WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1

REPUBLIQUE DE GUINEE

Travail - Justice - Solidarité

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT, SUPERIEURDE LA
RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE L'INNOVATION

DIRECTION NATIONALE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

UNIVERSITE GENERAL LANSANA CONTE DE SONFONIA - CONAKRY

UGLC-SC

************************************

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES
MASTER DE PHILOSOPHIE ET PSYCHOPEDAGOGIE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2020- 2021

MEMOIRE MASTER

THEME

« L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne : cas
de la République de Guinée de 1990 à 2020 »

Le jury :

1- Président : Pr Cheick Abdoul CAMARA

2- Membre : Pr Ibrahima Ninguélandé DIALLO

3- Rapporteur : Dr Mamadou Oury BARRY

Candidat : Moilimou Abdallah Salim

Directeur de Mémoire : Pr Ibrahima Ninguélandé Diallo

Présenté et Soutenu avec la Mention : EXCELLENT ; à Conakry, le 30 septembre 2022

2

REPUBLIQUE DE GUINEE

Travail - Justice - Solidarité

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT, SUPERIEURDE LA
RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE L'INNOVATION

DIRECTION NATIONALE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

UNIVERSITE GENERAL LANSANA CONTE DE SONFONIA - CONAKRY

UGLC-SC

************************************

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES
MASTER DE PHILOSOPHIE ET PSYCHOPEDAGOGIE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2020- 2021

MEMOIRE MASTER

THEME

« L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne :
cas de la République de Guinée de 1990 à 2020 »

Le Candidat : Le Directeur de Master :

Moilimou Abdallah Salim Pr. Cheick Abdoul CAMARA

Le Consultant : Le Doyen :

Pr. Ibrahima Ninguélandé DIALLO Pr. Mohamed Moustapha DIOP

3

Table des matières

Page de garde

1-2

Table des matières

.3

SYGLES ET ABREVIATIONS

5

DEDICACE

.7

AVANT-PROPOS

8

INDIRECTION GENERALE

11

CHPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

..14

Section 1 : Problématique

11

Section 2 : Objectif de recherche

.15

Section 3 : Hypothèse de recherche

.16

Section 4 : Revue de la littérature

16

Section 5 : Cadre conceptuel et théorique

18

Section 6 : Méthodologie de la recherche

25

Section 7 : La recherche documentaire

26

Section 8 : Les enquêtes de terrain et traitement des données

.26

CHAPITRE II : EVALUATION DE L'IDEE DE DEMOCRATIE EN GUINEE 28

Section 1 : Démocratie en Afrique subsaharienne : réalité, discours ou simple théorie ? 28

Section 2 : Historique du processus démocratique en Afrique 31

Section 3 : De la période coloniale à l'indépendance en République de Guinée .33

Section 4 : De l'indépendance à la chute du mur de Berlin .35

Section 5 : Les particularités du système politique en République de Guinée 36

CHAPITRE III : LE MULTIPARTISME ET L'ALTERNANCE AU POUVOIR EN

GUINEE

..41

Section 1 : La naissance des partis politique en Guinée

..41

Section 2 : Rupture et réintroduction du multipartisme en Guinée

..44

Section 3 : Les partis politiques dans le processus démocratique en Guinée

..47

4

Section 4 : Les facteurs du manque d'alternance politique en Guinée 50

Section 5 : L'instrumentalisation de la société civile 55

Section : 6 Le poids des acteurs internationaux et l'alternance politique 61

Section 7 : Les techniques de campagne des partis politique en Guinée .64

Section 8 : La formation de coalitions comme technique électorale 71

Section 9 : L'alternance démocratique en République de Guinée 74

CONCLUSION GENERALE 78

BIBLIOGRAPHIE .81

ANNEXE .84

5

SYGLES ET ABREVIATIONS

AOF : Afrique occidentale française

BOAD : Banque ouest-Afrique de développement

BAG : Bloc Africain de Guinée

BPN : Bureau politique national (Guinée)

BL : Bloc libéral (Guinée)

CUM : Comité d'union militaire

CEECG : Communauté des élèves étudiants Comoriens en Guinée

CEDEAO : Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest

CMRN : Comité militaire de redressement national (Junte Militaire Guinée)

CNDD : Conseil national pour le développement et la démocratique (Junte Militaire Guinée)

CTRN : Comité transitoire de redressement national (avatar du CMRN, Guinée)

FPI : Front populaire ivoirien

IDH : Indices de développement humain du PNUD

JRDA : Jeunesse de la révolution démocratique Africain

MCP : Malawi congress party (Parti du congrès Malawite)

NPP : New patriotic party (Nouveau parti patriotique, Ghana)

PEDN : Parti de l'espoir pour le développement national (Guinée)

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PUP : Parti de l'unité et du progrès (Guinée)

PDG : Parti démocratique de Guinée

PRP : Parti de renouveau et du progrès (Guinée)

PRA : Parti du regroupement Africain (en AOF)

6

PDCI : Parti démocratique de Côte d'Ivoire

PIB : produit intérieur brut

PRD : Parti du renouveau démocratique du (Bénin)

PRB : Parti de la renaissance du Benin

RDA : Rassemblement démocratique Africain

RPG : Rassemblement du Peuple de Guinée

RDR : Rassemblement des républicaines (Côte d'Ivoire)

SLPP : Sierra Leone people's party (Parti du peuple Sierra-Léonais)

UPG : Union pour le progrès de la Guinée

UNR : Union pour la nouvelle république (Parti Politique Guinée)

UFDG : Union des forces démocratique de Guinée

UFR : Union des forces républicaines (parti Politique, Guinée)

UPR : Union pour le progrès et le renouveau (Parti Politique, Guinée)

UDFM : Union démocratique des forces du progrès (parti politique Malawi)

UDF : Front démocratique uni (parti politique Malawite)

7

DEDICACE

Au nom de Dieu, clément et miséricordieux, nous dédions ce mémoire à notre père : Salim Abdallah Assane et à notre mère Assimati Hamidoune Saïd

8

AVANT-PROPOS

Le principe politique selon lequel les citoyens doivent détenir le pouvoir que constitue la démocratie est un facteur déterminant dans les pays au sud du Sahara. La République de Guinée, inscrite à l'ordre du jour des pays démocratiques n'en fait pas exception. L'enjeu de l'analyse d'une telle préoccupation est de saisir les conditions d'existence réelle de la démocratie et de percevoir dans le sens de sa dynamique et de son amélioration. La démocratie telle que perçue et entretenue par les pays subsahariens est un enjeu déterminant qui, dans un contexte social et culturel affecte défavorablement leur émergence.

L'alternance démocratique, qui ne cesse d'étendre son hégémonie dans le monde, commande de voir dans la démocratie un ensemble d'institutions dont la fonction est de préserver aussi les libertés individuelles fondamentales de tous sans exception. Or, il ne peut être possible d'exercer et de jouir pleinement de celles-ci qu'au sein d'une société où le droit définit et délimite le pouvoir de contrôle que les individus ont sur leur propre personne et sur les objets matériels qu'ils ont en leur possession. Pour parvenir à cela en République de Guinée, il faut un Etat de droit caractérisé par la force de la justice, c'est-à-dire la détermination de la justice à faire respecter les droits de propriété reconnus comme légitimes et surtout à en sanctionner toute forme de violation. Sous cet angle de vue, on perçoit la démocratie comme un régime reposant sur le socle de la justice, du droit et de la liberté. Et cela laisse entrevoir un lien étroit entre la démocratie et une certaine mise en ordre ou configuration de la justice, du droit et de la liberté.

Au début des années 1990, après plusieurs décennies de régimes de parti unique et de juntes militaires, la plupart des pays africains ont rétabli le système multipartite. Des dizaines de partis politiques sont créés ou reconstruits avec pour objectif précis d'accéder au pouvoir exécutif suprême. Cependant, environ deux décennies plus tard, peu de ces partis ont atteint leur objectif de conquête du pouvoir. Ainsi, sur 73 cas de changements pacifiques de leaders en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2020, environs 25 ont bénéficié aux candidats présentés par les partis politiques de l'opposition1. Ce nombre semble décevant par rapport aux immenses espoirs de `'véritable alternance» que ces partis politiques ont suscité au début des années 1990.

1 AKINDES Francis, « Les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone », Paris, Karthala, 1996.

9

Ce mémoire s'emploie à esquisser des éléments de réponse à cette situation dans la période allant de 1990 à 2020. Afin d'approfondir l'analyse sur cette question, le cas de la Guinée a été choisi pour faire une étude comparative entre le parti au pouvoir et les partis d'opposition pour les raisons du manque d'alternance démocratique en République de Guinée. N'étant pas Guinéen, le choix de ce thème est parti tout d'abord d'une volonté de découvrir d'autres réalités en démocratie, mais aussi, du besoin de comprendre et faire des analyses et des réflexions sur le sujet qui me fascine dans les rapports humains et qui s'expriment de plus en plus virtuellement et malheureusement avec un élan d'agressivité dans l'expression des opinions politiques.

Il est vrai qu'il y a eu l'alternance au pouvoir en Afrique subsaharienne. Par exemple, au Bénin2. Mais tous les présidents élus étaient des « candidats indépendants ». Ensuite, le Ghana3 a eu deux alternances au pouvoir par un parti politique de l'opposition. Mais, La Guinée n'a connu aucune alternance dans la période du processus démocratique de 1990 à 2020. Ceci problématise la situation et conduit à la question suivante : comment expliquer l'échec des partis politique de l'opposition en République de Guinée à l'élection présidentielle ?

Cette démarche a permis d'avancer l'hypothèse selon laquelle, l'alternance au pouvoir par un parti d'opposition n'est possible que dans un système bipartisan ou bipolarisé, quoique la satisfaction de l'une de ces conditions ne soit pas suffisante. Les exceptions à cette observation sont rares en Afrique et sont le résultat d'une rare combinaison de circonstances particulières. Le paysage politique guinéen est caractérisé par une prolifération de partis politiques qui ont jusque-là échoué dans leurs tentatives de former une véritable coalition électorale contre le parti au pouvoir. Le bipartisme relève de l'environnement institutionnel, et la bipolarisation des stratégies des leaders politiques, d'où notre recours aux approches néo-institutionnelle et stratégique comme cadres théoriques.

Pour réaliser ce travail, nous avons rencontré de nombreuses difficultés à la fois techniques et financières : Rareté des documents sur le sujet, la faiblesse de nos compétences en matière de recherche pour un débutant que nous sommes, la rareté des spécialistes en la matière. Ainsi, avec toutes ces difficultés, nous n'avons pas le sentiment d'avoir épuisé ce sujet à la

2 BOLLE Stéphane, `'Indication des périodes de l'alternance au Bénin», 1991,1996 et 2006.

3 BAYART Jean-François, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : 'La Baule,' et puis après ? » Politique africaine, 43 Octobre 1991, pp. 5-20.

.

10

satisfaction de tous. Néanmoins nous avons l'espoir que d'autres chercheurs, mieux préparés que nous aiderons à enrichir ce que nous avons ébauché.

Si ce mémoire a du mérite, nous le devons à la contribution et au concours de tous ceux qui ont accepté de nous lire et de corriger nos pages.

Nous ne saurions terminer cet avant-propos sans adresser nos remerciements à tous ceux qui nous ont aidés à réaliser ce travail. Nous ne pourrions les citer tous. Mais nous demeurons reconnaissant à notre consultant en l'occurrence Pr. Ibrahima Ninguélandé DIALLO pour la rigueur et la pertinence de ses critiques et surtout sa disponibilité.

Nos remerciements vont également à l'endroit de tous nos encadreurs, notamment ; Pr. Mohamed Moustapha DIOP (Doyen de la F.S.S), M. Abdoulaye Mamadou TOURE (Vice Doyen/Etudes à la F.S.S), M. Fodé SOUMAH (Chef de département de Philosophie), M. Abdoulaye Théodore SOUMAH (Directeur du Centre de Recherche FSS), que tous ces formateurs trouvent entre ces lignes l'expression de notre profonde reconnaissance. Nous voulons rendre un vibrant hommage à notre père Salim Abdallah Assane et à notre mère Assimati Hamidoune Saïd ainsi qu'au Pr. Binko Mamady TOURE (Ex-Secrétaire Générale de l'Enseignement Supérieur et la Recherche Scientifique), Saïndou Attoumane Bacar (Chargé Principal de Renforcement des Capacités à l'Institut Africain de Développement) et Gabriel Edouard KAMANO (Officier d'Etat des Forces de Défenses et de Sécurités) sans oublier Fatunaou, Roihama et Dhoulfa.

Mes profonds remerciements à M. Abdou Malida (Secrétaire d'Etat des Comores), M. Badrane Tchaké (Maire de la Ville de Nioumachoi), M. Ben Massound Rachid (Conseiller du président de l'Union des Comores Chargé de l'agriculture, pêche et environnement), et M. Loudhoubi Hirachi (Proviseur de la Ville de Nioumachoi). Mais aussi, ma grande famille pour tout le soutien que chacun apporte à ce que je suis et ce que je deviens au quotidien. À mes chers frères et soeurs de la CEECG, Zayad, Samine, Karama, Faniza, Sitti, Toienti, Fazda, Djamidar, Izidaïllah, Abdou karim, Aboubacar, Yanik, Nawab, Choukri et tous ceux qui m'ont aidé au début jusqu'à la fin. Je tiens à remercier mes camarades de promotion au master Philosophie et psychopédagogie au sein de cette Université.

Enfin, je remercie le Dieu Tout puissant qui nous a accordé la vie, la santé et le courage de réaliser cette noble ambition.

11

INTRODUCTION GENERALE

Ce mémoire porte sur « L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne : cas de la République de Guinée de 1990 à 2020 ». En effet, au début des années 1990, après plusieurs décennies de régimes de parti unique et de juntes militaires, la plupart des leaders africains furent obligés, par des pressions locales conjuguées avec une pression internationale, de céder aux appels exigeant l'ouverture politique et l'instauration ou l'autorisation du multipartisme. Des dizaines de partis politique sont créés dans les pays de la sous-région, comme ailleurs en Afrique, avec un objectif précis d'accéder au pouvoir exécutif suprême4.

Environ deux décennies plus tard, peu de ces partis ont atteint leur objectif de conquête du pouvoir. Ainsi, le principal objectif de ce mémoire est d'essayer de comprendre cette situation et, dans le cas des partis d'opposition qui ont réussi à atteindre leur objectif, comprendre et analyser comment ils y sont parvenus. Ceci dans le cadre d'une étude comparative et empirique sur l'ensemble des 15 pays de l'Afrique de l'Ouest, on notera qu'entre 1990 et 2020, c'est dans seulement sept d'entre eux qu'un parti d'opposition a réussi à conquérir le pouvoir exécutif.

Afin de présenter davantage et de justifier le champ de recherche, nous avons procéder à une délimitation périodique et géographique de la recherche et à la justification théorique ou analytique du choix de pays retenus, ainsi que préciser la nature de l'alternance au pouvoir qui nous intéresse.

S'agissant de la période couverte, (1990-2020), deux décennies du processus démocratique, le recul historique que permet cette période semble raisonnable pour esquisser une étude. Néanmoins, la référence est faite, chaque fois que cela s'avère nécessaire, à l'histoire proche et/ou lointaine de notre pays d'étude. En effet, comme l'a dit Maurice quoiqu'on puisse relativiser ce propos concernant les partis politiques : « De même que les hommes portent toute leur vie l'empreinte de leur enfance, ainsi les partis subissent profondément l'influence de leurs origines5 ». Et c'est là l'apport de l'approche historique à ce mémoire comme cadre théorique et méthodologique.

Pour ce qui est de la délimitation géographique, la recherche est limitée à un seul pays de la sous-région ouest-africaine ; la République de Guinée. Le choix de ce pays s'est opéré en

4 Carbone ; Giovanni, « Comprendre les partis et les systèmes de partis africains : entre modèle et recherches empiriques, » Politique africaine, décembre 2006, pp. 18-37.

5 DUVERGER Maurice, « Un opposant au pouvoir, l'alternance piégée ? » Paris, la sentinelle, 1951, p. 181

12

fonction de trois critères. Premièrement ce pays a servi de cadre pour notre formation académique, ce qui est un atout capital dans toute recherche scientifique ; deuxièmement, par le fait que la langue française qui est la langue officielle du pays et dans laquelle la plupart des documents sont rédigés. Troisièmement par le fait que ce pays a connu une relative stabilité politique et un manque total d'alternance durant la période retenue. Nous pensons que ce sont des raisons qui justifient une telle étude du système démocratique guinéen.

Ensuite, d'autres pays ont connu des troubles politiques majeurs dans la période retenue et ont été exclus d'emblée, parce que ces troubles suspendent généralement tout processus électoral. Or les élections constituent un élément important dans la démonstration de notre hypothèse. Tels que, la Côte d'Ivoire (en guerre civile entre septembre 2002 et mars 2007), la Sierra Leone (en guerre civile entre 1991 et 2002), et le Libéria (bouleversé entre 1990 et 1996, puis de 1999 à 2003) ont été écartés6. Mais la République de Guinée n'a jamais connu une guerre, de 1958 à la période de rédaction du présent mémoire (septembre 2022).

De prime abord, « l'alternance au pouvoir » peut s'appliquer à la fois au changement de la composition partisane de la législature (Parlement) ainsi que le remplacement d'une équipe dirigeante de l'exécutif par une autre. Dans ce dernier cas, elle peut signifier simplement le remplacement de l'occupant du plus haut poste exécutif par une autre personnalité. C'est le sens que semble lui donner Jeffrey Herbst dans son état des lieux sur la libéralisation politique en Afrique subsaharienne.

Cependant, l'usage populaire de l'expression en donne un sens qui va au-delà du changement de personnalités d'un même groupe dirigeant à un véritable changement d'équipe gouvernementale. Ainsi, Jean-Louis Quermonne définit l'alternance au pouvoir comme « un changement de rôle entre les forces politiques situées dans l'opposition, qu'une élection au suffrage universel fait accéder au pouvoir, et d'autres forces politiques qui renoncent provisoirement au pouvoir pour entrer dans l'opposition. » C'est la même définition que lui donne Michael Bratton (2004, p. 147-158) dans son article visant à analyser l'effet de l'alternance sur la perception des Africains de la démocratie (Hermet, 2005, p. 18). C'est en ce sens que le terme est employé dans la présente étude, c'est-à-dire le remplacement des anciennes autorités par de nouvelles élites appartenant à un parti de l'opposition ou une

6 BOLLE Stéphane, Communication présentée à la « Conférence internationale : Les défis de l'alternance démocratique, » Cotonou, 23 au 25 février 2009.

13

coalition de partis d'opposition." Et étant donné que la Guinée a un système présidentiel, l'alternance ainsi définie ne peut s'effectuer qu'à travers les élections présidentielles. Ceci exclut donc de notre calcul les élections législatives. Mais même en considérant ces dernières, l'analyse des différentes échéances électorales qui ont eu lieu dans notre pays durant la période examinée montre que le vainqueur du scrutin présidentiel s'est toujours imposé au Parlement. Sur le thème « L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne : cas de la Guinée de 1990 à 2020 », de nombreuses questions centrales surgissent, notamment :

y' Pourquoi les partis politiques de l'opposition guinéenne, ont toujours échoué dans leur tentative de conquérir le pouvoir ?

y' Quelles sont les causes profondes des crises en Guinée ? Sont-elles d'ordre social, culturel ou politique ?

y' L'absence d'alternance en République de Guinée ou de concertations entre les acteurs peut-elle favoriser un climat de paix et de quiétude sociale ?

Pour répondre à cette série de question, nous avons bâti notre plan de travail autour de trois (3) chapitres :

Dans le chapitre I, titré ; Cadre théorique et méthodologique, subdivisé en huit (8) sections. Là, nous avons abordé la Problématique, l'Hypothèse de recherche, la Revue de la littérature, le Cadre conceptuel et théorique, la Méthodologie de la recherche, la Recherche documentaire, Les enquêtes de terrain et de traitement des données.

Dans le chapitre II, intitulé ; Evaluation de l'idée de démocratie en République de Guinée est subdivisé en cinq (5) sections. Les sections étudiées sont les suivantes : Démocratie en Afrique subsaharienne : réalité, discours ou simple théorie ? ; Historique du processus démocratique en Afrique ; De la période coloniale à l'indépendance en République de Guinée, De l'indépendance à la chute du mur de Berlin, en fin, Les particularités du système politique en République de Guinée.

Dans le chapitre III, titré ; Le multipartisme et l'alternance au pouvoir en République de Guinée, subdivisé en neuf (9) sections à savoir : La naissance des partis politique en Guinée, Rupture et réintroduction du multipartisme en Guinée, Les partis politiques dans le processus démocratique en Guinée, Les facteurs du manque d'alternance politique en Guinée, L'instrumentalisation de la société civile, Le poids des acteurs internationaux et l'alternance politique, Les techniques de campagne des partis politique et l'alternance démocratique en Guinée.

14

CHPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

Section 1 : Problématique

En dépit des multiples variations au tour du concept d'alternance démocratique, celui-ci semble avoir pris aujourd'hui presque dans tous les pays du monde une certaine préoccupation digne d'intérêt. Cet intérêt est certainement lié à l'éternel quête humaine de liberté, de prospérité, d'égalité, et de bonheur.

En Afrique subsaharienne et particulièrement en Guinée, avec la fin de la guerre froide en 1989, on assiste au début des années ½90½a un élan de démocratisation. En effet, avec la chute du mur de Berlin en 1989 suite à la montée au pouvoir en Union Soviétique de Mikhaïl GABATCHEV qui prônait une vision beaucoup plus libérale du monde, on assiste en Afrique à un début du démantèlement des régimes monopartites. Ce démantèlement des régimes autoritaires africains sera d'avantage accéléré par des soulèvements populaires dus à une double crise : celle économique qui aboutit à l'ajustement structurel et la crise de légitimité de l'Etat. Aussi, le discours de François Mitterrand à Baule, le 20 juin 1990 va davantage ébranler la nostalgie des régimes anti-démocratiques africains. Car dans son discours, Mitterrand subordonnait la continuité de la traditionnelle aide française vers les pays africains à l'introduction de la démocratie, du multipartisme, à la proclamation des libertés, à la reconnaissance de l'opposition.

En Guinée, le retour à l'ordre démocratique à très tôt commencé avec le président LANSANA CONTE. Dans son discours programme du 22 décembre 1985, il fit le serment solennel de respecter les droits de l'homme, de créer les bases d'une démocratie réelle et de rétablir les libertés syndicales7. Ce changement politique abouti dans la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne à la naissance du multipartisme, des élections plus ou moins crédibles.

Cependant, malgré l'avènement de la démocratie en Afrique subsaharienne et la tenue d'élections régulières et compétitives, la Guinée avec une histoire politique de plus de 60 ans n'a jusqu'à présent pas connu d'alternance démocratique nonobstant un environnement électoral compétitif. Ce sujet empreint d'interrogation, mérite d'être analysé dans le cadre d'un mémoire.

7 Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura et Moustapha Diop ; « Enjeux et défis démocratiques en Guinée, février 2007-décembre 2010, Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 85-90.

15

? Quels sont les facteurs qui entravent la réalisation de l'alternance démocratique en Guinée de 1990 à 2020 ?

? Les partis au pouvoir seraient-ils solides, mieux organisés, voire plus populaires que les partis d'opposition ?

? Pourquoi dans certains cas les règles constitutionnelles sont appliquées avec succès et dans d'autres cas, elles sont plutôt contournées ou modifiées ?

1-1- Question spécifique de recherche

Cette problématique soulève plusieurs interrogations relatives au développement en Afrique de la bonne gouvernance, de la démocratisation des Etats et de l'alternance au pouvoir. Mais, dans le but de cadrer notre recherche, nous avons limité notre travail à une question spécifique. Celle de savoir : Quels sont les facteurs qui ont empêché l'effectivité de l'alternance démocratique en Guinée de1990 à 2020 ? , une simple coïncidence ou une préméditation ?

Section 2 : Objectif de recherche : En réalisant cette étude, nous avons proposé d'atteindre deux types d'objectifs. Ces objectifs sont les suivants :

2-1- Objectif générale :

Notre objectif général est de produire un document scientifique qui étudie les problèmes de l'alternance démocratique en République de Guinée entre 1990 et 2020 et proposer des recommandations.

2-2-Objectif spécifique : Nos objectifs spécifiques consistent à :

- Remettre en cause avec le regard du philosophe le dispositif politique, juridique et institutionnels relatif à l'alternance démocratique en République de Guinée d'une part, et comprendre les contraintes et limites justifiant l'absence de l'alternance constaté d'autre part.

- Identifier les facteurs qui ont contribué au changement de pouvoir par la transition en lieu et place de l'alternance.

- Etudier les aspects liés à l'imprécision des dispositifs normatifs qui favorisent non seulement la pratique des révisions constitutionnelles mais également la pratique de l'interprétation biaisée de ces mêmes dispositions.

16

- Analyser les causes profondes de l'usage abusif du pouvoir, les dessous de la révision de la constitution et le manque de rigueur dans la formulation de certains énoncés constitutionnels qui ont contribué à freiner où à éloigner la perspective de l'alternance démocratique en République de Guinée.

Section 3 : Hypothèse de recherche

Maurice Duverger soutient que « l'alternance suppose le dualisme », c'est-à-dire qu'il faut un système bipartisan pour qu'un parti de l'opposition puisse parvenir au pouvoir. D'autres auteurs tel que Adejumobi dans «Partis politiques en Afrique de l'Ouest : le défi de la démocratisation dans les Etats fragiles» ont opté pour le « système bipolarisé », c'est-à-dire une coalition des partis d'opposition contre le parti au pouvoir, comme un substitut au système bipartisan afin d'assurer l'alternance véritable.

Cependant, malgré l'adhésion de la Guinée au pluralisme démocratique en 1990 et l'organisation régulière d'élections compétitives, le pays n'a connu aucune alternance démocratique jusqu'à nos jours (2022). Sur ce, notre hypothèse de départ est que certains facteurs, soit ethniques ou régionalistes... influencent négativement la matérialisation de la démocratie guinéenne. De ceux-ci, nous croyons que le manque d'alternance politique en République de Guinée de 1990 à 2020 est dû fondamentalement à des facteurs et à des circonstances telles que :

? La volonté expresse des chefs d'Etats à tripatouiller la constitution pour aller au-delà des mandats requis est l'une des raisons de l'absence de l'alternance en République de Guinée ;

? Faire recours à l'instrumentalisation de la société civile guinéenne dans l'optique de la sauvegarde du pouvoir ;

? L'organisation de la fraude électorale en complicité avec l'institution en charge de l'organisation des élections ;

? Le caractère ethnique et/ou régionaliste des partis politiques en République de Guinée ; ? L'ingérence des puissances étrangères dans les politiques internes des Etats en Afrique.

Section 4 : Revue de la littérature

Ils existent une abondante littérature sur notre thème de recherche et autres sujets comme la démocratie et l'histoire générale de la vie politique et socio-économique du pays qui fait l'objet d'étude de notre recherche. Cela signifie que nous sommes sur un terrain déjà exploré

17

par bon nombres de chercheurs. Néanmoins, il est utile de remarquer qu'une insuffisance apparait dans les études sur la démocratie guinéenne. Généralement, celles qui portent sur le multipartisme et la démocratie, se limitent à leurs caractéristiques, leurs historiques et à la vie des partis au pouvoir. Dans son mémoire, « La pratique du multipartisme en Afrique de l'ouest : Etude croisée des cas Guinéens et Sénégalais de 1990 à 2015 », Abou CISSE remarque contre la thèse défendue par J-F Bayart dans son article «la problématique de la démocratie en Afrique noire» que l'échec de la démocratie libérale et la gestion autoritaire du pouvoir en Afrique noire n'est pas relatif à la reproduction du système de l'administration coloniale.

Par ailleurs, Richard Banégas, dans son ouvrage « Politique africaine ; parlement de la rue, espace publics de la parole et citoyenneté en Afrique », montre les logiques paradoxales qui caractérisent la consolidation démocratique dans ce pays. Ils remarquent qu'au cours des campagnes électorales, le clientélisme et l'achat des électeurs sont courant, mais n'empêche pas ces derniers de voter selon leur conscience8. Bien ! Avec cet auteur, nous sommes d'accord que la marchandisation de la démocratie n'affecte pas la conscience des électeurs le jour du vote. Mais, nous remarquons qu'elle peut constituer une véritable source de conflit électorale. Puisque, au cours de la campagne électorale, les statiques de sondage du code de popularité donneront un candidat favori par rapport aux autres. Alors que dans la réalité des urnes, cette popularité ne s'exprime pas. Un tel candidat, peut à la proclamation des résultats se fier à la popularité qu'il a acquise à travers l'achat des électeurs lors de la campagne pour contester les résultats. D'où les conflits.

Quant à Francis AKINDES, dans son article intitulé «Lutte contre les inégalités : état d'urgence», il note que la démocratie en Afrique Subsaharienne, souffre d'un dysfonctionnement majeur, celui de l'incompatibilité de la culture africaine caractérisée par un esprit communautaire et le besoin conscient et inconscient d'un chef fort et riche, ne devant souffrir d'aucune contestation et les valeurs démocratiques occidentales fondées sur le culte de l'individualisme9. On est bien d'accord avec cet auteur que l'esprit communautaire, régionaliste est le principal frein de l'expression d'une démocratie alternative en Afrique

8 Richard Banégas, chercheur en sciences po, « Politique africaine ; parlement de la rue, espace publics de la parole et citoyenneté en Afrique ». Ed. KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013. Paris

9 Francis Augustin AKINDES, Professeur de sociologie à l'Université Alassane Ouattara, Côte d'Ivoire, «Lutte contre les inégalités : état d'urgence», Dakar, 2011.

18

noire. Mais, ce caractère n'est pas le seul qui justifie la difficile de l'alternance en Afrique. Il pourrait être justifié par l'instrumentalisation de la société civile ou sa destruction par les partis au pouvoir. Donc, il convient de noter que tous les régimes tyranniques qui ont fait d'innombrables victimes ont d'abord détruit ou sapé la société civile, puis assis leur pouvoir sur des idéologies discriminatoires ou intolérantes.

La démocratie ne peut pas exister sans la société civile et la société civile ne peut pas exister sans une population qui a la volonté et la capacité d'en défendre les valeurs et les institutions. Par ailleurs, d'autres théoriciens de la démocratie construisent leur conception en établissant un lieu entre démocratie et croissance économique. Pour cette conception, la démocratie est comme `'un véhicule de progrès social». C'est pourquoi ils en font une question de substance alors que la conception procédurale des auteurs suscités, en fait une question de procédure.10

Partant de l'analyse d'une étude sur les perceptions de la démocratie Zambienne faite par Jean Pascal Daloz, Issiaka soutient que c'est cette conception qui est privilégiée par les masses populaires en Afrique. Selon l'auteur, pour les habitants du quartier Lusaka de Zambie et presque pour tous les milieux populaires africains, la démocratie est synonyme d'amélioration des conditions d'existence, la démocratie, c'est d'abord pour les gens du quartier, des magasins qui ne sont plus vides.

Pour Amartya, les libertés politiques et civiles catalysent les initiatives privées qui a leur tour promeuvent le développement socio-économique. Pour cet auteur, le régime politique est ce qui détermine le niveau des secteurs d'activités publiques et que la défaillance de la démocratie est la cause principale du sous-développement structurel qui sévit en Afrique subsaharienne.

Section 5 : Cadre conceptuel et théorique 5-1- Cadre conceptuel :

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes intéressés à l'analyse des concepts de démocratie et d'alternance. à ceux-ci viennent s'ajouter les concepts connexes. Nous avons traité ces concepts selon deux visions : premièrement, nous les avons abordé d'une manière générale c'est-à-dire les définitions et les débats théoriques autour de ces concepts, deuxièmement nous avons apporté la perception particulièrement africain.

10 Jean Pascal Daloz, « Transitions démocratiques africaines : dynamiques et contraintes », la philosophie Africaine, 2009, p.45

19

5-1-1- Démocratie :

Le concept démocratie requiert une pluralité de sens. En dépit de cette diversité de définition, il est utile de noter que presque tous les auteurs conviennent qu'il dérive de deux mots grecs ; dêmos (« peuple ») et kratos (« pouvoir »), ce qui signifient littéralement pouvoir du peuple. Dans la présente étude, notre objectif ne se limite pas à la connaissance de ce que signifie le mot démocratie ; mais également quel système peut être qualifié de démocratique. Dans cette optique, les conceptions des auteurs y varient constamment.

Pour Robert Dahl, un régime pour être qualifié de démocratique, doit remplir deux conditions essentielles : une participation effective de la population aux prises des décisions et l'organisation d'une compétition réelle11. Quant à Joseph Schumpeter, la démocratie est une méthode de gouvernement qui repose sur l'idée qu'il n'y a aucune doctrine générale qui s'imposerait à tous, mais elle permet à la société de s'auto-administrer par la libre compétition des groupes partageant les charges et les privilèges de la coopération sociale.

Par ailleurs, Jean François Revel la définit comme «forme de société qui parvient à concilier l'efficacité de l'Etat avec sa légitimité, son autorité avec la liberté des individus». Pour Legros, il l'a défini en se fondant sur deux principes : un principe culturel ou social et un principe politique. Du point de vue social ou culturel, il la fonde sur l'égalité des conditions de vie des citoyens en soutenant que les sociétés pré-démocratiques reposaient sur un principe d'inégalité des conditions de vie des citoyens. Sur le plan politique, il entend par démocratie, `'un système politique dans lequel le pouvoir repose sur le principe de souveraineté de la nation». Au regard des définitions susmentionnées, nous pouvons dire que la démocratie est un droit fondamental du citoyen qui doit être exercé dans des conditions de liberté, d'égalité, de transparence et de responsabilité, dans le respect de la pluralité des opinions et dans l'intérêt commun. Elle est à la fois un idéal à poursuivre et un mode de gouvernement à appliquer selon des modalités traduisant la diversité des expériences et des particularités culturelles, sans déroger aux principes, normes et règles internationalement reconnus. En ce sens, la démocratie vise essentiellement à préserver et à promouvoir la dignité de du citoyen et du peuple.

11 Amartya, « La liberté politique en Afrique noir », 2010, p.14-15

20

5-1-2- Alternances :

Ce concept renvoie premièrement à la situation d'un régime politique ou des courants, des tendances au pouvoir. Elle intervient lorsque la majorité politique est renversée par l'opposition dans le respect des règles constitutionnelles, lors d'une élection législative ou présidentielle.

De ce fait, nous pouvons dire que tout changement le régime qui ne s'inscrit pas dans la logique du strict respect des règles constitutionnelles n'est pas politique. En tant que condition indispensable à la démocratie, l'alternance témoigne de l'existence des libertés politiques et d'un régime pluraliste ou le parti au pouvoir accepte de se retirer en cas de défaite électorale. Elle a pour conséquence le renforcement de la légitimité de la constitution et l'adhésion des citoyens au régime politique.

Au nombre des conditions pour une vraie démocratie en Afriques, Lokengo Antshuka plaide pour l'instauration d'une gestion rotative du pouvoir. Pour lui, la finalité d'une telle gestion du pouvoir est d'assurer la paix dans cité. Car, l'alternance est l'expression de la reconnaissance des autres, de leurs valeurs, de leurs idéologies, de leur philosophie. Elle suppose de ce fait l'acceptation de l'autrui. Elle est fondée sur une vertu, la tolérance qui est la condition de toute cohabitation paisible. De ce fait, elle permet également d'assurer les droits fondamentaux de l'individu, la justice sociale, à favoriser le développement économique et social de la collectivité, à renforcer la cohésion sociale ainsi que la stabilité nationale et à créer un climat propice à la paix internationale. En tant que forme de gouvernement, elle est le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs ; elle est aussi le seul système politique apte à se corriger lui-même. L'Etat démocratique est celui qui garantit que les processus d'accessions au pouvoir et d'exercice et d'alternance du pouvoir permettent une libre concurrence politique et émanent d'une participation populaire ouverte, libre et non discriminatoire.

5-1-3- Les partis politiques :

Le concept de partis politique est sujet à plusieurs interprétations. En d'autres termes, il n'y a pas une définition précise d'un parti politique. Mais, il existe des usages politiques et sociaux très variés qu'on applique souvent à des groupes considères comme partis politiques. Sur ce, Offerlé donne une double définition aux partis politiques. Ce sont notamment une définition limitée selon laquelle un partis politique est : une organisation durable (dont l'espérance de

21

vie politique est supérieure à celle de ses dirigeants) ; bien établie au niveau local et national du pays dans lequel il se trouve ; avec une volonté de ses dirigeants de prendre et d'exercer le pouvoir, seul ou avec d'autres partis politiques ; et qui a enfin le souci de rechercher un soutien populaire à travers les élections ou toutes autres manières.

Cette définition est qualifiée de limitée par ce qu'il est difficile à certains partis politiques de répondre à tous ces critères sans que cela ne leur empêche d'être considères comme partis politiques. Par exemple, la plupart des partis politiques américains tels que : Le conservative party of New York, Le new progressive party of puerto Rico, Le southerm party, Vermont prossive party sont régionaux, provinciaux. Mais cela ne les empêche nullement d'être des partis politiques.

La deuxième définition est celle élargie selon laquelle les politiques sont des : associations reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des chances idéales ou matérielles de poursuivre des buts et objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensembles12.

Dans le même sillage, Michel Offerlé définit les partis politiques comme des : organisations plus ou moins développées et plus ou moins permanentes, des organisations qui cherchent à faire élire des candidats dans un corps électoral, qui comprennent une proportion plus ou moins grande des personnes considérées comme adultes dans la collectivité ou ont lieu des élections13. Cette définition pose trois conditions pour qu'une organisation soit qualifiée de parti politique. Il s'agit premièrement de l'organisation et la permanence du groupe, en suite sa participation aux élections et en fin son ambition de former un gouvernement.

Pour Ibrahima Fall, les partis politiques sont : des associations spécifiques de citoyens partageant une même conception de l'organisation à des fins de pouvoir politique. Cette association décide de conquérir démocratiquement tout dans l'appareil d'Etat en vue de réaliser son projet de société. Quant à Brechon, il définit les partis politiques en se fondant sur quatre critères qui sont notamment, une organisation durable c'est-à-dire qui va au-delà de la vie de ses fondateurs, une organisation complète qui est structurée de la base au sommet et

12 Jean François Revel, « relation international » 1999, P.14

13 Michel Offerlé, « les partis politiques », 128 pages, collection que sais-je ? Ed. Presse universitaire de France, 2018

22

caractérisée par une relation permanente entre ses étapes d'organisations et la recherche du soutien populaire.

Comme on le voit bien, ces définitions suscitées ont entre elles des points de convergences et de divergences. Mais, en se fiant aux points de convergence entre elles, on pourrait dire dans le cadre de cette étude, qu'un parti politique est toute organisation porteuse d'une idéologie, d'un programme de société différent de celui qui est dominant, qui cherche à faire valoir son idéologie, ambitionne de contrôler et de conquérir le pouvoir d'Etat par le biais d'une compétition électorale régulière. Ici, l'ambition de conquérir le pouvoir, la diversité des idéologies sont les critères fondamentaux pour qu'une organisation soit qualifiée de parti politique. Car, l'existence de plusieurs partis politiques ou du multipartisme en un mot, est fondée sur deux idées essentielles : elle est premièrement fondée sur l'idée que la nature humaine est contradictoire, variée et que cette variété de la nature humaine entraine nécessairement une variété de sentiment, d'intérêts, d'idées. Donc, les partis politiques sont l'expression de la diversité naturelle des sentiments, des intérêts, des idées des hommes ; le deuxième fondement est qu'aucune idée, personne, sentiment particulier n'est indispensable, mais que tout est relatif.

Pour Paul Ricoeur, est démocratique, une société qui se reconnait diviser, c'est-à-dire traversé par des contradictions d'intérêt et qui fixe comme modalité d'associer à part égales chaque citoyen dans l'expression de ces contradictions, l'analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions en vue d'arriver à un arbitrage. Cette conception de Ricoeur sous-entend l'existence d'une diversité d'opinion, de pensée, d'idéologie entre les quelles le peuple libre, souverain choisi celui qui doit le représenter, le diriger. C'est la démocratie au sens de la pluralité politique, idéologique. C'est ce sens qui retient notre attention dans cette étude.

5-1-4-Afrique subsaharienne :

L'Afrique subsaharienne est l'étendue du continent africain au Sud du Sahara, séparée écologiquement des pays du Nord par le climat rude du plus vaste désert chaud du monde. Elle abrite quarante-huit États, dont les frontières sont issues de la décolonisation. Ses climats se distinguent par la variation pluviométrique annuelle plutôt que par les variations des températures. C'est la zone riche sur le plan de la biodiversité quoique vulnérable au dérèglement climatique.

23

L'Afrique subsaharienne est aussi la partie de la planète terre la plus dynamique en matière démographique. Elle a une Superficie de 22.431.000 km2 avec une population estimée à 1.022.664 451 habitants (2017)14. Son taux de croissance annuel est de 2,3 %. Sa situation démographique conditionne sa situation économique actuelle et à venir15. Vous verrez bien des illustrations en annexe.

5-2-Cadre théorique :

5-2-1- L'approche institutionnelle :

Ordinairement, on distingue deux types d'institutionnalisme : l'institutionnalisme sociologique et l'institutionnalisme historique. Mais, avant d'établir la différence entre les deux types d'institutionnalisme, il est nécessaire de souligner qu'il n'y pas de compromis entre les théoriciens de l'institutionnalisme sur le nombre de ses variations. La théorie institutionnelle n'est pas un courant de pensée unifié. Mais, en dépit du manque de consensus entre les théoriciens de l'institutionnalisme, nous optons dans le cadre de ce mémoire pour une division binaire de la théorie.

Revenons maintenant à la distinction entre les deux formes de l'institutionnalisme susmentionnées. Les théoriciens de l'institutionnalisme historique mettent particulièrement l'accent sur les institutions qu'ils définissent comme les procédures, les protocoles, les normes et les conventions officielles et officieuses inhérentes à la structure organisationnelle de l'Etat ou de l'économie politique. Selon Issiaka dans son essai de sciences-po sur `'la réinvention de soi dans la violence», cette forme de structure est celle qui a dominé la politique comparée du dernier tiers du 19esiècle jusqu'à l'entrée des deux guerres. Pour ses tenants, la comparaison doit se faire entre les institutions réputées fonctionnelles ou non et les conséquences politiques de ces institutions ou dispositions institutionnelles, leur impact sur la consolidation de la démocratie.

De même que les tenants de l'institutionnalisme historique, les partisans de l'institutionnalisme sociologique accordent la primauté aux institutions dans l'étude des phénomènes sociaux comme le processus démocratique. Mais, à la différence de leurs prédécesseurs, ils optent pour une définition beaucoup plus large des institutions afin de couvrir l'étude traditionnelle de l'Etat, des institutions sociales, de la démocratisation, des

14 Statistique de l'Organisation des Nations Unies, 2017.

15 Donnée de la Banque mondiale dans le rapport intitulé « La transition démographique africaine : dividende ou désastre », 2015.

24

luttes pour le contrôle du pouvoir politique, ainsi que des grandes entreprises et firmes multinationales. Mais, que ça soit l'institutionnalisme historique ou sociologique, il est évident que l'approche institutionnelle met l'accent sur les institutions et le rôle de celle-ci dans l'avènement et la consolidation de la démocratie dans un pays. On s'intéresse spécifiquement aux aspects juridiques et formels notamment les garanties constitutionnelles pour les partis politiques, les règles électorales en vigueur ainsi qu'aux dynamiques d'institutionnalisation du système (le type de régime politique dans le pays selon qu'il est présidentiel ou parlementaire). C'est pourquoi, nous y recourons en plus de l'approche stratégique pour comprendre le rôle des mécanismes institutionnels dans notre pays d'étude et leur impact dans le processus démocratique déclenché véritablement en 1990.

Cependant, il est nécessaire de souligner que l'approche institutionnelle présente certaine insuffisance. Puisque, en dépit du fait qu'elle permet d'expliquer la consolidation démocratique, la stabilité et la continuité des institutions, ses postulats ontologiques sont moins prégnants pour rendre compte des changements et des transitions de régimes. Et même dans le cadre de la consolidation démocratique, il est nécessaire de tenir compte du rôle principal que jouent les acteurs politiques.

5-2-2 L'approche stratégique :

Pour les partisans de cette approche, la compréhension des phénomènes sociaux comme la lutte pour le pouvoir qui est le principal sujet de cette étude, nécessite de prendre en compte les acteurs ainsi que leur action comme variables explicatives. Sur ce, on se rabat sur les motivations individuelles pour aboutir à l'émergence d'un effet global par association des comportements individuels. Cet individualisme méthodologique est un point de consensus pour les perspectives de l'approche stratégique.

Cependant, il faut souligner qu'il n'y a pas de compromis entre les tenants de cette approche sur tous ses postulats. C'est ce qui fait dire à Issiaka que la théorie stratégique n'est qu'une étiquette qui rassemble une communauté de chercheurs peu liée qui participent ensemble à un programme de recherches commun.

Par ailleurs, il faut dire que la théorie de l'approche stratégique est sujette à plusieurs critiques16. L'une des plus âpres est l'oeuvre de Donald Green et Ian Shapiro, `'pathologies of national choice theory». Pour ces deux auteurs, l'application empirique de la théorie de

16 Issikia Souaré, essai de sciences-po «la réinvention de soi dans la violence», 2010, p.19

25

l'approche stratégique est émaillée de plusieurs lacunes méthodologiques générées en grande partie, par les prétentions universalistes de ses tenants. Ces failles auraient pour causes l'obsession des tenants de l'approche stratégique avec les démarches et concepts subjectifs au préjudice de la compréhension et de la recherche de solutions aux problèmes. Alors, ces critiques sont-elles fondées et est ce qu'elles sont de nature à invalider le recoure à l'approche stratégique comme cadre théorique dans la présente étude ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de souligner qu'en dépit de leur critique, les deux autres (Tshiyembe, 2001 et Diamond, 2007) reconnaissent à l'approche stratégique un certain mérite et précisent que les failles qu'elle comporte sont inévitables. Sur ce, ils préconisent une½ universalité partielle' 'et exigent que la théorie stratégique soit dirigée vers la résolution des problèmes, donc les études empiriques au lieu de se limiter aux simples exercices de théorisation et de modélisation. Cela veut dire que, si ces failles étaient évitées, il n'y a aucun problème pour nous de s'en servir comme cadre théorique dans la présente étude. Dans tous les cas, pour traiter le sujet d'alternance politique dans ce mémoire, les partisans de l'approche stratégique mettraient l'accent sur les actions et les stratégies des leaders des partis politiques. Ainsi, des postulats de cette approche sont employés pour mieux analyser le rôle que jouent les acteurs politiques dans notre pays d'étude.

Section 6 : Méthodologie de la recherche

Dans le présent mémoire, nous précisons que notre choix de démarche est la démarche hypothético-déductive. Le choix de cette démarche se justifie par sa compatibilité avec la nature de notre sujet de recherche. Cette démarche est, de surcroit, celle qui est la plus usuelle en science sociale. Elle génère des idées et des hypothèses pouvant contribuer à comprendre comment une question est aperçue par la population cible et permet de définir ou cerner les options liées à cette question. Elle se caractérise par une approche qui vise à décrire et à analyser la culture et le comportement des humains et de leur groupe du point de vue de ceux qui sont étudiés. Elle consiste à poser une question spécifique de recherche ; adopter un cadre d'analyse approprié a l'objet d'étude ; formuler une ou plusieurs hypothèses et réaliser des tests empiriques ou théoriques dans le but de vérifier la véracité de la réponse à la question spécifique de recherche17. Cette démarche hypothético-déductive nous a permis de mettre en

17 Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura et Moustapha Diop, « Enjeux et défis démocratiques en Guinée (février 2007 - décembre 2010) », Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 85-90.

26

oeuvre des techniques de collète des données qui sont notamment les enquêtes de terrain, l'observation, les entrevues et des documents.

Section 7 : La recherche documentaire

Bien qu'insuffisant, il est nécessaire de noter avant tout, qu'il existe un nombre important de textes sur notre sujet d'étude et autres sujets relatifs, comme l'histoire générale de la vie politique, socioculturelle, les processus électoraux et la démocratisation de notre pays d'étude.

Vu le caractère complexe de notre sujet d'étude, il nous a apparu judicieux de nos différentes lectures, les points essentiels de notre problématique. Aussi, nous avons accordé une importance spécifique aux facteurs qui expliquent l'échec des partis politiques en Guinée. Nous avons également porté un regard critique sur les règlements et dispositions constitutionnelles de notre pays d'étude afin de couvrir et d'analyser les facteurs institutionnels, structurels qui pourraient être un enjeu important ; nous avons enfin porté un regard critique sur les mécanismes institutionnels devant permettre le bon fonctionnement du processus démocratique notamment les organes de gestion des élections.

Section 8 : Les enquêtes de terrain et traitement des données 8-1- Enquêtes de terrain :

Notre pays d'étude constitue a priori notre terrain de recherche. Mais, pour le cas de la Guinée, les principales techniques de recherche ont été employées pour les enquêtes de terrain : l'entrevue et l'observation. Ces techniques sont compatibles avec la démarche hypothético-déductive

Nous avons préparé des questions d'entrevue. Dans ce questionnaire, les personnes ont interviewé ont été classés en deux catégories. Chaque catégorie contenait des questions adaptées à son statut. La première catégorie était les leaders et les militants des principaux partis politiques de l'opposition et la deuxième catégorie était les responsables de la société civile guinéenne.

Dans notre stratégie de collecte et de vérification de l'information, nous avons utilisé aussi l'observation documentaire. Il s'agit de consulter la documentation sur le sujet d'étude et d'en tirer de l'information, particulièrement dans les références bibliographiques, articles scientifiques et internet.

27

8-2- Traitement des données :

En ce qui concerne le traitement des données, nous l'avons divisé en deux phases selon les techniques utilisées par bon nombre de chercheurs. Il s'agit notamment de la prise de notes et le traitement proprement dit de ces notes.

Pour le traitement de ces données, les interlocuteurs ont été classés en fonction de leur statut et de la nature des renseignements qu'ils nous ont fournis. Cela nous a permis de voir quelles sont les divergences d'avis sur les différents sujets. Ensuite, ces renseignements ont été examinés à la lumière de nos propres observations.

28

CHAPITRE II : EVALUATION DE L'IDEE DE DEMOCRATIE EN GUINEE

Section 1 : Démocratie en Afrique subsaharienne : réalité, discours ou simple théorie ?

De nos jours, la démocratie est généralement admise comme le mode de gouvernance par excellence.18 Pour Abraham Lincoln, elle est le gouvernement du Peuple, par le peuple et pour le peuple. Prise dans ce sens, la démocratie s'oppose à tout pouvoir qui n'est pas l'émanation du peuple. Cependant, force est de constater que dans les pays en voie de développement, elle est trop souvent une façade où le pouvoir provient finalement « du plus fort, par le plus fort et pour le plus fort ». En ce sens, notre objet de recherche se concentrera principalement sur la démocratie en Afrique. À ce sujet, de nombreux auteurs ont des opinions divergentes sur cette question de démocratie sur le continent noir. Pour certains auteurs, la démocratie n'existe pas en Afrique noir. Ils citent des facteurs qui entravent la démocratisation du continent noir. Il s'agit notamment du facteur ethnique. Pour eux, « la démocratie d'un Etat fonctionne relativement bien en premier lieu lorsqu'elle s'applique dans une nation, au sens civique comme au sens ethnique ».

Partant de l'idée selon laquelle « Le découpage territorial opéré par le colonisateur pour créer de toutes pièces des États a été effectué sans égards aux ensembles ethniques », ils soutiennent que le parti au pouvoir ne représente généralement qu'un groupe ethnique parmi l'ensemble de la nation. Il est important de mentionner que l'on retrouve, dans la plupart des pays africains, bon nombre de communautés ethniques divergentes. Le fait d'avoir un parti au pouvoir qui représente son ethnie d'origine assure à cette ethnie une certaine protection, la prospérité économique et des faveurs sociales. Le parti au pouvoir, garantissant les intérêts de l'ethnie dont il est issu, va tout faire pour garder ce pouvoir plutôt que de le céder au profit d'un autre parti qui représentera une autre ethnie.

Alors, il importe de comprendre que dans la plupart des pays africains, le concept de nation étant donc très fortement ethnique, le partage du pouvoir politique s'avère difficile, donnant lieu à des conflits interethniques, des refus d'alternance en faveur de « l'autre ». Le professeur Albert Bourgi nous éclaire sur ce fait : « Les antagonismes ethniques ont été peu à peu exacerbés par un exercice du pouvoir fondé sur l'accaparement de tous les privilèges par le groupe dirigeant, et donc sur l'exclusion des autres communautés, condamnées dès lors à ressasser leurs frustrations et à cultiver leur soif de revanche. » Dans le même ordre d'idée, nous expliquerons un peu plus bas comment le facteur de pauvreté est en relation étroite aussi

18 Albert Bourgi et Avril Pierre, «Essais sur les partis politiques», Paris, Payot, 1990, p.632

29

avec ce concept de pluriethnicité19. Tout au long de son histoire, le continent africain a été confronté à divers problèmes sociaux. Actuellement, ces problèmes sociaux sévissent avec une gravité alarmante dans les populations des États africains. En effet, la pauvreté, l'ignorance, la maladie, les conflits ainsi que l'analphabétisme font rage sur le continent noir. Les spécialistes tels que Michal Bratton, Jean-François Bayart, Samuel Fambon et Noél Kodia n'estiment que ces nombreux problèmes sociaux qui ont un impact négatif sur l'implantation de la démocratie en Afrique subsaharienne.

Cependant, les études de ces chercheurs ne tendent pas vers une conclusion unanime. Cette partie est consacrée à l'explication de l'impact de la pauvreté et du manque de scolarisation sur la vie démocratique en Afrique noir. En relation avec la pauvreté et le manque d'éducation, il faut comprendre que le taux d'alphabétisation est un élément essentiel dans la réussite d'une démocratie. Par exemple, « l'Afrique à voir beaucoup dans ce domaine ; lorsqu'une population locale ne parvient pas à bien apprécier un programme politique lors d'un vote », cette démocratie ne peut avoir un sens politique. Un autre élément dans l'explication de l'échec de la démocratie en Afrique réside dans l'incapacité chronique à respecter l'alternance.

À cet effet, « l'histoire africaine apporte des éléments qui se superposent pour finalement expliquer la situation actuelle. L'analyse de l'histoire de l'autorité en Afrique avant la période coloniale met en lumière le fait que, dans la plupart des pays du continent noir, l'alternance politique était chose inconnue et très rarement la présence d'une autorité au pouvoir durant plusieurs années était contestée. Puisque les clans ou les ethnies étaient homogènes, la légitimité du pouvoir en place était assurée : Rares étaient les peuples qui se révoltaient contre leur souverain pour une alternance. L'alternance «à l'africaine» est régie par des traditions bien précises qui font que le candidat à l'alternance est connu de longue date ». Les essayistes et économistes Kodia et Martin se prononcent sur cette Question.

Pour autant, le respect de l'autorité est sacré et l'alternance « démocratique » (dans l'acception actuelle du terme) n'était pas exactement la caractéristique principale de ce système. Le fort lien communautaire qu'on trouve en Afrique contraste d'ailleurs avec l'individualisme en Occident qui a pu y permettre un fonctionnement de la démocratie qui respecte les droits individuels et qui circonscrit le pouvoir de l'autorité politique. Avec ces institutions précoloniales autoritaires et communautaristes, le terrain est donc déjà préparé en

19 Martin Pierre, « Les systèmes électoraux et les modes de scrutin », Paris, Montchrestien, 3ème éd. 2006, p.19

30

Afrique pour un futur autoritarisme « national » À la lumière de ce passé politique précolonial, il n'était pas réellement possible d'instaurer en Afrique une démocratie dite occidentale. En fait, l'une des principales difficultés à l'implantation de la démocratie sur le continent réside dans le fait qu'on a « appliqué le modèle occidental d'État nation « civique » sur des territoires qui sont en réalité « plurinationaux ». Bien entendu, il s'avèrera problématique «de forcer la démocratie à l'occidentale dans des pays qui n'en ont pas la culture et ont une histoire spécifique ».

Les sociologues appellent ce phénomène le transplant institutionnel, c'est-à-dire l'exportation dans un pays, dit «à développer», d'une ou plusieurs institutions en provenance d'un autre pays, dit «développé». Le professeur Lottieriet, analyste, jette le pavé dans la marre à travers sa réflexion. Pour lui, si l'exportation se fait par le haut, les institutions exportées devront remplir la même fonction que dans leur contexte d'origine, leur « ordre institutionnel » d'origine. Mais cela est justement impossible car les institutions dans un contexte dépendent d'autres institutions pour assurer leur fonction. Si ces autres institutions ne sont pas présentes dans l'ordre institutionnel d'accueil, le transplant ne produira pas les effets escomptés, et sans doute produira-t-il même des effets pervers.

Cependant, pour d'autres auteurs, la démocratie existe bel et bien en Afrique subsaharienne. Selon eux, la démocratie en Afrique, malgré ses faiblesses et lacunes, existe. Bien qu'elle soit nettement différente des démocraties présentes dans le monde occidental, une forme de démocratie existe bel et bien sur le continent noir. L'histoire du continent confirme d'ailleurs la présence de certaines formes de démocraties dans différentes périodes. Cependant, ces auteurs estiment en revanche que l'implantation démocratique sous la forme occidentale ne peut fonctionner dans des États africains si différents des États du nord. En aucun cas, cette démocratie ne peut être le système politique adapté aux gouvernements africains.

Ces auteurs partent de l'organisation et du fonctionnement des sociétés africaines précoloniales pour soutenir leur thèse d'existence de la démocratie en Afrique subsaharienne. De ce fait, voyons quelques-uns de leur argument.

31

Section 2 : Historique du processus démocratique en Afrique

2-1- Le temps précolonial :

Selon des auteurs comme Jean-François Bayart, Nzue Prince et François Mpuila Tshipamba, la démocratie dans la société négro-africaine se manifeste depuis déjà plusieurs siècles20. Il existe une vaste littérature sur l'émergence de la démocratie aux États-Unis, en France ou au Royaume-Uni, littérature reconnue sur le plan international. Par contre, en ce qui concerne le cas des pays subsahariens, l'histoire est moins connue ; cependant un regard sur les systèmes de gouvernance dans ces États nous révèle une forme de démocratie. Au prime à bord, en partant de la position géographique des pays de l'Afrique noire, nous voyons une nette différence avec l'Occident, le désert du Sahara ayant constitué une barrière naturelle. À l'époque, ce désert constituait un obstacle de taille pour les échanges avec les autres pays. Les États africains de l'époque ont donc dû développer des systèmes de gouvernance inspirés de leurs propres cultures locales compte tenu de leu ;' isolement. En étudiant ces cultures, les spécialistes relèvent certains traits caractéristiques propres aux régimes démocratiques et estiment aussi que l'avènement de la démocratie moderne a débuté avant la colonisation effective sur ce continent.

À cet effet, le premier auteur noir, lauréat d'un prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, demanda au Président Chirac s'il croyait que l'Afrique n'ait jamais été mûre pour la démocratie. En réponse à ce questionnement, un expert des relations franco-africaines, François-Xavier Verchave, souligne « qu'on oublie toujours que l'Afrique a derrière elle des millénaires de traditions politiques qui étaient tout sauf des systèmes totalitaires Quelles sont les caractéristiques des systèmes politiques d'Afrique qui s'apparentent à celles de la démocratie moderne ?

Tout d'abord, dans les systèmes politiques centralisés, « il existait souvent des moyens de sanctionner ou d'empêcher la tendance à l'absolutisme, au despotisme à travers des mécanismes de participation du peuple au pouvoir ou de limitation de la liberté d'actions du Chef ». En effet, les pouvoirs du Chef des diverses sociétés africaines sont contrôlées par des instances d'opposition. Par exemple, le Chef « était tempéré soit par le Conseil Royal, soit par la Cour de la « Reine Mère », soit par des fonctionnaires religieux, des sociétés secrètes qui jouaient dans l'investiture du roi.

20 Fall Ibrahima, « Esquisse d'une théorie de la transition : du monopartisme au multipartisme en Afrique » Paris, Economica, 1993, pp. 42-53.

32

À ce propos, on peut aussi constater l'exercice d'une forme de démocratie africaine dans des communautés locales spécifiques. Notons par exemple le cas de l'empire manding de Soudiata Keita ou l'empire wassoulou de Samori Touré et du fouta Djallon. Nous pouvons noter que la gouvernance du royaume du Fouta Djallon, de Samori Touré par exemple, revêtait un caractère démocratique. Dans le royaume wassoulou de Samori Touré, «Le conseil du roi n'est pas un organisme familial, les parents étant écartés au profit de routiniers ou d'hommes de castes». Cette brève description du royaume de Samori Touré ainsi que celui du Fouta Djallon et du Mali prouve davantage que les valeurs démocratiques n'étaient pas absentes dans les sociétés guinéennes précoloniales.

Nous pouvons également mentionner le cas de l'empire Mossi de Ouagadougou où le Chef Suprême nommé Mogh'Naba « avait autour de lui de nombreux fonctionnaires et dignitaires qui faisaient partie du Conseil des ministres ou du Conseil du Roi ». Ce Conseil avait pour mandat d'avoir la fonction de tribunal d'État. Il se prononçait donc sur les verdicts découlant de la volonté générale. L'auteur Prince évoque quelques proverbes qui témoignent de la soumission du Chef à un Conseil de Sages : « le Monarque apparemment puissant doit se soumettre au Conseil des Sages », ou « le Roi qui n'écoute pas les Sages écoute les courtisans ». Un autre aspect des formes de démocratie précoloniale en Afrique subsaharienne consiste en la transition démocratique.

Même avant tout contact avec la civilisation occidentale, la tradition africaine proposait (dans bon nombre de cultures politiques de la région) une limitation de mandat. Pour citer quelques exemples de cette tradition de transition politique, nous pouvons penser au peuple Abouré, aux Agni Indéniés et aux Morafoués où « le règne d'un souverain n'excédait jamais sept ans ». Dans d'autres communautés traditionnelles, la limitation du pouvoir et du mandat passe davantage par le jeu des pouvoirs opposés.

Notons que près de la Côte de la Guinée, les Chefs des confédérations étaient contrôlés par un collège d'oligarques nommé Mpanymfo. Cette limitation de pouvoir est aussi constatée dans le Royaume Ashanti (actuel Ghana) ou les Chefs provinciaux possédaient de larges pouvoirs qui venaient limiter ceux de l'Asantehene (le Chef Suprême).

À la lumière de ce bref historique de l'époque précoloniale sur le continent noir, il nous apparaît évident que certaines manifestations des attitudes démocratiques étaient palpables dans la tradition africaine21. Bien entendu, les principes d'alternance ou de transition

21 Offerlé Michel, « Les partis politiques », Paris, PUF, 1997.

33

démocratique, de balance du pouvoir, de limitation des mandats, etc. n'étaient pas des valeurs communes à l'ensemble des communautés traditionnelles ; malgré tout, bon nombre d'exemples de sociétés locales de diverses régions africaines nous démontrent la manifestation d'une forme de démocratie. Voyons maintenant l'impact de la période coloniale sur ce processus démocratique.

Section 3 : De la période coloniale à l'indépendance en République de Guinée

Bien que la Guinée ait accédé à son indépendance avant 1960, nous considérons cette date comme celle de la fin de la colonisation européenne sur le continent africain. Cela parce qu'elle marque l'année d'indépendance de la plupart des territoires de l'Afrique occidentale notamment dans les colonies françaises groupées dans une grande fédération dénommée Afrique occidentale française (A.O.F).

Joseph Kizerbo écrivait à propos des premières attitudes des africains à l'arrivée des colonisateurs : « Depuis des premières tentatives de pénétration, sous des formes multiples, parfois ambiguës, le nationalisme africain s'est toujours exprimé sans interruption jusqu'à la reconquête de l'indépendance ». Ce nationalisme africain à la veille de la colonisation est un corolaire de la situation plus ou moins démocratique des sociétés précoloniales.

Alors, dans le cadre de l'Afrique de l'ouest et plus particulièrement celui de la Guinée, il est utile de remarquer avant tout que les trois premières époques de l'ère coloniale se divisent en deux périodes : la première va de 1880 jusqu'au début des années 1900. La seconde commence à partir de 1900 jusqu'à la première guerre mondiale en 1914. En effet, la première phase est marquée du côté africain en général et guinéen en particulier par la résistance souvent sous forme armée contre le colonialisme. C'est pourquoi les français ne sont parvenus à s'installer solidement en Guinée qu'après l'arrestation de Samori Touré le 29 janvier 1898.

Pour la seconde phase, elle aurait été marquée par des révoltes armées et les fuites. En effet, c'est des tentatives visant à rejeter la domination coloniale qui pesait très lourd au regard de ses conséquences (brimades, travaux forcés, crimes).

A ces deux facteurs, vient se greffer un troisième pour faciliter la compréhension de la nature du système politique en Afrique coloniale. Il s'agit notamment de l'incompatibilité de l'entreprise coloniale avec le système démocratique. En effet, la démocratie repose fondamentalement sur le respect des droits et libertés humaines, notamment la liberté d'association, de pensée, d'action et sur l'idée de l'autogestion. Donc, la démocratie est en

34

d'autres termes l'opposé de tout pouvoir arbitraire et de toute répression ou oppression des libertés humaines. Cependant, l'entreprise coloniale, dans sa logique, est une négation de ces libertés et droits humains.

Sur ce, au regard, de la résistance à laquelle les puissances colonisatrices étaient confrontées, et cela leur donnant le prétexte de continuer avec des procédés ou méthodes oppressives, il serait logique de soutenir que durant toute la première moitié de l'ère coloniale, il n'y a pas eu des processus démocratiques en Guinée et probablement nulle part ailleurs en Afrique.

Par ailleurs, après la première guerre mondiale, on assiste au lancement d'un processus de réforme politique. Ce processus de réforme dépendait d'une nécessité fondamentale notamment celle du maintien du pouvoir colonial de l'époque qui commençait à être menacé par la monté dans les populations coloniales un nationalisme effréné, engendré par l'activisme politique de l'élite africaine ainsi qu'aux populations notamment ceux qui avaient combattu du côté de leur maitre. En reprenant le General De gaule, Joseph Kizerbo note à ce propos : « sous l'action des forces psychiques que la guerre a déclenchée, chaque population, chaque individu lève la tête, regarde au-delà du jour et s'interroge sur son destin ».

Mais, pour le cas de la colonie de la Guinée, il a fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour qu'il ait une réelle réforme politique et un véritable processus démocratique. Ainsi, en Guinée comme ailleurs en Afrique occidentale française, les soulèvements populaires, les mouvements de grève contre les pratiques oppressives du système colonial, l'affaiblissement de la France par la guerre ont conduit le gouvernement français à entreprendre des réformes ouvrant la voie à un processus démocratique dans ses colonies. C'est dans ce cadre qu'on assista en 1946 à l'adoption par referendum la constitution de la IVème République22. En effet, cette constitution intègre les territoires d'outre-mer dans l'union française tout en accordant la citoyenneté aux populations des colonies.

Dans son article N°41, elle stipule expressément que `'la France forme avec les territoires d'outre-mer d'une part et les Etats associes d'autres part une union librement consentie». Cette brèche introduite en 1946, va se poursuivre avec les contestations incessantes de l'élite politique africaine de l'époque par l'adoption de la loi N° 56-619 du juin 1956 dite loi cadre Defferre. Cette dernière, plus que la première réforme, accorde beaucoup de libertés aux colonies.

22 Ki-Zerbo Joseph, « Histoire de l'Afrique Noire : D'Hier à Demain », Paris, Hatier, 1978.

35

Elle accorde la possibilité pour les colonies de former des assemblées territoriales, des gouvernements locaux et introduisit le suffrage universel dans la gestion du pouvoir. Ainsi, avec ces réformes citées ci-haut, l'élite africaine et guinéenne en particulier emprunta les voies de la légalité et se constitua en mouvement et partis politiques.

Section 4 : De l'indépendance à la chute du mur de Berlin

Au point de départ de notre étude dans cette section. Il faut remarquer que presque durant toutes les trois premières décennies de la période postcoloniale, la gouvernance du nouvel Etat guinéen à l'instar de celles des autres pays de l'Afrique a été caractérisée par une tendance plus ou moins orientée vers l'autoritarisme à tous les échelons de la société (politique, économique, sociale, culturelle). En effet, les partis au pouvoir en Afrique, dominés par la doctrine marxiste dont ils se réclamaient, prétextant que les débats idéologiques, politiques, philosophiques étaient empreints de communautarisme, de régionalisme, ont préféré instaurer le parti unique. Se proclamant «partis de masses», ces partis uniques étaient caractérisés dans leur ensemble par une forte concentration du pouvoir d'Etat, l'étouffement des initiatives privées, la confiscation des libertés et des droits fondamentaux du citoyen.

De ce fait, l'enracinement des actions autoritaires africaines découlait d'un souci de légitimation idéologique des nouveaux chefs d'Etat. A ce propos, J.F. Médard remarque :

`'L'efficacité du parti unique, quelles que soient ses modalités, reposait sur l'articulation de la légitimation idéologique et de l'encadrement politique23». Cependant, il est utile de remarquer qu'il existait d'importantes différences entre les régimes autoritaires africains. Durant cette période, il a existé trois tendances communes à la plupart des Etats africains : les sultanismes, les autoritarismes durs et les autoritarismes modérés. En ce qui concerne les autoritarismes durs, ils sont caractérisés par un fort degré de violence politique et reposent sur une peur permanente et insidieuse plus que sur la terreur. Dans ces Etats, les arrestations parfois arbitraires, les tortures, la liquidation des suspects, les emprisonnements définitifs sont les modes d'expression du pouvoir. Il s'agit là de réels régimes policiers ou les services de sécurité et de répression sont des administrations qui fonctionnent le mieux. Le régime du PDG/RDA de Sékou Touré en Guinée est exemple illustratif.

23 Médard Jean-François, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », Politique Africaine, Paris, L'Harmattan, pp. 92-104. 2006.

36

La constitution guinéenne de 1958 prévoyait à son article 40, un pluralisme politique. En effet, l'article 40 de cette constitution stipulait : `'Les citoyens de la République de Guinée jouissent de la liberté de parole, de presse, de réunion, d'association, de cortège et de manifestation dans les conditions déterminées par la loi». Cependant, jusqu'à la veille de la chute du mur de Berlin en 1989, la Guinée n'était pas à proprement dit un pays pluraliste.

La scène politique guinéenne est restée dominée de 1958 à 1984 par un seul parti, en l'occurrence le Parti Démocratique de Guinée (PDG), le parti au pouvoir. Après la mort de son président, le pays fut conduit par une junte militaire, le Comité Militaire de Redressement National (CMRN) qui en était aussi le seul maitre. Ainsi, l'avènement du parti unique et les procédures par lesquelles il a été établi, les caractéristiques des régimes de parti unique, des juntes militaires et leurs impacts sur les partis politiques. Les aspects affectés par ces caractéristiques comprennent aussi bien les activités des partis que les stratégies qu'ils seront amenés à adopter.

Section 5 : Les particularités du système politique en République de Guinée

D'une manière générale, au lendemain des indépendances, les pays de l'Afrique occidentale n'affichaient pas un monopole juridique du regroupement des électeurs. Lorsque la constitution contient une disposition relative aux partis politiques, la disposition ne consacre pas le monopole du parti au pouvoir.

En République de Guinée par exemple, même si l'article 40 de la constitution de 1958 garantissait la liberté d'association, de réunion et de formation de partis politiques autres que le P.D.G, il faut admettre que Sékou Touré, dans un entretien avec un journaliste Danois en 1960, n'a pas manqué d'afficher sa volonté favorable à la création de partis politiques différents du sien (P.D.G.). Il souligne, je cite « Si certains le désirent, qu'ils fondent un parti communiste Guinéen. Mais, le nouveau pari doit se définir dans le sens de l'intérêt majeure de la nation ». Selon Seydou Madani Sy, le président Sékou Touré est allé jusqu'à avouer sa disponibilité à apporter son aide au nouveau parti dans son implantation en mettant à sa disposition les moyens nécessaires à son développement. Tout en se réservant de porter un jugement sur cet engagement de Sékou, nous certifions que la réalité du monopole du parti au pouvoir n'était pas posée en droit.

C'est-à-dire, l'établissement du régime de parti unique n'était pas un fait constitutionnel. Cependant, dans les faits, il en était autrement. En effet, il était à peu près inacceptable qu'un

37

nouveau parti émerge en opposition au parti démocratique Guinéen dans la mesure où ce dernier était déjà identifié et confondu avec le peuple dont il croyait incarner les aspirations les plus profondes, détenir ses destinés, d'être sa pensée collective et le gardien de sa volonté. Lors d'un meeting, Sékou Touré ne tarde pas à faire comprendre implicitement aux Guinéens qu'il ne saurait y avoir qu'un seul et unique maitre lorsqu'il annonce : `'... le parti impose sa dictature comme un conducteur impose sa dictature aux passagers d'un véhicule...». Tel était le sens profond de la révolution envisagée par Sékou Touré. Alors, l'existence des droits et des libertés fondamentales du peuple, comme la liberté d'association, de communication et d'information, de manifestation, syndicale, idéologique devenait inconcevable en Guinée. Bref, on ne pouvait s'entendre qu'à un règne unitaire et sans partage du P.D.G.

En effet, l'autorisation d'un pluralisme, qu'il soit idéologique, philosophique, politique, syndicale ou économique constituerait à l'époque un facteur de désunion. Ainsi, suite à ce meeting, certaines mesures restrictives sont immédiatement prises par les autorités politiques. Par exemple, en 1959, par un décret, la liberté d'information est supprimée ; plus grave encore, on va jusqu'à conseiller aux particuliers d'avoir un poste récepteur du moment que le ministre de l'intérieur percevait cela comme un signe apparent de contestation du pouvoir. Ensuite, on procéda à l'interdiction de Guinée matin qui était actif dans toute l'Afrique occidentale et l'hebdomadaire du parti, la liberté fut le seul autorisé. Il fut également interdit aux avocats, notaires et huissiers de justice d'exercer leur profession sans la demande des autorités.

Par ailleurs, un fait plus marquant de la direction qu'a pris le régime du P.D.G est la création d'une organisation unique de jeunesse appelée jeunesse de la révolution démocratique africaine24. En effet, cette organisation de jeunesse, se trouvant rattaché directement au parti démocratique de Guinée, se trouvant sous sa tutelle, était un moyen d'étouffer les libertés d'association des jeunes afin de mettre main sur eux. Lors du congre constitutif de la jeunesse de la révolution démocratique, Sékou Touré annonçait dans son discours : `'A partir de ce moment, crie-t-il du haut de la tribune, aucune organisation des jeunes étudiants, équipes sportives, scouts, associations culturelles ou religieuses n'a d'existence légale en Guinée. Tous doivent désormais se fondre dans la JRDA. En feront obligatoirement parti tous les jeunes garçons et filles âgés de 10 à 25 ans». Cette organisation n'était en vérité qu'une

24 Kéita Sidiki Kobélé, « Des complots contre la Guinée de Sékou Touré, 1958-1984 », Conakry, La Classique guinéen, 2002, p-45-47

38

machine pour canaliser les mouvements de jeunesse. Le P.D.G. s'en est toujours servi pour assurer son contrôle sur les jeunes qui constituent le fer de lance de toute révolution populaire.

En 1958 déjà, les leaders partis politiques de l'opposition, regroupés au sein du PRA-Guinée, ont décidé de se rallier au mot d'ordre de l'indépendance immédiate de Sékou Toué et de son parti : Selon Mamady Sanassy Keita que nous rencontré, après l'indépendance, la section guinéenne du PRA se sentant en position d'impopularité face au PDG d'une part, et d'autres part soucieuse de la conservation de l'unité nationale, a fini par se rallier en acceptant les exigences du PDG.

Ce constat est partagé par Ibrahima Baba Kaké dans son oeuvre le héros et le tyran. Selon ce dernier, aux premières heures de l'indépendance en Guinée, tous les Hommes politiques Guinéens jouaient le jeu de l'unité. Ainsi, dans le but de conserver l'Independence nouvellement acquise, de renforcer le tissu social et par peur à quelque égards (ceux qui ne voulaient pas observer la logique du régime du P.D.G étaient exposer à la perte de leurs postes ou de leurs têtes), le peuple trouva en Sékou et en son parti l'homme et le parti nécessaires pour conduire les aspirations les plus légitimes du peuple. Dès lors, le PDG ne pouvait être qu'unique en Guinée. L'unicité du régime du PDG était une nécessité politique du moment. Nous venons de sortir du contexte de la colonisation dont la stratégie essentielle était de diviser pour dominer.

Donc, la réalisation de l'unité nationale était un préalable au service du jeune Etat africain. Par conséquent, la fragmentation politique constituerait un frein pour la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, il est utile de remarquer qu'au sein du P.D.G, la gestion des affaires ou la prise des décisions revêtaient parfois une certaine caractéristique démocratique. En effet, lorsqu'il était question de prendre une décision importante, le pouvoir révolutionnaire central consultait systématiquement tous les autres maillons de l'organisation, notamment le pouvoir révolutionnaire régional, le pouvoir révolutionnaire d'arrondissement et le pouvoir révolutionnaire local, pouvoir qui, en raison de bonne organisation sur la base de l'Etat central, a finalement le premier et le dernier mot. Cette consultation faisait l'objet d'un véritable débat contradictoire.

Sur ce, contrairement à ceux qui pensent que le gouvernement de PDG était marqué dans son ensemble par le despotisme, la dictature, l'absolutisme, nous objections que bien que le régime du PDG soit un régime à parti unique, à l'intérieur de ce parti, existait une pluralité d'options, d'idéologies, de convictions et la prise des décisions se faisait des fois de façons

39

collégiale. Selon l'avis convergent de la plupart des personnes que nous avons rencontré, la gouvernance du PDG était bien un régime à parti unique, mais le peuple, de la base au sommet, était toujours appelé à donner son avis par rapport à la prise des décisions. S'était une véritable démocratie populaire.

Sur ce, il est possible de lire que la gouvernance du PDG était régime à parti unique par sa forme, mais à l'intérieur du quel existait une pluralité politique, idéologique qui s'articulait conforment aux principales de la démocratie pluraliste qui est l'acceptation de la différence dans l'unité.

Néanmoins, le régime de PDG a réussi à éteindre complètement l'effervescence partisane et la contestation politique entre 1958 et 1984. En effet, le régime du PDG était un régime de parti unique à direction centralisateur avec une direction populaire fondée sur les principes du centralisme démocratique. Dans ce cas, on note une primauté du parti sur l'Etat. En ce qui concerne les régimes militaires, il est utile de noter avant tout, qu'entre 1960 et 1990, les militaires ont réussi à supplanter les gouvernements civils presque dans la moitié des Etats africains25.

L'Afrique de l'ouest s'est montré la région la plus attrayante aux phénomènes des coups d'Etat. Cela s'explique par une double situation de crises qui prévalaient dans les Etats qui l'ont expérimenté entre 1960 et 1990. Il s'agit notamment d'une situation de décrépitude économique (qui est l'effet du bannissement de l'initiative privée et de la nationalisation de toutes les entreprises sous les régimes de partis unique) et d'une situation de violation des droits de l'homme.

Alors, pour remédier à ces situations de violation des droits de l'homme et de crises économiques, certains militaires ou civils ont préféré renverser le pouvoir en place qui est considéré comme la cause du mal collectif. C'est pourquoi, la plupart des coups d'Etats comme celui du CMRN en 1984 et du CNDD en 2008 en Guinée furent félicité par le peuple. Dans le cadre spécifique de la Guinée, la junte militaire une fois au pouvoir en 1984, interdit le PDG et la plupart de ses structures. Il s'agit notamment de l'interdiction du CUM (comité d'union militaire) et la dissolution de la milice populaire ; elle intègre la majorité des membres de cette milice dans l'armée et la police. Elle procéda également à l'amélioration

25 Souaré Issaka et Paul-Simon Handy, « Bons coups, mauvais coups ? Les errements d'une transition qui peut encore réussir en Guinée », Pretoria, Institut d'études de sécurité, 2009, Papier no. 195.

40

des conditions de vie des forces armées. Ensuite, la fin du règne du P.D.G annoncée par les nouvelles autorités militaires, les promesses d'engager la Guinée sur la voie de l'édification.

41

CHAPITRE III : LE MULTIPARTISME ET L'ALTERNANCE AU POUVOIR EN

REPUBLIQUE DE GUINEE :

Section 1 : La naissance des partis politique en Guinée

En dépit de la controverse entre les auteurs sur le lieu précis et la date précise de la naissance du phénomène partisan, il faut noter que ce soit en Afrique ou ailleurs, la naissance et le développement du phénomène partisan est lié à la naissance de la démocratie et à l'introduction du suffrage universel au XIXe siècle26. Plusieurs études corroborent cette idée. Par exemple, Ostrogorski, dans son oeuvre, ? Démocratie et organisation des partis politiques?, argue que l'émergence des partis politiques en Angleterre et Etats-Unis s'explique par le développement de la démocratie et l'apparition du suffrage.

Quant à Maurice Duverger, il situe l'origine du phénomène partisan en occident à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Pour cet auteur, les partis politiques, au sens moderne du terme, sont apparu en Amérique en 1850. Il argue aussi qu'avant cette date, tout ce qui a existé dans les autres sociétés n'était que des clubs politiques, des associations de pensée, des groupes parlementaires. Dans la même logique que ses prédécesseurs, il soutient que l'essor des partis politiques modernes est lié au développement de la démocratie et à l'existence du suffrage universel.

Dans le cadre de l'Afrique noire, il est utile de noter que c'est avec la démocratisation partielle des régimes coloniaux que le phénomène partisan s'est rependu partout en Afrique au sud du Sahara. Il est également utile de souligner qu'entre 1945 et 1968, plus de 148 partis politiques sont établis sur le continent africain. L'existence des partis politiques était nécessaire à partir du moment où les peuples se voyaient attribuer le droit de vote. Sur ce, on peut situer l'origine du phénomène partisan en Afrique au lendemain de la seconde guerre mondiale. A partir de ces remarques, on peut déduire que le phénomène partisan en Guinée tout comme ailleurs en Afrique est lié à l'introduction du suffrage universel et au développement de la démocratie.

Cependant, si nous disons avec certitude que la création des partis politiques en Afriques est le résultat de ce que nous appelons démocratisation partielle des régimes coloniaux, suivre ce

26 Elleinstein, « Réflexions sur le marxisme, la démocratie et l'alternance », Revue Pouvoirs, Paris, Alman Colin, 1977, pp.73, 74 et 84.

42

schéma évolutif, peut cacher certaines réalités importantes de l'histoire du phénomène partisan en Afrique27. Il s'agit notamment de leurs origines.

Ainsi, une étude très détaillée de l'histoire coloniale de l'Afrique occidentale réalisée par Albert Adu Boahen, certifie de l'existence dès après la première guerre mondiale d'un nombre important d'associations, de clubs, de sociétés ethniques, littéraires, d'assistance sociale, de jeunesse. `'L'entre-deux-guerres vit se constituer, dans beaucoup de pays d'Afrique occidentale, en nombre toujours croissant, une foule d'associations, de clubs, de sociétés (ethniques, d'assistance sociale, littéraires, d'anciens élèves, bénévoles et de jeunesse)».

Cependant, il atteste que durant la période allant de 1919 à 1935, il y a eu un manque relatif d'activités politiques, nationalistes et syndicales dans les colonies de l'Afrique occidentale française (AOF) par rapport aux colonies Britanniques. Selon lui, cet état de fait dans les colonies françaises, dépendait d'une part, de `'l'attitude plus restrictive de la France à l'égard des activités et organisations politiques africaines, et (d'autre part), à l'absence en Afrique occidentale française d'une presse vigoureuse comparable à celle de la Sierra Léone, de la Gold Coast et Nigeria».

Dans le cadre des colonies de l'Afrique occidentale française, il montre que l'essentiel des activités politiques, nationaliste ou syndicales s'est déroulé à paris entre 1924-1936 ; Elles furent marquées par la fondation de la ligue universelle pour la défense de la race noire en 1924 à Paris, en suite, la création du comité de la défense de la race nègre qui sera plus tard rebaptisé ligue de la défense de la race nègre. En plus de ces organisations, il faut signaler aussi que la ligue des droits de l'Homme (organisation humanitaire française) avait des sections dans beaucoup de colonies françaises. Et, ces sections servaient par manque d'activités politiques, des instruments de contestation de l'administration coloniale. Mais, pour le cas de la colonie de la Guinée, il est utile de noter qu'il n'a existé presqu'aucun mouvement à caractère politique ou syndical vif dans la période de l'après première guerre

27 Boahen Adu, « La politique et le nationalisme en Afrique occidentale, 1919-1935, », Histoire générale de l'Afrique: vol. VII, édition abrégée, Paris, UNESCO/Présence africaine, 1998, pp. 427-441.

43

mondiale.28 Tout semblait à l'époque comme si les Guinéens étaient favorables au joug colonial. Selon Ibrahima Baba Kaké, Emmanuel Mounier, après un voyage à travers le continent noir, écrivait en 1948 : « Arrivée en Guinée, vous cherchez le problème guinéen. Vous ne trouvez rien... Vous vous apercevez alors pourquoi la Guinée est si reposante au terme d'un long voyage dans l'outrance africaine. C'est un pays sans obsession. Pas d'agitation sociale, pas d'agitation politique. Il existe un grand parti guinéen. N'en entend vous pas un nom de bataille : il s'appelle l'union franco-guinéenne. Son personnage dominant est un homme raisonnable et pondéré, que tout le monde estime. M. Yacine Diallo. Les élections se-sont déroulées avec une absence monotone d'incidents. Comme disait son gouverneur, il n'y a qu'une exubérassions en Guinée : la pluie pendant l'hivernage ».

Cette brève description de la Guinée par Mounier au lendemain de la seconde guerre mondiale, certifie davantage l'idée de l'inexistence d'activités partisanes après la première guerre mondiale. Pour emprunter l'expression d'Ibrahima Baba Kaké, la Guinée était comme : «la belle ou bois dormant».

Cependant, bien qu'il n'y avait pas des mouvements vifs en Guinée à cette époque, il faut signaler qu'avant la seconde guerre mondiale et même après la guerre, il existait en Guinée des organisations et organisations d'entraide cantonale, des clubs politiques, des associations ethnies. Mais, ces organisations n'avaient aucune vision politique dans leur programme. Car elles évitaient à tout moment de rentrer en conflit avec l'administration coloniale. L'article 14 du statut de l'amicale stipulait : «Dans toutes les activés de l'amicale, les discussions politiques sont interdites». La Guinée ne va se réveiller de son sommeil partisan que quelques années après la seconde guerre mondiale.

Ainsi, en Guinée, on assiste d'abord à la création des organisations à caractère régional comme l'union de la basse côte, l'union de la Guinée forestière, l'union manding, l'amicale Vieillard Gilbert ; ensuite des mouvements syndicaux comme le syndicat des professionnels des gens et sous agents indigènes du service de transmission de Guinée, l'union des syndicats confédérés de Guinée ; enfin des partis politiques comme le PDG/RDA, le BAG, l'union franco-guinéenne de Yacine Diallo, le parti progressiste africain de Guinée. Dans un premier temps, ces partis étaient considérés comme l'extension des partis métropolitains. Nous avons

28 Ibrahima Baba Kaké, « Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire : Recherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de 1 'espace francophone », Paris, Editions Publibook, 2006, p.773-774

44

par exemple l'affiliation du PDG/ RDA au parti communiste français, de l'union franco-guinéen au parti socialiste français. Ensuite, ils rompirent avec ces derniers en recourant à leurs autonomies.

Section 2 : Rupture et réintroduction du multipartisme en Guinée

A la veille des indépendances, la guinée était un pays multipartite29. En effet, avec les réformes politiques introduites dans les colonies au lendemain de la deuxième guerre mondiale, on assista à une activité partisane en Guinée comme ailleurs en Afrique occidentale française. En Guinée à la faveur de ces réformes, on assista premièrement à la création des organisations régionalistes, ethniques, ensuite des organisations syndicales puis des partis politiques.

Au niveau politique, plusieurs partis politiques furent créés. Nous avons par exemple l'union franco-guinéenne de Yacine Diallo, le parti progressiste africain de Guinée, l'union démocratique africaine de Lamine Kaba, le parti socialiste de Guinée, le parti démocratique guinéen. Mais, à cause des considérations ethniques, régionalistes dominantes, ces partis ont été marqués par une grande division entre eux. Lors des élections législatives et territoriales, chaque ethnie s'épuisait dans la constitution de listes de candidature sur la base communautaires, régionales.

Chaque association ethnique désirait choisir un représentant à elle. Ainsi, l'absence d'une plate-forme politique cohérente, le repliement des responsables politiques sur leurs communautés, l'absence d'organisations politique unique capable de mobiliser les masses constituaient l'une des causes de leur échec partiel. Mais, jusqu'à la veille de la chute du mur de Berlin en 1989, la Guinée n'était pas à proprement dit un pays pluraliste. La scène politiques guinéenne est restée dominée de 1958 à 1984 par un seul parti, en l'occurrence le parti démocratique Guinée (PDG). Après la mort de son président, le pays fut conduit par une junte militaire, le comité militaire de redressement national qui en était le seul maitre.

En effet, dans son oeuvre intitulé «L'avènement du parti unique en Afrique noire'', le professeur Ahmed Mahiou certifie qu'en 1958, il y avait une soixantaine de partis politiques dans les 15 pays de l'Afrique subsaharienne. Mais, il note aussi que dès 1946, ce nombre

29 Bangroura Dominique, « De quel État et de quel régime politique parlons-nous ? », décembre 2003, Paris, L'Harmattan, 2004, pp. 29-38.

45

avait baissé à 20 parmi les premiers pays africains à adopter le système de parti unique, figue la Guinée, la Centre-Afrique. Alors, à la lumière de ce qui est dit ci-haut, il faut se poser la question de savoir comment des pays comme la Guinée où régnait le multipartisme à la veille indépendances, ont-ils débouché sur des régimes de partis uniques ?

En effet, cette situation est l'aboutissement d'un processus historique et politique dans les Etats qui l'ont expérimenté. En Afrique, ce processus a commencé sous le signe du multipartisme, remplacé par le bipartisme (dans certains pays) et le parti unifié (dans d'autres). Effectivement, la situation sociopolitique qui prévalait dans certains pays africains au lendemain des indépendances, justifiait des comportement ou actes allant dans le sens de l'établissement de l'union nationale. Personne n'était censé ou jugeait sage d'aller contre l'indépendance acquise, contre l'unité nationale.

Par ailleurs, il est utile de souligner aussi qu'au fond, l'avènement des régimes de partis uniques en Afrique et particulièrement en République de Guinée découlait d'un souci de conversation du pouvoir des nouveaux responsables. En effet, ne voulant pas céder le pouvoir, ces derniers ont opté pour une stratégie d'exclusion de tout concurrent afin de demeurer le seul maitre du jeu politique. Ainsi, on a procédé dans un premier temps à l'établissement des partis dits' 'unifiés½ (lorsque l'ensemble des partis politiques ont accepté de s'associer autours d'un programme commun dans un même gouvernement). Plus tard, le parti unique s'est imposé lorsque les partis membres de la coalition ont perdu leurs identités. De même, Lancinet Sylla remarque que l'établissement des systèmes de parti unique en Afrique noire s'est opéré trois méthodes : des procédés juridiques ou institutionnels, politiques et autoritaires.

Si les procédés politiques ont suivi le schéma que nous avons décrit ci-haut, les procédés juridiques et institutionnels ont consisté en un renforcement du parti gouvernemental face aux paris minoritaires et les acteurs politiques. Mais, il faut noter que la réussite de ce procédé dépendait beaucoup du charisme du leader au pouvoir. Par exemple contrairement à beaucoup d'auteurs qui prétendent que l'unicité et la longévité du régime du PDG de Sékou Touré s'explique par l'oppression et le culte de personnalité de ce dernier, nous certifions ici, sur la base de témoignages nombreux et concordant, que c'est la réussite du leader du PDG à bien communiquer son idéologie à ses militants et la volonté délibérée des responsables des autres

46

partis politiques à oeuvrer avec le PDG à la veille du référendum de 1958 qui explique son influence sans conteste jusqu'en 1984.30

Le contexte de la guerre froide représenté aussi facteur important dans l'explication de l'avènement et la longévité du règne de la plupart des régimes de partis uniques. Par exemple, Issiaka, atteste que le régime du PDCI-RDA de Félix Houphouët-Boigny a pu résister aux multiples vicissitudes du temps grâce au soutien permanent de la France au nom de la solidarité idéologique et des considérations géostratégiques et économiques.

Par ailleurs, avec la disparition naturelle du président de la république, Sékou Touré le 26 mars 1984, se posa la question de sa succession constitutionnelle. En effet, selon l'article 51 de la constitution de 1982, `'En cas de vacance de la présidence pour quelque cause que ce soit, le gouvernement révolutionnaire reste en fonction pour expédier les affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau chef d'Etat dans un délai de 45 jours, au cours desquels les élections présidentielles sont organisées».

Mais, cette disposition présente des insuffisances liées à son interprétation. Elle ne désigne pas explicitement de successeur constitutionnel du président de la république. A partir de ce moment, se manifeste plusieurs protagonistes pour assurer l'intérim du président. Néanmoins, le premier ministre assura l'intérim 26 mars au 3 avril 1984.

Conscient de la faiblesse juridico-institutionnelle caractérisée par un texte constitutionnel flou et un parti d'Etat dont l'organisation et le fonctionnement dépendait du ressort de son chef, il était certain que la guerre de succession sera déclenchée. Ainsi, un groupe de militaires à sa tête certain Lansana Conté, profite pour prendre le pouvoir à la suite d'un coups-d `Etat sans effusion de sang. Ce coups-d `Etat mettait fin à 26 ans de règne du PDG et marquait le début d'un régime militaire.

L'ouverture politique ou la réintroduction du multipartisme n'est intervenue en Guinée qu'au début des années 1990. En effet, c'est suite à la contestation de l'opposition rentrée de l'exile contre l'article 95 de la loi fondamentale du 23 décembre 1990 qui limitait le nombre de partis politiques susceptibles d'être constitués à deux, qu'est intervenu en 1991, une loi organique, la loi organique L/9/003/CTRN du 23 décembre 1991 instaurant le multipartisme intégral ou sans limite de nombre en Guinée. Dès lors, la scène politique guinéenne s'enrichit aussi de

30 Sylla Lancine, « Tribalisme et parti unique en Afrique noire », Abidjan, Presse de la fondation nationale de science politique, 1977.

47

plusieurs partis politiques. En 1992 déjà on compte presqu'une quarantaine de partis politiques légalisés. Aujourd'hui, nombre s'élève à plus de deux-cent paris politiques. Sur ce, quel est l'impact des partis politiques guinéens dans le processus démocratique amorcé depuis 1990 par Lansana Conté ?

Section 3 : Les partis politiques dans le processus démocratique en Guinée

Pour mieux apprécier le dynamisme des partis politiques guinéens dans le processus démocratique de 1990 à 2020, il est utile de procéder avant tout à une division binaire de la période considérée : il s'agit notamment de la période allant de 1990 à 2008 et de celle de 2008 à 2020.

En effet, la première période, marquée par le règne du PUP constitue une période très critique de l'activité partisane en Guinée. Certes, l'ouverture politiques amorcée en 1985 représente une avancée démocratique incontestable par rapport au monopole de fait qui eut cours entre 1958 et 1984. Mais, cette ouverture était très contestée à cause de son caractère autoritaire et arbitraire. Elle était ressentie comme une démocratie `'voilée», c'est-à-dire qui ne respectait pas dans la pratique les principes théoriques d'une démocratique pluraliste. En effet, elle n'admettait pas les échanges. Par exemple, lors de la convention de son parti, le 13 décembre 2003, le président Lansana Conté déclarait à propos des partis politiques d'opposition qu'ils étaient des étrangers qui n'avaient pour autres vocations en Guinée que la conquête du pouvoir. Alors, il remarqua qu'il s'engagera à leur empêcher d'atteindre cet objectif et de s'installer.

D'ailleurs, dans son discours, il considérait les partis politiques d'opposition comme des ennemis et non des adversaires. Durant cette période, malgré la pléthore des partis politiques, la scène politique est restée dominer par le PUP : dans la période considérée, ce parti fut le seul à remporter toutes les élections législatives et présidentielles du pays. Ce monopole du PUP s'exerçait avec l'appui de l'armée dont était issu le président et la complicité de certains leaders politiques. Aussi, le militantisme dans le PUP était la règle d'or du clientélisme et de la promotion administrative.

48

Dans ce cadre, l'opposition politique était sujette à des brimades militaires et policières, à des menaces d'intimidation politicienne, à des arrestations arbitraires, à des tortures... Bref, le pouvoir de PUP fut un régime autoritaire31. Pourtant, ce régime proclamait, surtout à l'étranger, qu'il adhérait aux principes de la démocratie pluraliste. Il s'agissait en vérité d'une démocratie de propagande qui, par sa forme, présentait l'image d'un système multipartite dont le contenu était vide.

Néanmoins, le PUP ne réussit pas à éteindre complètement la dynamique partisane et contestation politique. Plusieurs partis politiques furent créés, soit une moyenne à peu près de 47 partis entre 1993 et 2008. Certains de ces partis ont d'une manière relative dominée la scène politique. Il s'agit notamment du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), de l'Union pour le Progrès de la Guinée (UPG), de l'Union pour la Nouvelle République/Union des Forces Démocratiques de Guinée (UNR/UFDG), de l'Union des Forces Républicaines (UFR), le Parti du Renouveau et du Progrès/Union pour le Progrès et le Renouveau.

Ici, il est utile de noter que chacun de l'UNR/UFDG et PRP/UPR ont été créé respectivement comme UNR et PRP en 1992. Ils ont chacun en ce qui le concerne, participé aux élections présidentielles de 1993 et législatives de 1995 sous ces noms. Mais, à la veille de l'élection présidentielle de 1998, ils ont fusionné en UPR et ont présenté un candidat unique à cette élection, le président de l'UNR, Amadou Bhoye Bah. Aussi, aux élections législatives de 2002, ils ont présenté une liste commune. Mais, après cette élection, la coalition éclata quand Ba Amadou a quitté la coalition pour adhérer à l'UFDG. De ce fait, l'ancien PRP conserva la dénomination commune de l'UPR. Il est également utile de noter que c'est en raison de sa popularité et de son implantation sur le territoire national à partir de l'an 2000 que nous considérons l'UFR parmi les principaux partis politiques.

Par ailleurs, suite à la mort du président de la République, le Général Lansana Conté en 2008, un groupe de militaire à sa tâte le capitaine Moussa Dadis Camara profite de la situation et prend le pouvoir par le biais d'un coup d'Etat. L'arrivée de cette junte au pouvoir suscita un grand espoir au sein de la classe politique guinéenne. Au lendemain de son coup d'Etat, le président de la junte, Moussa Dadis Camara affiche sa volonté d'assurer la transition politique et de céder le pouvoir aux civils par le biais d'une élection démocratique libre, transparente et crédible.

31 Chambers, Paul, « Guinée : le prix d'une stabilité à court terme, » Politique africaine, 2004, pp. 128-148.

49

Mais hélas, le président de la junte, à travers une sortie médiatique, annonce de façon implicite et contre toute attente des leaders de l'opposition et de la communauté internationale sa volonté d'ôter la tenue et de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Alors, l'opposition politique, surtout la plus radicale dans son opposition était exposée à des menaces d'intimidations, à des injures. En septembre 2009, une manifestation de l'opposition est violemment réprimée par les militaires qui a fait au moins 156 personnes disparues ou tuées, leurs cadavres enterrés dans des fosses communes. Environ 109 filles et femmes victimes de violences sexuelles et tortures32. Mais rien de cela n'a permis de fléchir le dynamisme de l'opposition. On assiste au contraire à une prolifération du nombre de partis politiques sur la scène marquée par un dynamisme effréné.

Cependant, en dépit de cette pléthore des partis politique, seulement cinq partis politiques ont réellement du dominé la scène politique guinéenne dans l'intervalle de 2008 à 2015. Il s'agit notamment du RPG, de l'UFDG, de l'UFR, du PEDN, du BL et de l'UPG. Il est utile de noter que le bloc libéral est considéré parmi les principaux partis politiques en raison de son succès électoral lors des élections présidentielles de 2015.

De même que certains pays africains, la distinction partis de masses et partis de cadres est obsolète pour analyser le paysage politique guinéen. Car, il est difficile compte tenu de la complexité des organisations partisanes guinéennes d'établir une bonne idéologique entre elles. Dans ce contexte, il est possible de dire qu'il n'y a ni de partis de masse ni de partis cadre en Guinée. Néanmoins, lorsqu'on part de l'examen des statuts des différents partis politiques, les divergences idéologiques apparaissent à certains égards. Mais, elles disparaissent dans la pratique et l'expérience de la discussion publique. Ce qui caractérise les partis politiques guinéens de l'opposition dans le processus démocratique de 1990 à 2015, c'est leur efficacité clientéliste, leur performance électorale, leur incapacité de s'unir contre le parti majoritaire. Il leur manque également de stratégies claires pour atteindre leurs objectifs de conquête. En effet, les partis politiques guinéens, à l'instar de ceux du Sénégal, se démarquant d'une part par le durcissement de leurs oppositions ou l'acceptation de la solidarité gouvernementale. D'autre part, ils ont pour traits essentiels de regrouper un grand nombre de partisans sur la base des relations ethniques, communautaires ou régionales (les facteurs ethnique, communautaire et régional sont essentiels et déterminants en Guinée).

32 Commission d'enquête du Haut-Commissariat des Nations Unies au Droit de L'Homme (HCDH), article, 2009.

50

Par ailleurs, la cohabitation gouvernementale guinéenne est l'expression la plus déformés de la démocratie multipartite33. En effet, malgré son association gouvernement, l'opposition n'intervient pas du tout dans le processus de prise des décisions. Cela implique qu'il y a certainement une connivence qui est nécessairement une convention imparfaite et non une conciliation de compromis. En Guinée, les partis politiques qui participent au gouvernement au lieu d'être les partenaires de la discussion démocratique, se réduisent à des témoins passifs, à des faire-valoir d'une démocratie pluraliste.

Ainsi, la Guinée malgré son adhésion à la démocratie pluraliste dans les 1990, est toujours confrontée à la culture du parti unique. En effet, malgré la pléthore des partis politiques, le champ politique guinéen, est marqué par un manque de mobilité, d'alternance démocratique. Cela sous-entend semble - il un manque de dynamisme ou d'efficacité des partis politiques guinéens dans le processus démocratique. La plupart des partis politiques guinéens n'existe que de non comme des têtes d'affiche de l'opposition. Cela explique nécessairement un dysfonctionnement des institutions politiques et ses fâcheuses conséquences dont le risque de pérennisation du parti au pouvoir et l'inadéquation des partis politiques par rapport, à l'histoire de la nation et au besoin de la population. En Guinée, faire de la politique, c'est chercher une place. L'idéologie des partis, leurs orientations politiques est absentes dans tout débat. Ils ne sont là que pour amuser la galerie, remplir une coquille vide. La plupart des partis politiques guinéens sont créés non pas pour marquer la diversité idéologique ou pour défendre les projets alternatifs de société, mais pour satisfaire des intérêts égoïstes, ethniques, communautaristes ou régionalistes de leurs responsables.

Section 4 : Les facteurs du manque d'alternance politique en Guinée

4-1- Fraudes électorales comme stratégie de conservation du pouvoir : Il convient, d'emblée, de définir ce qui constitue, objectivement, une « fraude électorale ». Cette définition permettra, ensuite, d'analyser certaines des pratiques considérées comme telle. Ceci à travers des approches normative ou juridique, sociologique et stratégique. Cette démarche est d'autant plus nécessaire que la plupart des rapports ou déclarations faisant état de fraude électorale de la part des partis au pouvoir proviennent souvent des partis de l'opposition « victimes » et observateurs électoraux qui ne font pas, adéquatement, une différence entre ce qui constitue

33 Lehoucq Fabrice, « Electoral Fraud : Causes, Types, and Consequences, » Annual Review of political Science, 2003, pp. 233-256.

51

une fraude électorale et ce qui relève de la stratégie politique, « machiavélienne » que soit-elle34.

Fabrice Lehoucq définit la fraude électorale comme des « efforts clandestins déployés en violation des règles établies dans le but d'influencer le résultat des scrutins électoraux. » Il est vrai que des actes de truquage peuvent apparaître comme flagrants et être facilement détectés. Mais il n'est pas moins vrai que les truqueurs essaient toujours de cacher leurs actes, et nient même, en cas de découverte, d'avoir commis les faits qui leur sont reprochés. Ainsi, la clandestinité ou l'intention de cacher et l'illégalité sont deux conditions importantes pour établir, de façon objective, le caractère « frauduleux » d'un acte en jeu compétitif.

Pour nombre d'analystes et d'observateurs de la politique africaine, la principale stratégie qu'emploient les partis au pouvoir afin de conserver celui-ci est la fraude électorale, soutient que les partis au pouvoir en Afrique ont développé des techniques de fraude électorale très sophistiquées et subtiles, rendant difficile la détection de certaines pratiques aussi bien par le chercheur que par les observateurs électoraux. Selon une déclaration de Pascal Lissouba, l'ancien président congolais, « les régimes africains au pouvoir n'organisent pas les élections pour les perdre ». Kokoroko part de cette déclaration, qu'il utilise pour introduire son article qui porte sur les élections dans ce qu'il appelle l'Afrique noire francophone. Ainsi, il soutient que, dans la pratique, l'élection libre et honnête semble démentie dans la plupart de ces pays, ce qui justifierait, selon lui, qu'on se pose la question de savoir si les élections qui se déroulent dans ces pays sont des moyens crédibles de promotion des alternances démocratique et politique.

Ceci rejoint les arguments avancés pour justifier le désintérêt, pour très longtemps, de la recherche africaniste occidentale en science politique aux scrutins africains. Car ces scrutins n'étaient pas jugés libres et transparents dans la plupart des cas. La recherche africaniste n'avait donc pas jugé opportun d'élaborer une problématique générale visant à expliquer leur sens, leur déroulement ou leur rôle dans le processus de démocratisation, contrairement à l'intérêt porté aux échéances électorales ayant lieu dans les démocraties occidentales stables, voire dans les pays sud-américains35. Élargissant son analyse à l'ensemble de l'Afrique, note que la plupart des processus électoraux qu'a connus le continent depuis les années 1990 ont

34 Ninsin Kwame, « Introduction: The Contradictions and Ironies of Elections in Africa, » Africa Development, 2006, pp. 1-10.

35 Shedler, Andreas, « The Menu of Manipulation, » Journal of Democracy, juin 2002, pp. 36-50.

52

été entachés d'énormes irrégularités, « lesquelles non seulement se généralisent, mais aussi se diversifient à toutes les étapes du processus électoral ».

Ces étapes du processus électoral seraient au nombre de quatre, selon Daniel Calingaert. Il s'agit des phases de recensement des électeurs, de la campagne électorale, des procédures du jour de scrutin et, enfin, de la comptabilisation et la proclamation des résultats (Calingaert, 2006). C'est l'ensemble de ces techniques qu'Andreas Schedler (2002) dénomme « menu de la manipulation».

Tous les spécialistes reconnaissent que la plupart des régimes au pouvoir en Afrique font ou tentent souvent de faire recours à une ou plusieurs de ces techniques de truquage électoral. Dans le cadre des pays d'étude, les partis d'opposition guinéens et plusieurs observateurs de la politique guinéenne ont dénoncé ce qu'ils estiment être des pratiques de fraude électorale du parti au pouvoir, le Parti de l'Unité et du Progrès.36 De même, au Bénin, les candidats du parti la Renaissance du Bénin (PRB), Nicéphore Soglo, et du Parti du renouveau démocratique (PRD), Adrien Houngbedji, arrivés respectivement en 2ème et 3ème positions du scrutin présidentiel de mars 2001, ont décidé de boycotter le second tour en raison d'allégations de fraude à l'encontre du régime au pouvoir. Curieusement, les partisans de Soglo, alors président sortant, reprochent à Kérékou alors dans l'opposition et les siens de lui avoir « volé» la victoire du scrutin présidentiel de mars 1996.

Il convient d'analyser certains de ces actes à la lumière de la définition et à l'aide des approches susmentionnées. Ainsi, des actes comme la manigance des listes électorales afin d'en exclure certains électeurs éligibles, l'interdiction aux autres leaders politiques d'accéder à certaines parties du territoire national aux fins de campagne électorale en temps régulier, et le bourrage des urnes constituent des actes de fraude électorale s'ils ont été commis délibérément afin d'influencer les résultats. Ces actes sont interdits dans les codes électoraux de presque tous les États, et dans notre pays d'étude37. Quant aux actes comme 1' « achat de votes » aussi appelé « corruption morale », « don électoral » ou « marchandisation du vote » et la cooptation des éléments de l'opposition par le parti au pouvoir, ceux-ci sont des actes qui doivent faire l'objet de plusieurs lectures. Étant donné que chacun de ces actes prennent des formes multiples, l'analyse doit porter sur les différentes manifestations de l'acte et les traiter

36 Banégas Richard, « Mobilisations sociales et oppositions sous Kérékou, » Politique Africaine, octobre 1995, pp. 25-44

37 Bebel Bernd et Alexandra Scacco, « What the Numbers Say: A Digit-Based Test for Election Fraud Using New Data from Nigeria », Communication présentée à la conférence annuelle de American Political Science Association, Boston, août 2008.

53

au cas par cas. Il y en a qui sont prohibés par les règles électorales ou constitutionnelles en vigueur, et ceux-ci sont illégaux et relèvent donc de la fraude électorale.

Par exemple, dans une requête qu'il a déposée à la Cour constitutionnelle le 8 mars 2001, Mathieu Kérékou, le candidat sortant à l'élection présidentielle de mars 2001 au Bénin, a demandé à la Cour d'annuler les votes au niveau de certains bureaux de vote. Il justifiait sa requête par des irrégularités électorales que ses agents auraient constatées au niveau de ces bureaux de vote lors du premier tour du scrutin, le 4 mars. Les irrégularités évoquées comprenaient, par exemple, le fait que des « militants du parti d'opposition la Renaissance du Bénin distribuait du riz au gras aux électeurs » le jour du scrutin. Dans sa décision à propos de cette requête, la Cour a reconnu l'irrégularité de ces actes et noté qu'ils avaient été déjà pris en compte, examinés et sanctionnés avec l'annulation des voix au niveau des bureaux de vote où les irrégularités ont été établies38.

S'agissant de l'achat de votes ou don électoral, s'il n'est pas proscrit par les règles en vigueur, il n'est pas évident qu'il constitue un fait de fraude électorale. Vu sous un prisme normatif, cependant, éthique enseignerait l'évitement d'un tel acte. Sauf que l'analyse sociologique dédramatise les conclusions de ce regard normatif. En effet, l'on assiste, depuis quelques années, à une monétarisation extrême des relations sociales dans la plupart des sociétés africaines, y compris dans les mariages, les rapports conjugaux des femmes refusant de se marier qu'au plus offrant, les amitiés et même les relations entre parents. Or la conduite des politiques est influencée, dans une grande mesure, par les matrices morales de la société qu'ils représentent. Ainsi, s'inscrivant parfaitement dans la logique de la « politique du ventre », la plupart des électeurs africains considèrent la promesse ou l'offre d'argent et autres faveurs en période électorale comme une vertu éthique et civique, et n'y voient rien d'anormal. Il est même possible d'arguer que certains les considèrent comme une obligation que leur doivent les politiques. Dans les canevas de questionnaire de nos enquêtes de terrain figurait les questions suivantes : « Qu'est-ce qui vous a convaincu d'adhérer à ce parti ? » et « Qu'est-ce qui vous a convaincu de soutenir une personnalité indépendante comme Boni (pour les militants de Yayi Boni au Bénin) ? » La question conséquente que nous posions souvent était : « pourquoi pas supporter tel ou tel autre candidat ? » Les réponses de certains informateurs étaient révélatrices à cet égard. En Guinée, le premier élément évoqué par la plupart des militants et sympathisants du parti au pouvoir était de dire que « Lansana Conté est un homme de paix qui a préservé la stabilité en Guinée malgré les crises politiques qui prévalaient dans

38 Déposition de la Cour constitutionnelle beninoise, 2001.

54

les pays voisins. » Mais le deuxième élément de réponse de bon nombre d'entre eux, et le premier même pour certains, était de dire que Conté lui-même ou un membre influent de son parti « est très bienfaisant et généreux ». Trois personnes à Conakry ont dit qu'ils n'étaient que sympathisants avec le PUP mais qu'elles sont dorénavant très engagées parce que le Président Conté a fait partir leurs parents à la Mecque pour le pèlerinage musulman.

Au Bénin, quatre militants du PRD ont reconnu qu'ils soutiennent le programme politique du leader de leur parti, mais qu'ils déplorent le fait qu'il ne se montre pas suffisamment généreux. À propos des difficultés non politiques auxquelles ils font face, presque tous les leaders de l'opposition au Bénin, en Guinée et au Ghana (notamment les petits partis) ont mis l'accent sur la question de financement. Demandés pourquoi ils ne mobilisaient pas suffisamment de fonds à partir des cotisations de leurs militants, la réponse d'environ les deux tiers des Guinéens et des Béninois et la moitié des Ghanéens était de dire que « les militants ne sont pas bien engagés, ils sont pauvres et beaucoup s'attendent d'ailleurs à ce que le parti leur fasse des faveurs pour leur engagement ».

Pour Richard Banégas, parlant du cas béninois, notamment lors des élections législatives de 1995, «la période électorale est en effet perçue par la majorité des citoyens comme le moment où l'on peut reprendre aux hommes politiques l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur accession au pouvoir ou, plus généralement, depuis l'indépendance. » De ce fait, soutient-il : Dans certains cas, les paysans d'un quartier se sont organisés pour maximiser le profit tiré de la campagne électorale ... Mais, contrairement à ce que laisse accroire une image répandue, les citoyens ordinaires sont loin de se conformer passivement au vote obligé que leur proposent les donateurs de ces cadeaux ; ils monnayent âprement leur voix et veillent, chacun à leur niveau, à maximiser l'échange électoral39. Loin de consacrer la mise sous tutelle des électeurs, souvent évoquée dans les analyses du clientélisme, la relation client taire, instrumentalisée par les groupes populaires, apparaît à ce titre comme un des vecteurs majeurs d'initiation aux règles nouvelles du pluralisme40. Et loin d'être l'oeuvre des seuls partis au pouvoir, il faut reconnaître que les acteurs des partis d'opposition, qu'ils soient candidats à la présidence ou à la députation, s'adonnent également à cette pratique.

39 Mahiou Ahmed, « L'avènement du parti unique en Afrique noire, l'expérience des États d'expression française », Paris, LGDJ, 1969.

40 Banégas Michel, « Mobilisations sociales et oppositions sous Kérékou », Politique africaine, 1995, p. 78

55

Vue sous cet angle, l'offre du don électoral constitue pour les politiques une « stratégie rationnelle » qui vise à gagner des électeurs en étant sensibles à leurs désirs et préférences41. D'ailleurs, comme nous l'avons vu au premier chapitre, Weber (1971) reconnaît dans sa définition de parti politique le fait que les partis ont aussi pour but de procurer à leurs militants actifs « des chances idéales ou matérielles de poursuivre des buts et objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensemble »42. Il est vrai que les partis au pouvoir, disposant de plus de moyens, bénéficient davantage de cette donne et de cette stratégie que les partis d'opposition.

Section 5 : L'instrumentalisation de la société civile

Nous avons déjà souligné que les mouvements syndicaux et les associations socioculturelles, régionales et de jeunesse de l'entre-deux-guerres ont constitué les avant-gardistes des premiers partis politiques en Afrique subsaharienne. De même, les groupes communément connus aujourd'hui comme « société civile » sont ceux qui ont assuré le relais entre le monopartisme et le multipartisme dans la plupart des pays africains à partir de la seconde moitié des années 1980. Ainsi, il convient de porter le regard particulier sur ces mouvements et leur rôle dans la libéralisation des systèmes politiques dans notre pays d'étude, la Guinée. Pour ce faire, nous commençons par la définition du concept de la société civile, avant de passer en revue leur rôle de « sage-femme » ou de « fer de lance » pour les partis politiques établis ou reconstruits au début des années 1990.

- Définir la « société civile » :

La « société civile » est un vieux concept en usage déjà au XVIIIe et XIX

esiècles en Europe43.

Selon Thériault (1986), se référant à Hobbes, le concept de société civile est apparu, dans un premier temps, comme une tentative laïque d'expliquer la cohérence du social. Il s'agissait, en ce moment, « d'embrasser, dans un même mot clé, tout le moment de civilisation, tout le moment culturel, qui s'oppose, ou actualise, ce moment asocial refoulé dans un ailleurs : l'état de nature. » Les continuateurs de Hobbes, comme Locke, Rousseau, Diderot et Kant, entendent par le concept « le vaste champ de la sociabilité qui actualise, ou s'oppose à, une réalité liée à l'individu dans l'état de nature. » Mais la société civile décrite par ces penseurs

41 Buijtenhuijs Robert, « Les partis politiques africains ont-ils des projets de société ? L'exemple du Tchad », Politique africaine, 1994, pp 119-135.

42 Offerlé Michel, « Les partis politiques, collection que sais-je ? », éd- presse universitaire de France, 1987, p 20

43 Otayek, René, « Vu d'Afrique : Société civile et démocratie : de l'utilité du regard decentré, » Revue Internationale de Politique Comparée, 2002, pp. 193-212.

56

n'est pas encore une réalité concrète, elle est une virtualité, « un possible inscrit dans l'état de nature » (Thériault, 1986, p. 110).

Il se précise un peu davantage lorsque la dichotomie état de nature/société civile est substituée

e

par celle de société civile/société politique chez Hegel, au début du XIX siècle. L'ordre naturel, l'individualité première, la société civile s'oppose alors à l'État interventionniste, quasi-féodal. Mettant l'emphase sur le caractère essentiellement économique, la société civile passe pour « l'ensemble des rapports sociaux hors-État, mais définis par et à travers la sphère marchande de la société bourgeoise »44, le philosophe allemand ne dissocie pas totalement la société civile de l'État, car, selon lui, «la société civile [hégélienne] se caractérise par la primauté des intérêts particuliers individuels ou collectifs dont le dépassement ne peut se réaliser qu'à travers l'État ».

Quant à sa conception contemporaine, presque tous les spécialistes le renvoient à Gramsci qui l'étudie vers la fin du premier quart du XXème siècle dans le contexte italien et selon ses postulats sur les concepts de l'hégémonie et de la dominance. Pour Gramsci, la société civile, en tant que complexe d'institutions privées (incluant les Églises, le système éducatif et les syndicats), joue un rôle crucial dans la reproduction de l'hégémonie sociale, car elle diffuse l'idéologie dominante, réalisant ainsi la combinaison de coercition et de consentement qui rend possible la domination.45

Cependant, en Afrique subsaharienne, c'est à partir des années 1980 que la société civile a commencé à s'impose dans le débat politique. Elle le fera davantage et plus décisivement encore dans la décennie suivante. Pour Thiriot (2002, p. 277), l'émergence de la société civile en Afrique subsaharienne est due aux changements politiques que la majorité des régimes africains ont expérimentés durant cette période. Pour elle, les mouvements de la société civile africains ont joué un rôle important aussi bien dans la phase de libéralisation (avec la contrainte exercée sur les régimes autoritaires), que dans la gestion de la phase de transition.

Mais quel est le sens ou la définition de la société civile depuis cette redécouverte, d'autant plus qu'elle assume des responsabilités et s'implique dans des domaines beaucoup plus différents et épars que ses prédécesseurs du XVIIIème au XIXème siècle, voire même de la première moitié du XXèmè siècle ? De plus, le phénomène de société civile n'est plus limité à son

44 Ayittey George, « La démocratie en Afrique précoloniale » Afrique 2000, Revue africaine de politique internationale, 1990, pp. 39-75

45 Thériault Joseph Yvon, « La société civile est-elle démocratique ?», L'Harmattan et Les Presses de l'Université de Montréal, 1992, pp. 57-79.

57

berceau européen ou occidental, pour ne pas oublier l'Amérique de Tocqueville. En effet, le concept est dorénavant approprié par les théoriciens libéraux des transitions démocratiques pour identifier les groupes qui s'emploient pour la transition du totalitarisme à la démocratie dite libérale, très proche du capitalisme de marché.

Il est possible, cependant, de fournir une définition, ne serait-ce qu'approximative, qui tente de saisir un bon nombre des groupes qui s'en réclament, notamment dans le contexte africain. Il faut d'ailleurs se référer Monga et Otayek qui s'inspire aussi de Cohen et Arato (1992) dans cette définition. Ainsi, on peut définir la `' société civile» comme l'ensemble des

mouvements (souvent volontaires) socioculturels et des intellectuels » organisés et
autonomes (des forces politiques) qui s'engagent pour exprimer et canaliser les frustrations des masses contre les gouvernants ou agissent comme intermédiaires entre les deux et avancent des causes particulières comme la libéralisation du système politique46. Ils comprennent les médias indépendants, les avocats, les groupes de plaidoyer, les syndicats, les mouvements estudiantins, les groupes féminins, les organisations de défense des droits humains, et les mouvements religieux47.

- La société civile et la démocratisation

Tocqueville fut parmi les premiers penseurs à souligner le lien entre la société civile et la démocratie en attribuant la vigueur de la démocratie américaine au dynamisme associatif de la société américaine, en plus de son pluralisme religieux et le caractère modeste et décentralisé de son appareil administratif. Pour lui, les Américains n'ont pas cessé de multiplier les efforts afin de donner à leurs citoyens les occasions d'agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu'ils dépendent les uns des autres »48. Il ajoute que les Américains réussissent à travers

la multitude innombrable de petites entreprises à exécuter tous les jours à l'aide de
l'association », c'est en cela qu'aucun pouvoir politique ne serait capable de susciter et d'imposer sa propre doctrine49.

Dans un article portant sur le rôle des mouvements de la société civile et l'avènement ainsi que la consolidation de la démocratie dans le pays du Sud, Diamond note que la plupart des transitions de l'autoritarisme à la démocratie ont été « négociées » entre le pouvoir et les

46 Monga Célestin, « Société civile démocratisation en Afrique francophone », revue d'études africaines modernes 1995, pp. 359-379.

47 Monga, « Société civile démocratisation en Afrique francophone », revue d'études africaines modernes 1995, p. 364

48 Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amerique », Essai, Non-fiction, Ed. C-Gosselin, 1940. 49Tocqueville, « De la démocratie en Amerique », Essai, Non-fiction, Ed. C-Gosselin, 1940, p. 139.

58

forces de l'opposition. Ainsi, il juge nécessaire de bien étudier la société civile afin de comprendre les changements démocratiques du début des années 1990. Cependant, Otayek postule qu'il y a une certaine romanisation ou exagération du rôle attribué à la société civile dans les processus de démocratisation. Pour lui, Crest plutôt aux élites que les transit logues attribuent plus volontiers ce rôle ou, en tout cas, qu'ils s'intéressent prioritairement, compte tenu de l'importance qu'ils accordent au paradigme stratégique, au détriment de la société et de cette autre arène qu'est la culture politique.

La `'transitologie» est fondamentalement à l'écoute des acteurs étatiques et la société civile n'est intégrée à l'analyse que dans la mesure où sa mobilisation crée les conditions favorables à partir desquelles les élites réformistes, au pouvoir et dans l'opposition, sont en mesure de négocier la transition ; elle n'émerge donc qu'une fois que « quelque chose » s'est passée au sein même de l'élite autoritaire au pouvoir.50

Otayek trouve un renfort dans l'argument de Baker qui soutient, suivant des spécialistes consolidologues, que la mobilisation de la société civile durant la phase de consolidation doit être de basse intensité, de manière à ne pas être perçue comme une « menace » par le système et donc provoquer un retour en arrière. Ainsi, il conclut que « les transit logues reconnaissent donc un rôle aux mouvements sociaux mais ex post, lorsque tout est dit ou presque ». Certes, mais il nous semble que l'auteur confond ici le rôle de la société civile dans deux phases différentes du processus et, par conséquent, passe un verdict qui n'est vrai que pour une des deux phases, celle de la consolidation51.

Ici, notre intérêt pour la société civile est simplement son rôle de précurseur et de relais pour les partis politiques d'opposition dans une période où ces derniers n'étaient pas encore légalisés. Ceci cadre d'ailleurs bien avec l'argument d'Otayek lui-même quand il soutient que «la société civile ne peut jouer son rôle démocratisé que si elle se politise et s'institutionnalise»52.

En effet, comme le montre bien Monga (1995, p. 366), les activités et revendications initialement sectorielles et apolitiques des mouvements de la société civile ont fini par prendre des connotations politiques de l'opposition. C'est en ce moment que bon nombre de ces

50 Cohen Jean et Andrew Arato, « La société civile et la théorie politique s'entremêlent avec la presse », Paris, L'Harmattan, 1997, pp. 62-80.

51 Diamond, 1994, p. 6 ; Bratton et Van de Walle, 1997, p. 62 ; Kasfir, 1998, p. 70

52 Van de Walle, « Voter en Afrique : Comparaisons et différenciations » 2002, p. 2001.

59

mouvements, maintenant soupçonnés sinon mis en garde par les régimes jusque-là tolérant envers eux, se dissocient ou se transforment en mouvements ou partis politiques.

Par exemple, parlant de la société civile guinéenne après l'adoption d'une constitution garantissant le multipartisme en 1990 mais avant l'autorisation des partis politiques, Raulin et Diarra (1993) remarquent que la société civile « est favorable à la démocratie ; elle est même empressée. C'est également l'une des franges qui n'attend que le feu vert pour se lancer dans le jeu politique proprement dit » (c'est nous qui soulignons). C'est bien ce processus de transformation de la société civile, ou une partie d'elle, qui nous intéresse ici et qu'il convient d'analyser dans les cas spécifiques de notre pays d'étude, la Guinée. Quant à son rôle après le passage au multipartisme, ceci est partiellement remarquer, notamment le rôle des médias -qui font partie de la société civile -dans la facilitation de l'alternance au pouvoir53.

- La société civile comme précurseur de libéralisation en République de Guinée.

Gardant à l'esprit la définition de la société civile fournie ci haut, y compris les différents groupes qui la constituent, il convient de noter que les régimes militaires ou de parti unique qui régnaient en Guinée dans les années 1980 s'accommodaient et étaient bienveillants envers certains types d'associations « apolitiques », dont certains étaient à leurs comptes.

En Guinée, Il est également vrai que les mouvements s'appelant officiellement «société civile» se sont constitués tardivement en Guinée par rapport aux autres pays et bien d'autres en Afrique subsaharienne. De même, les centrales syndicales, qui avaient pourtant donné l'élan à la contestation -certes pacifique -contre l'administration coloniale et se sont engagées dans la campagne pour l'indépendance du pays dans les années 1950, n'ont joué presqu'aucun rôle avant-gardiste pour les partis politiques de l'après-1990. En effet, avec leur absorption ou persécution sous le régime du PDG (1958-1984), celles-ci sont restées presque dormantes jusqu'en 2006. Jusque-là, ni les syndicats ni aucun groupe de la société civile ne faisaient le poids comme contre-pouvoir. C'est à travers l'organisation d'une série de grèves générales bien suivies en 2006 et 2007 qu'elles se sont fait entendre sur la scène politique nationale.

Surtout en janvier et février 2007, de façon sans précédent dans l'histoire postcoloniale de la Guinée, les populations ont massivement répondu au mot d'ordre de grève générale et illimitée lancé par les centrales syndicales et les associations de la société civile. Appelant, au

53 McGovem, Mike, « [Guinée :] Janvier 2007 - Sékou Touré est mort, » Politique africaine 107 (octobre 2007), pp. 125-145.

60

départ, pour une amélioration de leurs conditions de vie, elles ont fini par exiger et obtenir le renvoi de tous les membres de l'exécutif et la formation d'un gouvernement de consensus dont aucun membre (en réponse à une autre exigence) n'avait occupé un poste ministériel dans un gouvernement de Lansana Conté depuis son arrivée au pouvoir en 1984. Depuis lors, les populations guinéennes et les forces sociales semblent constituer un véritable contrepoids que les acteurs politiques ne peuvent plus négliger dans leurs calculs politiques.

En ce sens, il y a eu en Guinée, dans presque la même période, les coordinations régionales » qui ont été plus tard investies par les partis politiques54. Déjà en juillet 1985, suivant un coup d'État manqué contre Lansana Conté par son ancien Premier ministre, Diarra Traoré, la réaction des autorités militaires avaient ciblé les membres de l'ethnie de ce dernier, en l'occurrence les Malinkés, qui est aussi le groupe ethnique de Sékou Touré, le président défunt. Dès lors, une opposition plus ou moins publique s'est constituée en Haute Guinée -la région dominée par ce groupe 'ethnique -au régime de CMRN. Des ressortissants de la région créent une coordination de Mandé qui exige du Chef de l'État des excuses publiques pour la persécution dont des ressortissants de la région avaient été victimes après ladite tentative de putsch Plusieurs autres coordinations régionales verront le jour travers le pays. Surtout quand un Comité de soutien à l'action de Lansana Conté (Cosa lac) est créé par des ressortissants de la Basse Guinée avec des connotations ethnico-politiques et dans la perspective de l'instauration du multipartisme annoncée par la junte au pouvoir en décembre 198855.

L'émergence du Cosa lac et ses prises de position politiques n'a que confirmé les soupçons que des opposants politiques avaient déjà émis sur l'engagement des militaires à quitter le pouvoir après des élections libres, crédibles et transparentes. Ainsi, « les mouvements politiques s'élaborent autour des coordinations régionales. Les vieux routiers de l'opposition à l'ancien régime, devenus de nouveaux opposants au régime en place, les exploitent à fond. Le

-

pouvoir en place -encore auréolé de sa période de grâce prolongéeleur a offert les éléments essentiels de discours et de prises de position politique ».

Il est évident de ce qui précède qu'il y avait des mouvements politiques en Guinée vers la fin des années 1980 et avant la légalisation des partis politiques. La qualité politique des actions menées par ces mouvements et leur lien avec les partis politiques varie d'un pays à l'autre et d'un moment à un autre dans le même pays. La force de ces mouvements d'opposition et leur

54 Raulin, Arnaud et Eloi Diarra, « La transition démocratique en Guinée, », L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, pp. 311-329.

55 Souaré, Issaka K. et Paul-Simon Handy, Bons coups, mauvais coups ? Les errements d'une transition qui peut encore réussir en Guinée, Pretoria, Institut d'études de sécurité, 2009 (Papier no. 195)

61

rôle dans le choix du mode de changement. Par exemple, les Béninois ayant réussi à imposer la tenue d'une conférence nationale « souveraine » a eu un impact sur leur position dans le paysage politique d'après.

Section : 6 Le poids des acteurs internationaux et l'alternance politique

Compte tenu de la dépendance politique et économique un peu disproportionnée de la plupart des pays africains de l'étranger, le poids de ce dernier semble constituer un facteur important dans l'explication de la situation politique par rapport aux processus de libéralisation dans bon nombre de ces pays africains. Ceci est vrai aussi bien au stade de libéralisation et de transition qu'à la phase de consolidation, ce qui nécessite un rappel du débat sur les origines ou «facteurs catalyseurs » des changements politiques qui ont rythmé la vie politique de plusieurs pays africains au début des années 199056.

Ainsi, dans son analyse des conditionnalités politiques de la coopération allemande en Afrique entre 1990 et 1994, Gerhard Boké semble accorder une grande importance au rôle de ces conditionnalités dans l'avènement de la démocratie en Afrique, des conditionnalités qui s'étaient longtemps heurtées « aux intérêts divergents qui prévalaient dans les rapports entre l'Ouest et l'Est tout au long de la guerre froide ». Pour sa part, Goldsmith voit une corrélation entre le niveau de libéralisation du système politique dans les pays africains et le volume d'aides étrangères dont ces derniers ont bénéficié au début des années 1990.

Mais en quoi concrètement le poids politique et économique de l'étranger serait-il important pour l'alternance au pouvoir dans ces pays ? Selon Moss, le rôle de l'étranger se manifeste de deux manières principales : Par la « politique du bâton », d'une part et, par celle « de la carotte », d'autre part. Dans le premier cas, il s'agit de conditionner l'offre d'assistance aux régimes africains par la démocratisation au stade de libéralisation. Aux stades de la transition et de la consolidation, il s'agit d'exiger que les pays africains jouent par les règles démocratiques déjà établies. Dans le second cas, c'est une question de promettre une aide accrue aux pays qui s'engagent dans la voie de la démocratie pour soutenir et encourager leurs efforts.

Goldsmith ajoute deux autres stratégies par lesquelles les pays donateurs ou institutions financières internationales peuvent influencer l'attitude des régimes africains par rapport à la démocratisation. Une de ces deux stratégies est le soutien que certains donateurs accordent

56 Moss, Todd J., « politique américaine et démocratisation en Afrique les limites de l'universalisme libéral revue d'étude africaines modernes » 1995, pp. 189-209.

62

aux organisations de la société civile qui luttent pour la démocratie et le respect des droits humains dans les 173 pays africains. Hearne attribue un rôle important à de tels groupes dans l'avènement des réformes politiques successives intervenues au Ghana dans les années 1990. L'autre stratégie qu'identifie Goldsmith est celle qu'il considère comme « accidentelle », c'est-à-dire les réformes politiques qu'entreprennent des régimes africains afin de satisfaire aux exigences « économiques » et « techniques » que leur imposent les programmes d'ajustement structurel des institutions financières internationales. Bon nombre de pays, comme le Ghana, ont adopté ces programmes à partir de la seconde moitié des années 1980.

Sans nier la possibilité que les stratégies mentionnées plus haut des acteurs externes puissent avoir un impact sur l'alternance au pouvoir dans des pays africains, il importe de nuancer les arguments précédents par deux principales remarques. D'abord, il n'est pas évident que les « conditionnalités » des pays occidentaux dans l'octroi de leurs fonds d'assistance s'appliquent à tous les pays ou de la même manière. Leurs effets « positifs » ou objectifs escomptés ne sont pas non plus évidents, même quand on les applique de façon directe.

Alors, où est-ce que le poids de l'étranger peut compter concrètement dans la problématique d'alternance en Afrique et comment ? Il est possible d'arguer que cela réside davantage dans son effet « négatif » que dans son hypothétique effet « positif ». En d'autres termes, le poids de l'étranger compte davantage lorsque des puissances étrangères se rangent au côté du régime au pouvoir ou demeurent indifférentes aux appels de l'opposition par rapport aux manquements de ce régime aux règles démocratiques, rendant ainsi extrêmement difficile l'avènement de l'alternance, sans qu'elle ne soit pour autant impossible. Ce soutien « négatif » de l'extérieur peut n'avoir aucun lien direct avec le paysage politique à l'intérieur du pays. Cependant, il peut s'avérer important dans la mesure où il peut constituer un support psychologique non négligeable pour le pouvoir en place. Dépendamment des stratégies que ce dernier emploiera ensuite pour exploiter cette situation, les actions du régime en place peuvent constituer un obstacle majeur en face des partis d'opposition dans leur quête pour le pouvoir.

Par exemple, des faits historiques et socioculturels ont fait que la plupart des réfugiés libériens et sierra-léonais, fuyant la guerre civile dans leurs pays dans les années 1990, ont choisi la Guinée comme lieu d'asile. Pour ces raisons et autres considérations politiques, la Guinée fut amenée à jouer un rôle important dans le maintien de la paix et de la stabilité dans ces deux pays voisins, voire aussi en Guinée-Bissau en 1998-99, sous l'égide de la

63

CEDEAO57. Ceci, et le traitement appréciable qu'ont reçu ces réfugiés en Guinée ont fait du régime de Lansana Conté un « partenaire important » de la communauté internationale soucieuse de rétablir la paix et la stabilité dans la sous-région ouest-africaine.

Un autre facteur s'est ajouté à cela, notamment vers la fin des années 1990 et le début du nouveau millénaire. Il s'agit là de l'antagonisme entre Londres et Washington, d'une part, et le régime de Charles Taylor au Liberia d'autre part, en plus du fait que Taylor s'était fait une image d'ennemi à Conakry en tentant de déstabiliser la Guinée en septembre 2000. De cette dynamique s'est créée 176 alliance entre Washington, Londres et Conakry contre Taylor, et cette alliance s'est traduite par un soutien important de ces deux puissances pour le régime de Lansana Conté afin d'éliminer Taylor. Or, les partis d'opposition guinéens étaient au moins ambivalents à l'égard de cette politique d'isolement de Taylor et du soutien militaire de la Guinée pour les groupes armés libériens opposés à Taylor. Certains s'y sont carrément opposés. Cela explique peut-être la défense de ces deux puissances étrangères de tout acte pouvant déstabiliser le régime de Conakry, d'où leur indifférence, au moins jusqu'au départ de Taylor du pouvoir en 2003, à l'égard des appels des partis d'opposition qu'ils sont en face d'une dictature. Ceci a eu pour conséquence un confort psychologique pour le régime de Conté, car ce support lui aurait permis de maintenir le statu quo avec un minimum de concessions.

Mais comme nous l'avons démontré plus haut, les pressions en provenance de l'étranger peuvent avoir un effet « positif » en faveur de l'opposition dans l'avènement de l'alternance. Il semblerait, cependant, qu'une telle hypothèse est conditionnée à au moins trois facteurs : que l'acteur étranger ait déjà des bons rapports avec le régime en place ; qu'il exerce cette pression de façon très discrète mais ferme ; et, finalement, qu'il y ait une opposition largement crédible et capable de battre le parti au pouvoir aux urnes dès lors que cette dernière joue aux règles démocratiques du jeu électoral.

Toutes ces trois conditions auraient été réunies au Ghana à l'approche des élections présidentielles de décembre 2000 qui ont vu le parti d'opposition, NPP, venir au pouvoir, son

57 Annan Kofi, « Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique » Rapport du Secrétaire général de l'ONU, Éditions Berger-Levrault, avril 1998.

64

candidat ayant battu celui du parti au Pouvoir. Un autre élément externe aux partis politiques est la situation économique du pays58.

Un exemple frappant est le cas du Bénin et du Niger étudié, en détail, par Gazibo (2005). Les indicateurs de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) confirment ce constat. Par exemple, en 2000, quand la première alternance au pouvoir est intervenue au Ghana, le PIB par habitant de ce pays, selon le rapport 2000 du PNUD basé sur les données de 1998 qui faisait 390$ contre 530$ pour la Guinée et $380 pour le Bénin. L'argument devient d'ailleurs irréfutable avec une vue d'ensemble sur le classement des pays africains dans ce rapport. En effet, la Libye et l'Algérie, deux pays moins libéraux sinon autocratiques occupent respectivement les 72ème et 107ème rangs sur 174 pays, loin devant le Ghana 12ème, le Bénin 157ème et le Mali 165ème libéraux. Aucune de ces conditions ne semble être réunie en Guinée. Mais là aussi, les stratégies des acteurs de l'opposition n'y sont pas pour rien.

Section 7 : Les techniques de campagne des partis politique en Guinée

7-1- Technique des paris aux pouvoirs : Le regard sur les stratégies des partis au pouvoir est nécessaire dans la mesure où ils sont généralement les maîtres du jeu politique, notamment dans les démocraties non consolidées en Afrique subsaharienne. Et considérant que leurs stratégies visent leur maintien au pouvoir et qu'ils emploient, à ces fins, des moyens aussi orthodoxes que non orthodoxes (fraude), il sera ici question de s'attarder sur chacune de ces deux dimensions de leurs stratégies.

Dans la continuation de ce qui a été déjà esquissé dans la sous-section Précédente, seront abordés ici quelques principaux facteurs qui favorisent les partis au pouvoir. Certains de ces facteurs, ou leur usage ou abus, peuvent être en conflit avec la « moralité, » voire proscrits par les règles en vigueur. Mais l'analyse ici se fait dans un cadre strictement stratégique, avec pour principal but de démontrer comment ces facteurs permettent-ils le maintien au pouvoir de ceux qui y sont59.

58 Ceci suppose que la menace du boycottage était motivée par la première variable explicative citée plus haut, c'est-à-dire les anomalies réelles ou anticipées dans le processus électoral, des imperfections que l'opposition considère être le principal facteur qui pourrait l'empêcher de gagner. 133 L'expression est empruntée à Ndjock (1999, p. 53).

59 Daloz, Jean-Pascal, « Perceptions de la démocratisation' dans un quartier populaire de Lusaka, » in Jean-Pascal Daloz et Patrick Quantin, Transitions démocratiques africaines, Paris, Katthala, 1997, pp. 243-262.

65

Il convient, d'emblée, d'établir que le fait d'être déjà au pouvoir a des avantages intrinsèques dans chaque jeu compétitif. Pour se situer dans le cas spécifique des pays africains qui font l'objet de la présente étude, il est évident que le principal enjeu pour les électeurs est l'amélioration de leurs conditions de vie matérielle surtout et politique, ainsi que la dotation en infrastructures de base (routes, hôpitaux, écoles, etc.) de leur pays. C'est au moins ce que nous avons pu recueillir lors de nos enquêtes de terrain, quand des interlocuteurs n'hésitent pas à qualifier la démocratie comme moyen de « prospérité économique ».

Or pour bénéficier de leur vote, les prétendants aux différents postes électifs qu'ils y soient déjà ou en quête d'y accéder-se doivent de les convaincre que leur parti ou eux-mêmes sont à même de « mieux » répondre à ces aspirations. Ainsi, le manifeste de tous les partis politiques et les discours de campagne de leurs leaders sont embellis par des promesses à cet égard. Là, le pouvoir de montrer quelques réalisations dans ce sens constitue un instrument de campagne majeur pour chaque prétendant. Par exemple, la plupart de ceux sur qui nous avons reçu des informations au Bénin et qui avaient voté pour le candidat indépendant, Yayi Boni, lors du scrutin présidentiel de mars 2006, auraient décidé ainsi grâce à l'impression que le candidat leur avait donnée quant à sa capacité de répondre à ces aspirations.

En effet, à deux ans au moins des élections présidentielles, alors qu'il était directeur depuis huit ans de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le candidat ne manquait aucune occasion pour faire des descentes tous azimuts sur les chantiers financés par son institution au Bénin, pour en contrôler l'exécution ou pour les inaugurer. Ce à faisant, il tentait dire aux électeurs béninois qu'il était le candidat le mieux à même de répondre à leurs aspirations de développement économique. Sa machine de campagne mettra donc ces « réalisations » à son actif, pour ainsi dire qu'il pouvait faire mieux pour le Bénin s'il était élu.

Cependant, les partis au pouvoir sont naturellement avantagés dans la mesure où le simple fait de s'acquitter de le devoir en répondant ou même en tentant de répondre à ces aspirations leur garantit, généralement, la fidélité des électeurs. Ainsi, une stratégie à laquelle ils font souvent recours est de retarder l'inauguration de nouvelles infrastructures ou le début de leur construction jusqu'à la période électorale, pour ainsi influencer les électeurs. C'est une stratégie que Socpa associe à la notion de « don électoral ». Mais vu d'un angle stratégique et rationnel, cette technique est comparable au placement des capitaux sur les bourses au moment où l'investisseur estime pouvoir en tirer le maximum de profits. Elle est également comparable à la pratique de la plupart des partis d'opposition africains qui préfèrent garder

66

leurs maigres ressources pour ne s'activer, sur le terrain, qu'à l'approche des élections. De cela se dégage un autre facteur qui favorise les partis au pouvoir et que ces derniers exploitent, directement ou indirectement électorale, aux fins de propagande.

Mais alors comment expliquer le maintien au pouvoir des régimes qui ont lamentablement échoué à répondre aux aspirations de leurs électeurs ? Faut-il conclure que c'est seulement par la fraude électorale que cela se passe ? La fraude électorale est sûrement un des moyens par lesquels ces régimes se maintiennent au pouvoir, mais elle ne saurait être la seule explication.

Il importe de présenter ici les résultats d'une étude empirique entreprise par Carolyn Logan (2008) en 2005-2006 concernant le niveau de confiance qu'ont les électeurs de 18 pays en Afrique subsaharienne dont le Bénin et le Ghana -dans un nombre d'institutions politiques et administratives dans leurs pays, y compris les partis au pouvoir et ceux de l'opposition. Il ressort de sa comparaison entre ces deux institutions que la marge de confiance que les électeurs de ces pays ont dans les partis au pouvoir dépasse celle des partis d'opposition par 20 points de pourcentage en moyenne. Par exemple, au Bénin, le ratio était de 37-28 en faveur du parti ou régime au pouvoir (9 points de différence), tandis que le parti au pouvoir au Ghana dépassait l'opposition de 16%, avec un ratio de 67-51. Dans des pays comme la Tanzanie, les Comores, le Mozambique et l'Afrique du Sud, la marge oscille entre 55 points pour le premier, et 33 points pour le dernier. C'est seulement au Nigeria 2, au Cap-Vert et en Zambie 3 ainsi qu'au Zimbabwe 16 que les interviewés ont exprimé plus de confiance en l'opposition que le parti au pouvoir60.

Mais comment expliquer ces différences d'appréciation des partis au pouvoir et ceux de l'opposition par les populations africaines ? L'auteure fait recours à quatre principales variables explicatives, c'est-à-dire les facteurs socioéconomiques et démographiques (âge, sexe, dotation matérielle et lieu de résidence en campagne ou en ville), la connaissance politique des électeurs, leurs évaluations de la performance du parti au pouvoir et leurs attitudes vis-à-vis de la compétition politique (Logan, 2008).

Tout en reconnaissant ces facteurs dans l'explication du soutien pour les partis au pouvoir, les limites des valeurs explicatives de certains d'entre eux appellent à une analyse plus approfondie. Par exemple, l'appartenance ethnolinguistique ne peut pas bien expliquer le

60 Logan Carolyn, « Rejeter l'opposition déloyale ? Le manque de confiance dans les attitudes de masse envers les partis au pouvoir et d'opposition en Afrique », papier africabaromètre (février 2008), sur www.Afrobaromete.org

67

soutien dont bénéficient des leaders politiques issus de groupes ethniques minoritaires. Une façon de pousser l'analyse dans ce sens est de porter un regard critique sur la performance de quelques partis politiques de l'opposition qui ont réussi à conquérir le pouvoir, même dans d'autres pays de la région, car il n'est pas exclu que les électeurs s'en inspirent également dans leurs choix.

En effet, pour qu'il Y ait changement, il ne suffit pas seulement que l'occupant actuel tombe en disgrâce ; il faut aussi que les prétendants à sa succession bénéficient de la grâce ou de la confiance des électeurs. Sinon les électeurs peuvent décider de garder le mauvais occupant faute de meilleure alternative ou par précaution de ne pas opter pour l'inconnu. Et l'on trouve une telle évaluation de la performance de quelques leaders de l'opposition, parvenus à conquérir le pouvoir : Au Mali, au Sénégal, en Guinée, aux Comores, en Côte d'Ivoire et partout où les tenants du pouvoir ont un passé militant et un discours engagé, les observateurs, les analystes et les citoyens se perdent.

Comme il est évident de cette citation, quoique dans un autre contexte, bon nombre de leaders de l'opposition qui sont parvenus au pouvoir ont déçu les populations. Pas nécessairement parce qu'ils sont des mauvais gestionnaires, mais parce qu'ils sont circonscrits par des difficultés structurelles qu'ils ont héritées de leurs prédécesseurs ou qui sont imposées par le système mondial. Le citoyen ordinaire n'étant pas au courant de ces détails se sent parfois trahi. Quand la désunion des partis d'opposition et les querelles personnelles qui les traversent s'ajoutent à cela, le parti au pouvoir ne peut que tirer profit de la situation, ne serait-ce que pour être retenu par les électeurs comme le « moindre de deux maux ».

Il convient de souligner, enfin, que les partis au pouvoir bénéficient du concours de l'administration publique. Ceci peut être un abus du pouvoir comme il peut être un concours souhaité par le pouvoir mais pas recherché de façon délibérée. Ainsi, la mise à la disposition des militants du parti au pouvoir des véhicules de l'État, des bâtiments publics et l'envoi des fonctionnaires publics en missions de campagne pour le parti au pouvoir aux frais de l'État relèvent évidemment du premier cas (Ghana,2004).

Mais la même stratégie est également employée par les militants des partis d'opposition. En effet, plus ses efforts sont reconnus dans la victoire du parti dans sa localité, plus grandes sont ses chances de bénéficier des faveurs du chef de parti élu. Elle est cependant une stratégie qui bénéficie davantage au parti au pouvoir qu'aux partis d'opposition. Ces premiers ont le privilège de pouvoir nommer des représentants et individus influents de toutes les régions et

68

de tous les principaux groupes ethniques du pays pour ainsi s'assurer du soutien, au moment opportun, des électeurs de leurs régions et de leurs ethnies respectives.

7-2- Techniques des partis d'opposition : Suivant l'assertion faite dans l'hypothèse selon laquelle l'alternance au pouvoir entre deux partis politiques n'est possible que dans un système bipartisan ou bipolarisé, la formation de coalitions électorales par des partis de l'opposition constitue une stratégie allant dans le sens de la création d'un tel système. Elle peut même avoir d'autres avantages pour l'opposition, comme rendre difficile pour le parti au pouvoir de truquer les élections. Mais au-delà de ces propositions générales, quelle est, concrètement, l'utilité stratégique de la formation de coalitions dans un jeu politique comme les élections ? Comment peut-elle contribuer à expliquer, ne serait-ce que partiellement, la situation dans notre pays d'étude ? Et avant tout cela, quelle est la définition théorique d'une coalition, quels sont les facteurs qui influent sur la formation d'une coalition et quels sont ceux qui facilitent leur maintien ou contribuent à leur éclatement.

La réponse à ces questions doit se faire en deux étapes. Elle nécessite, dans un premier temps, d'entreprendre une analyse théorique du concept de « coalitions » dans l'arène politique ainsi qu'une analyse des facteurs contribuant à leur formation. Cette analyse s'effectuera à partir des théories de coalitions ou théories des jeux. Celles-ci sont des variantes de la théorie stratégique.61 Il faudra, ensuite, entreprendre une étude empirique afin d'expliquer la situation dans notre pays d'étude à la lumière des propositions théoriques faites dans cette première section.

Ensuite, il faut noter, d'emblée, que les politologues en études africaines ne semblent pas s'être intéressés, jusque-là, à la théorisation des coalitions électorales, exception faite d'une étude de Nicolas van de Walle (2006). Mais le phénomène est bien étudié dans les sciences sociales, notamment par des politologues et des économistes américains. Ainsi, considéré comme l'un des pionniers de la théorie de coalitions, les définit comme des « alliances temporaires, de caractère instrumental, entre des individus ou des groupes dont les buts sont différents ». Vincent Lemieux développe cette définition et présente les coalitions comme « des ensembles concertés et temporaires d'acteurs individuels ou collectifs qui ont des rapports de coopération et de conflit ... et qui cherchent par une structuration du pouvoir approprié à prédominer sur leurs adversaires de façon à ce que les coalisés obtiennent ainsi des avantages

61 Gamson William, « Une théorie de la formation des coalitions revue sociologique américaine », Paris, PUF, 1961, pp. 373-382.

69

plus grands que s'ils n'avaient pas fait partie de la coalition. » L'auteur souligne une différence entre les coalitions et trois autres types d'alliance, selon qu'ils sont concertés ou non, temporaires ou permanents. Ceci fait des coalitions, selon Lemieux, une variante de l'alliance qui comprendrait d'autres types de groupements ou d'ensembles. Ainsi, il identifie les «associations» (concertées et durables), « tendances » (non concertées mais durables), et « agrégats » (ni concertés ni durables), comme les autres types d'alliance.

Pour Guillaume Haeringer (dont le cadre théorique est celui de la théorie des jeux), une coalition est un ensemble de joueurs qui se regroupent afin de réaliser certains choix stratégiques qui seraient difficilement soutenables sans ces regroupements. Haeringer introduit une notion importante dont il faudra tenir compte dans l'analyse des facteurs explicatifs de l'échec ou de la réussite partielle de certaines coalitions des partis d'opposition dans le pays d'étude. Cette notion est celle de la « coopération partielle » qu'on peut qualifier autrement comme « coalition partielle ». Une coopération partielle s'observe lorsque deux ou plusieurs joueurs (membres de la coalition) décident d'agir conjointement (c'est-à-dire coopérer) dans certains types ou champs d'action, mais de ne pas coopérer pour d'autres types.

Il est possible d'élargir cette notion de coopération partielle aux différentes étapes d'une même action, c'est-à-dire de l'élargir au « temps » et ne pas se limiter aux « champs » de l'action. Par exemple, il est très courant pour les partis politiques d'opposition des pays africains dont le système électoral est majoritaire à deux tours de convenir que chacun présente son propre candidat au premier tour des élections présidentielles, et de s'entendre de s'allier au second tour derrière celui, parmi eux, qui aura été le mieux placé à l'issue du premier tour. Cependant, une telle stratégie comporte le risque de disperser les votes de l'opposition et de permettre au parti au pouvoir de gagner les élections avec une simple majorité (50,01 % par exemple) dès le premier tour.

Il est évident de leurs définitions que Gamson et Lemieux mettent un accent particulier sur le caractère « temporaire » des coalitions, notamment en parlant d'une alliance entre partis politiques. Mais ce point pose un problème. Par exemple, quelle est la durée maximale de la vie d'un groupement pour qu'il passe du statut de Coalition à celui d'association ? Ainsi, il faudra expliciter le type de coalition qui importe pour la présente étude, d'autant plus que ces auteurs s'intéressent davantage aux coalitions gouvernementales. Il y a d'ailleurs un lien entre les coalitions gouvernementales et le système parlementaire, car les calculs y aboutissant sont

70

souvent basés sur le nombre de sièges dont disposent les partis au Parlement et dont un nombre est requis pour qu'un parti ou une coalition de partis puisse former le gouvernement.

Le pays d'étude ayant tous le même système présidentiel et la problématique de la recherche étant l'alternance et non pas la formation de gouvernements, il convient de préciser que l'intérêt porte ici sur les « coalitions préélectorales », même si elles peuvent -elles doivent d'ailleurs -perdurer après les élections La définition étant ainsi claire, il importe maintenant de s'attarder sur les facteurs qui incitent les acteurs politiques à se coaliser. Il est vrai que l'objectif principal de toute coalition ou alliance est d'unir les ressources de ses membres pour atteindre un but qui sera difficile d'obtenir sans le groupe, comme il est bien expliqué plus haut. Mais quels sont les calculs stratégiques que font les acteurs avant de décider de former ou d'adhérer à une alliance ou une coalition ?

Mais il faut préciser que les bénéfices ne se mesurent pas seulement en termes utilitaristes. En effet, au-delà des postes gouvernementaux auxquels les membres d'une coalition préélectorale peuvent s'attendre en cas de victoire de leur coalition, il y a bien de préférences stratégiques non utilitaristes, comme les considérations idéologiques (Gemson, 1961, p. 375 ; Lemieux, 1998, p. 25). En Afrique subsaharienne, il faut également tenir compte des liens interpersonnels entre les leaders des partis politiques, ainsi que les affiliations ethniques et régionales, selon les cas62.

Par exemple, avant le second tour des élections présidentielles de 2006 au Bénin offrent frappant pour confirmer ce constat. Supposant que les partis politiques de l'opposition voudraient réaliser l'alternance au pouvoir en permettant au leader de l'un d'entre eux, pour la première fois, d'accéder au pouvoir et de permettre au reste de bénéficier de quelques postes gouvernementaux, un ralliement des trois principaux partis politiques à Adrien Houngbédji, le candidat du Parti du renouveau démocratique du Benin (PRDB), aurait sûrement abouti à cet objectif.

Partant d'une approche dite non rationnelle, Mazur introduit la notion de considérations « affectives » ou « émotionnelles » qui peuvent influencer la décision de certains acteurs. La proposition de l'auteur est qu'il y a « des déterminants émotionnels qui ne sont pas quantifiables et qui ne se prêtent pas aux postulats utilitaristes ou maximalistes des théories du

62 Riker William H. « La théorie des coalitions politiques New Haven et Londres Yale Université press », revue de résolution des conflits, 1962.

71

choix rationnel » mais qu'ils sont importants dans l'explication de la décision d'un acteur d'adhérer ou non à une coalition.

Enfin, Chertkloff (1966) montre que les acteurs prennent en considération la probabilité de succès d'une coalition avant d'accepter d'en faire partie. L'auteur a formulé ce postulat contre celui qui soutient que les acteurs faibles ont tendance à se coaliser entre eux plutôt que de s'allier à des acteurs forts, car ce premier choix leur permet de peser au sein de la coalition contrairement à une coalition composée d'acteurs plus forts qu'eux. Il en est ainsi puisque malgré l'importance du postulat contraire dans certains contextes, ce qui concerne les « transactions internes » de la coalition, chaque acteur voulant adhérer à une coalition se doit de s'assurer que la coalition pèsera devant les autres acteurs en dehors de la coalition et/ou face de ceux qui forment une autre coalition.

Ce qui ressort de ces discussions est que la formation de coalitions constitue une stratégie importante dans les jeux compétitifs, mais qu'aucune seule variable explicative n'est à même d'expliquer les calculs complexes que font les acteurs politiques avant de les créer ou d'y adhérer. Il faut alors considérer plusieurs facteurs, tenant compte du contexte sociopolitique particulier des groupes qui font l'objet de l'analyse. C'est l'approche qui sera privilégiée dans la section suivante, laquelle analyse les expériences et les tentatives de formation de coalitions préélectorales dans le pays d'étude.

Section 8 : La formation de coalitions comme technique électorale

Peut-on établir, à partir de ce qui précède, une certaine corrélation, voire un lien de causalité, entre la stratégie de formation de coalitions et la possibilité de victoire électorale des partis d'opposition en Afrique subsaharienne ? Nicolas Van de Walle pense qu'il y a une corrélation entre les deux mais que le lien causal est moins prégnant. Il conditionne la corrélation au niveau de la démocratisation dans le pays concerné. Ainsi, pour lui, la probabilité de fraude électorale dépend du niveau de démocratisation dans un pays, et celui-ci, à son tour, détermine la probabilité qu'une coalition de l'opposition aboutisse ou non à la victoire électorale. Certes, le lien causal est moins clair, mais la corrélation est plus évidente que l'auteur ne veut l'admettre ou qu'il n'a pu la remarquer. Cet argument est basé selon laquelle l'alternance n'est possible que dans un système bipartisan (Duverger, 1973) ou bipolarisé (Quermonne, 1988).

72

Chacun de ces deux systèmes comprend une certaine notion de coalition. Le premier sous-entend l'existence de deux grandes coalitions plus ou moins durables, tandis que la notion de coalition est presqu'explicite dans le second. Compris en ce sens, il est possible de démontrer, à partir des 30 expériences d'alternance au pouvoir « par les partis d'opposition » en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2020 en particulier notre cher pays d'étude la Guinée. La formation de coalition est une condition nécessaire, quoique pas suffisante, pour la victoire électorale de l'opposition.

Par exemple, les cas d'alternance au pouvoir par un parti d'opposition advenus en Afrique entre 1990 et 2020 sont intervenus dans des systèmes bipartisans et/ou grâce à une coalition formée par un certain nombre de partis d'opposition63. Les deux seules exceptions à cette affirmation sont la victoire électorale de Bakili Muluzi de l'UDF au Malawi en mai 1994, et celle de Laurent Gbagbo du FPI en Côte d'Ivoire en octobre 2000. Dans ce dernier cas, l'élection avait été boycottée par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'ancien parti au pouvoir, et le candidat populaire du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Ouattara, n'avait pas été autorisé par la junte au pouvoir (sous le Général Robert Gueï) à contester le scrutin.

Quant au cas malawite, il convient de rappeler que le scrutin a été disputé entre trois principaux partis politiques et un quatrième parti « mineur ». Les trois sont le Front démocratique uni (UDF) de Muluzi, qui l'a remporté avec 47% des voix ; le Parti du congrès malawite (MCP) du président sortant, Hastings Banda, qui s'est placé en deuxième position avec 33,45% des voix ; et l'Alliance pour la démocratie, du syndicaliste Chakufwa Chihana, qui a eu 19% des voix. Ces résultats présentent un système plutôt « tripartite », donc multipartite, ce qui semble contredire notre argument à propos de la nécessité du bipartisme ou de la bipolarisation pour effectuer l'alternance.

Ces exemples montrent bien l'impact positif de la formation de coalitions sur les chances de l'opposition d'effectuer dans l'alternance au pouvoir. Il est fort possible d'en déduire presqu'une impossibilité, pour les partis d'opposition des pays multipartistes, d'effectuer l'alternance sans se coaliser. L'exemple précité de l'élection présidentielle Comorienne de 24 mars 2016 illustre bien ce constat. Les résultats de l'élection présidentielle gabonaise d'août 2009 offrent un autre cas de figure. Le système électoral y étant plural taire, Ali Bongo, le candidat du Parti démocratique du Gabon (PDG, au pouvoir) l'a remportée avec seulement

63 Quermonne, Jean-Louis, « L'alternance au pouvoir », Paris, PUF, 1988.

73

41,5%, selon la Commission électorale. Or ses deux plus grands adversaires ont obtenu, chacun, 25% des voix. Avec un total de 50% des voix (soit 8% de plus que celui du candidat du parti au pouvoir), une coalition entre ces deux personnalités aurait très vraisemblablement assuré la victoire à l'opposition.

Lors de nos enquêtes de terrain, nous posions aux militants et sympathisants des partis d'opposition la question suivante : « Selon vous, qu'est-ce qui explique la ténacité du régime au pouvoir et quelles sont les principales faiblesses de l'opposition ? » Une réponse courante était de dire que le parti au pouvoir truque les élections et l'exemple précité de l'élection présidentielle Guinéenne sont celles de 1993 ; de 1998 et de 2003. Le parti au pouvoir (PUP) a réussi à altérer les élections ; ainsi que, l'élection présidentielle de 2010 ; 2015 et 2020 le parti au pouvoir (RPG) a fait la même chose (modifier les élections). Mais beaucoup de militants guinéens ajoutaient la désunion des partis d'opposition et leur échec de former des coalitions électorales. Le manque d'unité était d'ailleurs la seule réponse pour certains. Bon nombre de personnes en Guinée ont régionalisé la réponse à la seconde partie de la question, blâmant la faiblesse de l'opposition sur le « manque d'attente entre les Sudistes », étant donné que les leaders de tous les principaux partis d'opposition sont du Sud du pays.

Conscients de ce fait, les partis d'opposition guinéens ont tenté, à plusieurs reprises, de former des coalitions électorales contre le régime de Lansana Conté. Faye (2007, p. 53-82) en recense au moins sept entre 1992 et 2006. Mais aucune de ces coalitions n'a réussi à se maintenir ou à présenter un candidat -de poids unique. Pour un membre du Bureau politique national (BPN) de l'Union pour le progrès et le renouveau (UPR), les partis d'opposition guinéens n'ont jamais formé d'alliance, proprement dite, car toutes les expériences sont des groupements préélectoraux dont les membres ont leurs stratégies et leurs programmes particuliers.

Presque toutes les personnes que nous avons interviewées ont reconnu l'égoïsme des leaders d'opposition comme l'une des principales raisons de l'échec de ces tentatives. Quatre jeunes étudiants interviewés en groupe ciblés à l'Université de Conakry en septembre 2015 se sont dits déçus par les leaders de l'opposition. Deux d'entre eux avaient décidé de se désengager de leur parti (UFDG), tandis que deux autres n'avaient jamais appartenu à un parti politique. À notre question de savoir pourquoi ils avaient démissionné de leur parti ou n'adhéraient pas à un, ils ont répondu dans les propos suivants :

Moi, je me suis rendu compte que tous ces leaders sont les mêmes ; ils veulent tous le pouvoir, aucun ne veut s'effacer pour l'autre, même si qu'il sait bien qu'il n'a aucune chance.

74

C'est pourquoi ils ne s'entendent jamais entre eux. C'est la raison pour laquelle moi j'ai décidé de ne plus jamais les suivre. Maintenant, je m'occupe de mes études supérieures. Lansana CONTE était là depuis 1984 jusqu'à en 2008 et aujourd'hui, Alpha CONDE va s'en aller quand Dieu voudra, car ces opposants ne pourront jamais le battre s'ils ne se donnent pas la main (Entrevue le 7 novembre 2021).

Pour l'un des deux qui n'appartiennent pas à un parti64: « Bon, pour moi, je pense qu'ils voudraient bien former une coalition ; ils l'ont tenté plusieurs fois.... Mais je pense que le problème est que chacun veut être le chef de la coalition, et c'est là le problème. Bon, à vrai dire, je comprends parfois, c'est la politique ; mais nous nous voudrions qu'ils mettent l'intérêt national avant leurs calculs politiciens. C'est vraiment dommage. » Mais un membre du BPN du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) soutient que l'infiltration des alliances par des partis satellitaires agissant au compte du régime au pouvoir aurait souvent joué contre les alliances. Peu importe les raisons de cet échec et leur pertinence, la conclusion est que l'échec de former de coalitions a contribué à l'échec des tentatives des partis d'opposition visant à conquérir le pouvoir en Guinée.

Section 9 : L'alternance démocratique en République de Guinée

Cependant, l'usage populaire de l'expression en donne un sens qui va au-delà du changement de personnalités d'un même groupe dirigeant à un véritable changement d'équipe gouvernementale. Ainsi, Jean-Louis Quermonne définit l'alternance au pouvoir comme « un changement de rôle entre les forces politiques situées dans l'opposition, qu'une élection au suffrage universel fait accéder au pouvoir, et d'autres forces politiques qui renoncent provisoirement au pouvoir pour entrer dans l'opposition. » C'est la même définition que lui donne Michael Bratton65 dans son article visant à analyser l'effet de l'alternance sur la perception des Africains de la démocratie. C'est en ce sens que le terme est employé dans la présente étude, c'est-à-dire le remplacement des anciennes autorités par de nouvelles élites appartenant à un parti de l'opposition ou une coalition de partis d'opposition." Et étant donné que chacun la Guinée a un système présidentiel, l'alternance ainsi définie ne peut s'effectuer qu'à travers les élections présidentielles. Ceci exclut donc de notre calcul les élections législatives. Mais même en considérant ces dernières, l'analyse des différentes échéances

64 Faye, « Guinée : Chronique d'une démocratie annoncée », Canada, Trafford, 2007.

65 Michael Bratton Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin (2004, pp. 147-158)

75

électorales qui ont eu lieu dans notre pays durant la période examinée montre que le vainqueur du scrutin présidentiel s'est toujours imposé au Parlement.

En ce sens, 1' « alternance au pouvoir » peut s'appliquer à la fois au changement de la composition partisane de la législature (Parlement) ainsi que le remplacement d'une équipe dirigeante de l'exécutif par une autre. Dans ce dernier cas, elle peut signifier simplement le remplacement de l'occupant du plus haut poste exécutif par une autre personnalité. C'est le sens que semble lui donner Jeffrey Herbst dans son état des lieux sur la libéralisation politique en Afrique. Car l'auteur, en parlant des changements de régimes, ne cite que les changements de leaders qui ont perdu des élections et, par conséquent, ont quitté le pouvoir.

Il est vrai qu'il y a eu des alternances au sommet de l'État, par exemple au Bénin, mais tous ceux qui sont venus au pouvoir dans ce pays depuis 1991 sont des candidats indépendants qui n'étaient pas présentés par des partis politiques. Et la Guinée était dirigée par le Parti de l'unité et du progrès (PUP) lequel est d'ailleurs l'avatar de l'ancienne junte militaire à la tête du pays depuis avril 1984 -depuis l'introduction du multipartisme dans le pays en 1991. Ce sont la mort, le 22 décembre 2008, du président Lansana Conté, et la prise du pouvoir, le lendemain, par une junte militaire qui ont mis fin au règne du PUP. C'est pour dire qu'aucun parti d'opposition n'y a réussi à conquérir le pouvoir dans la période considérée. Sauf le parti du (RPG) en 2010 diriger par l'ex-président Alpha Condé après plus 40 ans d'opposition. Que dire alors de ces variations ?

Pourquoi en est-il ainsi ? Les partis au pouvoir seraient-ils plus solides, mieux organisés, voire plus populaires que les partis d'opposition ? Y aurait-il un déficit organisationnel ou déficience stratégique de la part des partis d'opposition ? Pour bon nombre d'observateurs de la politique africaine et presque tous les leaders vaincus de l'opposition, la réponse est simple : les partis au pouvoir s'y maintiennent grâce au truquage des processus électoraux ; Ainsi, les partis d'opposition contestent souvent les résultats et crient à la manipulation.

D'autre part, l'alternance voulue est-elle ethnique ou idéologique ? Ces interrogations sont toutes légitimes dans un débat libre et démocratique. En effet, jamais dans son histoire politique, la Guinée n'a connu l'alternance démocratique au sommet de l'État. Aucun président au pouvoir n'a encore perdu une élection permettant à son concurrent de prendre sa place. L'ouverture démocratique initiée par le Général Lansana Conté après la prise du pouvoir par l'armée a certes permis la tenue de plus d'une élection présidentielle, mais elle

76

n'a pas empêché ce dernier à demeurer jusqu'à son dernier souffle le maître suprême du palais présidentiel. Avant lui, le Président Ahmed Sékou Touré était à la tête d'un régime où il était suicidaire de se déclarer opposant66.

Les deux présidents ont ainsi régné pendant un peu plus d'un demi-siècle sans que les guinéens ne vivent une seule fois l'alternance démocratique par la voie des urnes. À la mort de Lansana Conté, le Capitaine Moussa Dadis Camara à la tête d'une junte militaire avait au départ promis la transmission du pouvoir aux civils avant de se rétracter et d'être lui-même intéressé par celui-ci. Il a fallu l'entrée en scène du Général Sékouba Konaté, après la mise à l'écart de Dadis pour que les guinéens puissent voter en 2010 leur président, en la personne du Professeur Alpha Condé, dans le cadre d'une élection réunissant plusieurs candidatures concurrentes. Il ressort très clairement de ce cheminement historique que les chefs d'État guinéens se sont succédé à la tête du pays soit par suite d'une mort naturelle (cas de Sékou Touré et Lansana Conté), soit par une mise à l'écart provoquée par autrui (cas de Dadis Camara) et soit par un retrait volontaire (cas de Sékouba Konaté) après la tenue d'une élection qui a propulsé Alpha Condé à la tête du pays.

Ainsi, la Guinée a plutôt connu une succession de chefs d'État par différents mécanismes mais non par une alternance démocratique dans le sens d'une victoire électorale remportée par un président entrant contre un président sortant. L'autre question soulevée par la nécessité de l'alternance démocratique est de savoir ce que sera sa valeur ajoutée compte tenu de la nature du combat politique en Guinée. Ce combat se résume dans ses grandes lignes par une confrontation essentiellement ethnique. Les formations politiques les plus importantes du pays ne se définissent pas par leurs positionnements idéologiques ou leurs visions en faveur du développement. Au contraire, elles se distinguent par leurs capacités d'instrumentalisation des groupes ethniques auxquels appartiennent leurs leaders et qui forment autour d'eux un bloc homogène rigide. Cela est rendu possible par le fait que l'État en Guinée est encore et toujours dans sa forme néo-patrimoniale du pouvoir. C'est pour vous dire que, malgré toutes les techniques d'une coalition électorale de partis de l'opposition, on à remarquer c'est toujours le parti du pouvoir qui gagne l'élection depuis 1990 à 2020 dans notre pays d'étude la Guinée. Il est régi par un régime où ceux qui ont accès aux ressources nationales se préoccupent tout d'abord de « prendre soin » des leurs. Cette logique aboutit à la mise en place d'un système de redistribution où seuls auront accès aux postes de responsabilité les

66 Bratton Michael, « l'effet d'alternance en Afrique revue de la démocratie », 2004, pp. 147-158.

membres du réseau clientéliste constitué principalement des membres de l'ethnie auquel appartient le chef d'État. Et ce dernier n'a qu'un souci : demeurer à vie au pouvoir. C'est la seule garantie que lui et les siens continueront de bénéficier de leurs privilèges. Ils passeront ainsi la part la plus productive de leur temps à simuler des subversions et des complots, attribués à d'autres groupes ethniques dont le crime serait de rêver de prendre leur place. Ainsi, l'alternance recherchée ressemble fort à une alternance ethnique qui dans le fond, ne change pas grand-chose dans les maux de la société67.

Ce type de combat ramène perpétuellement sur la scène publique les mêmes problèmes d'unité et de cohésion sociale auxquels les citoyens sont confrontés dans l'ensemble. Dans ces conditions, le risque pour les nouveaux venus, à la suite d'une alternance même régulière, d'être combattus pour les mêmes raisons est énorme. Les partis politiques, les plus significatifs par le nombre, se battent en réalité pour les mêmes raisons : conquérir le pouvoir, s'y maintenir et s'approprier ses privilèges à titre exclusif et jamais dans l'intérêt collectif. C'est du moins l'impression qui se dégage en observant de près le combat politique en Guinée.

Or, il y a nécessité que le combat politique mute Guinée. Que la confrontation idéologique se substitue à la confrontation ethnique afin que l'alternance gagne en crédibilité et devienne la source d'évolution de nos moeurs politiques rétrogrades. C'est aussi à cette condition que l'alternance souhaitée pour la vitalité de la démocratie dans notre pays apportera un profond changement de notre système de gouvernance et renforcera l'unité nationale, qui reste le plus grand défi de la Guinée depuis plus de 60 années d'existence en tant qu'État.

77

67 Shedler, Andreas, « le menu de la manipulation, journal de la démocratie » juin 2002, pp. 36-50.

78

CONCLUSION GENERALE

La présente étude a, de manière générale porté sur l'alternance au pouvoir exécutif par les partis politiques de l'opposition en Afrique subsaharienne68. Le fait marquant est que malgré la prolifération du multipartisme dans la sous-région au début des années 1990, malgré la nature relativement compétitive des élections présidentielles, la victoire des candidats présentés par les partis de l'opposition n'est pas fréquente à ces élections.

En dépit de tout, certains partis d'opposition de la zone de notre étude ont bien réussi à conquérir le pouvoir exécutif. Ce constat a dû être problématisé. Le questionnement conséquent de cette problématisation est de savoir comment expliquer la réussite de certains partis d'opposition dans ladite zone et l'échec des autres dans leurs efforts de conquérir le pouvoir d'État. Pour répondre à cette question, nous avons réduit le champ d'étude dans notre pays de la sous-région, en l'occurrence, la République de Guinée. Nous avons ensuite procédé à une étude comparative entre les dynamiques politiques et les techniques d'acteurs de notre

pays entre janvier 1990 et décembre 2020. À l'issue de cette étude, un certain nombre de conclusions sont apparues évidentes.

Cependant, l'étude abordée sur certaines questions est faite de façon sommaire. Car n'étant pas directement liées à la problématique, mais qui comportent des aspects intéressants méritant d'être analysés en profondeur. Certaines de ces questions sont pourtant moins étudiées et constituent donc des champs en jachère pour la discipline de science politique. Ainsi, en plus de relever cette conclusion, il sera également question d'identifier quelques pistes de réflexion pouvant constituer des projets de recherche future.

Comme souligné ci-dessus, nous avons abordé un certain nombre de questions sans pour autant approfondir l'analyse de tous leurs aspects, car ces dernières ne sont pas directement liées à la problématique de l'étude. Or, certaines de ces questions ou leurs aspects non étudiés en profondeur méritent de l'être, ne serait-ce que pour le développement de la discipline. Le rôle crucial que jouent les acteurs individuels ou collectifs dans les changements politiques a été suffisamment mis en évidence dans la présente étude. Il a été surtout question de souligner l'importance des stratégies qu'emploient ces acteurs en vue de se maintenir au pouvoir ou d'y

68 Ouazani, Le Niger pourrait être considéré comme le neuvième pays ayant aboli ce dispositif, suivant l'adoption d'une nouvelle constitution en août 2009 qui ne le contient pas, 2009, CEDEAO. Coup d'Etat militaire ayant renversé le régime de Mamadou Tandja le 18 février 2010.

79

accéder. Mais une question dont tous les aspects n'ont pas été suffisamment abordés est le rôle des individus au pouvoir qui facilitent ou bloquent le changement. En d'autres mots, il a été bien établi que la plupart des leaders africains étaient contraints, par une conjugaison de pressions locales et étrangères, à permettre un certain degré de libéralisation de leurs systèmes politiques au début des années 1990. Ce processus a débouché sur une véritable libéralisation, voire de démocratisation, dans certains pays (comme au Bénin, au Ghana, et au Cap-Vert). Par contre, les leaders autoritaires d'autres pays (comme ceux de la République de Guinée, du Gabon, du Cameroun et du Burkina Faso) ont tangué et font quelques concessions sans vraiment céder.

Les concessions que certains de ces derniers ont fait seront plus tard récupérées à travers des tripatouillages constitutionnels, tels que ceux qui ont visé l'abolition des clauses limitatives des mandats présidentiels, introduites dans les constitutions de la plupart des pays africains au début des années 1990. Nous avons bien tenté d'expliquer pourquoi certains leaders ont réussi à outre passer la pression et/ou à amender ainsi la constitution, tandis que d'autres ont échoué. Les facteurs explicatifs avancés sont à la fois locaux (faiblesse de l'opposition, par exemple) et étrangers (les considérations géostratégiques des grandes puissances dans un pays comme l'Égypte).

Mais des questions sont restées en suspens : pourquoi des leaders, comme Rawlings au Ghana, n'ont « pas tenté » de modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir tandis que d'autres, comme les Guinéens Lansana Conté et Alpha Condé, l'ont fait, de meme que Alassane Wattara en Côte D'Ivoire, sachant que certains de ceux qui ne l'ont pas fait pouvaient bien se le permettre ? Le cas de Mamadou Tandja au Niger ne se conforme d'ailleurs pas aux variables utilisées pour expliquer l'échec de Muluzi au Malawi (2002-2003), de Chiluba en Zambie (2000-2001) et d'Übassanjo au Nigeria (2006) à se maintenir au pouvoir. En effet, Tandja a en vue de se maintenir au pouvoir au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel devant expirer le 22 décembre 2009, proposé de prolonger ce dernier de trois ans puis d'abolir la clause limitative dans la constitution.

Comme dans le cas de ces leaders, la tentative de Tandja a été efficacement opposée par la majorité écrasante des partis de l'opposition, des organisations de la société civile, de trois grandes institutions républicaines (le Parlement, la Cour constitutionnelle et la Commission électorale nationale), et des membres de la coalition dirigeante dont des ministres ont démissionné de son gouvernement. Certes, l'histoire postcoloniale de l'Afrique recèle

80

plusieurs exemples de ce type de cas, mais les temps ont changé depuis quelques années et bon nombre de ses homologues.

Peut-être la réponse se trouve dans une analyse psychologique de la personnalité des leaders en question. Peut-être ceux qui ont quitté le pouvoir étaient-ils soumis à des pressions non apparentes ? Une étude de David Owen (2009) tente une telle démarche. Selon cet auteur, l'expérience du pouvoir entraîne, chez un grand nombre de chefs d'État, des altérations psychologiques qui se traduisent par des illusions de grandeur et des attitudes narcissiques et irresponsables. Ces illusions constituent un « syndrome d'hubris » politique, qui fait que ces dirigeants estiment qu'ils savent toujours mieux que les autres et que les règles de moralité ne s'appliquent pas à eux.

81

BIBLIOGRAPHIE

I- WEBOGRAPHIE :

1- www.unesco.org/cpp/publications/mecanismes edbah.htm

2- www.ifrro.org

3- www.wikipédia.com

4- www.wiki doc.com

II- OUVRAGES GENERAUX, MAGAZINES ET ARTICLES :

1- Adamon, Afize D., « Le renouveau démocratique au Bénin : La Conférence Nationale des Forces Vives et la Période de Transition », Paris, L'Harmattan, 1995.

2- Adejumobi, Said, « Partis politiques en Afrique de l'Ouest : Le défi de la démocratisation dans les États fragiles », Stockholm, International ! DEA, 2007.

3- Akindès, Francis, « Les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone », Paris, Karthala, 1996.

4- Atangana-Amougou, Jean-Louis, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain, » ATANGANA.pdf [accès : 12 février 2009].

5- Attisso, Fulbert Sassou, « La problématique de l'alternance politique au Togo », Paris, L'Harmattan, 2001.

6- Ayittey, George, « La démocratie en Afrique précoloniale, » Afrique 2000 : Revue africaine de politique internationale, 2 Juillet-septembre 1990), pp. 39-75.

7- Badie, Bertrand, « Culture et politique », Paris, Economica, 1986.

8- Bah, Mahmoud, « Construire la Guinée après Sékou Touré », Paris, L'Harmattan, 1990.

9- Bah, Amadou Oury, Bintou Keita et Benoît Lootvoet, « Les Guinéens de l'extérieur : rentrer au pays ? » Politique africaine, 89 (décembre 1989), p. 22-37.

10- Balme, Richard, « Au-delà du choix rationnel : des sciences sociales plus politiques ? » Sociologie et sociétés, 34 (1), 2002, pp. 101-112.

11- Bangoura, Dominique, « De quel État et de quel régime politique parlons-nous ? » in Dominique Bangoura (dir.), Guinée : l'alternance politique à l'issue des élections présidentielles de décembre 2003, Paris, L'Harmattan, 2004, pp. 29-38.

12- Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura et Moustapha Diop (dirs.), « Quelle transition politique pour la Guinée ? » Paris, L'Harmattan, 2006, pp. 9-27.

13- Banégas, Richard, « Mobilisations sociales et oppositions sous Kérékou, » Politique Africaine, 59 (octobre 1995), pp. 25-44.

14-

82

Baudais, Virginie et Grégory Chauzal, « Les partis politiques et l'indépendance partisane d'Amadou Toumani Touré », Politique africaine, 104 (décembre 2006), pp. 61-80.

15- Bayart, Jean-François, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : 'La Baule,' et puis après ? » Politique africaine, 43 (Octobre 1991), pp. 5-20.

16- Annie Laurent, Pascale Delfosse et André-Paul Frognier (dirs.), Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Paris, L'Harmattan, 2004, pp. 47-70.

17- Jean-Pascal Daloz et Patrick Quantin (dirs.), « Transitions démocratiques africaines : dynamiques et contraintes », (1990-1994), Paris, Karthala, 1997, pp. 217-242.

18- Bolle, Stephane, Obligations constitutionnelles et légales des gouvernants et autres responsables politiques nationaux : Gouvernement, Assemblée nationale et institutions de l'État, Communication présentée à la « Conférence internationale : Les défis de l'alternance démocratique, » Cotonou, 23 au 25 février 2009.

19- Yves Mény (dir.), Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le rejet, Paris, L' Harmattan, 1993, pp. 165184.

20- Buijtenhuijs, Robert, « Les partis politiques africains ont-ils des projets de société ? L'exemple du Tchad, » Politique africaine, 56 (décembre1994), pp. 119-135.

21- Cabanis, André et Michel Louis Martin, « La pérennisation du chef de l'État : l'enjeu actuel dans les constitutions d'Afrique francophone », Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 349-380.

22- Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura et Moustapha Diop (dirs.), Enjeux et défis démocratiques en Guinée (février 2007 - décembre 2010), Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 85-90.

23- Carbone ; Giovanni , « Comprendre les partis et les systèmes de partis africains : entre modèle et recherches empiriques, » Politique africaine, 104 (décembre 2006), pp. 1837.

24- CEDEAO, « Les dirigeants de la CEDEAO demandent une suspension des élections législatives au Niger et une nouvelle transition en Guinée, » Communiqué no.2009, Abuja, 17 octobre 2009.

25- Chambers, Paul, « Guinée : le prix d'une stabilité à court terme, » Politique africaine, 94 (juin 2004), pp. 128-148.

26- Coulibaly, Abdou Latif, Wade, « Un opposant au pouvoir, l'alternance piégée ? » Paris, La Sentinelle, 2003.

27-

83

Coulibaly, Massa et Amadou Diarra, « Démocratie et légitimation du marché : Rapport d'enquête Afrobaromètre au Mali, décembre 2002, », no.34, 2004

28- Decraene, Philippe, « Le panafricanisme, Paris, Presses universitaires de France », 1964.

29- Delamou, Alexandre, « Les 32 jours de grève générale en Guinée : Le film des évènements », Conakry et Paris, L'Harmattan, 2007.

30- Diop, El Hadji Omar, « Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire », Paris, Publibook, 2006.

31- Diouf, Mamadou, « Assimilation coloniale et identités religieuses de la civilité des originaires des Quatre Communes (Sénégal), » Revue canadienne d'études africaines, 34(3), 2000, pp. 565-587.

32- Dissou, Machioudi, « Le Bénin et l'épreuve démocratique : Leçons des élections de 1991 à 2001 », Paris, L'Harmattan, 2002.

33- Holo, Théodore, « La Constitution, garante de l'alternance démocratique », Communication présentée à la « Conférence internationale : Les défis de l'alternance démocratique, » Cotonou, 23 au 25 février 2009.

34- Kéita, Sidiki Kobélé, « Des complots contre la Guinée de Sékou Touré », 1958-1984, Conakry, La Classiques guinéens, 2002.

84

ANNEXE

La carte du continent africain, vue d'ensemble :

La couleur grise représente l'Afrique blanche ou encore le Maghreb

La couleur verte est la partie du continent appelée Afrique subsaharienne

85

Source : fr.m.wikipedia.orp

86

Le découpage des territoires en fonction des pays. Aperçu de l'Afrique au sud du Sahara.

Source : fr.m.wikipedia.orp






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme