III- Les critiques à l'encontre de la
libéralisation financière
Les exposés théoriques de Mc kinnon et Shaw ont
été attaqués et désapprouvés quelques
années après par différentes écoles de
pensée macro-économiques. Ces critiques avaient toutes pour
finalité de démontrer le caractère dangereux de la
libéralisation financière, et pour certaines, de souligner
l'utilité de la répression financière. Les post
keynésiens mettent en avant le rôle de la demande effective (A),
les néo structuralistes soulignent l'importance du système
financier dualiste dans la structure financière des pays en
développement, dualisme financier qui est une caractéristique
propre à ces pays (B), et les nouveaux keynésiens brandissent les
imperfections du marché et le rôle de l'Etat dans la
régulation de celles-ci (C).
A- De la demande effective chez les
postkeynésiens à une vision alternative destaux
d'intérêt
Pour les postkeynésiens la libéralisation
financière a des effets déformants sur la croissance
économique. La critique s'appuie sur la notion de demande effective.
Burckett et Dutt (1991) rappellent que l'investissement n'est pas une fonction
du taux d'intérêt sur les dépôts, mais dépend
plutôt de la demande effective, la demande anticipée des
entreprises. En effet les entreprises adaptent leur production en fonction de
la demande des ménages qu'elles anticipent. Lorsque le niveau de la
demande augmente, elles accroissent également leurs capacités
productives pour satisfaire ce niveau de la demande. La demande des
ménages est positivement liée à leur consommation. Or une
augmentation des taux d'intérêt créditeurs incite les
ménages à épargner, réduisant ainsi leur
consommation, puisque l'effet substitution l'emporte sur l'effet revenu. En
d'autres termes, si la rémunération de l'épargne est assez
importante, elle incite les ménages à reporter une partie de leur
consommation au profit d'une augmentation de leur épargne. La diminution
de la consommation des ménages et donc de la demande entraine
également la diminution de la production des entreprises, et de
l'investissement. Ce qui ralentit la croissance économique.
L'ensemble de la théorie de la libéralisation
financière suppose une relation croissante entre taux
d'intérêt réel et épargne. Cette dernière
croît lorsque le taux d'intérêt augmente provoquant
cependant et un effet de substitution et un effet de revenu. L'effet de
substitution encourage l'épargne en rendant la consommation courante
onéreuse, et l'effet de revenu décourage l'incitation à
investir suite à la hausse du taux d'intérêt réel.
Ainsi affirmer que la hausse des taux d'intérêt augmente
automatiquement l'épargne c'est ne prendre en compte que l'effet de
substitution qui implique, en effet, un accroissement de l'épargne
lorsque sa rémunération s'accroît. Pourtant, il faut y
ajouter un effet revenu qui, au contraire du précédent, implique
une relation décroissante entre épargne et taux
d'intérêt réel. Au total, l'effet est donc ambigu, sauf
à supposer, comme le fait Mc Kinnon, que l'épargne est
initialement tellement faible dans les pays en voie de développement que
l'augmentation de sa rémunération ne peut avoir qu'un effet
positif sur celle-ci. Toutefois un certain nombre de travaux restent prudents
dans leurs conclusions quant à la domination de l'effet de substitution
sur l'effet de revenu. Pour Morisset (1993), à moins que l'Etat
intervienne pour corriger les effets d'éviction entre les besoins
financiers du secteur public et la quantité de fonds disponible pour le
secteur privé, l'augmentation du taux d'intérêt n'affecte
pas toujours positivement l'investissement.
D'autre part il se pose d'autres problèmes induit par
l'augmentation des taux d'intérêt. Comme l'expose Venet (1994),
tout d'abord, il peut se poser un problème transitoire pour le secteur
bancaire et le gouvernement le temps que ceux-ci s'adaptent au nouveau niveau
des taux d'intérêt. Les banques peuvent subir des pertes
importantes liées à leur activité de transformation des
échéances. La hausse des taux d'intérêt, lorsque les
prêts sont accordés à taux fixe, provoque une diminution
provisoire de la marge bancaire liée à l'impossibilité
pour les banques de répercuter immédiatement l'augmentation du
coût de leurs ressources. Cette situation place le secteur bancaire dans
une situation de fragilité transitoire. De même le déficit
public peut se creuser encore d'avantage, le poids du service de la dette
publique augmentant. Ensuite le taux d'intérêt nominal peut
s'élever au-dessus du taux d'inflation, ce qui peut conduire à
une répression financière supplémentaire.
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