CONCLUSION GENERALE
In fine, ce mémoire intitulé «
La CEEAC et la problématique des élections
présidentielles au Tchad : implication et impact sur le processus
d'intégration régionale en Afrique
centrale » a pour but de questionner la portée
des actions de la CEEAC sur le processus d'intégration régionale,
la crédibilité, l'impartialité et la transparence des
scrutins qui ont cours au Tchad à partir du dispositif de l'observation
électorale.
Ce travail de recherche pose une préoccupation majeure,
celle de savoir pourquoi est-ce que la CEEAC est-elle invitée ou
s'invite-t-elle dans les questions électorales au Tchad. Pour tenter de
répondre à cette préoccupation, nous sommes partis constat
selon lequel, les élections en Afrique en général et au
Tchad en particulier, loin d'être des facteurs de stabilisation et de
pacification des Etats, posent plutôt avec acuité, une
problématique de conflits et deviennent des marqueurs de crises.
L'analyse de l'environnement politique au Tchad nous a fait observer que bien
que disputées à intervalles réguliers et jouant un
rôle capital pour le continent africain qui prétend au
développement, celles-ci sont caractérisées par le
contentieux d'éligibilité et le contentieux de contestation des
résultats et donc, les conflits pré et post-électoraux,
posant la problématique des élections à risque.
Notant que crises politiques en Afrique centrale conduisent le
plus souvent à la fermeture des frontières et de peur que ces
situations ne s'enlisent et ne touchent toute la sous-région, la CEEAC,
un espacede construction d'une communauté de valeurs partagées,
et ayant pour vocation première, la paix, se voit comme dans une
obligation d'intervenir dans les affaires politiques des Etats. Le
problème que pose, la présente recherche est celui des logiques
qui sous-tendent cette intervention de la CEEAC dans les questions politiques
et électorales internes aux Etats membres. L'on ne peut comprendre les
difficultés auxquelles fait face l'intégration régionale
en Afrique Centrale sans prendre en compte ce problème qui a pour
conséquence d'alourdir la dynamique et le processus de
l'intégration régionale. Ces questions politiques commandent les
faibles performances de l'intégration régionale en Afrique
Centrale.
La question centrale de notre recherche est la suivante :
Comment l'implication de la CEEAC dans l'observation des
élections présidentielles au Tchad peut-elle contribuer à
renforcer le processus d'intégration régionale en Afrique
centrale ?Cette préoccupation principale nous a
emmenés à dégager deux interrogations secondaires que
sont : Quels sont le cadre et les modalités d'implication de
la CEEAC dans l'observation des élections présidentielles au
Tchad ? Quel est l'impact de l'observation des élections
présidentielles au Tchad par la CEEAC sur le processus
d'intégration régionale en Afrique centrale ?
Pour tenter d'y répondre, nous avons formulé une
hypothèse centrale et deux hypothèses subsidiaires. La
première postule : L'implication de la CEEAC dans
l'observation des élections présidentielles au Tchad a permis de
construire le diptyque élections apaisées et stabilité
régionale, nécessaire au renforcement de la
crédibilité de ces élections et du sentiment
d'appartenance communautaire. Quant aux dernières, elles
arguent respectivement : Le cadre et les modalités d'implication de la
CEEAC dans l'observation électorale en Afrique centrale et au Tchad sont
constitués de dispositifs juridiques divers et des mécanismes
politiques, institutionnels et diplomatiques propres à la CEEAC ;
et l'observation des élections présidentielles au Tchad par la
CEEAC ont eu comme impacts, une construction quasi-permanente et consensuelle
des élections apaisées et pacifiques, la naissance d'un sentiment
d'appartenance conduisant à des effets de débordements (spill
over effect).
C'est donc en prenant appui sur le constructivisme et le
néofonctionnalisme et à partir des méthodes
hypothético-déductive, qualitative et évaluative, que nous
avons examiné les données collectées via la recherche
documentaire et les entretiens semi-directifs menés. Il nous a alors
paru indiqué, dans un souci d'organisation rationnelle des idées,
de subdiviser notre démonstration en deux grands moments correspondant
à nos deux hypothèses secondaires.
Le premier a consisté à analyser le cadre et les
modalités d'implication de la CEEAC dans les processus électoraux
au Tchad, notamment les élections présidentielles. Cette partie,
structurée autour de deux chapitres, tente de montrer que la question de
l'observation électorale en Afrique centrale en général et
au Tchad en particulier trouve ses fondements dans un effet-miroir de la
démocratisation des autres Etats dont l'Europe centrale, de l'Est et
balte et quelques autres Etats africains dont le Bénin et le
Sénégal, un effet miroir qui est la conséquence des
évènements intervenus au début des années 1990 avec
notamment la chute du mur de Berlin, actant la fin de la guerre froide et
l'éclatement de l'URSS. Elle s'appesantit aussi sur les fondements
universels, des déclarations et mesures clés de l'OUA/UA en la
matière. L'établissement d'instruments internationaux en la
matière et d'une Charte Africaine spécifique à la
Démocratie, aux Elections et à la Gouvernance, vient
résoudre le problème de l'encadrement juridique et de la
régulation des actions en faveur de la démocratie, des
élections et de la gouvernance. La question de l'observation des
élections en Afrique centrale par les missions internationales
d'observation électorale de la CEEAC peut également se lire
à travers sa construction institutionnelle et organique,
c'est-à-dire à travers l'ensemble des institutions mises en place
tant sur le plan continental, régional que national pour donner des
éléments de réponse aux préoccupations relatives
aux questions électorales de bonne gouvernance, et présenter de
façon hiérarchisée les acteurs qui interviennent dans le
processus de prise de décisions.
La seconde partie quant à elle s'est affairée
à apprécier l'impact ou du moins, la portée de
l'observation des élections présidentielles au Tchad par la CEEAC
sur le processus d'intégration régionale en Afrique centrale.
À ce niveau, nous nous sommes attelé à
réfléchir sur les impacts de ces actions sur la stabilité
du Tchad et partant, le processus d'intégration régionale en
Afrique centrale. C'est ainsi que nous avons présenté les impacts
positifs qui sont : l'inscription du Tchad dans une trajectoire
d'élections pacifiques et apaisées, l'acceptation du verdict des
urnes comme conséquence des actions de la CEEAC, la construction et la
consolidation d'une crédibilité de la CEEAC et l'apparition d'un
sentiment d'appartenance/d'allégeance à la CEEAC.
De même, les actions de la CEEAC dans l'observation des
élections présidentielles ont généré
quelques impacts négatifs que sont : la montée des groupes
hégémoniques, la légitimation d'une démocratie de
façade, la méfiance des investisseurs étrangers par
rapports aux violations des impératifs démocratiques et le
recours à la conditionnalité politique dans la coopération
et l'octroi de l'aide au développement.
Le dernier chapitre de notre travail nous a conduits à
relever quelques difficultés et limites inhérentes à
l'intervention de la CEEAC dans l'observation électorale que sont :
les conjonctures d'ordre normatif et opératoire et les limites
fonctionnelles et organisationnelles des élections
présidentielles au Tchad. Les solutions proposées et les
recommandations ont donc tourné autour d'une réorientation de
l'implication de la CEEAC à travers le renforcement des dispositifs
normatifs, logistique et la médiation électorale ; et une
meilleure prise en compte des volets opératoires et des conditions
sécuritaires des différentes missions d'observation
électorale.
Au regard de ce qui précède, la
problématique des élections et de la démocratie dans les
pays d'Afrique centrale en général, et du Tchad en particulier
reste une question majeure et jusqu'ici peu auscultée dans la
pensée politique ainsi que la kyrielle de questionnements que suscitent
les relations internationales de développement. Cette
problématique, qualifiée d'ailleurs de problématique
d'élections à risque continue d'ailleurs à donner lieu
à de nombreuses interrogations et analyses sur les espoirs qu'elle
provoque, mais aussi sur les moyens et mécanismes qui travaillent pour
son implantation et sa consolidation.
Eu égard à l'association entre les deux
rationalités évoquées tout au long de ce travail à
savoir l'observation électorale par les missions internationales de la
CEEAC et le processus d'intégration régionale en Afrique
centrale, l'inquiétude portée sur le rôle majeur
assigné à la première entité d'implanter les
pratiques démocratiques à travers la supervision,l'observation
électorale reste de mise, car partant de leur financement jusqu'à
leurs impacts et leurs rôles en rapport avec les processus
électoraux des pays organisant les scrutins en Afrique centrale en
passant par les difficultés auxquelles elles font face, les missions
d'observation électorale internationales de la CEEAC dans leurs
démarches n'en garantissent pas toujours la transparence,
l'honnêteté et la crédibilité, bien que des
institutions mises sur pied pour la gestion de ces opérations existent.
Au final, si elles sont confrontées à une kyrielle
d'écueils, force est de constater que les missions d'observation
électorale internationale de la CEEAC ont un impact dans l'organisation
et la gestion des processus électoraux. Et, à travers leur
présence, les processus électoraux qui ont cours dans les pays
d'Afrique centrale sont un gage, mieux, une assurance de
crédibilité, d'impartialité, d'honnêteté et
d'honorabilité, de loyauté.
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