elle un pouvoir mystique ?
VI.8. Quel sens donne-t-on au chasse-mouche remis au milow
lors de l'investiture ?
VI.9. Quel est le sens que l'on attribue aux assiettes
posées aux pieds des ebebu lors de la
cérémonie d'investiture ?
Images annexes de la Cérémonie
d'ebeb des M'Borman de Yassap
le 30 décembre 2006
Figure I- Le milow reçoit en premier un
chapeau sur la tête, signe de sagesse et de représentation
imagée du sommet de la hiérarchie sociale.
Figure II- Le milow des M'Borman a reçu
un chasse-mouche, signe de pouvoir, pouvoir pour s'éloigner de tout ce
qui corrompt les moeurs. le milow des M'Borman a reçu la canne, signe de
stabilité. Il pourra s'en servir en cas de faiblesse dans la gestion de
la communauté.
Figure III-Le milow des M'Borman reçoit
sur le front le kaolin, signe de pureté, de grandeur et de
paix.
Figure IV- Au front du milow, on peut
observer un éclat : c'est l'effet du kaolin blanc.
Figure V- Le milow investi reçoit les
félicitations d'une ebebyow de sa classe
d'âge.
:
Figure VI- Les regards tournés vers
le milow en signe de communion et d'admiration
* (1) Richard Lefrançois,
les nouvelles frontières de l'âge, Presse Universitaire de
Montréal, Québec, 2004, pp 8.
* (2) OMS, rapport sur la
santé dans le monde, Genève, 2004.
* ( 3) RTI: il s'agit
de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne. Cette série
est réalisée par Guédégba Martin
* (4) C'est un groupe
linguistique (Yacouba) qui se trouve dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire,
à Man.
* (5) Ngnudoli signifie sagesse
en Yacouba. Dédy Séri F. , allocution présentée
lors de la cérémonie de lancement des activités de la
Société Nationale Ivoirienne de Gériatrie et de
Gérontologie le 16 mai 2006.
* (6) koffi Nguessan, Anoh
Amoakon, communication présentée le 16 mai 2006 à Abidjan,
ENSEA, lors de
la cérémonie de lancement des
activités de la Société Nationale de Gériatrie et
de Gérontologie.
* (7) Koffi Nguessan, Anoh
Amoakon, idem.
* (8) Assi, 2001; World
population Prospects: The 2004 Revision.
* (9) Confère la
Sainte Bible, Ephésiens 6, 1-3.
* (10) La deuxième
session de l'Assemblée Mondiale sur le vieillissement a eu lieu à
Madrid, en Espagne du 08 au 12 septembre 2002.
* (11) Renaud Ninon, `'
pourquoi changeons-nous ?'' in la vie, 17 juin 1999
n°2807, p.58.
* (12) Richard
Lefrançois, les nouvelles frontières de l'âge,
Presse Universitaire de Montréal, 2004, p 71.
* (13)
www.un.org/esa/socdev/ageing.htm-
Nations Unies, Vieillissement dans le monde, Plan d'Action International sur
le vieillissement.
* (14) Toussaint Toutou, cours
de gériatrie, Unité de Formation et de Recherche des sciences
médicales, Université d'Abidjan-Cocody, 2002-2003
* (15) OMS, Op.cit
* (16) Deuxième
Assemblée Mondiale sur le vieillissement, Madrid du 8 au 12 avril
2002.
* (17) Renaud Ninon,
« pour vivre longtemps, vivons sainement », in la
vie, 17 juin 1999 n°2807, pp.54-59.
* (18) Toussaint Toutou,
idem.
* (19) Yves Morin, Larousse
Médical, Larousse, Paris, 2001, pp 1109 - 1112.
* (20) Le record de
longévité est détenu par la française Calment
Jeanne : 122 ans. Confère Toutou Toussaint, cours de
gériatrie, UFR des sciences médicales, université de
Cocody-Abidjan- 2002-2003
* (21) Pascal Wolber, les
centenaires en Côte d'Ivoire, thèse de médecine,
faculté de médecine Université
de Cocody-Abidjan, 1993-1994.
* (22) « Combien de
temps pouvez-vous vivre ? », in Réveillez-vous!
mai 2006, pp 3-9.
* (23) EL Hafez Ben,
l'arrivée au but, édition, Dar Al Fikr, p.296.
* (24) Confère la
Sainte Bible (Jean 3,16)
* (25) Richard
Lefrançois, les nouvelles frontières de l'âge,
Presse Universitaire de Montréal, 2004.
* (26) Claude Meillassoux,
anthropologie économique des Gouros de Côte d'Ivoire. De
l'économie de subsistance à
l'agriculture commerciale, Mouton, Paris, deuxième
édition, 1970.
* (27) Bulletin medicus
mundi, Avril 2000 n°76.
* (28) Deuxième
Assemblée mondiale sur le vieillissement, Madrid du 8 au 12 avril
2002.
* (29) Vincent Caradec,
sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Nathan, Paris,
2001.
* (30) Kouakou N'Guessan,
communication présentée lors du Colloque International
sur : « Société, Développement et
Vieillissement en Afrique : Comprendre le vieillissement pour
prévenir les conflits de
générations », du 22 au 25 Février 2005.
* (31) Exemple de peuple
lagunaire : Ebrié, Adioukrou, Attié, M'Batto, Alladian...
* (32) Jacques Attali, au
propre et au figuré, Fayard, 1988.
* (33) OMS, Plan d'action
international sur le vieillissement, Genève, 2002.
* (34) Abram Kardiner,
l'individu dans la société. Essai d'anthropologie
psychanalytique, Gallimard, 1969, p. 184
* (35) Harris
Memel-Fotê, les représentations de la santé et de la
maladie chez les Ivoiriens, OMS, Abidjan,
1996.
* (36) Toussaint Toutou, cours
de gériatrie, UFR des sciences médicales, université
d'Abidjan-Cocody 2002-2003.
* (37) Harris Memel-Fotê,
le système politique de Lodjoukrou, Présence Africaine,
les Nouvelles Editions Africaines, 1980.
* (38) Niangoran Bouah,
introduction à la drummologie, Société d'Imprimerie
Ivoirienne, 1981.
* (39) A ce stade, les femmes
de la génération restent à la maison, mais elles rentrent
dans l'acquisition du pouvoir. En effet, les femmes n'ont pas de droit de
décision. Et seuls les hommes sont consacrés.
* (40) Les ebebu actuellement
au pouvoir, ont payé un droit de sol de 500 F CFA. Dans les temps encore
plus reculés, ce droit était de 5 F.
* (41Les femmes qui
appartiennent à la génération qui sera sacrée sont
présentes sur la place publique.
* (42) Chaque sous-classe a un
leader qu'on appelle le Milow. Il n'est pas forcement le plus
âgé.
* (43) Philippe Laburthe-Tolra.
, Jean Pierre Warnier, ethnologie anthropologie, PUF , Paris 1993,
p.131.
* (44) En France, pendant la
période de canicule, des milliers de personnes âgées
meurent dans l'indifférence. Nations Unies,
Deuxième Assemblée Mondiale sur le vieillissement, Madrid du 8
au 12 avril 2002, New York, 2000.
* (45) André Jacob,
encyclopédie philosophique universelle, les oeuvres
philosophiques, PUF, p2383
* (46) Richard
Lefrançois, les nouvelles frontières de l'âge,
Presse Universitaire de Montréal, Québec,
2004, pp 195-200.
* (46) Pascal Wolber, les
centenaires en Côte d'Ivoire, thèse, faculté de
médecine, Université de Cocody-Abidjan,
1993-1994, pp 55-58.