II/ Atouts et risques de la convertibilité du
dirham
Le Maroc a connu depuis son indépendance des
progrès non négligeables que beaucoup d'observateurs ne mettent
pas assez en exergue. Cependant, ils ne sont pas suffisants pour parler d'un
véritable décollage de l'économie marocaine qui
profiterait à l'ensemble de la population.
L'économie marocaine a toujours été
considérée comme étant la plus libérale et la plus
ouverte de tous les pays du Maghreb. Elle est celle dont les structures
productives, commerciales et bancaires sont les plus conduites par l'initiative
privée et les plus exposées aux marchés étrangers.
Cette double vocation, libérale et mondiale est due
particulièrement à la place dominante occupée par le Maroc
dans la production et l'exportation du phosphate, au choix politique
fondamental du Maroc d'entretenir des relations étroites avec le reste
du monde et particulièrement avec l'Occident et à l'existence
d'une forte bourgeoisie foncière, industrielle, commerciale et
financière.
Actuellement, pour schématiser, le dirham est
ancré à 75% à l'euro et à 25% au dollar, il subit
donc les sentences des décisions européennes et
américaines. Cela revient à dire, qu'il Il est
contrebalancé au gré de la volonté d'autrui, et cela
depuis plusieurs générations.
En effet, le Maroc n'a pas réellement tiré
profit de ces attaches, son coefficient de progression économique et
sociale reste encore faible. Donc il est impératif de réagir en
ne comptant que sur nous mêmes.
Je propose donc qu'on opte pour une convertibilité
intégrale du dirham.
Quel enjeu pour le Maroc ? Est-ce utopique ? Réaliste
?
Une convertibilité intégrale signifie que le
dirham pourra être échangé au gré de son porteur
contre n'importe quelle autre monnaie étrangère sans aucun
obstacle.
Théoriquement, cette libre convertibilité peut
se traduire par les avantages suivants :
- amélioration de la compétitivité de
l'économie nationale ;
- diversification des PTF des agents économiques
à l'échelle ;
- rendement accru de l'épargne ;
- protection contre le risque de change ;
- meilleure efficacité de l'intermédiation
financière nationale ;
- intégration de l'économie nationale dans
l'économie mondiale.
Mais le processus comprend des risques inhérents
à la convertibilité (la volatilité du taux de change, des
effets pervers sur la politique monétaire, du risque de substitution des
devises à la monnaie nationale) et d'autres liés à la
situation concrète de l'économie marocaine.
S Volatilité de taux de
change
Les différentiels d'inflation et des taux
d'intérêt entre une monnaie nationale et le reste du monde
risquent de se traduire par une fuite de capitaux, ce qui pourrait conduire
à une dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux
autres devises. Pour contourner la situation, le BAM va vendre des devises
contre le dirham ce qui épuisera les réserves de change. Et en
l'absence d'une balance des paiements excédentaire, on assisterait
à une nouvelle vague de spéculation contre la monnaie nationale
et à une importante fuite des capitaux, et donc à une autre
dépréciation.
S Effets pervers sur la politique
monétaire
Les variations des taux de change et des taux
d'intérêt sur les marchés financiers et les marchés
des changes internationaux, amènent souvent les autorités
monétaires à augmenter les taux d'intérêt pour
prévenir la fuite des capitaux, même si cette augmentation est
contraire aux impératifs du développement économique
interne.
S Risque de substitution des devises à la
monnaie nationale
En période inflationniste, les agents économiques
préfèrent substituer les devises fortes à leur monnaie
nationales.
S Risques liés à la situation
concrète de l'économie
Ils proviennent notamment du déficit des comptes
extérieurs :
- le taux de couverture des importations par les exportations,
tourne depuis une dizaine d'années autour de 60% ;
- la fin du rééchelonnement de la dette a soumis
le pays à une lourde charge des intérêts de la
dette ;
- le tourisme marocain connaît de sérieux
problèmes ;
- la progression des transferts des résidents marocains
à l'étranger connaît les contrecoups des difficultés
des pays d'accueil ;
- dans un horizon de MT, on ne voit pas comment le
déficit des comptes pourra s'améliorer ;
Par ailleurs, le Maroc enregistre des taux d'inflation
supérieurs à ceux de ses principaux partenaires commerciaux.
Pour que ce projet réussisse, une politique dynamique
du commerce extérieure, une stabilité de la croissance
économique, une maitrise de l'inflation et un équilibre social,
une gestion appropriée du dirham, une adaptation du tissu productif
marocain sont nécessaires et indispensables.
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