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Les déterminants de la mortalité infanto-juvénile au Tchad

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par Tao Vridaou
Institut de Fomation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie (DESSD) 2004
  

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CHAPITRE IV 

NIVEAU ET TENDANCE DE LA MORTALITE INFANTO JUVENILE

Aux trois premiers chapitres, nous avons fait une littérature sur les déterminants qui peuvent, de manière directe ou indirecte, entraîner les décès des enfants de moins de cinq ans. Nous avons en outre présenté le contexte de l'étude et la démarche méthodologique à suivre pour appréhender ce phénomène au Tchad. Le présent chapitre a pour but d'analyser ce phénomène à l'aide des données de l'enquête démographique et de santé du Tchad de 1998. Par une approche descriptive.

L'approche consiste à identifier d'éventuelles associations entre les variables dépendantes et les variables indépendantes retenues dans cette étude. Dans les différents cas à analyser, il s'agit de croiser chaque variable indépendante avec une de nos variables dépendantes et d'apprécier le degré de leur relation par le test de Khi-deux au seuil de 5%. Ainsi, on dira que deux variables sont significativement associées, si la probabilité produite par le test est inférieure à 0,05.

4.1. Niveau de la mortalité des enfants au Tchad

Le croisement de chacune des variables indépendantes représentatives des facteurs culturels, socio-économiques et contextuels avec les variables dépendantes (mortalité infantile, mortalité juvénile et mortalité infanto-juvénile) donne les résultats consignés dans les Tableaux 13, 14, 15, 16 et 17. Il en sort que, toutes choses étant égales par ailleurs, les proportions de la mortalité infantile, juvénile et infanto-juvénile sont respectivement de 9,5%, 4,5% et 14,0%. La répartition irrégulière de la mortalité de moins de cinq ans est vérifiée : deux tiers (0,67) de la mortalité infanto-juvénile se trouvent chez les moins d'un an et un tiers (0,33) chez les enfants de 1 à 4 ans révolus.

4.1.1. Variations du niveau de mortalité des enfants selon les variables culturelles

Il ressort du tableau n°14 ci-dessous que les facteurs culturels n'entretiennent pas toujours d'association significative avec les trois composantes de la mortalité (mortalité infantile, juvénile et infanto-juvénile).

Tableau 14 : Risques de décès des enfants selon les facteurs culturels

Facteurs culturels

%0 Mi

Effectif total

Proba de Khi2

%0 Mj

Effectif total

Proba de Khi2

%0 Mij

Effectifs total

Proba de Khi2

Milieu social

- grandes villes

- petites villes

- milieu rural

97

97

98

740

863

5769

0,886ns

100

89

97

740

863

5770

0,407ns

168

185

208

740

863

5769

0,008***

Religion

- catholique

- protestant

- musulman

- sans religion

109

93

90

147

1806

1278

3949

270

0,024**

112

96

89

92

1806

1279

3949

269

0,056*

222

197

189

226

1805

1278

3948

269

0,046**

Ethnie

- gorane

- arabe

- ouaddai

- baguirmi

- kanem

- fitri-ba

- hadjarai

-lac iro

- sara

- tandjilé

- peul

- kebbi

69

83

84

81

99

112

95

98

68

147

107

107

357

827

857

96

712

419

361

73

2217

500

155

768

0,001***

119

59

75

74

117

121

83

228

73

133

48

105

356

827

857

96

712

419

362

72

2217

500

156

768

0,001***

185

141

183

139

217

238

193

362

214

263

150

168

357

827

858

97

713

419

362

73

2216

501

156

767

0,000***

Niveau femme

- sans niveau

- primaire

- secondaire +

89

83

102

5883

1400

213

0,128ns

99

94

69

5883

1400

214

0,649ns

204

195

111

5882

1400

214

0,002***

Niveau homme

- sans niveau

- primaire

- secondaire +

87

98

99

4566

1853

885

0,173ns

100

107

69

4566

1853

884

0,010***

205

214

149

4566

1854

885

0,001***

Ensemble

97

565

 

96

585

 

199

1355

 

%0Mi: risque de décès infantiles ;

%0Mj: risque de décès juvéniles ;

%0Mij: risque de décès infanto-juvéniles ;

ns = relation non significative ;

* = relation significative au seuil de 10% ;

**= relation significative au seuil de 5% ;

***= relation significative au seuil de 1%.

Sous réserve d'une analyse approfondie, le milieu de socialisation23(*) de la mère n'entretient pas une relation significative avec les deux composantes de la mortalité (mortalité infantile et juvénile). En effet, la non association entre le milieu d'enfance de la mère et la mortalité des enfants peut s'expliquer par le fait que le milieu dans lequel la mère s'est socialisée ne peut influencer directement la mortalité de moins de cinq ans. Il est vrai que pendant son enfance, la mère a acquis certains comportements, dont il n'est pas évident que trois à dix ans plus tard, ces comportements affectent l'état de santé des enfants qu'elle mettra au monde. La mobilité ou plus particulièrement les migrations peuvent modifier considérablement les comportements de la mère lors que la résidence au moment de l'enquête n'est plus la même. Par contre, cette même variable est associée positivement à la mortalité infanto-juvénile. La proportion de décès diminue avec le milieu de socialisation (du milieu rural aux villes).

En attendant le contrôle des effets des autres facteurs, il ressort du tableau 14 que la religion de la mère est une variable discriminante des enfants face au risque de décès. Elle apparaît davantage plus discriminante pour la mortalité infantile et infanto-juvénile (probabilité de Khi deux significative au seuil de 1%) que pour la mortalité juvénile (probabilité de Khi non significative). L'appartenance religieuse de la mère est donc un facteur de différenciation de la mortalité des enfants. On observe que les enfants dont les mères sont sans religion présentent un risque relatif de décès infantile et infanto-juvénile plus d'une fois et demi environ plus que les mères catholiques ou protestantes, mais près de deux fois plus que les mères musulmanes. Ce résultat traduit bien le vécu quotidien du tchadien. En effet, la religion chrétienne est ouverte au modèle occidental, ce qui peut expliquer en partie cette faible mortalité infantile, juvénile et infanto-juvénile chez les mères chrétiennes par rapport à des enfants dont les mères  ne pratiquent aucune religion. Car l'influence des coutumes et certaines croyances sur les comportements des mères s'avère le plus souvent dangereuse en matière de santé des enfants. Nous pouvons encore essayer d'expliquer cet écart de risque relatif entre les enfants des mères chrétiennes et ceux des mères non pratiquantes par l'existence de la relation entre la religion chrétienne et la scolarisation, qui a conduit nombre de chercheurs à considérer que l'instruction est un déterminant majeur de rupture avec certaines attitudes et croyances qui ne tiennent plus de nos jours. La faible proportion de décès infantile, juvénile ou infanto-juvénile des enfants des mères musulmanes que tout autre, peut s'expliquer par les caractéristiques plus socio-économiques que culturelles. Car les musulmans au Tchad, possèdent plus des biens que les autres et cela peut influer considérablement sur le niveau de vie et entraîner un faible taux de mortalité chez leurs progénitures, lorsqu'on sait que pour se faire soigner, il ne suffit pas seulement de se rendre dans une structure sanitaire même publique, mais il faut surtout avoir des moyens financiers.

Tout comme la religion, l'ethnie de la mère est un facteur de discrimination des en matière de mortalité. Il apparaît que, ce soit pour la mortalité infantile, juvénile ou infanto-juvénile, la probabilité de la statistique de khi deux est significative au moins au seuil de 5%. C'est le groupe ethnique Tandjilé qui enregistre le plus grand nombre de décès des enfants de moins d'un an et ceux de 0-4ans révolus. En revanche, pour la période juvénile, les enfants des mères Lac Iro sont les plus désavantagés du point de vue de la survie. Ils courent les risques de décès les plus élevés 22,8%. Considérée dans l'ensemble, la mortalité des enfants de moins de cinq ans ne varie pas sensiblement selon l'ethnie des mères. Il est possible de trouver dans chacun des groupes ethniques des comportements des mères en matière de santé des enfants susceptibles d'expliquer les différentes proportions des décès des enfants observées.

Le niveau d'instruction de la mère est lié seulement à la mortalité infanto-juvénile au seuil de 1%, alors que l'instruction du père est liée à la mortalité juvénile et infanto-juvénile au seuil de 5%. Le niveau obtenu ici est celui attendu, la mortalité baisse avec le niveau d'instruction de la mère. La tendance d'une forte mortalité infanto-juvénile chez les femmes ayant un niveau d'instruction secondaire ou plus, s'explique tout simplement par les faibles effectifs des enfants de ce groupe. En effet, une femme instruite, du fait de son ouverture à la modernité, rompt plus facilement avec certaines croyances et pratiques néfastes à la santé de sa progéniture. En outre, on s'attend à ce qu'une femme instruite puisse mieux prendre soin de son enfant en matière d'hygiène domestique appropriée, alimentaire et vaccination, etc. Au delà de cette liaison entre la mortalité des enfants et le niveau d'instruction de la mère, les facteurs endogènes peuvent changer la donne. Le niveau d'instruction du père de l'enfant, apparaît plus sensible sur la mortalité infanto-juvénile que celui de la mère (Tableau 14). Dans la littérature, les chercheurs mettent davantage la relation entre le niveau d'instruction du père et la mortalité de moins de cinq ans par le biais de son statut social ou professionnel et à son revenu. Plus précisément, le niveau de vie du ménage peut influer sur la santé de l'enfant à travers la quantité et la qualité des ressources alimentaires et l'accès au système de soins.

En définitive, sans le contrôle des effets des autres facteurs, nous constatons que la mortalité infantile et infanto-juvénile n'ont de lien significatif qu'avec la religion, l'ethnie et le niveau d'instruction de la mère au seuil de 5%. En absence des autres facteurs socio-économiques, contextuels et les variables intermédiaires, l'influence des autres variables socioculturelles telles que le milieu de socialisation et le niveau d'instruction du père semble inexistante. Pour la mortalité juvénile, il n' y a que l'ethnie et le niveau d'instruction du père qui sont associées au seuil de 5%. La variable milieu de socialisation n'est liée de façon significative à la mortalité infantile et juvénile, de même le niveau d'instruction du père n'est associé qu'à la mortalité juvénile et infanto-juvénile au seuil de 5%.

* 23 Milieu de socialisation c'est le lieu où la mère a eu à passer au moins ses 12 premières années de vie.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe