UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
Département de Droit International
Public et Relations Internationales
B.P. 204 KINSHASA XI
LE DROIT INTERNATIONAL A L'EPREUVE DE L'EMPLOI
D'ARMES NUCLEAIRES AUX TERMES DE L'AVIS CONSULTATIF DE LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE DU 8 JUILLET 1996
LUMU MBAYA Sylvain-Patrick
Gradué en Droit
Mémoire présenté et
défendu en vue de l'obtention du titre de licencié en
droit
Option : Droit public
Directeur : Sayeman BULA-BULA
Professeur
Ordinaire
Année Academique
2004-2005
EPIGRAPHE
« Nul ne sait dans quel rayon se diffuseraient
ces particules radio-actives létales mais les autorités les plus
dignes de foi conviennent unanimement qu'une guerre faisant intervenir les
bombes H pourrait mettre fin à la race humaine...
... Nous lançons, en tant qu'êtres humains,
un appel aux êtres humains ; rappelez-vous votre condition
d'être humain et oublier le reste. Si vous y parvenez, vous verrez
s'ouvrir devant vous la voie d'un nouvel éden ; sinon, vous devrez
affronter le risque d'un anéantissement universel ».
Bertrand RUSSEL et Albert EINSTEIN.
IN MEMORIAM DE:
KAYUMBA KASAMBULA KACIHINDI, l'ancêtre commun ;
LUMU-LUA-NSUA et KALANGA wa NSENGA, racines principales de notre
généalogie ;
KALALA LUNGANGA, notre regretté jeune frère
trop tôt arraché de cette terre des humains, laissant en nous
désolation et chagrin du manque d'un complice.
DÉDICACE
A mes parents MBAYA NSENGA et BAKAJI KALALA ;
A ma femme Joëlle KAPINGA NGOY victoire de la justice
sur l'injustice et ma future progéniture ;
A Toutes les personnes qui, le 06 et le 09 août
1945, périrent dans les massacres sur une vaste échelle
causés par les bombardements tristement célèbres
d'Hiroshima et de Nagasaki sanctionnant ainsi tragiquement la fin d'un conflit
armé dont elles ne connaissaient ni les tenants ni les
aboutissants.
AVANT-PROPOS
Dans le cheminement vers l'obtention d'un diplôme de
licence en droit, la présentation d'un mémoire est une condition
sine qua non pour parvenir au terme des études universitaires. Le
présent travail est le fruit de la cinquième année de
mon cursus universitaire durant laquelle j'ai été initié
à la recherche en droit. Il s'agit du problème de l'emploi de
l'arme nucléaire en droit international aux termes de l'avis consultatif
de la Cour internationale de Justice du 8 juillet 1996.
A l'origine, ont prévalu des sentiments, le cri du
coeur, une prise de conscience des risques d'extermination par les armes
nucléaires auxquels est confrontée l'humanité. De
là, une volonté farouche de réfléchir sur cette
situation a continué à m'animer.
L'étude en présence m'a été
inspirée aucours des leçons du Droit International Humanitaire et
constitue l'aboutissement d'une réflexion mûrie deux ans durant
(2003-2005) avec mon Directeur de recherche; mais aussi au contact avec
d'autres professeurs du département de Droit International public,
à savoir les professeurs MAMPUYA KANUNK'A-TSHIABO, NTIRUMENYERWA
KIMONYO, BASUE BABU KAZADI et NGANZI KIRONGO. A eux, et particulièrement
au Professeur Sayeman BULABULA qui, grâce à une disposition
bienveillante qu'intelligente, a bien voulu accepter la direction de ce
mémoire, je dois le meilleur de ce que je sais. Qu'à travers eux
également, tous les professeurs de la faculté de Droit qui ont
concouru à ma formation scientifique trouvent l'expression de ma
profonde gratitude.
J'associe à ces hommages l'assistant KWAMPUKU
Latur, mes amis-frères Paulin KAYEMBE et Béké LOFEMBE pour
leur assistance et surtout leur ouverture aux débats
nécessités par la réalisation de ce travail.
A Ali MUKEBA, Anaclet CIZANGA, Arsène MUKENDI,
Franck MUYA, Pierre KASOMBOYI, Georges BULABA, Marcel KABONGO, Costa KOLESHA,
Thaddée TSHIBANGU, compagnons de lutte et mon frère Christian
TSHIBANGU, je suis redevable d'innombrables échanges instructifs.
Cordiales gratitudes et sincères remerciements à Alex MUKADI,
Patrick TSHIMANGA et Byron MALONDA de leurs sacrifices pour la saisie et la
mise en forme grâce auxquelles la présente oeuvre intellectuelle
est appréciable.
Que mes oncles et tantes MBAYA LUMU, Françoise
MUSAU, Elisabeth KALENGA, Etienne CISHIMBI, Thérèse KAPINGA et
Jules MAWEJA pour leur souci constant de mon devenir ; Queen
« C »Carol KABUNGAMA, la fille du coeur ;
Béatrice BIUMA, Zelda KANKOLONGO, Loraine NTUMBA ma soeur Cadette et
tous les MBAYA, ne se sentent pas oubliés. Toute personne que j'ai
rencontrée et dont j'ai eu le bonheur d'apprécier la compagnie au
cours de mes années d'études quelles qu'aient été
la teneur et l'issue de cette rencontre, a été pour moi un cadeau
de la providence.
SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES
A.C.D.I. : Annuaire de la Commission du Droit International
A.F.D.I. : Annuaire Français de Droit International
A.J.I.L. : American Journal of International Law
AG : Assemblée Générale des Nations Unies
C.D.I. : Commission du Droit international
C.I.C.R. : Comité International de la Croix-Rouge
C.I.J. : Cour internationale de Justice
C.P.J.I. : Cour permanente de Justice internationale
CS : Conseil de Sécurité des Nations Unies
J.I.L. : Journal of International Law
I.C.J. : International Court of Justice
J.E.D.I. : Journal Européen de Droit International
N.I.L.R. : Netherlands International Law Review
N.J.I.L. : Nordic Journal of International Law
NU : Nations Unies
O.M.S. : Organisation Mondiale de la Santé
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
R.B.D.I. : Revue Belge du Droit International
R.A.D.I.C. : Revue Africaine de Droit International et
comparé
R.G.D.I.P. : Revue générale de Droit
international Public
R.H.D.I. : Revue Hellénique de Droit International
T.N.P. : Traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires
R.I.C.R. : Revue internationale de la Croix-Rouge
UN : United Nations
R.C.A.D.I. : Recueil des Cours de l'Académie de Droit
International.
INTRODUCTION
De tous les débats de l'après-guerre froide, il
en est un point qui est rarement absent de l'ordre du jour des Nations Unies.
C'est le recours à la force de plus en plus fréquent,
contrairement aux espérances suscitées d'abord par la fin de la
guerre froide et ensuite par l'effondrement du camp de l'Est opposé
à celui de l'ouest.
Le préambule de la Charte des Nations Unies proclamait
déjà il y a plus d'un demi-siècle, la volonté des
« peuples [...] à préserver les
générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en
l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité
d'indicibles souffrances »(1(*)) L'Organisation mondiale n'a-t-elle pas
été créée à l'issue de l'une des guerres les
plus meurtrières de l'histoire de l'humanité à cette
fin ? Plusieurs engagements fermes furent pris dans ce cadre pour
l'établissement et le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, avec le moindre détournement
possible des ressources humaines et économiques mondiales au profit des
armements. Les Etats se promirent de renoncer au recours à la force au
profit des moyens pacifiques pour le règlement des différends
internationaux.
Mais « à peine l'encre des signataires de
la Charte des Nations Unies fut-elle séchée, que la nouvelle
société internationale sentit l'odeur d'une poudre, pas comme les
autres, provenant d'une arme, pas comme les autres et dont l'effet destructeur
prît des proportions, pas comme les autres. Il s'agissait des
premières armes nucléaires larguées sur Hiroshima et
Nagasaki »(2(*)) au Japon.
A en croire certains auteurs, ému par cette
expérience et par les souffrances rencontrées au cours de la
seconde guerre mondiale - et alors que, dans ces années de
l'après-guerre, l'humanité était consciente du danger
permanent et imminent qui la guettait, mais restait partagée entre
l'espoir et la crainte - « le CICR s'est donné pour
tâche d'établir la base juridique qui serait à même
d'empêcher que le pire se reproduise »(3(*))
Cette intense activité humanitaire a eu pour
résultat la modernisation et le renforcement des conventions de
Genève existantes, notamment à travers l'adoption d'une
quatrième convention relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre. Les travaux y afférents ont abouti le 12
août 1949, moins d'un mois après que l'ex-URSS ait
procédé à son premier essai nucléaire, l'explosion
de cette bombe mettant en évidence une course aux armements en plein
essor.
Malgré, ou peut-être, à cause de cette
évolution, la « communauté
internationale » n'a pas pu se résoudre à se
défaire de l'arme nucléaire comme elle l'avait fait en
« interdisant, pour des raisons humanitaires, l'emploi de
certains types d'armes. C'est notamment le cas du protocole de Genève du
17 juin 1925 prohibant l'utilisation des armes biologiques et chimiques ainsi
que des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires ».(4(*)). Tandis que les
conventions de Genève du 12 août 1949, et même leurs
protocoles additionnels de 1977, ignorent cette arme.
Il est à craindre que l'humanité soit
menacée d'autodestruction du fait de l'accumulation massive, dans un
esprit compétitif, des armes les plus destructives que l'homme ait
fabriquées. Les arsenaux d'armes nucléaires, entre autres armes
de destruction massive, qui prolifèrent et se disséminent,
suffisent pour détruire toute vie sur terre (5(*)) ; l'esprit de
désarmement qui a paru nécessaire s'est volatilisé.
Même si l'ambition nucléaire ne fascine pas tous
les Etats, les puissances dotées d'armes nucléaires les
conservent et entendent les conserver à l'avenir ; d'autres
désirent en acquérir ou en ont développé et
perfectionné les techniques de production sans en faire étalage,
à l'instar d'Israël, soit pour dissuader les autres à ne pas
les attaquer, soit comme symbole de puissance, susceptible d'être
employé un jour et s'assurer d'une victoire sur le champ de
bataille.(6(*))
En face de cette réalité et de l'échec de
conclusion d'un traité spécifique au terme duquel les armes de
destruction massive - surtout leur emploi - devraient être
considérées comme illégales en tant que telles,
« la communauté internationale » s'est
retrouvée en face d' « un postulat paradoxal »
qui veut qu'un Etat puisse légitimement posséder l'arme
nucléaire alors que son emploi constituerait généralement
une grave violation du droit international humanitaire. (7(*))
Le postulat, ainsi établi, est loin de faire
l'unanimité dans la société internationale ; il est
de bon ton chez ceux qui pensent que l'arme nucléaire est
« le dernier recours dissuasif » notamment les
adeptes de la politique de dissuasion ; tandis que de nombreux Etats - non
détenteurs et possesseurs de l'arme nucléaire - se sentent
déjà menacés par l'existence de cette arme fatale.
Au plan doctrinal, il y a de vives controverses sur la
question de l'emploi d'armes nucléaires. C'est ainsi que le 3 septembre
1993(8(*)),
l'Assemblée mondiale de la santé (OMS) a décidé de
demander à la Cour internationale de Justice d'émettre un avis
consultatif sur la question de savoir si « compte tenu des effets
des armes nucléaires sur la santé et l'environnement, leur
utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou d'un autre conflit armé
constituerait - elle une violation de ses obligations au regard du droit
international, y compris la constitution de l'OMS ?(9(*))
Le 6 janvier 1995, c'est l'Assemblée
générale des Nations Unies à son tour qui pressait la Cour
de dire « dans les meilleurs délais » s'il
est « permis en droit international de recourir à la
menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute
circonstance » (10(*))
Le 8 juillet 1996(11(*)), la Cour internationale de Justice a rendu deux
avis- ou plutôt un avis et un refus d'avis - car l'un se borne à
rejeter la requête de l'OMS tandis que l'autre - qui devrait concilier
tout le monde - invoquant « les questions éminemment
difficiles que soulève l'application à l'arme nucléaire du
droit relatif à l'emploi de la force et surtout du droit applicable dans
les conflits armés »(12(*)), fournit « une réponse
ambiguë et controversée »(13(*)) dont la lecture
renseigne moins sur la clarté des règles juridiques pertinentes
que sur les divisions qui se sont manifestées au sein de la
Cour (14(*)) et ce,
malgré les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité
soulevées notamment par les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni
et la France(15(*))
Ces controverses sont révélées notamment
soit, par des déclarations, soit par les opinions individuelles ou
dissidentes exprimées par les quatorze juges et surtout par la
nécessité du recours à la voix prépondérante
du président pour l'adoption du paragraphe crucial de l'avis (16(*)) qui, en lui-même
suscite plusieurs interrogations.
Comment pourrions-nous juridiquement
l'interpréter ? La Cour, par cet avis consultatif a-t-elle
définitivement mis fin à la querelle doctrinale sur la question
de la licéité ou l'illicéité de l'emploi de l'arme
nucléaire en toute circonstance ou ne l'a-t-elle point du tout
résolu ? Quels ont été les arguments avancés
par les Etats partisans ou adversaires de la licéité ou de
l'illicéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires
pour étayer leurs thèses respectives ? En outre, il y a lieu
de vérifier si le droit international positif a fini par accorder une
dérogation au principe, affirmé par les « lois et
coutume de la guerre » codifiées dans les conventions de
la Haye de 1899 et de1907, selon lequel la légitime défense ne
pouvait justifier une atteinte au droit international humanitaire ou, par
ailleurs, si l'emploi de l'arme nucléaire est libre de toute contrainte
juridique.
Nous tenterons de répondre à toutes ces
questions au bout de cette étude.
Le présent travail offre donc un intérêt
évident tant au point de vue théorique que pratique.
Au point de vue théorique, cette étude suscite
la réflexion sur l'emploi de l'arme en droit international. Il s'agit de
répondre à la question de la licéité ou
l'illicéité de la menace ou de l'emploi de l'arme
nucléaire. Quel est le contenu du droit international
général à ce sujet ? On peut aussi s'interroger sur
l'état du droit dans les branches particulières, notamment en
droit de l'environnement, droit des conflits armés.
Tandis qu'au point de vue pratique, la destruction à
grande échelle, les conséquences dévastatrices de l'arme
nucléaire sur l'écosystème, l'environnement et la vie
humaine interpelle tout juriste et, en particulier, tout internationaliste sur
l'usage des armes nucléaires, d'autant plus que les bombardements
d'Hiroshima et de Nagasaki démontrent à suffisance qu'il ne
s'agit pas d'une simple spéculation que l'OMS et l'Assemblée
générale des Nations Unies aient sollicité un avis
consultatif de la CIJ là-dessus.
Cette activité intellectuelle intéresse en ce
qu'elle regarde comment l'ordre juridique international saisit, à
l'intermédiaire de son juge privilégié, un
phénomène grave, un problème difficile et délicat
dans un contexte de menace d'anéantissement de l'humanité toute
entière et s'efforce, à sa façon, de le contenir, sinon
d'y apporter remède. Il permettra de confronter les réponses qu'a
données la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif au
droit international positif et de voir si elle a esquivé la question ou
bien elle a franchi un pas significatif dans le domaine du désarmement
nucléaire.
C'est autant voir, aux termes dudit avis consultatif, comment
les contradictions doctrinales entre Etats détenteurs et possesseurs de
l'arme nucléaire et leurs alliés, qui ont intérêt
à préserver leur outil de dissuasion suprême, et les Etats
qui en sont dépourvus se font et se défont autour de la question
de l'emploi de l'arme nucléaire.
Ainsi, nous sommes-nous évertué, dans cet
exercice, à circonscrire les contours de cette étude à son
intitulée.
La question de l'arme nucléaire y sera traitée
pas comme le feraient les autres chercheurs, mais dans son approche juridique
telle que l'a fait la Cour internationale de Justice dans l'avis consultatif
précité. Au delà de l'avis lui-même, les
déclarations, opinions individuelles et dissidentes des juges à
côté des commentaires de la doctrine feront également
objet de notre analyse.
Comment allons-nous y parvenir ?
On peut se convenir aisément (...) qu'on ne peut
aboutir à des constructions doctrinales valables sans méthode.
Celle-ci est entendue comme « la marche rationnelle de l'esprit
pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d'une
vérité »(17(*))
Ainsi, pour réaliser un travail intellectuel, le
chercheur doit choisir et préciser sa méthodologie (18(*))
Quant à ce qui concerne ce travail, nous aurons recours
principalement à l'approche juridique qui nous permettra, non seulement
d'examiner les textes juridiques en particulier la Charte des Nations Unies, le
statut de la Cour internationale de Justice, diverses résolutions de
l'Assemblée générale des Nations Unies et les
traités sur le désarmement nucléaire, mais aussi et
surtout d'analyser l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice et
tous les commentaires y afférents.
Mais en même temps, l'approche sociologique nous
permettra d'aborder le contexte dans lequel la demande d'avis consultatif a
été formulée. Elle nous aidera à saisir la
portée du comportement des Etats et des juges ainsi que les
différentes péripéties qui ont marqué le
prononcé de cet avis.
Dans l'un ou l'autre cas la technique à utiliser sera
documentaire et informatique.
Outre l'introduction, cette étude s'articulera autour
des deux parties comportant chacune deux chapitres.
La première partie est consacrée à la
« Détermination des normes du droit international relatives
à la menace ou à l'emploi de l'arme nucléaire ».
Elle exposera d'abord « les normes du droit international
général» (chapitre 1er) puis celles des
« branches spécifiques» (chapitre II) du droit
international applicables en l'espèce.
La deuxième, quant à elle, portera sur
l'étude de la question de « L'emploi de l'arme
nucléaire passée au crible de la CIJ »,
premièrement, au regard des dispositions pertinentes de la Charte des
Nations Unies (chapitre I) ; ensuite à la lumière du droit
des conflits armés» (chapitre II) et l'étude sera
sanctionnée en dernière analyse par une conclusion.
PREMIÈRE PARTIE :
DÉTERMINATION DES
NORMES DU DROIT INTERNATIONAL RELATIVES À LA MENACE OU À
L'EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES
A partir du moment où la Cour a justifié le
fondement de sa compétence à connaître de la question
posée par l'Assemblée générale des Nations Unies
à propos de la licéité ou de l'illicéité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, elle a décidé
de traiter du fond même du problème.
Mais avant d'y parvenir, l'organe judiciaire principal des
Nations Unies s'est employé à la recherche et la
détermination des règles du droit international applicables en
l'espèce.
Les développements consacrés à cette
première partie portent, selon la structure de l'avis sous examen, sur
l'analyse des normes générales (chapitre I) et les dispositions
spécifiques (chapitre II) du droit international applicables.
CHAPITRE I :
LES NORMES DU DROIT
INTERNATIONAL GENERAL
Les normes de portée générale
évoquées par les Etats comme devant être appliquées
par la CIJ furent notamment les dispositions de la Charte des Nations Unies
(section I) qui conditionnent tout recours à la force dans les relations
internationales et les règles conventionnelles et coutumières de
protection des droits de l'Homme et celles en vigueur en matière de
protection du droit de l'environnement (section II)
SECTION I : LES
DISPOSITIONS DE LA CHARTE RELATIVES À LA MENACE OU L'EMPLOI DE LA FORCE
La Charte des Nations Unies contient plusieurs dispositions
relatives à la menace et à l'emploi de la force sans faire la
distinction entre ces deux notions. La Cour cite à ce sujet l'article 2,
paragraphe 4, qui consacre le principe de l'interdiction de la menace ou de
l'emploi de la force (paragraphe 1) et les articles 51 et 42, prévoyant
les cas où le recours à la force peut être justifié
(paragraphe 2) en droit international.
§1. L'interdiction générale du recours
à la force
Dans la recherche de la règle interdisant l'emploi de
l'arme nucléaire comme moyen de combat, la Cour affirme d'abord le
principe de l'interdiction de la force puis en précise la
portée.
I. L'affirmation du principe
La prohibition du recours à la force occupe
nécessairement une place centrale dans la Charte des Nations Unies
instituée en vue de « préserver les
générations futures du fléau de la guerre »
et dont le but premier est de « maintenir la paix et la
sécurité internationale » .(19(*)) Elle se trouve ainsi à
la base de tous les mécanismes mis en place pour la réalisation
de cet objectif, et « consacre pour tous les Etats l'acquis du
Pacte de Paris sur une base juridique incontestable, et non plus
seulement coutumière pour certains d'entre eux ».
(20(*))
C'est l'article 2, paragraphe 4, qui interdit la menace ou
l'emploi de la force, en ces termes :
« Les membres de l'Organisation des Nations
Unies s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à
la menace ou l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies ».
Il s'agit là d'une « véritable
mutation du droit international, un changement qu'il n'est pas excessif de
qualifier de révolutionnaire, si révolutionnaire même qu'il
s'avère extrêmement difficile de le faire passer dans la
réalité des comportements » (21(*)). Il interprète
très aisément la conviction des Etats, - après le choc et
les désastres de la guerre de 1939 - à commencer par les plus
puissants d'entre eux, de la nécessité d'abolir
définitivement le droit de faire la guerre, considéré si
longtemps comme un attribut essentiel de la souveraineté.
Que pourra-t-on comprendre de cette disposition de la
Charte ?
II. Portée de l'article 2, paragraphe 4
Les termes employés dans l'article 2, paragraphe 4, lui
confère la portée la plus étendue qu'on ne peut imaginer.
Ce n'est plus seulement la guerre qui est interdite, comme dans le Pacte de
Paris, mais tout usage de la force dans les rapports internationaux,
fût-ce même sous la forme d'une simple menace.
Le droit de faire la guerre disparaît totalement comme
attribut de la souveraineté étatique et avec lui, le droit de
recourir à la force. C'est là un « changement
radical par rapport à l'état du droit antérieur car la
prohibition ainsi posée par la Charte vise tout recours à la
force, dont la guerre n'est qu'une forme extrême »
(22(*)).
Un examen plus attentif de l'article 2, paragraphe 4, montre
que ses termes simples dissimulent, en réalité une situation
complexe, dans la mesure où ils recouvrent indiscutablement d'autres
formes de violence que la guerre au sens traditionnel du mot. Peut on aller
plus loin et dresser une liste exhaustive des hypothèses de
« conflits armés »
prohibés ?
La réponse n'est pas dans l'article 2, paragraphe 4,
mais dans l'ensemble de la Charte et dans la pratique internationale (23(*)).
En effet, la prohibition du recours à la force tout
d'abord est inséparable de l'obligation de régler les
différends de façon pacifique.
Elle est, d'autre part l'épine dorsale sur laquelle
reposent les mécanismes de maintien de la paix et la
sécurité internationales prévus à l'article
1er, aux articles 11 et 12, aux chapitres VII et VIII de la
Charte.
Réciproquement, cette règle ne sera
respectée et ne constituera une garantie de la paix que si ces
mécanismes fonctionnent de façon efficace ; sa portée
réelle dépendra, en dernière analyse, de
l'interprétation qui lui sera donnée dans le cadre de ces
mécanismes.
La CIJ va dans ce sens, lorsqu'elle affirme que l'interdiction
de l'emploi de la force est à examiner à la lumière
d'autres dispositions de la Charte (24(*)). Ceci montre combien, il serait insuffisant, de
prétendre à l'analyse de l'article 2, paragraphe 4,
indépendamment de son contexte, c'est-à-dire de l'ensemble des
dispositions de la Charte en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales et de la pratique qui s'y attache.
Les principales difficultés rencontrées dans la
pratique ont mis en lumière les limites, mais aussi certaines
ambiguïtés que comporte le texte de cet article et qui peuvent
faire redouter qu'il ait une portée aussi radicale qu'il paraissait au
premier abord.
Ces limites tiennent en premier lieu au fait que le recours
à la force n'est prohibé que dans les relations internationales -
ce qui n'est peut-être pas aussi clair qu'il y paraîtrait à
première vue - et en raison seulement de sa finalité : soit
contre l'intégrité territoriale et l'indépendance
politique de tout Etat, soit de tout autre manière incompatible avec les
buts des Nations Unies. Il en résulte, implicitement, que le recours
à la force reste licite dans certaines circonstances. Deux de ces
circonstances ont été prévues dans la Charte.
§2. La licéité du recours à
la force prévu par la Charte des Nations Unies.
Deux exceptions à la prohibition du recours à
la force de l'article 2, paragraphe 4, ont été
expressément prévues en droit international.
La première résulte de l'article 51, qui
prévoit le droit naturel de légitime défense individuelle
ou collective ; et la seconde est celle de l'action collective en vue de
faire face à une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un
acte d'agression spécifiquement autorisée par l'article 42 de la
Charte des Nations Unies.
I. Article 51 : droit de légitime
défense
La légitime défense est inhérente
à tout système juridique. En droit interne, elle s'exerce
essentiellement en matière répressive - parce que le
caractère irréparable de certains préjudices s'accommode
mal des solutions juridictionnelles à posteriori - et elle constitue en
soi une mesure de police. Il en va de même en droit international,
où la légitime défense remplit la même fonction de
« soupape de sécurité » (25(*)) dans un contexte pourtant
fort différent.
Que le concept de « légitime
défense » n'eût pas d'autonomie au moins
jusqu'à la création de la Société des Nations,
à savoir qu'il n'existât pas de norme spécifique en la
matière avant 1919, fut déjà observé en 1928 par D.
Anzilotti :
« La notion de légitime défense -
fait objectivement illicite commis pour repousser une violence effective et
injuste - a de l'importance dans les communautés juridiques où la
protection du droit est une fonction exclusive d'organes
appropriés et où il est, par suite, interdit aux membres de ces
communautés de se faire justice par eux-mêmes : la
légitime défense représente alors une exception à
cette interdiction... » (26(*))
Etant donné, en effet, qu'avant 1919 le droit
international ne faisait aucune restriction générale à
l'emploi de la force (27(*)), il n'y avait aucune raison pour qu'il existât
une norme spécifique qui autorise la légitime défense,
comme l'ont démontré plusieurs auteurs (28(*))
Une norme internationale générale en la
matière naquit seulement quand furent établies les
prémisses nécessaires pour que la légitime défense
ait une signification spécifique, c'est-à-dire, seulement
après la création de la Société des Nations.
Après 1928, la pratique internationale s'oriente clairement dans le sens
de la licéité de l'emploi de la force pour repousser une attaque
armée, consacrée par ailleurs aujourd'hui par la Charte des
Nations Unies à son article 51 qui en précise le contenu et les
conditions d'exercice
A. Contenu de la norme et reconnaissance de ce
droit
L'article 51 de la Charte « reconnaît de
façon expresse un droit naturel de légitime défense
individuelle ou collective dans le cas où un membre des Nations Unies
fait l'objet d'une agression ».
La place même de cette disposition dans le chapitre VII
consacré à la sécurité collective est
significative.
En effet, dès la conférence de San Francisco de
1945, alors que les futurs membres permanents du Conseil de
sécurité exigeaient un droit de véto, la plupart d'autres
Etats n'éprouvaient qu'une confiance limitée dans
l'efficacité du système de sécurité collective qui
allait être institué. La reconnaissance du droit de recourir
à la force dans l'attente d'une réaction collective efficace ou
en l'absence d'une telle réaction a paru une garantie nécessaire.
Contrepartie de la renonciation de principe très étendu qu'ils
consentaient, la reconnaissance de la légitime défense ne pouvait
pas être - comme c'était encore le cas dans les Pactes de 1919 et
de 1928 - simplement implicite.(5(*)4)
Deux précisions du texte attestent également
l'importance de ces considérations. Ce droit y est qualifié
de « droit naturel », ce qui
« écarte les interprétations restrictives
fondées sur la logique de la sécurité collective,
conçu elle comme une construction artificielle »,
(29(*)). La CIJ a du reste
considéré que « l'expression impliquait l'existence
d'un droit coutumier de légitime défense »
(30(*)) qui s'impose
aujourd'hui comme hier :
« La Cour ne saurait, au demeurant, perdre de
vue le droit fondamental qu'a tout Etat à la survie, et donc le droit
qu'il a de recourir à la légitime défense
conformément à l'article 51 de la Charte, lorsque cette survie
est en cause » (31(*))
Et c'est un droit qui peut être mis en oeuvre
collectivement tout autant qu'individuellement et dont l'exercice est soumis
à des restrictions, certaines inhérentes à la notion
même de légitime défense ; d'autres
précisées à l'article 51 (32(*))
B. Conditions d'exercice du droit de légitime
défense
Selon les termes de l'article 51, seule l'agression
armée - et non toute contrainte - justifie le recours à la force
au titre de la légitime défense.
En effet, l'agression de la part d'un autre Etat est
« une violation des droits souverains de la victime, laquelle en
ayant recours à la légitime défense, ne fait rien d'autre
que d'agir pour la réalisation du droit ».
Ceci implique que la légitime défense doit se
limiter à repousser l'agression armée (33(*)). En outre, la légitime
défense doit se terminer dès l'intervention du Conseil de
sécurité qui assure la responsabilité première de
maintien de la paix et de la sécurité internationale. Si celui-ci
ne réussit pas à intervenir, notamment en cas de blocage du fait
de l'usage du droit de veto, la légitime défense doit prendre fin
dès que son but sera atteint.
Il s'agit là de la soumission du droit de
légitime défense aux conditions de nécessité et de
proportionnalité rigoureuse de l'acte posé en riposte à
une agression armée. En effet, il existe
une « règle spécifique... bien établie
en droit coutumier » selon laquelle « la
légitime défense ne justifierait que des mesures
proportionnées à l'agression subie et nécessaires pour y
riposter » (34(*)).
Cette double condition s'applique aussi dans le cas de
l'article 51 de la Charte quels que soient les moyens mis en oeuvre.
Hormis ces conditions de nécessité et de
proportionnalité, l'article 51 exige spécifiquement que les
mesures prises par les Etats dans l'exercice de la légitime
défense soient immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité qui dispose du pouvoir d'agir
à tout moment pour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales.
II. Article 42 : l'action du conseil de
sécurité
Est évidemment compatible avec la Charte, l'emploi de
la force décidé par le Conseil de sécurité dans les
limites des fonctions et pouvoirs qui lui sont attribués en vue de
maintenir ou de rétablir la paix.
En effet, l'article 42 lui attribue le pouvoir d'entreprendre
des actions militaires coercitives. C'est lui et lui seul qui peut mettre en
oeuvre les dispositions « dont il est fait mention dans le titre
du chapitre VII » (35(*)). Ce texte confère au Conseil de
sécurité une grande liberté d'appréciation des
conditions dans lesquelles l'action visée par lui peut être
engagée.
Il en ressort que le Conseil de sécurité peut
recourir à l'action militaire directement, avant ou après avoir
décrété les mesures prévues à l'article 41
ou indépendamment de celles-ci (36(*)). Cette thèse qui a été
combattue, n'est pas juridiquement défendable (37(*)) car le Conseil de
sécurité peut prendre directement des décisions en vertu
de l'article 42 sans devoir d'abord émettre les recommandations
visées à l'article 39 (38(*)).
Ainsi, l'article 42 donne au Conseil de sécurité
le pourvoir d'engager toute action qu'il juge nécessaire au maintien de
la paix et au rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales. Il laisse au conseil « la latitude suffisante
pour lui permettre de se prononcer au mieux dans l'intérêt du
maintien de la paix suivant les situations devant lesquelles il se
trouve » (39(*)).
Après avoir parcouru tout cet arsenal juridique de la
Charte des Nations Unies, la Cour sans tergiverser affirme, en effet, qu'il
constitue « le droit applicable à la question dont elle
est saisie et le plus directement pertinent... »40(*)
SECTION II. LES NORMES
GENERALES CONVENTIONNELLES ET COUTUMIERES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
ET DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT
Nous nous pencherons ici en premier lieu sur
les normes conventionnelles avant de parvenir en second lieu aux règles
générales d'origine coutumière.
§1. Les normes conventionnelles
Au nombre de normes conventionnelles furent
évoqués les traités et instruments internationaux de
protection des droits de l'Homme et ceux en vigueur en matière de
protection et de sauvegarde du droit de l'environnement.
A. Les instruments juridiques de protection des droits
de l'Homme
Ici, la discussion devant la Cour s'est déroulée
autour de l'applicabilité du pacte international relatif aux droits
civils et politiques et les instruments de protection des droits de l'Homme de
caractère régional d'une part, et de la convention du 9
décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime
de génocide, d'autre part.
1. L'applicabilité du pacte international
relatif aux droits civils et politiques et instruments des droits de l'Homme
de caractère régional
Pour bien cerner le contenu du débat en question, nous
partirons des positions contradictoires des Etats pour parvenir aux
commentaires des auteurs en passant par l'opinion de la Cour.
1°. Les positions contradictoires des Etats
a) Les arguments favorables
Ces arguments viennent des Etats partisans de
l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires en toute
circonstance. Selon eux, l'emploi de ces armes porterait atteinte au droit
à la vie(41(*)) tel
que garanti par le PIDCP dont l'élaboration a commencé en janvier
194742(*).
En effet, sans définir le droit à la vie, les
Etats parties à ce pacte et d'autres, justifiant de
l'intérêt à ce stade, se sont expressément
engagés à donner effet à ses dispositions
protégeant ce droit.
C'est ainsi qu'ils ont particulièrement soutenu que
tout emploi d'armes nucléaires porterait atteinte à l'article 6,
paragraphe 1 du PIDCP. En effet, cette disposition stipule que
« Le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi.
Nul ne peut être arbitrairement privé de la
vie ».
Nul n'est besoin de dire que ce point de vue n'a
été de bon ton que pour les partisans de
l'illicéité tandis que les tenants de la licéité
ont soutenu le contraire.
b) Les arguments défavorables
Les adeptes de la thèse de la licéité de
l'emploi d'armes nucléaires ont soutenu à contrario que le droit
à la vie n'est pas un droit absolu et que la privation de la vie pendant
les hostilités est une exception nécessaire à ce principe
qui reste soumis, dans certains systèmes de protection des droits de
l'Homme, à un régime dérogatoire et restrictif. Ils
désapprouvent par ailleurs l'affirmation selon laquelle cet instrument
est applicable à l'emploi de l'arme nucléaire. Ils estiment,
quant eux, que le PIDCP « ne mentionnent ni la guerre, ni les
armes et que l'on a jamais envisagé que cet instrument régisse la
question de la licéité ou de l'illicéité de
l'emploi des armes nucléaires ». Le pacte vise
plutôt « la protection des droits de l'Homme en temps de
paix, alors que les questions relatives à la privation illicite de la
vie au cours des hostilités sont régies par le droit
international applicable dans des conflits »(43(*)). Le PIDCP ne peut donc
pas, selon eux, régir la menace ou l'emploi d'arme.
2°. Le point de vue de la Cour
La Cour adopte de se prononcer en premier lieu sur le
caractère absolu ou relatif du droit à la vie garanti par le
PIDCP avant de dire en second lieu si celui-ci est applicable ou non à
la menace ou l'emploi d'armes nucléaires.
- A propos de la première préoccupation,
l'organe judiciaire mondial déclare que « le droit de ne
pas être arbitrairement privé de sa vie vaut aussi pendant les
hostilités ». C'est « une prescription
à laquelle il ne peut être dérogée ».
Même les instruments des droits de l'Homme à caractère
régional, notamment la Convention Européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme proclament le droit à la vie comme étant l'un
des droits auxquels il n'est pas possible de déroger et qui fait partie
du noyau irréductible des droits de l'Homme. La protection offerte par
le PIDCP, soutient par ailleurs la Cour, « ne cesse pas en
temps de guerre, si ce n'est par l'effet de l`article 4 du Pacte, qui
prévoit qu'il peut être dérogé, en cas de danger
public, à certaines des obligations qu'impose cet
instrument »(44(*))
Cette exception ne concerne-t-elle pas le droit à la
vie ?
Non, nous semble-t-il car l'article 6, paragraphe 1
déclare qu'on ne peut déroger à ce droit, et
l'alinéa 2 de l'article 4 susmentionné réconforte cette
position. Sans cela, l'interprétation extensive de cet article 4
ouvrirait une brèche favorable aux Etats nucléaires qui
risqueraient d'attacher la notion de danger public évoquée dans
cette disposition à celle de la légitime défense dans
laquelle la survie même d'un Etat serait en cause, et s'octroieraient
ainsi une possibilité d'emploi d'armes nucléaires au
détriment du droit protégé. La Cour n'a pas affirmé
une telle prétention.
- Au regard de la seconde préoccupation sur
l'applicabilité du Pacte international relatif aux droits civiques et
politiques à l'emploi d'armes nucléaires, elle déclare
que ce sera uniquement au regard de la lex specialis à savoir le droit
applicable dans les conflits armés, et non au regard des dispositions du
pacte lui-même, que l'on pourra dire si tel décès
provoqué par l'emploi d'un certain type d'armes au cours d'un conflit
armé doit être considéré comme une privation
arbitraire de la vie contraire à l'article, paragraphe 1 du
pacte.(45(*)).
3°. Commentaires de la doctrine
Les commentaires des auteurs ont essentiellement porté
sur le caractère dérogatoire ou non du droit à la vie.
Sans le définir, quelques uns d'entre eux l'ont qualifié de droit
« intangible, voir
sacré » ; mais relativisent
plutôt son caractère dérogatoire en affirmant
qu' « il ne peut être dérogé que dans
des circonstances spéciales ».(46(*))
D'autres estiment, par ailleurs, que même dans ces
circonstances, lorsqu'une arme « peut tuer entre un million et un
milliard de personnes et qu'aucun service de santé au monde ne soit
capable d'améliorer de manière significative une situation
résultant de l'utilisation ne serait - ce que d'une seule arme
nucléaire »(47(*)), la vie humaine se trouve dévalorisée
au point qu'il n'y a plus de dignité humaine au sens où on
l'entend dans toutes les cultures. Un Etat qui entreprend
délibérément en quelque circonstance que ce soit une
action aboutissant à un tel résultat « porte
atteinte au respect de la dignité fondamentale de la personne humaine
dont dépend la paix du monde et auquel sont tenus tous les Etats membres
des Nations Unies. (48(*))
Le juge Weeramantry ne se réfère pas seulement
[ici] à des dispositions de la Déclaration universelle des droits
de l'homme ou d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme, mais
à un aspect fondamental du droit de la Charte dont le préambule
indique que les peuples des Nations Unies sont notamment résolus
à « proclamer à nouveau [leur foi] dans les droits
fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine », et affirme que « jamais au cours d'une
longue histoire marquée par l'inhumanité de l'homme envers
l'homme n'a été inventée une arme qui est si contraire,
comme c'est le cas de l'arme nucléaire, à la dignité et
à la valeur de la personne humaine ».(49(*))
Il faut aussi mentionner l'observation générale
du Comité des droits de l'homme des Nations Unies intitulée
« le droit à la vie et les armes
nucléaires »(50(*)), qui fait sienne l'opinion de l'Assemblé
générale selon laquelle le droit à la vie est
particulièrement pertinent dans le cas des armes
nucléaires(51(*)).
Considérant que les armes nucléaires constituent l'une des plus
graves menaces à la vie et au droit à la vie, le Comité a
vu un tel conflit entre les armes nucléaires et le droit international
qu'il a proposé de qualifier l'emploi de ces armes de crime contre
l'humanité.
Tous ces droits de l'homme procèdent d'un droit
fondamental décrit par René CASSIN comme « le droit
des êtres humains à l'existence »(52(*)).
Reconnaître la licéité, en quelque
circonstance que ce soit, de l'emploi d'une arme qui peut faucher des vies par
millions, serait détruire les bases sur lesquelles repose un
système délicat qui représente l'une des
réalisations juridiques les plus remarquables du siècle. Ce
système, bâti sur l'une des valeurs les plus essentielles et les
plus dignes de respect que connaisse le droit, ne peut pas survivre sous une
forme théorique ; ce qui serait le cas si le droit international
devrait reconnaître une telle licéité.
Malgré toutes ces raisons, la Cour ne retiendra pas le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques au nombre des
dispositions directement pertinentes applicables à l'emploi d'armes
nucléaires. Le rejet du premier argument a amené la Cour à
l'examen de l'applicabilité de la convention du 9 décembre 1948
pour la prévention et la répression du crime de
génocide.
2. L'applicabilité convention du 9
décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime
de génocide
Nous passerons également ici en revue les positions
contradictoires des Etats, l'opinion de la Cour avant d'arriver à la
critique des auteurs.
1°. Les avis contradictoires des Etats
a) Les arguments favorables
Certains Etats, notamment les défenseurs de
l'illicéité, ont soutenu devant la Cour que l'interdiction du
génocide, formulée dans la convention précitée
serait une règle pertinente du droit international que la Cour devrait
appliquer en l'espèce (53(*))
Ils ont, en effet, estimé que le nombre
de morts que causerait l'emploi de l'arme nucléaire serait
énorme; que l'on pourrait, dans certains cas, compter parmi les victimes
des membres d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux particulier et
que l'intention de détruire de tels groupes pourrait être
inférée du fait que l'utilisateur de l'arme nucléaire
aurait omis de tenir compte des effets bien connus de l'emploi de cette
arme.(54(*))
b) Les arguments défavorables
Etant donné qu'ils se situent dans le contexte d'un
débat contradictoire, les partisans de la licéité
étaient appelés et devraient rencontrer l'argument de leurs
adversaires qui soutiennent l'illicéité de l'emploi de l'arme
nucléaire.
A en croire le contenu de l'avis consultatif, ils ne l'ont pas
fait ; en l'absence de toute raison valablement évoquée,
l'argument est resté sans contre-argument et, cela ne fausse pas tout de
même le caractère contradictoire du débat.
2°. L'opinion de la Cour
La Cour rappellera que « le génocide
est défini à l'article II de la Convention du 9 décembre
1948 pour la prévention et la répression du crime de
génocide »(55(*))
En effet, l'article II de cette convention définit le
génocide comme « l'un quelconque des actes
ci-après, commis dans l'intention de détruire en tout ou en
partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme
tel :
a) meurtre de membres du groupe ;
b) atteinte grave à l'intégrité
physique ou mentale de membres du groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des
conditions devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein
du groupe ;
e) transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe.
Quant à la question de l'applicabilité de cette
disposition à l'emploi d'armes nucléaires, la Cour
relèvera à cette égard que « l'interdiction
du crime de génocide serait une règle pertinente en l'occurrence
que s'il est établi que le recours aux armes nucléaires
répond à une
intention « génocidaire » dirigée contre
un groupe comme tel, que requiert la disposition sus-
évoquée.(56(*))
Ainsi s'empresse-t-elle à dire qu'il ne serait possible
de parvenir à une telle conclusion qu'après avoir pris
dûment en compte les circonstances propres à chaque cas
d'espèce.(57(*))
3°. Point de vue de la doctrine
Le raisonnement de la Cour était de bon ton chez les
Etats défenseurs de la licéité. Mais ceux qui soutiennent,
à l'opposé, l'illicéité de l'emploi de l'arme
nucléaire, attendaient certainement que la Cour
dénonçât de manière absolue cette tendance
régressive qu'on veut imprimer au droit international.
En effet, ce que dit la Cour (au paragraphe 26 de l'avis),
à propos des rapports entre l'arme nucléaire et le crime de
génocide est inadéquat car, l'emploi d'armes nucléaires
dans le cadre d'une riposte à une attaque nucléaire, surtout dans
l'hypothèse d'une riposte généralisée, causerait
vraisemblablement un génocide non lié à aucune intention
première d'extermination d'un groupe ethnique ou racial dans le chef de
l'utilisateur.
Le juge Weeramantry estime que même une bombe modeste du
genre de celles qui ont été utilisées au Japon, pourrait
être un instrument de génocide si l'on considère le nombre
de personnes qui ont été tuées dans ce pays à la
suite de ces explosions.
Lancée sur une ville, une seule bombe pouvait faire
plus d'un million de morts. Si un nombre plus élevé de bombes
devrait être utilisé en riposte le nombre des morts pourrait,
selon les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé sur les
effets de la guerre nucléaire, atteindre dans le pays auteur de
l'attaque et les autres pays le total de un milliard. Un tel résultat
« constitue bien un génocide et ne peut quelles que soient
les circonstances être toléré par le
droit ». (58(*))
Par ailleurs, quiconque emploie une bombe nucléaire
sait pertinemment bien qu'elle aura pour effet de tuer un si grand nombre de
personnes et que des populations entières disparaîtront.
Il existe une tendance, dans les discussions sur la
définition du génocide dans la convention, à mettre trop
l'accent sur le mot « comme tel ». L'argument que
l'on en tire est que l'atteinte à un groupe national, ethnique racial ou
religieux en tant que tel doit être le résultat intentionnel et
non pas un effet secondaire d'un autre acte. Mais puisque les bombes
nucléaires ont la capacité d'anéantir massivement la
population, ces chiffres s'échelonnant entre plusieurs centaines de
milliers et plusieurs millions de personnes, il ne fait pas de doute que l'arme
nucléaire vise tout ou en partie, le groupe national de l'Etat contre
lequel elle est dirigée.(59(*))
L'analyse de la Cour [devrait donc] être
complétée par le rappel aux règles concernant les dommages
collatéraux que l'attaque d'objectifs militaires légitimes peut
causer aux populations civiles (60(*)) estime le juge Guillaume.
Ces règles trouvent leur origine dans les articles 23
g, 25 et 27 de l'annexe à la convention IV de La Haye. Elles firent
l'objet de formulation nouvelle dans le projet de convention sur la
réglementation de la guerre aérienne de 1923 dans la
résolution adoptée par l'Assemblée de la
Société des Nations le 30 septembre 1938. Elle furent
explicitées par le Tribunal militaire américain de Nuremberg et
par l'Assemblée générale des Nations Unies qui
déclare à l'unanimité que :
« il est interdit de lancer des attaques
contre les populations civiles en tant que telles...il faut en tout temps
faire la distinction entre les personnes qui prennent part aux
hostilités et les membres de la population civile,
afin que ces derniers soient épargnés dans toute la mesure
du possible ».(61(*))
Le juge Ferrari Bravo se demande pour sa part s'il peut
être de s'imaginer qu'au moment où le droit humanitaire engendre
toute [cette] série de principes pour la protection de la population
civile ou pour la sauvegarde de l'environnement, ce même droit
international continue d'abriter en son sein la licéité par
exemple de la bombe à neutrons qui laisse intact l'environnement
mais...seulement avec la « petite »
conséquence de l'anéantissement de la population. Si tel est le
cas, peu importe une norme spécifique sur la bombe à neutrons car
elle devient automatiquement illicite par contraste avec la majorité des
règles du droit international.(62(*))
En dépit de ce qui précède, la Cour ne
retient pas la convention du 9 décembre1948 dans le lot de règles
directement et spécifiquement applicables à l'emploi de l'arme
nucléaire.
C'est ainsi que les défenseurs de
l'illicéité ont dans leurs exposés écrits et oraux
soutenu en outre que tout emploi d'armes nucléaires serait illicite au
regard de normes en vigueur en matière de sauvegarde et de protection de
l'environnement.
B. Les normes en vigueur en matière de sauvegarde
et de protection de l'environnement
1°. La position des tenants de l'illicéité
(63(*))
Les défenseurs de l'illicéité ont
avancé l'argument selon lequel l'environnement, habitat commun à
tous les membres des Nations Unies ne pourrait être endommagé par
un ou plusieurs membres au détriment des autres. Ils ont cité
dans leurs exposés oraux et écrits que les divers traités
et instruments internationaux en vigueur, à savoir le protocole
additionnel I aux conventions de Genève de 1949 - qui, à son
article 35 paragraphe 3, interdit l'emploi de « méthodes
ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer ou dont on peut attendre
qu'ils causeront des dommages étendus, durables et graves à
l'environnement naturel » - et la convention du 18 mai 1977
sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement
à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles - qui, à son
article Ier interdit l'emploi d'armes « ayant des effets
étendus, durables ou graves sur l'environnement ». Ont
également été cités les déclarations de
Stockholm de 1972 (principe 21) et de Rio de 1992 (principe 2) - qui expriment
la conviction commune des Etats concernés qu'ils ont le devoir
« de faire en sorte que les activités exercées dans
les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des
régions (zones) ne relevant d'aucune juridiction
nationale ».
Ils ont en outre soutenu que « tous ces instruments,
de même que d'autres dispositions relatives à la protection et
à la sauvegarde de l'environnement, s'appliqueraient à tout
moment, en temps de guerre comme en temps de paix, serait violés par
l'emploi d'armes nucléaires ayant des effets transfrontaliers.
2°. Le point de vue des partisans de la
licéité (64(*))
Ces Etats ont, en effet, soit remis en cause le
caractère contraignant de ces dispositions du droit de
l'environnement ; soit contesté que la convention sur
l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l`environnement
à des fins nucléaires ou toutes autres fins hostiles ait un
quelconque rapport avec l'emploi d'armes nucléaires dans un conflit
armé, soit encore nié être liés de façon
générale par les dispositions du protocole additionnel I, ou bien
rappelé qu'ils avaient réservé leur position sur l'article
35, paragraphe 3 de celui-ci.
Ils ont soutenu, par ailleurs, que l'objet principal des
traités et normes relatifs à l'environnement est de
protéger l'environnement en temps de paix ; que ces traités
ne mentionnent pas les armes nucléaires en particulier et que ce serait
fragiliser l'empire du droit et la confiance nécessaire aux
négociations internationales que de faire dire à ces
traités qu'ils interdisent le recours aux armes nucléaires. Ils
ne sont donc pas applicables en l'espèce.
La Cour était donc appelée à
départager les parties par rapport à leurs moyens de
défense ci-haut évoqués.
3°. La position de la Cour (65(*))
D'entrée de jeu, la Cour affirme sa
préoccupation de ce que « l'environnement est
menacé jour après jour et de ce que l'emploi d'armes
nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour le milieu
naturel ».
Elle a également conscience que
« l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace
où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé » y compris les
générations à venir. L'obligation générale
qu'ont les Etats de veiller à ce que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle respectent l'environnement dans d'autres Etats ou dans les zones
ne relevant d'aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de
règles du droit international de l'environnement.
Cette position de la Cour est consolidée par celle de
la Commission du droit international qui va plus loin, en déclarant que
les principes de la protection de l'environnement sont aujourd'hui
« si profondément encrés dans la conscience de
l'humanité qu'ils sont devenus des règles particulièrement
essentielles du droit international »(66(*)). La Cour, a même
qualifié de crime international la pollution massive de
l'atmosphère ou des mers.(67(*))
Mais la Cour, en revisitant la question, la précise
plutôt estimant qu'il ne s'agissait pas de savoir si les traités
relatifs à la protection de l'environnement sont ou non applicables en
période de conflit, mais bien de savoir si les obligations nées
de ces traités ont été conçues comme imposant une
abstention totale pendant un conflit armé.
A ce propos, elle juge que ces traités n'entendent
« pas priver un Etat de l'exercice de son droit de
légitime défense en vertu du droit international, au nom des
obligations qui sont les siennes de protéger
l'environnement ». Néanmoins, poursuit-elle, les Etats
doivent (toujours) tenir compte des considérations écologiques
lorsqu'ils décident de ce qui est nécessaire et
proportionné dans la recherche d'objectifs militaires.
Le respect du droit de l'environnement devient ainsi l'un des
éléments qui permettent de juger si une action est conforme aux
principes de nécessité et de proportionnalité.
Ce droit comporte alors un certain nombre de principes
auxquels les armes nucléaires portent atteinte et que le juge
Weeramantry estime susceptibles d'être reconnus par la Cour à la
faveur de la présente demande d'avis consultatif et utilisés par
elle dans la formulation de ses conclusions ;(68(*)) car, la guerre exerce une
action intrinsèquement destructrice sur le développement
durable.
Les Etats doivent donc « respecter le droit
international relatif à la protection de l'environnement en temps de
conflit et participer à son développement, selon le
besoin »(69(*)) ; ces principes s'appliquent aussi bien en
temps de guerre qu'en temps de paix et « procèdent
d'obligations applicables dans les deux situations.(70(*))
Quant aux dispositions du protocole additionnel I aux
conventions de Genève, (à savoir l'article 35, paragraphe 3
et l'article 55), la Cour observera, par ailleurs, qu'elles offrent à
l'environnement une protection supplémentaire.(71(*))
L'on peut penser, à la lecture de ces dispositions, que
la question pertinente n'est pas de savoir si l'on a voulu ou non viser les
armes nucléaires mais d'y voir des énoncés de principes
incontestables et incontestés du droit international coutumier. Soutenir
que les principes généraux ainsi énoncés ne sont
pas assez explicites pour pouvoir être considérés comme
applicables aux armes nucléaires ou que les armes nucléaires ont
été délibérément passées sous silence
et ne sont donc pas couvertes ou même qu'il était entendu
clairement que les armes nucléaires n'entraient pas dans le champ des
dispositions en cause c'est mettre en relief l'incongruité d'une
thèse qui reconnaît comme interdites les armes présentant
une nocivité moindre pour l'environnement mais laisse intact un moyen
infiniment plus puissant qui cause les dommages que le traité a pourtant
pour but de prévenir.
Dès lors qu'existent des obligations
générales découlant du droit international coutumier
(72(*)), il importe peu
que les divers accords sur l'environnement contiennent ou non une mention
expresse des dommages causés par les armes nucléaires.
Les mêmes principes s'appliquent que l'on soit en
présence « de hauts fourneaux qui émettent des
fumées, de réacteurs présentant des fuites ou d'engins
explosifs. On ne saurait déduire du fait que les hauts fourneaux et les
réacteurs ne sont pas expressément désignés dans
les traités sur l'environnement qu'ils sont soustraits du champ
d'application des normes et principes indiscutables et bien établis -
(correctement mis en valeur dans les motifs de l'avis consultatifs) -
énoncés dans ces traités ».(73(*))
La réalité c'est que le dommage causé
à l'environnement par les armes nucléaires et la
conséquence de la violation d'une obligation incombant à l'Etat,
et « la destruction de l'environnement non justifiée par
des nécessités militaires et ayant un caractère gratuit
est manifestement contraire au droit international en
vigueur »(74(*))
Pour autant que les Etats défenseurs de
l'illicéité de l'emploi de l'arme nucléaire s'y
attendaient le moins la Cour, au lieu de se prononcer si clairement en faveur
de leur thèse au regard de principes sus-évoqués, se
contente plutôt de constater que « le droit international
existant relatif à la protection et à la sauvegarde de
l'environnement n'interdit pas spécifiquement l'emploi d'armes
nucléaires, (mais), poursuit-elle, il met en avant
d'importantes considérations d'ordre écologique qui doivent
être dûment prises en compte dans le cadre de la mise en oeuvre des
principes et règles du droit applicable dans les conflits
armés ».
Voyons à présent les normes coutumières
de portée générale applicables à l'emploi d'armes
nucléaires.
§2. L'applicabilité des normes
coutumières de portée générale
En l'absence d'une règle conventionnelle
générale pertinente directement applicable à la question
de la licéité ou de l'illicéité de l'emploi de
l'arme nucléaire, le débat devant la Cour s'est
immédiatement engagé autour de la recherche et la
détermination d'une telle règle en droit coutumier.
Les Etats possesseurs d'armes nucléaires soutenaient
qu'il existe une autorisation générale d'emploi. Quant aux Etats
non-nucléaires, ils se précipitaient pour démontrer qu'il
existe une règle générale prohibant tout emploi d'armes
nucléaires. La Cour devrait ainsi départager les arguments
juridiques des uns et des autres.
Soulignons dès à présent que la substance
du droit international coutumier doit « être recherchée en
premier lieu dans la pratique effective et l'opinio juris des Etats »
(75(*)) (1). En l'absence
de celles-ci, les débats se sont déroulés autour d'une
série de résolutions de l'Assemblée générale
des Nations Unies relatives à l'interdiction de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires (2)
I. La pratique de non-emploi et la politique de la
dissuasion
Ce paragraphe sera traité en trois phases à
savoir les points de vue contradictoires des Etats, la Cour et la dissuasion
nucléaire et enfin les considérations des juges à
l'égard de la dissuasion nucléaire.
1. Les positions contradictoires des Etats sur la
portée de l'abstention
Les débats entre les Etats devant la Cour ont
principalement porté sur la portée de l'abstention et sa
situation en droit international.
Les défenseurs de l'illicéité de l'emploi
d'armes nucléaires en toutes circonstances ont avancé
l'idée qu'il existe bel et bien une pratique constatée des Etats
depuis 1945 de non-emploi ou de « self-restraint » dans
l'utilisation des armes nucléaires, qui traduit une certaine conviction
que l'emploi de l'arme nucléaire était illicite (76(*)). L'argument s'est
arrêté là.
Pour les Etats tenants de la licéité, aucun
argument décisif n'a pu être présenté quant à
l'existence d'une opinio juris attestant qu'une telle conduite est
véritablement inspirée par un désir de se conformer au
droit (77(*)).
Pour la Cour, le non-emploi d'armes nucléaires depuis
la fin de la guerre froide ne peut guère constituer l'expression d'une
opinio juris. Elle déclare notamment que :
« les Etats qui soutiennent que l'utilisation d'armes
nucléaires est illicite se sont employés à
démontrer l'existence d'une règle coutumière portant
interdiction de cette utilisation. Ils se réfèrent à une
pratique constante de non utilisation des armes nucléaires par les Etats
depuis 1995, et veulent voir dans cette pratique l'expression d'une opinio
juris des détenteurs de ces armes... les membres de la communauté
internationale sont profondément divisés sur le point de savoir
si le non-recours aux armes nucléaires pendant les cinquante
dernières années constitue l'expression d'une opinio juris. Dans
ces conditions, la Cour n'estime pas pouvoir conclure à l'existence
d'une telle opinio juris (78(*)).
Ainsi, le problème semble être de savoir si l'on
peut déceler dans la pratique de non-emploi, un sentiment d'opinio juris
(79(*)) témoignant
en l'existence d'une règle juridique de non emploi. Ce faisant, la Cour
semble réagir à l'argument des Etats défenseurs de
l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires qui voulaient
prouver l'existence d'une règle coutumière prohibant l'emploi,
d'une pratique qui comporte en elle-même une opinio juris.
Il aurait suffit, dans ce cas, de constater la
généralité et la constance d'une pratique d'abstention
pour déduire, sans davantage de preuve, l'existence d'une opinio juris
conforme à une pratique d'abstention. Clairement, la Cour ne voulait pas
prendre une telle position ; elle s'est plutôt
« rangée du côté des attaques entreprises par
les Etats nucléaires » (80(*))
Finalement, ce fut un argument négatif qui permettait
de réfuter les prétentions des Etats non nucléaires sans
pour autant se ranger complètement du côté des Etats
nucléaires.
En l'occurrence, la Cour semble refuser de déduire
l'existence d'une opinio juris de la simple pratique de non emploi. Elle
demande une preuve tangible qu'une pratique de non emploi est
véritablement motivée par un sentiment de la part des Etats
nucléaires de se conformer au droit. Or, l'abstention reste fortuite et
discrétionnaire en ce sens que les Etats nucléaires l'ont
optée pour des raisons politiques et non pas du fait d'une opinio juris.
Pour la Cour, cette pratique de non emploi n'a pas franchi encore le seuil du
droit.
De ce point de vue, les Etats défenseurs de
l'illicéité, n'ont pas pu apporter la moindre preuve
étayant leur thèse. Tout au contraire, la politique de dissuasion
semble être une présomption de l'inexistence d'une règle
coutumière prohibant l'emploi.
2. La politique de dissuasion nucléaire et le
droit international
L'argument de l'existence d'une règle coutumière
de non recours à l'arme nucléaire fut principalement
rejeté par les défenseurs de la licéité, par
l'invocation de la politique de dissuasion. Selon les contestations de la
France, « l'abstention de recours à l'arme
nucléaire depuis 1945 ne saurait être considérée
comme constitutive d'une pratique au sens du droit international. Pour qu'une
abstention d'agir soit pertinente aux fins de la formation d'une règle
coutumière, il faut qu'elle soit fondée sur la conviction de se
conformer à une obligation juridique et qu'elle puisse, de ce fait,
être l'indice d'une coutume établie ou en vue de formation. Or, le
non-recours, depuis 1945, aux armes nucléaires tient à ce que les
circonstances susceptibles de justifier leur emploi ne se sont heureusement pas
présentées, grâce à la politique de dissuasion
elle-même » (81(*)).
La Grande-Bretagne a aussi signalé que «
les armes nucléaires ont pour but de jouer un rôle dissuasif,
de par leur existence même. Le fait qu'une arme n'est pas employée
n'indique pas qu'elle soit interdite, à moins que les Etats qui
s'abstiennent d'y avoir recours le fassent parce qu'ils se considèrent
dans l'obligation de ne pas utiliser ces armes. Or tel n'est pas le cas en
l'occurrence. Que les Etats dotés d'armes nucléaires ne les aient
pas employées et que certains autres Etats considèrent que leur
emploi serait illicite ne permet pas de déduire l'existence d'une
règle portant interdiction de ces armes » (82(*)).
Pour ces Etats, la politique de dissuasion ouvertement
adoptée par tous les Etats dotés d'armes nucléaires, selon
laquelle l'Etat concerné se réserve le droit, par une menace
générale étendue dans le temps, d'utiliser les armes
nucléaires en légitime défense contre une attaque
armée qui met en danger les intérêts vitaux de cet Etat,
repose en dernière analyse sur le postulat que les armes
nucléaires pourraient effectivement être amenées à
être utilisées (83(*)).
Deux conséquences pratiques peuvent ainsi
émerger de l'invocation de la politique de dissuasion.
Premièrement, il s'agit de l'introduction d'une
présomption d'inexistence d'une opinio juris qui, si elle avait
existé, aurait pu confirmer que la pratique de non-recours à
l'arme nucléaire est devenue une règle coutumière.
Deuxièmement, la dissuasion peut aussi expliquer le
non-recours à l'arme nucléaire depuis la deuxième guerre
mondiale. En matière d'emploi d'armes nucléaires, le refus d'y
recourir ne suivait pas un certain sentiment de se conformer à une
obligation juridique mais « dépendait de la crainte qui
est générée par la dissuasion chez l'adversaire de subir
une destruction semblable à ce qu'il peut lui-même infliger, sans
la perception d'avantage acceptable » (84(*)).
Il était donc inévitable, d'aborder ce
problème de la licéité de l'emploi d'armes
nucléaires sans que l'argument juridique ne dérape vers la
politique de dissuasion pratiquée par tous les Etats
nucléaires.
La doctrine, pourtant divisée, s'accorde tout de
même à affirmer que la politique de dissuasion qui était
une « justification politiquement et moralement
tranquillisante » (85(*)) à l'existence des armes nucléaires
constituait aussi le bord du glissement vers l'apocalypse. Elle est en quelque
sorte « la plus éloquente du paradoxe même de cette
arme » (86(*)).
Pour les uns, la doctrine de la dissuasion part du postulat,
qu'il faut éviter par tous les moyens le déclenchement d'une
quelconque confrontation nucléaire, et que le seul moyen de faire
comprendre aux adversaires actuels ou potentiels l'imminence de la
dévastation que pourrait entraîner l'utilisation des armes
nucléaires est d'augmenter les possibilités d'une telle
dévastation à l'encontre des agresseurs potentiels. De ce fait,
la raison même de la doctrine de dissuasion vise à
« empêcher »(87(*)) la guerre et la
prévenir (88(*)).
Son but même est d'éviter le plus longtemps possible une
confrontation nucléaire qui serait désastreuse pour tous. Elle
est en quelque sorte une « police d'assurance » qui est
basée sur le « abhorence of nuclear war »
(89(*)) et peut être
de ce fait « moralement acceptable » (90(*)).
A sa manière, la politique de dissuasion, signale cette
doctrine, était à maints égards à mesure de
garantir non seulement la sécurité nationale des Etats qui l'ont
adoptée mais aussi la stabilité internationale (91(*)) en avortant tout calcul de
première frappe à l'arme nucléaire. Dans un ordre
international décentralisé, dont le pouvoir est aussi diffus
qu'inégal, le « contrôle effectif » pour
garantir un « minimum d'ordre public » doit être
forcement basé sur la réciprocité et les
représailles (92(*)).
Toutefois, si de telles vues quant aux prémisses de la
dissuasion sont largement partagées parmi les Etats nucléaires,
quelque divergences subsistent encore sur le sort de la doctrine quand elle
échoue, avec la mise en oeuvre d'une première frappe
nucléaire. Tandis que la dissuasion n'a, pour certains, qu'une dimension
axée sur le non-emploi ou la non-guerre (93(*)), de sorte qu'elle cesse
d'avoir la moindre justification dès l'instant de la première
frappe, elle continue pour d'autres à exister car elle n'a aucun sens si
elle ne peut pas amener à utiliser effectivement l'arme nucléaire
(94(*)) par des
réponses qui s'élèvent graduellement en intensité
suivant les degrés de menaces encourues.
La dissuasion est pour d'autres fondamentalement instable en
temps de paix. Elle ne peut guère servir comme source d'ordre et de
stabilité. Elle est, en fait, la base de tout le contraire (95(*)).
Par sa préoccupation majeure de balancer constamment
avec les capacités de l'ennemi, pour l'empêcher d'avoir un
avantage pouvant l'inciter à recourir à une attaque
nucléaire et son objectif de gagner si possible quelques avantages pour
mieux dissuader, la dissuasion entraîne inévitablement les
protagonistes vers une course infernale aux armements (96(*)). Qualifiée par
certains comme « l'apprenti soucier » (97(*)) de la dissuasion, cette
course acharnée aux armements est, pour Raymond Aron le symbole de
« la dialectique de l'hostilité en temps de paix [et] la
forme non-belliqueuse de l'ascension aux extrêmes »
(98(*)) car,
« elle entraîne les protagonistes vers une menace continue
et même grandissante d'annihilation globale de l'humanité toute
entière (99(*)).
3. La Cour et la dissuasion nucléaire
A la lumière du débat qui s'est engagé
à propos de la politique de dissuasion, la Cour s'est vue
interpellée pour déterminer la position du droit en la
matière (100(*))
Cette politique a-t-elle une quelconque valeur
juridique ? Constitue t-elle une menace de recourir à la force
prohibée par l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations
Unies ? Peut-elle être justifiée en termes juridiques par la
notion de la légitime défense ou servir de
présomption d'inexistence d'une opinio juris selon laquelle la pratique
de non-emploi d'armes nucléaires est bel et bien une règle
coutumière, voire porter un quelconque indice sur l'existence d'une
opinio juris relative à une pratique opposée ?.
La Cour annonce toute suite qu'elle « n'entend
pas se prononcer ici sur la pratique dénommée
« politique de dissuasion » (101(*)).
Toutefois, elle prend expressément acte du fait de son
adoption par les Etats nucléaires et constate notamment
« qu'il est de fait qu'un certain nombre d'Etats ont
adhéré à cette pratique pendant la plus grande partie de
la guerre froide et continue d'y adhérer » (102(*)).
De cette constatation, l'organe juridictionnel tente de tirer
les conséquences juridiques nécessaires quant à la valeur
juridique de la dissuasion, et à l'existence d'une norme
coutumière quelconque sur la licéité de l'emploi de l'arme
nucléaire. La dissuasion peut-elle tomber sous le coup de la prohibition
de la menace du recours à la force prohibé par l'article 2,
paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ?
La Cour répond en déclarant à ce stade
que :
« la question de savoir si une
intention affichée de recourir à la force, dans le cas où
certains événements se produiraient constitue ou non une
menace au sens de l'article 2 paragraphe 4 de la Charte est
tributaire de divers facteurs. Si l'emploi de la force envisagé est
lui-même illicite, se déclarer prêt à y recourir
constitue une menace interdite en vertu de l'article 2, paragraphe 4 ...les
notions de « menace » et
d' « emploi » de la force ou sens de l'article 2,
paragraphe 4, de la Charte vont de pair, en ce sens que, si dans un cas
donné, l'emploi même de la force est illicite- pour quelque raison
que ce soit - la menace d'y recourir le sera également.... Qu'il y ait
là une « menace » contraire à
l'article 2, paragraphe 4, dépend du fait de savoir si l'emploi
précis de la force envisagé serait dirigé contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
Etat ou irait à l'encontre des buts des Nations Unies, ou encore si,
dans l'hypothèse où il serait conçu comme un moyen de
défense, il violerait nécessairement les principes de
nécessité et de proportionnalité. Dans l'un et l'autre
cas, non seulement l'emploi de la force, mais aussi la menace de l'employer,
seraient illicites selon la Charte » (103(*)).
La question de savoir si la dissuasion constitue une menace de
recours à la force prohibée par le droit fut résolue par
la Cour d'une façon indirecte et détournée.
Notons tout d'abord qu'elle appréhende avec beaucoup de
perspicacité la dynamique politique de la dissuasion, afin de pouvoir la
qualifier juridiquement par rapport à l'interdiction de la menace de
recours à la force ; et raisonne suivant deux manifestations
pratiques de la dissuasion.
La première est une posture de menace
générale qu'adopte un Etat donné et qui consiste en
l'accumulation d'un arsenal d'armement et des capacités de
différentes configurations, susceptibles avec les arguments constants
par rapport aux moyens militaires des ennemis potentiels de dissuader ces
derniers de recourir en premier à l'arme nucléaire contre cet
Etat. Elle est d'une nature qui relève plutôt des
considérations stratégiques de balance de force et de
stabilité au niveau international. Pour la Cour, il convient de savoir
si « la possession d'armes nucléaires est par
elle-même une menace illicite de recourir à la
force » tel que l'ont soutenu les Etats défenseurs de
l'illicéité.
La deuxième est une posture de menace
spécifique qui se construit, en réaction à des agissements
particuliers menaçants de la part de l'agresseur potentiel, et qui est
susceptible de dissuader ce dernier à entreprendre la moindre agression
(cas des essais nucléaires indo-pakistanais). Il s'agit là de
l'intention spécifique qu'affiche un Etat « de recourir
à la force, dans le cas où certains évènements se
produiraient » (voir ci-haut).La Cour ne se prononce pas
directement pour évaluer la licéité de la dissuasion par
rapport à l'article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies, mais
se contente de clarifier son sens quant à la notion de menace et son
rapport avec le recours effectif à la force.
La menace du recours à la force est
illicite selon l'article 2, paragraphe 4 quand le recours même à
la force est illicite. Celui-ci peut bien l'être quand
« l'emploi précis de la force envisagé serait
dirigé contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique d'un Etat ou irait à l'encontre des buts
des Nations Unies ». Cela peut-il bien impliquer à
contrario que dans le cas où le recours à la force est
organisé dans le cadre d'une action concertée des Nations Unies,
elle ne peut nullement être entachée
d'illicéité ? En ira-t-il de même quand la menace est
construite dans le cadre d'une action de légitime défense
individuelle ou collective ?La dissuasion est précisément
basée sur une menace de riposte nucléaire en légitime
défense. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative
à la question ci-haut reprise, l'interdiction de la menace de recours
à la force au sens de l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Unies n'affecte pas, selon la Cour, la dissuasion dans ses deux
manifestations car ces dernières consistent en des menaces de recourir
à la force en cas de légitime défense en second et non en
premier.
Quant à la dissuasion générale par la
simple possession, le prononcé de la Cour n'est pas clair quand il
s'agit d'évaluer la licéité par rapport à la menace
du recours à la force contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique des Etats ennemis. Il est vrai que l'on peut
facilement montrer que la dissuasion générale ne peut être
crédible que quand il s'agit de menacer l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique des Etats ennemis à
cause d'une confrontation de nature particulière. C'était le cas
durant la guerre froide car « les Etats de chaque alliance ciblaient
par leurs possessions, développements et déploiement des missiles
nucléaires à l'intégrité territoriale et
l'indépendance politique des Etats de l'autre camp »
(104(*)).
Toutefois, la dissuasion après la fin de la guerre
froide s'est transformée en nature et a diminué
d'intensité. Elle est devenue une posture minimale de
« vigilance - stratégique » qui n'identifie
aucun ennemi concret. Elle se maintient contre tout ennemi potentiel qui peut
émerger. La dissuasion n'est donc dirigée contre aucun Etat
déterminé. Elle existe plus pour rassurer que pour menacer. La
Cour laisse cette question ouverte (105(*)) :
« Qu'il y ait là,
[déclare-t-elle] notamment, une « menace » contraire
à l'article 2, paragraphe 4, dépend du fait de savoir si l'emploi
précis de la force envisagé serait dirigé contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
Etat ».
La Cour précise le critère
d'appréciation sans porter un jugement concret sur la question.
Après tout, ce n'est pas la véritable problématique de la
dissuasion par rapport au droit. Qu'il s'agisse ou non d'une menace contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
autre Etat, elle ne peut guère être illicite , quand elle est
montée dans le contexte de la légitime défense (106(*)).
Cette question divise aussi les juges qui se sont vus
obligés d'en fournir leur jugement de valeur.
4. Les juges et la dissuasion
nucléaire.
Remarquons que chaque fois que la Cour fait
référence dans son avis à la politique de dissuasion, soit
pour refuser de se prononcer (107(*)) à son sujet, soit pour dire qu'elle ne
pourrait l'ignorer (108(*)), elle ne parvient pas de manière
satisfaisante à circonscrire les contours de cette notion.
En l'absence d'une définition satisfaisante de la
politique de dissuasion, on pourrait la déterminer comme étant
la politique suivie par les Etats nucléaires, et qui consiste en la
fabrication, la possession et le déploiement des armes nucléaires
(109(*)). Le
vice-président schwebel précise à ce propos, dans son
opinion dissidente, que « dès lors qu'une puissance
possède, entretient et déploie des armes nucléaires et les
moyens de les lancer, elle se met dans une situation de dissuasion »
(110(*)) Il
déclare que ces puissances « ont fait savoir et continuent
à faire savoir qu'elles sont disposées à les utiliser dans
certaines circonstances ». Ainsi pour le juge Américain,
possession et menace forment dissuasion.
Le juge Ferrari Bravo a particulièrement
qualifié la dissuasion d'un phénomène d'anti-droit. Il a
déclaré notamment que : « l'idée de la
dissuasion nucléaire n'a aucune valeur juridique » et,
ajoute-t-il, « la théorie de la dissuasion, tout en
inaugurant une pratique juridique sur laquelle doit être fondé le
début de la création d'une coutume internationale, on peut
arriver à dire que l'on est en présence d'un anti-droit, si on
pense aux effets qu'elle a sur la Charte des Nations Unies »
(111(*)).
Pour le juge Koroma, il n'était pas judicieux la part
de la Cour d' « accorder une reconnaissance juridique à la
doctrine de dissuasion comme principe de droit international. S'il est
légitime que la Cour constate l'existence de cette politique, elle
aurait dû avoir conscience que, une fois mise en oeuvre, la doctrine en
question peut être déclarée illicite car son application
suppose un conflit nucléaire lourd de conséquences
catastrophiques non seulement pour la population civile des Etats
belligérants mais aussi pour celle d'Etats étrangers au conflit
et peut déboucher sur la violation du droit international en
général et du droit humanitaire en particulier. Il aurait donc
été plus sage que la Cour s'abstienne de prendre position en
cette matière, essentiellement non juridique »
(112(*))
Le juge, Weeramantry a particulièrement critiqué
la Cour pour n'avoir pas condamné la politique de dissuasion (113(*)). Mais cette politique n'est
pas non plus regardée par la Cour avec faveur. Elle est même
apparue devant elle comme une source de nuisance, un obstacle à la
cristallisation d'un droit « voulu » portant la
prohibition de l'emploi d'armes nucléaires en lex lata (114(*)). Car déclare-t-elle
notamment que :
« l'apparition en tant que lex lata, d'une
règle coutumière prohibant spécifiquement l'emploi des
armes nucléaires en tant que telles se heurte aux tensions qui
subsistent entre, d'une part, une opinio juris naissante et d'autre part, une
adhésion encore forte à la politique de
dissuasion » (115(*)).
En fait, elle s'est imposée dans le raisonnement de la
Cour non en tant que pratique qui n'est pas illicite, et non en tant que
pratique devenue droit coutumier - ce qui n'est nullement prétendu par
les Etats nucléaires - mais seulement par la force même l'arme
nucléaire dont elle est la justification.
Les arguments en faveur de l'illicéité se
fondaient, en outre, sur une série de résolutions de
l'Assemblée générale des Nations Unies.
II. Les résolutions de l'Assemblée
générale des Nations Unies relatives à l'interdiction de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires
En défendant l'idée de l'existence des
règles de droit international coutumier qui prohibent l'usage des armes
nucléaires, les tenants de la thèse de l'illicéité
s'appuyaient sur une centaine de résolutions de l'assemblée
générale des Nations Unies qui affirmaient
régulièrement l'interdiction des armes nucléaires selon le
droit international (116(*)) . Le débat qui s'en est suivi a
tourné autour de la normativité de ces résolutions (I)
Nous analyserons ici les position contradictoires des Etats, le traitement de
la Cour et l'approche de la question par la doctrine.
I. Les positions contradictoires des Etats sur la
valeur normative des résolutions de l'Assemblée
générale
1. Les assertions des tenants de la
licéité
Les tenants du flambeau de la licéité de
l'emploi d'armes nucléaires ont objecté sur la valeur normative
des résolutions de l'Assemblée générale soutenue
par les partisans de l'illicéité en affirmant le
caractère non obligatoire des résolutions de l'Assemblée
générale selon la Charte (117(*)).
Beaucoup ont soutenu que de telles résolutions ne
sauraient être déclaratives d'aucune règle de droit
international coutumier interdisant toute utilisation des armes
nucléaires (118(*)). De plus, les défenseurs de la
licéité insistaient sur la faiblesse du nombre de votes
affirmatifs qui avaient approuvé ces résolutions, par rapport
à ceux qui ne les avaient pas acceptées ou qui s'étaient
abstenus. Ils soulignaient aussi le fait que presque tous les Etats
dotés de l'arme nucléaire ont souvent voté contre ces
résolutions.
Durant la phase orale de la procédure, d'aucuns se sont
demandés avec justesse : « qui sont finalement les
Etats les plus affectés par telles résolutions de
l'Assemblée générale ? Est-ce qu'ils sont
véritablement les Etats dotés de l'arme nucléaire, ou
plutôt ceux qui n'en possèdent pas et qui sont les
« récipients » des effets de l'emploi des armes
nucléaires, ou même l'humanité au sens
large ? » (119(*)). Aussi, le lien établi entre l'affirmation
de l'illicéité de ces armes et la demande adressée dans
les mêmes résolutions au Secrétaire général
de se consulter avec les Etats membres pour conclure une convention
internationale interdisant l'utilisation des armes nucléaires,
soulève la question de savoir « si les Etats qui ont
voté en faveur de la résolution jugeaient l'utilisation des armes
nucléaires comme illicite en l'absence d'une telle
convention » (120(*)). En tout état de cause, la demande de
conclusion d'un traité d'interdiction de l'emploi des armes
nucléaires est révélatrice de la conviction de
l'Assemblée générale selon laquelle leur interdiction en
droit n'est valable que par une convention internationale (121(*)).Cet argument fut repris par
le Vice-président Schwebel dans son opinion dissidente (122(*)).
2. Les arguments des partisans de
l'illicéité
En revanche, pour les défenseurs de
l'illicéité, ces résolutions ne prétendaient pas
créer de nouvelles règles, mais se bornaient à confirmer
le droit coutumier (123(*)) relatif à la prohibition de tout moyen ou
méthode de guerre qui dépassent, par leur utilisation, les
limites de la « « modération nécessaire
dans la conduite de la guerre » (124(*)). Ces règles furent
codifiées et réaffirmées à maintes reprises, par
divers instruments internationaux depuis la déclaration de Saint
Petersburg de 1868 jusqu'aux conventions de Genève de 1925, 1949 et
1977, en passant par les divers règlements de la Haye de 1899 et
1907.
De ce fait, les résolutions de la l'Assemblée
générale déterminaient, tout simplement
l'applicabilité des règles susmentionnées à la
situation que pose l'emploi des armes nucléaires (125(*)). Pour les défenseurs
de l'illicéité, la force normative de ces résolutions ne
dépend pas de l'instrumentum des résolutions mais relève
plutôt du droit international général confirmé dans
les contenus de ces résolutions. Il importe donc peu que ces
résolutions expriment l'opinion de la majorité et non pas
l'opinion des Etats nucléaires, tant qu'elles sont l'expression du droit
international coutumier déjà existant (126(*)) . De toute façon, la
demande de l'Assemblée générale de conclure une convention
de codification portant interdiction de l'emploi de l'arme nucléaire ne
saurait constituer une négation d'une règle de prohibition
d'emploi, car « si tel est le cas, toute convention de
codification signifie négation du droit préexistant
(127(*)).
La conclusion d'une convention d'interdiction d'emploi de
l'armement claire est utile pour préciser le droit en la matière
et prévoir les mécanismes de vérification
appropriés. Quel en est le point de vue de la Cour ?
II. Le point de vue de la Cour
Après avoir réitéré sa
jurisprudence quand à la valeur normative des résolutions de
l'Assemblée générale, la Cour remarque « le
ton tantôt hésitant, tantôt rêveur » de
la plupart des résolutions portant sur l'interdiction de l'utilisation
des armes nucléaires « (128(*)). Elle déclare notamment que :
« Si on les considère dans leur ensemble,
les résolutions de l'Assemblée générale
invoquées devant la Cour déclarent que l'emploi d'armes
nucléaires serait « une violation directe de la
Charte » et, dans certaines versions, que cet emploi
« doit.... être indirect » ; dans ces
résolutions, l'Assemblée générale a parfois mis
l'accent, plutôt, sur diverses questions connexes » (129(*)).
Selon la Cour, l'insistance de l'Assemblée
générale sur ce que le droit « doit
être » en matière d'emploi d'armes
nucléaires, ne saurait guère fournir de preuve quant à
l'existence d'une règle coutumière ou quant à
l'émergence d'une opinio juris en la matière. Il s'agit d'un
droit « souhaité » ou
« programmé » (130(*)) qui a du mal à
figurer comme preuve de l'existence d'une règle coutumière de
proscription d'emploi, car un droit
« souhaité » n'est pas encore un droit
« accepté ».
A notre avis, le ton généralement
hésitant des résolutions en question a considérablement
réduit leur valeur normative. En fait, la plupart de ces
résolutions adoptaient, au fil des années, des tournures au
conditionnel quand il s'agissait de qualifier juridiquement le problème
de l'emploi des armes nucléaires. Presque la totalité de ces
résolutions réaffirment que « toute forme
d'emploi d'armes nucléaires constituerait une violation de la Charte des
Nations Unies et un crime contre l'humanité » (131(*)) ou « doit
être considéré comme une violation... »
(132(*)). L'emploi
d'armes nucléaires « doit donc être interdit en
attendant le désarmement nucléaire »(133(*)). La plupart de ces
résolutions demandaient aux Etats membres par le biais du
Secrétaire général ou le comité qui est devenu la
conférence de désarmement « d'entreprendre en
priorité, des négociations en vue de parvenir à un accord
sur une convention internationale interdisant en toutes circonstances l'emploi
ou la menace d'emploi d'armes nucléaires »(134(*)).
Il est à noter que l'Assemblée
générale exprime habituellement, dans le préambule de
chaque résolution son regret que la conférence ne pouvait pas
entreprendre de négociations sur la question lors de la séance
précédente. L'on se demande si la conférence de
désarmement qui est un organe subsidiaire de l'Assemblée
générale n'est pas obligée d'entreprendre lesdites
négociations à la demande de l'Assemblée
générale. Cela dépendra du fait de savoir si
l'Assemblée générale voulait par une telle demande
éditer une décision obligatoire à l'organe
inférieur. (135(*)). L'Assemblée générale annexait
chaque année un projet de convention sur l'interdiction de l'emploi
d'armes nucléaires dont le préambule affirme la
conviction « que toute forme d'emploi d'armes
nucléaires constitue une violation de la Charte des Nations Unies et un
crime contre l'humanité ». La différence de
formule, entre le dispositif des résolutions avec le préambule du
projet de convention, incite effectivement à croire que
l'Assemblée générale ne considérait pas
l'interdiction d'emploi d'armes nucléaires comme relevant du droit
coutumier déjà existant, mais qu'une telle interdiction devait
intervenir par le biais d'une convention internationale
multilatéralement négociée et ratifiée.
Toutefois, quelques unes de ces résolutions ont eu des
jugements plus tranchés. Pour une d'elles, qui était la
première de la série, l'emploi d'armes nucléaires
« est contraire à l'esprit, à la lettre et aux
buts de la Charte des Nations Unies et constitue en tant que tel, une violation
directe de la Charte » (136(*)) ; une autre déclare que le recours aux
armes nucléaires « constituera une violation de la Charte
des Nations Unies et un crime contre l'humanité »
(137(*)) ; pour une
autre, « les Etats et hommes d'Etat qui emploient les premiers
des armes nucléaires commettent le crime le plus grave contre
l'humanité » (138(*)).
Pour déterminer la valeur normative de cette
affirmation, la Cour se livre à une analyse de sa logique même.
Pour elle, les auteurs de la résolution ont
« procédé à une qualification de la nature
de l'arme nucléaire, à une détermination de ses effets, et
l'application de règles générales du droit international
coutumier à l'arme nucléaire en
particulier »(139(*)). Cette initiative, propre à
l'Assemblée générale, d'appliquer les règles
générales de droit aux armes nucléaires, rend peu probable
l'existence d'une règle spécifique de droit coutumier interdisant
l'emploi de l'arme nucléaire, car si tel avait été le cas,
l'Assemblée générale n'aurait pas procédé
à un exercice avancé de qualification juridique d'une situation
donnée pour les besoins des règles déjà existantes
en matière d'emploi de l'arme nucléaire. Il appartiendra toujours
à la Cour d'apprécier, d'après la nature des armes
nucléaires et le fond des normes pertinentes, si l'utilisation des armes
nucléaires est prohibée en droit international.
De plus, après avoir été
interpellée par les uns et les autres afin de prendre en
considération les intérêts spécifiques dans son
examen des conditions d'adoption des révolutions de l'Assemblée
générale portant sur l'interdiction de l'utilisation des armes
nucléaires, la Cour se livre à quelques constatations sur
l'importance numérique de la majorité par rapport aux voix contre
et aux abstentions.
III. La position de la doctrine
Les auteurs ont, quant à eux, relevé que les
Etats nucléaires s'efforcèrent durant la procédure de
défendre l'idée que la Cour devait, dans son examen des
conditions d'adoption des résolutions de l'Assemblée
générale, tenir compte des positions des Etats les plus
affectés par la résolution. En manière d'emploi d'armes
nucléaires, il s'agissait pour la Cour de prendre en
considération la position des Etats possesseurs de l'arme
nucléaire. Quant aux Etats défenseurs de
l'illicéité, il était évident que l'humanité
toute entière était affectée par l'emploi des armes
nucléaires.(140(*))
Toutefois, ce fut Charles Devisscher qui disait :
« on a pu comparer la lente constitution de la
coutume internationale à la formation graduelle d'un chemin à
travers un vague. A l'origine, on y relève des pistes multiples et
incertaines, à peine visibles au sol. Puis la majorité des
usagers, pour quelques raisons d'utilité commune, adopte un même
parcours : un sentier unique se dégage qui, à son tour, fait
place à un chemin reconnu désormais comme la seule voie
régulière, sans que l'on puisse dire à quel moment cette
dernière transformation s'est accomplie ... Parmi les usages, il en est
toujours qui, plus profondément que d'autres, marqueront la terre de
l'empreinte de leurs pas, soit en raison de leurs poids, c'est-à-dire
leur puissance en ce monde soit parce que leurs intérêts les
appellent plus fréquemment à effectuer le parcours. C'est ainsi
qu'après avoir imprimé à l'usage une orientation
définie, les grandes puissances s'en constituent encore les garants et
les défenseurs » (141(*)), et que cette position était
reflétée dans celle des majorités au fil des ans au sein
de l'Assemblée générale.
Pour les uns et les autres, la Cour devait tenir compte des
différents intérêts en cause qui mobilisent les positions
respectives. Elle devait déterminer, sans critère juridique
précis, les plus prépondérants en l'espèce. La Cour
s'est finalement contentée d'affirmer que :
« Plusieurs résolutions dont il est
question en l'espèce ont cependant été adoptées
avec un nombre non négligeable de voix contre et d'abstention. Ainsi,
bien que lesdites résolutions constituent la manifestation claire d'une
inquiétude profonde à l'égard du problème des armes
nucléaires, elles n'établissent pas encore l'existence d'une
opinio juris quant à l'illicéité de l'emploi de ces
armes »(142(*))
Une première lecture du passage précédent
peut suggérer que l'on parte dans l'examen de la valeur normative des
résolutions de l'Assemblée générale, d'une
compréhension de deux intérêts en cause pour aboutir
à une description de la réalité sans la moindre
évaluation juridique. Il existe une opinio juris naissante portant sur
la prohibition de l'emploi d'armes nucléaires ; mais elle est
cependant dans un état encore embryonnaire. Toutefois, l'insistance de
l'Assemblée générale à adopter chaque année
des résolutions qui rappellent le contenu de la résolution 1653
(XVI) et qui prient les Etats membres de conclure une convention interdisant
l'utilisation des armes nucléaires en toutes circonstances, est
révélatrice d'un désir grandissant de la part de la
communauté internationale de franchir, par une interdiction
spécifique et expresse de l'emploi de l'arme nucléaire
complet.(143(*))
Ce raisonnement de la Cour rappelle les observations de Paul
Reuter à cet égard, lorsqu'il déclare notamment :
« Ou bien la règle existe déjà avant
l'intervention des Nations Unies et l'action de l'Assemblée
générale équivaut à une reconnaissance de cette
règle au titre de l'organisation ; ou bien la règle n'existe
pas encore et la résolution de l'Assemblée générale
ne saurait en tant que telle lier les Etats membres ; en revanche, elle
exerce une pression politique certaine sur les Etats ; si ceux-ci se
conforment à cette pression, une pratique étatique peut se
développer et comporter au bout d'un certain temps la conscience d'une
obligation juridique et donner ainsi naissance à une coutume. En sens
contraire, les Etats peuvent parfaitement, pour lever toute spéculation
sur leurs intentions, déclarer qu'ils rejettent immédiatement
cette pression politique »(144(*))
Une deuxième lecture du raisonnement de la Cour voit
dans le prononcé de l'avis une volonté avortée de
promouvoir l'objectif de l'élimination de l'arme nucléaire.
Ainsi, les résolutions de l'Assemblée générale sont
perçues comme un terrain d'affrontement de deux tendances
opposées. La première est basée sur l'intérêt
de l'humanité tout entière d'éliminer les armes
nucléaires. Elle reflète la volonté d'une majorité
grandissante au sein de l'Assemblée générale (145(*)) d'aboutir à une
interdiction de toute utilisation des armes nucléaires. La
deuxième tendance est surtout influencée par la politique de
dissuasion adoptée par les Etats nucléaires. Cette politique a
inspiré la plupart des Etats possesseurs de l'arme nucléaire une
opposition à toute initiative tendant à interdire l'emploi de
l'arme nucléaire. Car, accepter cette interdiction détruirait le
fondement même de la dissuasion, garant ultime de leur
sécurité nationale.
S'il est vrai que l'humanité même est
concernée par l'emploi de l'arme nucléaire, il reste cependant
évident que l'arme nucléaire existe que la politique de
dissuasion reste capable de fournir la justification pour son éventuel
emploi. En réaction aux conclusions de la Cour, Eric David a eu
l'occasion de commenter : « on fait donc prévaloir
une opinion minoritaire limitant la portée des règles anciennes
sur l'opinion majoritaire donnant à ces règles la portée
qui leur vient en vertu des textes eux-mêmes, au nom d'une pratique
elle-même contestable » (146(*))
Au grand regret, cet affrontement parait se solder par
l'échec de la tendance de la raison au profit de celle de la force,
car :
« L'apparition, en tant que lex lata, d'une
règle coutumière se heurte aux tensions qui subsistent entre,
d'une part une opinio juris naissante et, d'autre part, une adhésion
encore forte à la pratique de la dissuasion » (147(*)).
Quand l'arme ultime affronte la naissance d'un droit portant
l'interdiction de cette arme, ce droit émergera « mort
né » (148(*)). Si la guerre froide n'a pas pu cristalliser une
règle portant sur l'interdiction de l'utilisation de l'arme
nucléaire, l'éventualité de son emploi chaud ne saura
cristalliser une telle règle. Une fois de plus, le droit est face
à ses limites qu'il ne peut décrire.
En tout état de cause, il devenait
particulièrement évident qu'aucun consensus n'a pas pu être
formé au sein de l'Assemblée générale, pour appuyer
le contenu de ces résolutions. Les majorités formées au
fil des ans apparaissent de plus en plus fragiles devant la minorité de
la dissuasion. Le résultat quant au contenu des résolutions, fut
pour le moins un langage hésitant ou irrésolu, dépourvu de
la moindre autorité sur les organes subordonnés et privés
de tout mécanisme de suivi normatif. Devant une telle
réalité, la Cour ne pouvait que constater cette fragilité
des résolutions de l'Assemblée générale relatives
à l'emploi de l'arme nucléaire.
Elle a en effet constaté que « ni le
droit international coutumier ni le droit international conventionnel ne
comporte d'interdiction complète et universelle de la menace ou d'emploi
des armes nucléaires en tant que telles ».
Peut-être trouvera-t-elle une telle règle ou une telle
interdiction dans les matières spécifiques du droit
international.
CHAPITRE II :
LES NORMES SPECIFIQUES DU
DROIT INTERNATIONAL
Dans ce chapitre, il est question de déterminer les
normes spécifiques de droit international applicable à l'emploi
d'armes nucléaires.
Le débat s'accentue entre les partisans de la
licéité de l'emploi d'armes nucléaires et les
défenseurs de l'illicéité, à propos de l'existence
d'une règle de permission ou l'interdiction, dans les différents
instruments de source conventionnelle relatifs aux normes nucléaires.
La Cour rappellera à titre liminaire, en effet, qu'il
n'existe aucune prescription spécifique de droit international coutumier
ou conventionnel qui autoriserait la menace ou l'emploi d'armes
nucléaires ou de quelque autre arme en général ou dans
certaines circonstances, en particulier lorsqu'il y a exercice justifié
de la légitime défense. Il n'existe cependant pas davantage de
principe ou de règle de droit international qui ferait dépendre
d'une autorisation particulière à licéité de la
menace ou de l'emploi d'armes nucléaires ou de toute autre
arme(149(*)).
La pratique des Etats montre en outre que
l'illicéité de l'emploi de certaines armes en tant que telles ne
résulte pas d'une absence d'autorisation, mais se trouve au contraire
formulée en termes de prohibition. Nous tenterons de vérifier
cette dernière affirmation en parcourant les points de vue
contradictoires des Etats et ceux de la Cour en premier lieu sur
l'applicabilité des différents instruments de sources
conventionnelle relatifs aux armes nucléaires (section I) et en second
lieu dans les normes spécifiques du droit des conflits armés
(Section 2).
SECTION 1 : LES
INTRUMENTS CONVENTIONNELS RELATIFS AUX ARMES NUCLEAIRES
§1. Les interdictions conventionnelles des armes
empoisonnées
I. Les points de vue contradictoires des
Etats.
L'absence de définition unanimement acceptée des
armes nucléaires a conduit certains Etats (150(*)) à considérer
que les interdictions conventionnelles dont font l'objet les armes
empoisonnées et les armes de destruction massive (biologiques et
chimiques) s'appliquaient aux armes nucléaires « capables de
destruction massive, dommages généralisés ou
empoisonnements massifs » (151(*))
A cet égard, il a été avancé que
les armes nucléaires devraient être traitées de la
même manière que les armes empoisonnées.
En pareil cas, les armes nucléaires seraient alors
prohibées :
A. par la deuxième déclaration de la Haye du 29
juillet 1899 qui interdit « l'emploi de projectiles qui ont pour
but unique de répandre des gaz asphyxiants ou
délatères » ;
B. Par l'article 23 a) du règlement concernant les lois
et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la convention IV de
la Haye du 18 octobre 1907, selon lequel « il est interdit :
... d'employer du poison ou des armes
empoisonnées » ;
C. Par le protocole de Genève du 17 juin 1925 qui
interdit « l'emploi à la guerre de gaz asphyxiants,
toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou
procédés analogues ».
Ce point de vue, généralement défendu par
les tenants de l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires
a-t-il retenu l'attention de la Cour ?
II. Appréciation de la Cour (152(*))
A propos du règlement annexé à la
convention IV de la Haye, la Cour a fait observer qu'il ne définit pas
ce qu'il faut entendre par « du poison ou des armes
empoisonnées » et que des interprétations
divergentes existent sur ce point. Tandis que le protocole de 1925 ne
précise pas davantage le sens à donner aux termes
« matières ou procédés
analogues ». Dans la pratique des Etats, ces termes ont
été entendus dans leur sens ordinaire comme couvrant des armes
dont l'effet premier, ou même exclusif, est d'empoisonner ou d'asphyxier.
Ladite pratique est claire et les parties signataires de ces instruments ne les
ont pas considérés comme visant les armes nucléaires.
La tendance a été, soutient-elle, en ce qui
concerne les armes de destruction massive, de les déclarer illicites
grâce à l'adoption d'instruments spécifiques.
C'est dans ce contexte qu'ont été
adoptées :
- la convention du 10 avril 1972 sur l'interdiction de la mise
au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques
(biologiques) ou à toxines et sur leur destruction et ;
- la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la
mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes
chimiques et sur leur destruction.
Pour répondre à la question de leur
applicabilité aux armes nucléaires, la Cour estime que
« chacun de ces instruments a été
négocié et adopté dans un contexte propre et pour des
motifs propres et ne trouve pas d'interdiction spécifique du recours aux
armes nucléaires dans les traités qui prohibent
expressément l'emploi de certaines armes de destruction massive
» (153(*))
De nombreuses négociations menées au sujet des
armes nucléaires n'ont pas abouti à un traité
d'interdiction générale du même type que pour les armes
bactériologiques et chimiques. Cependant, plusieurs traités
spécifiques ont été conclus en vue de limiter
l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires, leur
déploiement ainsi que leurs essais.
§2. Traités spécifiques limitant
l'acquisition, la fabrication, la possession et le déploiement d'armes
nucléaires.
Nous examinerons à ce sujet les points de vue
divergents des Etats avant de donner les positions de la Cour.
I. Les points de vue divergents des
Etats
1° Les défenseurs de l'illicéité
Les défenseurs de l`illicéité de l'emploi
d'armes nucléaires soutenaient justement que les traités
précités seraient applicables à l'emploi d'armes
nucléaires. Dans ce sens, ils affirmaient pour leur part que les
conventions qui comportent diverses règles de limitations ou de
l'élimination de l'arme nucléaire dans l'espace
déterminé, comme le traité du 1er
décembre 1959 qui interdit le déploiement des armes
nucléaires parmi d'autres dans l'Antarctique, ou le traité de
Tlatelolco du 14 février 1967 qui crée une zone exempte d'armes
nucléaires en Amérique Latine ; ou les conventions qui
appliquent les mesures de contrôle et de délimitation sur
l'existence des armes nucléaires, comme les traités des
prohibition partielle ou complète des essais nucléaires, ou le
traité du 1er juillet 1968 sur la non prolifération
des armes nucléaires accumulent, toutes, les limitations sur
l'utilisation des armes nucléaires et témoignent à leur
façon de l'émergence d'une norme de prohibition juridique
complète de toute utilisation des armes nucléaires(154(*)).
2° Les partisans de la licéité
Les Etats qui soutiennent que le recours aux armes
nucléaires est licite dans certaines circonstances voient dans
l'affirmation ci-haut une contradiction logique. Selon eux ces traités,
tel le traité du 1er juillet 1968 sur la
non-prolifération des armes nucléaires, de même que les
résolutions 255 (1968) et 984 (1995) du Conseil de
sécurité, qui prennent acte des garanties de
sécurité données par les Etats dotés d'armes
nucléaires aux Etats qui n'en sont pas dotés en cas d'agression
nucléaire contre ces derniers, ne sauraient être compris dans le
sens d'une prohibition légale d'emploi d'armes nucléaires. Une
telle prétention serait contraire à la lettre même de ces
instruments. Pour les partisans de la licéité, il n'existe aucune
interdiction absolue d'utiliser des armes nucléaires(155(*)). Le TNP, est-il soutenu, se
base dans sa logique et sa structure mêmes sur le contraire. L'on ne peut
pas concevoir que ce traité, aux termes duquel la possession d'armes
nucléaires par les cinq Etats qui en sont dotés a
été acceptée [et même légalisée], se
constitue un traité qui en proscrirait l'emploi par ces mêmes
Etats. Admettre le fait que ces Etats possèdent l'arme nucléaire
reviendrait à reconnaître [à fortiori] que cette arme peut
être employée dans certaines circonstances particulières
s'il le faut(156(*)).
Quant aux garanties de sécurité données
par les Etats dotés d'armes nucléaires en 1968 et, plus
récemment, dans le contexte de la conférence de 1995 des parties
au TNP chargée d'examiner le traité et la question de sa
prorogation, elles ne pourraient pas non plus être conçues sans
présupposer qu'il existe des circonstances dans lesquelles des armes
nucléaires pourraient être utilisées de manière
licite(157(*)).
L'acceptation des instruments susvisés par les différents Etats
non dotés d'armes nucléaires confirmerait et renforcerait la
logique évidente sur laquelle se fondent ces instruments.
La doctrine estime que le raisonnement des défenseurs
de la licéité dans ce contexte particulier se fonde sur la
logique tant invoquée du jugement de la CPJI dans les affaires Lotus,
à savoir, « tout ce qui n'est pas interdit est
permis »(158(*)), et que tant qu'aucune règle directe
d'interdiction de l'emploi d'armes nucléaires ne peut être
démontrée dans le droit international général,
celui-ci est permis dans les circonstances particulières où
l'usage de la force est licite selon le droit international159(*).
De ce fait, toutes les conventions qui ont pour objet
d'apporter des limitations à l'existence des armes nucléaires,
n'apportent que des restrictions précises et limitées, en dehors
desquelles l'utilisation de ces armes reste licite. Poussé plus loin, le
raisonnement des défenseurs de la licéité amènerait
à la conclusion que ces Etats considèrent les différents
traités multilatéraux réglementant l'existence de l'arme
nucléaire, plus spécialement le TNP, par les limitations qu'ils
apportent et leurs structures logiques, comme ne relevant pas d'une simple
permission (par la non interdiction expresse), mais comme dégageant
aussi une pure garantie d'un droit d'utilisation de l'arme nucléaire en
dehors des champs d'application de ces traités160(*). La conclusion pourrait
être, au regard de ce raisonnement, que le droit international admet une
utilisation éventuelle des armes nucléaires.
II. Le traitement de la Cour
Dans son examen de la question, la Cour passe en revue les
différents instruments internationaux portant sur diverses mesures de
réglementation de l'existence de l'arme nucléaire. Son objectif
était de savoir « s'il existe une interdiction de recourir aux
armes nucléaires en tant que telles »(161(*)) dans les divers instruments
conventionnels. Elles relève notamment que la tendance en matière
d'interdiction d'emploi d'une classe donnée d'armes de destruction
massive, était toujours « de les déclarer illicites
grâce à l'adoption d'instruments
spécifiques »(162(*)) et note par ailleurs que :
« Les traités qui portent exclusivement
sur l'acquisition, la fabrication, la possession, le déploiement et
la mise à l'essai d'armes nucléaires, sans traiter
spécifiquement de la menace ou de l'emploi de ces armes,
témoignent manifestement des préoccupations que ces armes
inspirent de plus en plus à la communauté internationale ;
elle en conclut que ces traités pourraient en conséquence
être perçus comme annonçant une future interdiction
générale de l'utilisation des dites armes, mais ne comportent pas
en eux-mêmes une telle interdiction »(163(*)).
Bien que la Cour conclut son examen de instruments
réglementant l'existence de l'arme nucléaire par la constatation
qu'il n'y existe effectivement aucune interdiction générale
d'emploi de l'arme nucléaire per se, elle ne manque pas de
souligner que :
« Pour ce qui est des traités de
Tlatelolco et de Rarotonga et leurs protocoles ainsi que des
déclarations faites dans le contexte de la prorogation illimitée
du TNP, il ressort de ces instruments :
a) qu'un certain nombre d'Etats se sont engagés
à ne pas employer les armes nucléaires dans certaines zones
(Amérique latine, pacifique Sud) ou contre certains autres Etats (Etats
non-détenteurs d'armes nucléaires parties au TNP) ;
b) que toutefois, même dans ce cadre, les Etats
dotés d'armes nucléaires se sont réservés le droit
d'y recourir dans certaines circonstances ;
c) que ces réserves n'ont suscité aucune
objection de la part des parties aux traités de Tlatelolco ou de
Rarotonga ou de la part du Conseil de
sécurité »(164(*)).
La Cour ne peut alors que rappeler que « la
menace ou l'emploi d'armes nucléaires devrait être compatible
(...) avec les obligations particulières en vertu des traités et
autres engagements qui ont expressément trait aux armes
nucléaires » (165(*)).
Mais on peut difficilement considérer, à moins
de confondre la lex lata et la lex ferenda, que ces traités - auxquels
il faut aujourd'hui ajouter les traités sur la
dénucléarisation du sud-est asiatique (15 décembre 1995)
et de l'Afrique (11 avril 1996) - « témoignent à
leur manière de l'émergence d'une norme de prohibition juridique
complète d'armes nucléaires » (166(*)).
La Cour y voit tout au plus le
témoignage « des préoccupations que ces armes
inspirent de plus en plus à la communauté
internationale » et « l'annonce d'une future
interdiction générale de l'utilisation desdites
armes » (167(*)).
L'analyse des normes spécifiques du droit des conflits
armés conduira-t-il à la même conclusion ?
SECTION II. LES NORMES DU
DROIT DES CONFLITS ARMÉS
Lorsque nous devons revenir sur la préoccupation de
base, il s'est agi de déterminer une règle spécifique
directement pertinente applicable à l'emploi d'armes nucléaires.
Les arguments des uns et des autres ont voulu soit affirmer, soit infirmer
l'applicabilité des règles du droit international humanitaire en
l'espèce. Avant d'entrer dans le coeur de cette discussion, quelques
concordances de fond dégagées entre les Etats méritent
d'être relevées à ce niveau.
§1. Quelques concordances
préliminaires
Malgré les divergences apparentes parmi les Etats sur
maintes questions préalables, une concordance de fond sur quelques
problèmes généraux semble se dégager de ces
querelles.
Ainsi, le débat entre partisans de la
licéité et les défenseurs de l'illicéité
à propos de la question de l'applicabilité ou non à
l'emploi d' armes nucléaires des règles nouvellement
établies par le protocole I de Genève de 1977 sur la protection
des victimes des conflits armés internationaux perd toute pertinence. En
effet, beaucoup de principes réaffirmés par ce protocole
additionnel comme le principe de la non-discrimination ou le principe de la
nécessité, relèvent du droit international coutumier et
sont de ce fait reconnus, en tant que règles de droit international
général même par les partisans de la licéité
de l'emploi de l'arme nucléaire. Pour s'en rendre compte, il suffit de
voir les arguments (168(*)) des uns et des autres dans leurs exposés
écrits et oraux, à propos de l'applicabilité du protocole
additionnel I de Genève de 1977, au problème de l'emploi des
armes nucléaires.
Il faut, tout de même, noter que la querelle devient
particulièrement pertinente à propos de quelques dispositions
innovatrices dans le protocole additionnel I de Genève, comme c'est le
cas par exemple de la protection de l'environnement. Ainsi conviendrait-il de
noter à ce stade que les défenseurs de la licéité
ainsi que les partisans de l'illicéité s'accordent à leur
manière sur le fait que les règles générales du
droit des conflits armés internationaux s'appliquent automatiquement aux
armes nucléaires, de sorte que la licéité de leur
utilisation devrait être appréciée à la
lumière des prohibitions légales parfois impératives
contenues dans ledit droit. (169(*))
Pour toutes ces raisons, le problème de
l'applicabilité des règles du droit des conflits armés
à l'arme nucléaire fut inopportun. D'aucuns soutiennent que dans
l'âge nucléaire le droit humanitaire devient non seulement
irrelevant mais aussi obsolète (170(*)). D'autres sont allés jusqu'à dire
que : «the law of war belong to a past age and except for a few
minor mathers of no consequence, it is futile to attempt to revive them. Let's
face the facts. Was has got beyond the control of law, other than the
elementary law of humanity, it can be discovered among the ruins of devastated
cities. Gone, and it so to be hoped, gone for ever is the naive belief that is
possible to draft new laws of war for new wars» (171(*)). Ce point de vue ne fut,
cependant, pas partagé par certains juges de la Cour
La Cour s'en est toutefois emparée pour porter quelques
jugements sur différents éléments pertinents de la
question à savoir l'applicabilité du protocole I de 1977 aux
conventions de Genève et l'ensemble des règles du droit
international humanitaire élaborées avant le développement
de la technologie des armes à l'emploi d'armes nucléaires.
§2. L'applicabilité du protocole
additionnel I aux conventions de Genève de 1949.
La Cour note, par exemple que le protocole additionnel I aux
conventions de Genève de 1949 ne représentait au moment de son
adoption en 1977, que l' « expression du droit coutumier
préexistant » (172(*)). La Cour ne tient pas compte des
déclarations faites par divers Etats nucléaires lors de la
signature du protocole final selon lesquelles ces derniers notaient que les
règles nouvellement établies dans le protocole ne sont pas
applicables à l'arme nucléaire. (173(*)) Henri MEYROWITZ parlait de
l'existence d'un consensus durant la conférence de ne pas juger la
licéité de l'emploi de l'arme nucléaire (174(*)) alors que Elmar RAUCH
conteste l'existence de ce consensus (175(*)).
Visiblement, la Cour n'entre pas dans la querelle de savoir
comment on peut déterminer dans ce protocole les éléments
qui réaffirment le droit préexistant, de nouvelles dispositions
qui développent ledit droit, dans un contexte conventionnel de
« mixité » (176(*)). Elle se range à
l'avis selon lequel la plupart des dispositions du protocole contribuent
à spécifier les principes généraux affirmés
dans les conventions de La Haye et de Genève, plutôt que
d'apporter de nouvelles règles (177(*)).
La Cour ne tient pas compte non plus du projet de protocole
préparé par le CICR qui notait que le projet et la
conférence diplomatique ne traiteront pas des armes nucléaires
qui sont objets, avec toutes les autres armes de destruction massive, d'accords
internationaux spéciaux. Exposant sur la discussion des circonstances
qui ont entouré la conférence diplomatique sur la
réaffirmation et le développement du droit international
humanitaire, beaucoup d'auteurs ont affirmé que « sans
l'exclusion de l'arme nucléaire par le projet, la conférence
n'aurait eu aucun succès. (178(*))
Par ailleurs, « le fait que la conférence
de 1974-1977 n'ait pas traité spécifiquement de certains types
d'armes ne permet de tirer aucune conclusion juridique quant aux
problèmes de fond que le recours à ces armes
soulèverait » (179(*))
S'agit-il d'une « petite
révolution » entreprise par la Cour, lorsqu'elle écarte
les déclarations de quelques Etats nucléaires au profit du droit
humanitaire, se demandent certains auteurs, tout en affirmant que
« l'avis fut à cet égard audacieux »
(180(*)). La Cour
pouvait se le permettre, poursuivent-ils.
D'abord, l'existence d'un consensus portant sur l'exclusion du
problème de l'emploi de l'arme nucléaire du champ d'application
de nouvelles règles établies par le protocole est
« fortement douteuse ». (181(*)) Ensuite, il ne s'agit plus
dans le contexte du droit humanitaire en général et du protocole
en particulier, de mettre en question la licéité de l'emploi
même de l'arme nucléaire, dont les conséquences peuvent
affecter les politiques de sécurité nationale des Etats
nucléaires. Le droit humanitaire n'est qu'un ensemble de
« règles qui visent à gérer la guerre, pour
apporter plus de modération dans sa conduite dans un contexte de
dérapage continu vers l'irrationalité »
(182(*))
En tant que tel, le droit international humanitaire
« paraît faible » pour gérer
même les échanges « parfois
aveugles » d'armes dites conventionnelles, qui n'ont pour
fonction que de « priver l'homme de son
humanité ». Devant l'arme nucléaire, le droit
humanitaire « est menacé d'extirpation ».
Il devait par conséquent « déployer tout son
arsenal pour s'auto défendre »(183(*)).
Le protocole additionnel I constitue une part importante du
dispositif du droit des conflits armés. La créativité
juridique pouvait facilement en fournir la justification. C'est ainsi que l'on
peut avancer que les règles convenues dans le Protocole n'apportent que
des précisions aux principes du droit humanitaire préexistant. La
Cour l'a ainsi confirmé d'une manière brève dans son avis
consultatif (184(*))
§3. L'applicabilité du droit des conflits
armés au regard du développement de la technologie des
armes
On ne peut guère soutenir d'une
manière générale que l'ensemble des règles du droit
international humanitaire ne gouvernent pas l'emploi de l'arme nucléaire
au simple motif que ces dernières avaient été
élaborée, pour la plupart, avant l'invention de cette arme et que
le développement subséquent n'a pas traité
spécifiquement de l'arme nucléaire. La Cour semble affirmer avec
vigueur que l'ensemble des règles du droit humanitaire s'appliquent
à l'emploi de l'arme nucléaire. Car, une conclusion contraire
« méconnaîtrait la nature intrinsèquement
humanitaire des principes juridiques en jeu, lesquels imprègnent tout le
droit des conflits armés et s'appliquent à toutes les formes de
guerre et à toutes les armes du passé, du présent et de
l'avenir » (185(*))
De toute façon, même les Etats nucléaires
ne contestent guère l'applicabilité des règles du droit
humanitaire à l'emploi de l'arme nucléaire. En plus la Clause
Martens, énoncée pour la première fois dans la convention
II de La Haye de 1889 sur les lois et coutumes de la guerre sur terre et qui
est reprise à l'article premier, paragraphe 2 du Protocole additionnel I
de 1977 (186(*)),
constitue une affirmation que les principes et règles du droit
humanitaire s'appliquent aux armes nucléaires (187(*)).
Pour le juge Weeramantry, la clause Martens est
donc « une composante bien établie du droit
international coutumier actuel. Elle représente des principes du droit
international universellement admis »(188(*)). Tandis que pour le juge
Shahabuddeen, « la clause avait pour fonction essentielle
d'affirmer de manière incontestable l'existence des principes de droit
international appelés à titre subsidiaire, mais avec les effets
sur des situations actuelles, à régir le comportement des
militaires par rapport aux principes humanitaires et aux exigences de la
conscience publique... la Clause de Martens couvrait de sa propre
autorité, de façon autonome et concluante, la thèse selon
laquelle, il existait déjà des principes du droit international
en vertu desquels des considérations d'humanité pouvaient avoir
des effets juridiques par elles-mêmes et régir le
comportement des militaires dans le cas où le droit conventionnel ne
contenait pas de règle applicable... la clause de Martens pourrait
elle-même avoir une force normative propre à fournir la protection
supplémentaire requise en exerçant un contrôle
approprié sur le comportement des militaires »
(189(*)).
D'autres contestaient justement la capacité de la
clause Martens à générer une force normative pour plus de
protection. Pour Henri MEYROWITZ, les usages établis entre nations
civilisées, les lois de l'humanité et les exigences de la
conscience publique ne sont que des sources matérielles qui ne
« peuvent accéder au droit positif qu'en se coulant dans
les moules reconnus de ce dernier ». MEYROWITZ poursuit :
« la portée pratique de la clause Martens est très
réduite, à l'inverse de sa valeur au point de vue doctrinal,
relativement à la théorie des sources du droit de la guerre. Sous
l'angle de notre sujet, l'importance de la clause réside en ce que les
rédacteurs de 1899, 1907 et 1977 n'ont pas été
arrêté par le principe de Hume. Ils ont reconnu l'existence et
précisé la fonction des sources matérielles dans le
processus général de la genèse de droit de la guerre. Il
est vrai que cette reconnaissance ne leur coûtait rien, puisqu'ils ont
dans le même temps rappelé que ces sources ne peuvent engendrer,
de leur propre force, du droit positif » (190(*)).
Pour le professeur Georges ABI SAAB, cette clause
reflète le fait que les rédacteurs de l'instrument de La Haye de
1899, voulaient préserver le droit coutumier préexistant, dont
quelques règles furent affirmées par les instruments successifs,
contre le danger de douter de la validité d'autres règles qui
n'ont pas fait l'objet de codification (191(*)).
L'effort fourni dans cette première partie était
de déterminer le droit applicable à la menace ou à
l'emploi d'armes nucléaires. Dans les lignes qui suivent à
présent, nous verrons comment la question de l'Assemblée
Générale a été traitée par l'organe
judiciaire principal des Nations Unies.
DEUXIÈME
PARTIE :
LA QUESTION DE L'EMPLOI
D'ARMESS NUCLÉAIRE PASSEE AU CRIBLE DE LA COUR INTERNATIONALE DE
JUSTICE
La Cour internationale de Justice a étudié la
question de l'emploi de l'arme à la lumière des dispositions
pertinentes de la Charte des Nations Unies relatives à l'usage de la
force et des règles du droit des conflits armés qui conditionnent
celui-ci.
Les développements qui suivent s'efforcent d'analyser
le raisonnement de l'organe judiciaire de l'ONU appelée à rendre
un avis majeur sur une question capitale.
CHAPITRE
I :
L'EMPLOI DE L'ARME
NUCLÉAIRE AU REGARD DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES
La Cour n'avait pas eu de difficulté majeure à
constater que le recours à la force par un Etat contre
l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de
tout autre Etat, avec l'emploi de n'importe quel type d'armement, y compris
l'arme nucléaire, est catégoriquement interdit par la
Charte ; et tous les Etats qui avaient plaidé devant la Cour
s'étaient accordés sur le bien fondé d'une telle
conclusion. Pour cette raison évidente, il n'est plus guère
besoin de s'étendre sur la question de l'interdiction du recours
à la force contenue dans l'article 2, paragraphe 4 et son application au
problème de l'emploi de l'arme nucléaire.
Mais la question qui constituait pour la Cour le
véritable problème de la demande adressée par
l'Assemblée générale est celle relative à
l'emploi de l'arme nucléaire en légitime défense car,
c'est à travers la légitime défense que les Etats
nucléaires justifient à la fois leur politique de dissuasion et
leur éventuelle option à l'emploi de l'arme nucléaire.
Avec toute sa nature presque instinctive, du moins indispensable à
l'existence même du sujet de droit et son caractère
schizophrène, le droit à la légitime défense
devient encore paradoxal avec l'arme nucléaire.
Son utilité ainsi que sa perversité se font
sentir quand il s'agit de l'interpréter dans le cas particulier de
l'emploi de l'arme nucléaire (192(*)). Il deviendrait pour les uns d'autant plus
indispensable à la survie même de l'Etat considéré
menacé par une attaque nucléaire ; il est pour les autres
sources de dérive. Il s'agissait pour la Cour d'interpréter le
droit à la légitime défense à la lumière de
la question de l'emploi de l'arme nucléaire, d'en préciser le
contenu et d'en circonscrire les limites.
Dans ce contexte, la question de l'emploi de l'arme
nucléaire en légitime défense telle qu'elle fut
présentée par les différents Etats devant la Cour s'est
articulée autour de trois problématiques classiques, propres
à l'exercice du droit légitime défense. La première
est liée à la nature du droit de légitime défense
(Section I), la deuxième est relative aux limites à l'exercice du
droit de légitime défense (Section II) et la dernière
quant à elle porte sur le rôle du conseil de
Sécurité dans l'exercice de la légitime défense
mettant en jeu l'emploi d'armes nucléaires (Section II)
La Cour devrait préciser à la fois, le contenu
du droit existant en matière de légitime défense et
interpréter ce droit dans le cas concret de l'emploi de l'arme
nucléaire.
SECTION I. LA NATURE DU
DROIT DE LÉGITIMÉ DÉFENSE
§1. Les positions contradictoires des
Etats
Une divergence de fond apparaissait à propos de la
nature du droit de la légitime défense entre les partisans de la
licéité et les tenants de l'illicéité. S'agit-il
d'un droit inhérent ou un droit conféré à
l'existence de l'Etat ?
I. Les assertions des partisans de la
licéité
1. Les assertions des tenants de
l'illicéité
Droit naturel ou inhérent, la légitime
défense est, pour les partisans de la licéité, un droit
profondément lié à l'existence et à la survie
même de l'Etat. Elle est un droit naturel non seulement par son
appartenance à un droit coutumier préexistant, mais aussi et
surtout par sa nature indispensable à la conservation même de
l'Etat en tant que sujet du droit international ; c'est un droit qui est
né avec le sujet de droit, il évolue avec ce sujet et
s'éteint quand ce sujet cesse d'exister. Son « arône
irréductive est, pour tout système juridique, même parmi
les plus institutionnalisés, une espèce de réflexe
biologique de tout sujet de droit pour l'autoconservation »
(193(*)).
L'existence formelle du droit de légitime
défense comme le droit coutumier préexistant la Charte des
Nations Unies, confirme, à en croire ces Etats, ou du moins ne saurait
contredire, le caractère inhérent du droit de la légitime
défense à l'existence même de l'Etat.
Une telle vision du droit de légitime de
défense permet à ces Etats d'affirmer avec vigueur que
« ni le droit coutumier applicable à la légitime
défense individuelle et collective, ni l'article 51 de la Charte ne
réglementent, ni ne limitent les moyens militaires par lesquels un Etat
peut exercer son droit naturel de légitime défense »
(194(*)).
En d'autres termes, la spécificité de l'arme
nucléaire ne saurait impliquer la moindre exception ou limitation au
droit de légitime défense de par les limitations classiques de
l'exercice de ce droit. Dès lors que l'ensemble des conditions de
l'exercice du droit de légitime défense sont réunies,
l'Etat agressé sera en mesure de se défendre
légitimement.
Dans une telle circonstance, si l'emploi de l'arme
nucléaire s'impose pour une raison ou pour une autre, l'Etat victime,
possesseur de cette arme, ne saurait ne pas en faire usage sous peine
d'annihilation complète (195(*)). Pour ces Etats, les limitations introduites par le
droit international à l'exercice du droit de légitime
défense sont évaluées ou doivent l'être par rapport
aux circonstances de chaque cas espèce. Dans les cas d'attaques
nucléaires qui mettent en danger la survie même de l'Etat victime,
les limitations au droit de défense légitime ne sauraient
empêcher ce dernier d'employer l'arme nucléaire pour mieux
défendre sa survie.
2. Le point de vue des tenants de
l'illicéité
En effet, le droit de légitime défense est pour
les uns un privilège (196(*)) et pour les autres une exception (197(*)) à la règle
générale de l'interdiction du recours à la force.
L'exercice de la légitime défense concédé par le
droit à l'Etat, bien qu'indispensable, devient de plus en plus
limité au fur et à mesure que les réflexes institutionnels
du système (international) se perfectionnent (198(*)).
Si le droit de légitime défense est dans une
certaine mesure inhérent à l'existence même de l'Etat, les
limitations à l'exercice de ce droit sont, en quelque sorte
inhérentes à l'existence même de cette
« compétence » (199(*)) telle qu'elle est
appréhendée et conférée par le droit. En d'autres
termes, il ne peut y avoir de légitime défense quand son exercice
n'est pas conforme aux exigences de limitation requise par le droit.
L'exercice du droit de légitime défense
dérape vers l'abus quand il existe chez l'Etat victime une intention de
punir et non seulement de se défendre, ou quand il dépasse le but
social du droit de légitime défense pour devenir par son
étendue disproportionnée l'instrument d'une véritable
agression. Un tel raisonnement permet aux défenseurs de
l'illicéité de négliger pour quelque temps les
« instincts naturels à la défense »
qui, on l'a vu, peuvent pousser à la dérive en théorie et
à l'apocalypse en pratique, pour mettre plutôt l'accent sur la
nécessité d'évaluer la légitimité de
n'importe quel exercice du droit de légitime défense à la
lumière des limitations prévues en droit.
Avec l'arme nucléaire, pourrait-on dire, l'exercice du
droit de légitime défense ne peut être
qu'illégitime : « l'engrenage de la terreur et de
l'escalade » (200(*)) propre à tout emploi de l'arme
nucléaire, même en légitime défense fera de la
défense une source de pure agression qui serait dirigée non
seulement contre l'éventuel agresseur, mais contre l'humanité
toute entière. L'emploi de l'arme nucléaire, à n'importe
quelle échelle dans le contexte de la légitime défense ne
peut être qu'interdit pour cause d'abus. Pour toutes ces raisons, il
eût fallu que la Cour déclarât en termes
dénués d'ambiguïtés, que l'emploi de l'arme
nucléaire en légitime défense ne peut qu'amener ce droit
vers la dérive.
§2. Le traitement de la Cour
Quand il devient concevable que la survie même d'un Etat
peut être menacée, non pas dans un sens politique mais
plutôt dans le sens d'une véritable extinction de toute une
population, de tout un environnement, de toute vie, la Cour semble curieusement
se rallier à une conception de la légitime défense qui la
comprend comme « relevant d'un réflexe instinctif pour
défendre la survie menacée »(201(*)). La Cour n'a-t-elle pas
déclaré notamment qu'elle « ne saurait au
demeurant perdre de vue le droit fondamental qu'a tout Etat à la
survie ; et donc de recourir à la légitime défense,
conformément à l'article 51 de la Charte lorsque cette
survie est en cause » (202(*)).
Bien que la Cour ne donne pas davantage de précision
sur la situation extrême dans laquelle la survie de l'Etat est en
cause(203(*)), elle
introduit tout de suite le problème de l'emploi de l'arme
nucléaire pour la défense de la survie de l'Etat
agressé.
Toutefois, la Cour ne trouve pas de réponse. Elle
constate notamment qu'elle « ne saurait conclure de façon
définitive à la licéité ou à
l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires par un Etat
dans une circonstance de légitime défense dans laquelle sa survie
même serait en cause ».
La Cour prononce ainsi un non liquet qu'il fallait
éviter car, estime Christakis et Lafranchi, « il n'y
a(vait) pas lieu de prétendre qu'il n'existait pas dans (le cas)
d'espèce, une lacune du droit susceptible de donner lieu à un non
liquet »(204(*)).
Le « non - avis »(205(*)) prononcé par la
Cour, pour reprendre la formule d'Eric David, - qui fut pour elle une
« issue » selon le terme de Paul Reuter(206(*)) - n'a pas
épargné la doctrine d'en formuler divers commentaires dans les
sens différents.
§3. Commentaires de la doctrine
En effet, la Cour se trouve en désarroi devant le
paradoxe que provoque l'emploi de l'arme nucléaire en droit
international. Si la survie de l'Etat est en cause, la survie de
l'humanité tout entière l'est aussi avec l'emploi de l'arme
nucléaire. La Cour ne pouvait priver un Etat de son droit de
défendre sa survie même par l'emploi de l'arme nucléaire au
nom de la survie de l'humanité tout entière sous peine
d'apparaître trop utopique(207(*)). Christakis et Lafranchi regrettent que la Cour
« par sa conclusion finale et ses théories sur la survie
de l'Etat ait cru indispensable de rendre à l'égocentrisme
blessé d'un volontarisme oligarchique sa gloire perdue, en
insinuant...que le salut de la nation (de certaines nations) est la
valeur suprême et que dans le conflit entre l'Etat et humanité, le
premier triomphe »(208(*)).
Le non liquet paraît constituer, pour la Cour, une
solution de facilité, un refuge quasi politique (209(*)) pour échapper
à des affirmations absolues qui peuvent être la source de beaucoup
de contradictions (210(*)).
Bien que critiquée par quelques juges (211(*)), la réponse de la
Cour a laissé, en quelque sorte, la voie libre aux membres de la Cour
pour avancer les interprétations les plus variées.
Quelques uns ont vu dans l'hésitation non
résolue un aval aux Etats possesseurs de l'arme nucléaire de
« recourir à la menace ou à l'emploi des armes
nucléaires dans une circonstance extrême de légitime
défense dans laquelle la survie même d'un Etat serait en
cause »(212(*)).
Pour ceux des membres de la Cour, défenseurs de
l'illicéité de l'emploi de l'arme nucléaire, leurs
critiques sur l'indécision de la Cour étaient inspirées
par deux tendances opposées. La première acceptait comme
proposition de base l'idée que le droit de légitime
défense est inhérent à l'existence même de
l'Etat(213(*)).
Néanmoins, ce qui était pour eux moins acceptable ce sont les
conséquences fâcheuses qu'une telle proposition peut
entraîner dans le cas de l'emploi de l'arme nucléaire par un Etat
possesseur. Il leur semblait presque inadmissible que le droit, qui tente de
limiter la possession de l'arme nucléaire à une poignée
d'Etats en vue de négocier son ultime élimination, autorise
l'emploi de cette arme par les Etats qui la possèdent si ceux-ci se
sentent menacés et en prohibe l'emploi par les Etats qui ne
possèdent point par la simple interdiction de la possession (214(*)).
Pour ces juges, la Cour n'avait pas pu affirmer par son
indécision une telle injustice. Le vide constaté ne saurait
nullement être interprétée comme confirmant une telle
inégalité, car si tel est le cas, les effets dommageables sur le
régime de la non-prolifération et sur les négociations
pour un désarmement nucléaire se feront particulièrement
sentir d'autant plus qu'une telle affirmation de la part de la Cour justifie
l'emploi de l'arme nucléaire même par les Etats qui sont au seuil
de la possession(215(*)), alors que tous leurs programmes de possession sont
d'emblée contestés.
Une deuxième tendance parmi les membres de la Cour
considère le droit de légitime défense comme une
compétence conférée par le droit international. Ils se
donnent même le temps d'évaluer la légalité de
l'exercice de la légitime défense, dans les situations
extrêmes où le temps s'accélère brusquement pour
aboutir à sa fin ; et, tentent de comparer l'intérêt
individuel de chaque Etat de se défendre contre une agression qui met en
danger sa survie même et l'intérêt général de
l'humanité tout entière à la survie (216(*)), qui sera mis en danger par
l'escalade de l'emploi de l'arme nucléaire.
La proposition de base qui semble inspirer un tel raisonnement
se fonde sur l'idée que c'est dans la riposte de l'Etat agressé
par des armes nucléaires que réside à la fois des
éléments qui servent à déclencher une escalade
nucléaire, et des éléments qui servent à la
maîtriser et à l'éviter. En effet, c'est la riposte
nucléaire et non l'attaque initiale de même nature qui
déclenche l'escalade nucléaire. Si l'agresseur sort de sa
rationalité et utilise en agression armée des armes
nucléaires, toutes les possibilités sont encore ouvertes pour que
l'Etat agressé préserve sa propre rationalité en ne
ripostant pas avec l'emploi des armes nucléaires. A ce moment,
l'agression se révélerait en quelque sorte isolée, et
particulièrement condamnable. Une escalade vers une guerre
nucléaire serait même évitée de justesse.
Et « c'est justement si un Etat souhaite
survivre, qu'il ferait mieux de ne pas recourir aux armes
nucléaires !»(217(*)).
SECTION II. LES LIMITES
À L'EXERCICE DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE
§1. Position du problème et points de
vue contradictoires des Etats
L'opposition entre les partisans de la licéité
et ceux défendant l'illicéité de l'emploi de l'arme
nucléaire en cas de la légitime défense ne
s'arrêtait pas sur les problèmes d'ordre théorique de la
véritable nature du droit de légitime défense. Elle a
également eu lieu un niveau d'analyse plus technique et moins abstrait.
Il s'agissait surtout de savoir si une agression armée
d'une envergure importante ou même sans limites contre un Etat
donné peut justifier l'emploi de l'arme nucléaire par ce dernier
ou par un allié qui la possède, à une échelle
importante et parfois sans limites, en application des exigeances mêmes
de la légitimité de l'exercice du droit de la défense qui
s'apprécient principalement en fonction de la gravité de
l'agression armée. En d'autres termes, une riposte nucléaire ne
serait-elle pas toujours conforme aux exigences de nécessité et
de proportionnalité si elle n'a pour but que de repousser une attaque de
la même envergure.
D'une manière claie et précise, il s'agit
là d'une question de mesure entre l'attaque que subit l'Etat victime et
la riposte envisagée en cas de la légitime défense. Du
moins, C'est cela qu'avaient affirmé les Etats défenseurs de la
licéité de l'emploi de l'arme nucléaire (218(*)).
En revanche, les partisans de l'illicéité ont,
pour leur part, estimé que toutefois, l'effet de multiplication des
ravages que peut causer l'emploi de l'arme nucléaire, amène
à raisonner d'emblée en des termes tranchés visant
particulièrement à affirmer que n'importe quel emploi ne saurait
se conformer à l'ensemble des exigences qui visent à
éviter le dérapage vers l'abus dans l'exercice du droit de la
légitime défense, à savoir la condition de
proportionnalité (219(*)).
§2. La décision de la
Cour
La Cour Internationale de Justice tout en soutenant que les
restrictions à l'exercice de ce droit sont
« inhérentes à la notion même de la
légitime défense »(220(*)), affirme dans son avis que le droit de
défense ne saurait être légitime si son exercice se
révèle excessif par rapport aux différentes restrictions
auxquelles il est soumis et qui visent à le contenir (221(*)).
Elle refuse, par ailleurs, de s'exprimer dès l'abord en
des termes tranchés sur la compatibilité ou
l'incompatibilité de l'emploi de l'arme nucléaire aux exigences
qui conditionnent la légitimité du droit de défense. Sans
davantage d'explications, la Cour note particulièrement que «
le principe de proportionnalité ne peut pas, par lui-même,
exclure le recours aux armes nucléaires en légitime
défense » (222(*)).
Une telle position indique clairement que tout emploi de
l'arme nucléaire n'est nullement contraire aux exigences qui
conditionnent la légitimité du droit de défense. Il
convient par conséquent de raisonner suivant le cas d'espèce.
En effet, si la Cour refuse de se livrer à l'examen de
différentes hypothèses d'école, elle affirme
néanmoins que l'arme nucléaire peut parfois être compatible
avec les exigences auxquelles est soumise la légitimité du droit
de défense (223(*)).
Bien que la Cour n'envisage pas se livrer à
l'étude des différentes hypothèses pratiques (224(*)) pour donner des
réponses précises, elle devrait tout au moins déterminer
les critères de l'exercices du droit de légitime défense
à la lumière des restrictions auxquelles celui-ci est soumis et
examiner la portée de l'ensemble des exigences qui conditionnent la
légitime défense quant au déclanchement de son exercice,
la qualité et la quantité des forces à employer sa
durée légitime ainsi que les conditions de sa cessation.
L'avis de la Cour ne traite pas de ces problèmes
particuliers et n'offre pas la moindre indication claire quant au
critère qualitatif de la proportionnalité. L'Organe judiciaire
principal de l'ONU se contente plutôt d'affirmer que l'emploi de la force
en cas de légitime doit satisfaire « aux exigences du
droit applicable dans les conflits armés, dont en particulier les
principes et règles du droit humanitaire » (225(*)), ce qui renvoi aux
différents principes relatifs à la protections des populations
civiles et au choix des moyens de nuire à l'ennemi en temps des conflits
armés. Ces principes s'appliquent bien entendu à toutes
circonstances et peuvent particulièrement règlementer l'emploi
de l'arme nucléaire contre une attaque conventionnelle. La
légitimité de cet emploi s'appréciera selon ce que la
riposte viole les différents principes du droit humanitaire.
§3. Commentaires de la
doctrine
Le moment du déclenchement du droit de la
légitime défense avait particulièrement retenu l'attention
de la doctrine. Il s'agissait pour elle de savoir si l'on peut avoir recours
à la légitime défense, avant la véritable
initiation d'une agression armée, dans un but essentiellement
préventif (jus preventionis) (226(*)) ou, s'il faudra attendre « une action
matérialisée » (227(*)) d'agression ou au moins « un
début d'exécution » pour que l'exercice du droit
de défense soit légitime.
La question n'implique pas seulement une interprétation
littérale de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En effet,
l'article 51 est clair en ce qu'il indique que l'agression armée est
une condition préalable et sine qua non à l'exercice du droit de
légitime défense (228(*)). Mais la question de la défense
préventive soulève aussi un problème au regard des
principes de nécessité et de proportionnalité.
En effet, l'on a pu effectivement se poser la question de
savoir si le recours dit « préventif »
à la légitime défense est nécessaire pour
arrêter et repousser l'agression qui n'a même pas eu lieu, ou s'il
est proportionnel à une attaque qui ne s'est pas encore
matérialisée, et qui risque de ne jamais l'être.
La controverse sur la légitimité en droit
international de la défense préventive s'aggrave
considérablement quand il s'agit de considérer le facteur
nucléaire.
Pour certains, l'introduction des armes nucléaires ne
fait que renforcer la position selon laquelle la défense
préventive et légitime (229(*)) car, dans une guerre nucléaire le temps est
important (230(*)).
L'agression qui envisagerait l'emploi de l'arme nucléaire en premier
frappe ciblerait dans son attaque non seulement les infrastructures
consacrées à la riposte de l'Etat victime - ce qui paralyserait
ses capacités de riposte- mais aussi les populations civiles. A maints
égards, la première frappe serait la décisive car elle est
fatale pour l'Etat victime. L'Etat potentiellement victime d'une agression avec
l'emploi d'arme nucléaire ne saurait réellement attendre
jusqu'à ce qu'il soit frappé pour riposter (231(*)). Il a le droit de se
défendre en anticipant la première frappe sous la bannière
de la légitime défense préventive. Il s'agit là
d'une doctrine qui admet et soutient, comme les partisans de la
licéité, que le droit de légitime défense est
inhérent à l'existence de l'Etat. Il est en effet facile pour eux
de s'affranchir de toute restriction liée à l'exercice de ce
droit par la défense préventive, notion sans fondement juridique
réel au nom de la sauvegarde de la propre existence de l'Etat.
Pour d'autres, le facteur nucléaire fut une raison de
plus pour ne pas légitimer la défense préventive
(232(*)). Outre
l'argument de la non-conformité de l'emploi de l'arme nucléaire
en défense préventive aux exigences de la nécessité
et de la proportionnalité, il est fait état de risque de mauvaise
interprétation (233(*)) des menaces inévitables dans les perceptions
subjectives des agissements belliqueux d'autrui. De telles situations auront,
dans le contexte des armes nucléaires, des conséquences
désastreuses pour tous (234(*)). La défense préventive qui permet de
s'affranchir facilement des conditions objectives de l'exercice du droit de
légitime défense, ouvre la voie aux interprétations
subjectives les plus désordonnées.
La Cour, soutiennent ces auteurs, fidèle à sa
position antérieure de désintéressement (235(*)), ne s'est pas
prononcée sur la légitimité en droit international de la
défense préventive avec l'emploi de l'arme nucléaire. Elle
a toutefois envisagé une telle possibilité, pensent-ils, quand
elle considère le cas extrême dans lequel la
« survie » même de l'Etat est en cause.
Si la survie de l'Etat est menacée dans le contexte
d'une longue et épuisante confrontation, elle peut aussi être en
cause par une menace de première frappe nucléaire. Dans cette
dernière hypothèse, l'Etat potentiellement victime ne peut avoir
recours à la force pour se défendre que préventivement,
car si sa survie est menacée, il ne peut nullement se défendre
s'il attend le véritable impact d'une telle agression ; il doit
fatalement anticiper par prévention.
La Cour, tout en envisageant une telle situation, ne pousse
pas plus loin son raisonnement juridique et se contente de constater une
certaine indifférence du droit, qui est artificielle pour les uns et
politiquement accommodatrice pour d'autres
SECTION III. L'ACTION DU
CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LE RECOURS À L'ARME
NUCLÉAIRE
Il est admis que la victime d'une agression armée qui
use du droit de légitime défense doit, selon l'article 51 de la
Charte des Nations Unies, informer dans les plus brefs délais le conseil
de sécurité de l'agression armée ainsi que de la riposte
entreprise, afin que ce dernier se saisisse et prenne toutes les mesures
nécessaires pour rétablir la paix rompue. La Cour l'a bien
rappelé dans son avis, quand il s'agit de riposte nucléaire. Elle
a pu déclarer notamment que :
« L'article 51 exige spécifiquement que
les mesures prises par les Etats dans l'exercice du droit de légitime
défense soient immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité ; cet article dispose en
outre que les mesures n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'à
le Conseil, en vertu de la Charte, d'agir à tout moment de la
manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir
la paix et la sécurité internationales. Ces prescriptions de
l'article 51 s'appliquent quels que soient les moyens utilisés en
légitime défense » (236(*))
Tout en récapitulant l'esprit de l'article 51 de la
Charte des Nations Unies, la Cour s'arrête là sans davantage de
précisions quant à l'incidence de l'emploi de l'arme
nucléaire sur le rôle et le fonctionnement du conseil de
sécurité (237(*)).
Concrètement, il convenait de distinguer deux
situations différentes de confrontation impliquant les armes
nucléaires.
La première relève d'une échelle
relativement mineure de confrontation qui n'implique pas les grandes puissances
nucléaires mais concerne plutôt un conflit nucléaire dans
lequel seul les Etats au seuil de possession et non signataires du
Traité de non prolifération des armes nucléaires sont
impliqués.
Là, les questions se posent avec insistance sur
l'attitude convenable que le Conseil de sécurité peut adopter
dans pareilles circonstances. Le conseil a-t-il les moyens de juger et de
qualifier chaque situation d'agression ou de légitime défense
(238(*)) ?
En outre, le conseil est-il en mesure d'autoriser l'emploi de
l'arme nucléaire au nom de la collectivité internationale contre
« l'agresseur » qui persiste dans ses attaques
nucléaires(239(*)) ? Maintes questions épineuses qui ont
interpellé le raisonnement de la Cour sans l'inciter à donner
davantage des précisions.
La deuxième situation relève d'une
échelle majeure de confrontation impliquant nécessairement deux
Etats nucléaires au moins, selon l'hypothèse commune
envisagée par tous les Etats nucléaires dans leurs
déclarations d'assurance positive et négative émise par le
Conseil de Sécurité à l'occasion de la dernière
conférence de révision du TNP en 1995. Dans pareilles
circonstances qui peuvent impliquer non seulement des échanges
nucléaires globales destructrices de l'humanité toute
entière, les questions du fonctionnement approprié et efficace du
Conseil de Sécurité ne sont même pas posées.
Elles ne sont même pas abordables à cause du
blocage inévitable(240(*)) du Conseil de sécurité dans
l'hypothèse des échanges limités du fait du droit de veto
dont toutes les puissances nucléaires disposent, quand il s'agirait
d'adopter des mesures de contraintes sous l'égide du chapitre
VII(241(*)). Elles en
sont surtout pas envisageables à cause du véritable
éclatement du conseil dans les hypothèses extrêmes de
confrontation nucléaires.
Intimidée par les possibilités
d'ébranlement du Conseil de sécurité quand il s'agit de
traiter les conflits impliquant l'emploi de l'arme nucléaire, la Cour se
contenta d'afficher une timidité bégayante et
répétitive sans apport original ni rigueur
pénétrante en estimant « pas nécessaire de
traiter des questions que pourrait soulever, dans un cas donné,
l'application du chapitre VII ». (242(*))
CHAPITRE
II :
L'EMPLOI DE L'ARME
NUCLEAIRE AU REGARD DU DROIT DES CONFLITS ARMES
Il s'agit de savoir si les normes de portée
générale et celles spécifiques essentiellement
conçues pour limiter les effets néfastes de la guerre, de la
contenir et d'en prévenir l'escalade (243(*)) seraient totalement submergées par les
effets des armes nucléaires, de sorte qu'elles seraient
nécessairement violées par n'importe quel emploi de ces armes, ou
si, par contre, les règles du droit des conflits armés devaient
être appréciées, même en cas d'utilisation des armes
nucléaires, en termes relatifs tenant compte des circonstances
particulières de chaque cas d'espèce.
SECTION I. L'APPLICATION DES
NORMES DE PORTÉE GÉNÉRALE DU DROIT DES CONFLITS
ARMÉS A L'EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES
Cette différence de perception entre partisans de
l'illicéité et défenseurs de la licéité se
traduit techniquement par une opposition de fond sur l'application de beaucoup
de règles du droit des conflits armés et s'accentue à
propos des normes de portée générale qui énoncent
des principes inspirateurs des règles spécifiques du droit des
conflits armés. Le principe selon lequel les parties à un conflit
n'ont pas un choix illimité quand aux méthodes et aux moyens de
combat (244(*)), ou
celui en vertu duquel le seul objectif légitime qu'une partie dans un
conflit armé devrait se limiter à réaliser est
l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi (245(*)), font partie des normes de
portée générale. Mais leur applicabilité directe et
leur pertinence par rapport à l'emploi des armes nucléaires sont
discutées.
§1. Les positions contradictoires des
Etats
I. Le point de vue favorable
Les défenseurs de l'illicéité notent
l'application directe de règles susmentionnées à
l'utilisation des armes nucléaires (246(*)) et soutiennent que l'effet dévastateur de
l'arme nucléaire qui résulterait d'un éventuel emploi
indiquerait inévitablement que des moyens de destruction
illimitée ont été utilisés : ce qui violerait
nécessairement le premier principe. La destruction illimitée que
pourrait entraîner n'importe quelle utilisation des armes
nucléaires dépasserait largement les limites ultimes
imposées aux belligérants dans un conflit armé par le
deuxième principe.
II. Le point de vue
défavorable
Les partisans de la licéité de l'utilisation de
l'arme nucléaire, n'attachent aucune importance aux règles de
portée générale du fait de leur caractère vague et
imprécis liés à la généralité de leur
contenu. Pour eux, ces règles esquissent l'orientation de la logique du
droit des conflit armés et servent même à identifier son
fondement (247(*)), mais
elles auraient toujours besoin d'être complétées par des
règles de caractère précis pour être efficacement
pertinentes (248(*)).
Ainsi, le droit des conflits armés
« supplante » ces normes de portée
générale par des normes plus précises qui sont les seules
à prendre en considération car elles sont efficacement
obligatoires.
III. Traitement de la Cour
La Cour pour sa part se contente de récapituler le
premier principe précédent en soulignant toute sa force
normative. McCORMACK regrette, en effet, la timidité de la Cour à
cet égard (249(*)).
Elle confirme aussi sa propre capacité à
contrôler efficacement les conduites étatiques durant la guerre,
sans qu'il y ait besoin de chercher ailleurs des règles plus
particulières, comme l'ont réclamé les défenseurs
de la licéité de l'emploi de l'arme nucléaire.
SECTION II. L'APPLICATION DE
NORMES SPÉCIFIQUES DU DROIT DES CONFLITS ARMÉS ET L'EMPLOI
D'ARMES NUCLÉAIRES.
§1. L'interdiction des armes qui causent des
maux superflus et l'emploi des armes nucléaires.
I. Les assertions des défenseurs de
l'illicéité
La querelle a pris de l'ampleur à propos notamment du
droit des conflits armés internationaux qui visent à interdire
tous moyens de guerre qui causent des souffrances inutiles et les maux
superflus (250(*)).
Pour les défenseurs de l'illicéité
(251(*)) l'utilisation
des armes nucléaires provoque nécessairement des souffrances
incalculables qui dépassent toute rationalité exigée dans
l'utilisation de différents moyens de guerre existants ou qui peuvent
être développés à l'avenir.
Parmi les divers effets que peut provoquer n'importe quelle
arme nucléaire, les ondes thermiques libérées par
l'explosion nucléaire sont capables en quelques instants de vaporiser
tout ce qui se trouve à une certaine distance. Le rayonnement initial
produit par l'énergie sous la forme de « rayons
gamma », ainsi que les retombées radioactives causent des
irradiations particulièrement mortelles accompagnées de
brûlures profondes de la peau. De tels effets dépassent largement
toute modération exigée par le droit des conflits armés
quant aux moyens de guerre utilisés. L'utilisation de l'arme
nucléaire causerait aux combattants des souffrances inévitables
et nécessairement inutiles(252(*)).
II. Considérations des tenants de la
licéité.
Pour les défenseurs de la licéité, ce
genre de raisonnement méconnaît la logique même du
fonctionnement de la règle visant à interdire tout moyen de
guerre qui peut causer des souffrances inutiles. Selon eux,
l'appréciation de l'inutilité d'un moyen de guerre donné
dépend entièrement de l'objectif militaire à atteindre
dans un cas particulier (253(*)), de sorte que si l'objectif militaire fixé
à un moment donné peut être atteint par l'utilisation des
moyens de guerre qui causeraient moins de souffrance, l'utilisation des armes
qui aggravent les souffrances ou rendent la mort inévitable est
totalement prohibée. L'évaluation d'une telle situation à
la lumière de la règle de la prohibition de tout moyen de guerre
qui cause de souffrances inutiles est relative(254(*)). Elle dépend des
circonstances particulières de chaque cas d'espèce. Pour les
défenseurs de la licéité, la Cour devrait se garder de
prononcer ce genre d'affirmations générales et abstraites
(255(*)).
III. Point de vue de la Cour
La Cour se contente de récapituler la règle
relative à l'interdiction des armes qui causeraient des souffrances
inutiles, sans préciser le sens de l'utilité, ni donner davantage
d'éléments qui permettent de définir un critère
pour évaluer le seuil de «
l'utilité » d'une quelconque souffrance
inévitable par rapport aux nécessités militaires. Elle ne
se livre pas non plus à une analyse détaillée quant
à la question de savoir si en matière d'emploi de l'arme
nucléaire il existe des situations où la souffrance causée
par l'emploi de telles armes peut être utile par rapport à
certains objectifs ou nécessités militaires. Les motifs de l'avis
disposent en termes certes brefs mais fermes que :
« Les méthodes et moyens de
guerre... qui auraient pour effet de causer des souffrances inutiles aux
combattants sont interdits. Eu égard aux caractéristiques uniques
des armes nucléaires aux quelles la Cour s'est
référée ci-dessus, l'utilisation de ces armes
n'apparaît effectivement guère conciliable avec le respect de
telles exigences » (256(*))
Les défenseurs de la thèse de la
licéité de l'emploi de l'arme nucléaire verront dans une
telle affirmation une réfutation par la Cour du raisonnement en termes
relatifs.
Toutefois, les défenseurs de la licéité
trouvent certainement un refuge dans les nuances apportées par la Cour,
plus loin, selon lesquelles « la Cour... ne dispose pas des
éléments suffisants pour pouvoir conclure avec certitude que
l'emploi d'armes nucléaires serait nécessairement contraire aux
principes et règles du droit applicable dans les conflits armés
en toutes circonstances » (257(*)). Ils concluent rapidement que si la Cour ne veut
sagement pas se livrer à spéculer sur des cas concrets d'emploi,
ce qui n'est pas son devoir, elle donne à la règle
particulière toute sa tonalité relative qui oblige à
distinguer, même en cas d'emploi de l'arme nucléaire, entre
l'emploi qui cause une souffrance inévitable utile et son contraire.
Selon les défenseurs de la licéité, la Cour ne fait que
confirmer leur thèse qui consiste à affirmer que tout emploi
n'est pas nécessairement illicite au regard de la règle sur la
prohibition de tout moyen de guerre qui causerait des souffrances inutiles aux
combattants (258(*)).
§2. La prohibition des armes empoisonnées
et l'emploi d'armes nucléaires
I. Assertions des défenseurs de
l'illicéité.
Il est à noter aussi que la règle qui prohibe
tout moyen de guerre qui peut causer des souffrances inutiles a inspiré
beaucoup de règles en vigueur dans le droit des conflits armés
notamment celles interdisant des classes entières d'armes. De tels
systèmes d'armes étaient considérés par leur nature
même comme des moyens de guerre qui causent des souffrances
dépassant nécessairement tout objectif militaire à
atteindre (259(*)). Ce
fut le cas avec l'interdiction expresse par la déclaration de La Haye
(IV,2) de 1899 d'employer des armes qui ont pour seul objectif de
déployer du gaz asphyxiant, ou la prohibition par la déclaration
de la Haye (IV,3) de 1899 d'utiliser des balles expansives dans le corps
humain(260(*)).
L'interdiction de toute arme qui aurait pour objet de déployer des gaz
asphyxiants, toxiques ou similaires ainsi que de tout liquide, matière
ou procédé analogue a été aussi l'objet du
protocole de Genève de 1925. Un raisonnement à fortiori
(261(*)) a incité
beaucoup des défenseurs de l'illégalité à
déduire la prohibition des armes nucléaires à partir de ce
protocole (262(*)). Pour
eux, non seulement l'arme nucléaire provoque, par son rayonnement
initial, des effets particulièrement toxiques, mais les effets
néfastes de l'utilisation des armes nucléaires dépassent
largement la toxicité (263(*)).
II. Réplique des tenants de la
licéité
Pour les défenseurs de la licéité, une
telle construction logique n'est pas crédible, le protocole de
Genève de 1925 vise très particulièrement les armes qui
ont pour effet principal la toxicité. Si l'utilisation des armes
nucléaires provoque des effets secondaires toxiques, la toxicité
n'est que secondaire (264(*)). L'arme nucléaire n'est pas un moyen de
guerre qui déploie principalement des gaz toxiques. Elle ne tombe pas de
ce fait sous le coup de l'interdiction du protocole de Genève de 1925.
De plus, le droit a toujours été spécifique dans
l'application des restrictions sur l'emploi des différentes armes, il a
toujours requis une grande précision dans la prohibition d'une classe
d'armes donnée. Les interdictions concernant une arme ne s'appliquent
qu'à cette arme qui ne peut pas être comparée à
d'autres types de moyens de guerre (265(*)). Une interprétation et une
appréciation restrictives de ce genre d'interdiction s'imposent en
toutes circonstances (266(*)). Pour les défenseurs de la
licéité, le raisonnement à fortiori par rapport à
d'autres types d'armes relève de l'embarras évident
qu'éprouvent les partisans de l'illicéité à trouver
des règles d'interdiction spécifique de l'emploi de l'arme
nucléaire (267(*)) qui a préoccupé aussi l'organe
judiciaire international.
III. Traitement de la Cour
La Cour traite le problème de l'application des divers
instruments portant sur l'interdiction de l'emploi des armes
empoisonnées dans le contexte de la recherche de l'existence d'une
règle conventionnelle portant sur l'emploi de l'arme nucléaire.
Les instruments traitant des armes empoisonnées furent même les
premières cibles dans la recherche d'une règle spécifique
portant sur la prohibition d'emploi de l'arme nucléaire. En
plaçant sa recherche à ce niveau, la Cour semble être
motivée par deux considérations. La première consiste
à rechercher des instruments internationaux qui portent une quelconque
réglementation de l'emploi de l'arme nucléaire. La
deuxième présuppose d'une certaine manière que les
instruments portant sur l'interdiction de l'emploi des armes
empoisonnées font partie de l'ensemble des instruments qui peuvent
contenir une réglementation directe de l'emploi de l'arme
nucléaire. N'y a-t-il pas là une situation de jugement
anticipé en matière d'emploi d'armes nucléaires par
rapport aux interdictions qui concernent l'utilisation d'armes
empoisonnées ? En examinant les instruments relatifs à la
prohibition d'armes empoisonnées dans le contexte de sa recherche sur
l'existence d'une règle conventionnelle quelconque portant sur la
réglementation de l'emploi de l'arme nucléaire, la Cour croit
pouvoir trouver des règles gouvernant l'emploi de l'arme
nucléaire dans les instruments portant sur l'interdiction des armes
empoisonnées comme s'il était déjà établi
que l'arme nucléaire est une arme toxique. Ce faisant, ne
présuppose-t-elle pas d'emblée que l'arme nucléaire est
une arme toxique, pour y apporter plus loin « une
réfutation catégorique » (268(*)). Elle déclare
notamment que : « il n' apparaît pas à la Cour
que l'emploi d'armes nucléaires puisse être regardé comme
spécifiquement interdit sur la base des dispositions
susmentionnées de la deuxième déclaration de 1899 du
règlement annexé à la convention IV de 1907 ou du
protocole de 1925 » (269(*)).Il eût été plus prudent de la
part de la Cour d'éviter l'embarras d'une telle contradiction d'autant
plus que l'invocation de l'interdiction de l'emploi des armes nucléaires
à la lumière de la prohibition des armes empoisonnées n'a
été faite que dans le contexte du droit des conflits armés
(270(*)), en discutant
surtout de l'opportunité de l'exercice du procédé logique
d'analogie avec les armes empoisonnées, ce qui suppose la reconnaissance
par les Etats de l'absence d'une règle juridique en matière
d'armes nucléaires dans les instruments relatifs aux armes
empoisonnées et la nécessité de procéder par voie
d'interprétation.
Quoi qu'il en soit, la Cour paraît se ranger au
côté des défenseurs de la licéité, en
interprétant restrictivement les divers instruments portant interdiction
des armes empoisonnées. Elle note particulièrement que diverses
interprétations existent déjà en doctrine, mais que dans
la pratique des Etats « ces termes ont été
entendus dans leur sens ordinaire comme couvrant des armes dont l'effet
premier, où même exclusif, est d'empoisonner ou
d'asphyxier »(271(*)). « La dite pratique est claire et les
parties à ces instruments ne les ont pas considérés comme
visant les armes nucléaires »(272(*)) poursuit-elle son
raisonnement. Devant les diverses interprétations possibles, la Cour
opte pour une interprétation restrictive qui lui permette
d'éviter de donner une réponse tranchée en faveur de
l'illicéité. Ce faisant, la Cour semble vouloir éviter
toute position catégorique afin de préserver sa liberté
dans l'appréciation des données de la question. La grande marge
d'interprétation dont disposaient les règles conventionnelles
relatives aux armes empoisonnées lui permettait de procéder par
choix suivant une certaine politique cachée. Il est toutefois valable de
se demander, si la Cour, en voulant éviter de se ranger
prématurément du côté des défenseurs de
l'illicéité, elle ne tombe pas dans le camp des défenseurs
de la licéité. Une réponse affirmative peut être
effectivement soutenue. Toutefois, il est aussi impossible de soutenir qu'en
réfutant l'application des instruments portant interdiction des armes
empoisonnées à la question de l'emploi de l'arme
nucléaire, la Cour n'accepte nullement la licéité d'un tel
emploi mais constate seulement l'inapplicabilité de ces instruments
à l'arme nucléaire (273(*)). En était-il aussi le cas à propos du
principe de la non-discrimination ?
§3. Le principe de la non-discrimination et
l'emploi d' armes nucléaires
D'autres règles du droit des conflits armes visant
à contenir la guerre et à l'empêcher de déraper vers
les populations civiles ou les biens de caractère civil ou vers les
combattants neutralisés ont été aussi l'objet des
querelles passionnelles entre les défenseurs de la licéité
de l'emploi des armes nucléaires et les partisans de
l'illicéité (274(*))
I. Assertions des partisans de
l'illicéité
Ces derniers (275(*)) ont évidemment soutenu l'idée que les
armes nucléaires étant, par leur nature même de destruction
massive incapables de distinguer entre les biens de caractère civil et
les objectifs militaires, les populations civiles et les combattants, comme
c'est toujours exigé en droit . Les armes nucléaires sont aussi
incapables, par leurs effets dévastateurs, d'épargner les
monuments historiques, les bâtiments de religion, d'art ou de
charité, et les hôpitaux, qui sont particulièrement
protégés en droit. La dévastation que provoquerait
l'utilisation d'une ogive nucléaire de moyenne puissance
empêcherait inévitablement le bon fonctionnement des
différentes conventions de Genève de 1949 entre les
belligérants car, du fait de la dévastation, il serait
particulièrement difficile par exemple de créer des zones
protégées pour les prisonniers ou les blessés de guerre.
De même l'extermination de ces personnes protégées
deviendrait inévitable (276(*)). Les obligations des belligérants relatives
à la collection des blessés, ou des morts, l'évacuation
des prisonniers de guerre sans les exposer aux dangers inutiles, les
enterrements individuels, seront tous impossible à réaliser du
fait de la destruction massive qui survient à la suite de l'utilisation
d'une arme nucléaire. L'emploi de n'importe quelle arme
nucléaire, même si elle est dirigée vers un objectif
militaire, causerait inévitablement une destruction quasi-totale des
régions civiles environnantes, du fait des effets dévastateurs et
collatéraux des armes nucléaires et aussi du fait de la
proximité habituelle des objectifs militaires de grandes
agglomérations civiles(277(*)). Cet emploi serait, de ce fait même,
contraire nécessairement à toute règle de droit des
conflits armés internationaux qui s'inspire du principe de la
non-discrimination. Cela n'a pas pu rencontrer l'assentiment des partisans de
la licéité de l'emploi de l'arme nucléaire.
II. Les arguments des tenants de la
licéité
Les défenseurs de la licéité de l'emploi
d'armes nucléaires soutiennent que l'argument selon lequel les armes
nucléaires sont nécessairement indiscriminatoires n'est pas
fondé (278(*)).
Une telle affirmation est trop générale et abstraite. Elle
méconnaît la diversité des puissances et des configurations
des armes nucléaires. S'il est vrai qu'il existe certaines armes
nucléaires de grande puissance qui sont capables d'infliger une grande
dévastation non seulement contre les objectifs militaires mais aussi
contre les biens de caractère civil, le même raisonnement ne
pourrait pas être avancé à propos de toutes les armes
nucléaires. Il existe en effet des armes nucléaires de faible
puissance qui ont généralement le label « armes
nucléaires tactiques », ou « armes
nucléaires de faible puissance » qui causent
généralement des dégâts limités, et qui ne
sont en aucun cas des armes indiscriminatoires. Ce genre d'armes est souvent
porté sur des systèmes de grande précision qui sont
capables d'effectuer avec l'arme nucléaire des frappes
« chirurgicales » discriminatoires. Il existe, en
plus, des armes nucléaires de très faible puissance qui peuvent
aussi être sous forme d'obus d'artillerie ou même de mines
terrestres (279(*)).
Elles sont souvent appelées des « armes
nucléaires de champ de bataille ». Les effets de ces
armes sont suffisamment limités pour que toute affirmation
d'indiscrimination à leurs égards relève de la pure
exagération. Pour les défenseurs de la licéité, la
Cour pourrait ne surtout pas déclarer d'une façon abstraite que
tout emploi d'armes nucléaires aurait des effets indiscriminatoires, et
de ce fait qu'il violerait les règles pertinentes du droit des conflits
armés.
III. Point de vue de la Cour
La Cour ne manque pas de voir dans les arguments des uns et
des autres que la réponse au problème envisagé
dépend dans une large mesure d'une évaluation des variations
techniques quant aux puissances des armes nucléaires ainsi que d'une
appréciation de la dynamique de l'échange nucléaire une
fois engagée. Elle se verra inévitablement conduite à
examiner des hypothèses qui relèvent de la stratégie,
domaine étranger au raisonnement judiciaire.
Dans son examen du problème, la Cour paraît
critiquer l'argument des partisans de la licéité qui met l'accent
sur la diversité des puissances des différentes armes
nucléaires (280(*)). Elle déclare notamment qu' :
« aucun des Etats qui soutiennent qu'il serait
licite d'utiliser les armes nucléaires dans certaines circonstances, et
notamment d'utiliser « proprement » les armes
nucléaires plus petites, de faible puissance ou tactiques, n'a
indiqué quelles seraient - à supposer que cet emploi
limité soit réellement possible - les circonstances
précises justifiant un tel emploi, ni démontré que cet
emploi limité ne conduirait pas à une escalade vers un recours
généralisé aux armes nucléaires de forte puissance.
En l'état, la Cour n'estime pas disposer des bases nécessaires
pour pouvoir se prononcer sur le bien fondé de cette thèse
»(281(*)). La
doctrine ne s'est pas empêchée de faire les commentaires dans tous
les sens sur cette position. La doctrine n'a pas hésité
à s'exprimer à ce sujet.
IV. Commentaires de la doctrine
L'organe juridictionnel semble être inspiré par
l'argument qui insiste sur le fait que les effets néfastes que pourrait
causer l'emploi d'une arme nucléaire même de faible puissance
peuvent être véhiculés dans l'espace ou d'une
manière qui violerait toute préoccupation de contenir la guerre
(282(*)). La Cour
paraît aussi être motivée par l'observation plus forte que
la première selon laquelle « beaucoup d'ogives
nucléaires qui sont considérées comme des
armes tactiques ont une puissance au moins double que celle
d'Hiroshima et Nagasaki » (283(*)). En termes dépourvus
d'ambiguïté, l'organe judiciaire international n'échappe pas
à la conclusion selon laquelle une fois utilisée, l'arme
nucléaire, même de faible puissance, le seuil nucléaire
serait franchi et le risque d'aboutir à une situation d'escalade
(284(*)) vers une guerre
nucléaire sinon globale, du moins destructive d'une région
entière, est inévitablement présent.
A partir du moment où la Cour confirme la
plausibilité de l'argument qui évoque
l'inévitabilité de l'escalade nucléaire même en cas
d'emploi d'armes nucléaires tactiques, le champ s'ouvre à des
affirmations plus tranchées en matière du principe de la non
discrimination, surtout dans un sens critique contre l'emploi de l'arme
nucléaire. Dans une partie de son raisonnement, elle semble confirmer
que l'emploi de l'arme nucléaire ne peut être conciliable avec
tout principe du droit international humanitaire qui vise à contenir la
guerre et limiter ses dégâts. Elle déclare notamment
que : « [...], les méthodes et moyens de guerre qui
ne permettraient pas de distinguer entre cibles civiles et cibles
militaires...sont interdits. Eu égard aux caractéristiques
uniques des armes nucléaires auxquelles la Cour s'est
référée ci-dessus, l'utilisation de ces armes
n'apparaît effectivement guère conciliable avec le respect de
telles exigences » (285(*)).
On aurait cru que la Cour irait jusqu'à prononcer en
des termes encore plus fermes l'incompatibilité de l'emploi de l'arme
nucléaire avec le principe de la non-discrimination. Mais, par un
curieux revirement, elle se rétracte sans donner la
moindre explication juridique. Elle affirme dans le même paragraphe
qu'elle : « [...] ne peut davantage se prononcer sur le bien
fondé de la thèse selon laquelle le recours aux armes
nucléaires serait illicite en toute circonstance du fait de
l'incompatibilité inhérente et totale de ces armes avec le droit
applicable dans les conflits armés »(286(*)). Elle poursuit plus loin
dans les termes suivants « (...) qu'elle ne dispose pas des
éléments suffisants pour pouvoir conclure avec certitude que
l'emploi d'armes nucléaires serait nécessairement contraire aux
principes et règles du droit applicable dans les conflits armés
en toutes circonstances » (287(*)). La Cour énonce dans le dispositif de son
avis qu' : « Il ressort des exigences susmentionnées
que la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait
généralement contraire aux règles du droit international
applicable dans les conflits armés, et spécialement aux principes
et règles du droit humanitaire »(288(*)).
La confrontation des arguments de logique stratégique
qui furent longuement invoqués par les uns et par les autres s'est
finalement soldée par le mot
« généralement » mentionné
dans la première partie du paragraphe 105E de l'avis. Ce mot
paraît mettre l'accent sur la contrariété de presque tout
emploi de l'arme nucléaire à l'ensemble des règles
existantes du droit international humanitaire. La Cour ne fournit pas davantage
d'éléments pour préciser le mot
« généralement »(289(*)).
Aucune justification juridique ne fut avancée pour
expliquer un tel revirement, alors que tout le raisonnement de l'avis semblait
annoncer une position contraire. Si ce changement inexpliqué est
regrettable, sa posture ne saurait échapper aux tentatives des
commentateurs à la compréhension.
Une de ces tentatives reconsidérera notamment
l'argument invoqué par les défenseurs de la licéité
relatif à l'emploi des armes nucléaires
« tactiques » ou de faible puissance. Elle tentera
d'expliquer le fait que bien que la Cour semble être convaincue par
l'argument selon lequel, même en cas d'emploi d'armes nucléaires
de faible puissance, l'on ne peut guère échapper à une
escalade incontrôlable de violence, elle n'exclut pas pour autant la
plausibilité de l'argument relatif aux armes nucléaires
tactiques. Le raisonnement de la Cour peut notamment tenir compte du fait que
l'on ne peut exclure non plus l'hypothèse selon laquelle il existe des
situations où les objectifs militaires des protagonistes dans un conflit
nucléaire sont limités ou éloignés. Bien que
l'éventualité d'une telle hypothèse soit faible, sa
réalisation ne saurait être exclue d'emblée.
Cela explique peut-être le mot
« généralement » qui a porté
le flan à beaucoup de critiques parmi les membres de la Cour(290(*)).
L'arme nucléaire déstabilise
les fondements même du droit international humanitaire (291(*)) et détruit le
concept même de la guerre (292(*)).
Mais le raisonnement de la Cour, en effet, en matière
d'interprétation du droit international humanitaire, fut pour le moins
ambivalent (293(*)),
mais surtout hétéroclite (294(*)).
L'apport de l'avis quant à la qualification juridique
de l'emploi de l'arme nucléaire par rapport au droit des conflits
armés paraît plutôt modeste. Car, de par la
récapitulation des différents principes du droit international
humanitaire, la Cour ne se livre même pas à leur
interprétation dans le contexte particulier de l'emploi de l'arme
nucléaire.
D'autres lectures afficheront plus du pessimisme car, en
déclarant que l'emploi de l'arme nucléaire est
généralement incompatible avec les règles du droit
international humanitaire, la Cour reconnaît qu'il existe effectivement
des situations selon lesquelles l'emploi de l'arme nucléaire pourrait
être compatible avec les règles du droit des conflits
armés.
CONCLUSION
Durant la période d'armement nucléaire complet,
le monde contemporain a toujours dû faire face à la menace ou
à l'emploi d'armes nucléaires. Pendant la longue guerre froide,
la menace fut en effet accélérée par la stratégie
adoptée par les puissances nucléaires et leurs
alliés ; le caractère quasi illimité de sa puissance
destructrice ayant permis à l'arme nucléaire d'acquérir la
réputation d'être « le dernier recours
dissuasif ». Au lendemain des explosions d'Hiroshima et de
Nagasaki, elle est ainsi devenue une arme politique, ne devant jamais
être utilisée. En effet, les conséquences d'un recours
à une telle arme étaient bien trop horribles pour pouvoir
seulement être envisagées. C'est ainsi que l'arme nucléaire
« a monté la garde pendant toutes les
décennies marquées par la rivalité entre les deux blocs,
finissant par être perçue comme un « gardien de la
paix ».(295(*))
Même après la guerre froide, cette menace ne
s'est pas complètement éteinte car, à cause de sa nature
extrême, l'arme nucléaire a faussé le débat
humanitaire. Alors qu'elle fut pendant longtemps l'objet des discussions au
sein des organes des Nations Unies et de la commission du désarmement de
Genève, la question de l'emploi de l'arme nucléaire
« fut évitée au sein des travaux pour la
réaffirmation et le développement du droit international
humanitaire »(296(*))
Malgré cela, le CICR, - ému par
l'expérience d'Hiroshima et de Nagasaki et par les souffrances
rencontrées au cours du second conflit mondial et surtout conscient du
potentiel destructeur de l'arme nucléaire - alors que, dans ces
années d'après-guerre, le monde était conscient des
dangers, mais restait partagé entre l'espoir et la crainte - s'est
donné pour tâche d'établir la base juridique qui serait
à même d'empêcher que le pire se reproduise.
Cette intense activité humanitaire a
débouché sur la modernisation et le renforcement des conventions
de Genève existantes notamment à travers l'adoption d'une
convention relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre, le 12 août 1949.
Désormais, les belligérants doivent
connaître les limites des pouvoirs destructeurs dont ils disposent. Ils
doivent en effet savoir qu'ils n'ont pas un droit illimité quant au
choix des moyens de combat ; que les civils ne peuvent pas être pris
pour cibles, que la puissance militaire ne peut pas être employée
de manière indiscriminée; que l'environnement ne peut pas
être endommagé au point de mettre en péril la santé
et la survie des populations qui y vivent.
Malgré cette évolution, la communauté
internationale n'a pas pu se résoudre à se défaire de
l'arme nucléaire comme elle l'avait fait pour les gaz asphyxiants et les
armes biologiques, dont la prohibition avait été formulée
en 1925 par le protocole de Genève après leur utilisation sur les
champs de bataille du premier conflit armé mondial. Un certain nombre de
situation à l'issue incertaine - guerre de Corée et crise de
Suez, notamment - ont démontré que le risque de guerre
nucléaire totale ne pouvait plus être ignoré.
Cette absence de consensus politique sur la prohibition des
armes nucléaires, comparable à celui réuni sur la question
des armes chimiques et biologiques, fut le problème le plus aigu auquel
la Cour internationale de Justice a dû faire face et, en fait, la raison
principale pour laquelle, les Etats défenseurs de
l'illicéité de l'emploi d'armes nucléaires ont
cherché à porter la question devant elle.
En effet, l'Assemblée générale des
Nations Unies a demandé à la CIJ d'émettre un avis
consultatif sur cette pertinente question. Il s'est agi pour elle de dire s'il
était « permis en droit international de recourir à
la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute
circonstance ». A l'issue d'une analyse exceptionnellement
longue, la Cour a donné sa réponse, le 8 juillet 1996.
Cette étude a examiné, en passant par les
positions contradictoires des Etats, le chemin emprunté par la Cour dans
la perspective de rendre son avis.
Dans la première partie, il s'est agi de
déterminer le droit applicable à l'emploi d'armes
nucléaires. Plusieurs instruments de droit international
général ainsi que ceux des matières spécifiques ont
été passés en revue pour cette fin. Ainsi, ont
été examinés, à ce titre notamment pour les
premiers, les dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies, les
normes conventionnelles et coutumières de portée
générale de protection des droits de l'homme et de sauvegarde du
droit de l'environnement. Mais, la Cour n'en trouve « aucun texte [qui
interdit] l'usage et même l'initiative de l'usage des armes
nucléaires »(297(*)) et que, par ailleurs, « l'apparition
[...] d'une [telle] règle [en droit coutumier] se heurte aux tensions
qui subsistent entre, d'une part, une opinio juris naissante et d'autre part,
une adhésion encore forte à la politique de
dissuasion » (298(*)) évoquée par les Etats partisans de la
licéité.
Il a été, néanmoins, admis qu'au regard
des dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies, le recours
à la force par un Etat contre l'intégrité territoriale et
l'indépendance politique de tout autre Etat, avec l'emploi de n'importe
quel système d'armement y compris l'arme nucléaire, est
catégoriquement prohibé(299(*)) sans que le raisonnement n'aille jusqu'à
« conclure de façon définitive à la
licéité ou à l'illicéité de l'emploi d'armes
nucléaires par un Etat dans une circonstance de légitime
défense ... »(300(*))
Une telle règle n'a-t-elle pas pu être
trouvée dans les conventions qui comportent diverses normes de
limitation ou d'élimination de l'emploi de l'arme nucléaire dans
les espaces déterminées, comme le traité du 1er
décembre 1959 qui interdit le déploiement des armes
nucléaires parmi d'autres dans l'Antarctique et le traité de
Tlatelolco du 14 février 1967 qui crée une zone exempte d'armes
nucléaires en Amérique Latine ; ou dans les conventions qui
appliquent des mesures de contrôle et de limitation sur l'existence des
armes nucléaires, comme les traités de prohibition partielle ou
complète des essais nucléaires ou le traité du
1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes
nucléaires ?
Relevant tout de même que la tendance en matière
d'interdiction d'emploi d'une classe donnée d'armes de destruction
massive, était toujours « de les déclarer
illicites grâce à l'adoption d'instruments
spécifiques » (301(*)), la Cour n'a, par ailleurs, perçu ces
différents instruments juridiques que « comme
annonçant une future interdiction de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires mais ne la comporte pas
déjà »(302(*)). A propos de l'applicabilité des
règles du droit des conflits armés à l'emploi de l'arme
nucléaire, la Cour affirme néanmoins avec vigueur que l'ensemble
des ces normes sont applicables en l'espèce car une réponse
contraire « méconnaîtrait la nature
intrinsèquement humanitaire des principes juridiques en jeu, lesquels
imprègnent tous les droits des conflits armés et s'appliquent
à toutes les formes de guerre et à toutes les armes du
passé, du présent et de l'avenir »(303(*)).
La deuxième partie de cette étude a
porté, quant à elle, exclusivement sur l'analyse de la question
de l'emploi d'armes nucléaires passée au crible de la CIJ dans
l'avis consultatif du 8 juillet 1996. Des positions contradictoires des Etats
jusqu'aux commentaires de la doctrine, en passant par l'analyse des opinions et
décisions de la Cour sur chaque problème, l'on est parvenu
à percevoir, dans cet exercice, la quintessence du débat qui
s'est déroulé devant l'organe judiciaire principal des Nations
Unies.
Il lui avait été demandé par
l'Assemblée Générale des Nations Unies de dire dans les
meilleurs délais s'il est « permis en droit international
de recourir à la menace ou l'emploi d'armes nucléaires en toute
circonstance »(304(*).)
Eu égard aux caractéristiques
particulières et uniques aux armes nucléaires,
« l'utilisation de ces armes n'apparaît effectivement
guère conciliable avec le respect des exigences strictes auxquelles les
principes et règles du droit applicables dans les conflits armés,
qui reposent essentiellement sur le principe d'humanité, soumettent la
conduite des hostilités ». Ainsi sont interdits, les
méthodes et moyens de guerre qui ne permettraient pas de distinguer
entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires, ou
qui auraient pour effets de causer des souffrances inutiles aux combattants
(305(*))
Il est de regret de constater que la Cour n'ait pas pu aller
plus loin dans son raisonnement en l'espèce. Elle déclare, par
ailleurs, qu' « elle ne dispose pas des
éléments suffisants pour pouvoir conclure avec certitude que
l'emploi d'armes nucléaires serait nécessairement contraire aux
principes et règles du droit applicables dans les conflits armés
en toute circonstance ».
Par sept voix contre sept, par la voix
prépondérante de son président, l'organe judiciaire
principal des Nations Unies parvient à répondre au
véritable problème de la demande adressée par
l'Assemblée Générale et qui a constitué l'une des
questions majeure de cette étude à savoir la
licéité ou l'illicéité de l'emploi de l'arme
nucléaire dans le contexte de l'exercice de la légitime
défense. Il s'agissait pour lui d'interpréter le droit des
conflits armés au regard du droit du recours à la force
prévu au chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La Cour
déclare en effet que :
« au vu de l'état actuel du droit
international ainsi que des éléments de fait dont elle dispose,
la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la
menace ou l'emploi d'arme nucléaire serait licite ou illicite dans une
circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la
survie même d'un Etat serait en cause »306(*)
De ce point de vue, elle laisse ainsi intacte la question de
la licéité ou de l'illicéité de l'emploi d'armes
nucléaires dans l'exercice de la légitime défense alors
qu'à travers le problème particulier de la légalité
de l'emploi ou de la menace d'emploi des armes nucléaires, la Cour
devait se prononcer sur la validité d'un comportement qui, pour
être resté hypothétique depuis Hiroshima et Nagasaki, n'en
constituait pas moins le fondement de la politique de défense des plus
grandes puissances de la planète.(307(*))
Son raisonnement en matière d'interprétation du
droit international humanitaire, fut pour le moins
ambivalent(308(*)), mais surtout hétéroclite. L'apport
de son avis quant à la qualification juridique de l'emploi d'armes
nucléaires par rapport au droit des conflits armés parait
plutôt modeste. Car, de par la récapitulation des
différents principes du droit international humanitaire, la Cour ne se
livre même pas à leur interprétation dans le cas concret de
l'emploi d'armes nucléaires. Or, il est possible de
considérer que « causant des maux superflus leur emploi se
trouve prohibé de ce seul fait »(309(*))
Peut-être faudrait-il noter que le grand mérite
de l'avis est de confirmer que le droit international humanitaire s'applique
à l'emploi de l'arme nucléaire (310(*)). Mais s'agit-il vraiment
d'un apport propre à la Cour, quand un consensus dans le même sens
s'est facilement dégagé parmi les Etats devant la Cour ?
Toutefois, l'action de la Cour contenait à diverses
reprises des tentatives courageuses de réhabilitation du droit dans un
espace déjà extrêmement limité par les contraintes
techniques du raisonnement juridique et les limites du rôle du droit dans
la société. L'analyse précédente a
particulièrement noté une volonté tenace de la part de la
Cour de renforcer les moyens du droit face à la force de l'arme
nucléaire. La dynamique de négociation des mesures de
contrôle de l'existence de l'arme nucléaire, pour atteindre le
désarmement nucléaire complet, fournit des éléments
susceptibles de réhabiliter le droit face à la force des armes
nucléaires et « se présente comme moyen
privilégié de parvenir à ce
résultat »(311(*)).
L'avis de la Cour devait concilier tout le monde et n'aura
sans doute satisfait personne, à commencer par les juges
eux-mêmes. Du fait de l'absence de conclusion, plusieurs lectures de
l'avis ont pu être faites. A considérer seulement les opinions des
juges, quatre tendances peuvent être dégagées :
1. Les juges Guillaume, Schwebel et Higgins considèrent
que la Cour admet la licéité de l'emploi d'armes
nucléaires dans une circonstance extrême de légitime
défense. Telle est également l'opinion des juges Shahabuddeen,
Weeramantry et Koroma. Mais si les premiers approuvent cette position, les
seconds la déplorent ;
2. pour les juges Bedjaoui, Shi et Vereshchetin, l'avis
traduit exactement la situation juridique actuelle. Ils approuvent globalement
le raisonnement de la Cour et le constat auquel elle est arrivée.
3. les juges Ferrari Bravo, Fleishhauer, Herozegh et Oda
considèrent que l'avis comporte des équivoques et n'apporte pas
de réponse complète et tranchée. Mais si le juge Oda en
déduit que la Cour aurait été mieux avisée de
réfuter de rendre un avis quelconque en l'espèce, les juges
Ferrari Bravo, Fleishhauer et Herozegh quant à eux estiment que la Cour
s'est montrée relativement peu audacieuse et que l'état actuel du
droit international aurait permis une réponse plus précise.
4. seul le juge Ranjeva voit dans l'avis de la Cour une
confirmation du principe de l'illicéité de l'emploi d'armes
nucléaires.
A notre avis, la question de la véritable nature du
droit de légitime défense, devenue sans doute d'actualité
avec les interrogations en matière de l'emploi de l'arme
nucléaire, n'a rencontré nullement un consensus approprié.
Elle refait surface et demeure une question de perspective.
Notre voeu était de voir la Cour, alors que l'occasion
lui en était offerte, réaffirmer en termes tranchés et
dénué de toute ambiguïté, comme ce fut le cas dans
l'Affaire des activités militaires et para militaires au Nicaragua et
contre celui (Nicaragua C. Etats-Unis d'Amérique), la
« règle spécifique... bien établie en droit
international coutumier » selon laquelle « la
légitime défense ne justifierait que des mesures
proportionnées à l'agression subie, et nécessaire pour y
riposter »(312(*)).
Si tel était le cas, l'instance judiciaire des Nations
Unies aurait pu sans ennui, par l'interprétation des principes de la
nécessité et la proportionnalité ainsi que l'ensemble des
règles du droit des conflits armés auquel doit satisfaire tout
usage de la force, parvenir à la déclaration de
l'illicéité de l'emploi de l'arme nucléaire en toute
circonstance, y compris en cas de l'exercice de la légitime
défense.
Elle l'a fait dans les motifs sans y parvenir dans le
dispositif de son avis, lorsqu'elle déclare qu :
« une arme qui est déjà part elle-même
illicite que ce soit du fait d'un traité ou du droit de la coutume, ne
devient pas licite du fait qu'elle est emploi dans un but légitime en
vertu de la Charte »(313(*)).
Quoi qu'il en soit, l'illicéité absolue des
effets produits par les armes nucléaires n'est guère
contestable.
BIBLIOGRAPHIE
INDICATIVE
I. Textes officiels
- Convention du 9 décembre 1948 pour la
prévention et la répression du crime de génocide
- Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles
additionnels de 1977
- Traité de Rarotonga du 6 août 1985 sur la zone
dénucléarisée du Pacifique sud ;
- Traité du 1er juillet
1968 sur la non prolifération des armes nucléaires.
- Convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser des
techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou
toutes autres fins hostiles.
- Résolution 2444(XXIII) du 19 décembre 1968
concernant le respect des droits de l'Homme dans les conflits armés
- Rapport de la CDI sur les travaux de la 28e
session, ACDI, 1976, vol II, 2e partie.
- Projet de la CDI sur la responsabilité des Etats,
ACDI, vol II, 1980
II. Jurisprudence
- CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, Avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil
1996.
- Tribunal militaire Américain de Nuremberg, affaire
n°47.
- CIJ, affaire des Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande C. France), Recueil 1995.
- CIJ, activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin 1986, CIJ, Recueil
1986.
- CIJ, plateau continental (Jamahiriya arabe
Libyenne/Malté, arrêt, CIJ, Recueil 1985.
- CPJI, affaire Lotus, CPJI, série AN.10, 1927
III. Doctrine
A. Ouvrages
1. ARON (Raymond), Paix et guerre entre les nations,
Paris, Clamarion levy, 1984.
2. AZAR (Aïda), Opinions des juges dans l'avis
consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires (avis du 8 juillet 1996), Bruxelles, Bruylant, 1998.
3. BOWETT (Dereck), «Seff Defense in International
Law», New-York, (Frederick. A, Prager ed.), 1958.
4. CASSESE (Antonio), Violence and Law in the Modern
Age, Princeton, 1989.
5. CHRISTAKIS (Théodore) et LAFRANCHI (Marie-Pierre),
La licéité de l'emploi d'armes nucléaires devant la
CIJ, analyses et documents, Paris, Economica, 1997.
6. COMBACAU (Jean), «The Exception of Self-Defense in
UN Pratica», in The Current Legal Regulation of the Use ;( A
Cassese ed.), Nijhoff, 1986.
7. COT (J,P) et PELLET (Alain), Charte des Nations Unies,
commentaires article par article, Paris, Economica , Bruxelles, Bruylant,
1985.
8. DAVID (Eric), Principes de droit des conflits
armés, 2è éd., Bruxelles, Bruylant, 1999.
9. DELIVANIS (Jean), La légitime défense en
droit international public moderne (le droit international face à ses
limites), Paris, LGDJ, 1971.
10. DJENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), Le droit
international humanitaire: théorie générale et
réalités africaines, Paris-l'Harmattan ;
Montreal-l'Harmattan, 2000.
11. DUPUY (Pierre-Marie), Droit international public,
5è éd., Paris, Dalloz, 2000.
12. NGUYEN (Quoc D'Hin), Pellet (Alain) et DAILLER (Patrick),
Droit international public, 6è éd., Paris, L.G.D.J,
2002.
13. PICTET (Jean), Le droit international
humanitaire : définition, les dimensions internationales du droit
humanitaire, Genève, Institut Henry DUNANT, Paris, Unesco, 1986.
14. SAYED (Abdulhah), Quand le droit est face à son
néant : le droit à l'épreuve de l'emploi de l'arme
nucléaire ; Bruxelles, éd. Bruylant, 2000.
15. SINGH (Nagendra) and Mc WHINNEY (Edward), Nuclear
Weapons and Contemprary International Law, Nijhoff, 1989.
B. Articles
1. ABI-SAAB (Georges), « The specifities of
humanitarian Law », Mélanges Pictet, 1984,
pp.265-280.
2. ABI-SAAB (Georges), «The 1977 Additionnal Protocols
and General International Law: Some Preliminary Reflections»,
Humanitarian Law of Armed Conflict, Challenges Ahead, Delissen,
(Astrid and Tanja, Gérard, ed.), Nijhoff, 1991, p.115-126.
3. BILDER (Richard B.), «Nuclear Weapons and
International Law », Nuclear Weapons and Law, (Miller,A. and
Feinrider,M. ed), London, 1984, pp.3-12.
4. BRING (O.E), and REISMANN (H.B), «Redressing à
Wrong Questions: the 1977 Protocol Additionnel I the 1949 Geneva Convention and
the Issue of Nuclear Weapons», Netherlands International Law
Review, 1986, pp.1984, pp.133-180.
5. BULABULA (Sayeman), «Droit international
humanitaire», Droits de l'homme et droit international
humanitaire, séminaire de formation cinquantenaire de la DUDH, 18
novembre-10 décembre 1998, PUK, Kinshasa, 1999, pp.131-175.
6. CONDORELLI (Luigi), «La Cour internationale de Justice
sous le poids des armes nucléaires : jura non novit curia?»,
RICR, n°823,
janvier-février,1997,pp.921.http//:www.icrc.org/web/fre/sitepress.nsf/iw/2001.
7. DAVID (Eric), « L'avis consultatif de la
Cour Internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de
l'emploi des armes nucléaires », RICR, n° 823,
janvier - février 1997, pp.22-37.
8. DAVID (Eric), «A propos de certaines justifications
théoriques à l'emploi de l'arme nucléaire »,
Mélanges Pictet, pp.325-342.
9. DE LA GORCE (Paul Marie), « Une réflexion
nouvelle sur la politique de défense », Défense
Nationale, n°1, Paris, janvier 1998, pp.9-10.
10. DOSWALD BECK (Louise), « Le droit international
humanitaire et l'avis consultatif de la CIJ sur la licéité de la
menace ou de l'emploi d'armes nucléaires » RICR,
n°823, janvier-février, 1997, pp.37-59.
http// :www.icrc.org/web/fre/sitepress.nsf/irv/2001.
11. FUJITA (Hisakasu), « Au sujet de l'avis
consultatif de la Cour internationale de Justice rendu sur la
licéité de la menace ou de l'emploi des armes
nucléaires » RICR, n°823,
janvier-février, 1997, pp.22-36.
http// :www.icrc.org/web/fre/sitepress.nsf/irv/2001.
12. GORDON BATES (Kim), « Le CICR et l'arme
nucléaire : histoire d'un paradoxe embarrassant »,
http :
www.icrc.org
13. HUBER (Thierry), «Introduction aux débats : la
légalité des armes nucléaires», Armes
nucléaires et droit international, GIPRI, Genève,
1985, pp.3-12.
14. KOHEN (Marcello G.), « L'avis consultatif de la
CIJ sur la licéité de la menace ou de l'emploi des armes
nucléaires et la fonction judiciaire », JEDI, 2,
1997, pp.336-362.
15. LIPPMAN (Mathew), « Nuclear Weapons and
International Law: Towards a Declaration on the Prevention and Punishment of
the Crime of Nuclear Humancide» 8 Loy. L.A. Int'l and Comp. L.J.,
1986, pp.183-234.
16. LISLE (Raymond E.), «Nuclear Weapons; A Conservative
Approach to Treaty Interpretation », JIL, Brooklyn, 1983,
275-282.
17. MAHMOUDI (Said), «The International Court of Justice
and Nuclear Weapons», NJIL, 66(1997), pp 77-100.
18. McCORMACK (Timothy L.H), « Un non liquet sur les
armes nucléaires - la Cour internationale de Justice élude
l'application des principes généraux du droit international
humanitaire », RICR, n°823,
janvier-février, 1997, pp.82-98.
19. McDOUGAL (Myres) and FELICIANO (Florents P.), The
International Law of War, Transnational Coercition and World Public Order,
Newhaven, 1994.
20. MENON (P.K), « Elimination of Nuclear Weapons:
An Imperative Need to Preserve the Human Race from Extinction «,
RDMDG, 1991, pp253-301.
21. MEYROWITZ (Elliot) « The Laws of War and
Nuclear Weapons », Brooklyn international law, 1983,
reprinted in Nuclear Weapons and Law, Miller (A) and Feinrider (A), éd.,
London,1984, pp.19-50.
22. MEYROWITZ (Henri), « Les armes nucléaires
et le droit de la guerre », Humanitarian Law of Armed
Conflict, Challenges Ahead, DELISSEN, (Astrid and TANJA,
Gérard ed.), Nijhoff, 1991, pp.297-325.
23. MEYROWITZ (Henri), « Le protocole additionnel I
aux conventions de Genève de 1949 et les armes
nucléaires », Studia Diplomatia, XXXIX (2), 1986,
pp.195-209.
24. MILLET (Anne-Sophie), « Les avis consultatifs de
la Cour Internationale de Justice du 8 juillet 1996 »,
R.G.D.I.P, Tome I, 1997, pp.141-175.
25. MIVAZAKI (Shiigeki), «The Martens Clause and
International Humanitarian law, Melanges Pictet, 1984, pp.433-444.
26. PENNA (L.R), « Customary International Law and
Protocol I : An Analysis of Some Provisions »,
Mélanges Pictet, 1984, pp.201-205.
27. RAUCH (Elmar), «L'emploi d'armes nucléaires et
la réaffirmation et le développement du droit international
humanitaire applicable dans les conflits armés »,
RHDI, 1980, pp.53-110.
28. REISMAN (Michael), « Deterrence and International
Law », Nuclear Weapons and Law, (Arthur and Feinrider Martin
ed.), 1984, pp.129-132.
29. SADURSKA (Romana), « Threats of Force »,
AJIl, vol 82, pp.239-268.
30. SHAW (Malcom), «Nuclear Weapons and International
Law», Nuclear Weapons and International Law (Regory, Istavan,
ed.), 1987, pp.1-22.
31. WEIL (Prosper), « Le droit international en
quête de son identité », Cours général de
droit international public, Recueil des cours, La Haye, vol. 237,
1992-VI.
IV. Cours et Etudes
1. BALANDA MIKUIN (Leliel), Droit des Organisations et
Institutions internationales, notes de cours, 1ère année de
licence, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003;
2. BULA-BULA (Sayeman), Droit International Humanitaire.
Théories générales et réalités, notes
de cours, 1ère année de licence, Cours à option, Droit
public, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003 ;
3. LUMU MBAYA (S.L), La responsabilité
internationale des Etats au regard de la jurisprudence de la Cour
internationale de Justice, TFC, Faculté de Droit, UNIKIN,
2001-2002;
4. MAMPUYA KUNUNK'a-TSHIABO (A), Cours de Droit
International public, notes polycopiés, 3ème
graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 1998-1999 ;
5. NTIRUMENYERWA KIMONYO (G), Droit de la
sécurité internationale, notes de cours, IIème
année de licence, Cours à option, Droit public, Faculté de
Droit, UNIKIN, 2003-2004.
TABLE DES
MATIERES
INTRODUCTION
1
PREMIÈRE
PARTIE :
10
DÉTERMINATION DES NORMES DU DROIT
INTERNATIONAL RELATIVES À LA MENACE OU À L'EMPLOI D'ARMES
NUCLÉAIRES
10
CHAPITRE
I :
LES NORMES DU DROIT INTERNATIONAL
GENERAL
12
SECTION I : LES DISPOSITIONS DE LA CHARTE
RELATIVES À LA MENACE OU L'EMPLOI DE LA FORCE
13
SECTION II. LES NORMES GENERALES CONVENTIONNELLES ET
COUTUMIERES DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME ET DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT
21
CHAPITRE
II :
LES NORMES SPECIFIQUES DU DROIT
INTERNATIONAL
60
SECTION 1 : LES INTRUMENTS CONVENTIONNELS
RELATIFS AUX ARMES NUCLEAIRES
62
SECTION II. LES NORMES DU DROIT DES CONFLITS
ARMÉS
68
DEUXIÈME
PARTIE :
LA QUESTION DE L'EMPLOI D'ARME
NUCLÉAIRE PASSEE AU CRIBLE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
76
CHAPITRE
I :
L'EMPLOI DE L'ARME NUCLÉAIRE AU
REGARD DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES
78
SECTION I. LA NATURE DU DROIT DE
LÉGITIMÉ DÉFENSE
80
SECTION II. LES LIMITES À L'EXERCICE DU DROIT
DE LÉGITIME DÉFENSE
86
SECTION III. L'ACTION DU CONSEIL DE
SÉCURITÉ ET LE RECOURS À L'ARME NUCLÉAIRE
91
CHAPITRE
II :
L'EMPLOI DE L'ARME NUCLEAIRE AU REGARD DU
DROIT DES CONFLITS ARMES
94
SECTION I. L'APPLICATION DES NORMES DE PORTÉE
GÉNÉRALE DU DROIT DES CONFLITS ARMÉS A L'EMPLOI D'ARMES
NUCLÉAIRES
95
SECTION II. L'APPLICATION DE NORMES
SPÉCIFIQUES DU DROIT DES CONFLITS ARMÉS ET L'EMPLOI D'ARMES
NUCLÉAIRES.
98
CONCLUSION
112
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
121
TABLE DES MATIERES
126
* 1 Charte des Nations
Unies, préambule.
* 2 SAYED (Abdullah),
Quand le droit est face à son néant : le droit à
l'épreuve de l'emploi de l'arme nucléaire; Bruxelles,
éd. Bruylant, 2000, p.30.
* 3 GORDON-BATES (Kim),
« Le CICR et l'arme nucléaire : histoire d'un paradoxe
embarrassant », http// :
www.icrc.org,
27/01/2001.
* 4 DUPUY (Pierre-Marie),
Droit international public, 5ème éd. Dalloz,
Paris, 2000, p.577.
* 5 Selon les
récentes conclusions du physicien français, prix Nobel de
physique, Georges CHARPAK et du physicien américain, Richard GARWIN,
« les données scientifiques disponibles permettent d'envisager
comme possible sinon une extinction du genre humain du moins quelque chose qui
se rapproche de l'apocalypse ». Georges CHARPAK, GARWIN, Richard L.,
Feux follet et champignons nucléaires, Paris 1997, p. 294.
* 6 Lire
à ce propos DE LA GORCE (Paul-Marie), « Une
réflexion nouvelle sur la politique de défense »,
Défense nationale, Publication du Comité d'études
de Défense Nationale, n°1, janvier, Paris, 1993, pp.9-16.
* 7 Il est certes vrai que
plusieurs instruments internationaux ou régionaux traitent de la
question des armes nucléaires, mais ils ne le font que sous l'angle de
l'acquisition, de la possession, du déploiement ou des essais de ces
armes. Il n'a été traité du recours à ces armes que
dans le traité de Tlatelolco de 1967 visant l'interdiction des armes
nucléaires en Amérique latine, et dans le traité de
Rarotonga en 1985 portant sur la dénucléarisation dans le
Pacifique sud, auxquels il faut ajouter le traité de Bangkok
signé en 1995 et celui de Pelindaba de 1996 instituant respectivement
des zones exemptes d'armes nucléaires en Asie du Sud-Est et en Afrique.
Comme le souligne le Vice-Président Schwebel, même le
Traité de non-prolifération concerne la possession d'armes
nucléaires plutôt que leur emploi.
* 8 CIJ, Recueil 1996,
p.68, paragraphe 1.
* 9 Date de l'enregistrement
au Greffe de la Cour de la lettre en date du 27 août 1993 du Directeur
général de l'OMS, communiquant la résolution WHA 46.40
adoptée par l'Assemblée mondiale de l'OMS le 1er mai
1993.
* 10 Date de
l'enregistrement au Greffe de la Cour de la lettre du Secrétariat
général de l'ONU du 19 décembre 1994 communiquant la
résolution 19/75K adoptée par l'Assemblée
générale le 15 décembre 1994.
* 11 Idem
* 12 CIJ, Avis consultatif
sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires, paragraphe 98.
* 13 FUJITA(Hisakasu), Au
sujet de l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice rendu sur la
licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
in RICR ,n°823, pp.22-36,
http//www.icrc.org/web/fre/sitepres.nsf/iw/2001, avril 2004.
* 14 CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,
Avis du 8 juillet 1996, Recueil 1996, pp.232-238, paragraphe 10-19.
* 15 MILLET
(Anne-Sophie), « Les avis consultatifs de la Cour Internationale
de Justice du 08 juillet 1996 » R.G.D.I.P., Tome 1, 1997,
pp.141-175.
* 16 Le paragraphe 105 E a
été adopté par 7 voix contre 7, par la voix
prépondérante du président en vertu de l'article 55.2 du
Statut de la Cour internationale de justice.
* 17 MBOKO (Dj'Andima),
Principes et usages en matière de rédaction d'un travail
universitaire, Kinshasa, éd. Cadicec, 2004, p.21.
* 18 Idem, p.21.
* 19 Préambule et
article 1er, paragraphe 1 de la Charte des Nations
Unies.
* 20 NGUYEN (Q.D), PELLET
(Alain) et DAILLER (Patrick), Droit international public,
7ème éd. L.G.D.J, Paris, 2002, p. 939.
* 21 COT (J.P), PELLET
(Alain), Charte des Nations Unies commentaire article par article,
Bruxelles - Bruylant, Paris - Economica , 1985, p.113
* 22 NGUYEN (Q.D) et al,
op.cit p. 939.
* 23 Les conclusions
auxquelles on aboutit sur cette question restent controversées. Sur la
base de la résolution 31/9 de l'Assemblée générale,
les Nations Unies ont entrepris de « codifier »
cette question, à l'occasion de l'examen de la
« conclusion d'un traité mondial sur le non-recours
à la force dans les relations internationales » mais la
lenteur des travaux et l'acuité des divergences de vues laissent peu
d'espoir d'une solution rapide et plus satisfaisante que celle issue des
travaux sur la définition de l'agression.
* 24 CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 244, paragraphe
38.
* 25 On laissera de
côté la troisième exception, ainsi que l'a fait la Cour,
que représentent les articles 106 et 107, aujourd'hui caducs , sur
l'action que pourraient mener, à titre transitoire ou comme suite
à la seconde guerre mondiale, les cinq membres permanents du Conseil de
sécurité. Lire à ce propos NGUYEN (Q.D) et al, op.
Cit., p. 941.
* 26 ANZILOTTI (D),
Cours de droit international (trad. GIDEL), Tome I, Paris, Sirey,
1929, p. 506
* 27 NGUYEN (Q.D) et al,
op.Cit, p. 942.
* 28 Voir surtout JENNINGS
(Robert), « The Caroline and Mcleod Cases », AJIL,
1938, vol.32, pp. 86 et ss ; BOWETT(Dereck), « Self -Defense in
International Law, », New York, (Frederik. A, Proger ed), 1958, pp.
56-90 et ss.
* 54 NGUYEN (Q.D) et al,
op.cit, p. 941
* 29 Idem, p. 942
* 30 Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua, arrêt du 27 juin 1996, CIJ,
Recueil, 1986, pp. 94 et 102.
* 31 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 5
juillet 1996, paragraphe 96.
* 32 Idem, paragraphe 40
* 33 Voir LUMU Mbaya(S.L),
La problématique de la responsabilité internationale des
Etats au regard de la jurisprudence de la CIJ, TFC sous la direction du
professeur BASUE BABU (K.), Faculté de droit, Université de
Kinshasa, 2001-2002, pp.25-26
* 34 Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27
juin 1986, CIJ, Recueil, 1986, p. 94, paragraphe 176.
* 35 Certaines
dépenses des Nations Unies, avis consultatif, CIJ, Recueil,
1962, p. 165.
* 36 UNCIO, vol XII, p.
588
* 37 Voir, par exemple, CS,
1946-51, New York, 1954, p. 471 ; Rép. ONU, supplément
n°3, vol II, 1971, p.p. 234-45.
* 38 Eric David affirme ce
point de vue en citant Russel (R.B) et MUTHER (J.E) History of the United
Nations Charter, the Brookings Institutions, Washington, 1958, p.1020.
* 39 UNCIO, vol XII, p.
543.
* 40 CIJ, Recueil
1996, p.243, paragraphe 34 ; p.244, paragraphe 39
* 41 CIJ, Recueil
1996, p.239, paragraphe 24
* 42 Lors de la première
session de la Commission des Droits de l'Homme
* 43 CIJ, Recueil
1996, p.239, paragraphe 24
* 44 CIJ, Recueil
1996, p. 240, paragraphe 25.
* 45 CIJ, Recueil
1996, p.240, paragraphe 25
* 46 Voir dans ce sens
NGONDANKOY (Nkoy e a -Loongya), Droit congolais des droits de l'homme,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p. 255.
* 47 CIJ, Recueil
1996, p. 67.
* 48 Opinion dissidente du
juge Weeramantry, CIJ, Recueil 1996, p. 507.
* 49 Opinion dissidente de
Weeramantry, op. Cit. p 507
* 50 Gen. C 14/23 reproduit
dans NOWAK (M), United Convenant on Civil and Political Rights, 1983,
p. 861 cité par Weeramantgry, op. Cit., p. 507.
* 51 Résolution 38/75
de l'Assemblée générale intitulée
« Condamnation de la guerre
nucléaire » ; paragraphe 1 du dispositif
* 52 CR 95/32, p.64, y
compris la note 20.
* 53 CIJ, Recueil
1996, p.240, paragraphe 26
* 54 Idem
* 55 Idem
* 56 CIJ, Recueil
1996, p.240, paragraphe 26
* 57 Idem
* 58 Lire à ce propos
l'opinion dissidente de Weeramantry, avis consultatif du 8 juillet 1996,
CIJ, Recueil 1996, p. 501.
* 59 Idem
* 60 Opinion individuelle de
M. Guillaume, avis consultatif du 8 juillet 1996, CIJ, Recueil, 1996,
p. 289.
* 61 Résolution 2444
(XXIII) du 19 décembre 1968 concernant le respect des droits de l'homme
dans les conflits armés.
* 62 Déclaration de
M. Ferrari Bravo, avis consultatif du 8 juillet 1996, CIJ, Recueil,
1996, p. 285.
* 63 CIJ, Recueil 1996,
p. 241, paragraphe 27
* 64 CIJ, Recueil
1996, p.241, paragraphe 28
* 65 CIJ, Recueil,
1996, p. 241-242, paragraphe 29.
* 66 Rapport de la
Commission du droit international sur les travaux de sa vingt-huitième
session, ACDI, 1976, Vol. II, deuxième partie, p. 101,
paragraphe 33.
* 67 Paragraphe 3d de
l'article 19 du projet de la Commission du droit international sur la
responsabilité des Etats.
* 68 Dans son Opinion
dissidente M. Weeramantry énumère entre autre le principe de
précaution, le principe de tutelle sur les ressources de la terre
suivant lequel la charge de la preuve que les mesures de sécurité
ont été prises incombe à l'auteur de l'acte mis en
cause et le principe « pollueur payeur » qui
impose à l'auteur d'un dommage à l'environnement d'indemniser les
victimes comme il convient. CIJ, Recueil, 1996, p.p. 502-503.
* 69 Principe 24 de la
Déclaration de Rio de 1992 relative aux devoirs des Etats en
matières de prévention des dommages à l'environnement
d'autres Etats.
* 70 Le principe 21 de la
Déclaration de Stockholm et le principe 2 de la déclaration de
Rio précitée.
* 71 CIJ, Recueil,
1996, p. 242, paragraphe 31.
* 72 Une conclusion dans ce
sens a été formulée par les Iles Salomon au cours des
audiences (CR 95/32, Sands, p. 71).
* 73 Lire à ce propos
l'opinion dissidente de M. Weeramantry, avis consultatif du 8 juillet 1996,
CIJ, Recueil, 1996, p. 505 et Déclaration de M. Herczegh (Geza), avis
consultatif du 8 juillet l996, CIJ, Recueil, 1996, p. 575.
* 74 Résolution 47/43
de l'Assemblée générale des Nations Unies du 25 novembre
1992 intitulée « Protection de l'environnement en
période de conflit armé ». Tenant compte de ce
que certains instruments ne sont pas encore contraignants pour tous les Etats,
l'Assemblée générale, dans cette résolution,
« lance un appel à tous les Etats qui ne l'ont pas encore
fait pour qu'ils deviennent parties aux conventions internationales
pertinentes ».
* 75 La Cour rappelle son
point de vue à ce propos dans Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne /Malte), arrêt, CIJ, Recueil 1985, p.29, paragraphe
27.
* 76 Voir nouvelle
Zélande, Plaid., 9/11/1995, p. 37, Nauru, (OMS), Reply, p. 32, www.
icj-cij.org ; voir aussi DOSWALD-BECK (Louise), « le droit
international humanitaire et l'avis consultatif de la CIJ sur la
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires » RICR, n°823, janv-fev, 1997, pp,
37-59 disponible sur le site www.icrc.organisation/wet/fre/sitefreo.mf/iw... du
2/1/2001.
* 77 Voir, par exemple, la
critique de la France, (OMS), p. 25, France, Plaid, 2/11/1995, p. 28 ;
U.K, Plaid, 15/11/1995, p. 57.
* 78 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Recueil 1996, p. 254, paragraphe 65-67.
* 79 Voir dans ce sens
l'affaire Lotus, CPIJ, série AN. 10, p.28 ; voir aussi WEIL
(Prosper), Le droit en quête de son identité, Cours
général de droit international public, vol 237, Recueil des
cours, La Haye, , 1992 VI, p. 171
* 80 SAYED (A),
op.cit, p. 82
* 81 France, Plaid.,
2/11/1995, p.28 voir aussi CIJ, Recueil, 1996, p. 254, paragraphe
66
* 82 U.K., Plaid. Trad.,
15/11/1995, p. 44
* 83 France, Plaid.
2/11/195, p.27; USA, Plaid, 15/11/1995, p. 86; voir aussi dans le même
sens, LISLE (Raymond E.), « Nuclear Weapons ; A
Conservation Approach to Treaty Interpretation », JIL,
Broklyn, 1983, pp. 275-282, p. 279.
* 84 SAYED (A),
op.cit, p. 81
* 85 MEYROWIZT (Henri),
« Le protocole additionnel I aux conventions de Genève de
1999 et les armes nucléaires », Studia Diplomatia, XXXIX (2),
1986, pp. 195-209.
* 86 SAYED (A), op.cit, p.
82
* 87 MEYROWITZ(Henri),
op.cit, p. 207
* 88 Idem, p. 199
* 89 FRIED (John H.E.),
« International Law Prohibits the First Use of Nuclear
Weapons », RIDI, vol XVI, 1981 pp.33-53.
* 90 Le terme fut
utilisé par le Pape Jean Paul II dans son allocution à
l'Assemblée générale des Nations Unies : « In
current conditions, deterrence based on balance, certainly not as an end in
itself, but as a step on the way toward a progressive desarmament may still be
judged morally acceptable », cité dans SINGH (Nagenda) and
McWHINNEY, (Edward), Nuclear Weapons and Contemprary International Law,
Nijhoff, 1989, p. 200
* 91 REISMAN (Michael),
« Deterrence and International Law », Nuclear Weapons
and Law, (Miller, Arthur and Feinrider, Martin éd, 1984, pp.
129-132. Pour CHURCHIL « safety will be the sturdy child of terrior
and surdival the two brother of annihilation », cité dans
l'opinion dissidente du juge WEERAMANTRY, pp. 85-86 ; voir aussi SADURSKA
(Romana), « Threats of Force », AJIL, vol 82, pp.
239-268
* 92 REISMAN (Michael),
op.cit, 1984.
* 93 MEYROWITZ (Henri),
« Les armes nucléaires et le droit de la guerre »,
Humanitarian Law of Armed Conflict, Challenges, DELISSEN (Ahead
Astrid), and TANJA (Gérard) ed, Nijhoff, 1991, p. 197-325; voir aussi
ARON (Raymond), Paix et guerre entre les Nations, Paris, Clamarion-Lévy,
1984, p. 403.
* 94 LISLE (Raymond E.),
op.cit, p. 276.
* 95 MEYRWITZ (Ellict L.)
«The Laws of and Nuclear Weapons », Broklyn
International Law, 1983, reprinted in Nuclear Weapons and
law, London, (Miller, A. and Feinreder, A. ed.), 1984, pp.13-50, p. 37
* 96 Voir, par exemple, les
Iles Salomon, Plaid, trad. 14/11/1995, p. 66
* 97 FRIED (John H.E),
op.cit, pp. 33-53; voir aussi MENON(P.K) « Elimination of
nuclear weapons : An impérative Need to preserve the Human Race
from extinction » Revue de droit militaire et de droit de la
guerre, 1991, pp. 253-301, p. 289 ; SINGH(Nagenda) & McWHINNEY
(Edward), op.cit, p. 22.
* 98 Voir Aron, Raymond,
op.cit, p. 652.
* 99 KHSOLA (Dinesh),
« Nuclear Weapons, Global Values and International Law »,
Nuclear weapons and law, London, (Miller(A) & Feinrider (M). ed).,
1984, pp. 13-18
* 100 MAHMOUDI (Said),
«The international Court of justice and Nuclear weapons »,
Nordic journal of international law, 66 (1997), pp. 77-100.
* 101 CIJ, Recueil
1996, p.32, paragraphe 67.
* 102 Idem.
* 103 CIJ, op
cit, paragraphes 47-48.
* 104 SAYED (A),
op.cit, p. 87
* 105 MILLET (Anne-Sophie),
« Les avis consultatifs de la Cour internationale de justice du 8
juillet 1996, licéité de l'utilisation des armes
nucléaires par un Etat dans un conflit armé,
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires », RGDIP, (1997-I) pp. 141-175.
* 106 Voir à ce
sujet CONDORELLI (Luigi), « La Cour internationale de justice sous le
poids des armes nucléaires : jura non novit uria ? »
Revue internationale de la Croix-Rouge, n°823,
janvier-février, 1997, pp. 9-21.
* 107 CIJ, Recueil
1996, p. 254, par.67.
* 108 Idem, p. 263, par.
96.
* 109 AZAR (Aida),
Opinions des juges dans l'avis consultatif sur la licéité de la
menace ou de l'emploi des armes nucléaires (Avis du 8 juillet
1996), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 51.
* 110 Opinion dissidente du
vice-président Schwebel, CIJ, Recueil, 1996, p314.
* 111 Déclaration du
juge Ferrari Bravo, CIJ, Recueil1996 p 290. ; Voir aussi,
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
CIJ, avis consultatif, 8 juillet 1996, Recueil, 1996,p. 254
* 112 Opinion dissidente du
juge Koroma, CIJ, Recueil 1996 p. 573, Voir aussi
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 579.
* 113 Opinion dissidente du
juge Weeramantry, CIJ, Recueil, 1996, p. 541
* 114 SAYED (A), op.cit. p.
88
* 115 CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p.255, paragraphe
73.
* 116 BILDER (Richard B.),
« Nuclear Weapons and International Law », in Nuclear
Weapons and Law, (A.Miller & M. Feinrider éd.), 1984, London,
pp. 3-12
* 117 CIJ, Recueil
1996, p.254, paragraphe 68; lire aussi BILDER(Richard B.), op cit, p. 6
* 118 Voir par exemple
U.K., (A.G), Trad., p. 26; CIJ, Recueil 1996, p.254, paragraphe 68
* 119 Voir Egypte, Plaid.,
1/11/1995, p. 40, Egypte, (A.G), Reply, p. 16
* 120 Voir U.K., (AG),
Trad., p. 27
* 121 voir par exemple
Italie, Plaid., 6/11/1995, Trad. ., 45.
* 122 Voir opinion
dissidente du Vice-président Schwebel, op cit, p317, Voir
aussi, avis consultatif, CIJ, 8 juillet 1996, CIJ, Recueil
1996, pp. 317-318
* 123 Iles Salomon, (OMS),
p. 42.
* 124 MEYROWITZ
(Elliot), op.cit, p. 47
* 125 Egypte, Plaid.,
1/11/1995, p. 40
* 126 Iles Salomon, (OMS),
p. 47
* 127 Egypt (AG), Reply, p.
13
* 128 SAYED (A), op.cit, p.
42
* 129 Voir HUBER (Thierry),
« Introduction aux débats : la légalité des
armes nucléaires », Armes nucléaires et droit
international, GIPRI, Genève, 1985, pp. 3-12
* 130 CIJ, Recueil
1996, p. 255, paragraphe 71.
* 131 Voir par exemple
Résolutions 48/75, 16/12/1993 ; 47/53 , 9/12/1992 ; 45/29,
4/12/1990 ; 44/117, 15/12/1989 ; 43/76, 7/12/1988 ; 42/39,
30/11/1987 ; 41/60, 3/12/1986 ; 40/151, 16/12/1985 ; 39/63,
12/12/1984 ; 38/78, 15/12/1983 ; 37/100, 13/12/1982 ; 36/92,
9/12/1981 ; 35/159, 12/12/1980 de l'Assemblée
générale des Nations Unies sur la condamnation de la guerre
nucléaire.
* 132 Voir par exemple,
Résolution 1953 (XVI), 24/11/1961
* 133 Voir par exemple
Résolutions 36/92, 9/12/1981 ; 35/152, 12/12/1980 ; 33/71,
14/12/1978.
* 134 Voir l'ensemble des
résolutions susmentionnées.
* 135 Voir à ce
sujet VIRALLY.(M) « La valeur juridique des recommandations des
organisations internationales », AFDI, Vol, II, 1956, pp.
66-96.
* 136 Voir
Résolution 1953 (XVI), 24/11/1961
* 137Résolution
33/71, 14/12/1978
* 138Voir résolution
36/100, 9/12/1981.
* 139 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Recueil 1996, p. 254, paragraphe 69.
* 140 Cet argument a
été en fait retiré par les juges Shahabudden et
Weeramantry, opinion dissidente du juge Shahabudden, p.27 ; opinion
dissidente du juge Weeramantry, p.74.
* 141 DEVISSCHER (Charles),
Théories et réalités en droit international
public, 3e éd. Paris, Pédone, 1960, p.190
* 142 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Recueil 1996, p.255, paragraphe 71 infime.
* 143 Idem, p.255,
paragraphe 73.
* 144 REUTER (Paul),
Droit international public, 5e éd., Paris, PUF,
Thémis, 1974, p.38
* 145 L'accroissement de la
majorité au fil des ans fut particulièrement contesté par
le juge Oda dans son opinion dissidente, CIJ,Recueil 1996, p 348.
* 146 DAVID (Eric),
« L'avis de la Cour internationale de justice sur la
licéité de l'emploi des armes nucléaires » in
RICR, n° 823, janvier-février 1997, pp 22-30.
* 147 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Recueil 1996, p.255, par 73.
* 148 Opinion dissidente du
juge SCHWEBEL, CIJ, Recueil 1996, p.320
* 149 CIJ, Recueil
1996, p.247, paragraphe 52
* 150 Par exemple,
exposé oral des les Salomon, CR 95/32, p.56
* 151 Selon la
définition de l'annexe 11 du protocole aux accords de Paris du 23
octobre 1954 relatifs à l'accession de l'Allemagne au traité de
l'Atlantique Nord.
* 152 CIJ, Recueil
1996, p.248, paragraphe 55
* 153CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes
nucléaires,avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil,
1996,p.248
* 154 Voir par exemple Egypte,
(AG), Reply, p.11 ; Pays-Bas, (OMS), Trad., p.4 ; Australia, Plaid,
30/10/1995, p.57 ; voir aussi CIJ, Recueil 1996, p.252,
paragraphe 60
* 155 Voir l'exemple UK,
(OMS), p.63 ; France (OMS), p.24 ; USA (OMS), Trad., p.14 ;
aussi CIJ, Recueil 1996, p.252, paragraphe 61
* 156 Voir par exempleUK,
(AG), Trad., p.24 ; Recueil, CIJ, 1996,p.252, paragraphe 61, Aussi ROSTON,
€, « Remarks », 75th Annual Meeting, Proceeding of the
American Society of International Law, panel on Strategic Deterrence and
Nuclear War, April 1982, p.p.25-26.
* 157 Voir par exemple UK,
(AG), Trad., p.25 ; CIJ, Recueil 1996, p.252, paragraphe 61
* 158 Affaire de Lotus,
Série A, N.9, CPJI, Recueil 1927, p.18-19. Voir l'Opinion
dissidente du juge Nyholm, p.60
* 159 Voir par exemple UK,
paragraphe 3.3 ; France, Plaid. 1/11/1995, p.79 ; CHRISTAKIS
(Théodore)& LANFRANCHI, (Marie-Pierre), La licéité de
l'emploi d'armes nucléaires devant la Cour Internationale de Justice,
analyses et documents, Economica, Paris, 1997, p.519.
* 160 Voir France, (OMS),
p.27, voir aussi dans ce sens Russie, (AG), Trad., p.9
* 161 CIJ, Recueil
1996, p.248, paragraphe 53
* 162 Ibid., p.248, paragraphe
58
* 163 Ibid., p.253, paragraphe
62
* 164 CIJ, Recueil
1996, p.253, paragraphe 62
* 165 CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, par.105 D.
* 166 Idem par. 60
* 167 Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Receuil 1996, paragraphe 62.
* 168 Egypte, (A6), Reply,
p.20 ; Iles Salomon, (OMS), Trad., p.34 ; U.K, (AG), p.33 ;
France, (OMS), p.25
* 169 Voir, par exemple,
U.K, Plaid., 15/11/1995, p.47.
* 170 FRIED (John H.E), op.
cit., p.52; McDougal (Myres) and FELLCIANO (Florento P)., The International
Law of War, Transnational Coercition and World Public Order, New Haven,
1994, p.4, 617; REISMAN (Michael), op. cit, p.32
* 171 FENWICK,
« The Progress of International Law », Recueil des
cours, vol. 63, n°5, 1951.
* 172 CIJ,
licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil, 1996, p.259, par 84.
* 173 Sur ces
déclarations voir par exemple BRING (O.E), and REISMANN (H.B),
«Redressing a wrong questions : the 1977 protocols additional I the
1949 Geneva conventions and the Issue of Nuclear Weapons,»
Netherlands international law review, 1986, p.p.99-105; pour une
évaluation de la nature juridique de ces déclarations, voir
WESTON (BURNS), «Nuclear Weapons and international law, A contextual
reassessment», Nuclear Weapons and law» ( A
MILLER et F. MARTIN, éd.), 1984, p.p.133-180
* 174 MEYROWITZ (Henri),
« Le statut des armes nucléaires en droit
international », German Zerbook of international law, 1982,
p.p 219-251
* 175 RAUCH (Elmar),
« L'emploi d'armes nucléaires et la réaffirmation et le
développement du droit international humanitaire applicable dans les
conflits armés », in Revue hellénique du droit
international, 1980, p.p 53-110.
* 176 MEYROWITZ (Henri),
«Les armes nucléaires et le droit de la guerre »,
Humanitarian Law of Armed Conflit, Challenges Ahead (Delissen, Astrid
et Tanja, Gérard), Nijhoff, 1991, p.p. 297-325
* 177 Voir dans ce sens
ABI-SAAB (Georges), «The 1977 Additional Protocols and General
International Law : some preliminary reflexions» , Humanitarian
law of Armed Conflict, Challenges Ahead, op cit, p.115-126
* 178 MEYROWITZ
(Henri), « Le statut des armes nucléaires en droit
international », op cit, p.222
* 179 CIJ,
licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil, 1996, p.259, paragraphe
84.
* 180 CHRISTAKIS
(Théodore) et LANFRANCHI (Marie-Pierre), Licéité de
l'emploi d'armes nucléaires devant la Cour international de justice,
analyses et documents, Paris, Economica, 1997, p.p.91- 123.
* 181 SAYED (A), op.
Cit, p.155.
* 182 A propos de la
définition du droit international humanitaire, voir PICTET (Jean),
Le droit international humanitaire : définition, les dimensions
internationales du DH, Genève, Institut Henry DUNANT, Paris,
UNESCO, 1986, p.13 ; pour une explication plus détaillée
voir BULABULA (Sayeman), « Droit international
humanitaire », Droits de l'homme et droit international
humanitaire, séminaire de formation cinquantenaire de la
DUDH, 18 novembre - 10 décembre 1998, Kinshasa, PUK, 1999,
p.p.132-133.
* 183 SAYED (A),op
cit.p.155.
* 184 CIJ, avis consultatif
du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 259, paragraphe 84
* 185 Idem, paragraphe
86.
* 186 Dans sa version
contemporaine, la clause Martens se lit comme suit : article 1 (2) du
protocole additionnel I : « Dans les cas non prévus par
le présent protocole ou par d'autres accords internationaux, les
personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous
l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des
usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de
la conscience publique »
* 187 CIJ, avis consultatif
du 8 juillet 1996, CIJ, Recueil 1996, p. 259, paragraphe 86.
* 188 Opinion dissidente du
juge Weeramantry, CIJ, Recueil 1996, p. 486
* 189 Opinion dissidente du
juge Shahabuddeen , CIJ, Recueil 1996, p. 408-409
* 190 MEYROWITZ, Henri, op
cit p 301.
* 191 ABI SAAB
(Géorges), « The spécificities of Humanitarian
Law », Mélanges Pictet, pp. 265-280, p. 274; voir en
général sur la clause Martens et l'emploi des armes
nucléaires, MIYAZAKI (Shiigeki), « The Martens Clause and
International Humanitarian Law», Mélanges Pictet, 1984,
pp. 433-444
* 192 SAYED (A), Quand
le droit est face à son néant : le droit à
l'épreuve de l'emploi de l'arme nucléaire, Bruxelles,
Bruylant, 1998, p. 119
* 193 SAYED (Abdulhay),
op.cit, p.124
* 194 France (AG), p.28 dont
le point de vue a été récupéré plus tard par
le juge Guillaume dans son opinion individuelle.
* 195 CASSESE (Antonie),
Violence and Law in the Modern Age, Princeton, 1989, p.48
* 196 Voir WEIL (Prosper),
« Le droit internationale en quête de son identité,
Cours générale de droit international public », vol
237, Recueil des cours, La Haye, 1992- VI, p. 62 ; BOWETT (D.W),
Self défense in international law, Manchester, 1958. p . 269 ; voir
la critique de SCELLE (George), Manuel de droit international public,
éd. Domat-Montchrétien, 1948, p.119, voir aussi BRIELY (J.L),
The law of Nations ; An Antroduction to The International Law
of Peace, Sir Humprey Waldock, 6 éd, Oxford, 1963, p. 51.
* 197 COMBACAU (Jean),
« The Exception of Self - Defence in UN practice », The
Current Legal Regulation of the Use of Force; Cassese (A) éd.,
Nijhoff, 1986, pp. 9 - 38, p. 9 ; GUGGENHEIM (Paul), Traité de droit
international public, avec mention de la pratique internationale et
Suisse, Tome II, 2° éd. Librairie de l'Université,
1967, p. 59.
* 198 Voir par exemple le
point de vue de DELIVANIS sur la légitime défense. Il
déclare notamment : « cette mesure de police
supplétive vise à assurer une quasi perfectibilité de la
sécurité collective au sein d'une société
donnée. Elle permet que les violations du droit entraînant recours
à la force, puissent être contrées par les victimes, en
attendant l'intervention des organes compétents mais provisoirement
défaillants de l'ordre envisagé. La légitime
défense constitue dans toute société, qu'elle soit
nationale ou internationale, une compétence de substitution provisoire
à ses membres pour se protéger contre un délit commis par
un tiers. Elle s'appliquera donc uniquement si les organes compétents de
la société ne sont pas à même d'intervenir au moment
où l'illégalité se produit ».Voir DELIVANIS
(Jean), La légitime défense en droit international public
moderne (le droit international face à ses limites), Paris, LGDJ,
1971, p. 42.
* 199 Le droit de
légitime défense est pour George SCELLE « une
compétence nécessaire de substitution ». Voir SCELLE
(Georges), Manuel de droit international public, éd
Domat-Montchrétien, 1948, p. 896.
* 200 La formule est
empruntée de la déclaration du président Bedjaoui, CIJ,
Recueil, 1996, p.270
* 201 CHRISTAKIS
(Théodore) & LAFRANCHI (Marie - Pierre), op.cit., p.110.
* 202 CIJ,
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, par.96
* 203 MATHESON (Michael
J.), « The Opinion of the International Court of Justice on the
Threat or Use of Nuclear Weapons», AJIL 91 (1997), pp.417-435.
* 204 CHRISTAKIS
(Théodore) & LAFRANCHI (Marie-Pierre), op.cit., p.109.
* 205 DAVID (Eric), op.cit.
p.34.
* 206 REUTER (Paul), Droit
international public, 5ème, PUF, Thémis, Paris, 1976, pp.49-52.
* 207 CHRISTAKIS
(Théodore) & LAFRANCHI (Marie-Pierre), op.cit., p.53.
* 208Christakis
(Théodore) et Lafranchi (Marie-Pierre), op cit, p.53
* 209 Opinion dissidente du
juge Schwebel, pp.8-9, voir la critique de KOHEN, Marcelo G., op.cit.,
p.349.
* 210 MATHESON, Michael J.,
op.cit. p.421.
* 211 Voir opinion
dissidente du juge Schwebel, CIJ, Recueil 1996, pp 319-320 ;
Déclaration du juge HIGGINS, CIJ, Recueil 1996, pp
589-590 ; voir aussi KOHEN (Marcelo G.), op.cit., pp.346-348.
* 212 Opinion individuelle
du juge Guillaume, CIJ, Recueil 1996, p.592. ; voir aussi
l'opinion dissidente du juge Schwebel, CIJ , Recueil 1996
p310 ; voir aussi MATHESON (Michael J.), op.cit., p.431.
* 213 Voir par exemple
l'opinion du juge Weeramantry, Recueil 1996 p.488 ; voir aussi
CONDORELLI (Luigi), op.cit., p.20.
* 214 Opinion dissidente du
juge Weeramantry, CIJ, Recueil, p.498.
* 215 Voir opinion
dissidente du juge Shahabudden, CIJ, Recueil 1996, p.420
* 216 Voir par exemple la
Déclaration du Président Bedjaoui, CIJ, Recueil 1996,
p.268-274 ; voir aussi l'opinion dissidente du juge Koroma, CIJ,
Recueil 1996, p. 556-582
* 217 Voir MOHER (Manfred),
« Avis Consultatif de la Cour internationale de Justice sur la
licéité de l'emploi d'armes nucléaires - quelques
réflexions sur ses points forts et ses points faibles », in
RICR, n°823, janvier-février 1997, pp.99-109
* 218 Voir par exemple UK,
Plaid.,15/11/1995, p.39 ; CIJ, Recueil 1996, p.245, paragraphe
42
* 219 Voir par exemple Iles
Salomon, Plaid., p.47 ; voir aussi GRIEF (Nicholas), « The
Legality of Nuclear Weapons », Nuclear Weapons and International
Law (Instavan Pogny ed.), 1987, p.p.22-52 ; CIJ, Recueil
1996, p.245, paragraphe 43
* 220 CIJ, Recueil
1996, p.244, paragraphe 40
* 221 Ibid, p.245, paragraphe
41
* 222 Ibid., p.245, paragraphe
42
* 223 Idem
* 224 CIJ, Recueil
1996, p.245, paragraphe 43
* 225 CIJ, Recueil
1996, p.245, paragraphe 42
* 226 Les
défenseurs de la légitime défense préventive
rappelle que le premier cas de légitime défense traitée
par la jurisprudence classique, le cas de Caroline, impliquait la
légitime défense préventive. Voir à ce sujet
BRIERLY (JL), The Law of Nations, An Introduction to The International Law
of Peace (SiHumprey Waldock ed.), 6th ed, Oxford, 1963,
p.p.417-420
* 227 ABI-SAAB (Georges),
« Cours général de droit international
public », Académie de la Haye, Recueil des cours,
Tome 207, 1987 VII, p.371.
* 228 Voir COMBACAU (Jean),
« The Exception of Self-Defence in Un Practice » The
Current Legal Regulation of the Use of Force (A. Cassese ed.), Nijhoff,
1986, p.P.24-25
* 229 Idem
* 230 McDougall (Myres) and
FELICIANO (Florentino P.), The International Law of War, Transnational
Coercition and World Public Order, New Haven, 1994, pp.238-239
* 231 Idem
* 232 Voir par exemple SINGH
(Nagendra) & MC WHINNEY (Edward), Nuclear and Contemporary
International Law, Nijhoff, 1989, pp.87-88.
* 233 Voir BROWNLIE (Ian),
International Law and The Use of Force by States, Oxford, 1963,
p.259
* 234 Voir D'AMATO (Anthony),
International Law : Process and Prospect, New-York, 1995,pp.76-77
* 235 ALEXENDROY (Stanimir
A.), Self-Defence against the Use of Force in International Law,
Kluwer, 1996, p.145.
* 236 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet, 1996, Recueil 1996, p. 23 paragraphe 44.
* 237 Voir le point de vue
similaire de KOHEN (Marcello G), « L'avis consultatif de la CIJ sur
la licéité de la menace ou de l'emploi des armes
nucléaires et la fonction judiciaire », Journal
Européen de droit international, 2, 1947, pp. 336-362.
* 238 Voir, par exemple,
COMBACAU (Jean), « The Exception of Self-defense in UN
pratice », in The Current legal Regulation of the use of
Force, A. Cassese éd., Nijhoff, 1986, pp.9-38, p.20,
21 ; le problème est aggravé avec l'arme nucléaire.
* 239 Les partisans de la
licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires
ne voyaient dans l'action du recours à la force menée par les
Nations Unies en vertu du chapitre VII de la Charte aucune
interdiction de ne pas utiliser les armes nucléaires dans une situation
grave de rupture de la paix ou dans une situation d'agression (France. Plaid.
1/11/95, p.83). Selon ces Etats, la décision par le Conseil de
sécurité d'autoriser une action collective avec l'emploi des
armes nucléaires devrait dépendre de l'évaluation
particulière de la gravité de la question. Elle ne saurait jamais
être exclue par la Cour d'une façon abstraite. Quant aux
défenseurs de l'illicéité, il est simplement
« inimaginable » (Egypte ; (A.G), Reply,
p.17) que le Conseil de sécurité autorise l'emploi des armes
nucléaires car, une telle autorisation aggraverait inévitablement
la menace contre ou la rupture de la paix et rendrait par conséquent
impossible le but même d'une telle action, qui est le
rétablissement de la paix et la sécurité internationales.
* 240 Voir CHRISTAKIS
(Théodore) et LAFRANCHI (Marie-Pierre), La licéité de
l'emploi d'armes nucléaires devant la CIJ, analyses et documents,
Paris, Economica, 1997, p.110) ; Voir dans le même sens KOHEN
(Marcelo G.), op.cit., p.357.
* 241 Voir au sujet de
l'abstention obligatoire d'un membre du Conseil de sécurité quand
il est partie à un différend dont il est question de prendre
position par le Conseil selon le chapitre VII les commentaires de Paul
Tavarnier sur l'article 27, paragraphe 3 de la Charte dans COT (J.P) et PELLET
(A), op Cit , pp.498-514 ; voir aussi TAVERNIER (P),
« L'abstention des Etats parties à un différend (art.
27, Paragraphe 3 in fine de la Charte), examen de la
pratique », AFDI, 1976, pp.283-189.
* 242 Licéité
de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8
juillet 1996, CIJ, Recueil, 1996, p.247, paragraphe 49.
* 243 MEYROWITZ (Henri), op
cit p.301.
* 244 Article 22 du
règlement annexe de la Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de
la guerre sur terre.
* 245 Déclaration de
Saint-Pétersbourg de 1868 ; voir aussi BULA-BULA (Sayeman),
op.cit, p. 151 : « La violence n'est autorisée
que dans la mesure où elle concourt à sa fin spécifique
qui est de réduire l'ennemi ».
* 246 Voir par exemple,
Iles Salomon, Plaid, p. 60 ; SINGH & McWHINNEY, op.cit, pp.
115-120 ; DAVID (Eric), « A propos de certaines justifications
théoriques à l'emploi de l'arme nucléaire ».
Mélanges Pictet, pp. 325-342
* 247 MEYROWITZ, Henri,
op.cit pp. 419-431.
* 248 Voir par exemple,
U.K, (A6), Trad. P. 38 ; CASSESSE (A)., « Weapons Causing
Unnecessary Syffering : Are They Probited ? », Revista
di dirritto internazionale, 1975, pp. 20-22
* 249 Voir McCORMACK
(Timothy L.H)., « Un non liquet sur les armes nucléaires - la Cour
internationale de Justice élude l'application des principes
généraux du droit international humanitaire »,
RICR, n°823, janvier, 1997, pp. 82-98
* 250 Déclaration de
Saint-Pétersbourg de 1868 ; article 35, protocole additionnel I de
Genève de 1977.
* 251 Egypt, CAG), Reply,
p. 24 ; SINGH & Mc WHINNEY, op.cit, p. 305; GRIEF (Nicholas), «
The legality of nuclear weapons», Nuclear weapons and international
law, (Ist Van Pogny ed), 1987, pp. 22-52; DAVID (Eric), op.cit, p.
337.,
* 252 LIPPMAN (Mathew),
«Nuclear weapons and international law: towards a declaration on the
prevention and punishment of the crime of nuclear humancide», 8 Loy.
L.A... Int'l & comp L.J., 1986, pp. 183-234
* 253 Mc DOUGAL (Myres) and
FELICIANO (Florentina P)., op.cit, p. 661
* 254 CASSESSE (Antonie),
Violence and law in the Modern Age, Princeton, 1989, p. 15
* 255 Voir par exemple U.K
(A6), p. 40 voir aussi SHAW (Malcolm), « Nuclear weapons and international
law» (Istavan Pogory ed), pp. 1-22
* 256 CIJ, Recueil
1996, p. 32
* 257 Ibid
* 258 Voir dans ce sens
l'opinion individuelle du juge Guillaume, CIJ, Recueil, 1996 pp.
288-289.
* 259 McDougal,(Myres) at
al, op.cit, p. 617
* 260 Voir BULA-BULA
(Sayeman), Droit international humanitaire : théorie et
réalités ; inédit, Faculté de droit, option
droit public, 1ère année de licence.
* 261 McDOUGAL at al,
op.cit, p.665.
* 262 Voir par exemple
Egypte, (A6), Reply, p. 25
* 263
SCHWARZENBERGER,(George), The Legality of Nuclear Weapons, London,
1958, p. 27.
* 264 Voir par exemple UK
(AG), Trad., p. 39, USA (Organisation Mondiale de Santé), Trad.,p. 23
* 265 Voir par exemple
France, Plaid. 1/11/1995, p. 79.
* 266 Certains contestent
une telle interprétation. Voir notamment, le juge Weeramantry, opinion
dissidente, CIJ, Recueil p. 486 ; voir aussi WESTON (Burns H),
« Nuclear Weapons and International law : Illigaty in
Context », denver J. Int'l. L&Pol'y, 1983, 2,5; MEYROWITZ L.,
«The Laws of war and Nuclear Weapons», Brooklym. J. int'l.L.,1983
reprinted in Nuclear Weapons and Law, L.A. Miller & M. Feinrider ed), 1984,
London, pp. 19-50
* 267 Mc DOUGAL (Myres) and
FILICIANO (Florentin P). , op.cit, p. 665
* 268 SAYED (A),
op.cit, p. 164
* 269 CIJ, Recueil
1996, p. 262
* 270 Voir à ce
sujet Iles Salomon, (O MS), Trad., pp. 69, 70 ; Nauru, (OMS), Trad., p.
65 ; I les Salomon, (AG), Trad., p. 54 Nauru, (OMS), Reply,
(retiré), Trad., pp. 1718, GB, (AG), Trad., p. 39 ; USA, (AG),
Trad., p. 12
* 271 CIJ, Recueil
1996, pp.259-261
* 272 CIJ, op cit,
pp.259-261
* 273 Eric David s'insurge
contre le refus de la Cour de considérer les armes nucléaires
comme analogues par leurs effets aux armes empoisonnées, DAVID (Eric),
« L'avis de la Cour internationale de justice sur la
licéité de l'emploi des armes nucléaires »,
RICR, n°823, janvier-février 1997, pp. 22-37 ; Voir
aussi DOSWALD-BECK (Louise), « Le droit international humanitaire et
l'avis consultatif de la Cour internationale de justice sur le
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires », RICR, n°823, Janvier, 1997, p.
37-59, p. 50, qui pose l'exemple des flèches et balles
empoisonnées couvertes par l'interdiction des armes empoisonnées
mais dont ce poison n'est que secondaire.
* 274 Voir par exemple
Egypte, (AG), Reply, p. 21
* 275 MEYROWITZ ( Elliot
L), op.cit p. 200
* 276 SINGH & Mc
WHINNEY, op.cit. p. 158; MEYROWITZ (Elliot), op.cit p. 41-42, FRIED (John),
op.cit, p. 40
* 277 GRIEF (Nicholas),
op.cit p. 25
* 278 Voir par exemple UK
(AG), Trad, p. 42
* 279 SHAW (Malcolm),
op.cit, p. 17
* 280 Sur la nature des
armes nucléaires et les effets de ces armes, voir par exemple, le
rapport du Secrétaire Général des Nations Unies du 18
septembre 1990, UN Doc. A/45/373.
* 281 CIJ, Recueil
1996, p.262, paragraphe 94.
* 282 Thierry (Hubert),
« Introduction aux débats : la légalité des
armes nucléaires », Armes Nucléaires et Droit
International, GIPRI, Genève, 1985, pp.3-12
* 283 Voir opinion
dissidente du juge Weeramantry, CIJ, Recueil 1996, p.444, voir aussi
LIPPMAN (Mathew), op.cit., p.231.
* 284 Voir par exemple Iles
Salomon, (OMS), Trad., p.58, Nouvelle Zélande, (AG), trad., p.22 ;
voir aussi l'opinion de Madame le juge Higgins, CIJ, Recueil 1996, p
587. ; Opinion dissidente du juge Weeramantry, p.512 ; voir aussi
MEYROWITZ (Elliot L.), op.cit., p.39.
* 285 CIJ, Recueil
1996, p.262, paragraphe 95.
* 286 CIJ, Recueil
1996, p.262, paragraphe 95.
* 287 CIJ, op cit,
p.262, paragraphe 95
* 288 CIJ, Recueil
1996, p.266, paragraphe .105 2) E.
* 289 McCORMACK, Timothy
L.H., op.cit., p.93.
* 290 Voir opinion
dissidente du juge Higgins, CIJ, Recueil 1996, p.588.
* 291 Voir
déclaration du président Bedjaoui, Recueil 1996,
p.272. ; opinion individuelle du juge Fleischhauer, CIJ, Recueil
1996, p.305 ; voir aussi MEYROWITZ (Elliot L)., op.cit., pp.19-20 et
p.48 ; MEYROWITZ (Henri), op.cit., p.300
* 292 FRIED (John H.E.),
op.cit., p.35-36
* 293 Voir la critique du
juge Higgins, CIJ, Recueil 1996, p.587.
* 294 SAYED (A), op.cit.
p.172.
* 295 KIM (Gordon-Bates),
op.cit, p.2.
* 296 FUJIKA (Hisakasu),
op.cit, p.1.
* 297 DJENA WEMBOU
(Michel-Cyr) et FALL (Daouda), Droit international humanitaire,
théorie générale et réalités
africaines, Paris, éd. Harmattan, 2000, p.89.
* 298 CIJ, Recueil
1996, p. 256, paragraphe 73.
* 299 CIJ, Avis consultatif du
8 juillet 1996 (AG), paragraphe 44
* 300 Idem, paragraphe 105.2
E
* 301 CIJ, Recueil
1996, p. 248, paragraphe 58.
* 302 Ibid, p. 253, paragraphe
62.
* 303 Ibid, paragraphe 86.
* 304 CIJ, Recueil
1996, .68, paragraphe 1
* 305 Ibid, pp.262-263,
paragraphe 95
* 306 CIJ, Recueil
1996, p.266, paragraphe 105.E
* 307 DAVID (Eric),
« L'avis de la CIJ sur la licéité de l'emploi des
armes nucléaires », RICR, n°823, pp.22-36
* 308 Voir la critique du juge
Higgins, CIJ, Recueil 1996, p 592.
* 309 DJENA WEMBOU
(Michel-Cyr) et FALL (Daouda), op.cit, p.89.
* 310 Voir FALK (Richard),
« Nuclear Weapons, international law and the world count : An
historic Encouter », Die Friedens- Wrate, 71(1996), Vol, pp.235-248,
p.238.
* 311 CIJ, Recueil
1996, paragraphe 98, p.263
* 312 CIJ, Recueil
1986, p.94, paragraphe 176.
* 313 CIJ, Recueil
1996, p.244, paragraphe 39
|