1.2. Les positions de négociation à l'OMC
vis-à-vis des subventions et les solutions préconisées.
Les pays d'Afrique caraïbes pacifiques (ACP) sont
engagés dans deux processus de négociations parallèles
d'une importance cruciale pour leurs échanges et leurs politiques
agricoles. D'un côté, les négociations
multilatérales sous l'égide de l'OMC et de l'autre, les
négociations bilatérales avec l'UE sur les accords de partenariat
économique.
1.2.1 Aperçu sur l'OMC
C'est avec la révolution industrielle que naissent les
bases du développement du commerce international. Des économistes
comme les anglais Adam Smith et David Ricardo furent les premiers pionniers au
19e siècle à explorer les fondements du commerce
international dans le cadre de leur plaidoyer en faveur du libre
échange. A travers les concepts « d'avantages
absolus » et « d'avantages comparatifs », les (2)
économistes anglais démontrent respectivement que le commerce
international soutenu par le libre échange est un jeu à somme
nulle et bénéfique pour tous les échangistes. Ils sont
appuyés dans leur conception par J S Mill qui précise que la
répartition de gain total de l'échange est basée sur les
relations de demande. Suite à toutes ces démonstrations, en 1947
fut signé l'Accord Général sur les Tarifs et le Commerce
(GATT) par les pays industrialisés capitalistes de l'époque.
Comme dans tout mouvement humain, les libre-échangistes sont
contrés à l'époque par des économistes
anti-libéraux. Ceux-ci soutiennent par la thèse de
l'échange inégal et celle de l'impérialisme
l'iniquité du libre-échange. Les travaux d'Hobson et d'Hilferding
au 19e siècle furent les premières critiques qui
démontrent que le commerce international n'est pas source de gain pour
tous les co-échangistes mais au contraire celle de
« l'exploitation » de certaines nations par d'autres.
Ainsi, Lénine développe la thèse de l'impérialisme
dans « l'impérialisme, stade suprême du
capitalisme ». Par la suite, la deuxième vague de critique
basée sur les théories de « l'échange
inégal » stipule que le commerce international n'est qu'une
forme de pillage des tiers-nations par les nations industrialisées
capitalistes. Il ressort de cette assertion qu'il n'existe pas d'avantages
comparatifs pour de nombreux petits pays engagés dans une
« croissance appauvrissante ». Dans les années
50, la critique se poursuit avec l'analyse de « l'échange
inégal » développé par le brésilien Raoul
PREBISH. Il avance la thèse de la détérioration des termes
de l'échange entre les « développés »
et les « non développés » à partir
d'une étude sur l'Amérique Latine de 1876 à 1938.
Aujourd'hui, nous assistons au triomphe du capitalisme avec une mondialisation
de l'économie fondée sur l'éloge de l'économie de
marché et de libre-échange. C'est ainsi que sous l'incitation des
institutions de Brettons Wood à l'époque soutenue au plan
politique par le président Ronald REAGAN des Etats Unis et le
premier Ministre anglais Margaret TEACHER que se développent les
trois principes fondamentaux du commerce international que sont :
- la libéralisation de l'économie ;
- la non discrimination ;
- le refus d'un encouragement inéquitable des
exportations.
L'objectif principal de ces principes est de rendre
l'économie mondiale encore plus intégrative au marché dans
un souci de mondialisation. Dans l'ensemble, les interventions du GATT ont
réussi mais partiellement. Elles ont pu réduire les droits de
douane sans pour autant enregistrer le même succès quant à
la suppression des obstacles non tarifaires. Ainsi la protection de
l'agriculture à travers les mesures des normes et les subventions sont
demeurées. Ces insuffisances donnent naissance à l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) en remplacement du GATT en 1994. Cette nouvelle
organisation vise sur le plan agriculture et selon l'accord agricole (mise en
application le 1er juillet 1995), les objectifs suivants :
- faciliter l'accès au marché ;
- réduire le soutien interne à la
production ;
- améliorer la concurrence à l'exportation.
1.2.2 Les positions de négociations à
l'OMC et les solutions préconisées
Les enjeux de la négociation multilatérale
agricole portent en particulier sur les trois piliers de l'accord sur
l'agriculture : (i) l'amélioration de l'accès au
marché par la réduction des barrières tarifaires et non
tarifaires ; (ii) les disciplines concernant l'utilisation de soutiens
internes afin que les aides attribuées aux agriculteurs
n'entraînent pas d'effets de distorsion sur les marchés ;
(iii) les disciplines relatives aux soutiens à l'exportation. Quant aux
enjeux de la négociation des APE, ils portent principalement sur les
produits qui peuvent être exclus des APE, sur le calendrier de mise en
oeuvre,mais aussi sur le volet développement qui est censé
distinguer un APE d'un accord de libre échange (ALE) classique.
Ainsi lors de la réunion ministérielle de l'OMC
de juillet 2004, les solutions suivantes ont été
préconisées :
- sur l'agriculture, secteur
d'activité de l'essentiel des populations de l'Afrique subsaharienne,
malgré les déclarations d'intention des pays
développés de supprimer les subventions à l'exportation
des produits agricoles qui causent de graves préjudices aux pays
pauvres, aucune décision concrète n'a été prise
pour fixer un calendrier d'élimination de ces subventions de
façon à renforcer la compétitivité de l'agriculture
africaine.
- S'agissant du coton, le conseil
général avait décidé de son traitement rapide
ambitieux et spécifique. Le traitement n'a été ni rapide
ni ambitieux encore moins spécifique. Entre juillet 2004 et juillet 2005
les subventions distorsives aux cotonculteurs des pays développés
(quelques dizaines de milliers) ont continué à sévir
dépassant le milliard de dollars des Etats-Unis tandis que les
producteurs de coton d'Afrique au Sud du Sahara ont perdu dans le même
temps 450 millions de dollars. Les 15 millions de personnes concernées
sont devenues encore plus pauvres, non pas parce qu'ils ont travaillé
moins ni qu'ils ont été moins performants au plan de la
qualité de leur travail, mais simplement parce que la loi du plus fort
continue de prévaloir dans le système des échanges
internationaux.
- Sur l'accès aux marchés :
une étude d'Oxfam de mars 2002 - la situation n'a guère
évolué depuis- montrait que « si l'Afrique accroissait
de 1% sa part des exportations mondiales, les 70 milliards de dollars
générés représenteraient approximativement le
quintuple du montant consenti à la région au titre de l'aide et
de la réduction de la dette ». Les programmes de lutte contre
la pauvreté s'en trouveraient assurément mieux soutenus. Mais
l'accès aux marchés des produits agricoles, de l'Afrique au sud
du Sahara notamment, se heurte à des barrières commerciales quasi
insurmontables. L'image invoquée par cette étude d'Oxfam est tout
à fait parlante à cet égard car elle renvoie à une
course d'obstacles où les sportifs les plus faibles doivent sauter les
obstacles les plus hauts. « Lorsque les petits agriculteurs ou les
ouvriers de l'industrie textile les plus pauvres pénètrent les
marché mondiaux, ils se voient opposer des obstacles à
l'importation quatre fois plus élevés que ceux auxquels les
producteurs des pays riches sont confrontés ». A ce jeu,
l'Afrique perd deux milliards de dollars l'an si l'on en croit Oxfam.
- Concernant les tarifs industriels, les
membres de l'OMC n'ont pas encore trouvé de consensus sur la formule de
réductions tarifaires à appliquer alors que les pays du sud
exportateurs de produits de base (sucre, banane, etc) sont de plus en plus
inquiets de l'effet de l'érosion des marques
préférentielles sur leurs économies.
- Sur les questions de développement
non plus, il n'y a pas eu, à proprement parler d'avancée. Si nous
pouvons nous féliciter d'initiatives tels que le cadre
intégré ou le JITAP qui ont pour objet de renforcer les
capacités de production et d'offre des PMA et des pays en
développement, nous devons malheureusement déplorer que les
engagements des pays développés pour appuyer ces programmes n'ont
pas été jusqu'ici respectés. Il n'y a pas de mobilisation
effective de ressources financières pour permettre de financer les
projets et programmes des pays éligibles afin de leur permettre de mieux
intégrer le système commercial multilatéral et de vaincre
la pauvreté.
1.3 Les accords bilatéraux avec l'union
européenne
L'agriculture est un secteur vital pour les pays ACP. Il
représente la principale source de devises pour la plupart des pays ACP
et la majorité de la population en dépend directement pour sa
subsistance. D'une part, l'UE constitue le principal partenaire commercial pour
la plupart des pays ACP, particulièrement en Afrique. C'est pourquoi les
réformes des politiques agricoles en cours, comme le processus
d'intégration régionale et à présent les
négociations APE et agricoles à l'OMC, sont d'une importance
cruciale pour les pays ACP.
1.3.1 Les accords UE/ACP
Selon l'UE, les APE serviront de leviers pour le
développement, en permettant l'établissement de marchés
régionaux efficients et attractifs pour l'investissement. Pour les ACP,
les réformes de politique des APE doivent correspondre à leurs
propres objectifs de développement et comprendre des mesures visant
à renforcer la compétitivité et à atténuer
les coûts d'ajustement à la libéralisation des
échanges et à l'érosion des préférences,
afin qu'ils soient en mesure de réaliser le potentiel du marché
dans le cadre des APE. L'UE en convient et déclare que l'accord de
partenariat de Cotonou fournit le cadre de développement et de soutien
pour les APE. Les négociations visant des engagements contraignants sont
actuellement accélérées en vue de la conclusion des APE en
2008, mais il n'y a toujours pas, entre les ACP et l'UE, d'entente mutuelle sur
les voies et moyens de garantir, en termes pratiques et opérationnels,
que la commission européenne met effectivement en oeuvre sa politique de
développement et les engagements découlant de l'accord de
partenariat de Cotonou, dans les délais fixés. Les pays ACP se
font de plus en plus entendre pour manifester leur mécontentement en ce
qui concerne la capacité de la commission européenne à
répondre à leurs préoccupations relatives aux questions de
développement dans les APE. A la suite de la réunion des
négociateurs en chef des régions ACP dans les APE, en octobre,
pour l'évaluation des négociations, le président a
adressé une lettre au président de la commission
européenne pour chercher à rationaliser la situation. Les ACP
souhaitent la mise en place des mécanismes opérationnels pour
garantir que tous les départements de la commission travaillent de
manière cohérente à la réalisation du potentiel de
développement des APE.
1 .3.2 Les accords UE/CEDEAO
Réunis les 22 et 23 juillet derniers à Bamako,
les ministres du commerce et des finances de la communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), ont bouclé leur
concertation sur les futures négociations ACP-UE. Au cours de cette
réunion, ils se sont penchés sur un certain nombre de points dont
la substance suit :
- Libéralisation effective des politiques
agricoles des pays du Nord : dans une
déclaration commune publiée à l'issue de deux
jours de travaux, les ministres ouest africains réclament le libre
accès de tous les produits des pays les moins avancés aux
marchés des pays développés. Ils exigent
l'élimination de toutes les formes de subvention aux producteurs dans
les pays développés, pour les produits destinés à
l'exportation qui contribuent à entretenir des flux d'échanges
artificiellement compétitifs sur nos marchés et l'instauration
d'une discipline sur les crédits à l'exportation.
Réclamant l'augmentation du niveau de « minima »
d'au moins 10% pour les pays en développement, les ministres de l'espace
CEDEAO demandent aussi le maintien et l'assouplissement des conditions de
recours à la clause de sauvegarde spéciale dans l'accord sur
l'agriculture renégocié.
- Sur le coton : pour le cas
spécifique du coton, les ministres du commerce et des finances de la
CEDEAO demandent que l'or blanc soit érigé en produit
spécial lors de la 5e conférence de l'OMC,
prévue en septembre prochain à Cancun. Les ministres exigent la
mise en place d'un système de réduction des soutiens à la
production cotonnière en vue de leur élimination totale et la
prise de mesures transitoires en faveur des pays en développement
producteurs de coton, notamment une indemnisation financière pour les
pertes de recettes liées aux pratiques de subventions des pays
développés.
- Accès aux marchés des produits non
agricoles : sur la question de l'accès aux marchés
pour les produits non agricoles, les ministres de la CEDEAO soutiennent toute
initiative visant à garantir un meilleur accès aux marchés
pour les produits non agricoles des pays en développement. Il s'agit
plus particulièrement d'un accès en franchise totale des droits,
sur une base consolidée, de tous les produits non agricoles en
provenance des pays les moins avancés.
- Accords commerciaux régionaux :
s'agissant des accords commerciaux régionaux, en prévision de
l'APE entre la région Afrique de l'Ouest et l'UE, les ministres
réaffirment la nécessité d'assurer une flexibilité
suffisante aux pays en développement, partie prenantes à des
accords de libre échange ou à des unions douanières
comprenant à la fois des pays du Nord et du sud.
Les ministres lancent enfin un appel pressant aux pays
développés et aux organisations internationales
multilatérales afin que soient mis en place des mécanismes et des
instruments financiers de développement appropriés capables
d'aider leurs pays à s'adapter et à s'ajuster au processus de
libéralisation des marchés.
En 2001 déjà, à Bamako, les ministres du
commerce, des finances, de l'intégration et les gouverneurs des banques
centrales de la CEDEAO et de l'UEMOA étaient arrivés à un
consensus sur la stratégie de l'Afrique de l'ouest dans la conduite des
négociations APE avec l'union européenne. L'APE, pour cette sous
région, est un instrument de développement économique, de
renforcement du processus d'intégration, d'amélioration de la
compétitivité des économies et d'ouverture des
marchés à l'union européenne. Les Etats membres de la
CEDEAO ont ainsi accepté de négocier collectivement un APE avec
l'UE. Une attitude qui leur impose de rendre effective leur zone de
libre-échange au plutard en fin 2004 et l'union douanière pour
fin 2007.
Dans cette logique, une session extraordinaire du conseil des
ministres de la CEDEAO se tiendra à Cotonou en fin août 2003 pour
accélérer cette évolution en tenant compte des
conséquences de l'ouverture des marchés et en mettant en place
des programmes de mise à niveau.
La communauté économique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest qui regroupe quinze pays est devenue depuis le premier janvier 2000
une zone de libre-échange, statut qui permet, entre autres, la libre
circulation des personnes, des services et des capitaux ainsi que la
liberté des activités commerciales et industrielles partout sur
le territoire de la communauté.
1.4 Les décisions rendues par l'organe de
règlement des différends sur les subventions américaines
de coton
Entre 1999 et 2003, 25000 producteurs de coton
américains ont reçu un total 12,47 milliards de dollars de
subventions au coton. Dans le même temps, plus de 10 millions de
producteurs d'Afrique de l'Ouest et du Centre (AOC) faisaient face à la
baisse de leurs revenus suite à l'effondrement le plus important des
cours mondiaux en prix constant depuis 1973.
Si la question des subventions au coton occupe aujourd'hui une
place spécifique sur l'agenda de l'OMC, elle le doit à une
combinaison de facteurs qui ont permis d'en faire un exemple des enjeux au
coeur du cycle de négociations actuel. Le cas du coton démontre
qu'en l'état actuel des choses, certains programmes de soutien à
l'agriculture au Nord ont un impact important sur le commerce des produits
agricoles au dépend des producteurs des pays en
développement.
Si bien d'autres produits agricoles sont concernés, le
cas du coton est de plus limpide : les montants versés au
bénéfice d'une minorité de producteurs américains
donnent le vertige et leur impact sur les prix et les échanges
internationaux a été légalement confirmé par
l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC. Il est
également essentiel de rappeler que les pays qui pourraient
bénéficier de règles plus équitables sur le
marché du coton font partie des pays les moins avancés. La
bataille sur le coton présente la particularité d'être
menée en parallèle par le Brésil et un groupe de pays
d'Afrique de l'ouest et du centre. Alors que le Brésil a opté
pour la voie juridique en déposant une plainte auprès de l'OMC,
les pays africains ont adopté une approche politique en imposant la
question du coton à l'agenda du cycle de négociations en cours
à l'OMC. Toutefois, il semble clair que ces deux approches se
complètent parce que permettant de maintenir une pression politique
constante sur les Etats-Unis.
1.4.1 La portée de la
décision
Une fois le principe de l'illégalité des
subventions américaines au coton reconnu, il reste à
déterminer quel serait l'impact d'une élimination de ces
programmes. Si les conséquences exactes d'un tel retrait varient selon
les simulations réalisées, la plupart s'accordent
néanmoins pour reconnaître que l'impact sur les prix mondiaux
ainsi que sur les exportations américaines serait significatif.
Les estimations présentées par le Brésil
devant le groupe spécial ont souligné qu'en l'absence de
subventions sur la période 1999-2002, la production de coton
américaine aurait été en moyenne moins
élevée d'environ 29% tandis que les exportations auraient
également diminuées de 41%. De plus, sur la même
période, les prix mondiaux du coton auraient été en
moyenne plus élevés d'environ 12,6%. Si le Brésil a
estimé avoir subi des pertes d'environ 478 millions de dollars en raison
des subventions américaines sur la période 1999-2002, les pays
d'Afrique producteurs de coton restent les plus durement touchés. En
Afrique de l'Ouest uniquement, 10 millions de personnes dépendent du
coton pour leur subsistance. Oxfam a ainsi estimé que l'Afrique dans son
ensemble perd plus de 400 millions de dollars par an en raison des distorsions
sur le marché du coton.
De même, l'élimination des subventions
américaines au coton sur la période 2003-2007 permettrait une
hausse des prix mondiaux d'environ 10,8%. Cette même étude
démontre que les programmes qui ont le plus d'impact sur les prix
mondiaux sont le « Step 2 », les prêts à la
commercialisation et les paiements anticycliques. Sur cette période, les
exportations américaines chuteraient d'environ 44%, créant ainsi
de nouvelles opportunités en terme de parts de marché pour les
producteurs africains.
Si ces chiffres illustrent le besoin de réformes
profondes aux Etats-Unis, et si la décision de l'OMC offre une
opportunité à l'administration américaine de revoir ses
programmes de soutien sur le coton, le processus de mise en oeuvre de cette
décision implique un processus législatif qui risque de retarder
l'élimination des programmes mis en cause. Il faut également
préciser que même si certains pays africains ont participé
à la plainte brésilienne en tant que Tierce partie, ils ne seront
pas impliqués lors de la phase de mise en oeuvre de la décision.
Cet état de fait souligne les limites de ce statut.
Si le statut du Bénin et du Tchad de participer
à la plainte brésilienne en tant que Tierce partie est à
remettre dans le contexte plus large de leur stratégie sur le coton,
elle illustre également les limites du système de
règlements des différends de l'OMC dans sa forme actuelle.
En effet, si la question d'une participation africaine aux
côtés du Brésil en tant que partie plaignante s'est
effectivement posée en 2002, les obstacles techniques, financiers et
surtout politiques inhérents à la participation à un tel
processus juridique ont clairement agi comme des barrières à
l'engagement des pays d'Afrique de l'ouest et du centre.
Alors que l'ORD en est à sa dixième année
d'existence en 2005, et qu'il est régulièrement
célébré comme une avancée majeure pour le
système commercial multilatéral, il reste important de rappeler
qu'aucun PMA n'a encore pris part à une plainte en tant que partie
plaignante. Le constat n'est guère différent sur la participation
entre 1995 et 2003. Si ces statistiques interrogent et remettent en cause le
système de règlement des différents dans sa forme
actuelle, elles soulignent également l'importance de la participation du
Bénin et du Tchad en tant que Tierce partie dans le cas de la plainte
brésilienne.
La participation des pays d'Afrique de l'ouest et du centre
à la plainte sur le coton était essentielle pour permettre au
groupe spécial de considérer l'impact des subventions
américaines au coton au delà du Brésil. Le
« mémorandum d'Accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends
définit dans son article 10 le statut de Tierce partie. Il y est
stipulé que « tout membre qui aura un intérêt
substantiel dans une affaire portée devant un groupe spécial aura
la possibilité de se faire entendre par ce groupe spécial et de
lui présenter des communications écrites. Ces communications
seront également remises aux parties au différend et il en sera
fait état dans le rapport du groupe spécial ».
1.4.2 Les effets sur les producteurs
africains
L'article 13 de l'accord sur l'agriculture, mieux connu sous
le nom de « clause de paix » ou de modération, est
une disposition qui protège la plupart des subventions agricoles contre
des plaintes aux fins de l'accord sur les subventions et les mesures
compensatoires pour une période de 9 ans. Si cette clause est
désormais échue, elle impose à la partie plaignante de
démontrer que les montants des subventions mises en cause sont
supérieurs à ceux observés durant l'année de
référence (1992).
Dans le cas du coton, le groupe spécial de l'OMC a
observé que les niveaux de subventions observées pendant quatre
années consécutives (de 1999 à 2002) dépassaient
ceux de 1992, et que la plainte brésilienne était par
conséquent recevable. Il était des lors possible de
considérer la subsistance des arguments du Brésil sur le
préjudice sérieux. Cette réclamation du Brésil
concerne l'impact des subventions américaines sur les échanges
internationaux. Le lien entre la baisse des cours de coton et les subventions
américaines est au centre de la plainte brésilienne. Selon les
documents soumis par le Brésil, les subventions américaines au
coton rehaussent artificiellement les exportations. Par extension, elles
mènent à une réduction des prix mondiaux et à une
perte des parts de marché pour les autres producteurs. Entre 1998 et
2003, la part des Etats-Unis dans les exportations mondiales de coton est
passée de 17% à 42%. Néanmoins ; cette
réussite commerciale découle davantage de la
générosité du gouvernement que de la
compétitivité des producteurs locaux.
En effet, en sus des subventions à l'exportation mises
en exergue ci-dessus, les producteurs américains ont également
accès à toute une série de programmes de soutien
interne :
- Les prêts à la commercialisation : un
programme de financement à court terme qui alloue aux producteurs des
fonds pour régler leurs dépenses, tout en stockant leur
récolte en gage comme caution. Ce programme garantit un revenu de 0,52
dollars par livre de coton produit. Si les prix mondiaux sont inférieurs
à ce niveau, le gouvernement américain couvre la
différence.
- Les paiements anticycliques, versés sur la base d'un
prix indicatif 0,72 dollars par livre. Ces versements permettent de maintenir
les niveaux de production indépendamment du niveau des prix
mondiaux.
- Enfin, le gouvernement américain propose
également aux producteurs de coton des programmes d'assurance
subventionnés (contre les mauvaises conditions climatiques, les maladies
ou baisse de prix).
Le groupe spécial de l'OMC, confirmé par
l'organe d'appel, n'a mis en évidence que trois des programmes
évoqués ci-dessus Step 2, paiements anticycliques et prêts
à la commercialisation représentant un total de 2,6 milliards de
dollars en 2002/03, causaient un préjudice sérieux aux autres
pays exportateurs de coton en empêchant une hausse des prix mondiaux dans
une mesure notable.
Ni le groupe spécial, ni l'organe d'appel n'ont
fixé de date de mise en oeuvre précise pour l'élimination
des effets défavorables de ces subventions. Toutefois, l'article 7.9 de
l'accord sur les subventions stipule que la partie concernée dispose
d'un délai de six mois à compter de la date à laquelle
l'ORD adopte le rapport de l'organe d'appel, pour prendre les mesures
appropriées pour éliminer les effets défavorables des
subventions ou les éliminer. L'ORD ayant adopté les rapports du
groupe spécial et de l'organe d'appel sur les subventions des Etats-Unis
concernant le coton le 21 mars 2005, les Etats-Unis doivent donc prendre les
mesures nécessaires d'ici au 21 septembre 2005.
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