Réformes macroéconomique et intégration par le marché dans la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Michel Dieudonné MIGNAMISSI Université Yaoundé II - DEA 2008 |
SECTION 2. LES RECENTS REAMENAGEMENTS DANS LA CEMAC : LA POURSUITE DES REFORMES DE LA DEUXIEME GENERATIONLes constats marquant le frein au bon fonctionnement des organes de la CEMAC ont été soulignés dans la section précédente. La présente section justifie le souci des autorités sous-régionales de relancer véritablement le processus d'intégration à travers les récents réaménagements opérés. 2.1. LA REDYNAMISATION DES PRINCIPALES INSTITUTIONSMalgré les réformes de la décennie 90, certaines institutions se doivent d'évoluer dans leur organigramme afin de répondre aux préoccupations actuelles. Parmi les institutions les plus importantes, il convient de citer en premier lieu la BEAC et le Secrétariat Exécutif de la CEMAC. 2.1.1. La BEAC : comment renforcer son indépendance et réorienter ses missions ?Les Banques Centrales ont acquis un rôle de premier plan parmi les institutions publiques aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Aux Etats-Unis par exemple, la Réserve Fédérale est devenue l'institution la plus puissante pour agir sur la conjoncture et préserver la croissance, ralentir l'entrée en récession ou accélérer sa sortie. En Europe, le Système Européen des Banques Centrales (SEBC) apparaît depuis le Traité de Maastricht en 1992, comme la seule institution véritablement puissante, en dépit du Pacte de Stabilité signé en 1997, pour engager la convergence des politiques économiques à l'intérieur de l'Union (Eboué, 2006)49(*). Enfin, la Zone UEMOA avec la BCEAO est de nos jours entrain de se démarquer. Comme la BCEAO, la BEAC est la principale institution menant les réformes en ce qui concerne les problèmes de convergence et d'intégration régionale en Zone CEMAC. Ainsi, son rôle dans le chantier des réformes aurait été plus significatif si lors de décennies passées, elle était exonérée des influences politiques et arrimée à la donne contemporaine. Théoriquement, les questions actuelles en ce qui concerne les BC tournent autour de leur indépendance et la crédibilité de la politique monétaire50(*). Ainsi, depuis Rogoff (1985) et Mc Callum (1988, 1995), la question de l'indépendance des BC est l'un des enjeux de la recherche de l'efficacité de leur action. Kydland et Prescott (1977), prix Nobel d'économie en 2004, ont porté un grand intérêt sur la question de l'indépendance des BC. Cherchant à définir les conditions de réussite d'une bonne politique monétaire, ils concluent au fait qu'une politique monétaire ne doit pas être liée à la conjoncture politique, voire aux échéanciers électoraux : seule cette condition permet à la BC d'éviter l' « incohérence temporelle ». A la suite de Kydland et Prescott (1977), Barro et Gordon (1983) attribuent cette « incohérence temporelle » au choix (faible engagement) des autorités monétaires, car elles sont enclines à l'arbitrage entre l'inflation et le chômage. A court terme, elles ont le souci de résorber le chômage et à long terme, elles sont amenées à favoriser la stabilité des prix (Eboué, 2004). Au final, une BC devrait, pour conduire une politique monétaire crédible, être déconnectée de toute conjoncture politico-monétaire, comme le constate Fouda (1997) dans le cas de la Zone BEAC. En plus, elle doit avoir une indépendance aussi bien institutionnelle, opérationnelle que financière (ou budgétaire)51(*) (Avom, 2006). Le cas de la zone monétaire BEAC révèle toujours des paradoxes. Fouda (1997) montre qu'il existe des cycles politico-monétaires au sein de la zone bien qu'on souligne une évolution en ce qui concerne le degré d'autonomie de la BEAC. Ce degré est cerné à partir d'une étude comparative entre les statuts de 1972 et ceux de 1998 (Avom, 2006)52(*). Il est clairement démontré que les réformes au niveau monétaire ont connu des évolutions sensibles, et les toutes dernières mutations viennent soutenir cet élan. En effet, le huitième Sommet des chefs d'Etat de la CEMAC tenu à N'djamena le 25 avril 2007 a procédé au changement du Gouverneur de la BEAC. Le nouveau Gouverneur a été nommé suite à un Acte Additionnel lors de la même Conférence53(*). Malgré le statisme dans la rotation (déjà noté), quelques innovations sont quand même à souligner : élargissement du gouvernement de la Banque, avec la création de trois postes de Directeurs Généraux et de trois nouvelles Direction Centrales. Ceci permet le passage de neuf à douze du nombre de Directions Centrales54(*). Lors du même sommet, la Banque de Développement (BDEAC) par la voie de son Président a présenté à son tour un bilan. Ce dernier fut axé sur l'expansion des opérations de financement des projets de développement, l'intense activité de mobilisation et de drainage des ressources financières vers la sous-région et enfin la dynamisation de la coopération avec les partenaires au développement. Suite à ce bilan élogieux, le Vice-Président de cette institution a été confirmé. * 49 Notes du cours « Monnaie-Banque-Finance, Analyse et Politique Monétaire », PTCI - Campus Commun des Cours à Option (CCCO), Niamey-Niger. * 50 Les questions en ce qui concerne la nouvelle politique monétaire de la BEAC ont été plus ou moins épongées. Dans les pays développés, cette politique monétaire pose entre autres les problèmes liés à « la monnaie manquante », au « biais inflationniste » et au « ciblage de l'inflation ». Le problème de monnaie manquante est techniquement expliqué par l'instabilité des équations de demande de monnaie associées aux agrégats faisant l'objet du contrôle des autorités. La théorie du biais inflationniste quant à elle a été mise en avant pour expliquer le faible engagement des BC à vouloir lutter efficacement contre l'inflation, en raison notamment des coûts déflationnistes qu'une telle politique entraînerait. Le régime de ciblage du niveau général des prix revient pour la BC à annoncer un niveau des prix et sa fourchette de variation, alors que le régime de ciblage de l'inflation implique que la cible est fixée en fonction d'un taux d'inflation à long terme dans un sentier qui va en s'agrandissant (Eboué, 2004 et 2006). * 51 L'indépendance institutionnelle doit être constatée dans les sphères organique et juridique, définissant ainsi les conditions de fonctionnement de la BC. L'autonomie opérationnelle quant à elle fait référence à l'implication effective de la BC, non seulement dans la définition des objectifs, mais également dans la conduite de la politique monétaire (choix et utilisation des instruments). L'autonomie financière enfin est liée à l'importance des ressources financières pouvant faciliter le bon fonctionnement de la Banque. * 52 En ce qui concerne les évolutions, il convient de souligner que l'objectif de la politique monétaire est clairement défini dans les statuts de 1998. Le Conseil d'Administration est aussi réorganisé (il regroupe les hauts fonctionnaires, nommés en fonction de leur compétence, et non les Ministres de l'Economie et des Finances des différents pays). La présidence de cette instance est assurée par un Gouverneur. Il a seul, le privilège et l'exclusivité de la manipulation des taux, contrairement aux anciens textes (Avom, 2006). Mais l'architecture financière est vétuste, avec un taux de bancarisation de 17% seulement contre 101% en Afrique du Sud, 106% en Tunisie, 27% dans la Zone UEMOA par exemple. A l'intérieur de la Zone CEMAC, la bancarisation est de 23% au Gabon et de 18% au Cameroun. Pour le reste des pays, elle situe entre 7% et 12%. Source : http://www.cameroon-info.net/cmi_show_news.php?id=16428. * 53 Il s'agit de l'Acte N°19/CEMAC/CCE du 20 juin 2007. Le nouveau Gouverneur a été officiellement installé dans ses fonctions le 12 juillet 2007 à Yaoundé. Source : www.beac.int/beac_int.html. * 54 Avant cette réforme, la Banque était dirigée par un Gouverneur, assisté d'un Vice-Gouverneur et d'un Secrétaire Général. Cette Administration Centrale était complétée par neuf Directions centrales, cinq Départements et une Cellule d'Etudes. Source : www.beac.int/coorporate/sgodcm.htm. |
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