L'arrêt Kobler est-il révolutionnaire ?( Télécharger le fichier original )par Sami Fedaoui Université de Rouen - Licence III en droit 2007 |
Partie II : Des innovations « inachevées ».Si l'on se place dans le cadre global et systémique de la construction de l'édifice juridique communautaire, l'arrêt Köbler marque une étape supplémentaire mais insuffisante, illustrant en ce sens la méthode dite des « petits pas » tant à l'égard de la consolidation de la primauté du système communautaire (A), que pour l'uniformité de l'application du droit communautaire (B). A. Une avancée restreinte vers la primauté effective.Section 1 : Le développement de l'effectivité de la primauté.Tout d'abord l'arrêt Köbler marque une étape importante dans l'oeuvre prétorienne visant à établir un système dans lequel la primauté du droit communautaire est non seulement un principe fondamental de base, et ce en vertu de l'arrêt Costa c. Enel CJCE 1964 15(*), mais aussi une réalité effective dans son application et l'arrêt Simmenthal a amorcé cette tendance 16(*), laquelle a présidé à toute l'évolution opérée par la Cour depuis lors. En ce sens l'arrêt Köbler marque une étape cruciale car la responsabilité de l'Etat membre pour la violation du droit communautaire qui lui est imputable, établie par la Cour dans ses arrêts de principe comportait une lacune au sens ou cette responsabilité n'était pas explicitement prévue pour le fait d'une décision de justice nationale. L'extension expresse à cette catégorie d'activité effectuée par l'arrêt Köbler n'est pas dépourvue d'intérêt dans la mesure ou elle s'inscrit dans ce développement systématique d'un ordre juridique communautaire garantissant une protection juridictionnelle effective et complète. Il s'agit, en principe, d'un apport fondamental dans la consolidation d'une communauté de droit qui doit, à ce titre, mettre en place un ensemble de voies de droit aux citoyens de l'Union dont le but est de permettre une protection des droits qu'ils tirent directement de cet ordre juridique communautaire. En effet envisager la primauté du droit communautaire n'a de sens que si elle s'accompagne de l'ensemble des instruments nécessaires afin que celle-ci ait une valeur effective, or l'arrêt Köbler est novateur à cet égard puisqu'il participe de ce mouvement, notamment en élargissant la sphère d'application du principe général de responsabilité découvert par l'arrêt Francovich en vue d'instaurer un système de responsabilité étatique cohérent, unifié et complet. Ainsi outre l'engagement de ladite responsabilité du fait du législateur 17(*) et du fait de l'exécutif 18(*), l'arrêt Köbler admet désormais que cette responsabilité soit engagée du fait d'une décision de justice nationale de dernier ressort. Désormais le droit communautaire dispose d'un système de responsabilité ouvert à l'ensemble des « branches » du pouvoir étatique, lesquelles sont potentiellement génératrices dans l'exercice même de leur fonction respective de violations du droit communautaire imputables à l'Etat. A ce titre on peut parler d'un développement jurisprudentiel dans le sens d'une plus importante effectivité de la primauté du droit communautaire dès lors qu'il est consacré ledit principe de responsabilité au fait d'une autre activité qui incombe à l'Etat à savoir le pouvoir judiciaire dont le rôle est considérable dans la protection des droits des particuliers. Autrement dit la primauté effective du droit communautaire passe nécessairement par le contrôle de l'activité juridictionnelle nationale par quelque moyen que ce soit, à cet égard l'arrêt Köbler ne manque pas de prendre acte de cette exigence en posant le principe ainsi étudié. * (15) 15 Arrêt Costa c. Enel, ibidem. Cet arrêt est fondamental dans la construction communautaire dans la mesure ou il définit la nature et la portée du système de la Communauté. C'est de la spécificité même de la nature de l'ordre juridique communautaire que découle sa primauté, ce principe inhérent à l'essence de la Communauté signifie en substance que le droit communautaire est la norme fondamentale au sens ou elle prévaut le droit interne. * (16) 16 Arrêt Simmenthal, ibidem. La cour précise ici les corollaires du principe de primauté. Il s'agit notamment de l'exigence suivant laquelle le juge national, en toute hypothèse, doit faire prévaloir la norme communautaire et aucun acte d'origine interne ne saurait y constituer un obstacle. On comprend dès lors que la logique de la primauté est utilisée à son paroxysme par le juge communautaire qui entend la poursuivre et en permettre la réalisation intégrale. * (17) 17 Le fait du législateur était le premier cas explicitement prévu à l'origine dudit principe de responsabilité, en ce sens cf. Francovich, ibidem. * (18) 18 Le fait de l'exécutif à cet effet est apparu ensuite, notamment avec l'arrêt Brasserie du Pêcheur, ibidem. |
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