Année 2006-2007
Mémoire de Licence 3
Universités de Nantes et de Saragosse (Espagne)
Caroline POULARD
Quel rôle, quelle place pour le juge
constitutionnel espagnol
dans un Etat dit « semi
fédéral », autonomique ?
Direction du mémoire en France : M. Bernard Dolez
Direction du mémoire en Espagne : M. Manuel Contreras
Casado
Sommaire
Introduction..............................................................................p.
3
I Le juge constitutionnel espagnol, clé de voute du
système institutionnel dans un Etat sui generis, dit
« autonomique »......................................................................p.
7
A La Constitution de 1978 ; le Tribunal Constitutionnel
au coeur des Institutions publiques dans un Etat dit autonomique, sui
generis.....................................................................................p.
7
B L' « Etat des autonomies » ;
une construction jurisprudentielle du Tribunal Constitutionnel. Le monopole du
juge constitutionnel espagnol, comme interprète suprême de la
Constitution de
1978.......................................................................................p.
19
II La jurisprudence du juge constitutionnel espagnol, au coeur
de l'évolution et du maintient de l'Etat autonomique, par essence
évolutif..................................................................................p.
27
A L'évolution du modèle autonomique de l'Etat
à travers la résolution des conflits de compétences entre
C.A. et Etat central par le juge
constitutionnel........................................................................p.
28
B Le contrôle des C.A. ou le juge constitutionnel,
garant du maintient du système autonomique dans la tentation
fédéraliste...............................................................................p.
35
Conclusion..............................................................................p.
40
Bibliographie..........................................................................p.
42
Quel rôle et quelle place pour le juge
constitutionnel espagnol dans un Etat dit semi-fédéral,
« autonomique » ?
Si l'on définit souvent le constitutionnalisme comme
la division des pouvoirs et les Constitutions démocratiques comme
l'instrument de cette division, il se pose dès lors la question de
l'effectivité de la limitation du pouvoir ainsi
réalisée.
D'un point de vue historique, le plus vieux système de
garantie constitutionnelle fut initié par les Etats-Unis, au travers
d'un contrôle diffus de la constitutionnalité des lois depuis la
décision de la Cour Suprême « Marbury v.
Madison » de 1803. C'est donc la naissance du système de
« Judicial review » qui permet à toutes les Cours
qu'elles soient fédérales ou d'Etat, qu'elles soient
suprêmes ou inférieures, d'opérer un contrôle de
constitutionalité des lois et normes ayant force de loi que celles-ci
soient fédérales ou d'Etat. Il convient néanmoins de
préciser que ce contrôle se déroule sous l'autorité
de la Cour Suprême des Etats-Unis car elle constitue l'autorité
finale pour sanctionner les lois contraires à la Constitution
fédérale.
En Europe, le XIXe siècle apparaît peu favorable
à l'introduction de mécanisme juridictionnel de protection de la
Constitution. En France, par exemple, après une effervescence de la
réflexion politique durant siècle des lumières, on tente
de consacrer un constitutionnalisme irréprochable par une
séparation nette des pouvoirs de l'Etat ; l'article 16 de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose ainsi
« Toute société dans laquelle la garantie des droits
n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution ».
Dès lors, il s'agit très clairement d'interdire
aux tribunaux de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif ;
ne pouvant pas interpréter la loi, accorder aux tribunaux le
contrôle de constitutionnalité des lois était alors
irrecevable.
Ainsi, la France comme l'Europe occidentale dans son ensemble,
penchera pour un système de garantie constitutionnelle bien distinct du
« Judicial review » lorsqu'au XXe
siècle, apparait la nécessité d'établir un
constitutionnalisme effectif et par là même l'exigence d'instaurer
un contrôle de constitutionnalité des lois.
La première vague coïncide avec le premier
après guerre. C'est ainsi que l'effondrement de l'empire austro-hongrois
allait susciter l'apparition d'une Cour Constitutionnelle
spécialisée dans la connaissance des litiges constitutionnels. Il
s'agit de la Haute Cour Constitutionnelle d'Autriche conçue par Hans
Kelsen lui-même et qui fut instituée par la Constitution de 1920.
De son coté, l'Espagne de la seconde République allait se doter
d'un Tribunal des Garanties Constitutionnelles dès la Constitution de
1931.
La seconde vague est celle de l'après seconde guerre
mondiale avec la création de la Cour Constitutionnelle italienne en 1947
et le Tribunal Constitutionnel allemand crée par la loi fondamentale de
Bonn du 23 mai 1949. Pour sa part, le Conseil Constitutionnel français
apparaîtra en 1958, avec l'avènement de la Ve
République.
Enfin, la troisième vague d'apparition des juridictions
constitutionnelles en Europe coïncide avec la fin des régimes
autoritaires qu'ont connus la Grèce, le Portugal et l'Espagne avec le
Franquisme.
Ainsi le système de contrôle concentré de
constitutionnalité, né du modèle austro-kelsenien, semble
s'être répandu en Europe.
Le Tribunal Constitutionnel (T.C.) espagnol, mis en place
par le titre IX de la Constitution du 27 septembre 1978 et régulé
par la Loi Organique relative au Tribunal Constitutionnel (L.O.T.C.) n°
2/1979 du 3 octobre 1979 est donc l'illustration probante du mouvement
contemporain de généralisation des Cours Constitutionnelles.
Dès le tout début des travaux constituants, il
existe ainsi un consensus sur la nécessité d'introduire en
Espagne un contrôle juridictionnel de la
constitutionnalité des lois. En effet, il s'agit en
1978 d'établir un mécanisme effectif de garantie
constitutionnelle afin qu'après près de quarante ans de
régime autoritaire franquiste, puisse être garanti
l' « Etat de droit » consacré par l'article 1.1
de la Constitution espagnole (CE) ; le T.C. est ainsi chargé d'en
assurer le respect.
D'autre part, la configuration atypique, sui generis,
du modèle organisationnel de l'Etat espagnol, gouverné par
les principes constitutionnels
d' « autonomie »1(*) et de « disposition »2(*) appelle l'exigence d'une
institution qui, placée au-dessus des autres, aura la charge de
réguler et d'articuler l'organisation autonomique de l'Etat, et ceci au
regard de la CE.
Le juge constitutionnel espagnol apparaît ainsi
amené à jouer un rôle politique considérable,
intrinsèque au modèle organisationnel de « l'Etat des
autonomies »3(*).
En effet, comme nous le verrons plus tard dans notre
étude, la CE de 1978 ne tranche pas en faveur d'un modèle
défini, sinon pour la possibilité d'un accès à
l'autonomie des dix sept régions qui composent l'Espagne,
appelées à se constituer en « communautés
autonomes » (C.A.). La configuration du modèle autonomique
espagnol sera donc elle-même très largement
déterminée par la jurisprudence du T.C. dans la mesure où
il a en charge l'interprétation suprême de principes
constitutionnels aussi vastes que celui d'autonomie et qui seront amenés
à gouverner la construction d'un Etat autonomique simplement
ébauché par la Constitution.
Il apparaît donc légitime de s'interroger sur
la nature du rôle joué par le T.C. espagnol dans cet
« Etat des autonomies ».
Nous allons donc dès lors nous intéresser au
rôle institutionnel prééminent du T.C. dans le cadre du
modèle sui generis de l'Etat autonomique espagnol, affranchi du
fédéralisme comme du modèle unitaire.
Il s'agira également d'étudier et évaluer
l'apport de sa jurisprudence dans la construction même du modèle
(I).
Il conviendra en second lieu de déterminer le
rôle double et dualiste
que joue le juge constitutionnel espagnol dans
l'évolution de la configuration de l'Etat des autonomies (entre
évolution de l'autonomie accordée aux C.A. et maintient d'un
modèle de base unitaire) au travers de l'une de ses attributions
essentielle et décisive, la résolution des conflits de
compétence surgissant entre l'Etat et les C.A. d'une part, et par le
contrôle des C.A. et de leurs organes, d'autre part (II).
I Le juge constitutionnel espagnol, clé de voute
du système institutionnel dans un Etat sui generis, dit
« autonomique »
De par une configuration atypique du modèle
étatique espagnol, le Tribunal Constitutionnel se voit
conféré un rôle prééminent dans le
système institutionnel de l'Etat.
En effet, grâce à de nombreuses et importantes
attributions, le T.C. peut être considéré comme
« une institution au dessus des autres ».
Pourquoi et dans quelle mesure ? C'est la question
à laquelle nous tacherons de répondre dans un premier temps
(A).
Il conviendra ensuite d'étudier la mesure dans laquelle
le juge constitutionnel fut l'acteur principal du processus de construction de
l' « Etat des autonomies » (B).
A_ La Constitution de 1978 ; le Tribunal
Constitutionnel au coeur des Institutions publiques dans un Etat dit
autonomique, sui generis
L'Etat des autonomies espagnol est un Etat sui
generis, atypique. Il conviendra donc s'intéresser, dans un premier
temps, à l'étude des aspects les plus caractéristiques et
probants de cette organisation du pouvoir intrinsèque à l'Etat
espagnol (1).
Nous étudierons, dans second temps le rôle
institutionnel du T.C., à savoir, sa place centrale dans le
système politique d'autonomie conférée par la CE (2).
1 L' « Etat des autonomies », un
Etat sui generis
Les deux principales formes d'Etat moderne ne correspondent
pas au modèle étatique espagnol.
En effet, si le fédéralisme et le modèle
unitaire s'arrachent le bipole de la typologie organisationnelle des Etats
modernes, il existe des formes médianes de décentralisation plus
ou moins avancée.
Ainsi, l'Espagne et l'Italie, formés par exemple sur la
base du modèle unitaire, ont adopté une décentralisation
relativement poussée qui ne peut s'apparenter pour autant à un
fédéralisme pur et dur à l'américaine ni
correspondre au modèle allemand ; il s'agit bien là d'une
forme atypique et unique d'organisation territoriale du pouvoir, celle d'un
Etat sui generis.
On va donc s'attacher dans un premier temps à
démontrer cette forme sui generis de l'Etat espagnol en ce sens
que l'Etat autonomique répond à des emprunts nombreux, tant
auprès du fédéralisme que du modèle unitaire sans
pour autant se confondre avec l'un ni avec l'autre.
a_ Les emprunts à l'Etat
unitaire
L'Etat des autonomies espagnol, comme tout Etat
régional, a une base unitaire.
En effet, chaque région est en fait une
personnalité juridique de droit public sous la tutelle d'un pouvoir
central.
La CE de 1978 prévoit ainsi la création de dix
sept régions plus ou moins autonomes (les C.A.) sous la supervision d'un
pouvoir central basé à Madrid (Art. 143 CE). Le territoire
espagnol, est en effet découpé entre les municipalités,
les provinces, et les C.A.. Chacune de ces entités, qui correspondent
à une échelle territoriale croissante, disposent d'une
personnalité autonome propre (Art. 141 et 142 CE).
Néanmoins, le pouvoir central exerce un contrôle
hégémonique sur les C.A. En effet, par exemple les statuts des
autonomies, pour être adoptés de façon définitive,
doivent être approuvés par les Cortes (qui correspondent à
la réunion du Congrès et du Sénat) de Madrid. Ce
critère est également requis pour une réforme des statuts
d'autonomie.
D'autre part, le gouvernement contrôle l'activité
des organes des C.A. notamment par la présence d'un, au minimum,
délégué du gouvernement dans chaque C.A.
Comme dans un Etat unitaire décentralisé, les
C.A. ont des organes exécutifs, élus localement, gérant
des compétences propres telles que la gestion du territoire ou la
fiscalité.
Ces emprunts de l'Etat régional se font à la
forme d'Etat unitaire la plus décentralisée, tendant le plus vers
le fédéralisme tout en fixant des limites strictes.
La question de la fiscalité est en effet
gérée par les C.A. suivant un degré d'autonomie en ce
domaine plus ou moins important qu'il s'agisse d'une C.A. ou d'une autre...
Comme nous l'étudierons plus tard, il s'avère que les C.A. ne
disposent pas toutes d'un niveau égal de compétences
assumées ; il découle donc logiquement que leur autonomie
soit également variable.
La CE, en ses articles 156, 157 et 158, se charge de
réguler le financement des C.A. régies par les principes
d'autonomie, de coordination et de solidarité entre celles-ci.
Cette autonomie financière en question de C.A. implique
la capacité pour celles-ci de disposer de revenus propres, de la
capacité à en user de façon libre dans les domaines de
compétences et d'action qui leurs sont propres.
La Loi Organique relative au Financement des
Communautés Autonomes (LOFCA) n° 8/1980 du 22 septembre 1980, venue
compléter la dite Constitution en cette matière, articule donc un
système de financement des C.A. de droit commun, complété
par d'autres lois propres aux quelques C.A. disposant d'un régime
financier spécial. Ainsi, comme le prévoit l'article 157 de la
CE, les ressources des C.A. peuvent provenir de diverses origines (impôts
propres, impôts étatiques dont le recouvrement et la gestion ont
été cédés aux C.A., participation aux revenus
dégagés par des impôts étatiques, revenus provenant
du fond de solidarité interterritorial (art 158.2 CE) ou encore les
produits de leurs propres opérations de crédit, etc.
b_ Les emprunts au modèle
fédéral
En Espagne, chaque C.A. dispose d'un gouvernement et d'un
parlement propres, chargés d'administrer et de légiférer
sur le territoire de la C.A., tout comme dans les Etats
fédérés.
Les parlements autonomes ou assemblées
délibérantes sont élus au suffrage universel direct par
les habitants de la C.A. et les gouvernements autonomes sont issus de la
majorité parlementaire ainsi dégagée. En effet,
l'exécutif est également calqué sur le schéma
fédéral puisqu'il existe dans chaque C.A. un Conseil du
Gouvernement, chargé de fonctions exécutives et
administratives ; il est dirigé par le président, élu
par l'assemblée législative de la C.A. et est chargé de la
représentation suprême de la C.A. et de celle ordinaire de
l'Etat.
Comme au niveau central, le parlementarisme impose la
responsabilité des deux organes exécutifs et législatifs,
qui disposent respectivement d'armes de censure pour engager la
responsabilité de l'un ou l'autre (motion de censure et droit de
dissolution).
La même responsabilité parlementaire existe en
République Fédérale d'Allemagne, où par exemple, la
Constitution de Bavière du 2 décembre 1946 prévoit en son
article 18.2 que le parlement de cet Etat fédéré puisse
être dissout sur décision du président du gouvernement de
l'Etat de Bavière lui-même. Ainsi, tout comme un Etat
fédéral, qui dispose d'un schéma institutionnel identique
au niveau fédéral et fédéré, la structure
politique des C.A. apparait elle aussi véritablement calquée sur
celle du modèle central madrilène.
La C.A., comme chaque Etat fédéré,
dispose de compétences législatives. En effet, une
assemblée législative locale peut légiférer sur les
sujets qui lui sont dévolus par la Constitution.
Ainsi, tout comme en Italie où l'article 117 de la
Constitution énumère dix sept domaines de compétences
où la région peut légiférer, la CE prévoit
également une répartition du pouvoir législatif entre
l'Etat central et les C.A. (Art. 66.2, 148 et s. CE).
Il existe donc des compétences concurrentes pour des
matières où l'État comme les C.A. peuvent intervenir
indistinctement et des compétences exclusives à l'un ou à
l'autre (Art. 148 et 149 CE).
Le processus de transfert de compétence, à
l'initiative de l'Etat, mené à bien au cours de ces vingt
dernières années a été si important qu'aujourd'hui
les C.A. exercent des compétences pleines dans des matières aussi
variées qu'importantes telles que l'éducation à tous les
niveaux, la culture, la santé, l'agriculture, l'industrie, les
politiques d'emploi ou les infrastructures au sein de leur territoire.
L'Etat des autonomies espagnol reprend donc à son
compte de nombreuses caractéristiques de l'Etat unitaire comme de l'Etat
fédéral.
Néanmoins, il s'agit là d'un modèle
unique ; sous quels aspects les plus probants l'Etat autonomique
s'affranchit t-il des deux modèles de référence ?
c_ Particularismes face à l'Etat unitaire
Ce qui marque nettement la rupture du modèle
espagnol avec un Etat unitaire est le pouvoir législatif dont
bénéficient les C.A. En effet un tel pouvoir ne serait pas
acceptable dans un Etat unitaire car c'est précisément, ce qui le
caractérise, la possession d'un seul et unique centre de pouvoir. Si
sous sa forme la plus décentralisé il peut
bénéficier d'institutions représentatives, l'Etat unitaire
ne peut en aucun cas disposer d'un exécutif et législatif
dotés d'un pouvoir normatif indépendant.
Par exemple, dans un Etat unitaire comme la France, la loi sur
le statut de la Corse et les compétences d'expérimentation
législative qu'elle prévoyait à été
fortement discutée et le texte diminué dans sa version
définitive.
La question de la langue interdit également de
classer l'Etat autonomique espagnol dans les Etats unitaires. La langue dans
l'Etat unitaire est unique alors que l'exemple Espagnol montre que les langues
régionales sont officielles dans leurs régions (Art 3.2 CE).
A l'inverse dans un Etat unitaire tel que la France, le breton
ou bien encore le corse, ne sont pas reconnus dans la Constitution ou
quelconque autre norme.
Les C.A. ont pour leur part, mis en place depuis une vingtaine
d'années, des dispositifs institutionnels pour la promotion des langues
basque, catalane et galicienne.
Il apparait ainsi que sur les dix-sept C.A. que compte
l'Espagne, onze incluent des zones bilingues plus ou moins
étendues.
Le cadre juridique de cette articulation des langues autonomes
et centrale est donc défini a la fois au niveau de l'Etat, à
l'article 3 de la Constitution, comme nous venons de le voir, mais
également au niveau des C.A..
Celles-ci ont, en effet, pour leur part, chacune en
conformité avec la Constitution et leur propre statut
d'autonomie, promulgué une loi concernant l'usage de l'espagnol et de
leur propre langue. On peut citer l'exemple du Pays basque pour qui
c'est la loi du 24 novembre 1982 sur l'usage de l'Euskera qui fixe le cadre
juridique de cette articulation linguistique.
d_ Particularismes face à l'Etat
fédéral
L'interdiction pour les C.A. d'avoir leur propre
Constitution interdit également à l'Etat des autonomies
d'être qualifié d'Etat fédéral.
Pour qualifier la norme basique institutionnelle de chaque
C.A., on parle en Espagne des « statuts d'autonomie » des
C.A., définis à l'article 147 de la CE.
Face au système de hiérarchie des normes
établi par la CE, il s'avère assez complexe de déterminer
la nature juridique exacte des statuts autonomiques.
En effet, cerner la nature juridique des statuts d'autonomie
est une oeuvre des plus ardues et la complexité de cette tache s'accroit
à partir du moment où l'on sait qu'il n'existe pas un mais deux
processus distincts d'élaboration des statuts d'autonomie et qu'il
n'existe pas non plus par ailleurs, une formule de ratification unique de ces
derniers.
On peut néanmoins souligner que les statuts ne se
révèlent être ni des lois de nature strictement
régionales ou étatique. En effet, ce ne sont pas des normes
régionales, dans la mesure où les statuts d'autonomie doivent
faire l'objet d'une ratification ultime des Cortes.
A l'inverse, dans un Etat fédéral, les
Constitutions des Etats fédérés sont ratifiées de
façon unilatérale par leurs parlements propres.
Pour autant, les statuts autonomiques des C.A. ne peuvent
être considérés comme des normes de nature étatique,
dans la mesure où bien qu'ils fassent l'objet d'une approbation par les
« Cortes, selon le procédé prévu pour n'importe
quelle loi organique (Art. 81 CE), les statuts d'autonomie sont
élaborés à l'initiative seule des C.A.
elles-mêmes.
En effet, comme le précise l'article 146 de la CE, le
projet de statut est élaboré par une assemblée
composée des sénateurs et députés des
différentes provinces qui composent la C.A. ; seulement
après succède sa ratification par les Cortes.
Les statuts d'autonomie constituent donc des normes de nature
juridique unique ; ni norme d'origine véritablement étatique
ou autonomique, ils intègrent le bloc de constitutionnalité
espagnol puisqu'ils sont ratifiés par les Cortes par le biais d'une loi
organique.
Par conséquent, toute réforme des statuts
d'autonomie requiert une réforme de la CE.
Les C.A. n'ont pas de système juridictionnel propre
et indépendant.
En effet, en Espagne, contrairement à un Etat
fédéral pour lequel le découpage juridictionnel correspond
au territoire des Etats fédérés, la compétence
juridictionnelle relève du pouvoir monopolistique de l'Etat central. La
distribution territoriale des tribunaux obéit ainsi à un
découpage essentiellement administratif.
En effet, si les Communautés Autonomes disposent
d'organes exécutifs et législatifs propres, indépendants
de ceux de l'Etat central, il en va distinctement pour ce qui attrait au
pouvoir juridictionnel ; l'article 117.5 de la CE garantit le principe
d' « unité juridictionnelle » comme base de
l'organisation et fonctionnement des tribunaux en Espagne.
L'unité du pouvoir juridictionnel ainsi
préservée, il apparaît donc que les C.A. sont
véritablement dénuées d'une Administration en la
matière propre et autonome, même si celles-ci peuvent, comme le
prévoit l'article 152.1.2° de la Constitution,
participer à la gestion des compétences administratives des
tribunaux.
En ce sens, la Constitution et les statuts d'autonomie
établissent un « Tribunal Supérieur de
Justice » dans chaque C.A.. Cette juridiction, composée de
quatre « salas » ou chambres, (civil, pénal,
contentieux administratif et social) reçois les recours en cassation des
décisions des juridictions de premier et second degré relevant du
territoire de la C.A. en question. (Ce Tribunal Supérieur de Justice
peut voir ses décisions réformées par la plus haute
juridiction espagnole, le Tribunal Suprême, établi à
Madrid). Il n'en reste pas moins que, s'il existe un Tribunal Supérieur
de Justice pour chaque C.A., celle-ci ne peut intervenir dans cette
compétence juridictionnelle exclusive de l'Etat que pour la gestion
administrative de la juridiction.
2_ Le Tribunal Constitutionnel, une institution au-dessus
des autres (justification, composition, attributions)
a_ La légitimation de
l'institution suprême
La constitution de 1978 consacre en son titre IX la
création d'une juridiction nouvelle ; le Tribunal
Constitutionnel comme un des organes constitutionnels de l'Etat espagnol,
à qui l'on confie spécialement la défense de la norme
fondamentale, par distincts moyens juridictionnels propres à
l'institution.
La création de cette juridiction suprême,
placée à la tête du système institutionnel de
l'Etat, et chargée de veiller au respect de la CE s'inscrit en 1978,
dans le projet de l'Espagne, de confirmer par le droit, et à travers sa
propre loi fondamentale, l'achèvement du processus de transition
démocratique en cours depuis la chute du régime franquiste en
1975.
Contrairement au système de « Judicial
review » qui caractérise la justice constitutionnelle
américaine (contrôle diffus de constitutionnalité), le
constituant espagnol opte lui pour une solution retenue de façon unanime
en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à savoir la
création d'une institution particulière, puisque suprême et
unique, dédiée à la garantie du respect de la norme
fondamentale.
Pour assurer un constitutionnalisme effectif, la Constitution
de 1978 reprend donc la thèse de Hans Kelsen en posant l'exigence d'un
contrôle concentré de constitutionnalité justifiant ainsi
la nécessité d'une juridiction suprême chargée de
veiller au respect effectif de la Constitution. Autrement dit, la CE charge
donc le juge constitutionnel espagnol d'un contrôle de la
constitutionnalité des lois et normes ayant force de loi (puisque les
actes infra législatifs pourront eux faire l'objet d'un contrôle
de légalité opéré par le juge ordinaire).
Le T.C. espagnol fut donc institué sous la
présidence du roi Juan Carlos Ier des Bourbons, le 12 juillet 1980.
Un tribunal de même nature, le « Tribunal des
Garanties Constitutionnelles », avait déjà
été institué par la Constitution de 1931 instaurant la
2nde République ; mais la guerre civile qui frappe
l'Espagne dés 1936, emporte la chute de la République et avec
elle, celle de la juridiction suprême.
En 1978, c'est dans un tout autre contexte que le constituant
décide de recréer une juridiction de cette nature et dimension,
chargée de veiller au respect effectif de la Constitution (car le juge
constitutionnel peut annuler, et expulser de l'ordonnancement juridique les
normes qui la contrarient).
En effet, après près de quarante ans de
franquisme derrière elle, l'Espagne tente, sous la pression des Etats
démocratiques européens et pour confirmer l'aboutissement de
processus de transition démocratique du pays, d'avancer et d'instituer
un modèle démocratique irréprochable pour
s'intégrer à l'ensemble européen.
La nécessité d'une juridiction chargée de
veiller au respect de la norme fondamentale s'impose donc d'elle-même,
pour garantir l'Etat constitutionnel espagnol et rompre avec l'arbitraire qui
fut loi durant le régime franquiste.
Le roi Juan Carlos Ier succède à Franco en 1975
comme il en avait été prévu par une réforme
franquiste de la constitution de 1931. Pour légitimer son titre et
initier une Espagne démocratique, il prônera lui même la
nécessité d'un Tribunal Constitutionnel.
Pour ne pas retomber vers une léthargie et
inefficacité de la juridiction suprême (comme ce fut le cas durant
l'expérience républicaine du « Tribunal des garanties
constitutionnelles »), le Tribunal Constitutionnel espagnol se voit
alors attribué un certain nombre de compétences clé et de
pouvoirs importants.
Il convient de préciser que l'existence d'un
Tribunal Constitutionnel répond également à des
nécessités intrinsèques à la configuration de la
distribution territoriale du pouvoir en Espagne, telle qu'elle apparait dans la
Constitution de 1978.
Celle-ci prévoit, en son article 2, la garantie de
« l'indissoluble unité de la nation espagnole » et
reconnait également le « droit à l'autonomie des
populations et régions qui l'intègrent ».
Cet ambigu article 2 de la Constitution qui consacre à
la fois des principes aussi opposés que sont de l'unité et de
l'autonomie, préfigure la forme autonomique de l'Etat ; il pose les
bases d'un système d'organisation étatique hybride impliquant
ainsi un système complexe de distribution territoriale du pouvoir entre
les C.A. et l'Etat central.
L' « Etat des autonomies », à
l'instar de l'Etat fédéral, nécessite donc une juridiction
suprême, placée au centre du système institutionnel qui, au
regard de la Constitution, se charge de trancher les conflits de
compétences qui peuvent intervenir entre les deux acteurs du pouvoir.
Ainsi, l'article 161.1.c de la CE place le juge
constitutionnel compétent pour connaitre des conflits de
compétences qui surgissent entre l'Etat et les C.A. ou entre celles-ci
elles-mêmes.
Outre la compétence basique de toute juridiction
constitutionnelle pour annuler et expulser de l'ordonnancement juridique les
normes contraires à la loi fondamentale, le juge constitutionnel
espagnol sera donc également chargé de faire respecter le
« pacte autonomique » conclu entre les
Communautés Autonomes et l'Etat central, à savoir, leur
répartition des compétences.
Ainsi, dés 1978, on peut clairement s'attendre à
ce que la jurisprudence du T.C. espagnol soit prééminente dans le
devenir d'une configuration organisationnelle du pouvoir dont le schéma
n'est pas constitutionnellement posé sinon délimité,
encadré.
b_ Composition, structure et
compétences du T.C.
Aux termes de l'article 159, alinéa 1, de la
Constitution de 1978, le T.C. est composé de douze membres nommés
par le Roi ; quatre sur proposition du Congrès adoptée
à la majorité des 3/5 de ses membres, quatre sur proposition du
Sénat à la même majorité, deux sur proposition du
gouvernement, et deux sur proposition du Conseil Général du
Pouvoir Judiciaire.
Chacun des pouvoirs (exécutif, législatif et
judiciaire) est ainsi associé à la nomination des membres de la
Cour qui sera par la suite chargée de les contrôler.
Le système s'est efforcé d'atténuer cette
politisation de la désignation des juges en combinant majorité
qualifiée et intervention des représentants du pouvoir
judiciaire.
Ne peuvent être membres du T.C. que les citoyens
espagnols, magistrats du siège et du parquet, professeurs
d'université, fonctionnaires publics ou avocats. En donnant une place de
choix aux juristes professionnels, la Constitution affirme sa volonté de
garantir la compétence technique de la Cour.
Quant à l'indépendance du tribunal, celle-ci est
solennellement proclamée à l'article 159 al. 5 de la Constitution
et se voit garantie par plusieurs principes consacrés par la Loi
Organique relative au Tribunal Constitutionnel (L.O.T.C.) n° 2/1979 du 3
octobre : mandat non renouvelable (Art 16, al. 2 L.O.T.C.),
inamovibilité des membres du T.C. (Art 159, al. 5 CE et Art 22
L.O.T.C.), système très développé des
incompatibilités (Art 159, al. 4 CE et Art 19 L.O.T.C.), régime
des immunités (Art 22 L.O.T.C.), nomination de son président par
le tribunal lui-même (Art 160 CE) ; le vice président est,
lui, nommé par le président du tribunal.
Quant à la structure du T.C., celui-ci est
formé de deux formations de jugement : une formation
plénière (le « pleno ») qui intègre la
totalité des magistrats (et qui est présidée par le
président du tribunal) et une formation en chambres (les
« salas »).
La « sala primera », ou première
chambre, est présidée par le président de la juridiction,
et la seconde chambre, par le vice président du tribunal.
En France, le Conseil Constitutionnel se voit
essentiellement chargé de contrôler, a priori, la
constitutionnalité des lois et normes ayant force de loi ainsi que du
contentieux électoral (pour les élections législatives
(Art. 59 de la Constitution Française), présidentielles (Art. 58
CF) et referendum (Art. 60 CF)).
En Espagne, son homologue dispose de compétences bien
plus étendues, qui font du T.C. espagnol, un des systèmes de
garantie constitutionnelle les plus performants d'Europe.
En effet, le T.C. est compétent en des matières
diverses et étendues. Il connaît ainsi :
- des recours d'inconstitutionnalité contre les lois et
dispositions ayant force de loi (Art. 161.1a CE et Art. 2.1a L.O.T.C.).
- De la question d'inconstitutionnalité contre les
normes ayant force de loi (Art.2.1a L.O.T.C.).
- du recours dit d' « amparo », pour
violation des droits et libertés précisés à
l'Article 53.2 de la CE (Art.161.1b CE et Art.2.b L.O.T.C.).
- Des conflits de compétences opposant l'Etat et les
C.A. ainsi que de ceux opposant les C.A. entre elles (Art.161.1c CE et Art.2.1c
L.O.T.C.).
- Des conflits d'attribution entre les organes
constitutionnels eux-mêmes (Art. 2.1d L.O.T.C.).
- Des recours d'inconstitutionnalité contre les
dispositions sans force de loi et résolutions des C.A. (Art.161.2 CE et.
2.1f L.O.T.C.).
- Des conflits relatifs à la défense de
l'autonomie locale des municipalités et provinces face aux lois
étatiques et celle d'origine autonomique (Art 2.1d bis L.O.T.C.).
- Des déclarations de constitutionnalité des
traités internationaux (Art. 2.1e L.O.T.C.).
B L' « Etat des
autonomies » ; une construction jurisprudentielle du Tribunal
Constitutionnel. Le monopole du juge constitutionnel espagnol, comme
interprète suprême de la Constitution de 1978
Comme nous allons le voir dans un premier temps, la CE de 1978
n'a pas tranché pour un modèle d'Etat défini mais ouvre la
possibilité d'une autonomie pour les différentes régions
que compte l'Espagne (1) ; il est donc revenu au T.C. d'apprécier
et d'encadrer ce droit à l'autonomie et donc par là même de
configurer, par sa jurisprudence, le « patron » de l'Etat
autonomique (2).
1_ La justification historique du modèle ; le
« droit à l'autonomie » et le principe
« dispositif »
La forme sui generis de l'Etat autonomique espagnol n'est
pas une modalité d'organisation étatique choisie au hasard.
En effet, l'idée régionale n'a jamais
été réellement absente de l'histoire de l'Espagne. Si le
thème suscite aujourd'hui un immense intérêt dans l'Espagne
post franquiste, c'est sans doute d'abord parce qu'il est ancré dans la
mentalité collective du peuple espagnol.
Si l'Espagne franquiste a, conformément à la
logique centralisatrice du régime, réprimé durement toute
velléité d'autonomie régionale, le régionalisme a
tout de même connu dans un passé récent quelques temps
forts ; en effet, la Constitution éphémère de la
première République en 1873 établissait une organisation
étatique de type fédérale et celle de 1931, instaurant la
Seconde République, tentait d'organiser un Etat dit
« intégral », en somme, très
régionalisé.
Autrement dit, en Espagne, le régionalisme politique a
de façon quasi constante, été associé à la
conquête des libertés démocratiques.
Il n'apparait donc pas hasardeux que l'avènement du
régionalisme en Espagne coïncide avec son retour dans la famille
des démocraties libérales.
Le choix d'une organisation autonomique intrinsèque
à l'Etat espagnol trouve donc son explication première dans le
problème régional et la
nécessité d'intégrer distinctes
réalités géographiques, économiques et
culturelles.
Il s'agissait en effet, pour les constituants de 1978 de
réagir et de prendre le contre pied du postulat franquiste basé
sur la dialectique « répression et centralisme », en
instaurant, à l'inverse un modèle étatique reposant sur
les principes de démocratie, de liberté et d'autonomie.
Toute l'ambigüité et le géni
constitutionnels de la norme fondamentale espagnole repose donc en sa
capacité à intégrer des vecteurs aussi distincts voire
quasi antinomiques que la diversité et l'unité,
l'hétérogénéité et l'intégration, en
assurant ainsi la viabilité d'un Etat non pas unitaire et centraliste
(puisque c'est bien de ce modèle qu'il s'agissait de sortir) mais
plutôt très largement décentralisé et maintenant
corrélativement une solidarité interterritoriale entre les
régions effective.
Aucune disposition dans la CE n'institue
l' « Etat autonomique ». La norme fondamentale ne pose
en effet pas de modèle d'organisation étatique
constitutionnellement défini.
La Constitution opte ainsi pour une formule d'un autre genre
et c'est là que se révèle toute l'ambigüité de
l'article 2 de la CE en intégrant deux éléments
fondamentaux : premièrement, il établit un « Etat
unique », doté d'une Constitution et d'un ordonnancement
juridique uniques ; ensuite, il reconnait et garantit également le
« droit à l'autonomie des nationalités et
régions qui intègrent l'Espagne ».
Ce sera donc l'article 2 ainsi que le titre VIII
« De l'organisation territoriale de l'Etat » de la CE qui
poseront réellement les « fondations »
constitutionnelles pour la construction de l'Etat autonomique.
Bien entendu, la conciliation des principes de base
unitaire de l'Etat espagnol » et de « droit à
l'autonomie des régions » énoncé par l'article 2
de la Constitution nécessite de nombreux aménagements
institutionnels qui seront posés par le titre VIII de la Constitution
(consacré à l'aménagement des C.A., à leur
processus de formation, aux compétences qu'elles pourront ou non
recueillir etc.).
Quant à lui, le T.C. est amené, en tant que juge
des conflits de compétence entre C.A. et Etat et de par la souplesse des
principes énoncés à l'article 2 CE, à jouer un
rôle clé dans leur articulation du système et donc dans la
construction autonomique de l'Etat ; voilà pourquoi beaucoup
parleront de l'« Etat jurisprudentiel autonomique » pour
qualifier la configuration organisationnelle de l'Etat espagnol dont la
construction doit beaucoup à la jurisprudence du T.C..
L'article 2 et le titre VIII de la CE incarnent donc
fondamentalement l'option constitutionnelle faite en faveur d'une profonde
réorganisation territoriale de l'Etat, partant de la reconnaissance d'un
large ensemble de possibilités, pour accéder à distincts
niveaux d'autogouvernement pour les territoires qui en expriment la
volonté.
En consacrant une organisation tripartite du territoire
espagnol en municipalités, en provinces et en C.A. (Art.137 CE)
ainsi qu'en régulant le processus d'accès à l'autonomie,
le titre VIII, chapitre III CE fixe le cadre juridique à
l'intérieur duquel « peut » se déployer
l'exercice du droit à l'autonomie reconnu à l'article 2 de la
CE.
Celui-ci fut très largement critiqué pour son
caractère jugé inachevé et ambigu, car ouvert à des
développements incertains et potentiellement conflictuels, ce qui a
amené la doctrine à parler d'une
« déconstitutionnalisation de la structure de
l'Etat ».
Néanmoins, cet article 2 et le titre VIII
consacré à l'organisation territoriale de l'Etat, ont
prouvé par le temps qu'ils furent capables de fonctionner de
façon satisfaisante ; autrement dit, ils ont servi de plateforme
juridique à la transformation de l'Etat espagnol, en passant d'un des
Etats les plus centralistes au monde, en un des Etats les plus
décentralisés, calqué sur un modèle
fonctionnellement « semi-fédéral ».
La clé du succès autonomique espagnol
réside ainsi en cette combinaison ingénieuse de l'article 2 de la
CE et du titre VIII qui le concrétise et complète en posant les
bases du « principe dispositif ». Ce que la doctrine
appelle communément le « principe dispositif » n'est
rien d'autre qu'une option constitutionnelle, consistant à faire de
l'autonomie une faculté, une disponibilité du système.
Il apparaît ainsi encore un peu plus clair qu'avec le
principe dispositif consacré à l'article 2 et
concrétisé par le titre VIII CE que la CE ne crée pas un
Etat de structure autonomique sinon qu'elle permet sa création.
Le principe dispositif, basé sur le principe de
volonté des C.A. d'assumer ou non les compétences qui leur sont
ouvertes par la Constitution confère donc au modèle espagnol une
extraordinaire flexibilité, ce qui constitue un avantage dans le souci
d'adapter le système à une réalité mouvante.
Néanmoins, le principe dispositif, de par la largesse
et étendue de son concept, laisse le modèle territorial de l'Etat
espagnol ouvert à des bouleversements vacillant selon les caprices des
majorités politiques fluctuantes.
Il en découle une organisation politique basée
sur la différence et confirmant le postulat du juriste Francisco Tomas y
Valiente, « L'unité ne correspond pas au monolithisme ni
à l'uniformité, sinon à l'intégration des parties
dans le tout ».
b- Le résultat du processus autonomique, un
régionalisme asymétrique
La distribution des compétences opérée
par l'activation du principe dispositif aboutit à l'organisation d'un
régionalisme asymétrique.
En effet, l'Etat autonomique espagnol est
caractérisé par la différence de compétences
assumées entre les différentes C.A..
Il s'avère ainsi que les quatre C.A. construites par le
biais de la voie renforcée (Pays-Basques, Catalogne, Andalousie et
Navarre), plus les Canaries et la C.A. de Valence, assument des
compétences importantes (législatives et exécutives), dans
les domaines de l'éducation, la santé, l'environnement... Les
onze autres, ne pouvaient pas à l'origine intervenir dans ces
domaines.
Initialement, la différence entre ces deux groupes de
C.A. non seulement résidait dans le fait que le premier possédait
un pouvoir législatif dans des domaines importants, mais aussi dans la
mesure où il existait une grande inégalité dans les
transferts de services émanant de l'Etat et les ressources
financières correspondantes. En effet, pour chaque transfert de
compétence se réalisait une évaluation corrélative
des coûts et l'Etat transférait à la C.A. les ressources
économiques nécessaires pour son fonctionnement.
Cette configuration asymétrique de l'autonomie des C.A.
espagnoles accrédite donc l'idée d'une évidente rupture
avec l'hypothèse d'un Etat fédéral puisque ces derniers
garantissent une pleine égalité constitutionnelle entre leurs
Etats membres, alors que l'Etat autonomique présente des
différences structurelles entre ses C.A. ; la doctrine espagnole
parle ainsi de « faits différentiels ».
2_Evolution constitutionnelle jusqu'au régionalisme
asymétrique de l'Espagne actuelle ; le fruit de l'exercice d'un
pouvoir monopolistique d'interprétation du juge constitutionnel :
l' « Etat jurisprudentiel autonomique »
a- L' « Etat
jurisprudentiel autonomique »
Le principe d'autonomie ne permet pas à lui seul
d'encadrer la réalité évolutive de l'Etat autonomique, ni
dans sa construction initiale, ni dans sa dynamique interne.
En effet, l'activation du principe d'autonomie n'est possible
que si celle-ci est corrélée à celle du principe
dispositif, c'est-à-dire la libre volonté et initiative des C.A..
Le processus autonomique révèle donc le
défi posé par la Constitution de 1978, à savoir la
conjugaison des principes d'unité et de diversité (base unitaire
et relief constitutionnel des caractéristiques
différentielles).
S'il ne fait guère de doute que le constituant de 1978
n'avait pas réellement précisé le type d'Etat qu'il
s'agissait de mettre en place, il apparaît clair que c'est bien la
jurisprudence du T.C. qui déterminera, au regard de la CE, les limites
constitutionnelles de l'exercice du droit d'autonomie des C.A. et donc la
configuration du modèle organisationnel de l'Etat espagnol.
Ainsi, dés les premières décisions du
T.C., il ne fait plus de doute que le pouvoir politique est bien
désormais partagé entre les entités que constituent
respectivement l'Etat et les C.A..
En effet, dés sa première décision (sur
recours en inconstitutionnalité) du 2 février 1981, relative
à la loi instituant les bases du régime local du 24 juin 1955, le
T.C. évoquait la « conception large et complexe de l'Etat,
composée par une pluralité d'organisations à
caractère territorial, dotées de l'autonomie ».
Quant au principe même d'autonomie, qui par nature
évoque un pouvoir limité, le T.C. a jugé avec force de son
incompatibilité avec la notion de dépendance hiérarchique,
notamment dans sa décision n°76/1983 du 5 aout 1983 relative au
projet d'harmonisation du processus d'autonomie : « le pouvoir
de surveillance ne peut placer les C.A. dans une situation de dépendance
hiérarchique à l'égard de l'administration de
l'Etat ».
Le T.C. a ainsi d'abord admis, en terme prudent, qu'il
s'agissait d'une autonomie « qualitativement supérieure
à l'autonomie administrative » dans sa décision
n°4/1981 du 2 février 1981.
Ainsi, les CA, sans constituer un Etat au sens plein du terme,
se sont néanmoins vu progressivement reconnaitre une nature politique.
En effet, dans sa décision du 14 juillet 1981 (sur recours en
inconstitutionnalité), le T.C. précise que « les
C.A.... disposent d'une autonomie qualitativement supérieure à
l'autonomie administrative attribuée aux entités locales puisque
s'y ajoutent des pouvoirs législatifs et de gouvernement qui en font une
autonomie de nature politique ».
La théorie de l'Etat composite, ou
« Estado compuesto », a été elle reprise par
des décisions ultérieures ; on mentionnera par exemple la
décision, rendue sur conflit de compétence, du 28 janvier 1982,
dans laquelle la haute juridiction se réfère aux Etats, qui comme
l'Espagne, « ont une structure interne non uniforme, mais plurale et
composite quant à leur organisation territoriale ».
Le concept d'« Etat des autonomies » sera
plus tard consacré dans au moins deux décisions ; il s'agit
de la décision n° 64/1982, relative à la loi catalane de
protection des espaces naturels dans laquelle le tribunal se
réfère à la collaboration entre l'Etat et les C.A.,
« nécessaire au bon fonctionnement de l'Etat des
Autonomies » et surtout la décision n°78/1983 du 5 aout
1983 qui évoque à son tour « le bon fonctionnement de
l'Etat des autonomies ».
Dans le même ordre d'idée, la décision
35/1982 du 14 juin 1982 (sur recours en inconstitutionnalité), relative
à la création, au pays basque, du Conseil des Relations du
Travail, évoque le double principe constitutionnel de
l'« unité indissoluble de la nation espagnole » et
du « droit à l'autonomie » dont
bénéficient les nationalités et les régions et
estime qu'ils déterminent « implicitement la forme composite
de l'Etat en fonction de laquelle il y a lieu d'interpréter tous les
concepts constitutionnels ».
La même formule se retrouve plus nette dans la
décision n° 27/1983 du 20 avril 1983 dont la motivation souligne
l'importance du critère de compétence « dans un Etat
composite ou le pouvoir normatif et le pouvoir d'exécution peuvent ne
pas être attribués, pour une même matière, à
une même autorité ».
Ainsi, le modèle autonomique espagnol suit une
configuration particulière parmi ceux que présentent les
démocraties occidentales, dans la mesure la construction de l'Etat des
autonomies a été très largement insufflée et
orientée par la jurisprudence de la plus haute juridiction. En effet,
les interprétations du juge constitutionnel, par touches successives,
permettent aujourd'hui de définir et de mieux situer l'Etat et les C.A.
(dans le schéma de distribution territorial du pouvoir en Espagne), dont
les relations réciproques, à peine ébauchées par le
texte constitutionnel, sont les garantes d'un fonctionnement harmonieux du
système.
Comme nous l'avons vu dans cette première partie, le
juge constitutionnel dispose, de par une configuration particulière de
l'organisation du pouvoir dans l'Etat espagnol, d'attributions tant diverses
qu'étendues et se place donc, à se titre, à la tête
même du système institutionnel.
D'autre part, nous avons également pu mettre en exergue
le rôle déterminant du T.C. espagnol dans le processus de
construction autonomique, dans la mesure où sa jurisprudence a
très rapidement dû compenser les lacunes et imprécisions du
texte constitutionnel.
Néanmoins, il convient de rappeler que le processus
d'autonomie n'est pas achevé et que le pacte autonomique conclu entre
l'Etat et les C.A. est amené à évoluer.
Le T.C. a donc vocation à se porter garant du maintient
de ce système autonomique dans la mesure où il exerce un
contrôle étendu et multiforme C.A..
D'autre part, et paradoxalement, le juge constitutionnel est
également amené, de par l'exercice de cette compétence
décisive qu'est la résolution des conflits de compétence
qui surgissent entre Etat et C.A., à faire évoluer le
modèle autonomique suivant que sa jurisprudence tranche en faveur d'une
autonomie accrue ou non des C.A.
Sous quels aspects les plus probants s'illustre le
caractère décisif de la jurisprudence du T.C. dans
l'évolution du système autonomique ?
Comment et dans quelle mesure, la juridiction suprême
contribue t-elle paradoxalement au maintient du modèle espagnol tel
qu'il est schématisé par la CE, par le contrôle des C.A.
elles-mêmes ?
II La jurisprudence du juge constitutionnel espagnol,
au coeur de l'évolution et du maintient de l'Etat autonomique, par
essence évolutif
Il y a conflit de compétences lorsqu'un des organes
de l'Etat prend une décision qui ne lui correspond pas de prendre, ou
lorsque celui-ci agit dans un champ hors de son domaine de compétence en
interférant dans les attributions de d'autres organes qui leur sont
assignées par la Constitution ou les lois organiques.
Nous allons laisser de coté les conflits relatifs aux
organes constitutionnels de l'Etat (qui sont, comme le précise la
Constitution de 1978, le Gouvernement, le Congrès des
députés, le Sénat, le Conseil Général du
Pouvoir Judiciaire et le Tribunal des Comptes) dont la résolution
revient également au T.C., pour nous attacher à l'étude
des conflits de compétences qui peuvent intervenir dans le cadre de
l'Etat autonomique, entre Etat central et C.A. afin de comprendre de quelle
façon le T.C. constitue un acteur clé dans l'évolution de
modèle autonomique espagnol ; entre l'accroissement de l'autonomie
accordées au C.A. (A) et maintient du système par leur
contrôle (B).
A L'évolution du modèle autonomique de
l'Etat à travers la résolution des conflits de compétences
entre C.A. et Etat par le juge constitutionnel
La CE et la L.O.T.C. confèrent au T.C. cette
attribution essentielle qu'est la résolution des conflits de
compétence entre Etat et C.A. ; on va donc tout d'abord
étudier le cadre juridique de cette compétence de la juridiction
suprême (1), puis évaluer de quelle façon sa jurisprudence
contribue très largement à faire évoluer la configuration
même de l'Etat des autonomies (2).
1_ Le T.C., juge des conflits entre CCAA et Etat...
a- Définition et cadre juridique du conflit de
compétence
L'article 161.1.c de la CE reconnait la compétence
du T.C. en matière de conflit de compétence entre les C.A. et
l'Etat, et entre les C.A. entre elles.
Il convient également de s'en remettre au titre IV de
la L.O.T.C. consacré aux conflits constitutionnels et venu
compléter la disposition constitutionnelle.
Un conflit constitutionnel de compétence peut donc se
présenter entre l'Etat et une C.A., et entre au moins deux C.A. entre
elles.
La L.O.T.C. distingue en ses articles 60 et suivants, les
différents conflits de compétence en distinguant les conflits
positifs (Art. 62 à 67 L.O.T.C.) de ceux négatifs (Art. 68
à 72 L.O.T.C.).
Les conflits positifs de compétences sont ceux qui sont
générés entre l'Etat et les C.A. lorsque les deux
considèrent qu'une disposition déterminée émane du
champ de compétence qui lui correspond.
A l'inverse, le conflit négatif de compétence
est celui déclenché lorsque l'Etat ou une C.A. ne se
considère pas compétent pour édicter une norme dans une
matière qu'il considère correspondante à la
compétence de la C.A. ou de l'Etat.
L'article 62 de la L.O.T.C. établit qu'il revient au
Gouvernement, quand il considère qu'une disposition ou résolution
d'une C.A. ne respecte pas la répartition des compétences
précisée dans la Constitution, les statuts d'autonomie ou bien
encore dans les lois organiques, de saisir directement le juge constitutionnel,
dans un délai de deux mois, pour connaître de ce conflit de
compétence. Corrélativement, si une C.A. considère que
l'Etat ou une autre C.A. méconnait la répartition
constitutionnelle des compétences, il revient à ses organes
exécutifs eux-mêmes de saisir le T.C..
b- Les normes objets du conflit de compétence
Si la Constitution ne le précise pas, la L.O.T.C.,
en son article 28.1 prévoit de son coté que les conflits positifs
résultant de normes législatives doivent faire l'objet d'un
contrôle de constitutionnalité concret ou abstrait. De la
même façon, dans l'hypothèse d'un conflit négatif de
compétence, il apparait impossible que le juge constitutionnel impose
une obligation d'agir aux Cortes, dans la mesure où celles-ci sont
inviolables (Art. 66, al. 3). De même, les actes juridictionnels ne
peuvent pas non plus être l'objet d'un conflit de compétence
puisque, comme nous l'avons précisé plus haut, les C.A. ne
disposent pas d'un pouvoir judiciaire autonome. En ce qui concerne les normes
de caractère administratif, à savoir si celles-ci peuvent faire
l'objet d'un conflit de compétence entre l'Etat et les C.A., la question
fut plus difficile à trancher. En effet, si le contrôle de la
légalité et de la constitutionnalité de l'administration
autonome, ainsi que celui des normes réglementaires qu'elle émet,
comme celui de n'importe quelle autorité administrative, relève
de la juridiction contentieuse administrative et bien, l'article 161.2 de la CE
semble semer le doute de la possibilité de contester ces normes,
également, devant le T.C. En effet, cet article dispose « le
Gouvernement pourra contester devant le T.C. les dispositions et les
résolutions adoptées par les organes des C.A. ». Il
s'agit donc la d'un véritable double contrôle puisque, selon
l'article 77 de la L.O.T.C., la contestation devant le TC pouvait être
envisagée « quelle que soit la raison sur laquelle elle serait
fondée ». L'interprétation littérale de cette
formule conduisait donc à penser que les dispositions et
décisions émanant des C.A. pouvaient être contestées
sur la base de leur inconstitutionnalité ou illégalité, ce
qui évidemment, n'est pas du ressort du contrôle du juge
constitutionnel, qui précise dans ses décisions du 66/1991 du 22
mars 1991 et 64/1990 du 5 avril 1990 que sa compétence de juge
constitutionnel se borne à juger de la conformité à la
norme fondamentale.
2_ L'évolution du droit constitutionnel entre les
mains du juge constitutionnel
a La répartition constitutionnelle des
compétences entre l'Etat et les C.A. et le déséquilibre au
profit de l'Etat
L'article 148 de la Constitution énumère les
différentes compétences que pourront, en exclusivité,
assumer les C.A.
En vertu du principe dispositif qui gouverne le processus
d'attribution de leurs compétences, ces dernières peuvent ainsi
inclure dans leur statut d'autonomie les compétences qu'elles souhaitent
exercer, mais ceci toujours dans le cadre de la « via » ou
modalité du processus d'autonomie choisie (celle précisée
à l'article 148 ou bien celle de l'article 149 de la CE) et ceci dans
le respect de la réserve de compétences exclusives de l'Etat
(Art.149.1 CE).
Ainsi les C.A. qui ont choisi la voie d'accès à
l'autonomie prévue à l'article 148 de la CE disposent au moment
de se constituer d'un niveau inférieur de compétences que celles
qui ont suivies la voie de l'article 149 de la CE.
Pour leur part, les Communautés d'autonomie
renforcée ayant choisi la voie de l'article 149 CE peuvent disposer de
davantage de compétences que celles prévues à l'article
148 de la CE mais ne pourront néanmoins en aucun cas, assumer les
compétences dévolues exclusivement à l'Etat et contenues
dans l'article 149.1 de la norme fondamentale.
Comme toutes les matières ne sont pas incluses,
l'article 149.3 de la CE présente une « clause de
disposition » au profit des C.A. : « les
matières non attribuées expressément à l'Etat dans
cette Constitution pourront correspondre aux C.A., en vertu de leurs propres
statuts d'autonomie. »
D'autre part, ce même article pose également une
clause résiduelle de compétence au profit de l'Etat en disposant
« la compétence en ces matières, non prévues par
les statuts d'autonomie, correspondront donc
résiduellement à l'Etat ».
Bien qu'ouvrant le droit aux C.A. d'amplifier leurs
compétences, la clause résiduelle au profit de l'Etat souligne la
encore un déséquilibre profond dans la distribution territoriale
de l'Etat et met en exergue la rupture du modèle espagnol avec le
fédéralisme, qui lui a coutume de faire bénéficier
de la clause résiduelle de compétences aux Etats
fédérés et non à l'Etat fédéral.
L'article 161.2 de la Constitution précise
« le Gouvernement pourra contester devant le T.C. les dispositions
et résolutions adoptées par les organes des C.A.. Cette
contestation produira la suspension de la disposition ou résolution en
question ; néanmoins, le T.C. devra alors délibérer
dans un délai limité à cinq mois ». L'Etat, en
ayant le privilège de voir suspendre automatiquement l'exécution
des actes contestés émanant des organes des C.A. jusqu'à
la sentence du T.C., jouit d'un déséquilibre important du point
de vue processuel, maintenant ainsi un avantage dont ne
bénéficient pas les C.A.. Pour maintenir la suspension de la dite
disposition ou résolution, qui produit un déséquilibre
majeur au profit de l'Etat, le T.C. fait donc preuve d'une considérable
rigueur, imposant donc un certain nombre de critères à
satisfaire. Le T.C. a donc tenté de faire un usage restreint de cette
suspension ; en atteste ses décisions n° 4/1981, 25/1981 et
76/1983 où il a écarté très directement la
suspension en question des actes autonomiques contestés.
Pour sa part, l'article 149.3 de la CE dispose :
« les normes étatiques prévaudront, en cas de conflit,
sur celles des CA, dans toutes les matières ou elles ne disposent pas
d'une compétence qui leur a été expressément
attribuée. Le droit étatique sera, dans tous les cas,
prévalent sur le droit des C.A. ».
Ce principe de prévalence du droit étatique joue
donc dans le cas ou Etat et C.A. disposent d'une compétence concurrente
en une même matière ; ainsi lorsque l'Etat adopte une norme
en vertu de la compétence dont il dispose en la dite matière,
celle-ci prime, en cas de conflit, sur celle, concurrente, de nature
autonomique. Là encore, peut être mis en relief l'ascendant de
l'Etat sur les C.A. en matière de conflit de compétence. Le juge
constitutionnel va donc être amené à, sinon corriger le
déséquilibre aménagé par la Constitution, tenter
par sa jurisprudence de maintenir celui-ci cohérent et opportun.
b- Le contrôle du juge constitutionnel, source
d'évolution du droit modèle autonomique espagnol
En tant que juge des conflits de compétences qui
peuvent intervenir entre l'Etat et les C.A., le juge constitutionnel joue un
rôle éminent dans l'évolution du droit constitutionnel
espagnol. En effet, même si le constituant de 1978 a fixé un
certain nombre de compétences que seul
Madrid peut assumer, les C.A., en vertu du principe
dispositif, peuvent
acquérir, comme nous l'avons plus haut, des
compétences croissantes qui seront directement intégrées
dans leur statut d'autonomie et feront donc partie intégrante de
l'ordonnancement juridique.
Le T.C. espagnol a donc la lourde tache de veiller à ce
que cette amplification statutaire des compétences des C.A. ne
bouleverse pas le droit constitutionnel espagnol vers une dérive
fédéraliste du système.
Le T.C. joue donc à ce titre un rôle central dans
l'évolution de la distribution territoriale du pouvoir, en se chargeant
à la fois de veiller à ce que les C.A. puissent assurer, si elles
le souhaitent, les compétences que la Constitution leur laisse ouvertes
et d'autre part à ce qu'elle n'outrepassent pas le seuil de
compétence fixé par la norme fondamentale.
Enfin, la haute juridiction doit également veiller,
comme nous l'avons vu plus haut, à ce que le déséquilibre
constitutionnel institué par l'article 149.3 CE (clause de
prévalence du droit étatique en cas de conflit de
compétence concurrente) soit opportun, en un mot, qu'il joue en faveur
de l'intérêt général de l'Etat espagnol.
Le T.C. constitue donc, en tant que juge des conflits entre
Etat et C.A., une source éminente du droit et sa jurisprudence
s'avère déterminante dans l'évolution de la configuration
autonomique de l'Etat espagnol.
Le nombre de conflits de compétence
présentés devant le T.C. a été relativement
important dans les années 1980. Une des raisons qui a permis la baisse
des conflits depuis les années 1990 a bien été la
jurisprudence même du T.C., qui en résolvant les problèmes
de compétences, en indiquant à l'Etat et aux C.A. l'orientation
à suivre, a permis d'éviter de nombreux conflits. Ce facteur a
été très important dans les premières années
de vie de la Constitution, une époque de grande désorientation
à propos de la distribution des compétences.
Désormais les conflits entre Etat et C.A. se font plus
rares et la jurisprudence constitutionnelle se fait dernièrement,
relativement plus favorable aux C.A..
En atteste la décision n° 165/1994 du 26 mai 1994
du T.C., saisi par le gouvernement central d'un conflit positif de
compétence entre l'Etat et la C.A. du pays basque.
Le T.C. déclare valide la compétence de cette
communauté pour créer un « office de
représentation du gouvernement basque auprès des institutions
communautaires, à Bruxelles ».
Il s'agissait là, pour le juge constitutionnel, de
trancher la question de savoir si la création de cet office,
chargé de représenter la C.A. basque à l'échelle
européenne, rentrait ou non dans le champs de l'article 149.1.3° de
la CE, relatif à la compétence exclusive de l'Etat en
matière de relations internationales.
La position du juge constitutionnel est donc surprenante et
avant tout innovante puisque le T.C. admet que « la dimension externe
d'une affaire ne permet d'effectuer une interprétation extensive de
l'article 149.1.3° de la CE ». Il rappelle également
l'interdiction aux C.A. dotées d'une « autonomie politique,
mais non sujets de droit international, de participer aux relations
internationales et, par conséquent de conclure des traités avec
des Etats souverains et des organisations internationales
gouvernementales » mais souligne néanmoins le caractère
intrinsèque du droit communautaire, dans lequel l'Espagne agit au
travers d'une structure juridique « très différente de
celle traditionnellement utilisée en matière de relations
internationales » et va même jusqu'à considérer
que l'ordre communautaire peut être considéré à
certains égards, « comme un ordre interne » et
légitime ainsi la possibilité pour la C.A. de créer un
office gouvernemental basque à Bruxelles : « la
compétence étatique, en matière de relations
internationales habilite les organes étatiques à gérer et
coordonner les activités à portée extérieure des
C.A. de telle sorte qu'elles ne conditionnent ni n'affectent la politique
extérieure,
compétence exclusive de l'Etat ».
Si le T.C. espagnol semble ici faire une interprétation
plus que restrictive de l'article 149.1.3° CE, il rappelle cependant le
cadre juridique dans lequel, selon lui, les C.A. peuvent user de cette position
doctrinale : « la possibilité des C.A. de mener à
bien des activités engendrant des répercussions à
l'étranger est limitée aux seules activités
nécessaires pour l'exercice de leurs compétences dès lors
qu'elles ne génèrent des obligations immédiates
vis-à-vis d'autres pouvoirs publics étrangers, ni
n'interfèrent dans la politique extérieure de l'Etat, ni
n'engagent la responsabilité de ce dernier à l'égard
d'Etats étrangers ou d'organisations inter ou
supranationales ».
En faisant ici une interprétation restrictive de
l'article 149.1.3° de la CE, le juge constitutionnel admet ainsi la
possibilité pour les C.A. de se faire représenter, de
façon autonome et indépendante de l'Etat, à
l'étranger et en l'espèce, auprès de la Commission
Européenne. Des lors, le TC, sans le prononcer, contribue par cette
décision quelque peu surprenante à dégager du monopole
étatique, dans une mesure certaine, la sphère sacro-sainte des
relations internationales.
On peut ainsi relever le rôle déterminant du
juge constitutionnel dans l'évolution du système autonomique
espagnol, suivant qu'il accorde ou non une autonomie conséquente ou
étendue aux C.A.. On peut dès lors très
légitimement affirmer que de sa jurisprudence dépend, dans une
importante mesure, le devenir de l'Etat des autonomies et de la configuration
de sa distribution territoriale du pouvoir entre C.A. et Etat.
B Le contrôle des C.A. ou le juge
constitutionnel, garant du maintient du système autonomique dans la
tentation fédéraliste
Le contrôle des C.A. relève très
largement du T.C., ce qui renforce d'autant son rôle déterminant
dans le système politique espagnol.
En effet, il a en charge le contrôle des parlements et
exécutifs autonomes et s'assure que, dans le cadre de leur mission, ils
respectent tant la Constitution de l'Etat que le statut d'autonomie de la
C.A..
Les C.A., comme nous l'avons vu plus haut, ne disposent pas du
pouvoir judiciaire. Néanmoins, les statuts d'autonomie doivent
prévoir l'existence, dans la C.A., d'un tribunal Supérieur de
Justice qui sera l'autorité judicaire supérieure sur le
territoire de la CA mais ce tribunal supérieur de justice demeure soumis
au tribunal suprême de l'Etat et fait partie intégrante du pouvoir
judicaire de l'Etat. Autrement dit, en matière de justice, les C.A. sont
simplement un ressort territorial du pouvoir judicaire de l'Etat.
En revanche, les C.A. disposent d'assemblées
délibérantes et exécutives propres dont l'activité
est soumise au contrôle du TC.
Quelle est l'étendue du contrôle exercé
par le T.C. sur les C.A. et sous quels aspects les probants s'exerce
t-il ?
Nous allons donc étudier dans un premier temps le
contrôle, par le juge constitutionnel, des assemblées
délibérantes des C.A (1), puis nous attacherons de cerner
l'étendue du double contrôle de constitutionnalité
opéré par le T.C. sur l'activité des C.A. (2).
1 Le contrôle par le juge constitutionnel des
parlements des C.A.
Les parlements des C.A. désignés
« assemblées délibérantes », si ils
disposent du pouvoir législatif, les lois qu'ils édictent sont
soumises au contrôle du TC dans les mêmes conditions que les lois
de l'Etat, c'est-à-dire dans le cadre de la procédure de
contrôle des normes, contrôle
abstrait ou contrôle concret selon les cas.
Par ailleurs, leurs règlements sont également
soumis au contrôle tribunal suprême. Enfin, leurs actes sans force
de loi qui violent les droits fondamentaux sont susceptibles de recours
d'amparo (également exercé par le juge constitutionnel).
S'agissant maintenant des exécutifs autonomes, ils
peuvent très bien édicter des normes à valeur
législative.
En effet, il leur suffit par exemple que le statut d'autonomie
prévoit la possibilité pour l'assemblée législative
de la CA de déléguer son pouvoir législatif à
l'exécutif autonome et qu'une telle loi d'habilitation ait
été consentie.
Les décrets législatifs (Art. 85 CE) que peut
alors édicter l'exécutif de la CA sont susceptibles d'être
déférés au T.C., tout comme les décrets
législatifs de l'Etat, dans le cadre général de la
procédure de contrôle des normes.
Quant aux normes administratives, le T.C. ne peut à
première vue être compétent que dans deux
hypothèses. Tout d'abord, il connait des recours d'amparo contre les
actes des organes administratifs des C.A. qui portent atteinte aux
libertés publiques et droits fondamentaux. Ensuite, il connait des
conflits constitutionnels lorsque l'administration autonome exerce une
compétence que revendique également l'Etat (conflit positif
de compétence) ou lorsqu'il y a conflit négatif d'attribution.
Alors, l'article 161.2 CE prend tout son relief, en ce sens
qu'il donne, comme il a été vu plus haut, un effet suspensif aux
recours déclenchés par le gouvernement mais permet
également au Gouvernement de déférer avec ledit effet
suspensif, au T.C., tout acte administratif émanant des C.A. qui
contrevient à une norme faisant partie du bloc de
constitutionnalité même si d'aucune façon
n'est en cause un conflit de compétence.
Quoi qu'il en soit, le contrôle susceptible
d'être exercé par le T.C. sur les C.A. est de toute façon
étendu. Il l'est d'autant plus que la juridiction s'assure que, non
seulement la production normative des C.A. respecte la constitution de l'Etat,
mais qu'elle respecte aussi le statut d'autonomie de la C.A..
2 Le double contrôle par le T.C., du respect de la
Constitution et des statuts d'autonomie par les C.A.
En Allemagne, le T.C. fédéral contrôle
la conformité du droit des landers exclusivement par rapport à la
Constitution du bund, c'est-à-dire de l'Etat fédéral
d'Allemagne.
En revanche, le contrôle de la conformité du
droit local à la Constitution des landers relève de la
compétence des T.C. qui sont institués dans chaque land. En
d'autre terme, le contrôle de la constitutionnalité des normes des
landers est partagé entre la Cour de Karlsruhe, pour ce qui concerne le
respect de la Constitution fédérale, et les T.C. des Etats
fédérés, pour ce qui concerne le respect de la
constitution des landers. La compétence de la Cour
fédérale n'est donc pas totale en la matière.
Il n'en va pas de même en Espagne. En effet, de
même qu'il n'y a pas dans les C.A., de juridiction ordinaire propre mais
exclusivement des tribunaux relevant des pouvoirs judiciaires de l'Etat, il n'y
a pas de juridiction constitutionnelle spéciale. Comme l'indique
l'article 1.2 de la L.O.T.C., le T.C. espagnol est unique dans sa
catégorie et a juridiction sur tout le territoire national. D'autre
part, que ce soit dans
le cadre du contrôle des normes ou dans celui des
conflits constitutionnels, il s'assure du respect non seulement de la
Constitution mais aussi des statuts d'autonomie. Il s'agit donc là un
contrôle double de constitutionnalité.
Le T.C. peut donc prononcer l'annulation d'une loi
régionale aussi bien pour violation de la Constitution de l'Etat que
pour méconnaissance du statut de la C.A. concernée.
A la différence de ce qu'il se passe en Allemagne, le
T.C. espagnol assure donc intégralement « le contrôle
des systèmes juridiques autonomes ».
Ainsi, un même organe, le T.C., contrôle
à la fois les trois pouvoirs fondamentaux de l'Etat ainsi que les
dix-sept systèmes autonomes en s'assurant qu'ils respectent la loi
fondamentale et les normes qui en développent le contenu. Il est donc
évident que cela fait de lui un acteur décisif dans le
système politique espagnol de sorte qu'il participe à
« la direction politique de l'Etat » en veillant à
ce que ces divers centres de pouvoirs n'outrepassent pas leurs
compétences, au détriment des autres. Le T.C. contribue ainsi
très largement au maintient du modèle autonomique tel qu'il est
ébauché par le texte constitutionnel
A l'heure actuelle où la tentative
fédéraliste devient éminente (on discute actuellement dans
la commission parlementaire concernée d'une réforme
constitutionnelle visant à éliminer le principe dispositif
visé à l'article 2 de la CE), le T.C. apparait, chaque fois plus,
amené à jouer un rôle déterminant dans la
conservation du système.
Comme nous l'avons ainsi démontré tout au
long de notre étude, le juge constitutionnel espagnol a joué et
joue actuellement un rôle prépondérant dans l'Etat des
autonomies espagnol.
En effet, la configuration sui generis de l'Etat
autonomique lui confère des attributions aussi vastes que diverses dont
ne peuvent s'enorgueillir les autres juridictions suprêmes des Etats
fédéraux ou unitaires.
Ainsi, comme nous l'avons vu dans un premier temps, le T.C.
espagnol a, de par un modèle d'organisation territorial du pouvoir en
suspension, non défini par le constituant, très largement
contribué à la construction même de l'Etat des autonomies
en apportant ainsi ses interprétations déterminantes des
principes constitutionnels d'autonomie et d'unité.
La doctrine a ainsi été amenée à
parler de l' « Etat jurisprudentiel autonomique ».
En effet, l'Etat des autonomies n'étant pas
constitutionnalisé, il a ainsi été, dans une très
large mesure, le fruit de la jurisprudence du juge constitutionnel.
Nous avons également pu voir, dans un second temps,
de quelle façon une des attributions essentielle de la juridiction
suprême, celle de la résolution des conflits de compétence
entre l'Etat et les C.A., contribuait très largement à
déterminer la configuration de cet Etat des autonomies, selon que le
T.C. tranche en faveur de l'Etat ou de la C.A..
Nous avons ainsi pu constater la mesure dans laquelle le juge
constitutionnel constitue un acteur clé dans l'évolution du
modèle lui-même d'organisation territoriale du pouvoir.
Enfin, nous nous sommes attachés à
étudier le rôle du T.C. dans le contrôle des C.A. et avons
ainsi étudié, par là même, la
prééminence de sa jurisprudence dans la conservation d'un
modèle de base unitaire à l'heure actuelle tenté par la
constitutionnalisation fédéralisante du système.
En effet, passé plus de vint-cinq ans de processus
autonomique, beaucoup s'accordent à dire qu'il serait temps que
l'Espagne constitutionnalise son modèle définitivement, et
qu'elle donne des solutions constitutionnelles à la
conflictualité Etat/CA.
Dés lors, le juge constitutionnel apparaît
amené à jouer un rôle nouveau.
Si l'Etat autonomique veut prétendre à un
système général et cohérent, de nombreuses
réformes semblent nécessaires, tant structurelles que
fonctionnelles, mais aussi quant à certains principes
constitutionnels.
Ainsi, outre la suppression du principe dispositif, qui a
permis d'ébaucher la configuration du modèle autonomique et qui
se traduit peu à peu chaque fois plus comme un moyen pour les C.A. de
refuser l'attribution de compétences impopulaires (comme par exemple, la
compétence en matière de gestion des prisons n'est à
l'heure d'aujourd'hui qu'uniquement assumée par la C.A. de Catalogne),
est également envisagée, depuis un dizaine d'années la
réforme du Sénat, de façon à tendre vers une
représentation en son sein plus conséquente des C.A., à
l'instar de la chambre basse dans les Etats fédéraux.
Dans une telle conjoncture, il apparait donc légitime
de s'interroger sur l'avenir du rôle du T.C. espagnol qui semble
être amené, dans une telle configuration, à être
redéfini, pour tendre vers les attributions classiques et basiques de
ses homologues fédéraux.
En effet, s'il convient de s'accorder sur la
nécessité de sortir d'un « Etat à la
carte », comme le rappelle le rapport de la Commission
Européenne du 6/09/1997 (qui appelle à une clarification des
modèles européens atypiques d'organisation du pouvoir ;
à savoir, ni fédéraux, ni unitaires), il y a tout lieu de
s'attendre à une diminution du rôle de la juridiction
suprême espagnole.
Dés lors, dans un Etat autonomique amené
à évoluer et par là même à trancher pour un
modèle d'organisation constitutionnalisé du pouvoir, quelle
place, le juge constitutionnel espagnol va-t-il être amené
à jouer ? Autrement dit, dans quelle mesure la refonte du
modèle espagnol, par une réforme constitutionnelle devenant
insistante, pose t-elle également celle du rôle du Tribunal
Constitutionnel ?
Bibliographie
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Presses
Universitaires de France, 1996, 3e ed.
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Tribunal
Constitucional, Madrid, Civitas, 1985
(4e éd.).
- E. Alvarez Condé, Curso de derecho
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Madris, Tecnos, 1997.
- L. Favoreu, «Le modèle européen de
la Cour constitutionnelle»,
Cahiers Français n° 268 (« Les
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perspective »), 1994, p. 9-19.
- M. Ramirez, Manual de derecho constitutional I,
1996, Madrid,
Tecnos.
- M. Ramirez, Manual de derecho constiutcional II,
1998, Madrid,
Tecnos.
- Dimitri Lavroff, La pratique constitutionnelle en
France et en
Espagne de 1958 et 1978 à 1999, Presses
Universitaires de Bordeaux,
2001.
- F. Rubio LLorente et J. Jimenez Campo, Estudios sobre
la
jurisdiccion constitucional, Madrid, 1997.
- E. Aja, El sistema juridico de las Comunidades
Autonomas, 1985,
Madrid, Tecnos.
- L. Favoreu et A. Pena-Gaia, La justice
constitutionnelle II. Belgique,
Espagne, Italie, Allemagne, 1998, Paris, La
documentation Française.
* 1 Art. 2 CE.
* 2 Art 143.1 CE.
* 3 Expression consacrée
par les décisions du T.C. n° 64/1982 et n° 78/1983.
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