UFR SPORT ET EDUCATION PHYSIQUE DE BREST ANNEE
2006/2007 UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE
Aikiryu
un Art, une Communauté
par Anthony Mettler, Etudiant en 1er année de
Master «sport, santé, société« Mémoire
présenté pour l'obtention de la première année du
Master recherche en STAPS
Aikiryu
un Art, une Communauté
par Anthony Mettler, Etudiant en 1er année de
Master «sport, santé, société«
Directeur de recherche : Julien Fuchs
Une pensée à Charles Abelé
« Un peu de connaissance agissante vaut infiniment
plus que beaucoup de connaissance stérile Apprenez les paroles de
sagesse... appliquez-les dans votre vie.
Vivez- les, mais ne les déclamez pas,
car quiconque répète ce qu 'il n 'a pas compris est aussi
inutile qu 'un âne chargé de livre. »
Khalil Gibran
Remerciements
Je tenais à remercier toutes les personnes ayant
contribués de près comme de loin à cette étude.
Merci à mon directeur de recherche, Julien Fuchs pour ses conseils, ses
remarques et ses critiques, merci à Thierry Michot pour toute la partie
technique de l'étude et enfin merci aux autres enseignants qui m'ont
permis d'avancer dans ce travail.
Je souhaite également remercier Isabelle, Henry, Serge,
Hélène, Célestin, Swanhilde, Antonio et bien d'autres pour
leur ouverture, les discussions et les moments partagés à les
connaître.
Enfin, je n'oublie pas celle sans qui il m'aurait
été impossible de penser à ce sujet, celle qui m'a
encouragé et fait réfléchir, celle qui m'a permis de mieux
connaître l'homme qu'était son père ; Urielle.
SOMMAIRE
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Introduction
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I) Cadrage théorique :
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A) Les Arts martiaux
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1. Etymologie
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2. Points de vue et les finalités de la pratique
martiale :
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3. Le champ de la recherche :
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B) L'objet : l'Aïkiryu:
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1. De l'Aïkido à l'Aïkiryu :
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1.1. L'Aïkido
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1.1.1. Historique :
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1.1.2. Le message de la pratique :
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1.2. L'Aïkiryu :
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1.2.1. Historique :
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16
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1.2.2. Le message :
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1.2.3. La relation entre L'Aïkiryu et l'Art du Geste :
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2. Définir l'objet :
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C) Sociologie appliquée à l'étude de
L'Aïkiryu :
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1. Sociologie de la pratique de l'Aïkido :
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2. Le contexte social :
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2.1. Typologie des déterminants de l'action sociale :
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2.2. La rationalisation :
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2.3. Désenchantement du monde :
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3. Processus de communautarisation :
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3.1. Réenchanter le monde :
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3.2. La notion de « communauté »
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3.3. Le renforcement de la communauté :
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II) Etude de la pratique « Aïkiryu »:
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III) Méthodologie : 33
A) Une démarche, une méthode au service de
l'analyse de l'Aïkiryu : 33
B) Recueil de données : 34
1. Le questionnaire : 34
2. L'observation participante : 35
3. Conditions de recueil et traitement de données : 36
IV) Résultats et interprétation :
37
A) La population d'Aïkiryuka : 37
1. Années de naissance : 37
2. Catégories sociaux professionnelles (CSP) : 38
3. Situation maritale : 39
4. Niveau d'étude : 39
5. Année de début en Aïkiryu : 40
6. Enseignement avec Charles Abelé : 41
7. Nombre d'heures de pratiques : 42
8. Les grades : 43
9. Investissement : 43
B) Les pratiques périphériques et loisirs : 45
C) Les pratiques martiales antérieures : 46
D) Les opinions : 46
E) Les définitions : 50
Discussion 53
Bibliographie 56
Annexes Erreur ! Signet non défini.
Introduction
Dans notre société, c'est la science, et non
plus la religion ou la philosophie, qui semblerait déterminer la vision
du monde. L'énorme progrès des connaissances,
l'amélioration des conditions de vie, permettent, consciemment ou pas,
d'intérioriser la prédominance des sciences dans notre
société et donc une modification relations entre les individus.
Jean Staune1, philosophe des sciences, explique que le postulat de
base : « il n'y a rien qui ne soit impossible à découvrir
» a mené au développement de la science occidentale. L'homme
est un ensemble d'atomes et la nature, une somme de matières
premières. Ce principe a privé à long terme tout une
vision de la vie et du monde. Aujourd'hui, l'homme se retrouve dans un univers
vide signification où il serait apparu et aurait évolué
par hasard, où sa conscience serait sécrétée par le
cerveau comme le foie la bile, et où la réalité se
restreint à des petits grains de matières. Au contraire, la
doctrine positiviste d'Auguste Comte est liée à la confiance dans
le progrès de l'humanité par les sciences et la croyance dans les
bienfaits de la rationalité scientifique. De plus, la connaissance doit
reposer, selon Auguste Comte, sur l'observation de la réalité
mesurée d'une façon scientifique et non sur des connaissances a
priori. Le courant positiviste qu'il a développé et introduit en
philosophie constitue une systématisation du rationalisme
accompagné d'une confiance absolue dans la science. Toute fois, Gilles
Lipovetsky2 développe l'idée que les
démocraties contemporaines, marquées par le
dépérissement des grands projets collectifs, seraient
entrées dans l'ère du vide. Cependant, ce vide idéologique
n'est pas nécessairement un mal mais constitue aussi une chance. Chacun
peut désormais se consacrer tout entier à lui-même et mener
une vie "à la carte".
La sociologie de la vie quotidienne s'est imposée comme
un élément essentiel pour comprendre les mutations auxquelles la
société est soumise. La valorisation du quotidien est celle de
l'ordinaire, du présent. L'environnement quotidien devient le lieu de
l'accomplissement de soi. Il est le lieu d'une création dont les effets
cumulés
1 Secrétaire général de l'Université
Interdisciplinaire de Paris, texte de synthèse de 1991
2 Lipovetsky, G. (1989) L 'Ere du vide, essais sur
l'individualisme contemporain, Folio essais
sont ressentis sur la scène sociale. Selon Salvador
Juan1, aujourd'hui, «c'est depuis leur intimité que les
acteurs risquent de contribuer à changer le plus la
société ». Le retrait des idéologies et l'absence de
perspectives politiques auraient en ce sens conduit les individus à
favoriser la sphère privée. On voit se développer des
particularismes dans les pratiques privées, alors que la vie sociale
tend à se polir. C'est l'affirmation de styles de vie
spécifiques, propres à inscrire l'individu dans une
communauté de pratiques. A l'instar de Norbert Elias2, par
exemple, dont la notion d'individu est au coeur de son écologie, montre
que l'individu est un produit de la société où il n'est
qu'un noeud de relations. Il dégage l'idée que la production de
soi exigée par la nouvelle économie qui nous laisse à une
solitude, contrairement à l'idée que développe Salvador
Juan, de plus Norbert Elias résout le paradoxe d'un individu qui se
croit autonome alors qu'il est soumis à des interdépendances de
plus en plus contraignantes et qui ne laisse pas libre l'individu dans sa
relation aux autres ainsi que dans sa relation aux pratiques car l'individu
n'existe pas sans la société et vice versa.
L'objet de cette étude, qu'est l'Aïkiryu, est un
art martial créé par une personne ayant approfondi le travail
fait en Aïkido, soit une pratique qui permettrait d'affirmer un mode de
vie particulier et ceci par la constitution d'une « communauté
», dans le sens d'un regroupement de personnes ayant les mêmes
objectifs de vie. Serge Moscovici3 explique cette vision de vie ou
de pratique par un passage dans la société de l'animisme à
la démagification de la nature, et l'oubli des savoirs du monde transmis
de générations en générations. Il propose que l'art
soit un mode de penser le monde afin d'inventer une nouvelle forme de vie, de
culture, où la science participerait sans la dominer, en accord avec le
génie propre de la philosophie et des arts. Pour lui, c'est bien la
communauté des hommes qui doit participer à la constitution de
l'histoire humaine de la nature et qu'il serait dangereux de continuer à
laisser la science et la technique en décider la direction et le
contenu. Pour Serge Moscovici, il s'agit de tout un mode de vie à
repenser à partir de la réunification de la nature et de la
société, qui devra passer par une réflexion sur les
relations sociales dans le travail et la vie quotidienne afin d'habiter le
monde autrement.
1Juan, S. (1991) La sociologie des genres de vie,
Puf
2 Elias. N, (1991) La société des individus,
Fayard
3 Moscovici, S. (2002) De la nature. Pour penser l
'écologie, Métailié
Dans ce sens, les études dans le domaine des arts
martiaux sont intéressantes d'un point de vue anthropologique et
socio-historique afin de comprendre de quelles façons une pratique se
développe et peut intégrer des formes de vie ainsi qu'un mode de
penser. Cependant, il faut également noter que la plupart des ouvrages
qui existent sont liés à la forme technique ou à la
préparation de l'individu à une pratique et que le milieu des
arts martiaux est difficile d'accès si on n'est pas pratiquants. De ce
fait, il y a beaucoup de thèmes d'études qui ne sont pas
abordés dans le domaine des arts martiaux, comme l'étude de la
structuration d'un groupe de pratiquants qui à, par contre,
été étudié en sport de montagne par Olivier
Hoibian1. En ce qui concerne l'étude de facteurs sociaux
provoquant le déclin d'une discipline cela a été
effectué dans le domaine du tennis avec Anne-Marie Waser2,
enfin l'étude des facteurs permettant de sociabiliser un groupe de
pratiquant, étude menée dans le football professionnel par Julien
Bertrand.3. Les différentes études sur le tennis ou
bien l'escalade permettent de prendre connaissance des différentes
approches possibles autour d'un objet d'étude mais également
d'identifier des méthodes de recherche pertinentes.
Ce travail de recherche s'oriente sur un modèle de type
compréhensif, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une science proposant
de comprendre par interprétation l'action sociale et par là
d'expliquer causalement son déroulement et ses effets. Cette
étude s'inscrit dans une volonté de travailler sur un objet de
recherche qui permettrait de connaître, d'analyser et de comprendre une
pratique peu connue actuellement. Mais surtout de chercher à
connaître le sens que les pratiquants donnent à leur discipline
ainsi que la place qu'ils lui donnent dans la vie quotidienne. Il est
également pertinent de connaître les usages de cette pratique ou
bien quel rapport aux autres, médié par le corps, ils
entretiennent entre eux et sous quelle forme. Cette étude a pour
ambition de tenter de comprendre ceux qui composent cette pratique
émergeant sous forme d'un rassemblement autour d'un art et qui
évoluent dans des conditions particulières suite au
décès du fondateur de l'école en Mai 2006.
1 Hoibian. O, (2001) Les alpinistes en France 1870 - 1950,
L'Harmattan, étude sur les alpinistes en France, de 1870 à
1950, qui met en avant la sociogenèse de cette pratique culturelle et
permet de regarder comment changent les représentations et comment se
construisent les identités collectives
2 Waser. AM, (1995) Sociologie du tennis, genèse d'une
crise, L'Harmattan, étude consacré au tennis en France
depuis les années 1960 ainsi que le lent déclin dont il est
victime
3 Bertrand. J, (2002) La formation d'une lite sportive. Etude
sociologique de l'apprentissage du football professionnel, Groupe de
Recherche sur la socialisation, étude sur les caractéristiques de
socialisation de joueurs de football d'un centre de formation d'élite
Pour comprendre la place que cette pratique occupe dans le
champ des activités physiques et sportives, il va falloir définir
l'Aïkiryu avant de la situer dans le champ des arts martiaux. Il sera
possible de la définir en traitant les différentes approches
possibles ainsi que les différentes visions et finalités des
pratiques martiales. Puis il sera nécessaire de présenter la
pratique d'origine, en plus de la pratique étudiée, afin de
mettre en lumière la continuité qui existe entre les pratiques.
Enfin, nous exposerons les éléments importants permettant de
situer et de comprendre le lien existant entre la pratique et
l'intérêt de cette recherche, par l'analyse de la forme de
regroupement ainsi que l'état des lieux de la société
actuelle.
La suite de l'étude, permettra d'analyser la pratique
par une méthodologie constituée d'un questionnaire et d'une
observation participante, mais surtout de proposer un outil d'analyse
qualitatif afin d'étudier les caractéristiques des pratiquants
d'Aïkiryu et leurs visions de la pratique.
Cette pratique propose un espace d'échange entre les
pratiquants. Ces échanges ont fait émerger une communauté
Aïkiryu. Il sera intéressant d'analyser les données de
l'enquête par un logiciel statistique afin établir une typologie
des pratiquants sur la base d'une confrontation d'opinion. Ensuite, nous
traiterons les données des questions ouvertes afin de prendre
connaissance des différentes visions de pratique de la population des
pratiquants. Nous chercherons également les raisons qui conditionnent
les résultats. L'objectif étant de valider ou d'invalider
l'existence de la communauté, de comprendre le sens que les pratiquants
donnent à leur pratique et de vérifier s'il existe une
mixité sociale par la pratique ou non.
Enfin, nous finirons ce travail de recherche en exposant les
éléments qui caractérisent ce regroupement de pratiquants
sous forme d'une communauté, nous aborderons également les biais
possible de cette recherche, et pour finir, nous présenterons les
ouvertures probables suite à cette étude.
I) Cadrage théorique :
A) Les Arts martiaux : présentation,
définitions, questionnement
1. Etymologie1:
La traduction littérale du mot japonais « bugei
», renvoie la notion de combat à un savoir faire. C'est suite
à un discours en anglais en 1903 de Jigoro Kano (fondateur du judo), que
le terme « martial art » est apparu. Cependant à
l'époque ce terme est mal interprété ; du fait de la
différence entre les cultures occidentales et orientales. Il faudra
attendre jusque dans les années soixante pour que cette expression
arrive en France. Le retard de transmission du mot est lié au fait que
les anglais colonisent le japon et que leur fascination pour les pratiques
exotiques, martiales, différentes de ce qu'ils pouvaient avoir dans leur
propre culture occidentale. La notion d' « art » est porteuse d'une
charge sémantique, combinaison linguistique complexe, et rend difficile
une définition purement motrice et scientifique. En effet, l'« art
»2 peut se définir comme étant une aptitude ou
une habileté à faire quelque chose ou comme un ensemble des
procédés intéressant une activité ou alors la
création de mises en scène spécifiques destinés
à produire chez l'homme un état d'éveil plus ou moins
lié au plaisir esthétique enfin peut être un label de
qualité. C'est la diversité de définitions que l'on donne
à ce mot qui le rend lourd de sens.
Mon objet de recherche est l'« Aïkiryu », il
semblerait que se soit un art martial de préhension, mais non japonais
car créer par un occidental, qui conserve les mêmes formes
technique de travail que l'Aïkido. Cependant, qui propose une autre
façon de voir cette pratique.
Pierre Parlebas3, définit la logique interne
des arts martiaux comme étant « des pratiques individuelles
d'affrontement, face à face, dans lesquelles il y a constamment contre
communication entre les adversaires. Ces pratiques se distinguent par un
certain rapport de distance entre individus, médié ou non par un
objet ».
1 Charlot, E. Denaud, P. (1999) Les arts martiaux, Que
sais-je ?
2 D'après le petit Larousse, éd. Larousse 2002
3 Parlebas, P. (1981) La force, la souplesse et l 'harmonie
in sport et société, approche socioculturelle
des pratiques de Christian Pociello
Cependant cette définition n'est pas assez
précise car elle n'englobe pas que les sports de combat, le tennis peut
se définir comme art martial si l'on garde ces critères.
D'après Kerlizin et Fouquet1, il faut
ajouter à la définition de Pierre Parlebas le critère
« d'action simultanée » qui écarte toutes
pratiques de type sport de duel (tennis de table, tennis, badminton...).
Dès lors, on distingue les pratiques de combat comme la lutte, la boxe
et les pratiques martiales du fait de leurs objectifs. En effet, la boxe a pour
finalité de « gagner un combat face à un adversaire dans un
contexte institutionnalisé, réglementé et
compétitif ». Tandis que la finalité des arts
martiaux consiste au fait de pouvoir « se défendre face à
plusieurs adversaires en situation de danger pour soi-même
».
Cependant, il y a une différence entre la
définition que l'on donne à l'art martial, sport de combat et la
perception sociale du phénomène comme en parle Christian Pociello
lors de la conférence INSEP de 1979. Il aborde l'idée de «
l'attache culturelle » qui soustrait certaines pratiques au
registre des sports de combat car elles ne sont pas considérée
socialement comme telles. Les pratiquants ne s'identifiant pas un sport de
combat vont construire socialement la pratique par le biais de normes et de
valeurs qui ne seront pas en lien avec les valeurs véhiculés par
les sports de combat.
Il est impossible d'évoquer les arts martiaux sans
parler du « Budo », qui à été
défini par un groupe de chercheurs dirigé par André
Terrisse2 comme étant « la recherche d'une haute
maîtrise de soi et de son apport au monde et aux autres. Soit un
développement personnel dans le domaine d'expérience autant que
dans la vie de tous les jours qui en définit l'essence. »
Cela veut dire que le « Budo » est porteur de valeurs
intrinsèque à différents arts martiaux qui vont
au-delà de la simple pratique physique, il est considéré
comme un code à suivre mais un code non écrit qui dépend
de l'interprétation de chacun.
1 Fouquet, Kerlizin. (1996) Arts martiaux et sport de combat,
INSEP
2 Terrisse, A. (1998) Recherche en sport de combat et arts
martiaux : état des lieux, Revue EPS
2. Points de vue et les finalités de la pratique
martiale :
D'après Kim Min Ho, étudiant chercheur ayant
fait sa thèse sur les évolutions liées au corps dans un
contexte, l'évolution de ces pratiques dépend du contexte
sociologique, politique, militaire, psychologique et religieux. Il insiste sur
le fait que l'influence de notre culture occidentale va interagir dans la
définition de nos propres finalités. Les principes de
transculturation et déculturation sont essentiels pour comprendre la
place actuelle des arts martiaux dans notre société. En effet,
nous allons garder quelques aspects de la culture d'origine et
l'appréhender par notre propre culture, il parle de « j aponisation
». Il définit les finalités des arts martiaux comme un
aspect pacifique permettant de renforcer le lien social par la
régulation de la violence, la recherche d'efficacité et un
équilibre psychologique et physiologique.
Pour Kim Min Ho1, la particularité du
contexte actuel de la société française met en avant deux
notions : la volonté d'égalité entre les individus et la
démonstration des compétences personnelles. Ce qui permet de
poser le problème de dépassement sur la quête personnelle
et spirituelle de chaque individu, d'où une recherche par des pratiques
plus éloignées de la culture occidentale.
Pour Charlot et Denaud2, la vision
européocentriste, c'est-à-dire la vision que les occidentaux ont
du monde en ayant comme référence l'Europe, a permis de
développer les arts martiaux en occident plus qu'ils ne le sont dans la
culture asiatique, du fait que celle-ci ait un mode de transmission
discrète. Le monde occidental des arts martiaux a perdu le sens de la
culture d'origine mais a gagné en « pouvoir initiatique ». La
question que soulève Kim Min Ho, est de savoir quelles sont les causes
sociales d'un tel phénomène.
Concernant, André Terrisse, l'histoire culturelle qu'il
décrit comme objet culturel assimilé puis transformé par
une société européenne forme un miroir qui reflète
l'évolution de la société qui les accueille. Les facteurs
importants pour analyser les structures et les représentations qu'ils
véhiculent étant la constitution, l'évolution et
l'influence. Pour lui les efforts de recherche doivent être faits autour
des traces culturelles, des examens des lieux de pratiques, milieux, mode de
sociabilités soit les mécanismes d'élaboration de
transmission. Pour y arriver, il suggère de se pencher sur les produits
culturels qui traduisent le regard des Français sur le japon. En
effet,
2 Charlot, E. Denaud, P. (1999) Les arts martiaux, Que
sais-je ?
1 Kim Min-Ho. (1999) L 'origine et le développement
des arts martiaux, Espaces et temps du sport
lorsqu'un enseignant fait un cours dans un club ou un dojo, il
ne peut transmettre qu'une partie de ce qu'il connaît car il y a une part
d'implicite dans la culture de la discipline pratiquée. Pour prendre un
exemple concret, en Karaté il y a eu une dérive concernant le
cérémonial du salut et il a fallut que la
fédération réexplique comment et a quoi sert le salut au
début et à la fin de chaque cours.
Pour conclure, voici une définition de la
finalité dans les arts martiaux, extraite du colloque INSEP
dirigé par André Terrisse, « Se construire un
savoir empirique hautement développé qui se subdivise en savoir,
savoir devenir, savoir être ». Cette définition pourrait
s'interpréter par le fait qu'un pratiquant va construire des
connaissances et des compétences au fur et à mesure de sa
pratique. Ces connaissances et compétences vont lui permettre
également de se construire personnellement et d'avoir une sorte de ligne
de conduite tout au long de sa vie.
3. Le champ de la recherche :
Toutes ces études sont intéressantes d'un point
de vue anthropologique, sociohistorique en ce qui concerne le
développement des arts martiaux dans notre culture Européenne,
occidentale au sens large. Il y a beaucoup de thèmes d'études qui
ne sont pas abordés dans le domaine des arts martiaux, comme par exemple
l'étude de la structuration d'un groupe de pratiquants qui à
été étudié en sport de montagne1
par exemple. En effet, l'étude de la structuration des pratiques de
haute montagne dans le massif du Mont Blanc a permis d'améliorer la
compréhension du champ des pratiques et de ses évolutions. A
partir d'un échantillon prélevé (n = 1 607), huit groupes
de pratiquants ont été identifiés. L'étude a
relevée une grande diversité de recrutement social et une
opposition entre professionnels et amateurs. Malgré le poids des
pratiques de nature, les grandes oppositions du système social des
sports sont retrouvées, ainsi que les oppositions classiques entre
classes et fractions de classe, avec une prépondérance des
intellectuels. Ce travail apporte quelques éléments quant
à l'amélioration de la compréhension du champ des
pratiques de haute montagne et de certaines de ses évolutions, en
soulignant principalement l'influence actuelle et future de l'escalade «
libre ». Mon objet de recherche s'oriente sur un travail de type
compréhensif afin de comprendre ceux qui composent ce groupe
émergeant.
1
www.veilleinfotourisme.fr,
site du Ministère délégué au Tourisme
1 Stevens, J. (1999) Morihei Ueshiba : une biographie
illustrée du fondateur de l'aïkido, éd. Budo.
Il existe un nombre important de définitions que l'on
établit en fonction de sa propre recherche ou pratique. Cependant, il
faut prendre conscience du fait que chaque pratiquant, de par son vécu,
va définir sa pratique d'une manière différente d'un
autre. Ce travail de synthèse permet de se placer par rapport à
la pratique et placer la pratique dans un ensemble, soit faire un consensus au
niveau de la définition des arts martiaux. Nous avons là deux
cultures différentes et pourtant qui enseignent les mêmes
contenus, une dualité avec d'un côté la vision orientale
avec un travail basé sur l'interne, favorisant la quête
personnelle, spirituelle ayant comme code implicite le Budo. De l'autre
côté la vision occidentale, basée sur le dépassement
de l'autre, où les règles sont écrites avec un but
à atteindre dans un esprit élitiste.
B) L'objet : l'Aïkiryu:
1. De l'Aïkido à l'Aïkiryu :
1.1. L'Aïkido :
1.1.1. Historique :
La « voie de l'harmonie avec l'énergie universelle
» est un art martial crée, développé et
enseigné par Ueshiba Morihei (1883-1969) à partir de 1931 au
Kobukan, son dojo de Tokyo. Techniques et philosophie de ce système de
combat furent d'abord transmise par l'association Kobukai puis
Aïkikaï à partir de la fondation de cette dernière le 9
février 1948. Cet enseignement traditionnel se perpétue à
travers son fils (Ueshiba Kishomaru), puis le petit-fils (Ueshiba Moriteru) du
maître fondateur de cet art de vivre du XXème siècle.
Beaucoup plus qu'une énergie de combat, la « voie » ouverte
par Ueshiba, technicien de génie et homme reconnu, est une
démarche de recherche intérieure. C'est l'expression par le corps
de l'union de l'individu (de son ego) avec l'univers qui le régit.
L'Aïkido de Morihei Ueshiba est l'« identification à la grande
nature », en plaçant le pratiquant, au travail de
méditation, de concentration, d'ascèse et de pratique, sur une
« paix interne»1.
Ueshiba rencontrera deux grands courants spirituels qui
donneront une particularité à ce qui deviendra l'Aïkido : le
bouddhisme et l'Omotokyo sorte de synthèse entre le bouddhisme et
chamanisme tibétain mais d'origine shintoïste. Le but de
l'Aïkido étant un accomplissement de l'être humain, la
discipline d'Ueshiba rejoint ici la dimension visée par toutes «
voie » martiale, reliés par le Budo, et par opposition à la
simple technique, utilisable en combat, sur le champ de bataille ou dans la
pratique sportive. De technique de destruction son art martial devait devenir
source de vie, d'harmonie et d'amour. Il consacra le reste de sa vie à
transmettre ce message de paix à travers un art issu de la guerre.
L'Aïkido était né comme le couronnement d'une recherche
éperdue.
Il eut quatre rencontres importantes dans sa vie ; Kumagusu
Minataka lui apporta les notions d'écologie et d'universalisme ; Bonji
Kawatsura lui apporta les techniques de purification par le bâton ;
Sokuka Takeda lui apporta les techniques martiales et le sens du
Bushido1; Onisaburo Deguchi lui apporta son approche spirituelle
universelle par l'Omotokyo2.
1.1.2. Le message de la pratique :
L'originalité de l'approche faite par Ueshiba au niveau
du combat réside plus dans le sens donné au geste, «
l'esprit de la technique », que dans l'efficacité du geste en soi,
à noter que l'Aïkido reste une technique très efficace. La
technique martiale s'est imprégnée de spiritualité et est
devenue art de vie. L'entraînement au dojo doit amener le pratiquant
à une nouvelle conception de son existence même, donc un
changement dans sa vie de tous les jours. Il s'agit à travers la
maîtrise des techniques et la capacité de vaincre, d'arriver
à la connaissance de soi et des autres. La voie de l'Aïkido est
donc l'apprentissage du respect, de l'amour, de l'homme, de la vie et de la
paix.
Son expression personnelle de l'Aïkido n'était
plus un système d'autodéfense dirigé contre un adversaire
mais une façon de communiquer avec un autre « soi », qu'il ne
fallait plus détruire mais amener à composer en le convainquant
de l'inutilité de ses attaques ou plutôt en transformant
l'énergie de son attaque. Entrer en harmonie avec son énergie
agressive pour la détourner, l'apaiser et la rendre positive.
L'Aïkido reste la « voie de la paix » par l'harmonie du corps et
de l'esprit. Une grandeur d'âme hors
1C'est le code d'honneur des samouraïs
2C'est un courant religieux qui a eu une grande
importance durant le 19ème siècle au Japon
du commun définit bien Ueshiba Morihei qui dispensa un
message d'amour, de sagesse et de paix. Eviter les affrontements et la
rivalité, sauf avec soi-même, afin de revenir sur une recherche
interne et pour se développer. L'homme doit s'accomplir à travers
l'harmonisation de son « énergie vitale » (ki) et de son corps
(taï) dans l'univers tout entier, en même temps que l'harmonisation
de son esprit (Shin) et de sa force morale (Ri). C'est important de
connaître cela car c'est la base de la culture inscrite dans la pratique
de l'Aïkiryu et c'est dans cet état d'esprit que l'observateur doit
s'insérer. De plus, partant du postulat que le message conditionne le
geste, il va être intéressant de voir quelle est la part de cette
culture transmise notamment par l'étude de définition que les
pratiquants ont de l'Aïkiryu.
1.2. L'Aïkiryu :
1.2.1. Historique :
C'est Charles Abelé qui fonda l'école
d'Aïkido et Art du Geste en 1996, après avoir suivi la pratique de
l'Aïkido avec André Cognard. Ce dernier interprète et
développe l'enseignant qu'il a reçu de Kobayashi Hirukazu qui est
un élève direct de Morihei Ueshiba. En 2004, Charles Abelé
crée l'Aïkiryu ce qui correspondait mieux à
l'évolution de son art. Il est intervenu dans le domaine social,
scolaire et de la santé, il a également collaboré avec des
chorégraphes et des metteurs en scène dans le cadre de la
formation des artistes. A partir de 2004, il crée et co dirige avec
Isabelle AbeléDubouloz le centre d'art Shin Shin I Taï, lieu de
pratique et de rencontres des arts et des hommes. Le 10 mai 2006, il
décède à la suite d'une maladie, qui n'a ralenti en rien
son oeuvre mais aurait au contraire accéléré son
rayonnement car les personnes ayant suivi son enseignement sembleraient
s'être rapprochés plus encore. Son enseignement s'est fait et
continue aujourd`hui d'être transmis par les enseignants qu'il a
formé au sein de la Fédération d'Aïkiryu et Art du
Geste.
1.2.2. Le message :
« L'Aïkiryu n'est pas un art différent des
autres, sa capacité à exister, notre capacité à le
rendre vivant est le pas que chacun fait quand il va en avant et pose sa foi
dans ce pas qui le rend libre et uni à lui-même. »
Charles Abelé
Cette citation est intéressante à analyser pour
comprendre le sens qu'a voulu donner Charles Abelé lorsqu'il a
crée son art. Déjà, l'Aïkiryu est un lien du travail
personnel qu'à entrepris Charles Abelé avec l'Aïkido et non
pas une pratique détachée. Le message qui constitue l'aïkido
est également le même pour l'Aïkiryu. Maintenant ce qui va
être pertinent d'analyser c'est la précision de ce travail,
c'est-à-dire tout ce qui tourne autour des principes qui font
l'Aïkiryu. L'idée sous jacente à cette citation est que ce
sont les personnes qui intègrent les idées dispensées dans
les enseignements qui font évoluer la pratique. De plus les mots comme
« foi », « libre », « uni » invitent le
pratiquant à croire en lui, la pratique l'aide dans son chemin vers une
conscience du présent. L'important serait de croire en ce que l'on fait
à l'instant présent et amènerait vers une liberté
car un contrôle de ses actions, de ses mouvements. Cette citation est une
proposition d'union pour faire évoluer les individus entre eux.
L'Aïkiryu transmet un message d'amour par le geste et c'est ce qui rend
possible toute rencontre, toute harmonie et toute réalisation.
Une autre citation illustre bien la place des techniques dans
la pratique :
« Les techniques d'origine martiales sont un support
idéal pour donner de la qualité dans l'échange et de la
précision dans la relation. Elles nous aident à percevoir et
à créer des actions dans une relation toujours renouvelée
de l'espace et du temps. L'Aïkiryu trouve son origine dans cette recherche
qu'à l'homme d'être un lien entre le ciel et terre et de suivre
son chemin de transformation. Cet art contemporain, au travers de techniques
avec ou sans armes, seul, à plusieurs permet à l'individu de
chercher à se réaliser libre, responsable et acteur de sa vie. Il
n'y a pas de combat, pas de compétition mais toujours une
présence à l'instant dans le respect de l'autre quant à
son intégrité corporelle, affective et spirituelle. »
Cette citation1 nous montre bien que la technique
est le vecteur d'idées, c'est un support qui permet de faire
épanouir l'individu et de le rendre conscient de ses actes. L'ensemble
de ces actes se déroulant dans un esprit de respect de l'autre sur trois
niveaux : intellectuel, affectif et spirituel.
1.2.3. La relation entre L'Aïkiryu et l'Art du Geste :
Comme vous avez pu le constater, la dénomination de la
fédération aussi est intéressante car il est
indiqué « Aïkiryu » mais en quoi consiste « l'Art du
Geste ». Voici un entretien sur ce sujet et qui explique la vision de
« l'Art du Geste »
« Tout ce qui est mouvement, celui de l'Aïkidoka, du
peintre, du danseur, de l'acteur, du chanteur..., et aussi le mouvement de
pensée, lorsqu'elle est en lien avec le ou les corps, appartient
à un seul « grand mouvement ». Celui de la recherche de
l'harmonie et de l'unité. Aïkidoka, artiste, poète, nous
recherchons tous la présence pleine dans les événements de
notre vie et la libération par l'intégration de ce qui nous
arrive. Ceci demande le courage de répondre à des
nécessitées de rencontres et de connaissance de tout un ensemble
d'élément comme la peur, la colère, le
déséquilibre, etc. ».
Il semblerait que « l'Art du Geste » englobe plus
que les pratiquants d'Aïkiryu mais tous les individus, même ceux qui
ne se sentent pas artiste. L'idée de globalité est important
à analyser, en plus du message de rassemblement libre
véhiculé par la pratique, c'est là une façon de
voir la vie dans son ensemble. C'est une proposition qui est faite de vivre
dans le présent, dans l'instant et d'accepter ce qui peut arriver dans
cette vie. Donc, ne pas subir mais d'utiliser les diverses expériences
de la vie pour avancer et être libre. Pour prendre un exemple, « la
Charte de l'Europe des Consciences »2 a été
rédigée par des personnes ayant la volonté de changer les
relations entre les individus ainsi que la place qu'ils occupent dans le
société, avec l'ambition de poser des repères pour une
société alignée sur la vie dans sa globalité,
1 Tiré des documents de la Fédération
d'Aïkiryu et Art du Geste
2 L'association L'EUROPE DES CONSCIENCES se veut un mouvement
transdisciplinaire et transreligieux. Il n'est lié à aucune
approche philosophique spécifique ni à aucune tradition ou
religion particulière. L'EUROPE DES CONSCIENCES n'est pas un parti
politique. Elle entend seulement mettre en avant et soutenir des valeurs,
proposer des idées, inspirer des réalisations, des
activités, des fonctionnements, soutenir des initiatives et des actions,
fondés sur les principes de la Charte.
1 Parlebas, P. (1985) Recherche en staps, Revue EPS
pour une société qui donnera des femmes et des
hommes dont on dira qu'ils sont «vivants ». À partir de ces
repères, il est facile de voir ce qui est juste et ce qui ne l'est pas
dans l'ensemble du champ sociétal. Cet entretien confirme ce que nous
avancions plus haut, c'est-à-dire que la pratique est le vecteur d'une
façon de voir les relations aux autres qui n'appartient pas qu'aux
Aïkiryuka, mais au-delà, dans un courant de pensée
basé sur une volonté de créer les relations
interindividuelles plus humanistes.
L'évolution de L'Aïkido à l'Aïkiryu
s'est faite de façon lente mais toujours de plus en plus précise
sur les savoirs et sur le message. En effet, c'est cette volonté qui
conditionne les savoirs transmis. Il s'agit d'une volonté valorisant le
travail interne et externe, l'échange avec l'autre et une
réflexion sur nos actes.
Le message que la pratique véhiculé s'apparente
à un courant de penser qui conditionne les savoirs transmis donc agit
sur les actes et le corps. Il est le point de départ de
l'émergence d'une communauté, qui n'a rien de mystique, mais qui
peut se reprocher dans l'idée des regroupements de personnes ayant un ou
des objectifs commun comme par exemple les communautés urbaines ou bien
des communautés de journalistes. Le fait que le message transmis par
Charles Abelé vise à rapprocher les gens entre eux et à
développer les relations interindividuelles va former un groupe ayant
comme vecteur la pratique elle-même. Soit l'Aïkiryu est une pratique
qui viserait à rassembler les individus en proposant un espace
d'échange, de dialogue ainsi qu'un espace de pratique corporel dans un
désir de sociabilité de la part des pratiquants.
2. Définir l'objet :
En se basant sur les classifications de Pierre
Parlebas1, on définirait l'Aïkiryu comme une pratique de
coopération et de solidarité où les pratiquants utilisent
des techniques qui permettent d'aborder différents rôles
(attaquant, défenseur) pour lesquelles il y a interaction individuelle
dans un environnement humain. On peut donc dire qu'il s'agit d'une relation de
personne à personne dans groupe d'individu et dont l'échange se
fait par la technique.
Dans un premier temps, les influences reçues par
Charles Abelé dans sa pratique martiale sont nombreuses mais c'est sa
rencontre avec Kobayashi Hirukazu, élève direct de Morihei
Ueshiba, qui va l'inviter à travailler sur le principe de
spiralité et de prise de contact ainsi que du travail sur la relation du
centre à centre. C'est-à-dire que les rôles entre les
partenaires sont alternés, on attaque puis on défend, cette
relation à l'autre implique de l'ouverture et non du combat. Ce qui
rejoint tout à fait la définition proposée par Pierre
Parlebas visant à une pratique coopérative et harmonieuse.
L'Aïkiryu se définit comme une pratique,
d'après Charles Abelé, ayant pour objectif de transmettre «
un message d'amour », « permettre aux gens de se rencontrer »,
« de rendre possible toute harmonie et toute réalisation » par
des techniques souples, permettant des instants de contacts prolongés
mais sans rigidité et touj ours dans l'esprit d'harmonie entre les
partenaires. Ces objectifs montrent le caractère
fédérateur et rassembleur de la pratique. En effet, le «
sens du monde », initié par Max Weber1, tend à se
rationaliser les individus c'est-à-dire de rendre une part importante
à la raison plutôt qu'à la magie du monde et a les
dégager des contraintes religieuses. Il s'agit d'une perte de sens des
magies du monde et désensorcelé, dépoétisé.
L'Aïkiryu ne se place pas dans l'esprit ou le but est une fin en soi, ou
le travail est l'essentiel mais c'est le moyen pour y parvenir qui permet
à l'individu de « dépasser ses limites », de «
chercher à se réaliser libre, responsable et acteur de sa vie
», de « respecter l'autre quant à son intégrité
corporelle, affective ». Cette pratique se définit en ses termes
comme étant au service des individus, permettant de rapprocher les gens,
de redonner un « sens au monde » et ne peut se définir alors
comme un art martial mais plutôt comme un art du geste.
Bien sûr, il est important de parler de « l'Art du
Geste », Il s'agit là d'une pratique considérée comme
un « grand mouvement » qui englobe les différents domaines
artistiques (peintre, danseur, chanteur, aïkidoka, ..). C'est une
recherche de « l'harmonie », de « l'unité », de
« recherche la présence pleine dans les événements de
notre vie et la libération par l'intégration de ce qui nous
arrive », ce qui correspond à un courant de pensée qui
regroupe un champ plus large que la simple pratique d'un art martial.
Il y a une citation d'Yves Cadot, doctorant à
l'Université de Paris, 4ème dan de Judo et
diplômé des langues orientales, qui est intéressante car
l'approche du « ka » que
1 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion
l'on retrouve dans la dénomination d'un pratiquant
(Aïkidoka, karatéka, judoka...) reflète bien l'esprit dans
lequel le pratiquant à comme importance par rapport à sa pratique
ainsi que le respect de celui qui la transmet, ce que l'on retrouve avec les
Aïkiryuka, « ka » étant la construction par l'homme d'une
protection pour ce qui lui est vital, ce qui lui est de plus précieux.,
« être judoka, c'est être habité par le judo. C'est
faire partie de la maison du judo et être soi-même celle-ci. C'est
à la fois faire du judo sa maison, son refuge, et en être
l'écrin, là ou il est protégé à l'abri des
agressions extérieures, là ou il peut vivre, se nourrir et se
développer »,
C) Sociologie appliquée à l'étude
de L'Aïkiryu :
1. Sociologie de la pratique de l'Aïkido :
D'après Jean Paul Clément1, les
pratiquants d'Aïkido semblent être plutôt des cadres avec une
majorité de travailleurs « intellectuels » et semble
attirer également beaucoup de femmes. On peut remarquer que cette
étude a eu lieu vers 1981 et que certaines choses ont pu évoluer
depuis. Pierre Bourdieu, cité par JP Clément, l'explique par
« on peut poser en loi générale qu'un sport a d'autant plus
de chances d'être adopté par les membres d'une classe sociale
qu'il ne contredit pas le rapport au corps dans ce qu'il a de plus
profondément inconscient, c'est-à-dire le schéma corporel
en tant qu'il est dépositaire de toute une vision du monde social, de
toute une philosophie de la personne et du corps propre ». Cela
précise l'idée que les pratiquants d'Aïkido adhérent
à cette forme de travail car elle correspond inconsciemment à une
culture qu'ils ont en commun, en d'autres termes la classe sociale
détermine les formes de pratiques.
Cette citation de Pierre Bourdieu précise une chose
importante, c'est que les personnes d'une même classe sociale ont
intériorisé des « schèmes » propres à
leurs rangs dans la société. C'est une chose qu'ils ont en
commun, ils ont les façons de se communiquer, ils ont les mêmes
codes que ce soit explicite ou implicite. Et c'est cela qui les rapproche car
ils ont le même rapport au corps, donc un travail à distance sans
corps à corps. Ce que Jean-Paul Clément met en avant, c'est le
principe de distance de garde qui se fait en Aïkido par une mise à
distance du partenaire tout en évitant les
1 Clément, JP. (1981) La force, la souplesse et l
'harmonie in sport et société, approche socioculturelle
des pratiques de Christian Pociello
contacts corporels, par de grands mouvements tournants. De
même que l'explication de Hall1 en 1971, indique des niveaux
différents de distance en fonction de quatre espaces : intime,
personnelle, sociale et publique. L'Aïkido utilise une distance sociale en
mode éloigné.
Sur le plan du travail à deux, la logique de
l'Aïkido n'est pas de s'affronter par une mise en opposition mais
plutôt de se contrôler mutuellement par une coopération.
L'idée est que la technique permet de faire passer un message de respect
de soi et des corps mais aussi pour en revenir à Bourdieu, le fait de se
contrôler est un signe de toute une vision du monde social où
l'individu cherche à contrôler l'ensemble de ce qu'il fait. Ce qui
explique le refus des Aïkidokas d'être reconnu comme sport de combat
mais bien comme arts martial non violent, d'où la non compétition
et l'euphémisation du combat pour ne garder que le principe d'harmonie,
soit la coopération technique à visée esthétique.
Le véritable art étant de ne jamais s'en servir. La fonction
esthétique de l'assaut demeure primordiale et la pureté des
mouvements, la vitesse d'exécution, la volonté de ne pas utiliser
la force pure et le port de l'hakama2 accentuent encore plus la
sensibilisation des pratiquants à la beauté de leurs
mouvements.
Cette esthétisation extrême du combat se
rapproche de la chorégraphie qui attire et inspire des groupes
composés d'artistes tels que « Solaris » présentant un
spectacle intitulé « la modern-dance saisie par l'aïkido
». Cette pratique distancée, euphémisée et
esthétisée satisfait plus aisément les couches sociales
élevées qui peuvent pousser sa stylistique jusqu'à la
limite de la gratuité du geste. Luc Boltanski3
développe l'idée que chaque milieu social définit sa
propre culture somatique ; c'est-à-dire que les cultures des classes
aisées ont une relation plus attentive à leurs corps qui
valorisent le rapport conscient à leur corps avec une perception de
leurs sensations, une valorisation de la grâce de la beauté au
détriment de la force physique. C'est-àdire que dans l'ensemble
des pratiques légitimes à un moment donné elle
apparaît comme socialement et culturellement déterminé car
la pratique contient des normes et des valeurs qui se rapprochent de celles
d'un groupe social élevé.
1 Hall, E. (1971) La dimension cachée, édition
du seuil, Intuition
2 En effet, l'hakama est une jupe qui recouvre les jambes et
masque le déplacement de celles-ci, ce qui donne une impression de
fluidité, de déplacements harmonieux et c'est ce qui permet de
masquer les intentions de déplacement.
3 Boltanski. L, (1971) Les usages sociaux du corps, Annales.
Économies, sociétés, civilisations, 26(1), p.
205-233,
L'exploitation par l'Aïkidoka d'une énergie
extérieure à son propre profit repose sur une gestion subtile de
la gestualité et c'est une rupture culturelle que nous observons chez
les Aïkidokas à travers la description même de leur pratique.
L'Aïkido s'inscrit donc dans ce que nous pourrions appeler une «
contre-culture » et constitue un élément essentiel de tout
un style de vie1. En effet, la pratique véhicule des savoirs
basés sur des influences religieuses, philosophiques et culturelles que
Morihei Ueshiba a introduites en proposant la pratique de l'Aïkido. C'est
une pratique asiatique basée sur des influences également
asiatiques donc lorsque l'Aïkido a du être enseignée en
occident, les occidentaux l'on appréhendé avec leur culture
occidental. C'est ce décalage que l'on considère comme une «
contre-culture » soit l'adhésion à de nouvelles
façons de voir sa culture d'origine.
D'après l'étude de Jean-Paul Clément,
faite en 1981, les grandes tendances des Aïkidokas sembleraient être
qu'ils s'opposent aux interdits sociaux et moraux, ils seraient permissif sur
le thème de l'homosexualité, sur la consommation des drogues
douces, ils seraient favorables à l'abolition de la peine de mort, ils
se sentiraient plus proches des partis écologistes plutôt que des
partis traditionnels. Cela est du à la vision transmise par la pratique
visant à se détacher de la culture occidentale qui est notre base
de développement en France, par acquisition d'éléments
d'une culture asiatique. Aujourd'hui, c'est une pratique riche en enseignement
sur la vie en général. D'un point de vue plus universitaire,
l'étude sociologique de cette pratique permet de pouvoir cerner au mieux
l'état d'esprit dans lequel les pratiquants évoluent, leur
inscription dans un mode de vie et de culture. L'idée de la pratique de
l'Aïkido est que pour comprendre l'ensemble de l'enseignement il faut dans
chaque instant de sa vie le réinvestir.
Tous les éléments abordés
précédemment montrent bien que la pratique d'une discipline issue
d'une autre culture tend à nous proposer une vision différente de
la société. Toutefois, les personnes ayant les capacités
à accepter ces modifications sembleraient être issues de milieu
aisé ou avec un certain capital culturel. Cependant, dans un monde
actuellement tourné vers la mondialisation, c'est-à-dire une
ouverte sur le monde accessible par tous, peut on encore dire que seul les
classes aisées ont la possibilité de pouvoir concevoir autre
chose que la culture dont ils dépendent. C'est pour cela qu'il va
être intéressant d'analyser le contexte dans lequel les individus
évoluent aujourd'hui.
1 Valette-Florence, P. (1994) les styles de vie,
Nathan
1 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion
2. Le contexte social :
Les différents apports théoriques
utilisés vont permettre de pouvoir introduire les notions
nécessaires au processus de communautarisation. En effet, il faut
prendre en compte tout un système social ayant des influences de
développement pour comprendre l'émergence de la
communauté. Ce qu'étudiât Max Weber1, permet
d'expliquer pourquoi des gens adhèrent à une vision
différente que celle proposée par la société.
2.1. Typologie des déterminants de l'action sociale
:
Max Weber définit une activité comme
étant « un comportement humain » et une activité
sociale comme étant « d'après le sens visé par
l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel
s'oriente son déroulement ». Cela permet de définir dans
quel type d'action sociale se situe la pratique de l'Aïkiryu car avant
d'être une pratique martiale c'est une activité sociale.
L'action « rationnelle en valeur »
correspond aux actions par lesquelles un acteur cherche à accomplir
une valeur. Cette valeur vaut, pour l'acteur, absolument : il ne se soucie pas
des conséquences que peut avoir son action - seul lui importe
l'accomplissement des exigences nées de la valeur qui est, pour lui,
fondamentale. C'est dans cette catégorie que se définit
l'Aïkiryu en relation avec le message qui est transmis. On recherche plus
à donner du sens à l'action plutôt qu'à la
finalité. Pour explicité ce propos, il y a un exemple possible en
lien avec la pratique, en effet, l'objectif de la pratique de l'Aïkiryu
n'est pas que d'acquérir des connaissances et d'être le plus fort
mais au contraire de créer un lien entre les individus. C'est dans ce
cas là que l'on peut dire que cette pratique recherche, implicitement, a
créer des actions qui vont rapprocher par le contact physique les
pratiquants.
2.2. La rationalisation :
Max Weber accorde une grande importance au processus de
rationalisation du monde. Pour lui, les principales civilisations du monde ont
connu un processus de rationalisation, par lequel les actions et les
représentations des hommes sont devenues plus systématiques et
méthodiques. Toutefois, il lui semble que ce processus a connu une
direction spécifique en Occident. Pour Max Weber, le monde occidental se
caractérise, en effet, par une rationalisation orientée vers
l'action pratique dans le monde, c'est-à-dire par une volonté de
contrôle et de domination systématique de la nature et des hommes
dans la production de biens matériels. Justement, en Aïkiryu,
l'idée n'est de produire des biens mais de profiter de son propre corps
pour communiquer, échanger et avancer dans la vie en essayant de se
détacher de cet esprit. Se détacher des productions corporelles
systématiques, communiquer ses émotions, s'ouvrir aux
différentes pensées du monde en partageant des choses simples et
fondamentales comme l'amour. Soit s'inscrire totalement dans une volonté
de dérationaliser. Fortement lié à ce processus de
rationalisation, est le phénomène de «désenchantement
du monde » : pour Max Weber, le monde occidental se caractérise par
la disparition de la croyance en la magie et, plus largement, par l'effacement
de la croyance dans l'action de Dieu dans le monde. L'Aïkiryu propose un
« réenchantement du monde » par le rapprochement des individus
par l'intégration d'une nouvelle vision plus poétique du monde.
Cependant, cette intégration d'une nouvelle vision a ses limites car en
aucun cas cette façon de voir le monde est unilatérale ou
sectaire car chacun et libre d'y adhérer dans un esprit plus en rapport
avec la nature et basé sur la communication de ces émotions aux
autres.
2.3. Désenchantement du monde :
Dans L'éthique protestante et l'esprit du cap
italisme, Le judaïsme antique, Confucianisme et taoïsme, Hindouisme
et bouddhisme, Max Weber développe une véritable sociologie
de la religion. Son objectif était de trouver une explication aux
évolutions différentes des cultures occidentales et orientales.
Après ses recherches, Max Weber en vint à penser que les
idées religieuses puritaines et plus largement chrétiennes,
avaient eu une portée considérable sur le développement du
système
économique en Europe et aux États-Unis, mais fit
remarquer qu'elles n'avaient pas été les seules causes de ce
désenchantement. Les autres facteurs remarquables signalés par
Max Weber sont le rationalisme de la recherche scientifique, les progrès
conjoints des mathématiques, de l'enseignement universitaire et du
droit, et l'esprit d'entreprise. Il conclut en écrivant que
l'étude de la sociologie de la religion doit conduire à une
meilleure compréhension d'un des principaux aspects de la civilisation
occidentale, à savoir une certaine émancipation de l'explication
magique du monde, un « désenchantement du monde ». Dans ces
idées, la proposition qui est faite par les différentes
théories, amène l'individu a se « rationaliser » donc
tend à rendre les relations sociales à la fois impersonnelles,
instrumentales et utilitaires. Cette rationalisation amène un «
désenchantement du monde » qui se caractérise par une perte
des croyances et des magies et donc une perte du « sens » du monde.
De plus, Max Weber introduit la notion de « l'esprit capitaliste »
qui à pour finalité la réussite professionnelle comme
possibilité d'accéder au salut. Soit une impasse pour les
individus de la société qui tentent de retrouver ce « sens
», cette magie du monde et l'Aïkiryu serait une possibilité.
Pour donner un exemple, voici un extrait tiré du site internet de la
revue Alliance, pour une Europe des consciences qui regroupe des
personnalités qui souhaitent un changement dans la
société.
« Un récent colloque sur l'éducation
fut introduit par la lecture d'un témoignage paru dans un quotidien. Une
petite fille à qui son papa vantait l'école lui répondit
en substance : « Oui, bien sûr, l'école ; mais tu sais, moi,
je veux vivre«. L 'éducation ne serait-elle pas alignée sur
la vie ? À l'évidence, notre société a
séparé deux choses : la vie selon la biologie et la vie selon
l'Esprit. Elle reconnaît officiellement la première, et ignore
délibérément la seconde. La «perte du sens «, la
disparition des valeurs, la dissolution du respect, l'affaiblissement du
discernement et la perversion de l'amour n 'en sont que les conséquences
naturelles. A partir de là, une société se délite.
»
3. Processus de communautarisation :
Pour expliquer ce processus, un entretien d'Olivier
Aubel1 sur « l'escalade libre en France », permet de
comprendre la création de nouvelles pratiques en s'appuyant sur «
théories de la religion » de Max Weber. En effet, il met en
évidence une « rupture prophétique » qui est
initié par un individu ayant une volonté de «
déroutinisation » autour du retour à la pureté. Ce
qui avait eu lieu dans le monde de l'escalade à un moment ou la
compétition avait pris le pas sur l'escalade d'« origine ».
Dès lors, il y eu formation d'une communauté voulant un retour au
« vrai escalade » afin d'être en communion avec la nature.
L'intérêt de l'escalade libre réside dans le fait
d'être affranchie de l'esprit de compétition au profit d'un retour
a des valeurs qui semblent être meilleures pour les initiataires de cette
pratique, qui dans la forme ne change pas. Ce qui est intéressant dans
le cas de l'escalade libre c'est l'idée de la rupture, pour Bourdieu,
elle ne connaît le succès que parce que son message met des mots,
des symboles, sur les aspirations d'un groupe de gens qui se reconnaissent de
fait dans le message de la rupture et assure le succès de la
création de la communauté.
Ce n'est pas le retour à la nature qui est
intéressant mais plutôt le phénomène de «
rupture prophétique » et d'invitation à la
communauté.
Pour pouvoir définir l'idée de « rupture
prophétique », il faut d'abord aborder la notion importante, celle
de communauté. Cette notion a été étudiée
par Max Weber2 et Ferdinand Tonnies3.
3.1. Réenchanter le monde4 :
Cette notion de « désenchantement du monde »,
développé par Max Weber, est issue de l'analyse du lien entre les
processus économiques et les croyances des individus. La notion de
« réenchantement du monde » 5 au sens où
l'entend Michel Maffesoli, c'est-à-dire un glissement d'une
éthique universelle, d'une morale commune à tous vers des
formations de groupes, de communautés, ayant de multiples
éthiques à des
1 Aubel, O. (2005) L 'escalade libre en France : sociologie
d'une prophétie sportive, L'Harmattan
2 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion
3 Une édition électronique réalisée
à partir d'un texte d'Émile Durkheim (1889), «
Communauté et société selon Tönnies. »
Extrait de la R e v u e Philosophique
4 Stiegler, B. association arts industrialis, (2006)
Réenchanter le monde, la valeur de l'esprit contre le populisme
industriel, Flammarion
5 Maffesoli, M. (2007) le réenchantement du monde,
La table ronde
groupes données. C'est donc le processus inverse visant
à proposer une autre forme de croyance basée sur une
société plus humaniste, sans contraintes et une personnalisation
des rapports sociaux. Et la création de la communauté ne peut
avoir lieu si au préalable certains individus ne sont
préparés à recevoir une nouvelle conception de la
société. Cette conception est de nature plus humaniste
c'est-à-dire qui vise à placer l'être humain au centre de
tout le dispositif de vie, comme par exemple le fait de manger biologique ou
bien de faire du commerce équitable.
C'est ce qui s'est produit pour Charles Abelé,
fondateur de l'Aïkiryu, art du geste issu de l'Aïkido, qui a
créé sa pratique pour transmettre sa vision de la vie et du
monde. Ce qui a produit une rupture dans la vision de la société
moderne. La caractéristique est qu'il propageait l'idée pour
elle-même et non pas comme une rétribution -officielle et
réglée- même si Charles Abelé vivait de son
enseignement. Un autre exemple permet d'illustrer cette idée de rupture
qui s'appuie sur un livre écrit par Bernard Stiegler, philosophe, et Ars
Industrialis, visant à créer une « société du
savoir » et une « révolution de l'intelligence ... face
à une sorte de misère spirituelle qui frappe le monde
industrielle, l'homme sent qu'il a un besoin irréductible d'esprit
». Ils expliquent qu'un moyen pour élever le niveau de vie,
c'està-dire de l'esprit, serait de mettre en place des recherches
publiques dans l'idée de faire de la télévision un moyen
d'apprendre des savoirs et non plus comme une occupation du temps de
disponibilité du cerveau. Donc c'est une proposition qui est faite pour
amener à une transformation de la société exactement ce
que Charles Abelé à fait avec l'Aïkiryu.
Il est important de revenir sur l'idée que Charles
Abelé puisse transmettre une vision de la vie par un vecteur qu'est
l'Aïkiryu. Les idées véhiculées tout au long de son
enseignement rejoignent la conception de « réenchantement du monde
». Il ne cherchait pas imposer une vision mais bien à proposer une
méthode de travail afin de rassembler les individus, de leur proposer
une vision de la vie et des relations interindividuelles différentes de
ce que l'on peut retrouver dans notre société actuelle, comme le
disait Max Weber dans différents ouvrages, dirigée par «
l'esprit capitaliste » et la « rationalisation » qui pousse
à la dégradation des relations sociales par un individualisme
poussé à son maximum.
3.2. La notion de « communauté »
Pour Ferdinand Tonnies, la « Gemeinschaft » c'est la
communauté au sens le plus stricte. Ce qui la constitue, c'est une
unité absolue qui exclut la distinction des parties. Un groupe qui
mérite ce nom n'est pas une collection même organisée
d'individus différents en relation les uns avec les autres ; c'est une
masse indistincte et compacte qui n'est capable que de mouvements d'ensemble,
que ceux-ci soient dirigés par la masse elle-même ou par un de ces
éléments chargé de la représenter. C'est un
agrégat de consciences si fortement agglutinées qu'aucune ne peut
se mouvoir indépendamment des autres. C'est en un mot la
communauté ou, si l'on veut, le communisme porté à son
plus haut point de perfection. Le tout seul existe ; il a une sphère
d'action qui lui est propre. Les parties n'en ont pas mais n'exclut pas les
différences institutionnelles. Cette définition de la
communauté n'est pas en accord avec les premières observations
car cette communauté d'Aïkiryuka est distincte, de plus les membres
sont capables de mouvements individuels car ce qui est recherché dans la
pratique est justement le travail d'ensemble avec des sentiments
partagés. Chacun a sa propre conscience, ses propres émotions et
essaie de les échanger. C'est pour cela que l'approche faite par Max
Weber sur les communautés me semble plus intéressante en faisant
attention sur l'idée que je me penche sur les caractéristiques de
celles-ci sans aborder la théorie de la religion.
D'après Max Weber, la communauté ne peut exister
après une rupture que si elle a rencontré le succès. Les
pratiquants qui collaborent activement à sa mission, sont quand à
eux presque touj ours également dotés d'une qualification
particulière, dans le cas de l'Aïkiryu il s'agit du « conseil
des sages » qui veille à la bonne marche de la transmission de
l'enseignement et qui se compose des élèves les plus anciens que
Charles Abelé avait. Ces pratiquants peuvent nouer entre eux des
relations occasionnelles, pour une action ponctuelle ou bien se socialiser
durablement pour former une communauté. De toute évidence, cette
communauté ne peut émerger que s'il y a quotidianisation,
c'est-à-dire qui rend opérationnel la continuité de
l'enseignement. Cependant, le plus important dans cette forme de regroupement
est le libre regroupement occasionnel. Ensuite, lorsque la pratique est
opérationnelle, les pratiquants adoptent la forme d'une
communauté qui tend à remplir les fonctions d'une institution
permanente où les enseignants deviennent à leur tour les
transmetteurs de la pratique et de ce qu'elle contient.
3.3. Le renforcement de la communauté :
Ce que j 'entends par cas particulier ne fait pas
référence à une particularité technique,
idéologique ou culturelle mais plutôt à un
événement qui a renforcé la communauté. En effet,
le décès de Charles Abelé en Mai 2006 a conditionné
le fonctionnement actuel de la communauté car cette pratique existe
toujours. Ce constat pourrait s'expliquer par le fait que Charles Abelé
a préparé son « départ » en enseignant durant
presque une dixiène années des éléments de sa
vision du monde. En effet, depuis la création de l'Académie
d'Aïkido et des Arts du Geste en 1996, puis la création de
l'Aïkiryu en 2004 et jusqu'à sa mort en 2006, il n'a cessé
de dispenser son savoir et ses connaissances, tout en travaillant sur
l'amélioration de son art. Cependant, cette approche est très
complexe et il n'y a pas un individu qui a pu intégrer tout l'ensemble
de son enseignement et c'est pour cela que le « conseil des sages »
existe aujourd'hui.
Ces personnes, qui se sont réunis pour perpétuer
le travail commencé par Charles Abelé, sont dans l'idée de
« fratrie » ce sont des enseignants qui se connaissent depuis
longtemps et qui sont « frères d'armes ». Ce regroupement
d'enseignants s'est fait de façon naturelle et logique afin de ne pas
avoir de dispersion des savoirs mais surtout pour qu'il y ait un consensus afin
de garder une cohérence dans la transmission. A savoir que son
école se développe en France, en Allemagne et en Suisse.
Pour donner un exemple similaire, le cas de Taiji Kase qui
arriva en France en 1967 où il implanta durablement le karaté en
y introduisant le concept de l'art martial, en opposition avec l'esprit de
compétition qui était en vogue. Au Japon, il fut
élève de Yoshitaka Funakoshi, fils du fondateur du Karaté
Shotokan. Il est décédé le 11 novembre 2004 et son
décès eu pour conséquence l'émergence de
différentes façon de concevoir la pratique mais touj ours en
respectant son idéal de pratique.
Ce qui fait la force de cette communauté réside
dans le fait que la pratique dispensée par Charles Abelé existe
en chacun des individus et c'est la logique interne de la pratique qui a permis
de constituer cette communauté de façon durable.
II) Etude de la pratique « Aïkiryu »:
L'« Aïkiryu » est un art du geste
créé par Charles Abelé suite à l'envie de faire
partager une vision du monde et de la vie, aux individus par la transmission
d'un ensemble de valeurs en cohérence avec une vision de la
société. Celle-ci visant à placer l'individu au centre de
la société et que l'on pourrait qualifier d'« humaniste
». Cette discipline propose un espace d'échanges entre les
pratiquants qui permet de créer des liens, de partager des moments et de
faire des rencontres. Ces échanges entre pratiquants ont fait
émerger un groupe au sein de la pratique et que l'on peut nommer la
« communauté Aïkiryu ». Cette communauté
étant liée notamment par un désir de sociabilité.
Les raisons qui peuvent pousser à la formation de cette
communauté seraient que le contexte social actuel basé sur un
« esprit capitaliste », comme l'explique Max Weber dans La
théorie de la religion1, tend à «
rationaliser » mais également à rendre les personnes de plus
en plus « individualistes ». Dans ce contexte, certaines pratiques
visent à procurer un bien être aux individus et à
rétablir un dialogue social, c'est dans ce sens que Charles Abelé
à créer l'Aïkiryu. En effet, l'émergence d'une
communauté au sein de l'Aïkiryu s'est faite suite à la
rencontre des pratiquants et de Charles Abelé, cette personne
charismatique et respectée a catalysé la formation d'un groupe
d'individus sous forme d'une communauté.
Dès lors, cette pratique s'inscrirait dans un projet de
société particulier qui peut se rapprocher des idées
décrites dans La charte de l 'Europe des consciences, qui est
un texte rédigé par l'Association de l'Europe de Consciences et
visant à proposer, sous forme d'un programme, une autre façon de
voir la société ainsi que les fondements de cette
société. Cette charte regroupe tout un ensemble de propositions
afin d'améliorer les conditions de vie des individus et propose
également une orientation politique visant à placer l'individu en
tant qu'être humain au centre de la société. Cette charte
permet de mettre des mots sur un courant de pensée qui est proche de la
vision de pratique qu'est l'Aïkiryu et permet donc de comprendre au mieux
cette pratique.
On peut se demander si cette pratique ne regrouperait pas un
certain type de personnes ayant des caractéristiques sociales identiques
comme on a pu le voir avec
1 Weber, Max (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I.
l'étude de JP Clément, c'est-à-dire que
l'appartenance à une catégorie sociale détermine le type
de pratique. En revanche, l'Aïkiryu semblerait regrouper des individus
issus de classes sociales complètements différentes.
C'est-à-dire que l'on retrouverait au sein d'une même pratique des
individus ayant des origines sociales ainsi que des caractéristiques
sociales mixtes. Donc, cette pratique propose un échange ainsi qu'un
métissage entre des personnes qui ne sont pas issues du même
milieu social et ne possédant pas les mêmes capitaux culturels,
économiques.
Afin de connaître les visions de pratique pouvant
déterminer le degré d'appartenance à la communauté,
il sera important d'étudier les opinions des pratiquants. On peut faire
l'hypothèse que les pratiquants d'Aïkiryu mettent en avant
l'idée de la pratique pour un bien être plutôt que pour une
valorisation personnelle car cette idée est prédominante dans la
pratique. Cependant, cette communauté se différencie en plusieurs
groupes de personnes.
Puis, il serait également intéressant de voir
comment les pratiquants définissent l'Aïkiryu et si ces
définitions apportent des indications complémentaires concernant
leur vision de pratique. On peut formuler l'idée que l'ensemble de ces
définitions montrent la relation qu'entretiennent les pratiquants avec
l'Aïkiryu. Dans un second temps, les définitions permettent
d'identifier les co-occurrences de thèmes abordés au sein de
cette pratique, notamment les thèmes de relation et de vision de la vie
en général. Les visions de vie se rapprochant d'une
volonté de liberté, de libre arbitre dans sa propre vie, ainsi
qu'un désir de sociabilité.
Enfin, il va être pertinent de chercher sous quelle
forme la communauté perpétue et continue à transmettre ses
idées, notamment les idées relatives aux principes même de
la pratique. On peut faire l'hypothèse que ce qui fait le ciment de
cette communauté pourrait être les stages. Ces stages permettant
de réunir l'ensemble des pratiquants et permettant d'échanger, de
créer des relations, de faire des rencontres. Mais surtout, en allant
plus loin, les stages sembleraient être un lieu privilégié
de mise à jour des codes et normes de cette communauté, que l'on
pourrait identifier comme un moyen de pouvoir transmettre au plus près
des pratiquants, l'ensemble des fondamentaux, des éléments qui
font de la pratique un moyen de communication performant et rassembleur.
1 Quivy, R. Van Campenhoudt, L. (2005) Manuel de
recherché en sciences sociales, Dunod
III) Méthodologie :
A) Une démarche, une méthode au service
de l' analyse de l'Aïkiryu :
Pour Max Weber, le monde social est ainsi constitué par
l'agrégation des actions produites par l'ensemble des agents qui le
compose. L'unité de base de la sociologie est donc l'action sociale d'un
agent. Cette approche individualiste se fonde sur la conviction que les
sciences sociales, que Max Weber nomme « sciences de la culture
», diffèrent des sciences de la nature, en ce que l'homme
est un être de conscience, qui agit en fonction de sa
compréhension du monde et des intentions qu'il a. Analyser le social,
c'est donc partir de ces actions et des intentions qui les constituent. Max
Weber ajoute une nouvelle restriction : parmi ces actions construites par un
sens, la sociologie ne prend en compte que les actions proprement sociales,
c'est à dire les actions dont le sens est orienté vers autrui.
La sociologie doit donc être «
compréhensive », en ce qu'elle doit rechercher le
sens, les motifs, des comportements humains, puisque ceux-ci sont constitutifs
des actions dont il s'agit de rendre comptent. Ce qui est important, c'est de
pouvoir comprendre la vision que les pratiquants d'Aïkiryu ont du monde et
les intentions qu'ils ont dans ce contexte. D'ou l'importance d'être
attentif aux idées, valeurs et aux thèmes véhiculés
par leur pratique et d'en mesurer le poids
Pour Max Weber, la sociologie n'est pas qu'une science de la
compréhension, elle vise aussi à « expliquer le
déroulement et les effets » de l'action. Dans le cadre de
cette étude, il s'agit d'identifier les actions et d'en expliquer le
sens afin de vérifier le mode de groupement. On peut donc voir les
conséquences d'un message particulier sur un groupe d'individu
socialement identifié. En effet, il est impossible de saisir le sens que
les pratiquants de l'Aïkiryu ont de cet art si l'on ne s'émerge pas
soi même dans le contexte de leur pratique, tout en gardant une certaine
distance, ce qui découle la première méthode
utilisée qu'est l'observation participante. Dans le cas d'observations
participatives, la question de l'objectivité a été au
centre des rapports avec les pratiquants. La visée d'objectivité
implique nécessairement une stricte distinction entre le savoir
empirique et les jugements de valeur. Il a fallut une certaine
neutralité dans les échanges afin de ne pas modifier la situation
et les
individus. Il est important de porter à sa propre
conscience et à celle des lecteurs qui servent à analyser la
réalité. Dans un second temps, découle la méthode
du questionnaire afin de vérifier le mode de groupement par
confrontation des opinions et des définitions que les pratiquants ont
sur des sujets concernant leur pratique ou bien sur des questions plus
large.
B) Recueil de données :
Le recueil de données permet de récolter des
informations à la fois directement par observation ou bien indirectement
par questionnaire. Les données que l'on recueil vont permettre
d'analyser et de comprendre une pratique tel que l'Aïkiryu, pour laquelle
il n'a jamais eu de travail de recherche effectué. Il s'agit d'une
étude nomothétique, c'est-à-dire visant à porter
une interrogation particulière sur un groupe d'individus.
1. Le questionnaire :
Ce système de recueil de données est une forme
auto administré par internet, composée d'une partie
signalétique visant à prendre des informations sur les individus
et sur les opinions. Il se compose donc d'une partie avec des questions
fermées en laissant la possibilité de répondre par une
échelle allant de 1 à 5, de pas du tout d'accord à tout
à fait d'accord, puis d'une question ouverte visant à demander
une définition de la pratique. Ce questionnaire vise à
vérifier les hypothèses théoriques et l'examen de
corrélation que ses hypothèses suggèrent. La population
concerne l'ensemble des pratiquants d'Aïkiryu en France et il a
été mis en place au préalable un pré questionnaire
sur papier avec sept personnes afin de voir les améliorations à
apporter. Cela a permis également de vérifier si le langage
utilisé était le bon. Les biais possibles sont le nombre de fois
où l'on peut répondre au questionnaire car il n'y a pas
contrôle d'entrée sur le site du questionnaire et les manques
d'inspiration de certains pour répondre à la question ouverte.
L'avantage de cet outil est la possibilité de quantifier de multiples
données et de procéder à de nombreuses analyses de
corrélation, tout en restant dans une optique de méthode
qualitative.
2. L'observation participante 1:
Le type d'observation utilisée constitue la seule
méthode de recherche sociale qui capte les comportements au moment
où ils se produisent sans l'intermédiaire d'un document ou d'un
témoignage. Cette méthode permet d'appréhender les
systèmes de relation sociales et les fondements culturels et
idéologiques qui les sous tendent. En spécifiant que pour
vraiment comprendre le groupe, le mode participatif était le plus
adéquat. Ce mode a permis d'étudier la communauté durant
une longue durée, d'Octobre 2006 à Mai 2007, en faisant
régulièrement des stages et des séjours avec eux.
L'authenticité des comportements par rapports aux écrits et aux
paroles permet de recueillir un certain nombre de données riches en
information complexe. Les observations étaient systématiques
dès le moment où il y avait contact avec des pratiquants.
Cependant, ces observations ont principalement aidée à concevoir
une certaine logique complètement différente de celle de
l'observateur, il s'agit d'informer l'observateur sur les structures mentales
et idéologiques ou sur des préoccupations latentes en analysant
les co-occurrences, ce qui revient à examiner les associations de
thèmes dans les séquences de communications. Il y avait comme
critère d'observation les thèmes abordés lors de
discussion, les types de rapports interindividuels, les rapports entre les
grades sur l'aire de pratique et en dehors. L'observation participante est plus
un moyen concevoir un modèle de pensée proche du groupe
étudié afin de mieux percevoir les mécanismes sociaux
plutôt qu'une grille d'observation précise qu'il aurait
été impossible de remplir tant la participation était
importante. Le biais est justement qu'il était impossible
d'écrire chaque observation car une semaine avec eux reviendrait
à passer plus de temps à écrire qu'à participer aux
échanges. De plus, le langage du corps est le vecteur permettant
d'observer et d'interagir pour mieux comprendre ce groupe.
3. Conditions de recueil et traitement de données :
Pour ce qui concerne le questionnaire, il a été
mis en ligne sur internet durant un mois afin que les pratiquants
d'Aïkiryu puissent y participer. Pour pouvoir y répondre, il a
été mis en place un système d'envoi de lien par mail. Ce
système a permis d'avoir une base donnée pour remercier ensuite
les participants à l'enquête.
Pour ce qui concerne les observations, le lieu de stage qui se
situe à Châlons en Champagne a permis de s'immerger dans la
culture des pratiquants, notamment en étant en contact prolongé
avec la Famille Abelé, mais également en participant aux
entraînements pour s'imprégner de l'essence de la pratique.
Les données ont été saisies sur tableur
Excel puis travaillées sur une boite à outils (logiciel Statbox
pro 5, Grimmersoft R) ce qui a permis de faire des tris simples et
des classifications. Les résultats attendus sont de trois types, d'abord
sur les tris simples visant à connaître les répartitions,
puis l'analyse en composantes principales permettant de vérifier les
corrélations entre les variables, enfin une typologie automatique
permett ant de regrouper des individus par agrégation des profils
semblables.
IV) Résultats et interprétation :
Cette étude a rassemblé 42 individus (38 sont
exploitables) sur un potentiel de 55 individus, auxquels avais
été envoyé le lien afin de participer à
l'enquête. Parmi les 55 individus susceptibles de répondre, il y
avait 19 enseignants et 36 élèves. Cette proportion a
été respectée pour l'étude. Cependant,
l'échantillon ne regroupe qu'une partie des pratiquants qui sont en tout
plus de 400 en France, ce qui veut dire qu'il n'y a que 1/4 des pratiquants qui
ont participés à l'enquête. De plus, l'autre critique qui
peut être faite concerne l'outil internet qui n'a peut être pas pu
être accessible par tous et la durée de réponse (1mois) est
très courte pour pouvoir informer tout le monde. Les différentes
parties qui vont suivre sont issues du questionnaire de façon
thématique.
A) La population d'Aïkiryuka :
1. Années de naissance :
Année de naissance
|
Répartition (nb de personnes)
|
Année de naissance
|
Répartition (nb de personnes)
|
Année de naissance
|
Répartition (nb de personnes)
|
1957
|
3
|
1967
|
1
|
1981
|
1
|
1958
|
2
|
1968
|
2
|
1982
|
3
|
1960
|
2
|
1972
|
3
|
1987
|
1
|
1961
|
1
|
1974
|
1
|
1988
|
3
|
1962
|
1
|
1976
|
2
|
1989
|
2
|
1963
|
2
|
1978
|
1
|
1990
|
3
|
1964
|
1
|
1979
|
1
|
|
|
1966
|
4
|
1980
|
1
|
|
|
L'année de
naissance la plus ancienne est 1957, l'année de
naissance la plus récente est
1990. Entre ces deux années il n'y a pas de
répartition
inégale sur
l'ensemble des années. A noter que l'effectif des
jeunes,
c'est-à-dire née
après 1982 est
stable par rapport aux autres tranches d'âges. C'est le
constat qui a été fait lors des observations sur le terrain, il
n'y a pas de prédisposition nécessaire d'une catégorie
d'âge particulière pour pouvoir pratiquer
l'Aïkiryu. Ce qui met en évidence l'accessibilité
facilité à la pratique, ainsi que l'effort pédagogique mis
en place afin de pouvoir accueillir tous les publiques de pratiquants. Cela
traduit la volonté de rendre la pratique accessible à tous et
marque l'idée principale de l'égalité dans la pratique.
2. Catégories sociaux professionnelles (CSP) :
Les cadres et professions intellectuels et supérieurs
sont à 40% de représentativité contre 24% pour les
étudiants et les scolaires, 17% pour les employé(e)s, 10% pour
les
autres et enfin 9% pour les
professions intermédiaires. Ce qui est important
dans ce point c'est la
diversité des origines professionnelles des
pratiquants. Il
n'y a pas de domination stricte d'un groupe, juste une
présence plus importante des cadres et professions intellectuels
supérieurs dû à la classification elle-même trop
large encore ; elle ne nous indique qu'une tendance générale.
Cette diversité existe par le fait que la pratique est
compréhensible par tous et que le mode d'enseignement est basé
sur l'encadrement des débutants par les anciens. Cette méthode a
pour conséquence d'intéresser les pratiquants sans prendre en
compte leur origine sociale, ce qui donne lieu également à une
mixité sociale qui permet de mieux prendre en compte l'autre, tout en
conservant l'idée que la relation à l'autre se construit de la
façon la plus sincère possible sans distinction de signes
extérieures de richesse. L'élément qui complète ce
propos concerne le fait que les pratiquants, jusqu'à un certain grade,
l'équivalent de la ceinture noire dans l'ensemble des arts martiaux,
sont habillés de la même façon c'est-à-dire un dogi
blanc et une ceinture blanche. Ceci marque l'idée que tout le monde
pratique dans les mêmes conditions et que seul rentre en compte le
facteur du comportement individuel.
3. Situation maritale :
Il y a 55% de célibataires, 19% d'individus
mariés, 19% d'individus vivent en couple non marié, 3%
d'individus divorcés et 2% d'individus veuf (ve). Le fait qu'il y est
autant de célibataire dans cette pratique pourrait s'expliquer par
l'idée que, parmi les pratiquants, il y
est des personnes qui ont trouvées une pratique telle
que l'Aïkiryu pour prendre confiance en eux dans la relation aux autres.
L'autre possibilité est un biais car il s'agit d'une conformation sur
l'idée du statut actuel du célibat dit «
géographique » et du phénomène des «
couples TGV ». En effet, dans les représentations que les
gens ont du statut de célibataire ramène souvent au statut
administratif plutôt qu'à la situation vécue. Dans certains
cas, des personnes ne sont plus célibataires mais ne vivent pas encore
en couple ou ne vivent pas dans la même localité. Il serait
intéressant de creuser cette question afin de connaître le
véritable statut des pratiquants d'Aïkiryu, voir même si
cette situation ne dégagerait pas une volonté de ne pas s'engager
afin de ne pas dépendre de quelqu'un d'autre, autrement dit, une
volonté de rester libre.
4. Niveau d'étude :
|
Il y a 41% des individus avec un niveau Bac supérieur
+3, 14% avec un niveau Bac +3, 19% avec un niveau Bac ou BEES
équivalent, 14% avec un niveau BEP CAP Brevet des collèges et 12%
avec un niveau Bac +2. On
|
peut voir ici qu'il y a une part élevé du nombre
de titulaire du Bac et plus, par rapport au reste des diplômés. Le
public des pratiquants est donc un public ayant un certain niveau de
connaissance. Cela reflète bien les observations car l'ensemble du
discours utilisé est basé sur des notions qui font appel à
une ouverture d'esprit. Cependant, ce facteur n'est aucunement discriminant
dans l'apprentissage de la pratique. Ce point rejoint l'idée qu'il faut
prendre conscience de soi pour pouvoir prendre conscience des autres. De plus,
l'éducation scolaire prépare des personnes à
acquérir des connaissances pour un travail mais ne prépare pas la
personne à dire ce qu'elles ressentent. De ce fait, tout le monde part
du même point : exprimer ses émotions. Le rapport au corps fait
office de lien entre le matériel et l'esprit, dans le cas de cette
pratique, qui demande un engagement sincère de la part des pratiquants,
il est important de signaler que les distances relationnelles utilisées
sont multiples. En effet, il y a un contrôle à distance du
partenaire, mais dans le cadre des cours dit de « taïso », que
l'on peut considérer comme une gymnastique énergétique, le
pratiquant est confronté à l'utilisation de son corps dans son
ensemble et pour se faire aucun diplôme scolaire ne prépare
à une telle activité. Ce que l'on ajouter pour finir, c'est que
le corps est vraiment le médiateur de l'action et de la relation
à l'autre dans cette pratique.
5. Année de début en Aïkiryu :
Il y a 55% des pratiquants qui ont débutés
entre 2004 et 2007, 31% qui ont débuté avant 2000, enfin 14%
qui ont débutés entre 2000 et 2003. Sachant que Charles
Abelé à fondé l'Aïkiryu en 1996, on peut
supposer qu'il y a beaucoup de pratiquants qui ont suivit l'enseignement
de Charles Abelé régulièrement, on observe
une baisse des débutants entre 2000 et 2003. Par contre, la
période 2004 à 2007 est la période la plus riche en
arrivée de débutants. Ne connaissant pas la part de
débutants dans chaque année, nous ne pouvons pas isoler
précisément la cause de cette augmentation. Le constat
effectué sur les stages indique qu'une bonne partie des nouveaux
pratiquants sont arrivés depuis 2006. Cela aurait-il un rapport avec le
décès
du fondateur de cette école de pratique d'art du geste.
Peut-être s'agit-il d'un renforcement du message et d'une volonté
de parler de ce qu'il a créé. Ne perdons pas de vue qu'il s'agit
d'une pratique qui s'inscrit dans la volonté de rapprochement des
individus, dans une société où la science à
construit les individus au dépend de la philosophie ou bien des arts.
6. Enseignement avec Charles Abelé :
Il y a 38% des pratiquants qui ont suivit les stages et les
cours avec Charles Abelé, 26% qui ont fait des stages, 24% qui n'ont
jamais suivit son enseignement, 10% ont suivit les cours et 2% qui ont une
autre forme de
transmission. Ces données montrent qu'il n'y a que 24%
qui n'ont jamais suivit directement les enseignements avec le fondateur de
l'école. Cela indique qu'une grande partie des pratiquants actuels ont
reçus les idées et les valeurs transmissent par Charles
Abelé. Cette partie rejoint l'idée du modèle
écologique de Serge Moscovici en ce qui concerne l'adhésion
à une vision de la société, en effet l'idée de
proposer, pour l'écologie, un modèle dépassent
l'opposition entre le libéralisme et le socialisme, qui placent le
progrès au coeur de leurs préoccupations, est une remise en
cause, fondée sur son expérience , sa réflexion, son
savoir transdisciplinaire et ses recherches, proposant une approche plus
naturaliste et humaniste. Charles Abelé s'inscrivait dans une
démarche similaire et un indicateur permet de conforter cette
idée, en effet, trois mots qui sont présent dans les textes sur
l'Aïkiryu. Ils sont évoqués lors des moments de pratique et
ressortent au cours de cette étude : amour, échange et
transformation. Cet indicateur montre que, même si chacun
appréhende un enseignement en fonction de sa propre
réalité, l'essence en est conservée à condition de
la cultiver. Charles Abelé attachait une grande importance au sens de
chaque mot. C'est dans cet état d'esprit que les enseignants ont
décidé de continuer, en mettant en place une direction
collégiale ainsi qu'une « communauté d'enseignant ». On
reste ici dans l'idée d'une fratrie ou chacun est libre de venir et
d'aller, sans entrer en opposition. C'est l'articulation de
chacun des enseignants qui semble faire perdurer l'essence de cet art.
Cependant, il reste à voir sous quelle forme ont été et
sont touj ours transmises les modalités.
7. Nombre d'heures de pratiques :
Il y a 44% des pratiquants qui font entre 2 et 4 heures
d'entraînement par semaines, 34% font plus de 4 heures et 22% font 2h et
moins. Dans l'ensemble, je peux dire que les individus sont
intéressés par leur pratique car 78% font plus de 2 heures
d'entraînement. Ce nombre semble reflète
l'idée que les Aïkiryuka ne pratiquent pas pour vivre
l'Aïkiryu mais plutôt qu'ils vivent en pratiquant l'Aïkiryu.
C'est l'idée de respect d'un mode de vie auquel les individus ont
adhérés, de façon volontaire bien sûr. Lorsque
Charles Abelé a créé l'Aïkiryu, il n'a pas que reprit
les techniques d'Aïkido et changer de nom pour faire semblant d'innover.
Il a eu tout une réflexion sur ce qu'il voulait enseigner et donc
changer (« transformer ») à travers cette nouvelle pratique.
C'est un chemin de réflexion qu'il a du faire pour aller au-delà
du geste et de la forme. Il a fallut qu'il s'immerge dans un mode de vie et de
pensée qui correspondait à ces idées. C'est en cela que
l'Aïkiryu est intéressant car après observation, on peut
dire que cette pratique va beaucoup plus loin en termes de questionnement sur
les relations interindividuelles. On peut aller plus loin, en effet, il est
vrai que la société tend à éloigner les personnes,
par peur de l'inconnue ou bien par habitude, par exemple lorsque l'on prend le
métro on peux remarquer que rien ne perturbe un voyageur citadin, de
plus les échanges de regard ou bien le partage d'un moment sont rare. Il
semblerait que cette pratique réponde à un besoin de
communications, autre que celui proposé par la vie quotidienne,
d'où l'importante fréquentation et les heures de pratiques
élevées.
8. Les grades :
Il ya 57% de pratiquants ayant un grade compris entre le 6 et
3ème kyu, 19% sont 3 et 4ème dan, 17% sont
6ème kyu, 5% sont 2 et 1er kyu, enfin 2% sont 1 et
2ème dan. Ce constat seul n'est pas intéressant, par
contre en mettant en correspondance avec l'année
de début en Aïkiryu, on retrouve des proportions
similaires. En effet, la part la plus importante de débutant se situe
dans la fourchette 2004/2007, en considérant un passage de grade par an,
quelqu'un qui à débuté en 2004 est actuellement
3ème kyu. Bien sûr, les passages de grades ne sont pas
automatiques car il y a un travail personnel qui dépend de chacun. On
passe son grade lorsque la personne est prête et ce n'est pas une
obligation. C'est pour cela que les étapes ou temps d'attentes entre les
grades ne sont pas formels, il s'agit avant tout d'un moment marquant qui
permet de valoriser un travail interne et technique. Cette étape
étant validée par les plus anciens. Une autre approche de cette
interprétation amènerait à penser que les pratiquants
n'ont peu être pas envie de passer de grades car ils ne pratiqueraient
peut être pas pour être reconnue mais plus pour rechercher un
état de bien être où le grade n'est que secondaire.
9. Investissement :
Il y a 46% des pratiquants qui font 1 à 3 stages par
an, 34% qui font plus de 6 stages par an, 10% pour 4 à 6 stages par an,
enfin 10% pour ceux qui ne font aucun stages. Plus de 90% des pratiquants font
au moins un stage par an ce qui est important en quantité. Il y a donc
un noyau dure qui se
rencontre sur les stages et les échanges sont
réguliers entre les individus sur les moments de stages. Pour en revenir
sur l'idée de communauté, ce facteur stage met à jour le
fait qu'il existe un fil conducteur qui permet de rassembler les pratiquants,
il s'agit des stages. La participation aux stages d'été dans le
Lot et Garonne, ainsi qu'au stage national d'Epernay en Champagne où
étaient réunis 80 stagiaires, a permis d'approfondir ce
thème. Les deux moments importants du stage sont la pratique sur le
tatami et la soirée. Sur le tatami, les individus travaillent ensembles
sans distinction de grade, c'est ouvert à tous, c'est un lieu
d'échange et de travail. Pendant la soirée, c'est le moment des
retrouvailles, d'échange des impressions et de participation. Ce qui est
marquant c'est que le repas n'est pas préparé par un traiteur
mais ce sont les pratiquants eux-mêmes qui amènent chacun une
partie du repas, en fonction du dojo d'appartenance. Chaque dojo s'organise et
amène soit le dessert soit l'entrée. Ce sont des moments de
partages ou chacun est acteur de l'événement. Cela permet de
construire sont sentiment d'appartenance et de renforcer cette
communauté. Mais il existe également les « cycles » qui
rassemblent les pratiquants d'une même tranche de grades. Ce sont des
stages qui permettent de pratiquer intensivement mais qui permettent
également de prendre un temps de réflexion sur la pratique et
donc de partager ses émotions, les problèmes techniques ou bien
une précision concernant la logique de la pratique. Il s'agit surtout
d'un moment de mise à nu ou chaque participant peut parler
sincèrement de ses sensations sans avoir de pression vis-à-vis de
ce qu'il pense. Concernant le budget dépensé par individu, il
dépend logiquement du nombre de stage effectués par la personne
ainsi que la distance à parcourir pour se rendre aux stages. Ceux qui ne
font pas de stages dépensent entre 180 et 400€. Ceux qui font
1à 3 stages par an dépensent de 50 à 3000€. Bien
sûr ces chiffres sont relatifs car on ne m'a pas spécifié
si l'achat du dogi (habit pour la pratique) ou les heures de garde d'enfant ou
l'essence était compté dedans. Ceux qui font 4 à 6 stages
dépensent entre 250 et 1500€. Enfin ceux qui font plus de 6 stages
dépensent entre 1000 et 2000€.
Concernant la population d'Aïkiryuka, il n'y a pas de
discrimination d'âge dans la pratique, les origines socio
professionnelles sont variées, que la moitié des pratiquants sont
célibataires1, le niveau d'étude est
élevé dans l'ensemble, la moitié des pratiquants ont
débutés entre 2004, 2005, 2006 et 2007 ce qui est
corrélé avec le nombre de gradés de 3, 4, 5ème
kyu car la moitié des pratiquants se situent dans cette
fourchette. Ensuite, le taux d'heures de pratique élevé traduit
une possible adhésion à un mode de vie. En effet, les
observations sur le terrain ont permis de voir que les objectif de pratiques ne
sont pas les mêmes pour tous par contre que le fil conducteur est d'avoir
une vision humaniste de la relation à l'autre. De plus, 90% des
pratiquants ont reçus l'enseignement de Charles Abelé et donc le
message portant attention à la relation au matériel et au
spirituel par le corps ainsi que l'expression des sentiments et de la
liberté de l'être, a renforcé le sentiment d'appartenance
à la communauté. On peut expliquer l'existence de la
communauté par le fait qu'étant donné que 90% des
pratiquants ont suivit directement l'enseignement de Charles Abelé, au
moment de son départ en Mai 2006, les 90% de pratiquants ont
cherchés à vouloir faire partager ce qu'il a créé.
D'où une forte participation lors des stages et ce liens qui unit tous
les pratiquants qui est dû à la perte d'un proche ; un peu comme
dans une famille. Suite à cela la communauté s'est
renforcée avec les moins gradés qui voyaient en Charles
Abelé plus qu'un enseignant.
B) Les pratiques périphériques et loisirs
:
En reprenant l'idée d'Isabelle
Abelé-Dubouloz2, cet art du geste permet de faire le lien
entre le mouvement du corps utilisé dans différents Arts tels que
la danse ou la calligraphie. Ayant pour objectif d'unifier et d'harmoniser le
corps au mouvement afin d'être libre et de vivre chaque moment dans le
présent de façon intense tout cela par des rencontres et l'apport
de nouvelles connaissances. Cette façon de voir la pratique, en
admettant qu'il s'agit plus d'un mode de vie, va amener l'individu à
construire une autre façon de voir la société et la place
qu'il occupe dans celle-ci. Les pratiques périphériques et les
loisirs des pratiquants traduisent cette idée de
1 Cependant, il faut faire attention car le terme «
célibat » n'a pas été définit et
certains pensent l'être alors qu'ils ne le sont pas, donc il faut mitiger
cette donnée.
2 L'entretien issu des documents officiels de la
Fédération d'Aïkiryu et Art du Geste, membre du Conseil des
Sages
rechercher cet état d'esprit. En effet, on retrouve 4
types de pratiques, la première concerne les Activités
Physiques et Sportives (football, tennis, tir à l'arc,
randonnée, roller, voile, course), la seconde concerne des Arts
Martiaux (karaté, aïkido, shiatsu), la troisième
concerne les expressions artistiques indirecte médiées par un
objet (photo, calligraphie, graphisme, illustration de BD, peinture,
écriture, poésie) et la quatrième concerne les
expressions artistiques directe corporelles ou orales (musique, chant,
danse, théâtre, cirque). Il faut ajouter à cela que les
catégories d'expression se composent d'éléments
proposées dans certains stages comme le mouvement dansé par
exemple.
Donc, on peut dire que certains Aïkiryuka sont dans
l'optique de pratiquer cet art du geste qu'est l'Aïkiryu sans pour autant
intégrer une autre façon de voir la société. Cela
se traduit par le fait que certains pratiquent un sport à
côté ; tandis que d'autres vont plutôt faire de la
calligraphie ou du théâtre.
C) Les pratiques martiales antérieures :
Avant de faire de l'Aïkiryu, certains individus ont
pratiqués un autre art martial afin de connaître les influences
possibles des pratiques martiales d'origine. Le constat est que 9 personnes ont
fait du judo avant l'Aïkiryu ; 2 personnes ont fait de l'Aïkido ;
1personne a fait du Gyobutsu, 4 personnes ont fait du Karaté, 2
personnes ont fait du Kung Fu et 1 personne a fait du Viet Vao Dao. Ces 18
personnes ont pratiquées un autre Art Martial avant, cependant, cela n'a
pas d'impact direct sur l'étude.
D) Les opinions :
Cette partie questionne les opinions afin de mieux
caractériser le rapport au corps des pratiquants d'« Aïkiryu
», dès lors de créer des tendances sur les groupes
d'individus ayant répondus et en se basant sur les travaux de
Corneloup1, c'est-à-dire partir du postulat que le champ de
l'escalade pouvait être un espace structuré. Les opinions sont
analysées par l'intermédiaire d'une méthode utilisant des
prises d'opinions sur des symboles puis traitées par analyse en
composantes principales. Cette méthode a
1Corneloup, J. Pages. JP, (1993) structure des
opinions publiques et conflits en escalade, in la
démocratisation du nautisme de Thierry Michot
comme intérêt de mettre en relation des valeurs
des individus sondés et des symboles constitués par leurs prises
d'opinions. D'où l'utilité de réexploiter la
méthode de Corneloup pour l'étude sur la pratique qu'est
l'Aïkiryu.
Dans un premier temps, le schéma titré «
opinion des pratiquants d'Aïkiryu » nous montre qu'il existe deux
pôles distincts de réponses : à droite, les questions
concernant la pratique comme un sport donc aux actions dites « externes
», à gauche, les questions concernant la pratique comme un art
corporel de bien être soit les actions dites « interne ». Les
axes retenus pour l'analyse sont les axes F2 et F3 qui regroupent 24% des
valeurs des variables. Les réponses des pratiquants semblent
s'être structurées autour de la représentation qu'ils ont
de leur pratique.
Opinion des pratiquants d'Aïkiryu, hivers 2007
|
Tableau 2: Résultats pour l'ensemble des pratiquants ayant
répondu à l'enquête
|
|
|
Questions d'opinion
|
Moyennes
|
Ecarts types
|
Q1
|
Il est bon de pratiquer une activité physique
|
4,634
|
0,536
|
Q1 1
|
La pratique sportive est une source d'équilibre
|
4,263
|
0,828
|
Q8
|
La pratique sportive permet d'être bien dans sa
tête
|
4,231
|
0,706
|
Q6
|
La pratique sportive permet de se dépenser
|
4,179
|
0,721
|
Q9
|
la pratique sportive est indispensable à tout individu
|
3,237
|
1,324
|
Q2
|
Le plus important dans l'expression corporelle c'est la
beauté du geste
|
2,951
|
1,094
|
Q10
|
Les individus recherchent la reconnaissance par le sport
|
2,737
|
1,032
|
Q3
|
La danse c'est du sport
|
2,732
|
1,533
|
Q7
|
Les femmes sont considérées de la même
façon que les hommes dans le sport
|
2,667
|
1,177
|
Q5
|
Ce que l'on recherche dans l'Aïkiryu, c'est d'être
fort
|
1,850
|
1,099
|
Q4
|
On se valorise en étant le meilleur
|
1,829
|
0,892
|
|
Tableau 3: Résultats ordonnés pour les pratiquants
de la classe 1
|
|
|
Questions d'opinion
|
Moyennes
|
Ecarts types
|
Q1
|
Il est bon de pratiquer une activité physique
|
4,944
|
0,236
|
Q8
|
La pratique sportive permet d'être bien dans sa
tête
|
4,833
|
0,383
|
Q1 1
|
La pratique sportive est une source d'équilibre
|
4,722
|
0,461
|
Q6
|
La pratique sportive permet de se dépenser
|
4,611
|
0,608
|
Q9
|
la pratique sportive est indispensable à tout individu
|
4,000
|
0,970
|
Q3
|
La danse c'est du sport
|
3,444
|
1,542
|
Q2
|
Le plus important dans l'expression corporelle c'est la
beauté du geste
|
3,389
|
1,092
|
Q10
|
Les individus recherchent la reconnaissance par le sport
|
3,167
|
0,985
|
Q7
|
Les femmes sont considérées de la même
façon que les hommes dans le sport
|
3,056
|
1,349
|
Q4
|
On se valorise en étant le meilleur
|
1,944
|
0,998
|
Q5
|
Ce que l'on recherche dans l'Aïkiryu, c'est d'être
fort
|
1,611
|
0,850
|
|
Tableau 4: Résultats ordonnés pour les pratiquants
de la classe 2
|
|
|
Questions d'opinion
|
Moyennes
|
Ecarts types
|
Q1
|
Il est bon de pratiquer une activité physique
|
4,350
|
0,587
|
Q1 1
|
La pratique sportive est une source d'équilibre
|
3,850
|
0,875
|
Q6
|
La pratique sportive permet de se dépenser
|
3,800
|
0,616
|
Q8
|
La pratique sportive permet d'être bien dans sa
tête
|
3,750
|
0,444
|
Q9
|
la pratique sportive est indispensable à tout individu
|
2,550
|
1,234
|
Q2
|
Le plus important dans l'expression corporelle c'est la
beauté du geste
|
2,500
|
0,946
|
Q10
|
Les individus recherchent la reconnaissance par le sport
|
2,350
|
0,933
|
Q7
|
Les femmes sont considérées de la même
façon que les hommes dans le sport
|
2,350
|
0,933
|
Q3
|
La danse c'est du sport
|
2,050
|
1,356
|
Q5
|
Ce que l'on recherche dans l'Aïkiryu, c'est d'être
fort
|
1,900
|
1,119
|
Q4
|
On se valorise en étant le meilleur
|
1,800
|
0,834
|
Matrice des corrélations inter variables :
|
Q1
|
Q2
|
Q3
|
Q4
|
Q5
|
Q6
|
Q7
|
Q8
|
Q9
|
Q10
|
Q11
|
Q1
Q2
Q3
Q4
Q5
Q6
Q7
Q8
Q9
Q10 Q11
|
1 0,131 0,061 0,009 -0,016 0,313 0,319 0,560 0,427 0,354 0,705
|
1 0,388 0,098 0,056 0,120 0,394 0,495 0,273 0,362 0,291
|
1 0,235 -0,231 0,326 0,179 0,394 0,251 0,150 0,182
|
1 0,114 -0,003 0,061 0,014 0,184 0,049 -0,061
|
1 -0,050 0,277 0,054 -0,079 -0,010 0,110
|
1 0,225 0,549 0,261 0,353 0,499
|
1 0,404 0,152 0,327 0,252
|
1 0,615 0,598 0,637
|
1 0,383 0,385
|
1 0,463
|
1
|
En gras, valeurs significatives (hors diagonale) au seuil
alpha=0,050 (test bilatéral) Se référer au tableau 2 pour
les sigles
Cependant, ce shéma est à lire avec prudence car
il s'agit de la projection d'un plan de données multidimensionnelles et
ce qui est intéressant c'est de noter l'existence de deux classes
d'individus au sein de ce groupe de pratiquants.
Le tableau 2 nous renseigne sur les thèmes qui sont
fort, à noter que les moyennes des réponses sont comprisent entre
4,634 et 1,829, ce qui montre le large éventail des questions
posées. On y retrouve les thèmes tels que les bienfaits de la
pratique (Q1), la pratique étant une source d'équilibre (Q11),
les bienfaits psychologiques de la pratique (Q8), la pratqiue comme moyen de se
dépenser (Q6), le fait que la pratqiue soit indispensable à tout
individu (Q9) et le fait que le corps à un rôle important à
jouer dans l'échange (Q2). Pourtant, ces réponses ne sont que
globales et ne permettent pas de préciser les tendances sous jacentes.
C'est pour cela que le troisième type de résultat intervient, il
s'agit de la typologie des pratiquants.
Deux classes existent au sein de cette communauté, au
sein de ce groupe de pratiquants. Cela est possible par agrégation des
pratiquants ayant répondus similairement et dans l'ensemble aux
mêmes questions. C'est pour cela que l'on retrouve des positionnement de
questions identiques (Q1, il est bon de pratiquer une activité
physique), il y a des positionnement de questions qui font la différence
(Q8, sur les bienfaits psychologique de la pratique, Q3, la danse c'est du
sport). Une remarque intéressante concernant les moyennes des groupes
car elles sont plus élevées dans la classe 1 par rapport à
la classe 2. En ce qui concerne les compositions de classes, on a 18
pratiquants en classe 1 et 20 pratiquants en classe 2. Ces deux
classes sont très proches et ne se différencient
pas sur beaucoup d'éléments. L'ensemble des pratiquants
constituants les deux classes sont symphatiques, recherchent une vraie
égalité entre les pratiquants, ils sont très sensibles
à l'autre, ils ne se sentent pas enfermés dans leur pratique qui
est un moyen de communication et qui permet de créer un espace
interindividuel d'où va émerger le lien entre les pratiquants. Ce
qui pourrait différencier ces deux classes serait la façon dont
il abordent leur pratique, ce sera le thème sous jacent à
l'étude de l'année prochaine. Ce que l'on peut dire, c'est qu'il
semblerait que ses deux classes existent par le fait de l'arrivée
massive de débutant (53%). Mais la proximité des classes
indiquerait que les débutants sont déjà dans un
état d'esprit similaire par rapport à celui que véhicule
la pratique.
Concernant les corrélations, il y a certains points qui
sont important de relever comme le fait qu'il serait bon de pratiquer une
activité sportive et que ce serait une source d'équilibre (0,705)
; ou bien qu'il est indispensable d'avoir une activité physique car elle
permet d'être bien dans sa tête (0,615). A contrario, le fait que
la danse soit du sport est incompatible avec le fait que ce qui soit
recherché dans la pratique de l'Aïkiryu soit la force (-0,23 1).
Ces corrélations permettant de mieux comprendre le sens donné
à la pratique de l'Aïkiryu aujourd'hui, c'est-à-dire une
pratique qui rassemble des individus autour d'un art corporel visant le bien
être des pratiquants.
E) Les définitions :
Dans le questionnaire, il y avait une question ouverte qui
demandait de donner une définition de la pratique qu'est l'Aïkiryu.
Cependant, cette pratique a été présentée comme non
définissable car « définir c'est limité » et
qu'elle dépendrait du lien entre le pratiquant et son art. C'est pour
cela que l'acte de définir permettra de mettre à jour des liens
possibles entre différentes formes de travail et des
prédominances de notions propre à un ou des champs lexicaux
particuliers.
Dans un premier temps ce qui est intéressant de
relever, c'est que l'ensemble des définitions ne sont pas
uniformisées et qu'elles sont basées sur le rapport du lien
affectif qu'entretiens l'individu avec son art et les autres pratiquants. Par
exemple, on retrouve des mots tels que « amour », « liens
», « échanges », « transformation »,
« sentiments », « relation à l'autre
», « rencontre », « découverte », «
changement », « intégrer les différences », «
réconcilier le corps et l'esprit », « intégration de
l'autre », « respect du partenaire et soi-même », «
dépassement de ses limites », « liberté ».
L'ensemble de ses mots permettent d'apprécier l'ensemble des sens qu'a
cette pratique, en effet, le but de ce travail n'est pas de poser une
définition stricte de cet art mais au contraire de voir l'ensemble des
possibilités afin de mettre à jour la richesse des valeurs
véhiculées. Ainsi de respecter leur façon de concevoir
leur pratique comme faisant partie d'un ensemble plus vaste que l'on pourrait
nommer « art corporel » ou « art du geste ».
Dans un second temps, on peut observer que les pratiquants ne
définissent pas leur pratique comme un sport ou bien un art martial. En
effet, le mot « sport » apparaît une fois mais sans plus de
précision sur le sens donné. Tandis que le mot « art martial
» apparaît onze fois. Les autres définitions ne
catégorisent pas l'Aïkiryu dans l'une ou l'autre des
catégories. Concernant, la définition utilisant le mot «
sport » indique juste que l'Aïkiryu est « un sport complexe
» mais sans plus. Par contre, les définitions utilisant le mot
« art martial » présentent l'Aïkiryu comme un art qui
permet de « se transformer en lien avec les autres », mettre le
pratiquant « sur le chemin de la connaissance de soi et du
dépassement de ses limites », « recherche à ressentir
les sensations de notre corps et celui de l'autre », « un
échange avec l'autre plutôt qu'un combat », «
d'être en paix avec soi et les autres », « de travailler sur
l'espace et le mouvement », « partager de bons moments », «
de se construire », « créer un espace d'expression de cette
relation à l'autre ». On peut dégager de l'ensemble de ses
propositions que cet art permettrait d'agir à la fois sur le plan de la
relation à l'autre par un espace de libre action pour échanger,
sur le plan de l'éveil individuel par le ressentit des sensations et
enfin sur un plan d'expression par le geste qui en est le langage. Les autres
définitions indique cet art comme étant « un art de vivre
», « un art de bien être », « une gymnastique
énergétique », « un partage d'amour et de vie »,
« un mode de vie », « un moyen d'être à
l'écoute de son corps, de ses capacités et de ses
barrières », « une pratique interne », «
au-delà de la technique », « une recherche personnelle »,
« une chorégraphie martiale ». Ces caractéristiques
permettent de mettre à jour l'idée que le lien entre l'individu,
son art et les autres dépend vraiment de la réalité que
l'on en fait, donc cela amène à des approches totalement
différentes. Une notion qui revient souvent concerne la
« présence dans l'instant »,
c'est-à-dire de vivre tout ce qui peut se passer dans la vie au moment
même ou elles se produisent, c'est une vision optimiste de voir les
faits.
Le troisième temps concerne le fondateur de
l'école et les définitions. En effet, Charles Abelé est
souvent présenté comme le fondateur de l'Aïkiryu mais il n'y
a qu'une seule définition qui fait état d'« un regroupement
» autour de lui. Cela est un indicateur quant à la forme de
regroupement autour d'une seule personne car la communauté existe autour
d'un espace d'échange et non pas autour d'une personne. Cet espace
d'échange permet alors de lier les pratiquants entre eux sans pour
autant avoir besoin d'une nouvelle personne qui dirigerait l'école. Cela
recoupe l'idée de la direction collégiale mise en place
après le décès de Charles Abelé.
Par rapport aux opinions exprimées qui mettaient en
avant le fait que l'Aïkiryu est un art visant à rassembler des
individus autour d'un art corporel visant le bien être des pratiquants,
cela confirme dans l'ensemble l'orientation des définitions qui mettent
en avant cet art comme un moyen privilégié d'améliorer les
rapports entre les individus par un échange et de redonner un espoir en
la société.
L'exemple des définitions montre qu'il existe
différentes façons de voir cette pratique au sein de la
même communauté et que sa force réside dans le fait
justement de ne pas être institutionnalisé. Le cadre
légitime institutionnel a pour objectif de contenir tandis que cette
communauté soude les individus en accord avec une certaine idée
de vie et cette forme de groupement permet de légitimité la
pratique.
Discussion
Au cours de cette étude nous avons cherché
à connaître les caractéristiques sociales d'un groupe de
pratiquants d'Aïkiryu qui s'est organisé sous forme d'une
communauté. L'Aïkiryu n'étant pas un art martial mais une
composante des « arts du geste », on peut dire que cette pratique est
une précision du lien entre l'Aïkido et une personne qui a
pratiquée, vécue et transmit une certaine vision du monde et de
la vie, différente de ce que l'on retrouve dans la société
actuelle. Nous avons formulé les hypothèses selon lesquelles les
Aïkiryuka sont des individus issus de milieux sociaux différents et
que la communauté se subdivise en différentes classes d'opinion
tout en restant une pratique rassembleuse. Les définitions
données par les pratiquants reflètent une vision de pratique et
de vie propre à une volonté de liberté ainsi qu'un
désir de sociabilité.
Les méthodes de recueil de données sont de deux
ordres, la première méthode consiste à mettre un
questionnaire en ligne sur internet afin que l'ensemble des pratiquants
puissent y répondre (n=42) et la seconde méthode est une
observation participante effectuée lors des différents moments
passées en sur le lieu de stage et ceci afin de mieux comprendre le sens
de la pratique. Cette étude est de type compréhensif, en ce
qu'elle doit rechercher le sens, les motifs, des comportements humains, puisque
ceux-ci sont constitutifs des actions dont il s'agit de rendre comptent.
Ce qui ressort de l'ensemble de ce travail de recherche c'est
que les pratiquants d'Aïkiryu ont des caractéristiques sociales
différentes. En effet, la population d'Aïkiryuka est
composée d'individus de tout âge, il y a une diversité en
ce qui concerne les catégories socioprofessionnelles, des niveaux
d'études également très différents, les pratiquants
d'Aïkiryu sont pour moitié des débutants qui ont
commencés entre 2004 et 2007. Sur l'ensemble de la population
étudiée il n'y a que 24% qui n'ont jamais suivi l'enseignement de
Charles Abelé ce qui traduit qu'une partie des pratiquants actuels ont
approché les idées et la vision que Charles Abelé a voulu
transmettre. Ce qui est intéressant concerne les stages car ils sont le
moment où les pratiquants, membres de la communauté, peuvent se
retrouver. Les stages qui
permettent de souder et de rendre effective cette
communauté, ce qui confirme l'une des hypothèses formulés
précédemment. Ensuite, ce que l'on peut constater c'est que
l'ensemble des pratiquants ont une activité à côté
qui se décline en quatre catégories, les activités
physiques et sportives, les arts martiaux, les expressions artistiques
indirectes médiées par un objet et les expressions artistiques
directes corporelles ou orales.
Concernant les opinions des pratiquants, il existe deux
classes différentes au sein de la communauté, les deux classes
mettent en avant les idées de bien être, d'équilibre par la
pratique et que la pratique sportive permet de se dépenser. Ces classes
exclues les idées que l'on se valorise en étant le meilleur et
que ce qui est recherchée en Aïkiryu c'est la force. Ces classes se
différencient par des moyennes de réponses aux questions plus
élevée dans la classe 1 et qui semble traduire un accord
d'opinion tandis que la classe 2 est plus disparate dans la répartition
des moyennes des réponses. L'autre élément à
prendre en compte, c'est que parmi les deux classes est il n'y a pas de
prédominances d'un groupe social particulier, les deux classes sont
homogènes. Cependant, il est impossible de les différencier
véritablement par la méthode utilisée car les opinions
sont très proches. Cette proximité montre que la
communauté est unifiée. Dans l'ensemble, l'orientation des
définitions met en avant cet art comme un moyen privilégié
d'améliorer les rapports entre les individus par un échange et de
redonner un espoir en la société. On peut ajouter qu'il y a une
forte corrélation entre le fait qu'il serait bon de pratiquer une
activité sportive et que ce serait une source d'équilibre
(0,705), ce qui confirme l'inscription de cette activité corporelle dans
un mouvement de pensée plus large que la simple pratique. Dans la
plupart des cas, Charles Abelé est présenté comme le
fondateur de l'Aïkiryu mais il n'y a qu'une seule définition qui
fait état d'« un regroupement » autour de lui. Cette
reconnaissance du fondateur montre bien que la communauté n'existe pas
autour d'une personne mais existe bien de façon intrinsèque car
les pratiquants recherchent une vision plus humaniste des rapports
interindividuels comme par exemple la sincérité dans le rapport
à l'autre.
Les critiques sur cette étude peuvent s'orienter autour
des biais de la méthode utilisée car le mode participatif demande
une ouverture d'esprit afin de pouvoir accueillir les opinions des individus
observés. Cette objectivité, dont il faut faire preuve pour
pouvoir étudier au mieux des groupements sociaux particuliers et pour
laquelle aucun enseignement dit scolaire ne permet de construire de
compétence, est nécessaire.
Cette étude apporte un ensemble de connaissances sur
une pratique qui n'a jamais été étudiée de
façon universitaire. Il a fallut la placer dans l'espace des pratiques
au sens large puis de la définir par la vision qu'en ont les
pratiquants. L'élément à mettre en avant dans cette
étude est qu'il existe une autre façon de voir les relations, qui
n'est pas restreint qu'à cette pratique mais au contraire qui correspond
à tout un nouveau mode de pensée émergeant.
La continuité de ce travail serait d'étudier le
rôle de la constitution de la communauté avec comme axe de
recherche : la constitution de la communauté, la vision du monde que les
pratiquants comprennent et prennent en référence, comme
l'écologie ou bien leur vision humaniste de la société. Il
s'agirait de chercher à comprendre comment s'est construite cette
communauté.
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