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LA DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE
DU LOGEMENT SOCIAL À
MONTRÉAL:
Essai d'une analyse des enjeux sociaux de
l'habitat
PAR JACQUES-RENÉ D. KUYENA
DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES
ARTS ET DES SCIENCES
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LA DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE DU
LOGEMENT SOCIAL À MONTRÉAL:
Essai d'une analyse des enjeux sociaux de
l'habitat
PAR JACQUES-RENÉ D. KUYENA
DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES
ARTS ET DES SCIENCES
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UNIVERSITE DE MONTRÉAL
LA DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL A
MONTRÉAL: ESSAI D'UNE ANALYSE DES ENJEUX SOCIAUX DE
L'HABITAT.
PAR JACQUES-RENÉ D. KUYENA DÉPARTEMENT DE
SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES ARTS ET DES SCIENCES
MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA FACULTÉ DES
ÉTUDES SUPÉRIEURES EN VUE DE L'OBTENTION DU GRADE
DE MAÎTRE ES SCIENCES (M.Sc.) EN SCIENCE POLITIQUE
NOVEMBRE 1996
Page d'Identification du jury
Université de Montréal Faculté des
études supérieures
Ce mémoire intitulé:
LA DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL A
MONTRÉAL: Essai d'une analyse des enjeux sociaux de l'habitat.
présenté par: Jacques-René D.
Kuyena a été évalué par un jury composé
des personnes suivantes:
Mémoireacceptele
iv
SOMMAIRE
La présente étude analyse la politique du
logement social. Notre ambition consiste à saisir et à cerner la
problématique du logement social dans la ville de Montréal, plus
particulièrement dans la région du sud-ouest. Cette question du
logement public est devenue cruciale à cause du nombre de
requérants toujours croissant, conjugué à la
paupérisation rampante, par suite du chômage.
Se trouvant dans une situation où l'on ne peut trouver
de logement à loyer modique sur le marché privé, beaucoup
de locataires et leurs symphatisants se sont organisés en associations
de locataires, lesquelles se sont finalement transformées en
comités- logement. Par ce biais, ces locataires souhaitent ainsi
présenter leurs revendications auprès des autorités
publiques. C'est au cours de cette étape que les groupes
d'intérêt se constituent pour agréger ces revendications
afin de les articuler auprès des instances compétentes. Le
processus de l'émergence d'une demande pour une intervention publique
s'établît, puisqu'il faut formuler une politique sociale
afin de répondre aux besoins des citoyens revendicateurs. La mise en
oeuvre de cette politique nous permettra par ailleurs d'en évaluer
l'impact ou les effets.
La perspective théorique qui sous-tend notre travail se
réfère au concept de communauté de politiques (policy
community). Ce concept nous permet d'identifier les réseaux
d'acteurs, ainsi que l'interaction qui s'engage entre eux en vue de produire et
de mettre en oeuvre des politiques publiques. En fait, ces acteurs sont l'Etat
et les groupes d'intérêt.
Quant à nos hypothèses de base, la
première fait référence aux acteurs étatiques qui
ne se laissent pas influencer par les groupes d'intérêt lors de la
formulation de la politique du logement social. La deuxième postule que
les groupes d'intérêt parviennent à influencer les acteurs
étatiques au moment de la mise en oeuvre. Dans la communauté de
la politique du logement social, les acteurs identifiés sont, notamment,
les agences étatiques, et les acteurs non-gouvernementaux La
première catégorie comprend la Société Canadienne
d'habitation et de logement (SCHL), la Société d'habitation du
Québec (SHQ), et l'Office municipal d'habitation de iviontréai La
deuxième catégorie inciut ie Groupe de recherches techniques
(G-F:1T), et ies groupes d'intérêt dont ies
ténors sont ie Front d'action populaire pour ie
réaménagement urbain (FRAPRU):
PC--;ir-iicornité jugement au quartier
Saint Henri, et RIL/Projet Saint Charles.
A travers les tractations qui se déroulent autour des
enjeux sociaux de l'habitat, le FRAPRU mobilise ses membres, y compris
également POPIR et RILJProjet St Charles, et des sympathisants pour la
cause du logement social, afin de faire pression sur les trois paliers
gouvernementaux, soit le fédéral, le provincial, et le
municipal.
En conclusion, la vérification de nos hypothèses
a démontré que les acteurs non- gouvernementaux, plus
particulièrement, les groupes d'intérêt, participent moins
au processus de formulation, mais plus à ta mise en oeuvre de la
politique du logement social. Néanmoins, il appert essentiel de savoir
que les acteurs gouvernementaux jouent un rôle prépondérant
dans ces réseaux d'acteurs, puisqu'ils contrôlent le centre de
décision.
vi
TABLE DES MATIÈRES
4
6
7
9
9
9
9
9
10
10
Sommaire
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des sigles et abréviations
Avant-propos
Introduction
1. Le logement social
2.Élaboration d'une problématique sur la politique
du logement social 3.Un aperçu sur les acteurs formant la
communauté de politique 4.Objectifs de la recherche
5.Organisation du travail
CHAPITRE PREMIER
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET CADRE
METHODOLOGIQUE Introduction
1. Concepts fondamentaux
1.1 Le concept de communauté de politiques (policy
community) 1.1.1 Le sous-gouvernement
1.1.2 Le public attentif
1.2 Les réseaux de politiques
2. La consolidation des concepts suivant rapproche
néo-institutionnelle 12
2.1 Les réseaux pluralistes 15
2.1.1 Les réseaux de pression 15
2.1.2 Les réseaux d'obédience clientéliste
16
2 1 3 Les réseaux parentela 16
2.2 Les réseaux fermés (soit corporatistes ou de
concertation 16
2.3 Les réseaux dirigés par I'Etat (state-directed)
17
3. L'intermédiation des intérêts au sein de
la communauté de politique 17
4. Méthodologie 20
4.1 Hypothèses de travail 20
4.2 Définition et opérationnalisation des
variables 21
4.2.1 La capacité d'initiative du gouvernement 22
4.2.2 L'intermédiation de groupes d'intérêt
22
4.2.3 Les indicateurs 22
4.3 Instruments de collecte des données 24
4.4 Caractéristiques des données et
délimitation de la région sud-ouest de Montréal 25
4.5 Modalité de réalisation de l'entretien 26
4.6 Méthode d'analyse 26
5. Conclusion 27
CHAPITRE DEUXIÈME 29
LE LOGEMENT SOCIAL AU QUÉBEC 29
Introduction
1. Définition, caractéristiques du logement social
au Québec 29
1.1 Définition 29
1.2 Caractéristiques du logement social 30
1.3 Importance du logement social 31
2. Origines du logement social au Québec 33
3. Les acteurs de la communauté de politique du logement
social 35
3 1 Les acteurs étatiques 36
3 1.1 La Société Canadienne d'hypothèques et
de logement 36
3 1.2 La Société d'habitation du Québec
37
3.1 3 L'Office municipal d'habitation de Montréal 41
3 2 Les acteurs non-gouvernementaux 42
3,2,1 Le Groupe de recherches techniques (GR T) 42
3.2.2 Le Front d'action populaire en réaménagement
urbain (FRAPRU)
3.2.3 Les autres groupes communautaires: POPIR, et RIUProjet St
Charles 47
4. L'évolution de la politique du logement soda! au
Québec 48
5. Profil socio-économique du sud-ouest de
Montréal 51
6. Les besoins en logements sociaux 54
7. Conclusion 57
CHAPITRE TROISIÈME 59
ÉCOLOGIE DU PROCESSUS DE PRODUCTION ET DE MISE EN
OEUVRE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL 59
Introduction
1. La logique de démonstration de l'interaction entre
l'Etat et les groupes d'intérêt suivant les hypothèses
émises.
1.1 L'effet du rôle plus proéminent joué par
des acteurs étatiques que les acteurs non-gouvernementaux dans le
réseau dirigé par l'Etat lors de la formulation de la politique
du logement social.
|
59
59
60
|
1.2 L'effet de l'influence des groupes d'intérêt sur
les acteurs étatiques dans le
réseau de concertation, au moment de la mise en oeuvre.
62
2. Ihterprétation et confirmation des hypothèses:
La dynamique de la politique du logement social. 65
3. Stratégie de vérification: L'étude de
cas de la région sud-ouest de Montréal. 72
3. i La capacité d'initiative du gouvernement 73
3.2 L'intermédiation de groupes d'intérêt
73
3 2 1 Les actions collectives des groupes d'intérêt
75
3 2 2 Les tactiques et stratégies du FRAPRU 77
a) Protestations ou manifestations 78
b) Conférence de presse 78
c) Lobbying législatif 79
d) Participation à une élection
3 2 3 Leffectl du FRAPRU
3.2.4 Les sources du financement 80
4 Conclusion 81
CONCLUSION GÉNÉRALE 83
BIBLIOGRAPHIE 87
APPENDICES (ANNEXES) 97
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUE
Shéma I: La Communauté de la politique du logement
social au Québec. 18
Tableau 2.1: Nombre de ménages ayant
bénéficié d'interventions de la SHQ 32
Tableau 2.2: Logements sociaux mis en chantier et achevés
38
Graphique 2.3: Nombre de logements sociaux réalisés
au Québec 50
Tableau 2.4 Tableau comparatif des données
socio-économiques
Tableau 2.5: Tableau comparatif des données
socio-économiques 55
Tableau 2.6: Tableau comparatif des données
socio-économiques 56
5s, Tableau 3.1: Tableau comparatif de nombre d'action
collectives 68
Tableau 3.2: Coût et contributions aux programmes par la
SHQ 74
Cartes des arrondissements municipaux de Montréal et de
l'arrondissement
du sud-ouest 95
Tableaux en annexe: Liste des logements sociaux construits au
sud-ouest de Montréal 98
xi
LISTE DES SIGLES
FRAPRU: Front d'action populaire de réaménagement
urbain
COOP: Coopérative
GRT: Groupe de recherches techniques HLM: Habitations à
loyer modique
LNH: Loi nationale de l'habitation MAM: Ministre des affaires
municipales
OMHM: Office municipal d'habitation de Montréal
OSBL; Organisme sans but lucratif
POPIR: Projet d'organisation populaire d'information et de
regroupement. PQ: Parti Québécois
RIL: Regroupement et information sur le logement
SCHL: Société canadienne d'hypthèque et de
logement
SHQ: Société d'habitation et de logement.
--------
xii
AVANT- PROPOS
Notre étude vise à analyser la dynamique de la
politique du logement social dans la région sud-ouest de
Montréal, en cherchant à mettre en évidence les enjeux
sociaux de l'habitat A cet égard, nous proposerons une grille d'analyse
structurée autour des politiques sociales et, notamment, de la politique
sectorielle, qui régit le logement social.
La littérature scientifique que nous avons
consultée se fonde sur l'écologie du processus de la production
des politiques sectorielles. Cette littérature s'articule autour du
concept de communauté de politiques (policy community), qui
insiste sur le poids des structures politiques telles que les réseaux
d'acteurs, au sein desquelles les agences étatiques et les groupes
d'intérêt interagissent pour produire, ensemble, des politiques
publiques. Nos hypothèses mettent l'accent sur le rôle que joue
cette communauté de politiques dans la gouverne.
Nous tenons à remercier sincèrement et
infiniment, d'abord, notre directeur de recherche, le Professeur Philippe
Faucher, qui a bien voulu nous encadrer avec ses bons conseils. Son soutien
évident et sa rigueur académique nous ont permis de
présenter ce travail qui ne s'est pas fait sans difficultés. Il
nous a, en effet, prouvé toutes les qualités d'un excellent
pédagogue. Nous exprimons également notre gratitude envers les
dirigeants de POPIR, Jacques Forget, Anne-Marie Rohel, Louis Cyr, et
Jean-Pierre Wesley; et, sans oublier Mme Murielle Sauvé de RIUProjet St
Charles, et M. Christian Roberge du Groupe de recherches techniques,
Bâtir son quartier. Nous devons aussi inclure le FRAPRU qui nous a permis
de consulter son centre de documentation et a répondu au
téléphone à quelques unes de nos questions.
Par ailleurs, nous ne pouvons passer sous silence la
documentation reçue de la Société; d'habitation du
Québec (SHQ), à Montréal, grâce à la
sollicitude de Mme Courtemanche, Mme Barbara Mass, et sans oublier l'apport
précieux de Mme Nicole Bouchard. de la direction générale
de la SHQ, à Québec. Nous saurions aussi gré à
l'Office municipal d'habitation de Montréal de leur documentation
Cependant, nous n'avons pas omis de mentionner notre ami et collègue.
Chalmers Larose, pour son assistance dans la correction de ce travail Que
toutes ces personnes et instances trouvent ici notre gratitude
En fin de compte, je tiens à exprimer ma symphatie et
mon amour envers ma chère épouse, Denise Nzuzi Kuyena, et nos
enfants, Aurelie, Patricia, Zaya, et Edi, dont la curiosité
intellectuelle m'a convaincu de l'intérêt de leur expliquer le but
de ce travail. Leur compréhension et patience m'ont encouragé
à aller jusqu'au bout de ce Projet qui marquera l'année
d'étude de Maîtrise en science politique.
Par dessus tout, nous louons Dieu de nous avoir comblés de
sa grâce tout 'ong
présent travail.
Jacques-René D. Kuyena
"FAIRE BOUGER LA PENSÉE POUR QUE LES CHOSES CHANGENT
VRAIMENT'
M. Foucault, 1981.
2
INTRODUCTION
1. Le logement social
Le logement social est un enjeu majeur. Dans
la plupart des pays développés, une politique visant la
construction de logements sociaux est considérée comme
étant un palliatif aux imperfections du marché privé et un
moyen de redistribution du revenu (Rickettes, 1981:501). La Suède, la
France, la Grande-Bretagne, et les Etats-Unis ont mis sur pied des programmes
dont l'objectif est d'assurer l'accès à un logement
décent, et à un prix modique, aux familles à faible revenu
(Headey, 1978). Cependant, la carence de logements sociaux reste toujours un
problème épineux. Selon Louis Wirth (1947), le problème du
logement social relève de la responsabilité publique, du fait que
cette dernière devrait répondre à certaines valeurs
sociales. A cet effet, il ajoute que
"it is around the recognition of certain of these values that
housing movements in various countries, in the Western world, including the
United States. has gained its peculiar character through the emphasis upon
public responsibility, it is due to the fact that, like other social movements
of a reform or revolutionary nature; it has set itself the goal of achieving
certain objectives toward which there either exists a public apathy or against
which there operates the organized resistance of special interest groups."
(Wirth, 1947: 142).
Le Canada n'a pas échappé à cette
situation puisque les fonctionnaires fédéraux qui formulent les
politiques publiques, ont toujours mis le problème de logements sociaux
à leur agenda, même récemment en période de coupures
budgétaires . En ce qui concerne le Québec, une commission
était chargée en 1971 d'étudier ce problème en
profondeur. La Commission Castonguay, mise sur pied par le gouvernement du
Québec (Dennis et Fish, 1972: 2) avait rendu public les résultats
de son enquête, en notifiant ce qui suit:
"Reconnaître l'accès à l'habitation comme
un droit universel implique donc une inter vention directe de l'Etat dans toute
industrie qui.encore aujourd'hui dépend presque- entièrement de
l'entreprise privée De même que l'universalité d
accès à l'éducation et aux soins a exige que l'Etat prenne
la responsabilité de ces secteurs à la place
l'entreprise privée. de môme la reconnaissance de
l'accès à l'habitation comme droit universel implique une
intervention directe similaire dans les services d habitak,n
s'impose.
2. Élaboration d'une problématique sur la
politique du logement social. Pendant la période
d'après-guerre, le stock résidentiel au Canada et au
Québec était géré par le secteur privé.
Suite à l'urbanisation (1946 et 1981), bien des problèmes
économiques et sociaux ont commencé à faire surface,
certains dérivent du délabrement et de l'insalubrité du
stock résidentiel. Le retour des vétérans en 1946, et
l'exode rural avaient compliqué la situation (Miron, 1988: 239-241). De
nombreux obstacles témoignaient de l'ampleur de cette
décrépitude, notamment, les conditions sanitaires, les
problèmes de congestion et de surpopulation, et l'installation de
squatters; à cela, il faudra ajouter la pauvreté des locataires,
et la réticence des propriétaires de logements à effectuer
des travaux de réparation ou de rénovation (Bennett, 1994:
13-16).
Considérant la précarité de la situation,
le gouvernement fédéral et les provinces se sont engagés
en 1946 à intervenir financièrement dans la construction de
logements sociaux. Ce processus se matérialisa par la prise en charge du
dossier par la Société d'habitation du Québec (SHQ) et par
la Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL).
Quant aux municipalités, leur rôle devint aussi très actif
et consista à prendre l'initiative de soumettre des projets de
construction de logements sociaux, suite aux pressions exercées par les
groupes d'intérêts. A Montréal, la gestion des logements
tels que les H.L.M (habitation à loyer modique) incombait à
l'Office municipal d'habitation de Montréal; tandis que la gestion des
autres types de logement social, notamment les coopératives et les OSBL
(organisme sans but lucratif), revint à la SHQ. Suite aux compressions
budgétaires. le gouvernement fédéral alloue depuis 1993 de
moins en moins de fonds pour financer la construction des nouveaux logements
sociaux. sauf les fonds destinés à des réparations. Au
niveau provincial, les montants octroyés sont aussi réduits. Tous
les paliers du gouvernement sont en train de restructurer les programmes
sociaux, compte tenu, bien entendu. du déficit des finances publiques
La politique du logement social s'inscrit dans le cadre des
politiques sociales relevant de l'Etat-providence. Le Canada est parmi les pays
nantis où l'ampleur et l'universalité des régimes de
protection sociale tiennent la tête de proue. Les coupures
budgétaires sont parfois dues à ce qu'il convient d'appeller la
crise de l'Etat-providence. En effet, l'Etatprovidence a fait évoluer
les dépenses publiques à un rythme démesuré bien
qu'il ait contribué, malgré tout, à aplanir certaines
inégalités sociales depuis plusieurs décennies. Selon
Pierre RosanvatIon:
"il s'ensuit que l'Etat-providence est remis en cause, pris au
piège entre la volonté conservatrice de revenir en arrière
des uns et l'incapacité de penser des autres.' (1981.27-28)
La province de Québec, contrairement aux autres, dirige
sa politique de logement social d'une façon distincte, du fait de
l'existence de la Société d'habitation du Québec qui joue
le rôle d'intermédiaire au regard des subventions
fédérales. L'initiative de certains projets d'habitation revient
également aux municipalités qui en assurent aussi le financement.
Nonobstant le fait que le gouvernement fédéral n'accorde plus de
fonds pour la construction de nouveaux logements sociaux, il continue quand
même d'y exercer une mainmise à cause de la hiérarchie des
centres de pouvoir. Le fédéral ne cesse, en effet, de manifester
son influence sur le palier provincial. Cela revient à dire, en d'autres
termes, que la structure fédération-province-municipalité
reste toujours pertinente.
3.Un aperçu des acteurs formant la
communauté de politique
Les acteurs suivants participent à la formulation de la
politique de logement social: il y a d'abord les gouvernements
fédéral, provincial et municipal; ensuite, les
élus. et les groupes
d'intérêt. représentant la population cible, qui font
pression sur tous les paliers de gouvernement et sans oublier le Groupe de
recherche technique (GRT) dont le rôle sera expliqué dans le
deuxième chapitre Le processus de formulation de la politique du
logement concerne tous ces acteurs, qui disposent de lois et de
réglementations, des ressources nécessaires, d'une autonomie
relative par rapport au marché prive: et exercent
une responsabilité. Les familles à faible revenu
s'organisent souvent autour des groupes d'intérêts dont le
leadership revient aux élites ou entrepreneurs politiques, pour plaider
leur cause par le moyen de la mobilisation ou d'actions collectives. Les
groupes de pression veulent protéger les intérêts de leurs
membres, et obtenir des bénéfices via l'intervention de l'Etat. A
ce propos, Bélanger et Lemieux (1996:237) écrivent:
`On entend par groupe de pression un ensemble de personnes
organisées qui tentent d'influencer l'autorité étatique
dans sa prise de décision. Comme pour toute organisation, il s'agit
d'une action concertée,
structurée. et soutenue en vue
de la promotion d'intérêts spécifiques."
Il va de soi que certains membres de groupes, y compris leurs
dirigeants, peuvent obtenir des bénéfices matériels, comme
par exemple des logements sociaux pour eux-mêmes. Comme Oison (1980:
126-127) le note, 'les individus sont informés des coûts et
bénéfices de l'action collective, et motivés par les
bénéfices économiques potentiels."
L'ampleur du travail d'information et de défense
quotidienne des droits des locataires revient aux organismes communautaires et
groupes de pression. Nous abordons dans ce travail la communauté de la
politique du logement social afin d'identifier les acteurs qui la composent, de
comprendre leur rôle respectif, et, de saisir le rôle et les
stratégies des réseaux.
La question principale qui gouverne notre raisonnement est la
suivante: comment les groupes d'intérêts, représentant les
familles cibles ou les bénéficiaires potentiels des logements
sociaux, se sont-ils organisés pour faire pression sur le gouvernement
en vue de procurer des bénéfices matériels à leurs
membres? Une telle préoccupation conduit nécessairement à
une interrogation sur le processus que les gouvernements ont adopte afin de
décider de l'orientation de la politique du logement social. Cela nous
permettra de comprendre comment la production d'une politique et sa mise en
oeuvre s'effectuent, et d'apprécier à cette fin le rôle de
la communauté de politiques
4. Objectifs de la recherche
Notre étude vise à cerner la
problématique du logement social dans la ville de Montréal. Le
logement social, en effet, se définit comme un habitat construit par le
biais du financement gouvernemental en vue de loger les familles à
faible revenu, des personnes âgées, des personnes seules et des
personnes handicapées. Il s'agit d'un:
"phénomène historiquement et
géographiquement bien particulier une classe sociale est, en tant que
telle. privée de la maitrise de son habitat et se trouve logée
par une autre. . La notion de logement social comme les réalités
qu'elle recouvre sont en ce sens liées à l'évolution des
sociétés capitalistes occidentales," (Butler et Noisette, 1983:
6-7)
L'objectif poursuivi par cette étude est d'identifier
les acteurs qui participent au processus de la formulation et de mise en oeuvre
de la politique du logement social à Montréal. Plus
particulièrement, elle pose la question de savoir comment l'action
collective se mobilise pour influencer les interventions gouvernementales dans
le financement de logements sociaux, en considérant la période
allant de 1990 à 1995. Dans le cadre de ce travail, notre raisonnement
adopte une démarche théorique néo-institutionnelle qui
s'articule autour du concept de communauté de politiques (Pross, 1992:
118-130). Ce concept a le potentiel d'éclairer les rapports
institutionnels qui relient les agences gouvernementales à des groupes
d'intérêt dans le cadre de l'émergence d'une politique
publique.
Cette recherche vise à appréhender la dynamique
de la politique du logement social à Montréal, et plus
particulièrement dans la région Sud-Ouest où se trouvent
les quartiers de Saint Henri, Petite Bourgogne, Pointe Saint Charles,
Côte Saint Paul, et Ville Emard. Nous nous pencherons plus
particulièrement sur le rôle que jouent les groupes de pression
tels que FRAPRU, POPIR, et RIL/Projet St Charles, dans la formulation et la
mise en oeuvre de cette politique En politiques sociales. cette initiative
tombe dans le champ de politiques sectorielles. En effet, ces politiques
consistent dans l'offre des services collectifs au:' individus,
indépendamment de la protection à l'égard des risques
collectifs: le logement, l'éducation, et les loisirs Enfin. cette
étude souhaite combler une lacune dans la recherche en matière de
pol itique du logement social au Québec. du tait que nous aborgerom.,
différents thèmes relatifs aux mécanismes
de régulation des enjeux sociaux de l'habitat, au sein de la
communauté de politiques (policy communit y), étant
donné que le pouvoir politique est de nature polymorphe.
5. L'organisation du travail
Cette étude comprend trois chapitres. Le premier
présente la revue de la littérature sur le concept de
communauté de politiques, ainsi que l'orientation théorique
générale. Ce chapitre introduit aussi nos prémisses de
base, ainsi que la partie méthodologique, qui nous permettra de
définir les variables, tout en expliquant nos sources de données,
en plus des procédures d'échantillonage, de collecte des
données, des entrevues effectuées, et de la méthode
d'analyse. Le deuxième chapitre explicite le contexte du logement social
au Québec, avec, respectivement, la définition, les
caractéristiques, l'importance du logement social au Québec, les
origines, et l'identification des acteurs étatiques et non-
gouvernementaux. Un aperçu sera donné du profil
socio-économique des quartiers pauvres de Montréal, et des
besoins en logements sociaux. Quant au troisième chapitre, nous y
élucidons la dynamique de la politique du logement social à
Montréal. Nous aborderons l'écologie du processus de production
de la politique du logement social et sa mise en oeuvre, et ferons une analyse
du rôle des acteurs, puisqu'il faudra démontrer la logique de
l'interaction entre l'Etat et les groupes d'intérêt suivant les
hypothèses formulées. Dans ce même chapitre, nous
vérifierons nos hypothèses au terme d'une analyse qualitative.
L'étude de la région sud-ouest de Montréal demeure au
centre de nos préoccupations. En guise de conclusion, nous formulerons
des propositions qui, d'une part, peuvent favoriser l'efficacité et
l'efficience d'une politique de logement social, et, d'autre part, sont
susceptibles d'inciter d'autres chercheurs à approfondir ce
thème, tout en comblant certaines lacunes que cette étude aurait
mis à jour Les résultats de notre recherche démontreront
si le rôle assumé par les groupes de pression dans la
représentation des intérêts des locataires et
requérants de logements sociaux dans notre
étude de cas, est une action efficace.
CHAPITRE. PREMIER
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET CADRE
METHODOLOGIQUE
Introduction
Un consensus se dégage, selon lequel
"toute politique publique doit être ancrée dans uno théorie
du changement social," Selon Meny et Thoenig (1989: 140-141),
boute politique recouvre une théorie du changement
social: théorie signifie qu'une relation de cause à effet est
contenue dans les dispositions qui régissent et qui fondent l'action
publique considérée. Cette causalité est normative. Elle
se repère à travers les objectifs. les contenus et les
instruments d'action que l'autorité gouvernementale se donne pour
générer, à partir de réalisations. des effets ou
des impacts sur le tissu social.'
La présente étude vise à cerner
l'influence des groupes d'intérêt sur le processus de formulation
et de mise en oeuvre de la politique en matière de logement social. Ce
sont les concepts de communauté de politiques (policy community) et de
réseaux de politiques qui seront utilisés afin de nous permettre
d'établir le cadre théorique.
1 Concepts fondamentaux
1.1 Le concept de communauté de politiques (policy
community)
Le concept de communauté de politiques est
défini par Pross (1992:119) comme étant "une partie du
système politique qui, en vertu de ses responsabilités
fonctionnelles et de ses intérêts particuliers, se donne une voix
dominante dans la détermination des décisions gouvernementales au
regard d'un domaine spécifique de l'activité publique " Au sein
de cette communauté de politiques, on retrouve les agences
gouvernementales, les groupes d'intérêt, les médias. les
experts aussi bien que les sympathisants, qui ont tous intérêt
dans une politique, et essayent de l'influencer. La plupart des
communautés de politiques sont constituées de deux segments
(Pross. 1992: 120): ii y a d'abord le sous-gouvernement, et le ''public
attentif."
1.1.1 Le sous-gouvernement: cette notion fut developpée
ar les premiet
o
critiques du pluralisme aux Etats-Unis (Haven-Smith et Van
Horn, 1984: 627-42). Le sous- gouvernement est composé des bureaucrates
des agences gouvernementales, des groupes d'intérêt
institutionnalisés (Pross, 1993:120-1210). Ces acteurs sont, en effet,
les fabricants de la politique publique, et ont, à leur disposition, les
ressources et les incitatifs pour répondre aux exigences des
tâches relevant du sous-gouvernement. Le travail de ce dernier consiste
à maintenir le dialogue entre les autorités des agences et les
représentants de groupes ou de compagnies, et à les inviter
à commenter les propositions d'une politique. On peut aussi y inclure
les représentants d'autres agences qui sont impliquées dans ce
champ de politique.
1.1.2 Le public attentif inclut d'autres
agences gouvernementales, les institutions privées, les autres groupes
de pression, et des individus tels que les universitaires, les experts, et les
journalistes. Tous ces gens sont affectés ou s'intéressent aux
politiques, et essayent d'influencer les politiques publiques, mais ne
participent pas régulièrement à la formulation des
politiques (Pross, 1992: 121). Ne disposant pas du pouvoir du
sous-gouvernement, qui consiste à formuler une politique publique, le
public attentif joue cependant un rôle important dans l'émergence
d'une politique. La fonction principale du public attentif est de maintenir un
processus perpétuel de révision de la politique publique. Le
schéma se trouvant à la fin de ce chapitre, illustre le
modèle théorique de la communauté de la politique du
logement social où tous les acteurs sont impliqués.
1.2 Les réseaux de politiques
Les réseaux de politique décrivent les relations
institutionnelles s'établissant entre des acteurs publics et des acteurs
privés (Coleman et Skogstad, 1990: 26) Wright (1988 606) ajoute que le
réseau reste le processus reliant les échanges de ressources
entre les acteurs au sein d'une communauté de politique ou entre un
nombre de communautés de politiques
Coleman et Skogstad (1990) ont proposé une typologie
des réseaux: les réseaux pluralistes, les réseaux
fermés, et les réseaux dirigés par l'Etat. Le premier type
de réseaux se forme dans les secteurs où l'autorité
gouvernementale est fragmentée, et les intérêts
organisés se trouvent à un faible niveau de développement
organisationnel (Coleman et Skogstad, 1990: 25; Lemieux, 1995: 50). Quelques
uns de ces réseaux pluralistes peuvent aussi être de pression,
d'autres d'obédience clientéliste étant arrimés aux
agences quand les autorités sont incapables de se distinguer des groupes
d'intérêt. Il y a également des réseaux
arrimés à des partis politiques qu'on appelle, des réseaux
parentela où les groupes d'intérêt gagnent une place
dominante au sein d'un parti politique au gouvernement, du fait que les membres
du parti occupent des positions bureaucratiques importantes (Coleman et
Skogstad, 1995).
Le deuxième type de réseaux est, quant à
lui, fermé, et se réfère aux deux sous-types dont le
corporatisme et la concertation. Dans ces réseaux, la capacité de
la prise de décision par l'Etat est concentrée et
coordonnée à travers une seule agence.
Le troisième type de réseaux, est dirigé
par l'Etat à travers les agences gouvernementales très
intégrées, lesquelles font "face à des groupes
d'intérêt dont le degré de développement
organisationnel serait faible", selon Lemieux (1995: 50). Cela s'explique par
le fait que ces groupes d'intérêt ne jouent ni un rôle
important de plaidoyer, ni celui de participant dans le processus de la
formulation d'une politique publique, étant donné que les
autorités publiques dominent les rouages de l'émergence de cette
dernière tout en imposant leurs solutions. Ces autorités
publiques consultent quelque peu les groupes d'intérêt L'Etat
jouit donc d'une grande capacité pour formuler une politique, coordonner
les agences
étatiques. et agir
indépendamment des groupes d'intérêt. En étayant
notre raisonnement, Lindquist (1992: 139) affirme que
"the governement controls a batiery Of powerfut policy
instruments and is in a strong position coercf.? oub.-;1(le Interesis is flot
that consilitation wiil nbt occur in thi'
YHvilc)t.r.s. but rninisters arid ortICIaiS
i,r1(.)%dv outsulr3 grour cannot coo..;Irtictivolv
orai t,?n,,1
(:()',`-;'i a 't),3 ·H fc)r M04? iirrlite(1
information which might fit into the langer puzzle."
En vue de saisir les paramètres expliquant les concepts
de communautés et de réseaux de politiques, il serait souhaitable
d'appréhender la dynamique du processus de formulation d'une politique
publique. Premièrement, les communautés de politiques sont des
institutions en elles-mêmes, et s'intégrent graduellement en
développant un ensemble de valeurs partagées, de normes, et de
croyances, lesquels modèlent les réseaux de politiques qui
émergent. (Coleman et Skogstad, 1990: 29) Deuxièmement, l
pourrait y avoir différents types de réseaux dans une même
communauté de politiques. Cela s'explique par le fait que plusieurs
types de réseaux peuvent émerger du fait que des problèmes
différents affecteront les intérêts des membres de la
communauté de politiques. Ce qui pourrait, en retour, modeler la
constellation des acteurs impliqués dans la résolution du
problème (Coleman et Skogstad, 1990: 30). Troisièmement, la
typologie de ces réseaux ne repose pas sur des critères bien
définis, d'autant plus que
"les variations de ces critères définiraient de
façon systématique, les différents types de ré-
seaux concernant les politiques publiques". (Lemieux, 1995:
50)
D'où, il s'avère que certains réseaux de
politiques sont susceptibles de changer au fil du temps (Coleman et Skogstad,
1990: 30).
2. La consolidation des concepts suivant l'approche
néo-Institutionnelle
Plusieurs auteurs, tels que March and Olsen (1986),
conçoivent les institutions comme un processus de structuration de la
réalité politique. L'approche néo-institutionnelle met
l'accent sur les préférences et les valeurs des acteurs
impliqués dans les communautés qui formulent les politiques
(Coleman et Skogstad, 1990). Ils argumentent que l'Etat est une institution
relativement autonome par rapport à la société. L'Etat
encourage la présence des agences gouvernementales à travers
lesquelles il manifeste cette autonomie relative par rapport aux alliances qui
les relient à des groupes d'intérêt dans l'environnement
externe Le néo-institutionnalisme s'intéresse aux deux
catégories d'acteurs, c'est-à-dire aux agences gouvernementales
et aux groupes d intérêt, mais surtout aux relations que
acteurs maintiennent entre eux (Lemieux, 1995).
Il s'avère que l'approche néo-institutionnelle
nous permet d'analyser, d'une part, la structure et la dynamique de la
communauté de la politique du logement social, et, d'autre part,
d'identifier les acteurs qui y sont associés. Toutefois, Atkinson et
Coleman (1989) argumentent que nous ne devons pas généraliser les
paramètres au sujet de l'organisation du gouvernement et des
intérêts de groupes sociaux, dans tous les secteurs où les
politiques publiques sont appliquées. Les mêmes auteurs pensent
aussi qu'il va de soi qu'on identifie les configurations des acteurs qui
interagissent de façon concurrentielle et coopérative au sein des
divers réseaux. C'est l'organisation des acteurs du sous- gouvernement
qui prime, au détriment de celle du public attentif. Le schéma
ci-dessous illustre une taxinomie de configurations des réseaux de
politiques.
Organisation gouvernementale
Faible Pluralisme de Pression
|
|
Forte
|
Dirigisme d'Etat
|
|
Faible Organisation
des intérêts Pluralisme
Corporatisme
Forte clientéliste Concertation
Pluralisme parentela
Source Basé sur le modèle de Evert A. Lindquist
(1992), "Public managers and policy communities: learning to meet new
challenges," in Canadian Public Administration,vol 35.2, p 125.
Ce schéma nous sert à saisir la portée de
l'organisation gouvernementale aussi bien que l'organisation de groupes
d'intérêt selon que l'autonomie de chaque partie est soit forte ou
faible dépendamment du réseau dans lequel elle se trouve. Notre
étude tient, de ce fait, à montrer comment la formulation et la
mise en oeuvre de la politique du logement social s'opèrent dans ces
réseaux où les relations institutionnelles s'établissent
entre les agences gouvernementales et les groupes d'intérêt.
D'après le schéma que nous venons d'observer,
les réseaux se différencient les uns des autres selon le niveau
d'autonomie que possèdent les agences gouvernementales, ainsi que les
groupes d'intérêt. En nous référant aux deux
dimensions de base de réseaux de politiques telles que l'autonomie et la
concentration du pouvoir (Lindquist, 1992), il apparaît évident
que ces différentes configurations de réseaux montrent
l'organisation des intérêts de la société, d'une
part, et, l'organisation des acteurs étatiques, d'autre part. Ainsi,
l'autonomie que détient chaque organisation pourrait être soit
faible ou forte au sein de ces réseaux de politiques. Les réseaux
pluralistes sont ceux où il y a un grand nombre d'acteurs, mais
l'autonomie des acteurs étatiques est faible; tandis que l'autonomie de
ces mêmes acteurs est forte dans le réseau dirigé par
l'Etat. Quant aux acteurs non- gouvernementaux, leur position relationnelle est
forte dans le réseau corporatiste aussi bien qu'au sein de celui de
concertation. Cette autonomie apparaît aussi forte dans les
réseaux pluralistes de type clientéliste et de type parentela,
mais faible dans le réseau pluraliste de pression.
A titre indicatif, signalons que d'autres auteurs, tels que
Howlett et Ramesh (1995:130 -131), ont identifié huit types de
réseaux: le réseau bureaucratique. le réseau
étatique de participation, le réseau pluraliste, le réseau
clientéliste, le réseau capturé. le réseau
triadique. le réseau
corporatiste. et le réseau
relié à une question particulière Toutefois. notre
étude se limitera aux cinq réseaux dont nous avons
précédemment parlé Du
reste. la notion de reseaux de politiques
t presque devenue le paradigme dominant pour
appréhender les relations existant entre l'Etat et les
groupes d'intérêt ( Marsh et Rhodes, 1992).
Par rapport à notre étude, deux types des
réseaux sont utiles afin de formuler nos hypothèses.
il s'agit, d'abord, du réseau dirigé par l'Etat, au niveau de la
formulation de la politique du logement social; ensuite, c'est le réseau
fermé, soit de concertation, qui s'établit au niveau de la mise
en oeuvre de cette politique. Nous expliquerons empiriquement, dans le
troisième chapitre comment ces concepts se rapportent à notre
étude sur la base de nos hypothèses.
2.1 Les réseaux pluralistes
Ces réseaux se distinguent en réseaux de pression,
de type clientéliste, et de type parentela. Nous les décortiquons
dans les lignes qui suivent.
2.1.1 Les réseaux de pression
Au sein de ces types de réseaux, il existe une
concurrence non seulement parmi les intérêts sociétaux,
mais, aussi, dans le milieu des acteurs étatiques. En principe, on
arrive difficilement à formuler et mettre en oeuvre une politique
publique dans ces réseaux, du fait que les membres de la
communauté de politiques modulent seulement la formulation d'une
politique publique (Lindquist, 1992: 135). Lesdits réseaux sont
caractérisés par ce qu'Atkinson et Coleman (1989) appellent, les
systèmes d'associations faibles pour les groupes d'intérêt.
Au niveau de leur relation avec l'Etat, ces derniers l'approchent, chacun
à sa manière, afin de s'approprier du rôle de
défenseur de la politique publique, alors que les agences
gouvernementales restent autonomes. Comme l'indique de nouveau Lindquist (1992
136). le Canada présente à ce titre une réalité
fédérale où plusieurs associations et groupes
d'intérêt sont souvent organisés au niveau provincial et
fédéral. D'où, les initiatives en faveur d'une politique
publique émergent lorsque les firmes privées et les organisations
sociétales forment des alliances fugaces avec les acteurs
gouvernementaux
2.1.2 Les réseaux d'obédience
clientéliste
Ces réseaux sont arrimés aux agences comme nous
l'avons expliqué préalablement, parce que les autorités
publiques sont incapables de se différencier des groupes
d'intérêt. En effet, ces derniers sont bien organisés, et
se trouvent dans une position forte afin d'exercer une pression sur les acteurs
étatiques qui peuvent, malheureusement, dépendre de ces groupes
d'intérêt pour s'informer. et obtenir l'expertise sur plusieurs
aspects d'une question importante. En échange, les acteurs
étatiques pourraient alors offrir aux groupes d'intérêt,
l'opportunité de participer au processus de la formulation d'une
politique. Selon une étude réalisée par Atkinson et
Coleman( 1985, 1989), le pluralisme clientéliste semble s'être
développé au Canada dans le secteur pharmaceutique, aussi bien
que celui des services financiers (Coleman, 1988), et du service de
santé (Boase, 1982). Quand les fonctionnaires supérieurs se
retrouvent dans un réseau clientéliste, cela implique leur
flexibilité pour acquérir l'information et l'expertise dont ils
ont besoin comme nous l'avons signalé plus haut.
2.1.3 Les réseaux parentela
Ces réseaux sont arrimés à des partis
politiques, et ses membres font tout pour s'approprier une position
bureaucratique importante. La croissance du pluralisme bureaucratique,
conjuguée avec le déclin des partis politiques, aussi bien que de
la réduction de réglementations par la législature au
Canada, diminuent la probabilité de l'émergence de ce genre de
réseaux au niveau national (Coleman et Skogstad, 1990).
2.2 Les réseaux fermés (soit
corporatistes ou de concertation)
Dans ces réseaux, il existe une concentration et une
coordination de la capacité étatique de prise de décision
au sein d'une seule agence. Les groupes d'intérêt organisés
y jouent alors un rôle prépondérant qui pourrait se
répercuter sur des systèmes d'association bien
développés. lesquels cautionnent une relation virtuelle de
monopole avec l'agence dominante Coleman et Skogstad (1990 ibici) ont
identifié deux types différents de réseaux
fermés s'agit des réseaux corporatistes et ceux de
concertation. Dans les réseaux
corporatistes, le pouvoir d'un système associatif est
équilibré par un autre ensemble puissant
d'intérêts sociétaux tels que des syndicats et des groupes
d'affaires. Ensuite, les
seaux de concertation quant à eux se
référent à un scénario où une seule
association représente un secteur, et participe avec une agence
étatique correspondante à la formulation et la mise en oeuvre
d'une politique,
2.3 Les réseaux dirigés par l'Etat
(state-directed)
Dans ce genre de réseaux, l'Etat, à travers ses
agences autonomes, est bien organisé comparativement aux
intérêts sociétaux. En effet, l'Etat détient une
capacité considérable de formuler une politique, de coordonner
ses bureaux, et d'agir indépendamment des intérêts
externes. C'est quelque peu le contraire du réseau du pluralisme
clientéliste. Les groupes d'intérêt ne jouent ni le
rôle de défenseur, ni de participant dans le processus d'une
politique. Par ailleurs, le défi des fonctionnaires supérieurs
dans les réseaux dirigés par l'Etat est de coordonner l'expertise
souvent éparpillée à travers le gouvernement et le reste
du réseau de politiques. En vue de planifier l'initiative d'une
politique, il faudra mettre sur pied une capacité organisationnelle
suffisante afin de mobiliser l'expertise et l'information (Lindquist, 1992:
139-140).
3. L'intermédiation des intérêts au
sein de la communauté de politiques
Dans le contexte de cette étude,
l'intermédiation des intérêts est la transmission des
demandes entre les agences étatiques et les groupes
d'intérêt. Les agences étatiques détendent les
intérêts de l'Etat, tandis que les groupes d'intérêt
articulent les intérêts de la population Selon le rôle que
jouent les acteurs dans la communauté de politiques. le
développement organisationnel des intérêts de groupes de
pression se distingue dans le processus de production de la politique du
logement social Nous évoquerons, d'abord, les deux concepts qui
expliquent les rôles que jouent les acteurs non-étatiques dans la
production de la politique du logement social II s agit en effet de la
recommandation de
SCHEMA La Communauté de iapoiitique du
logement social au Québec
Ittt5TE`\-£
;EbERÇL t_()G-E>NEriT
Nota bene: ce schéma est notre version de la
communauté de la politique du logement social; nous l'avons
calqué à partir de l'exemple donné par A.Paul Pross,
Group Politics and Public Policy (2éme édition) Toronto
OxfordUniversity Press. 1992, p 123
politique (policy advocacy) et de la participation à la
politique (policy participation).
Le groupe principal de pression est le FRAPRU, et se trouve
dans le segment du sous- gouvernement aussi bien que du public attentif,
étant donné qu'il approche l'Etat (la SCHt_ et la SHO) en tant
que lobhyiste En dehors du cercle de prise de décision, le FRAPRU essaye
d'influencer la nature et le contenu de la politique du logement social. Son
rôle de faire la recommandation de la politique du logement dépend
de sa capacité de pouvoir acquérir la connaissance du processus
de production de la politique en question; de mobiliser l'appui populaire
autour des propositions de politiques à adopter; et de maintenir la
cohésion interne des membres (Coleman et Skogstad, 1990: 20-22). Quant
au rôle de faire la participation à la politique, cela exige du
FRAPRU de développer ses capacités de négociateur, de
formaliser ses structures internes, et de cultiver une identité
distincte comme étant une véritable organisation (Coleman et
Skogstad, ibid). Le développement de cette dernière implique au
FRAPRU et aux autres groupes de pression de diriger et coordonner une gamme
importante d'information et d'activités complexes afin de se positionner
sur des questions relevant de la politique du logement social. Coleman (1985)
suggère aussi que les groupes de pression, en tant qu'organisations,
devraient rester autonomes vis-à-vis de leurs membres afin de
transcender leurs intérêts à court terme.
Par ailleurs, les acteurs étatiques tels que la
Société canadienne d'hypothèque, et la
Société d'habitation du Québec, jouissent d'une certaine
autonomie par rapport aux acteurs non-étatiques lors de la formulation
des directives de la politique à adopter. En fait l'Etat, qu'il soit au
niveau fédéral ou provincial fixe ses propres objectifs et essaye
de trouver les voies et moyens pour répondre aux demandes provenant de
la société (Atkinson et Coleman. 1989) En ce qui concerne les
rapports institutionnels reliant les acteurs étatiques à des
groupes de pression dans la communauté de politique du logement social
il ya des réseaux qui s'établissent entre eux Nous
privilégions, dans notre analyse deux r é Se a ;ix notamment
CAIUI dirige pa! I Etat avec des agences gouvernementales
très,
intégrées, et celui de concertation, lequel est
fermé. Comme nous l'avons expliqué précédemment, le
réseau dirigé par l'Etat est bien organisé par rapport
à des groupes d'intérêt dont le degré de
développement serait faible. Nous avons privilégié ce
réseau dirigé par l'Etat parce qu'au niveau de la formulation de
la politique du logement social, les agences gouvernementales
détiennent une autonomie et une capacité considérable de
pouvoir projeter et coordonner une politique sans pour autant que les acteurs
privés y participent. Tandis qu'au niveau de la mise en oeuvre de la
politique du logement social, c'est le réseau de concertation qui a la
préséance du fait que le FRAPRU, étant le
représentant dans ce secteur, y participe avec les
agences gouvernementales concernées.
Les sections que nous venons de couvrir sur la consolidation
des concepts de communautés de politiques, et sur
l'intermédiation des intérêts par les acteurs
concernés, nous permettent d'orienter cette étude suivant
l'approche néo-institutionnelle dans les chapitres empiriques. Nous nous
préoccupons surtout des relations institutionnelles qui
s'établissent entre les agences gouvernementales du système
politique et les groupes d'intérêts dans l'environnement
externe.
4. Méthodologie
Cette étude est de nature qualitative. Pour ce faire,
les techniques de recherche que nous avons adoptées consistent dans
l'analyse documentaire, et du contenu (Krippendorff, 1980), ainsi que dans les
entrevues auprès des responsables des groupes d'intérêts
faisant l'objet de cette étude.
4.1 Hypothèses de travail
Les hypothèses que nous avons formulées
préciseront une relation anticipée et plausible entre les
pressions des protagonistes du logement social et la capacité
supposée du gouvernement de soutenir la formulation d une politique
du logement social Elles
s'articulent de la manière suivante:
a) Hypothèse I:
Les acteurs étatiques ne se laissent pas
Influencer par les groupes d'intérêt lors de la formulation de la
politique du logement social.
b) Hypothèse I
Les groupes d'intérêt parviennent à
Influencer les acteurs étatiques au moment de la mise en
oeuvre.
Nos postulats ont été formulés sur la
base des résultats des études antérieures concernant
l'influence des groupes d'intérêt sur la production d'une
politique publique par le gouvernement (Landry et Duchesmeau, 1987). L'action
collective des groupes d'intérêt permet aux
bénéficiaires et requérants des logements sociaux de
plaider et défendre leur cause. Selon Dennis et Fish (1972: 203),
"In insul the necessarv confidence. group action is required.
In the hast threc or four vears. a large 'nimber of tenants' associations have
becn organized Io do for public housing tenants what unions did for lalmr long
ago: to Ove tndividuals who would not act alcane the power, through collective
action, to seek neccssarly reforrns.
Le gouvernement fédéral a avalisé cette
proposition en affirmant qu'il faut accorder aux bénéficiaires
des logements sociaux une part de responsabilité dans l'administration
de ces projets d'habitat (Dennis et Fish, 1972). Car cela relève tout
simplement d'une question de justice sociale. Le mémorandum de la
Société canadienne d'hypothèque et d'habitation du 8 mai
1970 stipule que le gouvernement fédéral est
préparé à accorder des subventions, suivant l'article 5 de
la loi nationale d'habitation, en vue d'encourager la formation et le
fonctionnement effectif des associations des locataires de logements sociaux.
L'action collective directe des groupes de pression permet leur participation
à la définition des orientations et des moyens consacrés
au soutien du logement social, puisque cette prérogative est
assurée et garantie par le gouvernement fédéral.
4.2 Définition et opérationnalisation des
variables
Sur hase de nos hypothèses: nous allons définir et
opéiationnaliser les variables que nous
avons choisies afin d'élucider comment
l'intermédiation de groupes d'intérêt peut influer sur la
capacité du gouvernement. La formation des groupes
d'intérêt est la première étape dans le processus de
l'influence sur l'intervention gouvernementale. Ensuite, ces groupes
déploient des efforts de lobbying afin que le gouvernement décide
des dépenses allouées à la construction des logements
sociaux.
4.2.1 La capacité d'Initiative du
gouvernement
Cette variable dépendante représente l'effort
gouvernemental dans l'allocation des montants de dépenses au financement
de logements sociaux. Pour expliquer les variations durant les années,
il faudra tenir compte de plusieurs déterminants des
dépenses publiques, dans chaque secteur, où il y a l'intervention
de l'Etat (Bernier, 1994). Toutefois, c'est au niveau des indicateurs que nous
pouvons appréhender l'importance de notre variable dépendante, du
fait que nous délimitons notre étude au secteur du logement
social dans une sous-région de Montréal,
4.2.2 L'intermédiation de groupes
d'intérêt
Nous devons souligner le rôle prépondérant
que jouent les groupes d'intérêt dans la mobilisation des
personnes en vue de revendiquer les droits de la population à soit un
logement social ou à un autre bien public. Les groupes
d'intérêt s'engagent ainsi à sensibiliser les personnes
concernées pour ensuite organiser des actions collectives dans le but de
faire pression sur le gouvernement. Ces groupes jouent, de ce fait, le
rôle d'intermédiaire entre l'Etat et la population.
4.2.3 Les indicateurs
Nous devons pertinemment savoir que plusieurs écueils
apparaissent quand nous essayons d'expliquer la teneur de nos concepts. Selon
André Biais (1990.158-159). "traduire une
réalité sous forme d'indicateurs. présente des
difficultés dont il faut être conscient Les indicateurs que nous
avons retenus pour chacune de nos deux variables sont les suivants
La capacité du gouvernement se mesure par
'accroissement ou la diminution des dépenses publiques
allouées au financement de logements sociaux Certains auteuis
(Crête, Imbeau, et Lachapelle, 1994) qui ont fait des
études de nature quantitative sur l'évolution des dépenses
publiques, suggèrent que les dépenses sociales soient
mesurées en dépenses per capita et en dollars constants. Mais,
quant à nous, cette étude ne considère que
l'évolution des dépenses sociales consacrées au secteur du
logement social. puisque c'est cette politique dont il est question.
Afin de mesurer l'intermédiation de groupes
d'intérêt, nous reprenons certains indicateurs utilisés par
Thomas L Gais et Jack L. Walker (1991: 103) dans une étude portant sur
l'influence des groupes d'intérêt dans la politique
américaine. Il s'agit notamment, du nombre des actions collectives
organisées parti les groupes d'intérêt, des
tactiques utilisées par les groupes d'intérêt, de
l'effectif de groupes d'intérêt; et des sources de financement
de ces groupes. Nous décortiquons chaque indicateur par ordre de
préférence afin de les expliciter.
Le premier dénombre les actions collectives
organisées par les groupes d'intérêt par rapport à
la politique du logement social.
Le deuxième concerne les ressources organisationnelles
dont disposent les groupes d'intérêt pour faire pression sur le
gouvernement. Ce sont en effet des tactiques que lesdits groupes utilisent en
vue d'atteindre leur but.
Le troisième indicateur cherche à voir l'effectif
de membres dans les groupes d'intérêt sous étude, puisqu'il
traduit l'efficacité de la mobilisation effectuée par ces
groupes
L.e quatrième indicateur concerne les sources de
financement de ces groupes d'intérêt. H est important de savoir
que les groupes ayant de grands moyens financiers peuvent être viables.
d'autant plus qu'ils sont capables d'organiser plusieurs actions collectives
Cette série d'indicateurs nous permettent de saisir la
portée des enjeux sociaux qui joui
travers l'intermédiation de groupes
d'intérêt au sein de la communauté de politique du logement
social. En schématisant notre explication précédente, nous
arrivons à présenter ce qui suit:
Variable indépendante: Variable
dépendante:
Intermédiation de groupes d'intérêt --
--Capacité d'initiative du gouvernement
Indicateurs: Indicateur:
1) Nombre des actions collectives organisées par 1)
Dépenses sociales allouées
les groupes d'intérêt; par I'Etat au secteur du
loge-
2) Tactiques utilisées par les groupes
d'intérêt; ment social pour une année.
3) Effectif de groupes d'intérêt;
4) Sources de financement des groupes d'intérêt.
4.3 Instruments de collecte des
données
Nous avons opté pour une recherche exploratoire,
basée sur l'analyse documentaire, afin de pouvoir rendre compte de la
réalité que nous avons observée. Selon différents
auteurs(Deslauriers,1985; Singleton, Straits et Straits, 1993), la
résurgence de la méthodologie qualitative est associée au
contexte social et aux mutations qui ont marqué les
sociétés occidentales: échec colossal des grands projets
de planification et de développement social qui sont conduits par la
modernisation de la société; musellement des initiatives
populaires, crise de l'Etat-providence, et doutes devant l'assujettissement des
sciences sociales aux sciences naturelles (Deslauriers, 1985). C'est donc dans
ce contexte méthodologique que nous aborderons ce travail.
Nous avons privilégié la méthode des
incidences critiques, qui a été développé par J C
Fanagan(1954) A ce propos. ce dernier avance que
Cliti ·al 1114. ·(icnt tisch n ir c()nsIst4 Ut a
set of procNi t(n- Irct
oi»«Tvat Ions ut int man brhavior In such rl wav as
ro ta ·tlitate 'hoir potonuat u~rfuhlc'SS In solvtrig, pra tical
prebleinf,, a mi devcloping broad )4y( ·h,r)1()eica 1 tain
R:2;;
Cette méthode consiste en fait à poser aux gens
que l'on interview, une question tout à fait large, afin
d'interpréter leurs propos. Lorsque nous interviewons un intervenant
d'un groupe d'intérêt, nous espérons obtenir beaucoup de
détails. Chaque intervenant nous raconte les problèmes auxquels
son groupe fait face dans l'intervention en faveur des familles à faible
revenu en quête du logement social.
Le deuxième instrument de cueillette des données
n'est que la conversation dirigée avec les dirigeants des groupes
d'intérêt concernés. Et, cela s'est fait à l'aide
d'une série de questions qui nous servent de guide d'entrevue. Le but de
cette méthode vise à permettre une consistance dans la suite des
questions posées. A cet effet, Gochros (1988: 274)
avance que "considerable latitude is gis-en to interviewers to
explore ln their own way matters pertainIng to the research question being
studled."
4.4 Caractéristiques des données et
délimitation de la région sous étude
Nous avons contacté deux groupes
d'intérêt, à savoir POPIR/Comité Logement et Projet
St Charles/Comité Logement, afin d'obtenir des informations relatives
à l'habitation sociale. Il existe aussi d'autres groupes, mais ils ne
sont pas directement impliqués dans le domaine de logement social. Par
ailleurs, nous avons également fait des démarches auprès
du FRAPRU, mais nous nous sommes buté à un refus de leur part de
rencontrer les dirigeants. Toutefois, ils nous ont permis de consulter leur
centre de documentation. Cette situation ne nous a pas cependant
empêché de conduire convenablement notre recherche, étant
donné que FRAPRU n'est qu'un organisme qui regroupe tous les autres
groupes de pression provenant des quartiers et régions différents
du Québec.
Comme nous l'avons précisé au début. le
territoire sous étude se limite à la ville de Montréal,
mais plus précisément à la région Sud-Ouest Cette
dernière comprend les quartiers de Saint Henri, Petite Bourgogne. Pointe
Saint Charles, Côte Saint Paul, et Ville Fmard II va de soi que nous
avons délimité notre analyse autour de cette région du
fait de
sa caractéristique de laboratoire
socio-économique. En plus, le phénomène de
paupérisation continue visiblement à étendre ses
répercusSions sociales. 'Au niveau chronologique, nous
considérons la période allant de 1990 à 1995. En effet,
plusieurs événements sont survenus au cours de ces années,
notamment la construction de bien des logements sociaux.
4.5 Modalité de réalisation de
l'entretien
Suivant la nature qualitative de notre recherche, nous avons
simplement choisi d'interroger les leaders ou dirigeants des groupes de
pression, du fait qu'ils sont les plus impliqués dans la cause commune,
vouée à une bonne politique du logement social. En outre, de part
leur degré de réflexion, ils peuvent expliquer comment se passe
l'action collective dans le domaine du logement social. Pour ce faire, trois
dirigeants ou collaborateurs ont été choisis au
POPIR/Comité Logement dans le quartier Saint Henri, et deux autres
dirigeants au Comité Logement du quartier Pointe Saint Charles. Nous les
avons interrogés sur diverses questions relatives au dossier
épineux du logement social. A l'aide d'un questionnaire bien
préparé (voir Annexe 2), lesdits dirigeants ont pu y
répondre en soulignant le fait que le but principal de leurs groupes de
pression est de représenter des intérêts, mais aussi, et
souvent, d'obtenir des prestations matérielles pour leurs membres, ainsi
que les requérants des logements sociaux.
4.6 Méthode d'analyse
Étant une étude qualitative, nous adopterons une
stratégie de type non-expérimental, puisque nous ne pouvons pas
manipuler les conditions qui seront déduites de nos hypothèses,
et. surtout, nous n'avons aucun contrôle sur la variable
indépendante (Crête et imbeau, 1994. 101) Toutefois,
cette stratégie nous permettra de vérifier empiriquement les
implications déduites de nos deux hypothèses, à travers
une étude de cas. Cette dernière s'intéresse aussi au
passé, et à l'histoire de la politique du logement social.
L'étude de cas de la région sud ouest de Montréal nous
permettra à cet effet. de colliger un grand nombre
d'informations.
Au niveau temporel, nous avons choisi la période allant
de 1990 à 1995. Le critère de confirmation des hypothèses
sera l'absence de relation fallacieuse, d'autant plus que nous éviterons
de confirmer fermement la présence d'une relation de causalité
entre nos deux variables. Selon Crête et Imbeau (1994: 109), "la
présence de covariation et d'asymétrie temporelle ne suffit pas
pour démontrer la causalité, car, en effet, il faut, en plus,
s'assurer qu'il n'y a pas un troisième facteur qui est lié aux
deux autres facteurs, et qui explique la covariation," D'où, il faudra
préciser qu'il existe quatre critères de confirmation d'une
hypothèse: la covariation ou la corrélation, l'asymétrie
temporelle, l'absence de relation fallacieuse, et le mécanisme reliant
la cause et l'effet (Crête et Imbeau, 1994: 106-113).
5. Conclusion
Nous venons de présenter notre cadre théorique
au cours de ce premier chapitre. Il s'articule autour des concepts de
communautés et de réseaux de politiques, En effet, on se rappelle
que la communauté de politiques est constituée de deux segments
tels que le sous-gouvernement et le public attentif. Le premier est
composé des bureaucrates des agences gouvernementales, des groupes
d'intérêt institutionnalisés, qui sont des fabricants d'une
politique publique. Le deuxième inclut d'autres agences
gouvernementales, les autres groupes de pression, les universitaires, les
experts, et les journalistes. Par ailleurs, il faut signaler qu'il existe
plusieurs réseaux de politiques au sein de la communauté de
politiques dont les réseaux pluralistes, les réseaux
fermés, et les réseaux dirigés par l'Etat. Ces
réseaux décrivent les relations institutionnelles qui
s'établissent entre les acteurs publics et des acteurs privés Au
regard de notre étude, nous avons constaté qu'il y a plusieurs
types de réseaux à considérer ou d'autres
possibilités, mais nous en avons retenus deux Il s'agit. en effet, du
réseau de concertation et celui dirigé par l'Etat. du fait que
l'organisation des intérêts et celle du gouvernement jouissent
d'une même position forte dans dans le réseau fermé de
concertation; tandis que dans le réseau dirigé par l'Ftat,
la position de ce dernier est plus forte que celle de
l'organisation des intérêts. Ces concepts nous ont permis
d'édifier le cadre méthodologique afin de formuler les
hypothèses, et d'opérationnaliser les variables dépendante
et indépendante. La première hypothèse énonce le
fait que l'organisation gouvernementale joue un rôle plus
proéminent que l'organisation des intérêts lors de la
formulation de la politique du logement social, au sein du réseau
dirigé par l'Etat. La deuxième hypothèse affirme la
même position forte dont jouissent les groupes d'intérêts
parce qu'ils parviennent à influencer les acteurs étatiques lors
de la mise en oeuvre de la politique du logement social, au sein du
réseau de concertation. Ces deux hypothèses seront
vérifiées afin de voir leur pertinence en regard de la
réalité empirique dans le troisième chapitre.
Cependant, nous avons préféré inclure un
deuxième chapitre où nous faisons l'historique du logement social
au Québec, ainsi que le profil détaillé des acteurs
étant impliqués dans la formulation et la mise en oeuvre de la
politique du logement social. Comme nous l'avons évoqué
préalablement, c'est au troisième chapitre que nous entamerons,
enfin, l'exercice de mise en relation logique de nos variables afin de
vérifier le degré de correspondance entre nos concepts et la
situation empirique dans la région sud-ouest de Montréal,
laquelle est notre étude de cas. En fait, cette dernière
s'intéresse au passé, à l'histoire de la question sous
étude.
CHAPITRE DEUXIÈME
LE LOGEMENT SOCIAL AU QUÉBEC
Introduction
Le premier chapitre nous a servi de base pour mettre en relief
le cadre conceptuel de notre étude. II est essentiel d'expliquer toutes
les dimensions de la politique québécoise du
logement social. Nous définirons le logement social dans un contexte
québécois, en faisant ressortir ses caractéristiques ainsi
que les problèmes qui lui sont propres. Puis, nous évoquerons les
origines du logement social au Québec, et plus particulièrement
à Montréal, dans sa région sud-ouest, laquelle constitue
notre étude de cas. Nous parlerons des acteurs qui sont
impliqués dans ta communauté de la politique du logement
social, et expliquerons leur rôle respectif. Enfin, nous
présenterons l'évolution de la politique du logement social,
aussi bien que le profil socio-économique de ces
quartiers du Sud-Ouest de Montréal, et sans pour autant
oublier de faire référence aux besoins locaux en logements
sociaux. Ce chapitre maintient un aspect descriptif.
1. Définition, Caractéristiques, et
Importance du logement social au Québec 1.1.
Définition
Le logement social au Québec comprend
plusieurs types d'habitations tels que les Habitations à loyer modique
(HLM), les coopératives d'habitation (Coop), et les organismes sans but
lucratif (OSBL). Leur classement correspond au type de subvention qu'ils
reçoivent des gouvernements fédéral, provincial, et
municipal Ces logements sont destinés à des ménages
à faibles revenus et éprouvant des difficultés à
trouver un logement à un prix abordable (un loyer de 25 à 30 du
revenu mensuel) sur le marché privé. Les personnes à
faible revenu considèrent l'existence de ce type d'habitat comme un
droit légitime, et ces individus s'organisent pour faire pression sur le
gouvernement afin qu'il y ait une intervention étatique Cette action
collective s'explique par le fait que le logement social est devenu un enjeu
primordial pour les personnes concernées qui cherchent d'une part,
à
satisfaire leur besoin personnel en matière
d'accès à un espace privé, et d'autre part, à
sauvegarder leur chance d'intégration et de socialisation collective.
Louis Wirth (1947: 137-143), argumente ce qui suit:
"Upon further reflection, however, the sociologieal studv of
housing would frira out to have a fairly delimitable seoir or at least,
distinctive There are film', clearlv significatif sociological aspects of
housing I propose to discuss brieflv:1) houssing as a social value, 2)liousing
In relation to the community, 3)housing social
Quant à nous, c'est ce dernier aspect, soit l'habitat et
la politique sociale, qui nous intéresse et qui fait l'objet de la
présente étude.
1.2 Caractéristiques du logement
social
Le logement social a ses traits particuliers, lesquels se
référent au type de logement attribué aux
récipiendaires lorsqu'ils auront été
sélectionnés par les organismes en charge du dossier. Le logement
social englobe les différents types d'habitations suivants: la
coopérative, l'O.S.B.L (organisme sans but lucratif), et le H.L.M
(habitation à loyer modéré). Ces caractéristiques
propres à chaque type de logement social existent depuis la
création de la Société d'habitation du Québec
(SHQ), en 1967.
Aline coopérative d'habitation ou coop est un
collectif dont les membres sont tous des locataires, bénéficiant
ensemble, d'un logement social dans un même immeuble. Ils accomplissent
des tâches de gestion dans les espaces communs et sont tous
bénévoles. Les tâches accomplies ensemble dans ce type de
logement sont les suivantes: collecter les loyers; payer les factures;
entretenir et réparer les logements; choisir les nouveaux
membres-locataires; et faire les rapports aux gouvernements. C'est
officiellement en 1973 que le gouvernement fédéral a
commencé à participer au financement des coopératives
d'habitation par la mise sur pied du Programme des coopératives
d'habitation en vertu de l'article 61 de la Loi Nationale sur l'Habitation. Le
loyer à payer est proportionnel au revenu du locataire. Il existe un
contrat membre, auquel le membre-locataire adhère moyennant la somme de
$ 100 dollars, hormis le loyer. Cette pratique est en usage dans la plupart des
Coops En général. l'usage permet de payer cette somme en
plusieurs tranches durant l()'
premiers mois, en même temps que le loyer. Advenant qu'un
locataire quitte la Coop, sa part sociale doit lui être
restituée.
B. L' O.S.B.L(organisme sans but lucratif) a des
caractéristiques quelque peu différentes des autres types de
logement social du fait qu'il y a en son sein un conseil d'administration qui
joue le rôle de propriétaire. Ce conseil d'administration est
composé de locataires, auxquels s'ajoutent des personnes
extérieures. Ils sont tous bénévoles. Les membres du C.A.
se partagent quelques tâches: choisir les nouveaux membres-locataires;
assurer les bonnes relations entres locataires; faire le suivi des budgets. Par
ailleurs, le C.A. engage un gestionnaire qui accomplit des tâches
administratives. La SHQ demande cependant qu'au moins un tiers du conseil soit
composé de locataires de l'immeuble. H n'y a aucun profit individuel qui
soit tiré de l'administration de ces logements.
C. L' H.L.M (habitation à loyer modique) fait
aussi partie du logement social, mais relève directement de la
responsabilité de l'Office Municipal d'Habitation de Montréal
(l'O.M.H.M). Le produit HLM a beaucoup évolué depuis 29 ans,
puisque la loi créant la SHQ en 1967, autorise les municipalités
à réaliser elles-mêmes les programmes d'habitation à
loyer modique sur leur territoire. A cette époque, la SHQ
jouait principalement le rôle de prêteur hypothécaire
auprès des municipalités. Néanmoins, en 1974, des
modifications à la loi du 1967 créant la SHQ, l'autorisent
à se substituer aux municipalités. D'où, elle devient
propriétaire des immeubles qu'elle construit et prend l'entière
responsabilité de la préparation et de la réalisation des
projets d'habitation destinés aux familles à faible revenu, ainsi
qu'aux personnes seules et âgées. Les candidatures d'accès
à ce type de logement peuvent être présentées
auprès des organismes communautaires s'occupant du logement social ou
directement à l'Office Municipal d'Habitation
1.3 Importance du logement social
l.e programme du logement social revêt un caractère
important dans la mesure où 1,1
té d'habitation du Québec (SHQ) intervient en
vue d'améliorer les conditions de logements des citoyens
québécois. La SHQ administre les programmes d'aide au logement
social, d'amélioration de l'habitat et d'accès à la
propriété. Elle s'associe à plusieurs organismes publics
ou privés, en les mandatant, pour administrer ces programmes, afin que
la clientèle puisse en bénéficier, à
l'échelle locale ou régionale.
La SHQ organise des activités de communication pour
faire connaître à la population les programmes qu'elle offre.
Comme nous l'expliquerons, la plupart des programmes qu'administre la SHQ,
découlent de l'Entente-cadre Canada-Québec sur l'habitation
sociale conclue en mai 1986, qui visait à une meilleure coordination des
interventions fédérales et québécoises dans le
domaine d'habitation pour les clientèles à faible revenu. Le
tableau 2.1 indique le nombre de ménages ayant
bénéficié des interventions de la SHQ.
Tableau 2.1
Nombre de ménages ayant
bénéficié d'interventions de la SHQ dans le
cadre
des programmes d'aide au logement social, de 1990
à 1995.
Type de programme 1990 1991 1992 1993 1994
1995
1)Programme ce rogement
sans Out rucratit pupe butte bled& 05U b41r9
b4bb1
zp-frogramme ae logement
sans out lucratif pnve ;.1299 :J9b/ 4/1U flUZ //Mt
3)Programme de supplément
au loyer 10541 10530 12075 12470 12486 12484
Source SHQ rapports annuels 1990-1995,
La Societe ci habitation du Québec met a fa disposition
de fa population a taibfe revenu des logements à foyer modique. En
fait, les projets d'habitation a loyer modique se
répartissent principalement en trois programmes u y a d'abord fe
programme de logement sans hut
lucratif public, lequel comprend les logements
gérés par les OMH et d'autres organismes; ensuite, il existe le
programme de logement sans but lucratif privé qui inclut les
coopératives et organismes sans but lucratif; enfin, il y a le programme
de supplément au loyer qui vise à combler la différence
entre le loyer payé par le locataire selon son revenu et le loyer
convenu avec le propriétaire.
Beaucoup de ménages ont bénéficié
d'interventions de la SHQ dans le cadre des programmes d'aide au logement
social. Par exemple, en 1990 le nombre de ménages
bénéficiaires s'élèvait à 58937, mais il a
augmenté à 63070 en 1993, et se poursuit
régulièrement jusqu' au niveau de 64551 en 1995. li faudra noter
qu'il a eu absence, depuis 1994, de nouvelles constructions de logements
sociaux suite aux coupures budgétaires. Il est important de savoir que
195 000 foyers québécois consacrent plus de 50% de leurs revenus
à leur loyer en 1993; d'où il faudrait au moins plusieurs
logements sociaux pour satisfaire cette demande. Parmi les villes du
Québec, c'est Montréal qui détient un grand nombre de
ménages (128055) qui consacrent plus de 30% de leur revenu au logement.
Près de 18 pour cent consacrent plus de 50% de leur revenu à
payer le loyer. Par ailleurs, au niveau fédéral, c'est le
Québec qui est l'une des provinces comptant le plus fort pourcentage de
locataires qui doivent consacrer plus de 50 % de leur revenu au logement, selon
le recensement 1991(catalogue 93-330).
2. Origines du logement social au
Québec
Le logement social au Québec date de 1938, et trouve
son origine dans les programmes subventionnés par le gouvernement
fédéral et dont la responsabilité revenait à la
S.C.H,L (Société Canadienne d'Hypothèques et de Logement),
conformément à la Loi Nationale sur l'Habitation (L N H ). Nous
parlerons d'abord de l'historique du logement social au Québec, ensuite,
nous ferons référence au râle que joue la
Société d'habitation du Québec, ainsi qu'à
l'évolution de la politique du logement social au Québec: et,
enfin, nous mettrons en relief la spécificité
socio-économique des quartiers pauvres de Montréal
En 1919, la Commission Royale sur les Relations Industrielles
(Conseil Canadien de Développement Social, 1978. 1-3) avait
constaté des anomalies dans les conditions de vie des habitants
canadiens. A une pénurie de logement évidente, venait s'ajouter
des conditions exacerbées de pauvreté au sein de la population
canadienne. Un comité consultatif, chargé de la reconstruction,
concluait, qu'il fallait prendre des mesures adéquates pour pallier
à cette situation désastreuse. Mais, rien n'a été
fait. En 1935, le comité parlementaire spécial sur le logement,
avait exigé que l'on considère l'élaboration et
l'application d'une politique visant à assurer des logements
convenables, comme une responsabilité sociale primordiale. En plus, ce
comité concluait que les autorités publiques avaient le devoir de
satisfaire les besoins en matière de logement à loyer modique;
qu'il ne fallait donc pas laisser cette charge aux soins des entreprises
privées. Les propriétaires terriens ou la petite bourgeoisie du
Québec à l'époque, n'avaient toutefois pas
ménagé leurs efforts pour contrecarrer cette démarche
gouvernementale. La loi fédérale du logement, et la loi nationale
sur l'habitation de 1938, furent promulguées à la suite du
rapport accablant du comité parlementaire. Ce n'est qu'en 1949 que les
programmes de construction de logements publics étaient
réalisés. Les gouvernements fédéral, provincial, et
municipal ont constamment conjugué leurs efforts en vue de créer
un actif social qui profite véritablement aux occupants desdits
logements.
La création, le 1er janvier 1946, de la
Société Canadienne d'hypothèques et de logement
(S.C.H.L.), un organisme fédéral, était, cependant, de
mise. C'est par son entremise en effet, que les fonds alloués par le
gouvernement fédéral devaient transiter en vue de servir les
besoins en construction de logements publics, des gouvernements provinciaux
(Conseil Canadien de Développement Social, 1978) Comme nous l'avons vu,
le premier acteur impliqué était le gouvernement
fédéral, par l'intermédiaire de la S.0 H L , ensuite est
venu le gouvernement provincial, par le biais de la SHQ. Contrairement à
sa politique du passé, qui lui permettait de subventionner le logement
privé, la S.C.H.L. est entrée dans la sphère du
financement de la construction du logement public. vers la fin des
années soixante
(Denis et Fish, 1972: 42-57
Le gouvernement fédéral s'était
directement engagé dans les problèmes canadiens de logement
lorsqu'il avait alloué un prêt de $ 25 million de dollars aux
provinces en 1919 (Miron, 1988: 239). Ces fonds étaient destinés
au financement de nouveaux logements modestes aux quatre coins du pays. Un
autre fonds fédéral de $ 10 millions de dollars visait à
relancer l'industrie de la construction, ayant été durement
touchée par la dépression économique. L'octroi de ces
fonds se justifiait par le fait que la question nationale d'habitat
était de première importance, vu son lien direct évident
avec les paramètres de la santé et du bien-être des
canadiens. Il fallait par ailleurs installer dignement les familles des
soldats, de retour de guerre. Le gouvernement appréciait aussi à
juste titre les possibilités d'emplois, que sa politique de construction
pouvait générer dans cette période de reconstruction au
lendemain de la seconde guerre mondiale (Miron, 1988). Ce n'est cependant qu'au
cours de cette période que seront jetées les bases du logement
social sous sa forme actuelle.
Toutefois, la reconnaissance explicite du problème du
logement social par le gouvernement fédéral s'était
manifestée par la promulgation de la Loi Nationale sur l'Habitation (L,
N.H) de 1938 comme nous l'avons déjà expliqué. En 1954, le
gouvernement adopta une nouvelle loi visant plus précisément
à revitaliser les centre-villes pour ainsi démolir les taudis, et
ensuite construire des ensembles résidentiels pour les populations
délogées (Miron, 1988: 251).
. Les Acteurs de la communauté de politique du
logement social
Dans la communauté de la politique du logement social
à Montréal, les acteurs principaux qui planifient et
développent une politique cohérente en cette matière, sont
les suivants. Au niveau
fédéral. il y a le
Ministère fédéral chargé de l'habitation et la
Société Canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL). au
niveau provincial, ce sont le Ministère des affaires
6
municipales et la Société d'habitation du
Québec (SHQ); au niveau municipal, c'est l'Office municipal d'habitation
de Montréal (OMHM); et, enfin, au niveau focal ou du quartier, nous
avons la présence du Groupe de ressources techniques (GRT), et
le Front d'action populaire de réaménagement urbain (FRAPRU), en
plus d'autres groupes de pression de taille moyenne tels que le Projet
d'organisation populaire et de regroupement (POPIR), et le Regroupement
information-logement. Il est à noter que le gouvernement
fédéral encourage de telles organisations et les stimule par le
financement qu'il leur apporte. Selon le gouvernement fédéral,
ces groupes, représentant les associations des locataires, devraient
participer à la gestion de politiques, et à la résolution
des doléances (Mémorandum de la SCHL du 8 mai 1970). Nous
identifierons ces acteurs en les subdivisant en deux catégories, soit
les acteurs étatiques, soit les acteurs non-gouvernementaux, et en nous
référant aussi bien aux concepts théoriques qu'aux
hypothèses émises dans le premier chapitre.
3.1 Les Acteurs étatiques
Ces acteurs jouent un rôle important dans la
communauté de la politique du logement social. Au regard du
réseau dirigé par I'Etat, leur position relationnelle est plus
forte que celle des groupes d'intérêt lors de la formulation de
cette politique. Toutefois, lorsque ces acteurs se trouvent dans le
réseau de concertation, leur position relationnelle est aussi forte que
celle des acteurs non-gouvernementaux au cours de la mise en oeuvre de
la politique du logement social. Les acteurs étatiques interagissent
dans ces réseaux pour mener des tractations en vue de la production
d'une politique publique. Il serait essentiel de les décrire
respectivement.
3.1.1 La Société Canadienne
d'hypothèques et de logement
En janvier 1946, le gouvernement fédéral se dote
d'une instance responsable de l'habitation, conformément à la Loi
nationale de l'habitation adoptée en 1938, en mettant sur pied la
Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL).
Cette dernière prit plus tard l'appellation de Société
Canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL,
Supplément au 25e rapport annuel). L'organisme s'occupe
de l'évaluation de la politique fédérale du logement, et
assure la gestion des programmes de logements et d'infrastructures
fédérales. La SCHL jouit d'une certaine autonomie de gestion et
d'un processus décisionnel propre, tout en dépendant du
ministère fédéral, chargé du logement Les
administrateurs de cet organisme disposent d'une vue globale sur l'ensemble du
territoire canadien.
Depuis sa création en 1946, la SCHL joue un rôle
primordial dans l'aide à la construction de logements neufs. Elle peut
financer une proportion de 75% (capital et déficit d'exploitation) du
parc des logements publics, avec la participation conjointe de la province et
des municipalités (Divay et Godbout, 1973: 42). Comme la province ne
possédait pas d'organisme pouvant faciliter l'usage de fonds venant du
fédéral, on a alors songé à mettre sur pied, la
S.H.Q (la société d'habitation du Québec) dont nous
parlons dans la prochaine section.
En observant le tableau 2.2, il ressort que c'est la
région urbaine de Montréal qui a bénéficié
de la construction d'un grand nombre de logements sociaux, comparativement
à d'autres villes du Québec. De 1990 à 1995, le nombre de
logements sociaux mis en chantier, a en effet connu une augmentation pour
ensuite chuter, suite aux compressions budgétaires. Tandis que le nombre
de logements achevés a augmenté.
3.1.2 La Société d'Habitation du
Québec
La SHQ est née en juin 1967, cependant, la loi sur
cette société est modifiée en 1987. Elle est placée
sous l'autorité du Ministère des Affaires Municipales dont
proviennent les fonds pour financer ses programmes. Elle agit, toutefois, en
tant qu'organisme entièrement autonome, du fait qu'elle est aussi
autorisée, en regard de la SCHL, à utiliser des mesures de
financement autonomes en vue de réaliser les mêmes projets que sa
consoeur La modification de la 1. oi sur la SHO en 1987 a élargi le
mandat de celle-ci du fait que son râle
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est depuis devenu plus prépondérant. Ses
responsabilités comprennent les objets suivants(SHQ, rapport annuel,
1990):
-mettre le ministre responsable au courant des besoins des
priorités et des objectifs de tous les secteurs de l'habitation au
Québec;
-encourager le développement, ainsi que la concertation
des initiatives publiques et privées en matière d'habitation;
-pourvoir aux citoyens du Québec des logements à
loyer modique;
-stimuler l'expansion et la mise en oeuvre des programmes de
construction, d'acquisition, d'aménagement, de restauration, et
d'administration d'habitations;
-aider les citoyens du Québec à accéder
à la propriété immobilière;
-promouvoir l'amélioration de l'habitat.
Comme nous l'avons observé, la SHQ poursuit son mandat
en exécutant ou faisant exécuter des recherches, des
études, des enquêtes ou des inventaires sur les besoins et les
conditions d'habitation de la population. Elle en assume aussi la diffusion
auprès de ses partenaires.
La Société d'habitation du Québec a mis
sur pied un réseau de partenaires publics ou privés pour
travailler en coopération dans l'administration de ses programmes. En
effet, la SHQ peut aujourd'hui compter sur un réseau de quelque 650
offices municipaux d'habitation et d'environ 200 municipalités et
municipalités régionales, de comtés mandataires. En plus,
elle collabore avec une centaine de coopératives d'habitation, et
environ 300 organismes sans but lucratif, en tant que propriétaires et
gestionnaires de logements sociaux.
Quant à son champ d'intervention, la SHQ réalise
les divers aspects de son mandat en fournissant des produits et des services
à sa clientèle. Elle joue ainsi un rôle essentiel dans le
domaine de l'aide au logement social. Cela s'explique par le fait que la SHQ
met à la disposition des ménages à faible revenu. des
logements à loyer modique dont elle subventionne l'exploitation en vertu
des programmes à frais partagés avec la Sociètc
Canadienne d'hypothèques et de logement. Par ailleurs,
en appliquant toujours la politique redistributive, la SHQ soutient
financièrement ces ménages de façon à leur
permettre de se loger à coût modique, dans des logements du
marché locatif privé. Elle leur verse directement une allocation
contribuant à alléger la part de leurs revenus consacrée
au logement.
Au niveau du domaine de l'amélioration de l'habitat,
les interventions de la SHQ comprennent à la fois l'aide à la
rénovation de logements détériorés, et le soutien
à l'adaptation des logements destinés à des personnes
handicapées. Quelques-unes de ces interventions s'adressent aussi
à des ménages à faible revenu. A la lumière de ces
deux modes d'intervention, il ressort que l'aide allouée par la SHQ
embrasse plusieurs formes, qui se traduisent par des coûts, et des effets
divers, selon les clientèles ou les besoins particuliers, auxquels sont
destinés les programmes d'aide; et, à moins qu'ils
découlent soit d'une entente fédérale-provinciale, ou
d'une élaboration par le gouvernement du Québec seulement. De
plus, l'intervention de la Société s'effectue auprès
d'autres catégories de ménages afin de leur permettre
d'accéder à la propriété résidentielle, tout
en encourageant l'activité des secteurs de la construction et de la
rénovation résidentielle.
Concernant les moyens dont dispose la Société
pour répondre aux besoins dans son champ d'action, elle compte, en
fin décembre 1995, un effectif total de 441 postes, dont 424
permanents et 17 occasionnels. Le coût total des programmes de la
Société s'établit à 519 millions de dollars pour
l'année 1995, par rapport à 405 millions de dollars pour
l'année 1990, soit une augmentation de 128 Pour l'année 1995, le
gouvernement du Québec a contribué pour un montant de 279,1
millions de dollars, tandis que la contribution du gouvernement
fédéral, par le truchement de son mandataire, la
Société Canadienne d'hypothèques et de logement, s'est
élevé à 239,9 millions de dollars, pour les programmes
à frais partagés.
Enfin, la SHQ gère un budget de l'ordre d'un
demi-milliard de dollars, lequel lui a facilité l'intervention
auprès de plus de 236,000 ménages en 1995, par rapport à
176,769 ménages en 1990.
3.1.3 L'Office municipal d'habitation de
Montréal
L'OMH de Montréal a vu le jour en 1969 lorsqu'on
mettait en oeuvre un vaste programme de rénovation urbaine. C'est un
organisme sans but lucratif, créé à la demande de la ville
de Montréal, et selon les dispositions de la loi sur la
Société d'habitation du Québec (SHQ). Comme nous l'avons
expliqué au début, ce programme de rénovation visait,
à cette époque, les immeubles délabrés ainsi que
les appartements insalubres, dans les vieux quartiers ouvriers.
Coïncidemment, le gouvernement fédéral avait
déjà commencé à éliminer les taudis en
construisant à la place des ensembles résidentiels pour les
populations délogées. A titre d'exemple, la réalisation du
projet des Habitations JeanneMance constitue une première incursion dans
le domaine du logement social à Montréal, et, la gestion de ces
logements relève de l'OMHM. D'autres ensembles résidentiels ont
été réalisés dans les quartiers de Montréal
où la crise du logement est particulièrement cruciale.
Cet organisme municipal est mandaté par la Ville de
Montréal et le gouvernement du Québec pour répondre aux
besoins des citoyens et citoyennes de Montréal en matière de
logement social. L'engagement communautaire de l'Office s'est affirmé,
à la fois comme une des lignes de force de l'intervention, et, aussi
comme un palliatif nécessaire à l'appauvrissement de la
population montréalaise. Il est à noter toutefois que, depuis le
1er janvier 1994, l'Office n'a plus d'enveloppe budgétaire à
consacrer à la réalisation de nouveaux logements sociaux Cela est
dû aux compressions budgétaires que tous les paliers du
gouvernement effectuent.
3.2 Les acteurs non-gouvernementaux
Dans le processus de la gouverne, plusieurs acteurs sont
impliqués dans le but d'influer sur la prise des décisions.
Toutefois, l'acteur principal reste l'Etat dont les actions sont sujettes aux
pressions faites par un ou des groupes d'intérêt. Ces derniers se
définissent comme un ensemble d'individus qui se joignent en vue de
s'aider mutuellement pour défendre leurs intérêts communs.
En effet. les groupes d'intérêt représentent le centre de
la vie collective, car ils fournissent des biens et des services à leurs
membres, en plus de s'occuper des intérêts
communs (Richardson, 1993).
Nous désignons ces groupes d'intérêt, dans
le présent contexte, comme des acteurs non- gouvernementaux, dont l'un,
le FRAPRU, fait partie du sous-gouvernement, tandis que d'autres
relèvent du public attentif, dans le cadre de communauté de la
politique du logement social. Cela est dû au fait que le FRAPRU
représente tous les autres groupes de pression. Au niveau des alliances
qui s'établissent avec les acteurs étatiques, le FRAPRU jouit
d'une position relationnelle faible dans le réseau dirigé par
l'Etat, parce que ce sont les acteurs étatiques qui le dominent au cours
de la formulation de la politique du logement social. Mais, au regard du
réseau de concertation, la position relationnelle des acteurs non-
gouvernementaux devient aussi forte que celle des acteurs étatiques lors
de la mise en oeuvre de cette politique. Ces acteurs non-gouvernementaux sont
les suivants: le Groupe de ressources techniques (GRT), le Front d'action
populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le
POPIR/comité logement, et le Regroupement information-Projet St
Charles/comité logement.
3.21 Le Groupe de ressources techniques
Le GRT est un organisme sans but lucratif, qui a
été fondé en juin 1994 par suite d'une fusion de quatre
autres groupes s'occupant de la réalisation des projets de construction
des logements sociaux, mais plus particulièrement les
coopératives et les OSBL Ces groupes étaient, notamment le
Service d'aide à la rénovation de Pointe St Charles (SARP). le
Service d'aménagement populaire (SAP) de St Henri. les Services
d'habitation de
Hocheiaga-Maisonneuvc (SHHM), et la Société
populaire d'habitation de Rosemont (SPHR). Ce sont les anciens étudiants
en architecture de l'Université de Montréal qui, animés
d'un militantisme communautaire, cherchaient à donner une implication
sociale et politique à leur travail. Le GRT est un organisme autonome
par rapport aux SHQ et OMHM dont nous venons de parler. Ses subventions
proviennent principalement de la Société d'habitation du
Québec, et du Ministère de l'éducation du Québec,
du fait que le GRT dispense des cours de formation aux membres des
coopératives concernant la gestion et l'éducation politique. Le
GRT perçoit aussi des honoraires sur les projets de
construction qu'il supervise, d'après les commentaires des
dirigeants du RIL/Projet St Charles, suite à notre entrevue.
Le rôle primordial du GRT consiste à
faire la promotion des logements sociaux, et, aussi, informer les
requérants de ces logements sur les démarches à suivre, de
connivence avec le Popir/comité logement à St Henri, et Projet St
Charles/comité logement à Pointe St Charles. Par ailleurs, le GRT
travaille conjointement avec le SHQ, la municipalité de Montréal,
en vue de la réalisation des études de faisabilité, et le
contrôle et la supervision des projets de construction des logements
sociaux. Cela démontre un exemple palpable du réseau de
concertation dans lequel les deux acteurs interagissent, tout en ayant une
position relationnelle forte comme nous l'avons expliqué
précédemment.
Cependant, il est à noter que le GRT est aussi
membre du FRAPRU. Le GRT joue donc un rôle hybride, d'abord, au niveau de
la formulation d'une demande d'action publique, ensuite au niveau de
la mise en oeuvre des projets de construction des logements sociaux. D'autre
part. il est au centre de conflits, entre
les institutions gouvernementales et les groupes d'intérêts
3.2.2 Le Front d'action populaire en
réaménagement urbain .a mise sur pied du Front
d'action populaire en réaménagement urbain (le FRAPRU) a
été
une action concertée des groupes de citoyens
touchés par un programme d'aménagement de quartier, à
partir d'un colloque populaire sur le Programme d'amélioration de
quartier (PAQ), lequel s'est tenu les 20, 21 et 22 octobre 1978. Cette
concertation réunissait plus de 36 groupes populaires. C'est au terme de
cette réunion que fut adoptée la résolution demandant
l'organisation d'une structure permanente pouvant prolonger le colloque. Le
FRAPRU fut ainsi créé et se mit immédiatement à la
tâche pour matérialiser les objectifs des groupes membres.
Le FRAPRU est aujourd'hui un regroupement national de lutte
pour le droit au logement. II regroupe en son sein 45 groupes actifs dans
différentes régions du Québec. Il reste donc une
organisation provinciale. La liste de ses membres est divisée en deux
catégories dont l'une présente les groupes participants qui
payent une cotisation annuelle; tandis que l'autre englobe les groupes
associés qui ne payent aucune cotisation, mais accordent leur soutien
indéfectible à la cause défendue par cette organisation.
Le FRAPRU est dirigé par un coordonnateur, M. François Saillant,
et secondé par deux animateurs, Robert Pilon et Pierre Gaudreau.
Le FRAPRU constate quotidiennement que le marché
privé ne peut pas résoudre les problèmes du logement
à coût modique. D'où, la place du logement social est au
coeur de ses préoccupations, et de son travail (FRAPRU, 1993). Les
objectifs et lignes directrices du FRAPRU sont résumés dans un
cahier de revendications, qui spécifie le maintien de la population
résidente, la préservation du stock de logement à loyer
abordable, et les rénovations aux conditions des résidents.
Le FRAPRU considère que le logement n'est pas une
marchandise comme les autres: du fait qu'il est avant tout un droit fondamental
auquel tout le monde doit avoir accès, quels que soient son revenu, son
sexe, son statut social, sa race, sa condition physique ou mentale. etc
(FRAPRU, 1993) En
plus. sa politique d habitation consiste
à mettre en avant les
Les membres du FRAPRU
Groupes participants
Alerte Centre-Sud, Montréal Association des
locataires de Thetford Mines Comité de logement de l'Accents,
Sherbrooke Comité de logement social de
Châteauguay Comité des citoyens et citoyennes du quartier
St-Sauveur, Québec Comité Logemen'occupe,
Hull Comité Logement Bordeaux-Cartierville,
Montréal Comité Logement Rosemont,
Montréal Comité populaire Saint-Jean-Baptiste,
Québec Conseil communautaire de Notre-Dame-de-Grâce,
Montréal Fédération des locataires d'habitations
à loyer modique du Québec Info-Logement,
Buckingham Institut d'éducation populaire des Bois-Francs,
Drummondville Popir Comité-logement St-Henri-Petite-Bourgogne,
Montréal Regroupement Information-logement Pointe St-Charles,
Montréal Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal
Groupes associés
Association des locataires de l'OMH de Mont
Saint-Hilaire Association latino-américaine de Côte-des-Neiges,
Montréal Bureau consultation jeunesse, Montréal Carrefour
d'aide aux réfugiés, Montréal Centre des femmes de la
Basse-Ville, Québec Cité des bâtisseurs,
Baie-Comeau Comité Logement Centre-Sud,
Montréal Comité Logement Saint-Louis,
Montréal Comité pour le développement du logement
social, Sorel Fédération des coopératives d'habitation
de la Montérégie Fédération des
coopératives d'habitation de I'lle de
Montréal Fédération des OSBL en habitation de
Montréal Groupe d'aménagement du logement populaire,
Joliette Groupe alternative logement, Saint-Jean Groupe de ressources
techniques Beauce-Amiante Groupe de ressources techniques de
Laval Habitations populaires de l'Est, Rimouski Inter-loge Centre-Sud,
Montréal Justice et foi, Montréal
Montreal City Mission
Multi-Caf de Côte-des-Neiges,
Montréal Opération populaire d'aménagement, Centre-Sud,
Montréal Programme d'aide au logement, Verdun Projet
Genèse, Côte-des-Neiges, Montréal SOS-Logement
Beauharnois
Source:FRAPRU, Dossier noir, Logemlt et pauvreté au
Québec,Jan.1994
ut.:v
demandes suiva-tes:
le logement de qualité;
-le logement à loyer modique;
- le contrôle de logements par les locataires -le maintien
des locataires;
-le logement permanent.
Il préconise aussi que le gouvernement
québécois ait la pleine responsabilité en matière
d'habitation. De ce fait, ledit gouvernement devrait se doter d'une
véritable politique d'habitation et de programmes de logement social qui
lui soient propres. D'autre part, le FRAPRU souhaite aussi que les
municipalités soient mises à contribution afin qu'elles se
dotent, pour ce faire, d'une politique d'habitation et d'instruments de
développement du logement social et de protection du stock de
logements.
Quant à son rôle dans le processus de production
de la politique du logement social, le FRAPRU fait des recommandations (policy
advocacy) auprès des acteurs étatiques pour qu'ils adoptent des
politiques favorables aux requérants des logements sociaux. Le FRAPRU
participe aussi à la mobilisation de la population pour revendiquer le
droit à un logement à prix modique. Ce groupe
d'intérêt organise souvent des rassemblements ou manifestations
populaires afin d'attirer l'attention des médias, mais surtout celle des
gouvernements fédéral, provincial, et municipal sur la
nécessité impérieuse de construire d'autres logements
sociaux, puisque 48.5% des ménages payent plus de 25% de leur revenu
pour se loger, en 1991, d'après ie tableau 2.5.
La carence desdits logements n aurait toutefois pas son
acuité actuelle sans les contraintes budgétaires auxquelles les
autorités publiques doivent faire face. _e FRAPRU parvient. directement
ou par l'entremise des élus ou autre lobby, à convaincre les
autorités publiques de continuer à allouer des fonds pour la
construction des logements sociaux
dépendemmeÎ l de la qualité de projets qui
leur sont présentés. Enfin, ie FRAPRU reçoit ses
subventions de plusieurs sources, notamment, du gouvernement provincial, et
autres organismes religieux et privés
3.2.3 Les Autres groupes communautaires du sud-ouest:
POPIR/
Comité Logement, et RIL\Projet St Charles
logement.
A. Projet d'organisation populaire et de regroupement
(POPIR) Soucieux de la nécessité d'unifier les
forces limitées, morcelées, mais réelles, d'un quartier,
le Conseil du développement social (CDS), en concertation avec plusieurs
comités de citoyens, a créé le POPIR le 22 décembre
1969.
Jusqu'en 1969, les activités concernant le
développement communautaire et les actions de revendications
n'étaient articulés que par des petits groupes ou comités
de citoyens. Les problèmes liés à la santé, au
logement, aux loisirs, et divers autres domaines, étaient au coeur de
leurs préoccupations. Le Popir est venu coordonner tous ces efforts sous
une même bannière en vue d'organiser une certaine mobilisation
collective. Ce projet informe, éduque, et regroupe les forces du
quartier. Cet organisme intervient dans les quartiers St Henri, Petite
Bourgogne, Ville Emard, et Côte St Paul.
Concernant le logement social, le Popir a
récolté beaucoup plus de succès avec les
coopératives d'habitation qu'avec les HLM où il
aura tenté une brève percée. En plus, cet organisme avait
pris l'initiative, en 1983, de former, par quartier, un comité des
locataires, victimes de hausses de loyer abusives et de rénovations
sauvages. La lutte pour le logement social et contre le marché
privé est au centre des préoccupations de Popir, puisqu'il a
adhéré au FRAPRU en 1989 pour la simple raison de s'associer
à un regroupement national pour mener des actions de pression et de
mobilisation en faveur du logement social comme alternative au marché
privé spéculatif. Cette adhésion visait aussi à
saisir l'opportunité d'avoir un regroupement national fort qui
s'appuierait sur les luttes des quartiers et des régions afin
d'enraciner les revendications liées au logement social Ce
faisant, ces actions devaient contrecarrer les choix politiques
et fiscaux d'Ottawa et de Québec.
Le Popir reçoit ses subventions des organismes
étatiques aussi bien que de l'archevêché de
Montréal.
B. Regroupement Information-logement/Projet St
Charles
ir Le Projet St Charles est né en 1983
suite à une réaction vigoureuse de la population à faible
revenu de Pointe St Charles, face aux risques de la gentrification de leur
quartier. En effet, ce phénomène a
entraîné un fort mouvement de spéculation
immobilière dans ce quartier. La mission du Projet St Charles consistait
à intervenir auprès des gouvernements pour
l'accélération de la production de logements sociaux. Cela
pouvait, espérait-on, améliorer les conditions de logement et
contrôler localement la question de l'habitat afin de garantir le
maintien de la population dans son milieu (Document du Projet St Charles,
1991).
Le Projet St Charles participe à la
mobilisation de la population pour les informer au sujet de la
possibilité d'accès à un logement social. Ce groupe
d'intérêt est aussi membre du FRAPRU, et participe
également à la concertation avec les intervenants sociaux du
quartier, et les pouvoirs municipaux afin de ralentir le
phénomène de gentrification, c'est-à-dire l'appropriation
du quartier par la classe moyenne, au détriment de la population
pauvre.
Cet organisme collabore étroitement avec le
Groupe de recherches techniques, qui se trouve également dans le
même quartier. Pour le Projet St Charles, la demande auprès du
gouvernement du Québec visant la réalisation d'un
minimum de 150 nouvelles unités de logement social par année.
constitue un défi à relever li veut que le gouvernement du
Québec le reconnaisse comme étant un partenaire
privilégié dans la lutte contre la pauvreté à
Pointe St Charles,
Depuis le lancement en 1938 du programme des logements
sociaux, il n'y en avait eu que peu de construits, puisque les gouvernements
étaient quelque peu réticents à s'engager activement pour
les subventionner, Mais, à partir de 1960 jusqu'en 1975, il y a eu la
mise en chantier d'un grand nombre de logements sociaux, et la région
Sud-Ouest de Montréal en avait bénéficié comme nous
venons de l'expliquer ci-haut En se basant sur notre graphique 2 3. il
s'avère que l'évolution de la politique du logement social a fort
malheureusement connu une régression compte tenu des compressions dans
les fonds alloués par les gouvernements tant fédéral que
provincial. En effet, le nombre de logements sociaux réalisés au
Québec a chuté de 3646 unités en 1990, à 0 en 1995.
L'avenir des logements sociaux devient donc précaire et menacé,
à cause de cette baisse. L'offre privée pourrait satisfaire la
demande, étant donné l'existence d'un surplus de logements
à Montréal; mais le prix du loyer n'est guère à la
portée du budget familial de la population vivant dans la
précarité. Cette tendance provient des préjugés que
la société cultive à l'encontre de la politique du
logement social. Les personnes revendiquant un logement social sont
considérées comme marginales du fait de leur statut social,
très caractérisé par l'état de
paupérisation. Cette attitude fait fi de ce que Rosanvallon (1991: 21)
appellerait l'Etat protecteur, car, en effet,
"c'est l'Etat qui fait exister l'individu comme sujet et donc
avec des droits parce qu'il se donne pour objet de protéger ceux-ci; pas
d'Etat protecteur sans Individu porteur de droits, pas d'individu
réalisant ces droits sans Etat protecteur".
Au vu de la précarité actuelle, en
matière de participation financière du fédéral,
nous nous demandons comment la Société d'Habitation du
Québec (S.H.Q) assumerait la responsabilité qui lui incombe, dans
la réalisation des programmes de logements à loyer modique,
étant donné que des réticences majeures proviendraient des
centres de décision politique qui sont dotés des ressources
administratives et financières colossales Il s'agit notamment de la
Société Canadienne d'hypothèques et de logement, des
ministères provinciaux, et fédéraux, et de la
municipalité de la ville de Montréal Quant aux relations entre
les organismes publics et les citoyens. elles s'établissent au moment de
l'élaboration,
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