Paragraphe 2 : Revue de littérature et
méthodologie adoptée
A- Revue de littérature
Cette revue de littérature sera essentiellement
consacrée à la clarification des principaux concepts de notre
travail. Cette clarification nous permettra de faire le point de nos
connaissances, et nous servira de base théorique pour ce travail.
1 - LA SOCIETE CIVILE
La notion de société civile est ambiguë.
Elle a connu dans son histoire un renversement complet de sens. De
l'Antiquité au XVII ème siècle, la société
civile est opposée à l'État de nature, elle signifie toute
société politiquement organisée. Venant du latin, les
termes civitas, societas civilis ou encore res publica resteront longtemps
synonymes. Ce n'est qu'après la Révolution française et la
conception unitaire de l'Etat-nation imposée par elle que la notion de
société civile est opposée à l'État, pour
signifier ce qui relève du domaine privé, de la
société sans l'État. Des traces de cette
ambiguïté demeurent dans le vocabulaire. Les adjectifs « civil
» et « civique » ont la même racine. Le concept de
société civile trouve sa formulation systématique en 1821
dans Les Principes de la philosophie du droit de Hegel. En introduisant ce
concept, Hegel prenait acte du changement le plus significatif de la
modernité politique: la séparation de la « vie civile »
et de la « vie politique », de la société et de
l'État; changement concomitant à la révolution
industrielle (montée de la culture bourgeoise, importance et autonomie
accrue de la sphère économique) et politiquement consacré
par l'effondrement de l'Ancien Régime.
Quant au terme « société », du latin
« societas », on peut lire les synonymes ci-après :
civilisation, culturelle, état, humanité. Cette intrusion dans
l'univers sémantique des termes a permis de préciser le sens de
l'expression « société civile ». La
société civile peut vouloir dire l'ensemble des citoyens d'un
Etat qui, pétris de patriotisme, conscients de leur identité
propre, s'unissent sur la base de lois définies et s'emploient à
édifier une Nation développée, libre et prospère
oû chacun s'épanouit et se réalise sans barbarie ni
chauvinisme. Autrement dit, la « société civile »
compte tenu de l'immensité des tâches à accomplir n'est
concevable que
comme : « un rassemblement volontaire de tous les
citoyens conscients, véritables forces patriotiques,
méthodiquement organisés en groupes de pression. Ceux-ci agissant
comme porte-voix des sans voix se détermineront à contenir les
dérapages politico administratifs, à contrer les
excentricités idéologiques et dogmatiques, à combattre les
exactions militaires , à s'opposer enfin à toutes sortes
d'excès, susceptibles de menacer l'ordre, la paix et la cohésion
sociale »3 .
Elle sera également définit comme « une
auto-organisation indépendante de l'Etat dont les éléments
constitutifs s'engagent volontairement dans l'action publique en vue de
poursuivre des intérêts individuels, de groupe ou nationaux, dans
un contexte légalement défini de relations Etat et
société »4. Dans cette pluralité de
définitions, nous adopterons celle- ci qui présente les quatre
caractéristiques principales qui seront utiles dans la mise en oeuvre
des stratégies visant à son renforcement si on veut qu'elle
contribue au processus de consolidation de la démocratie :
a) Le pluralisme: la société civile est faite
d'un vaste complexe d'organisations et d'institutions autonomes, formelles ou
informelles, au-delà de la famille, simple ou étendue, du clan,
de la tribu ou de l'ethnie, mais en deçà de l'Etat. Ces
composantes de la société civile sont de toute nature
(économique, développementale, professionnelle, culturelle,
intellectuelle, civique, sociale, etc.).
b) L'autonomie signifie que les institutions de la
société civile ne doivent pas être confondues avec celles
de l'Etat et avec celles de la société politique (partis
politiques, alliances inter partis, leadership politique et parlements).
c) L'existence d'un cadre légal permettant
l'auto-organisation et définissant les termes des relations Etat et
société et garantissant de ce fait l'autonomie de l'un par
rapport à l'autre et aussi celle des groupes sociaux entre eux, de
même que leur pluralisme, cette base institutionnelle de la
société civile pouvant varier d'un Etat à un autre.
d) L'identité des acteurs sociaux et les buts vers
lesquels leurs activités (collectives et individuelles et qui ont leurs
propres règles), formelles et informelles sont orientées,
définissent le caractère et l'organisation de la
société civile.
3 Jean-Baptiste Elias ; Communication sur
Démocratie, Société Civile et Gouvernance en Afrique
(1998) ; p5.
4 Idem, p8.
La société civile ainsi
caractérisée a des fonctions motrices et développantes
pour la démocratie. En effet, une société civile
vigoureuse et dynamique de par ses caractéristiques intrinsèques
va contribuer de manière déterminante à travers sept (07)
diverses fonctions, au processus d'établissement et de consolidation de
la démocratie :
Une fonction de régulation et de contrôle de
l'Etat ; une fonction de mobilisation multi-sectorielle ; une fonction de
re-socialisation et de réconciliation ; une fonction de
complémentarité par rapport aux partis politiques ; une fonction
éducative ; une fonction de communication et d'information ; une
fonction de recrutement et de formation des leaders.
2 - LA BONNE GOUVERNANCE
Le terme de gouvernance est apparu à la fin des
années 80 dans le vocabulaire de la Banque Mondiale, à l'occasion
de bilans sur la politique d'ajustement structurel menée depuis 1980.
Confrontés aux échecs répétés des programmes
économiques d'inspiration néo-libérale mis en place par
les institutions financières internationales dans un ensemble de pays en
développement, les experts incriminent le cadre politico institutionnel
défaillant de ces pays et recommandent d'agir en amont sur leur mode de
gouvernement. Selon les experts, ce sont ces distorsions d'ordre politique qui
sont à l'origine de la plupart des problèmes économiques
rencontrés en Afrique, en Amérique Latine, en Europe orientale ou
encore dans les pays de l'Est.
Les institutions financières internationales ont en
effet pris conscience qu'il était impossible de tout régler par
des réformes économiques et de continuer à reléguer
les questions politiques et sociales au second plan dans le débat sur le
développement. Peu à peu, il est apparu qu'aucun projet
économique ne pouvait aboutir sans une légitimité
politique et une efficacité minimum des institutions politiques. Le
politique a donc bien vite été perçu comme un obstacle au
bon fonctionnement des marchés et d'une manière
générale à la progression du libéralisme dans ces
pays.
Pour s'occuper de questions d'ordre politique, la Banque
Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI) et les Banques
régionales de développement ont cependant dû contourner un
obstacle de taille, celui de leur statut qui leur interdit expressément
d'intervenir dans le champ politique. Pour pouvoir agir sur des questions hors
de leur compétence, mais ayant des incidences fortes sur le
succès des programmes de prêt, les institutions
financières
internationales ont fait appel à la notion de
gouvernance. Celle-ci présente l'avantage de libeller en termes
techniques des problèmes éminemment politiques et donc
d'éviter de parler de " réforme de l'Etat " ou de " changement
social et politique ". Les organismes de prêt internationaux ont ainsi
trouvé une parade leur permettant d'échapper aux critiques les
accusant d'outrepasser leurs compétences ou condamnant leur
ingérence dans la politique intérieure et l'administration des
pays emprunteurs.
Un volet " bonne gouvernance " a donc été
introduit dans les programmes des organismes internationaux de financement. Des
réformes institutionnelles ont été
préconisées au côté des programmes
économiques néo-libéraux et justifiées par la
poursuite du développement économique ; ces réformes ont
été promues non pas pour que s'affirment les
considérations sociales et politiques sur l'économique mais bien
pour rendre ces programmes plus efficaces. Ceci parce qu'une gestion du secteur
public, efficace et transparente, est un point crucial de l'efficacité,
à la fois des marchés et des interventions gouvernementales, et
partant de là du développement économique.
La gouvernance n'a jamais fait l'objet de définition
précise dans le contexte des politiques de développement. La
Banque Mondiale traduit la gouvernance comme " la manière par laquelle
le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques
et sociales d'un pays au service du développement ". Le Comité
d'aide au développement de l'OCDE, dont les travaux se sont inscrits
dans la mouvance de ceux de la Banque Mondiale, la définit comme "
l'utilisation de l'autorité politique et l'exercice du contrôle en
rapport avec la gestion des ressources d'une société en vue du
développement économique et social ".
La bonne gouvernance, c'est également « la gestion
responsable et transparente des ressources humaines, naturelles,
économiques et financières pour un développement
équitable et durable » (art.9 Convention ACP-UE).
Les participants à la Conférence Economique
Nationale tenue au Bénin du 09 septembre au 14 décembre 1996 ont
défini la bonne gouvernance comme suit : « Intimement liée
à la Démocratie, au développement et aux valeurs
culturelles, la bonne gouvernance est la bonne gestion des ressources de la
société aussi bien matérielles, humaines que
financières, donc un mouvement participatif. Elle permet la rigueur dans
la gestion des biens publics et abouti à la création des
richesses. Elle ne doit pas s'appliquer au seul Etat, mais à la
société dans sa globalité avec tous les acteurs sociaux.
Elle ne doit pas être liée aux seuls problèmes
de corruption et de détournement, mais doit embrasser
tous les acteurs de la vie sociale, en particulier les comportements,
l'éducation et la formation, les structures et l'organisation...
».
Pour le Mécanisme Africain d'Evaluation par les Pairs
(MAEP), « la bonne gouvernance implique l'existence de procédures
de prise de décision claires au niveau des pouvoirs publics, des
institutions transparentes et responsables, la primauté du droit dans la
gestion et la répartition des ressources, le renforcement des
capacités pour l'élaboration et la mise en oeuvre des mesures
visant en particulier à prévenir et à combattre la
corruption ». Nous retiendrons dans l'optique de notre travail, cette
définition du MAEP.
3 - LE DEVELOPPEMENT
Le concept de développement n'est pas un mythe, il est
un concept réel aux définitions variées et
évolutives. Selon Castoriadis, philosophe Grec, tentant de cerner la
genèse historique des significations qui s'attaquent au terme
développement, il le définit comme se référant
à un "processus de réalisation du virtuel" qui associe
développement et idée de maturité.
Avec Descartes émerge au 17e siècle
une compréhension moderne du développement. Compréhension
essentiellement liée à la croyance dans les pouvoirs
illimités de la raison humaine qu'il inaugure en démontrant que
le monde physique peut être connu à travers le langage
mathématique. L'idée est transposée par la bourgeoisie au
domaine de la production et crée la croissance illimitée de la
production, but ultime de la vie humaine grâce à l'application de
la science à l'industrie. Ainsi, naît l'idéologie du
progrès. Dès lors, le développement notamment
économique et social est compris comme celui qui consiste à
sortir de tout état défini. La maturité réside ici
dans la capacité à croître sans fin. Depuis
l'avènement des Pays en Développement, la terminologie a
successivement signifiée, industrialisation, urbanisation, croissance
économique, développement politique, modernisation.
Pour David Apter, le développement est compris comme un
" processus très général d'extension universelle. Il
concerne tous les changements, qu'ils tiennent à une modification de la
stratification sociale, ou à une nouvelle répartition des
rôles sociaux. Il résulte aussi de la prolifération et de
l'intégration des rôles fonctionnels d'une communauté".
Aujourd'hui le concept connaît des évolutions, c'est
ainsi que l'on parle d'éco- développement, de
développement durable, de développement humain authentique.
Le concept éco-développement est de Sachs
(1987). Il est compris comme un développement respectueux de
l'environnement et adapté aux ressources de la population.
Le développement durable vise à rendre durable
le développement et ce faisant, à préserver les
générations montantes du chômage ; autrement dit à
préserver d'une génération à l'autre le stock de
capital nécessaire pour assurer le bien être des
générations présentes et futures. (Coméliau,
1990).
Le développement durable est le développement
qui satisfait les besoins de la génération actuelle sans priver
les générations futures de la possibilité de satisfaire
leurs propres besoins. (CNUED, Rio de Janeiro 1992).
Le développement durable est la traduction de
l'expression anglaise " sustainable developpement".
L'adjectif "sustainable" est aussi traduit par soutenable,
acceptable, viable, raisonné afin de prendre en compte la dimension
éthique et l'inscription dans le temps de cette notion.
L'expression " développement durable " qualifie, pour
chaque acteur concerné, un développement respectant
simultanément l'efficacité économique,
l'équité sociale et le respect de l'environnement. Le
développement ne peut être durable que s'il est à la fois
économique, social et environnemental.
Il doit s'appuyer sur trois piliers : un pilier
économique, qui vise des objectifs de croissance et d'efficacité
économiques ; un pilier social, qui vise à satisfaire les besoins
humains et à répondre à des objectifs
d'équité et de cohésion sociale. Il englobe notamment les
questions de santé, de logement, de consommation, d'éducation,
d'emploi, de culture et un pilier environnemental, qui vise à
préserver, améliorer et valoriser l'environnement et les
ressources naturelles sur le long terme.
Selon la définition de l'UNESCO, le
développement peut être « considéré comme une
série de transformations plus ou moins linéaires, progressant,
grâce aux évolutions technologiques, des modes de production
primitifs, vers d'autres formes plus sophistiquées,
des dures épreuves de la vie quotidienne vers une vie
plus confortable ». (ABC des Nations Unies, New York : ONU, 1998)
Cette définition semble concilier les deux
écoles « quantitativiste » et « qualitativiste» du
développement et se trouve en harmonie avec celle donnée par
Lahsen ABDELMALKI et Claude COURLET (1988) selon laquelle le
développement est l'ensemble des « changements qualitatifs et
structurels nécessaires pour accompagner la croissance du produit net et
plus largement du bien-être ». C'est aussi l'approche du PNUD avec
l'adoption de l'Indice de Développement Humain Durable.
Le développement est un processus qui met en oeuvre des
dispositions intellectuelles, culturelles de l'homme (facteur qualitatif) et
une certaine organisation matérielle des biens et de la
société (facteur quantitatif). Le processus de transformations
matérielles et structurelles s'opère sous l'effet des
dispositions intellectuelles et culturelles de l'homme dans une
société donnée. Au regard de cela, le facteur
déterminant dans ce processus est le facteur humain, c'est-à-dire
qualitatif et tout développement s'opère à partir de
cela.
La définition de l'UNESCO à savoir : le
développement peut- être « considéré comme une
série de transformations plus ou moins linéaires, progressant,
grâce aux évolutions technologiques, des modes de production
primitifs, vers d'autres formes plus sophistiquées, des dures
épreuves de la vie quotidienne vers une vie plus confortable » sera
retenue pour cette étude.
4 - LA DEMOCRATIE
Le mot démocratie vient de deux racines grecques,"
démos " qui signifie peuple et " kratos " qui veut dire règne ou
pouvoir. La démocratie signifierait alors le pouvoir du peuple. Elle est
conforme à la nature humaine en ce sens qu'elle est un système de
valeur universelle fondé sur la reconnaissance du caractère
inaliénable de la dignité et l'égale valeur de tous les
humains.
Le mot démocratie a des définitions multiples.
Mais, cette surcharge sémantique apparaît à la science
politique comme inhérente à la notion même de
Démocratie. C'est qu'en effet la démocratie n'est pas seulement
une manière d'être des institutions, elle est plus encore
peut-être une exigence morale. Or cette exigence n'est pas
définissable dans l'abstrait, car son
contenu est déterminé à la fois par
l'insatisfaction que procure une situation présente et par l'image de ce
que serait un ordre politico-social meilleur. Il en résulte que le sens
du mot démocratie varie selon le milieu et le moment dans lequel il est
employé et selon le contexte doctrinal dans lequel il se trouve.
Que cette dualité du terme soit
génératrice d'équivoque, c'est incontestable. Mais,
à exclure l'ambiguïté pour élaborer une
définition scientifique, sans bavure, on risquerait de ne pas rendre
compte du dynamisme qui est inclus dans l'idée démocratique et
fait d'elle l'un des facteurs les plus puissants d'évolution des
sociétés. Toute l'histoire prouve que la démocratie
réalisée n'est jamais qu'un moment du mouvement
démocratique. Un mouvement qui jamais ne s'arrête, car pour les
hommes qui le suscitent, la démocratie c'est le Bien. Ainsi, elle n'est
pas seulement une formule d'organisation politique ou une modalité
d'aménagement des rapports sociaux ; elle est une valeur. Et c'est cette
valeur, - l'inaliénable vocation des hommes à prendre en charge
leur destin, tant individuel que collectif- qui constitue l'unité
profonde de ce que, pour la clarté de l'analyse, on appelle les
différentes conceptions de la démocratie.
C'est pourquoi, il n'apparaît pas que ce serait une
bonne méthode que de les isoler pour les décrire en les opposant.
En réalité, elles s'enchaînent les unes aux autres comme
autant d'incarnations de l'idée démocratique qui se fait de plus
en plus exigeante au fur et à mesure que ses impératifs sont
satisfaits. Certes, cet enrichissement du concept ne va pas sans
altération du principe initial ; mais en fait, ce qui diffère
c'est la méthode utilisée par les gouvernants pour
réaliser la démocratie, ce n'est pas l'attente des hommes qui
placent en elle l'espoir d'une vie meilleure.
5 - LA PAIX
Selon le dictionnaire Le Robert, le mot paix traduit les
rapports entre personnes qui ne sont pas en conflit. La paix n'implique pas de
relations positives entre personnes. Elle désigne plutôt des
rapports calmes, qui peuvent d'ailleurs n'être que de pure forme. La paix
désigne également un état de calme, de tranquillité
sociale caractérisée à la fois par l'ordre
intérieur dans chaque groupe, et par l'absence de conflit armé
entre groupe. La paix est également définit comme étant le
commencement de la compréhension mutuelle, du respect et de
l'appréciation de l'autre en tant que différent de nous. La paix
positive, c'est la coexistence des esprits et des coeurs. Cette
définition de la paix positive vaut tout autant pour la paix
entre groupes, nations, blocs, etc., que pour la paix entre
individus. (Bâtir la paix. Dominique Pire. Verviers, Belgique,
Gérard & Cie, Coll. Marabout, 1966, p. 61).
Comme concept voisin, nous avons la paix romaine (PAX ROMANA).
C'est la paix que faisait régner la civilisation romaine, elle
était opposée au chaos menaçant de la barbarie. Maintien
de la paix et règlement pacifique des conflits.
Ses concepts relèvent de la problématique de la
sécurité collective, c'est-à-dire d'un régime
visant à garantir multilatéralement, par un dispositif juridique,
l'indépendance politique et l'intégrité territoriale de
chacun des Etats de la communauté internationale. Impliquant un sens
à la fois dynamique et statique, le maintien de la paix englobe
l'idée de restauration aussi bien que de préservation de celle-ci
et, de ce fait, peut exiger le recours à des moyens coercitifs autant
que préventifs. A première vue, le règlement pacifique des
différends semble ne devoir être qu'une simple modalité
préventive du maintien de la paix. La réalité est plus
complexe. D'une part la pratique des Organisations internationales de
sécurité collective (ONU, SDN) révèle que les
procédures de règlement pacifique sont souvent utilisées
postérieurement au recours à la force. D'autre part, le
règlement des différents a une finalité curative en
principe, alors que celle du maintien de la paix est normalement
conservatoire.
6 - LA SECURITE
Le concept de sécurité est à l'origine de
la théorie moderne de l'Etat puisque la première mission de
celui-ci est de protéger les membres de la collectivité qui, en
retour, lui prêtent allégeance. La monopolisation de la violence
par l'Etat a pour finalité d'interdire son exercice afin de mettre fin
à l'anarchie et à la loi du plus fort. Chez Hobbes, la
sécurité est l'équivalent de la paix civile à
l'ombre de laquelle les protagonistes du "contrat social" jouissent de leurs
droits naturels. Avec l'émergence de l'Etat-nation, le concept a fait
corps avec l'Etat, incarnation des intérêts collectifs de la
communauté nationale. Le caractère conflictuel des relations
internationales et l'animosité qu'entretiennent les Etats entre eux ont
créé les besoins de la sécurité de l'Etat et de la
sécurité nationale menacée par des Etats étrangers.
Le concept de sécurité est par conséquent devenu
constitutif de la discipline des Relations Internationales qui l'a toujours
rattaché à la notion d'Etat au centre de la problématique
de l'approche "réaliste" construite sur les catégories de
puissance, d'intérêt national, d'ennemis, d'alliances
stratégiques, etc.
Depuis deux ou trois décennies, le monde a
profondément changé au niveau des relations entre les Etats et
les peuples, particulièrement au Nord où la guerre semble
être tombée en désuétude, surtout depuis la chute du
mur de Berlin et l'effondrement de l'exUnion Soviétique. De nombreux
acteurs non-étatiques ont un rôle de plus en plus grand sur la
scène mondiale (firmes transnationales, ONG, opinion internationale...),
contribuant à élargir le concept de sécurité
à toute activité sociale, le libérant de son cadre
strictement militaire pour le relier à la démocratie et à
la bonne gouvernance nationale et internationale.
Malgré la rigueur à laquelle prétendent
les "réalistes", le concept de sécurité est peu
défini par cette école de pensée, ou plutôt
limité à la défense militaire de l'Etat potentiellement
menacé par d'autres Etats, ce qui renvoie au modèle westphalien,
juxtaposition de souverainetés nationales entretenant entre elles des
relations tantôt amicales tantôt agressives. Ce modèle, dont
les deux éléments constitutifs sont le soldat et le diplomate, a
été miné par les flux transnationaux portés par des
forces qui lui ont fait perdre sa cohérence structurelle. Ces forces de
nature économique, religieuse, écologique... se manifestent en
dehors du contrôle des Etats et ignorent la frontière territoriale
(Cf. R.O. Keohane et J. Nye, "Transnational Relations in World Politics ",
Cambridge, Harvard University Press, 1972).
Avec l'approfondissement des rapports transnationaux, la
notion de sécurité semble dépassée dans son
acception traditionnelle. Son intérêt exclusif pour l'Etat, organe
personnifié au nom duquel parle une bureaucratie qui le coupe de la
population, la rend inadaptée aux évolutions des
mentalités et des aspirations des gens. Il y a eu comme une prise de
conscience pour le rejet de l'Etat comme une institution sacrée
au-dessus des hommes, insensible à leurs besoins. La bureaucratie
définissait les critères de sécurité de l'Etat et
désignait des ennemis potentiels, se trouvant aussi à
l'intérieur des frontières. L'obsession de la sûreté
de l'Etat dresse celui-ci contre une partie des membres de la Nation
suspectée d'être infectée par des ennemis, d'où la
répression et la méfiance des gouvernants vis-à-vis des
gouvernés.
Nous retiendrons finalement la définition de Hobbes
à savoir : la sécurité est l'équivalent de la paix
civile à l'ombre de laquelle les protagonistes du "contrat social"
jouissent de leurs droits naturels.
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