Les échanges transfrontaliers entre la ville de Rosso Sénégal et la Mauritanie: Organisation et impacts( Télécharger le fichier original )par M. Souleymane DIALLO Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - DEA de Géographie 2004 |
b) Les agents de change ou « trafiquants »Rosso Sénégal correspond à une limite de deux zones monétaires : La zone de la Communauté financière Africaine et la zone de l' UGUYA (UM) de la Mauritanie. Ces deux monnaies n'ont pas le même coure ni la même valeur d'échange. Des deux, le Franc CFA est la plus convertible. Le quai de Rosso se singularise par les flux massifs d'argent qui sont brassés chaque jour. Ici l'argent circule, il est échangé c'est à dire « acheté » ou « vendu ». Cette activité est devenue un créneau pour de nouveaux acteurs qui proposent ainsi un service de change qui concurrence rudement le change fait au taux officiel déterminé par les banques centrales. Ces acteurs sont communément des « trafiquants » dans le jargon local. En réalité c'est des agents de change informels. Ils participent très activement au système des échanges dont ils constituent un élément important. Le service qu'ils proposent facilite les transactions et rend plus fluide les flux transfrontaliers en permettant aux voyageurs et commerçants de faire des gains de temps substantiels. Comme il s'inscrit dans une informalité caractérisée, les trafiquants ont une perception de l'argent qui fait qu'ils le considèrent telle une marchandise comme tout autre. En effet, l'opération de change fait l'objet de marchandage sur le taux entre « trafiquants » et clients comme entre commerçants et clients. Les commerçants et les voyageurs avertis savent que le taux de change fluctue couramment et de ce fait, n'hésitent pas à le marchander. Cette situation s'explique simplement par le coure instable de l' U M tantôt en hausse tantôt en baisse. Les « trafiquants » jouent naturellement sur cette instabilité pour fixer des taux qui leur permettent de faire des bénéfices énormes au détriment des clients. Les « trafiquants » ont été très difficiles à aborder. Ils sont frileux et peu loquaces lorsqu'on les questionne sur le travail qu'ils font. Cela n'a pas été une surprise car leur activité est informelle et son utilité sociale ne lui enlève pas son caractère d'activité illégale. L'instinct de survie accroît leur méfiance à l'endroit de tout individu, inconnu, qui veut en savoir plus sur leur travail au lieu de demander simplement un service de change. Ils ne sont pas structurés. On ne trouve trace d'une quelconque association ou organisation qui les réunit. La municipalité a un grand mal à les repérer. Ils ne payent pas de taxes ni au trésor public encore moins à la collectivité locale. Ils n'ont donc pas de charges administratives ou fiscales. Ainsi ils sont des concurrents redoutables pour les bureaux de changes officiels qui ont simplement fermé boutique. Présentement on ne trouve aucun bureau de change officiel implanté à Rosso. De l'avis de Y.D59(*) gérant d'un télé centre (Espace Tel Plus) au Marché de Rosso Sénégal, « j'ai tout simplement fermé mon agence ce change qui était agréé par les autorités locales et qui me faisait payer des taxes énormes aux trésor public pour la reconvertir à ce télé centre qui est pour moi de loin plus rentable »60(*).Cet avis démontre que la présence des trafiquants n'est pas exempte d'effets négatifs pour la collectivité locale. C'est une activité qui génère certes des revenus pour ceux qui en font la pratique mais c'est aussi une perte considérable de recettes pour la commune de Rosso Sénégal en empêchant le développement d'autres secteurs. En effet la Compagnie Bancaire Ouest Africaine qui avait ouvert une agence sur place a du la délocaliser à Richard Toll tant la concurrence des « trafiquants » était insoutenable pour ces agences formelles. Le marché du change semble bien se porter malgré la réticence affichée par les acteurs à le reconnaître. L'activité de change est très sensible à la fluctuation des cours des différentes monnaies en circulation. Le constat que nous avons fait est que, les « trafiquants » sont de véritables banques ambulantes. Ils gardent par devers eux des sommes d'argent énormes en différentes devises. Il nous à été très difficile de savoir exactement les montants qu'ils pouvaient détenir sur eux mais le choc visuel est sans équivoque. En effet, les attachés cases et les mallettes qu'ils ont débordent de billets de banque. Du franc CFA à l'Euro ils échangent des devises en prélevant des commissions. Dans le système des échanges à Rosso ils jouent un rôle essentiel. Leur activité s'intègre dans le secteur informel ce qui ne l'empêche pas de faciliter les échanges, de les rendre plus fluides et plus efficaces. C'est une activité qui attire de plus en plus de monde et contribue ainsi à résorber le taux de chômage. Beaucoup de migrants, surtout les soninkés et les haalpoulars s'activent dans ce sous secteur dont ils détiennent ici le monopole. Des réseaux très structurés sont établis. Il y' a les rabatteurs qui accueillent les clients, leur proposent le service avant des les conduire vers les véritables « trafiquants » qui sont souvent détenteurs de cantines où ils tiennent boutique. * 59 Y. DIALLO, ancien étudiant, opérateur économique et gérant du Complexe Tel Plus à Rosso. * 60 Nous avons eu un entretien avec lui dans ses locaux. Les séances se sont tenues lors des heures de pause du bac qui occasionne la diminution des clients. |
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